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N
° 2552

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2330, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

par M. Jacques REMILLER

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – UN EFFORT INTERNATIONAL CONTRE L’EVASION FISCALE 7

A – DES ORIENTATIONS FIXÉES PAR LE G20 7

B – L’AMÉLIORATION DES INSTRUMENTS EXISTANTS 9

1) L’adoption de standards communs 10

2) Le renforcement des structures internationales de contrôle 10

C – DES ÉTAPES CRUCIALES À RÉUSSIR 11

II – LA FRANCE AUX AVANT-POSTES DE LA LUTTE CONTRE L’EVASION FISCALE 13

A – DES MESURES NATIONALES CONTRE L’ÉVASION FISCALE 13

B – UN PROGRAMME CHARGÉ DE NÉGOCIATIONS 14

III – LE CAS DU LIECHTENSTEIN, OBJET DU PRESENT PROJET DE LOI 17

A – LE LIECHTENSTEIN, UN PARADIS FISCAL AU DÉBUT DE SA RÉDEMPTION 17

B – L’ACCORD FRANCO-LIECHTENSTEINOIS, CONFORME AUX EXIGENCES FRANÇAISES 18

1) L’équilibre général de l’accord, conforme en tous points aux objectifs de transparence 18

2) Des dispositions adaptées aux exigences françaises 20

CONCLUSION 23

EXAMEN EN COMMISSION 25

ANNEXES : Listes du forum global sur la transparence 29

– Liste initiale du 2 avril 2009 31

– Liste actualisée au 19 mai 2010 32

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 33

Mesdames, Messieurs,

L’existence de paradis fiscaux fait peser une pression sur les systèmes fiscaux des autres Etats. Combinant un système fiscal très avantageux, des règles juridiques opaques en matière de droit des affaires, et des dispositifs procéduraux rendant très complexe l’obtention par des administrations tierces de certains renseignements nécessaires à l’application de leurs règles nationales, un certain nombre d’Etats, ou de territoires jouissant d’une autonomie juridique et fiscale, offrent aux ressortissants fiscaux d’autres Etats des facilités pour échapper à l’impôt.

Pointés du doigt depuis longtemps par les principales institutions économiques internationales, au premier rang desquelles l’organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), les paradis fiscaux ne subissaient pourtant qu’une incitation limitée à faire évoluer leurs règles nationales.

La situation a changé au lendemain des trois sommets de chefs d’Etats et de gouvernements du G20 de Washington, Pittsburgh et Londres. Conscients de la nécessité de réduire le phénomène de l’évasion fiscale, et confrontés à une situation difficile de leurs comptes publics, les dirigeants des grandes puissances économiques ont considérablement accru la pression exercée sur les paradis fiscaux.

Des résultats ont déjà été obtenus. Les paradis fiscaux identifiés depuis longtemps, et dont la liste a été réactualisée en 2009 sous le vocable de territoires et Etats non coopératifs, ont tous reconnu et accepté l’application de règles internationales standard, fixées par l’OCDE et désormais défendues par l’organisation des Nations Unies. Ces entités jugées non coopératives se sont engagées à conclure de multiples conventions bilatérales afin de mettre en application effective ces standards de la manière la plus large possible.

La France a joué un rôle éminent dans ce processus international. L’accord qu’elle a signé, le 22 septembre 2009, avec le Liechtenstein, identifié dès 2000 comme un paradis fiscal par l’OCDE, fait partie d’une série de plus de dix accords et avenants destinés à mettre en application les standards de l’OCDE.

I – UN EFFORT INTERNATIONAL CONTRE L’EVASION FISCALE

La crise financière de la fin de l’année 2008 a donné l’impression d’une corrélation entre les mesures adoptées pour lutter contre l’évasion fiscale et les difficultés systémiques des institutions financières dans le monde. En réalité, si le sommet du G20 de Washington de novembre 2008 a été l’occasion d’accélérer le mouvement de lutte contre les paradis fiscaux, les premières initiatives dans ce domaine existaient déjà depuis plusieurs années.

Le processus international visant à limiter les possibilités d’évasion fiscal dans un contexte de liberté accrue de mouvement des capitaux est aujourd’hui entré dans sa phase de mise en œuvre. Plusieurs mesures concrètes ont été adoptées afin d’améliorer les textes existant.

Celles-ci mettent en jeu, d’une part, la liberté de fixation de leurs règles fiscales par des Etats souverains ou des territoires autonomes, et, d’autre part, la volonté commune à toutes les grandes puissances économiques de faire reculer l’évasion fiscale. Dès lors, le calendrier de vérification du respect, par les Etats objets d’un contrôle pour leur rôle présumé dans l’évasion fiscale, de leurs engagements pour lutter contre l’évasion, devient un enjeu crucial pour garantir l’effectivité des engagements pris par le G20.

A – Des orientations fixées par le G20

Le coût de l’évasion fiscale pour les grandes puissances économiques est difficile à estimer. L’étude la plus précise a été réalisée aux Etats-Unis, par le Sénat, qui chiffre à 100 milliards de dollars par an les pertes occasionnées par l’existence de paradis fiscaux (1).

Dans les autres pays, seules des études partielles ont été réalisées. Le Conseil des prélèvements obligatoires chiffrait, dans son rapport de 2007, la perte occasionnée par la fraude fiscale en France entre 29 et 40 milliards d’euros. Toutefois, le rapport ne précisait pas la part de cette somme imputable à l’évasion fiscale et à l’existence de paradis fiscaux.

Au Royaume-Uni, une étude concernant les comptes détenus par des contribuables britanniques dans des banques situées dans treize paradis fiscaux différents a permis d’estimer entre 1 et 1,5 milliard de livres sterling par an la perte fiscale occasionnée par ces pratiques.

L’absence d’appréhension exacte de l’ampleur de l’évasion fiscale est un excellent révélateur de la considérable difficulté rencontrée par les Gouvernements pour lutter contre le phénomène. Dans plusieurs pays, ou territoires bénéficiant d’une relative autonomie, la pression fiscale beaucoup plus faible que dans les grandes puissances économiques, combinée à l’existence de règles juridiques favorisant l’opacité (comptes anonymes, privilège du secret bancaire sur certaines règles fiscales, impossibilité de révéler les noms des propriétaires de certains types de sociétés) permettent de mettre en place des systèmes d’évasion fiscale très sûrs.

