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N
° 2788

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 septembre 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI n° 2587, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d’Antigua-et-Barbuda relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI n° 2588, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Grenade relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI n° 2589, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI n° 2590, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI n° 2591, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Christophe-et-Niévès relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

par M. Loïc BOUVARD

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – DES ÉTATS AUX STATUTS SIMILAIRES DOTÉS DE STRUCTURES ÉCONOMIQUES LARGEMENT TOURNÉES VERS LE SECTEUR FINANCIER 7

A – DES ETATS AUX HISTOIRES ET STRUCTURES INSTITUTIONNELLES PROCHES 8

1. Des Etats nés dans le sillage de l’expansion coloniale britannique 8

2. Des structures institutionnelles issues de la colonisation 9

B – DES ÉCONOMIES AUX STRUCTURES ÉCONOMIQUES TOURNÉES VERS UN SECTEUR FINANCIER FLORISSANT 10

1. Des économies en manque de diversification 10

2. Des secteurs financiers très développés 11

II – DES ACCORDS VISANT À FAVORISER LA TRANSPARENCE DES INFORMATIONS ECHANGÉES ET À FACILITER L’ACTIVITÉ DES ADMINISTRATIONS FISCALES 15

A – DES CHAMPS D’APPLICATION LARGES 15

B – DES STIPULATIONS RELATIVEMENT CONTRAIGNANTES 16

C – LE RESPECT DES DROITS DES CONTRIBUABLES 18

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

ANNEXE 25

____

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES  27

Mesdames, Messieurs,

Cinq projets de loi autorisant le gouvernement à approuver des accords bilatéraux relatifs à l’échange de renseignements en matière fiscale sont actuellement soumis à notre commission des affaires étrangères. En 2009, la grande attention attachée au niveau international à la lutte contre ce que l’on appelle communément les « paradis fiscaux » a en effet permis de conclure un grand nombre d’accords de ce type : des négociations commencées depuis des années se sont soudainement accélérées, d’autres ont été menées à bien en quelques semaines.

Jusqu’à une date récente, les efforts entrepris en matière de transparence et d’échange d’informations fiscales connaissaient peu de progrès. Une liste de paradis fiscaux avait été dressée en 2000 par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) dans le but d’inciter les Etats ou territoires non coopératifs en matière fiscale à mettre en œuvre des standards internationaux en matière de transparence. Malgré cette incitation, peu d’Etats s’étaient véritablement engagés dans une régulation de leurs pratiques fiscales. En vue de relancer ce processus de régularisation, une conférence internationale a été organisée fin 2008 à Paris, sous l’impulsion des ministres des finances français et allemand, visant à faire évoluer la situation. Depuis lors, de nombreux pays, et en particulier ceux qui figuraient sur la « liste grise », publiée par le Secrétariat de l’OCDE le 2 avril 2009, se sont engagés dans la signature d’accords internationaux devant permettre l’échange de renseignements conformément à ces standards.

Le présent rapport porte sur cinq accords de ce type conclus à l’issue des quelques semaines de négociations avec les gouvernements d’Antigua-et-Barbuda, de la Grenade, de Saint-Christophe-et-Niévès, de Sainte-Lucie et de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. La commission a choisi de leur consacrer un rapport unique dans la mesure où ces cinq Etats, tous situés dans les Caraïbes, ont des histoires et des structures économiques et politiques proches.

Après avoir présenté rapidement les institutions de ces Etats, votre Rapporteur rappellera à quel point leurs économies reposent sur des activités financières favorisées par leur refus d’échanger des renseignements fiscaux. Il présentera ensuite les stipulations des accords, qui sont identiques.

I – DES ÉTATS AUX STATUTS SIMILAIRES DOTÉS DE STRUCTURES ÉCONOMIQUES LARGEMENT TOURNÉES VERS LE SECTEUR FINANCIER

Tous les Etats avec lesquels la France a conclu les cinq accords qui sont l’objet du présent rapport sont d’anciennes colonies britanniques qui ont acquis leur indépendance pendant les années 1970 ou au début des années 1980. L’influence du Royaume-Uni est très marquée dans leurs systèmes institutionnels : les structures politiques des Etats sont « calquées » sur le modèle britannique et ils appartiennent au Commonwealth. Même si une grande partie du PIB de ces Etats provient d’une forte activité touristique, ces économies ont en commun une importante dépendance à un secteur financier qui s’est développé grâce à une fiscalité favorable.