Conscients de cette impasse, les dirigeants des principales puissances économiques ont, depuis longtemps, marqué leur souhait de réduire les possibilités d’évasion fiscale, en promouvant la coopération dans ce domaine avec les territoires les plus à risque. Les sommets des chefs d’Etat et de Gouvernement du G20 organisés à Washington (15 novembre 2008), Londres (2 avril 2009) et Pittsburgh (24 et 25 septembre 2009) ont tous été l’occasion de souligner une nouvelle fois l’engagement ferme des Etats constituant ce groupe (2) de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales.

Lors du sommet de Londres, le secrétaire général de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) a rendu publique trois listes, demandée par le G20 lors du sommet de Washington, classant les différentes juridictions en fonction de leurs efforts pour appliquer le standard fixé par l’OCDE en matière de transparence et d’échange de renseignements(3).

Décrit à l’article 26 du modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune, le standard fixé par l’organisation en matière de transparence et de coopération pour l’échange de renseignements comprend cinq principes :

– Transmission des renseignements demandés par une autre juridiction lorsque ceux-ci sont « vraisemblablement pertinents » pour l’application de la loi fiscale sur le territoire de cette juridiction ;

– Interdiction de restreindre les échanges de renseignements en raison du secret bancaire ou des nécessités de la loi fiscale locale ;

– Nécessité pour la juridiction requise d’utiliser ses pouvoirs pour obtenir les renseignements demandés ;

– Respect des droits des contribuables, ce qui implique que les juridictions requises doivent respecter l’intégralité du droit fiscal local pour obtenir les renseignements demandés ;

– Stricte confidentialité des échanges d’informations.

Les trois listes publiées par l’OCDE en 2009 visaient donc à analyser le respect, par 87 Etats ou juridictions, du standard ainsi fixé. La première liste, baptisée « liste blanche » et constituée de 40 entités, regroupait les juridictions ayant effectivement appliqué le standard international. Elles avaient ainsi signé au moins douze conventions d’assistance administrative permettant l’échange de renseignements fiscaux conformes au standard.

La liste grise permettait d’intégrer les juridictions ayant reconnu les standards internationaux mais ne les ayant pas encore mis en œuvre, c’est-à-dire, n’ayant pas signé les douze accords requis. Cette liste contenait deux sous-catégories. La première, constituée de 35 juridictions, était celle des « paradis fiscaux », tels qu’identifiés en 2000 selon les critères fixés dans le rapport de l’OCDE publié en 1998 sur la compétition fiscale dommageable(4). La seconde regroupait les juridictions qui n’avaient pas été définies comme des paradis fiscaux en 2000, mais relevaient malgré tout de la liste grise.

Enfin, la liste noire regroupait les juridictions qui avaient, jusqu’alors, refusé de reconnaître les standards internationaux en matière de transparence et d’échanges de renseignements fiscaux.

La déclaration finale du sommet du G20 de Londres prenait acte de l’existence de ces listes, et demandait à ce que le standard de l’OCDE soit désormais reconnu internationalement. Ces principes ont été repris lors du sommet de Pittsburgh, fin septembre 2008, au cours duquel les dirigeants du G20 ont averti que des sanctions pourraient être prises avant mars 2010 contre les juridictions refusant de reconnaître les standards internationaux en matière de transparence.

B – L’amélioration des instruments existants

L’insistance des dirigeants du G20 à faire avancer le standard de l’OCDE en matière d’échange de renseignements fiscaux a permis d’obtenir des résultats rapides. Parallèlement à ces progrès, les mécanismes de contrôle du respect des engagements des juridictions en matière de transparence ont été réformés en profondeur.

1) L’adoption de standards communs

Plus aucune juridiction ne refuse désormais de reconnaître les standards fixés par l’OCDE dans le domaine de l’échange de renseignements en matière fiscale. La version la plus récente des listes élaborées pour la première fois en avril 2009 ne comporte donc plus aucune juridiction classée en « liste noire » (5).

Les dernières résistances ont été levées au cours de l’année 2009. Quatre membres de l’OCDE (Autriche, Belgique, Luxembourg, Suisse) et trois juridictions antérieurement considérées comme des paradis fiscaux (Andorre, Liechtenstein, Monaco) ont finalement accepté de reconnaître l’article 26 du modèle de convention fiscale de l’OCDE sur le revenu et la fortune.

En plus de ces progrès substantiels, un nombre important d’accords d’échanges de renseignements fiscaux, construits, comme l’accord faisant l’objet du présent projet de loi, sur la base du modèle publié par l’OCDE en 2002, ont été signés par les juridictions concernées par les questions d’évasion fiscale.

Alors que moins de trente accords sur l’échange de renseignements fiscaux avaient été signés entre janvier 2002 et juillet 2008, près de 300 ont été conclus depuis la fin du mois de septembre 2008, et plus de 400 si l’on inclue les accords visant à prévenir la double imposition. Signe de cette évolution positive, le nombre de membres de la liste grise, qui regroupe les juridictions ayant reconnu les standards fixés par l’OCDE, mais n’ayant pas ratifié les douze conventions conformes à ces standards considérées comme la preuve de l’engagement effectif à lutter contre l’évasion fiscale, est passé de plus de quarante à moins de vingt.

2) Le renforcement des structures internationales de contrôle

Les activités de l’OCDE en matière de lutte contre l’évasion fiscale et le comportement non coopératif de certaines juridictions ne relevant pas de sa compétence sont organisées, depuis 2000, au sein d’une instance informelle : le forum global sur la transparence et l’échange de renseignements.

L’accélération de la reconnaissance de ces mesures au niveau mondial dans ce domaine a conduit les participants au forum à modifier les règles de fonctionnement de ce dernier. Les nouveaux principes ont été fixés lors du sommet du forum organisé à Mexico les 1er et 2 septembre 2009.

Désormais, le forum doit inclure l’ensemble des membres de l’OCDE, du G20, et toutes les juridictions couvertes par les publications précédentes du forum, ce qui représente plus de 80 entités. De plus, le forum s’est doté d’un secrétariat autonome au sein de l’OCDE pour la politique et l’administration fiscale. Les travaux futurs du forum seront conçus au sein d’un comité de pilotage composé des représentants de huit membres (6). Enfin, le forum est chargé de mener l’examen du cadre juridique et de l’effectivité des échanges de renseignements prévus dans les accords d’échanges de renseignements fiscaux signés par les juridictions concernées.

En plus de ces missions directement liées aux engagements pris aux différents sommets du G20, le forum global sur la transparence est chargé d’aider les pays en développement à intégrer le mouvement international de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, et de prévoir, lorsque c’est possible, des mécanismes multilatéraux permettant d’accélérer le processus d’amélioration de la transparence, qui repose principalement sur la signature d’accords bilatéraux.

C – Des étapes cruciales à réussir

A l’initiative du G20, le monde s’est doté d’un standard international en matière de transparence et d’échange de renseignements fiscaux. Les normes prévues par le modèle de l’OCDE ont ainsi été inscrites dans le modèle de convention fiscale de l’Organisation des Nations Unies en octobre 2008.

L’explosion du nombre de conventions portant sur l’échange de renseignements fiscaux tend à montrer que de nombreuses juridictions traditionnellement peu coopératives dans ce domaine sont désormais enclines à adopter un autre comportement. Ainsi, alors que les paradis fiscaux identifiés par l’OCDE au début des années 2000 avaient eu tendance à passer des conventions entre eux, le forum a relevé que seulement 12 % des accords signés entre novembre 2008 et avril 2010 l’avaient été entre deux juridictions non coopératives, et la plupart des accords avaient été signés avec des membres de la liste blanche.

De plus, les règles de fonctionnement du forum global interdisent de signer des accords seulement avec des partenaires dépourvus d’importance économique, palliant ainsi un autre défaut des règles précédentes présidant à la catégorisation de certaines juridictions comme des « paradis fiscaux ».

Les engagements pris par les juridictions non coopératives, par l’intermédiaire des accords d’échanges de renseignement, doivent désormais donner lieu à un contrôle de la part des autres membres du forum global pour la transparence. Pour le mener à bien, le forum s’est doté de plusieurs instruments.

Ainsi, un comité d’examen par les pairs, composé de 30 membres et présidé par la France, a été créé. Celui-ci doit mettre au point les règles et la méthodologie du contrôle des juridictions non coopératives, et conduire l’examen de leur situation en deux temps. D’abord, un contrôle du cadre juridique et réglementaire de l’échange de renseignements, contrôle dit de « phase 1 ». Dans un second temps, l’effectivité de l’échange de renseignements sera évaluée par le comité ; on parle alors de contrôle de « phase 2 ».

Le comité de pilotage a déjà publié un calendrier prévisionnel de ses travaux, qui ont commencé au mois de mars 2010. Les contrôles de phase 1 devront être terminés au second semestre 2012. Les contrôles de phase 2 doivent, pour leur part, s’achever au plus tard à la fin du premier semestre 2014.

C’est l’efficacité de ces contrôles qui permettra, d’ici quatre ans, d’adopter d’éventuelles mesures de sanction au cas où les juridictions qui se sont engagées à respecter les standards internationaux en matière de transparence fiscale n’auraient pas apporté les preuves de l’évolution positive de leur droit interne.

Présidente du groupe de revue par les pairs, la France assume une responsabilité très particulière dans le processus actuel visant à améliorer la transparence des pratiques fiscales dans les territoires jugés non coopératifs. D’ores et déjà, notre pays a adopté des mesures pour renforcer les actions de coopération contre l’évasion fiscale, à la fois sur le plan intérieur, et dans le domaine diplomatique.

II – LA FRANCE AUX AVANT-POSTES DE LA LUTTE CONTRE L’EVASION FISCALE

La France a décidé de renforcer les règles légales applicables aux flux financiers existant entre les résidents fiscaux sur son territoire et les paradis fiscaux. Elle mène également une action énergique dans le domaine diplomatique pour mettre en œuvre les engagements pris dans le cadre du G20 et de l’OCDE.

A – Des mesures nationales contre l’évasion fiscale

Les lois de finances rectificatives n°2008-1443 du 30 décembre 2008 et n°2009-1674 du 30 décembre 2009 ont permis de renforcer les règles applicables aux échanges entre les résidents fiscaux et les territoires jugés non coopératifs par l’OCDE.

La loi de 2009 a notamment permis de modifier l’article 238-0 A du code général des impôts, concernant autrefois les Etats à fiscalité privilégiée, et introduisant, pour la première fois en droit français, la notion d’Etat ou territoire non coopératif, avec des critères de définition reprenant exactement les termes employés dans le cadre du forum global pour la transparence et l’échange de renseignements fiscaux de l’OCDE.

Plusieurs mesures permettent désormais de soumettre les flux de capitaux transitant vers ou depuis les territoires non coopératifs à des règles fiscales spécifiques, notamment l’imposition à 50 % des revenus passifs versés par des entreprises françaises à des résidents de territoires non coopératifs ou des sanctions visant les flux financiers à destination de territoires non coopératifs lorsqu’il n’est pas démontré que ces flux ont un autre objet que celui de profiter d’un régime fiscal plus favorable.

En plus de cette adaptation du droit fiscal français aux évolutions internationales en matière de lutte contre l’évasion fiscale, la France a mis en place deux dispositifs particuliers afin de réduire les pertes fiscales occasionnées par ce phénomène.

En premier lieu, une cellule de régularisation des avoirs fiscaux non déclarés dans les paradis fiscaux a été mise en place afin de permettre aux contribuables résidents de France détenant des avoirs non déclarés à l’étranger de régulariser leur situation.

Clos le 31 décembre 2009, ce dispositif a permis aux contribuables de s’acquitter de l’intégralité des droits dus, des intérêts de retard, et de pénalités modulées en fonction de la gravité des faits. Les 3500 demandes de régularisation enregistrées, portant sur plus de 6 milliards d’euros d’avoirs, ont permis de rapatrier près de 700 millions d’euros de recettes fiscales.