QUELQUES DONNÉES DE BASE SUR LES CINQ ETATS CONCERNÉS

 

Antigua-et-Barbuda

Saint-Christophe-et-Niévès

Sainte Lucie

Grenade

Saint-Vincent-et-les-Grenadines

Superficie

(en km²)

442

261

616

350

434

Population

(en ordre de grandeur)

85 903

52 900

171 226

108 000

106 000

PIB

(en millions de dollars américains)

1 225

524

1 031

638

594

PIB/hab

(en dollars américains)

14 260

11 262

11 300

5 900

5 604

Monnaie (1)

Dollar des Caraïbes de l’Est (EC$)

Dollar des Caraïbes de l’Est (EC$)

Dollar des Caraïbes de l’Est (EC$)

Dollar des Caraïbes de l’Est (EC$)

Dollar des Caraïbes de l’Est (EC$)

Langues utilisées

Anglais, Créole anglais, Créole de Montserrat

Anglais, Créole kitticien (à base d’anglais)

Anglais et Créole

Anglais, Créole français

Anglais, Créole local


(1) Dollar des Caraïbes de l’Est ou EC$ (Eastern Caribbean dollar), lié au dollar américain au taux fixe de 1US$ = 2,70 EC$ depuis 1976, soit 1€ = 3,70 EC$.

A – Des Etats aux histoires et structures institutionnelles proches

Nourris par une histoire commune, ces cinq Etats des Caraïbes ont été longtemps sous domination britannique. Cette longue influence britannique a marqué le fonctionnement institutionnel de ces pays encore liés au Royaume-Uni par leur appartenance au Commonwealth ainsi que par l’action politique des Gouverneurs généraux chargés de représenter la reine d’Angleterre.

1. Des Etats nés dans le sillage de l’expansion coloniale britannique

La plupart de ces îles bordant la mer des Caraïbes ont été découvertes ou mentionnées par Christophe Colomb lors de ses expéditions entre 1492 et 1502 dans ce que l’on appelait encore « le nouveau monde ». Les premiers colonisateurs de ces archipels sont donc les Espagnols, dont le but premier a longtemps été la recherche de l’or. Les populations amérindiennes furent soit exterminées, soit asservies en vue d’alimenter les réseaux esclavagistes, malgré de farouches actes de résistance, comme ceux des indiens Caraïbes dans l’archipel de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Les empires coloniaux français et britannique participent, dès le XVIIe siècle, à la conquête de ces territoires encore largement méconnus. Ces îles ont donc fait l’objet de nombreux litiges entre les deux empires, ces derniers se livrant à plusieurs affrontements violents comme la bataille de la Grenade du 6 juillet 1779 pendant laquelle plusieurs dizaines de vaisseaux anglais et français se sont affrontés pour le contrôle de l’île. Le traité de Versailles de 1783 officialisera la cession des îles de Saint-Vincent-et-les-Grenadines à l’empire britannique. Dès le XVIIIe siècle, les colonisateurs exploitent les populations locales au sein de plantations et développent un commerce des plus fructueux reposant sur les exportations de café, de tabac, de sucre ou encore de maïs.

L’abolition de l’esclavage en 1834 entraîne une pénurie de main-d’œuvre dans les plantations et de ce fait un effondrement de la culture de la canne à sucre qui se combine avec l’essor de la culture de la noix de muscade et du cacao. Dès 1833, est créée la Fédération des Iles sous le vent, dirigée par un gouverneur chargé des affaires administratives des différents archipels. Elle regroupe plusieurs territoires sous dépendance britannique parmi lesquels Saint-Christophe-et-Niévès et Antigua-et-Barbuda. L’administration des Iles sous le vent est dissoute à la fin des années 1950 pour être remplacée, en janvier 1958, par la Fédération des Indes occidentales dont font notamment partie les cinq îles et archipels concernés par le présent rapport. Le Royaume-Uni voulait créer une nouvelle entité politique en vue d’accorder l’indépendance de ces possessions antillaises sous la forme d’un seul Etat. Néanmoins, les querelles politiques internes à la Fédération conduisent à son échec dès 1961. Suite à cet échec, le gouvernement britannique développe le concept d’Etat associé qui permet à ses anciennes possessions comme la Grenade ou encore Sainte-Lucie d’obtenir, à la fin des années 1960, une autonomie de plus en plus importante dans leurs affaires intérieures (la défense et les affaires étrangères étant encore sous le contrôle du Royaume-Uni).