En second lieu, un nouveau fichier dont l’objet est de recenser les informations laissant présumer de la détention de comptes bancaires hors de France par des personnes physiques ou morales a été créé par arrêté en date du 25 novembre 2009, sous le nom « Evafisc ».

Collectées dans le cadre des enquêtes et des opérations de contrôle menées par l’administration fiscale, ou transmises par des tiers comme l’autorité judiciaire ou les autorités d’Etats tiers dans le cadre de la coopération sur les renseignements fiscaux, ces données sont gérées et accessibles par une cellule composée de quelques personnes au sein de la direction nationales des enquêtes fiscales.

La France a fait évoluer son droit interne pour accompagner les transformations importantes qui sont intervenues au cours des deux dernières années dans la lutte internationale contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux. Elle s’est également imposée comme une puissance motrice pour la généralisation des principes de coopération en matière d’échange de renseignements fiscaux.

B – Un programme chargé de négociations

Preuve de la place éminente qu’elle occupe dans la lutte contre l’évasion fiscale, la France a été choisie pour présider le comité des pairs chargé d’évaluer la mise en conformité du droit et des pratiques des territoires non coopératifs avec leurs engagements internationaux. Le premier représentant de la France à ce poste est M. François d’Aubert.

En plus de son rôle majeur dans le cadre multilatéral, la France poursuit une politique volontariste afin de signer avec l’ensemble des territoires non coopératifs des accords d’échanges de renseignements fiscaux sur le modèle de celui faisant l’objet du présent projet de loi.

Entre le mois de mars 2009 et le mois d’avril 2010, la France a signé 25 avenants à des conventions fiscales existantes, ou accords d’échanges de renseignements. Des négociations ont été entreprises avec l’ensemble des juridictions figurant sur la liste grise publiée en avril 2009 par l’OCDE. Certaines devraient s’achever prochainement. Parallèlement au présent projet de loi, dix accords d’échanges de renseignements, et quatre avenants à des conventions visant à éviter la double imposition, déjà existantes, ont ainsi été déposées sur le bureau de l’Assemblée Nationale.

La France a souhaité montrer son ambition dans le domaine de la transparence fiscale, en procédant, à chaque fois que cela était possible, à quatre séries d’améliorations par rapport au modèle d’accord sur les échanges de renseignements fiscaux rédigé par l’OCDE.

D’abord, au lieu de retenir le principe d’une énumération des impôts couverts par l’accord, la France a cherché à modifier l’article 3 du modèle pour permettre de couvrir l’ensemble des impôts existants prévus par les dispositions législatives et réglementaires des parties, ainsi que les impôts de même nature prévus après la date de signature de l’accord qui s’ajouteraient aux impôts actuels ou les remplaceraient.

En deuxième lieu, la France a précisé les stipulations relatives à la mise en œuvre de l’accord, en complétant le modèle de l’OCDE qui prévoyait que le droit interne de l’autre partie devait être adapté afin de se conformer et de donner effet à l’accord. La France a développé ce principe, et demandé que soit ajouté que l’adaptation de la législation devait avoir pour but de rendre effectif l’échange d’informations avec la nécessité de réunir trois conditions : l’information doit être disponible, l’administration de la partie requise doit y avoir accès, et doit être en mesure de la transmettre.

En troisième lieu, la France n’a pas retenu le principe de partage des frais, qui prévoit que la partie requérante doit assurer les frais administratifs extraordinaires générés par sa demande de renseignements. Dans la plupart des accords d’échanges signés par la France, il est précisé que le remboursement des frais extraordinaires par la partie requérante à la partie requise n’est pas obligatoire.

Enfin, la France a inversé le principe fixé par le modèle de l’OCDE concernant les limites d’échanges de renseignements concernant les sociétés cotées. L’OCDE prévoit en effet que l’échange ne doit pas être accepté sauf s’il ne crée pas de difficulté excessive, alors que la France soutient que l’échange doit être accepté sauf s’il crée une difficulté excessive.

Depuis les premières déclarations du G20 relatives à la transparence et la lutte contre la déclaration fiscale, la France a joué un rôle majeur pour favoriser la coopération dans ce domaine, tant au sein du G20 que de l’OCDE, instance exécutive principale pour ces questions.

Le présent projet de loi concerne l’une des manifestations de la politique active de la France dans la lutte contre l’évasion fiscale, et vise à faciliter l’accès, pour l’administration fiscale française, aux renseignements détenus notamment par les autorités du Liechtenstein et qui pourraient permettre d’appliquer la législation fiscale française à des résidents fiscaux en France.

III – LE CAS DU LIECHTENSTEIN, OBJET DU PRESENT PROJET DE LOI

A l’heure actuelle, les administrations fiscales françaises et liechtensteinoises ne sont liées par aucun texte international. L’accord signé le 22 septembre dernier vise donc à combler un sérieux vide juridique.

Menées dans de bonnes conditions, les négociations entre la France et le Liechtenstein ont permis d’aboutir à la signature d’un texte globalement conforme aux ambitions françaises en matière de lutte contre l’évasion fiscale.

A – Le Liechtenstein, un paradis fiscal au début de sa rédemption

Considéré depuis 2000 comme un territoire non coopératif, le Liechtenstein a été l’un des derniers à sortir de la liste de l’OCDE regroupant les juridictions considérées comme des paradis fiscaux. Il a ainsi été l’un des derniers à reconnaître les standards internationaux en matière de transparence et d’échanges de renseignements fiscaux.

Place financière réputée, spécialisée dans la gestion de fortune et la banque privée, le Liechtenstein poursuit une stratégie économique nettement déséquilibrée en faveur du développement des services financiers, qui représentent environ 30 % de son PIB. Plus de 400 gestionnaires d’actifs et sociétés fiduciaires sont implantés dans le pays, ainsi que plus de 60 sociétés d’assurance et sociétés gestionnaires de fonds. Environ 79 milliards d’euros d’actifs étaient gérés, en 2008, par des établissements situés au Liechtenstein.