A partir du milieu des années 1970, les différents archipels accèdent à l’indépendance vis-à-vis de la Couronne britannique et chacun des nouveaux Etats met en place un système parlementaire inspiré du modèle britannique sans que cela suscite de heurts. Néanmoins, en 1983, une lutte de pouvoir à la Grenade conduit à l’envoi d’une force militaire composée de troupes américaines (le nom de l’opération est significatif : « Urgent Fury ») et des autres îles voisines (dont Antigua-et-Barbuda, Sainte-Lucie et Saint-Vincent-les-Grenadines) qui renversent un conseil militaire révolutionnaire prosoviétique. Les nouveaux Etats ne perdent pas pour autant de vue l’importance d’un rapprochement avec l’ancienne puissance coloniale qui peut, grâce au Commonwealth, leur fournir un soutien financier important pour supporter les nouvelles charges qu’implique l’indépendance. Les cinq Etats y adhèrent dès leur indépendance. Les îles font partie de plusieurs organisations régionales comme la Communauté Caribéenne (CARICOM - fondée en 1973) ou l’OECS (l’Organisation des Etats de la Caraïbe orientale) qui ont pour objectifs de renforcer les liens interétatiques dans la Caraïbe et d’assister les Etats membres dans la réalisation de leurs obligations et responsabilités envers la communauté internationale.

2. Des structures institutionnelles issues de la colonisation

Les cinq Etats présentés dans le présent rapport ont des structures institutionnelles similaires, marquées de toute évidence par leur histoire et l’influence britannique. En effet, ce sont des monarchies parlementaires à l’image du Royaume-Uni. La Reine d’Angleterre reste officiellement le chef de l’Etat de ces cinq pays. Trois des cinq Etats sont dotés d’un système parlementaire bicaméral comprenant un Sénat (une quinzaine de sénateurs environ pour chaque Etat) et une Chambre des représentants (composée de 17 députés chacune). Saint-Christophe-et-Niévès et Saint-Vincent-et-les-Grenadines sont, pour leur part, dotés d’un système unicaméral avec une « House of Assembly » (de 15 membres pour l’un et de 21 pour l’autre) composée de sénateurs et députés, certains élus par circonscription au suffrage universel direct, les autres nommés par le Gouverneur général de l’île.

Le lien avec le Royaume-Uni est donc encore prégnant du fait de la présence dans les cinq Etats d’un Gouverneur général, représentant unique de la Reine Elizabeth II. Au-delà du lien symbolique qu’il incarne entre le Royaume-Uni et ses anciennes colonies, il est aussi chargé de la nomination directe ou indirecte (sur proposition du Premier ministre par exemple) du Chef du gouvernement (le leader du parti politique ayant remporté la majorité des sièges aux élections) ainsi que des membres du Sénat. Malgré un rôle plutôt protocolaire, le Gouverneur général garde, dans certain cas, un important pouvoir de décision pouvant aller jusqu’à la possibilité de dissoudre l’Assemblée (avec le consentement du Premier ministre), comme c’est le cas à Saint-Christophe-et-Niévès. Toutefois, il n’agit qu’à l’initiative du Premier ministre. Le pouvoir exécutif reste aux mains du Premier ministre et de son gouvernement. L’initiative des lois revient à la fois au gouvernement et au Parlement.

Le système judiciaire des cinq Etats est très inspiré du système judiciaire britannique et de sa common law. Il existe plusieurs tribunaux répartis en différents districts judiciaires, coiffés par une cour suprême, qui n’est toutefois pas l’instance judiciaire suprême puisqu'il existe une possibilité de recours pour les États de la Communauté caribéenne auprès de la Cour de justice caribéenne depuis 2001. En effet, jusqu’à cette date, ce droit de recours ne pouvait s’effectuer qu’auprès du Conseil privé de la Reine.

B – Des économies aux structures économiques tournées vers un secteur financier florissant

Les économies de ces Etats pâtissent d’un manque de diversification. En effet, l’agriculture, le BTP (construction d’hôtels et de résidences) et le tourisme constituent les principaux secteurs économiques.

Certains de ces pays jouent par ailleurs un rôle important dans la distribution de drogue dans l’ensemble de la Caraïbe mais aussi vers l’Amérique du Nord ainsi que l’Europe (Saint-Vincent-et-les-Grenadines est, par exemple, le plus grand producteur de marijuana de la région et est considéré par les autorités américaine comme un important lieu de stockage de cocaïne et d’armes directement venus d’Amérique du Sud par Trinidad et Tobago).

Enfin, les pays concernés par ces accords sont également de véritables places bancaires off-shore mises en cause par, notamment par l’OCDE, pour leur manque de transparence.

1. Des économies en manque de diversification

Pendant près de trois siècles, les îles en question ont été largement dépendantes de la production de sucre. Antigua-et-Barbuda en est l’exemple le plus flagrant avec une économie reposant en quasi-totalité sur les exportations de sucre. A la fin des années 1970, l’industrie sucrière a été pratiquement abandonnée à cause des coûts de production trop élevés. La plupart des Etats précités ont donc tenté au cours des années 1980 et 1990 de diversifier, au prix d’investissements massifs dans les transports, l’éducation et la santé, des économies traditionnellement axées sur l’agriculture afin de pallier la trop forte dépendance à l’égard de productions agricoles locales telles que la banane (qui contribuait à 21 % du PIB de Saint-Vincent-et-les-Grenadines en 1990 et à près de 50 % de ses exportations) ou encore la noix de muscade pour Antigua-et-Barbuda.

Sur la période 1995-2001, la croissance économique de ces Etats a oscillé au gré des variations saisonnières des secteurs agricole et touristique. A noter que les tornades successives (Lenny en 1999, Lili en 2002, Ivan en 2004 et l’ouragan Dean en 2007) ont largement affecté les plantations de bananes de l’archipel de Saint-Vincent-et-les-Grenadines et ont réduit l’afflux de touristes, déjà réduit par la hausse des coûts du transport aérien, affectés par l’augmentation des prix du carburant en 2007. L’économie de la Grenade a dû faire face aux conséquences du passage du cyclone Ivan en 2004, qui a dévasté l’île à 90 %, anéantissant les plantations de bananes et de noix de muscade de l’île.

Le tourisme demeure néanmoins une grande source de revenus pour ces Etats. Avec un flux de 800 000 visiteurs par an (soit dix fois la population des deux îles), certains pays comme Antigua-et-Barbuda dégagent de très forts revenus directement issus du tourisme (près de 50% de son PIB selon le FMI) de même que Saint-Christophe-et-Niévès dont l’activité touristique génère une importante rentrée de devises étrangères atteignant près de 27 % de son PIB en 2008. La croissance économique de ces pays a été également stimulée par le secteur de la construction, entraînant dans son sillage l’expansion des transports et du commerce de gros. A l’occasion de l’organisation de la Coupe du monde de cricket en 2007, organisée en commun par plusieurs pays de la région caraïbe, plusieurs projets ont vu le jour, tels que la rénovation et l’extension de l’aéroport ainsi que la modernisation du réseau routier de Saint-Christophe-et-Niévès et de Sainte-Lucie. Les financements étrangers ont afflué dans les infrastructures en vue de cette manifestation sportive, mais essentiellement dans le foncier privé (principalement dans les hôtels de luxe). Cette politique de grands travaux a eu de lourdes conséquences sur le solde budgétaire de ces Etats. En effet, le stock de la dette publique à Saint-Vincent-et-les-Grenadines a dépassé les 85 % du PIB en 2007 et celui d’Antigua-et-Barbuda a atteint, en 2008, 103 % du PIB, rendant nécessaire une aide conjoncturelle du FMI.