Le droit du Liechtenstein comporte deux éléments considérés comme particulièrement opaques : le statut des « établissements » (Anstalten), au nombre de 14 604, qui ne rend pas obligatoire la publication régulière de comptes, et l’existence de 47 125 fondations (Stiftungen) qui ne publient qu’un bilan annuel, sont taxées seulement à hauteur de 0,1 % du capital détenu, et peuvent être dirigées par un conseil ne comportant qu’une personne physique de nationalité locale.

La mise à jour de détournements de plusieurs centaines de millions d’euros, impliquant notamment la banque de la maison princière du Liechtenstein LGT Group, et de hauts responsables économiques, principalement allemands, mais aussi américains et français, a renforcé les doutes sur la compatibilité du droit liechtensteinois avec les principes de transparence en matière fiscale.

Après avoir reconnu le standard international en matière de transparence fiscale en mars 2009, le Liechtenstein a signé un certain nombre d’accords permettant de rendre effectif ces nouvelles normes. L’accord signé avec la France le 22 septembre 2000 s’est accompagné de la signature d’accords d’échanges de renseignements fiscaux avec les pays suivants : Etats-Unis (8 décembre 2008), Royaume-Uni (11 août 2009), Allemagne (2 septembre 2009), Andorre (18 septembre 2009), Monaco (21 septembre 2009), Saint-Vincent-et-les-Grenadines (2 octobre 2009), Irlande (13 octobre 2009), Pays-Bas (10 novembre 2009), Belgique (10 novembre 2009), Antigua-et-Barbuda (24 novembre 2009), Saint-Christophe-et-Niévès (11 décembre 2009).

Parallèlement, le Liechtenstein a signé deux conventions fiscales permettant d’assurer l’échange de renseignements avec le Luxembourg (26 août 2009) et Saint Marin (23 septembre 2009).

Tous ces accords, comme celui qui fait l’objet du présent projet de loi, visent à garantir que le Liechtenstein se mette en conformité avec les standards nationaux en matière de transparence et d’échanges de renseignements fiscaux tels que prévus par les textes de l’OCDE.

B – L’accord franco-liechtensteinois, conforme aux exigences françaises

Construit à partir du modèle de l’OCDE, l’accord entre la France et le Liechtenstein de septembre 2009 reprend les principales exigences françaises dans ce domaine, plus ambitieuses sur certains points que les préconisations de l’OCDE.

1) L’équilibre général de l’accord, conforme en tous points aux objectifs de transparence

L’accord du 22 septembre 2009 vise à organiser une coopération administrative entre la France et le Liechtenstein en vue d’échanger des renseignements « vraisemblablement pertinents » pour l’application des règles prévues par le droit interne de chaque partie en matière fiscale. La caractérisation des renseignements qu’une partie peut demander à l’autre vise à éviter les requêtes trop vagues ou manifestement sans rapport avec l’application du droit fiscal. L’OCDE a toutefois précisé que la notion de « pertinence vraisemblable » devait être interprétée de la manière la plus large possible. Le cas échéant, la pertinence des renseignements peut n’être évaluée qu’une fois l’échange effectué.

Une partie peut donc demander à l’autre tout renseignement susceptible de l’aider, par exemple, à établir qu’un de ses ressortissants fiscaux dissimule des revenus ou du capital susceptibles d’être imposés.

L’ensemble des impôts existants sont concernés par l’accord. Celui-ci porte obligation, pour les deux parties, de fournir les renseignements demandés dans la mesure où ces derniers sont détenus par ses autorités ou sous le contrôle de personnes relevant de sa compétence territoriale. Le souci d’éviter que les demandes de renseignements se heurtent à une résistance de la partie requise est manifeste, notamment à l’article 5.

Ainsi, l’autorité requise ne peut refuser de transmettre le renseignement au motif que celui-ci ne serait pas nécessaire pour l’application de sa loi fiscale nationale. De même, les parties doivent veiller à ce que leurs autorités compétentes en matière fiscale aient accès aux informations détenues par les institutions financières et les personnes agissant en qualité de mandataire ou fiduciaire. Les parties doivent également s’assurer que leurs autorités peuvent accéder aux informations concernant les propriétaires juridiques des sociétés, des fondations et des fiducies, les deux dernières catégories ouvrant droit à des statuts particulièrement opaques en droit liechtensteinois. En revanche, les informations sur les sociétés cotées peuvent ne pas être transmises si cela devait engendrer des difficultés disproportionnées.

Contrepartie de cette obligation, la demande effectuée par la partie requérante doit satisfaire plusieurs critères, en mentionnant au moins l’identité de la personne sur laquelle porte le contrôle, la période sur laquelle porte la demande, la nature des renseignements et la forme sous laquelle ils doivent être transmis, le cas précis pour lequel ces renseignements sont demandés, les raisons donnant à penser que ces renseignements peuvent être vraisemblablement pertinents pour l’application de la législation fiscale de la partie requérante. Par ailleurs, la partie requérante fournit une déclaration attestant qu’elle a utilisé tous les moyens à sa disposition pour obtenir ces renseignements, et que sa demande est conforme à ses propres dispositions législatives et réglementaires.

Le non-respect de ces conditions est le premier motif possible de refus d’assistance par l’autorité requise, comme précisé par l’article 7. Ce dernier indique également qu’une demande peut être refusée si la divulgation des renseignements demandés est contraire à l’ordre public. Par ailleurs, les renseignements relevant de la confidentialité des échanges entre avocat et client, et les renseignements mettant en cause le secret commercial, industriel ou professionnel peuvent être refusés, bien que l’accord précise que cette exception n’est pas applicable aux informations relatives à la propriété juridique de sociétés, fondations ou fiduciaires, et aux renseignements connexes.

Une autorité requise peut également refuser d’exécuter des mesures administratives contraires à ses dispositions législatives et réglementaires ainsi qu’à sa pratique administrative. Là encore, cette exception ne peut être invoquée pour les informations relatives à la propriété juridique de sociétés, fondations, fiduciaires, et aux renseignements associés.

Enfin, la partie requise peut refuser de transmettre un renseignement que la partie requérante n’aurait pu obtenir en application de son propre droit, ou si ce renseignement visait à faire appliquer une règle discriminatoire à l’encontre des ressortissants ou citoyens de la partie requise par rapport aux ressortissants de la partie requérante. En revanche, le simple fait qu’une créance fiscale soit contestée n’est pas considéré comme un motif valide pour s’opposer à une demande de coopération.

L’article 6 de l’accord autorise les autorités de la partie requérante à entrer sur le territoire de la partie requise pour y procéder, soit à un entretien avec une personne physique sous réserve de l’accord écrit de cette dernière, soit pour assister à certaines phases d’un contrôle fiscal.

L’article 8 rappelle que les échanges de renseignements entre les autorités des deux parties sont strictement confidentiels et ne peuvent servir qu’aux fins d’application de la législation fiscale des deux parties. La divulgation des renseignements à un Etat tiers est prohibée.

Les articles 9 à 12 précisent les conditions d’application, de règlement des différends, d’entrée en vigueur et d’éventuelle dénonciation de l’accord.

Ainsi, les parties s’engagent à adapter leurs législations pour rendre effectifs les engagements pris au titre de l’accord. La législation française respecte déjà les stipulations de la convention. En revanche, le Liechtenstein devra montrer qu’il remplit de bonne foi ses obligations, et les évolutions de son cadre juridique et réglementaire, ainsi que sa pratique administrative, seront contrôlées dans le cadre du forum global sur la transparence de l’OCDE.

L’article 10 prévoit que les éventuels contentieux d’interprétation soient réglés à l’amiable, tandis que l’article 11 stipule que l’accord entrera en vigueur dès réception des instruments de ratification. Le même article rappelle que seuls les exercices fiscaux commençant le 1er janvier 2010 ou postérieurement seront concernés par l’accord. Enfin, l’article 12 permet à chacune des parties de dénoncer l’accord sous réserve d’un préavis de trois mois.

2) Des dispositions adaptées aux exigences françaises

Dans le cadre des nombreuses négociations qu’elle mène pour faire avancer ses objectifs de lutte contre l’évasion fiscale, la France pose systématiquement quatre conditions supplémentaires par rapport au modèle d’accord d’échanges de renseignements fiscaux de l’OCDE. Celles-ci sont reprises dans le présent accord signé avec le Liechtenstein.

Ainsi, l’article 3 de l’accord précise que l’ensemble des impôts existants dans les deux pays sont visés par les stipulation du traité, alors que le modèle de l’OCDE tend à établir une liste des impôts concernés.

De même, l’article 9 précise que l’adaptation des législations nationales, imposée par l’accord pour rendre effectif ses stipulations, vise à remplir trois objectifs principaux : la disponibilité des renseignements, l’accès à ces données, et l’effectivité de leurs échanges.

De plus, la formulation du dernier alinéa de l’article 5 § 4 est plus exigeante que celle du modèle. Selon l’accord entre la France et le Liechtenstein, la partie requise doit fournir des renseignements sur les sociétés cotées sauf si ces renseignements ne pouvaient être obtenus sans susciter des difficultés disproportionnées. Le modèle de l’OCDE stipule, pour sa part, qu’il ne fait pas obligation aux parties requises de rechercher des renseignements sur des sociétés cotées sauf si cette recherche pouvait être effectuée sans susciter de difficultés disproportionnées.

Enfin, l’accord ne prévoit aucun mécanisme récursoire des autorités requises contre les autorités requérantes au titre des frais administratifs engagés, contrairement au modèle de l’OCDE qui propose de faire supporter par les autorités requérantes les frais extraordinaires que leur demande aurait générés.

CONCLUSION

L’accord du 22 septembre 2009 entre la France et le Liechtenstein est une des manifestations concrètes d’un processus international relancé il y a maintenant deux ans.

Afin de faire avancer la lutte contre l’évasion fiscale, les chefs d’Etats et de Gouvernements du G20 se sont engagés à promouvoir un standard international pour la coopération entre les administrations fiscales des différents Etats et juridictions autonomes.

Désormais reconnu par l’ONU, ce standard peut être considéré comme la référence mondiale en matière de transparence et d’échange de renseignements à caractère fiscal. L’accord faisant l’objet du présent projet de loi le respecte, et va même plus loin sur certains points. Il garantit donc que l’administration fiscale française pourra exiger de la part de son homologue liechtensteinoise les renseignements nécessaires à l’application de la norme fiscale française à des résidents fiscaux de notre pays.

L’existence de juridictions non coopératives, situées sur des territoires dont les systèmes fiscaux sont particulièrement favorables, représente une perte sèche pour nos comptes publics, aujourd’hui dans une situation particulièrement difficile.

Dans le combat mondial qui s’est accéléré depuis les sommets du G20 de Washington et Londres, la France occupe une place éminente. Elle occupe ainsi la présidence de l’instance chargée de vérifier que les paradis fiscaux remplissent effectivement leurs engagements de modifier leur comportement et d’adopter une posture plus coopérative, permettant à tous les Etats de faire respecter leur législation fiscale.

Ces objectifs ne peuvent qu’être partagés, et le présent accord peut les faire avancer. Votre Rapporteur conclue donc en faveur de l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 26 mai 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Philippe Cochet. Ce type d’accord a au moins le mérite d’exister. Quelles sont les sanctions prévues, en cas de non-respect de ses dispositions ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Ces accords sont nouveaux. Une évaluation des mesures adoptées par les paradis fiscaux doit être conduite et achevée au plus tard en 2014. Des sanctions pourraient être adoptées avant cette date, et, dans tous les cas, un comportement non coopératif en 2014 fera l’objet de mesures de rétorsion de la part des 80 autres Etats impliqués dans le forum global pour la transparence de l’OCDE. Pour le moment, la ratification de cet accord permettra à la France de franchir une étape dans la lutte menée contre l’évasion et la fraude fiscales.

M. Jean-Marc Nesme. Je suis également sceptique, même si c’est mieux sans doute que rien. L’exposé des motifs nous indique que l’article 5, paragraphe 4 prévoit que « la limite à l’échange d’informations relative aux sociétés cotées ne s’applique qu’à la condition que cet échange ne puisse être réalisé sans créer de difficultés excessives ». Qu’en est-il exactement ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Cette condition est un peu plus exigeante que dans le modèle de l’OCDE, qui interdit la transmission de ces renseignements si celle-ci pouvait susciter des difficultés excessives. Il s’agit, dans ce domaine, d’éviter la dissémination d’informations pouvant inciter au délit d’initiés, ou fragiliser une entreprise sur les marchés face à d’éventuels repreneurs ou partenaires. Dans tous les cas, les problèmes liés aux paradis fiscaux, s’ils peuvent concerner les sociétés cotées, concernent surtout des sociétés au statut bien plus opaque que celui des sociétés cotées en Bourse.