2. Des secteurs financiers très développés

Les accords qui sont l’objet du présent rapport concernent l’échange d’informations fiscales entre la France et les cinq Etats des Caraïbes dont les pratiques fiscales suscitent une grande inquiétude de la part des institutions internationales chargées de réguler la finance mondiale. Il est évident qu’une grande partie des économies concernées par ces accords repose sur des politiques fiscales favorables qui favorisent, de ce fait, l’afflux de capitaux étrangers dont les détenteurs cherchent à s’exonérer de taux plus élevés ayant cours dans leurs pays d’origine. En effet, d’après les informations fournies par le ministère des affaires étrangères et européennes sur la fiscalité applicable dans les cinq Etats, les taux d’imposition sur les sociétés varient en moyenne entre 25 % et 35 % mais les dividendes et plus-values générés par l’activité des entreprises sont quasiment exonérés de toute taxe. De plus, l’imposition des dividendes des non-résidents est comprise dans une fourchette de taux allant de 0 % à 25 % selon les pays.

Ces transactions dites off-shore sont effectuées à l’abri de toute surveillance des instances internationales et des administrations fiscales nationales et peuvent parfois faciliter le blanchiment de montants financiers colossaux issus du trafic de drogue ou d’armes. Les cinq Etats qui nous intéressent figuraient encore, il y a peu, sur la liste « grise » des paradis fiscaux établie par l’OCDE le 2 avril 2009. Ils avaient pris l’engagement de respecter les standards internationaux de transparence et d’échange de renseignements à des fins fiscales à la demande du G20, sans les avoir substantiellement mis en œuvre.

Soucieux d’être retirés de cette liste « grise », les cinq Etats ont signé, le plus souvent entre l’automne 2009 et le printemps 2010, un nombre d’accords suffisants pour figurer sur la liste « blanche », soit, à l’heure actuelle, douze pour la Grenade, dix-sept pour Antigua-et-Barbuda, dix-huit pour Saint-Christophe-et-Niévès et pour Sainte-Lucie et dix-neuf pour Saint-Vincent-et-les-Grenadines. La liste des pays avec lesquels ces accords ont été signés figure en annexe.

POIDS DU SECTEUR FINANCIER DANS CHACUN DES ETATS

 

Antigua et Barbuda

Grenade

Sainte-Lucie

Saint-Christophe-et-Niévès

Saint-Vincent-et-les-Grenadines

Dépôts en monnaie étrangère

(% du PIB)

8,20

7,20

5,80

26,70

2,30

Crédit interne au secteur privé

(% du PIB)

77,90

91,80

113,80

83,40

57,40

Sous la pression des instances internationales de régulation telles que le FMI ou l’OCDE, certains pays comme la Grenade ont remis de l’ordre dans leur fiscalité. Ainsi, une TVA a été approuvée par le Parlement grenadin en juin 2009 ainsi que la création d’une unité de gestion de la dette externe au sein du ministère des finances. Une réforme des impôts indirects est à l’étude et une taxe sur la propriété foncière devrait voir le jour d’ici à janvier 2011.

Malgré ces efforts notables, le secteur offshore reste très dynamique comme sur l’île de Niévès, où sont domiciliés une banque, 90 compagnies d’assurance, 3 800 trusts et environ 34 000 International Business Companies (IBC’s). Saint-Christophe-et-Niévès et Antigua-et-Barbuda hébergent aussi des entreprises de jeu sur Internet qui ont fait l’objet d’un litige avec les Etats-Unis en 2005, porté devant l’organe de règlement des différends de l’OMC et remporté par Antigua-et-Barbuda. Cela a permis depuis lors, l’implantation d’une vingtaine de compagnies de jeux en ligne sur différents sites à Antigua.

S’agissant des banques, il n’existe en Grenade par exemple aucune limitation à l’investissement étranger dans les banques onshore. Les banques à capitaux étrangers titulaires d’une licence et constituées en société sont soumises aux mêmes prescriptions que les banques à capitaux nationaux et peuvent donc fournir les mêmes services à des coût plus avantageux.