M. Patrick Labaune. Je suis encore plus sceptique ! Quel est l’intérêt du Liechtenstein à signer un tel accord ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Le Liechtenstein veut éviter d’apparaître comme le mauvais élève en matière de transparence. Surtout, ce qui a changé avec les sommets du G20, c’est la menace de sanctions. Celles-ci ne sont pas illusoires. La France pourrait par exemple interdire à ses ressortissants d’y investir, ou soumettre les transferts de fonds dans ces pays à des prélèvements importants. Déjà, nous avons prévu d’appliquer des retenues à la source à certains revenus transférés dans des paradis fiscaux.

M. Jean-Paul Dupré. Qui peut ouvrir un compte dans ce pays ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Il n’y a pas de condition particulière pour l’ouverture de compte au Liechtenstein.

M. Jean-Paul Bacquet. J’attire l’attention du rapporteur sur le fait que nos collègues Vincent Peillon et Arnaud Montebourg ont été interdits de séjour à Monaco après leur rapport sur la Principauté !

M. Jacques Remiller, rapporteur. On ne peut juger la situation actuelle en fonction du passé. Monaco, Andorre et le Liechtenstein étaient les trois paradis fiscaux les plus réticents à évoluer depuis 2000. Pourtant, ils semblent tous chercher à améliorer leur situation, et leur image internationale.

M. Gérard Menuel. Quant aux droits des contribuables, la CNIL peut-elle limiter les actions prévues ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Tous les échanges d’informations sont couverts par l’obligation de confidentialité qui incombe aux deux parties.

M. Jacques Bascou. Quels sont les autres membres de l’OCDE qui ont signé cet accord avec le Liechtenstein, sachant que beaucoup d’entre eux ont des établissements bancaires qui y ont des filiales ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. A l’heure actuelle, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

M. Jean-Pierre Dufau. Je partage l’intérêt du rapporteur et ses doutes. L’article 9 parle de l’adaptation de la législation interne. Quels délais sont prévus pour cela ? Ce texte porte sur les échanges d’informations. Il sera surtout intéressant me semble-t-il de voir quelles suites seront données à terme à ces demandes de renseignements. Serait-il possible que d’ici deux ans, par exemple, un rapport soit présenté qui porte sur l’application de l’accord et son effectivité ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Pour le moment, il est difficile de savoir ce qui se passe exactement au Liechtenstein. Le présent accord aidera la France à lever ces difficultés. Il faudra attendre 2014 pour pouvoir prétendre à une évaluation de tous les paradis fiscaux et, a fortiori, le cas échéant, prendre des sanctions. Dès 2012, une recension des systèmes juridiques de tous les Etats membres du forum global sur la transparence permettra d’apprécier exactement les difficultés liées aux paradis fiscaux.

M. le président Axel Poniatowski. Il sera effectivement intéressant de faire le point après la ratification des douze accords. Une première évaluation sera en effet fort utile. Il ne faut pas non plus oublier que l’on nous a indiqué, lors des auditions auxquelles nous avons procédées, qu’il ne s’agissait que d’une première étape dans la lutte contre la fraude fiscale.

M. François Rochebloine. Les douze accords sont-ils identiques ? Y a-t-il des modifications ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Les différences sont marginales. Dans l’ensemble, la France va plus loin, avec ces accords, que le modèle de l’OCDE.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 2330).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXES

LISTES DU FORUM GLOBAL SUR LA TRANSPARENCE

– Liste initiale du 2 avril 2009 31

– Liste actualisée au 19 mai 2010 32

Rapport sur les progrès des juridictions suivies par le forum global de l’OCDE sur la mise en œuvre du standard international

(liste initiale du 2 avril 2009)

Juridictions ayant effectivement mis en oeuvre le standard international

Argentine

Australie

Barbade

Canada

Chine2

Chypre

République Tchèque

Finlande

France

Allemagne

Grèce

Guernesey

Hongrie

Islande

Irlande

Île de Man

Italie

Japon

Jersey

Corée du Sud

Malte

Maurice

Mexique

Pays-Bas

Nouvelle-Zélande

Norvège

Pologne

Portugal

Russie

Seychelles

Slovaquie

Afrique du Sud

Espagne

Suède

Turquie

Emirats arabes unis

Royaume-Uni

Etats-Unis

Îles vierges américaines

Juridictions ayant reconnu le standard mais ne l’ayant pas encore mis en oeuvre

Juridictions

Recon-naissance

Nombre d’accords

Juridictions

Recon-naissance

Nombre d’accords

Paradis fiscaux3

Andorre

Anguilla

Antigua et Barbuda

Aruba

Bahamas

Bahreïn

Belize

Bermuda

Îles vierges britanniques

Cayman Islands4

Îles Cook

Dominique

Gibraltar

Grenada

Libéria

Liechtenstein

2009

2002

2002

2002

2002

2001

2002

2000

2002

2000

2002

2002

2002

2002

2007

2009

(0)

(0)

(7)

(4)

(1)

(6)

(0)

(3)

(3)

(8)

(0)

(1)

(1)

(1)

(0)

(1)

Îles Marshall

Monaco

Montserrat

Nauru

Antilles néerl.