La crise financière de 2007 et son extension en 2008 aux économies réelles d’un grand nombre d’Etats à travers le monde n’ont pas épargné les archipels en question. Plusieurs grands groupes liés à la finance internationale ainsi qu’aux assurances ont fait faillite et mis en danger les fondamentaux économiques des Etats insulaires. En effet, la faillite du groupe trinidadien CLICO en janvier 2009, n’a pas épargné Saint-Vincent-et-les-Grenadines. La Commission des Opérations de Bourse des Etats-Unis (SEC) a d’ailleurs dénoncé la Millenium Bank établie à Saint-Vincent pour un montage de « cavalerie » estimé à 68 millions de dollars américains. Le FMI a, de ce fait, estimé que le risque lié aux filiales locales du groupe financier trinidadien équivaudrait à près de 25 % du PIB de l’île. Deux autres filiales de ce groupe installées à Sainte-Lucie se sont aussi retrouvées en difficulté, ce qui a obligé à nommer un administrateur judiciaire. Le même schéma s’est reproduit à la Grenade en février 2009 avec la faillite de deux filiales locales du groupe CLICO dans le secteur des assurances. La Capital Bank, l’établissement financier le plus important du pays, a du être reprise par l’Etat en vue de protéger les dépôts et son propriétaire placé en détention en mars 2009. Une lourde menace a aussi pesé sur l’économie d’Antigua-et-Barbuda après les faillites des banques SIB et BOA du milliardaire texan Allen Standford suite à une affaire de corruption en janvier 2009. Conjuguées aux faillites de filiales d’assurance du groupe CLICO telles que la CLICO Life Insurance et la British American Insurance (BAI) en janvier 2009, la situation économique de l’archipel s’est dégradée en quelques semaines, contraignant la Banque Centrale à mettre en place une garantie et un consortium de banque locales dès le 23 février 2009 pour stopper la contagion de la crise. Les activités bancaires offshore de ces Etats sont maintenant réglementées par la Grenada authority for the regulation of financial institutions (GARFIN) et placés sous la supervision de la Banque centrale des Caraïbes orientales.

II – DES ACCORDS VISANT À FAVORISER LA TRANSPARENCE DES INFORMATIONS ECHANGÉES ET À FACILITER L’ACTIVITÉ DES ADMINISTRATIONS FISCALES

Les accords avec les gouvernements d’Antigua-et-Barbuda, de la Grenade, de Saint-Christophe-et-Niévès, de Sainte-Lucie et de Saint-Vincent-et-les-Grenadines ont été signés entre le 1er mars et le 15 avril 2010, à l’issue de négociations lancées en 2009.

La France a en effet engagé des négociations au printemps 2009, en vue de la conclusion d’accords sur l’échange de renseignements fiscaux. Elle a depuis signé dix-huit accords de ce type et six conventions ou avenants à des conventions fiscales existantes ayant le même objet. Ces accords complètent le réseau français des traités internationaux permettant l’échange d’informations fiscales. Les accords de « deuxième génération », dont font partie les cinq qui sont l’objet du présent rapport, comportent des améliorations par rapport au modèle de base de l’OCDE, en particulier s’agissant des impôts couverts par les accords, de l’obligation pour les parties de prendre des mesures de nature à garantir la disponibilité des informations et leur propre capacité à y accéder.

A – Des champs d’application larges

Les cinq accords sont structurés de la même manière. L’article 1er présente leur champ d’application. Les impôts visés sont mentionnés dans l’article 3.

En concluant l’accord, les autorités compétentes des deux parties « s’accordent une assistance par l’échange de renseignements vraisemblablement pertinents pour l’application et l’exécution de la législation interne des Parties relative aux impôts et aux domaines fiscaux visés par le présent accord ». La notion de « vraisemblablement pertinent » vise à assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible tout en évitant que les parties à l’accord ne formulent des requêtes extrêmement vagues ou ne demandent des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents par rapport à l’objet de ces accords. Toutefois, afin de ne pas restreindre excessivement l’échange de renseignements, les standards de l’OCDE précisent que cette notion doit être interprétée assez largement et que, le cas échéant, la pertinence des renseignements peut n’être évaluée qu’après réception des renseignements. L’accord indique aussi que ces renseignements peuvent concerner n’importe quelle étape de la procédure fiscale : la détermination, l’établissement ou la perception des impôts, le recouvrement et l’exécution des créances fiscales, les enquêtes ou poursuites en matière fiscale pénale. Il appartient à l’autorité compétente de la partie requise de fournir directement les informations demandées. Dans la pratique, ces accords devraient trouver à s’appliquer principalement au bénéfice de la France.