Niue

Panama

Saint-Christophe-et-Niévès

Ste Lucie

St Vincent & Grenadines

Samoa

Saint-Marin

Îles Turques et Caïques

Vanuatu

2007

2009

2002

2003

2000

2002

2002

2002

2002

2002

2002

2000

2002

2003

(1)

(1)

(0)

(0)

(7)

(0)

(0)

(0)

(0)

(0)

(0)

(0)

(0)

(0)

Autres centres financiers

Autriche5

Belgique5

Bruneï

Chile

2009

2009

2009

2009

(0)

(1)

(5)

(0)

Guatemala

Luxembourg5

Singapore

Switzerland5

2009

2009

2009

2009

(0)

(0)

(0)

(0)

Juridictions n’ayant pas reconnu le standard international

Juridiction

Nombre d’accords

Juridictions

Nombre d’accords

Costa Rica

Malaisie (Labuan)

(0)

(0)

Philippines

Uruguay

(0)

(0)

1. Le standard international, développé par l’OCDE en coopération avec des Etats non membres, approuvé par les ministres des finances du G20 lors du sommet de Berlin en 2004 et par le comité des Nations Unies pour la coopération internationale sur les questions fiscales lors de leur réunion d’octobre 2008, requiert de l’administration l’échange de renseignements sur simple demande dans tous les domaines fiscaux, et la mise en œuvre d’une législation fiscale sans considération des nécessités fiscales locales ou du secret bancaire. Il contient également des garanties étendues en matière de confidentialité des information échangées.

2. A l’exclusion des régions administratives spéciales, qui se sont engagées à appliquer le standard international.

3. Ces juridictions ont été identifiées en 2000 comme des paradis fiscaux sur la base des critères du rapport de l’OCDE de 2008.

4. Les Îles Caïman ont adopté une législation qui autorise l’échange d’informations unilatéral et ont identifié douze pays avec lesquels elles sont prêtes à agir de la sorte. Ces textes sont examinés par l’OCDE.

5. L’Autriche, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse ont retiré leurs réserves sur l’article 26 du modèle OCDE de convention fiscale. La Belgique a déjà écrit à 48 Etats pour proposer la signature de protocoles visant à actualiser l’article 26 des traités existants. L’Autriche, le Luxembourg et la Suisse ont annoncé qu’ils avaient commencé à écrire aux pays avec lesquels ils sont déjà engagé pour indiquer qu’ils entendaient désormais renégocier leurs traités pour inclure le nouvel article 26.

Rapport sur les progrès des juridictions suivies par le forum global de l’OCDE sur la mise en œuvre du standard international

(liste actualisée au 19 mai 2010) 1

Juridictions ayant effectivement mis en oeuvre le standard international

Andorre

Anguilla

Antigue et Barbuda

Argentine

Aruba

Australie

Autriche

Bahamas

Bahreïn

Barbade

Belgique

Bermudes

Îles vierges britanniques

Canada

Îles Caïman

Chili

Chine2

Chypre

République Tchèque Danemark

Dominique

Estonie

Finlande

France

Allemagne

Gibraltar

Grèce

Grenades

Guernesey

Hongrie

Islande

Inde

Irlande

Isle of Man

Israël

Italie

Japon

Jersey

Corée du Sud

Liechtenstein

Luxembourg

Malaisie

Malte

Maurice

Mexique

Monaco

Pays-Bas

Antilles néerlandaises

Nouvelle-Zélande

Norvège

Pologne

Portugal

Russie

Saint-Christophe-et-Niévès

Ste Lucie

St Vincent et Grenadines

Samoa

Saint-Marin

Seychelles

Singapour

Slovaquie

Slovénie

Afrique du Sud

Espagne

Suède

Suisse

Turquie

Îles turques et Caïques

Emirats arabes unis

Royaume-Uni

Etats-Unis

Îles vierges américaines

Juridictions ayant reconnu le standard international mais ne l’ayant pas encore mis en oeuvre

Juridiction

Reconnaissance

Nombre d’accords

Juridiction

Reconnaissance

Nombre d’accords

Paradis fiscaux3

Bélize

Îles Cook

Libéria

Îles Marshall Montserrat

2002

2002

2007

2007

2002

(4)

(11)

(0)

(2)

(3)

Nauru

Niue

Panama

Vanuatu

2003

2002

2002

2003

(0)

(0)

(1)

(2)

Autres centres financiers

Bruneï

Costa Rica

Guatemala

2009

2009

2009

(9)

(1)

(0)

Philippines

Uruguay

2009

2009

(0)

(5)

Juridictions n’ayant pas reconnu le standard international

Juridiction

Nombre d’accords

Juridiction

Nombre d’accords

Toutes les juridictions ont désormais reconnu le standard international

1. Le standard international, développé par l’OCDE en coopération avec des Etats non-membres, approuvé par les ministres des finances du G20 lors du sommet de Berlin en 2004 et par le comité des Nations Unies pour la coopération internationale sur les questions fiscales lors de leur réunion d’octobre 2008, requiert de l’administration l’échange de renseignements sur simple demande dans tous les domaines fiscaux, et la mise en œuvre d’une législation fiscale sans considération des nécessités fiscales locales ou du secret bancaire. Il contient également des garanties étendues en matière de confidentialité des information échangées.

2. A l’exclusion des régions administratives spéciales, qui se sont engagées à appliquer le standard international.

3. Ces juridictions ont été identifiées en 2000 comme des paradis fiscaux sur la base des critères du rapport de l’OCDE de 2008.

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement du Liechtenstein relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale, signé à Vaduz le 22 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de figure en annexe au projet de loi (n° 2330).

© Assemblée nationale

1 () Tax Haven Banks and US fiscal law compliance, rapport du sous-comité permanent aux enquêtes du Sénat des Etats-Unis.

2 () Le G20 regroupe vingt des plus grandes puissances économiques du monde (mesuré par le volume du PIB). Initialement limité à des réunions de ministres des finances et de gouverneurs de banques centrales, il organise, depuis le sommet de Washington, des réunions de chefs d’Etats et de Gouvernements. Les membres actuels sont les suivants : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Etats-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne.

3 () La liste figure en annexe du présent rapport.

4 () Après avoir identifié 38 juridictions comme des paradis fiscaux, dans son rapport de 2000, l’OCDE a progressivement vidé la catégorie de sa substance, tenant compte des engagements des juridictions ainsi identifiées à promouvoir la transparence et à mettre en place un échange effectif de renseignements en matière fiscale. Les trois dernières juridictions exclues de la liste, en 2009, ont été Andorre, le Liechtenstein et Monaco.

5 () Voir liste en annexe de ce rapport.

6 () Autriche (président du forum global), Allemagne, Chine, Bermudes (vice-président du forum), France, Inde, Japon, Singapour, Jersey.