En application de l’article 3, les autorités françaises pourront interroger les autorités de chacune des juridictions sur tout type d’impôts. Les cinq accords concernés ne présentent pas d’énumération des impôts visés, mais une mention générale : ils visent l’ensemble des impôts existants prévus par la législation interne de chacune des parties, ainsi que les impôts de même nature établis après la date de signature de l’accord. Cette disposition constitue une amélioration apportée au modèle de l’OCDE puisque les accords signés couvrent tous les impôts, y compris ceux qui seraient créés à l’avenir alors que le modèle de l’OCDE prévoit une énumération des impôts concernés. Dans les cinq Etats, les principaux impôts existants sont l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu. A noter, qu’il existe une TVA de 15 % à Antigua-et-Barbuda et à Saint-Vincent-les-Grenadines, réduite à 10 % à Saint-Vincent sur les services hôteliers.

B – Des stipulations relativement contraignantes

L’échange de renseignements est le cœur des accords, mais ils comportent aussi des stipulations relatives aux contrôles fiscaux à l’étranger.

L’échange de renseignements s’opère à la demande de la partie requérante, sans que la partie requise puisse y opposer l’absence de double incrimination (article 5 des accords). La partie requise doit fournir les informations demandées, y compris si cela impose qu’elle prenne des « mesures adéquates de collecte des renseignements ». La partie requérante peut demander que les informations lui soient fournies sous forme de dépositions de témoins et de copies certifiées conformes, si le droit de la partie requise le permet.

L’article 5 de chaque accord dresse une liste des informations que les autorités compétentes des parties doivent être en droit de fournir sur demande. Il s’agit notamment des renseignements détenus par les banques, les autres institutions financières et toute autre personne agissant en qualité de mandataire et de fiduciaire, mais aussi de certaines informations sur les différents types de bénéficiaires de structures plus ou moins complexes (sociétés, sociétés de personnes, fondations, fiducies…).

Le même article énumère les éléments devant figurer dans toute demande de renseignements. Outre des données factuelles (identité de la personne concernée par la demande, période sur laquelle celle-ci porte, nature et but fiscal des renseignements demandés), le requérant doit notamment justifier de la pertinence de la demande, expliquer en quoi la partie requise est susceptible de posséder ou de pouvoir obtenir ces renseignements, donner les informations qu’il possède sur ceux qui pourraient posséder les données demandées, attester de la conformité de la demande au droit et aux pratiques de la partie requérante, mais aussi attester du fait que celle-ci a utilisé pour obtenir ces renseignements « tous les moyens disponibles sur son propre territoire, hormis ceux susceptibles de soulever des difficultés disproportionnées ». Une partie n’a en effet pas à demander à un autre des renseignements qu’il peut obtenir sans trop de mal par ses propres moyens.

Afin d’assurer une « réponse rapide », les cinq accords instaurent des délais précis : l’autorité requise a 60 jours pour aviser l’autorité requérante d’une éventuelle lacune de la demande ; elle dispose ensuite de 90 jours pour fournir les éléments demandés ; une fois ce délai passé, elle doit, le cas échéant, indiquer à la partie requérante les raisons pour lesquelles elle n’est pas en mesure de répondre à sa demande. Ces stipulations constituent un réel progrès par rapport aux accords de « première génération ».

L’article 6 de chacun des accords porte sur les contrôles fiscaux à l’étranger. Ses stipulations sont identiques dans les cinq accords. Elles ouvrent la possibilité pour une partie d’autoriser les représentants de l’autre à entrer sur son territoire pour interroger des personnes, examiner et copier leurs documents, sous réserve d’avoir obtenu le consentement préalable de ces personnes. Elles prévoient aussi que l’autorité d’une partie peut, à la demande de l’autre, autoriser un représentant de cette dernière à assister à un contrôle fiscal conduit sur son territoire.

Seuls les articles sur l’échange de renseignements créent des obligations pour la partie requise, lesquelles sont limitées par plusieurs stipulations. Il est d’abord précisé (à l’article 2) que « une partie requise n’est pas soumise à l’obligation de fournir des renseignements qui ne sont pas détenus par ses autorités, ni en la possession ou sous le contrôle de personnes relevant de sa compétence territoriale ou susceptibles d’être détenus par elles », ce qui semble de bon sens. Ensuite, l’article 7 fixe les cas dans lesquels une demande peut être rejetée. Il s’agit d’abord du cas dans lequel les stipulations relatives à l’échange de renseignements ne sont pas respectées, c’est-à-dire la demande n’est pas soumise conformément à l’accord (voir supra, article 5). Figure ensuite un cas de refus mentionné traditionnellement dans les accords internationaux organisant une coopération dans un domaine ou un autre : il s’agit de permettre à une partie de refuser de divulguer des informations lorsque cette divulgation serait contraire à l’ordre public. Une demande peut aussi être refusée si les principes de symétrie et de non-discrimination ne sont pas respectés, c’est-à-dire si une partie demande des informations que son droit ou sa pratique nationale ne lui permettrait pas d’obtenir sur son territoire ou si les renseignements demandés seront utilisés de manière discriminatoire au détriment d’un ressortissant de la partie requise par rapport à un ressortissant de la partie requérante. Le même article exclut qu’une demande puisse être rejetée au motif que la créance fiscale dont elle est l’objet est contestée, mais il précise que l’accord n’oblige nullement « une Partie contractante à fournir des renseignements qui divulgueraient un secret commercial, industriel ou professionnel », tout en indiquant que la communication de renseignements bancaires ou relatifs à la propriété ou aux bénéficiaires de structures plus ou moins complexes (cf. supra) ne peut pas être refusée pour ce seul motif.

Enfin, l’article 10 des accords avec les cinq Etats concernés exige des parties qu’elles « adoptent toute législation nécessaire pour se conformer au présent accord et lui donner effet », ce qui inclut « la disponibilité des renseignements, l’accès à ces renseignements et l’échange de ces renseignements ». Les cinq Etats seront également tenus dans la pratique de respecter ses engagements et de mettre en œuvre l’accord signé avec la France. A défaut, les conséquences en seront tirées, comme pour les autres territoires, tant au niveau du Forum mondial qu’en interne.

D’une manière générale, le Gouvernement estime qu’il jugera du respect de ces obligations par l’expérience pratique que les services fiscaux français auront dès l’entrée en vigueur des accords et que d’éventuelles lacunes pourront également être mises en évidence dans le cadre de la revue par les pairs. Dans une telle hypothèse, le rapport du Forum mondial noterait que ces juridictions ne sont pas en conformité avec les standards internationaux. Dans le cadre de la revue pour les pairs mise en œuvre par le Forum mondial, les législations internes d’Antigua-et-Barbuda et de Saint-Christophe seront examinées au cours du premier semestre 2011 et celles de la Grenade, de Sainte-Lucie et de Saint-Vincent au cours du second semestre 2011. La mise en œuvre effective de l’échange d’informations fera quant à elle l’objet d’un examen au cours du second semestre 2013 pour l’ensemble de ces juridictions. Enfin, sur le plan bilatéral, la France pourrait, si nécessaire, aller jusqu’à dénoncer un accord si celui-ci ne pouvait pas être mis en œuvre. Une telle décision aurait pour effet de dégrader la notation de chacun de ces territoires en termes de transparence fiscale.

Pour ce qui est de la prise en charge des frais, les principes en sont fixés dans chaque accord (article 9). La logique est celle retenue dans le modèle de l’OCDE : en principe, les coûts ordinaires (frais d’administration ordinaires et frais généraux) sont pris en charge par la partie requise, les frais extraordinaires « directement engagés pour l’assistance » par la partie requérante. Néanmoins, le remboursement de ces derniers n’est qu’une possibilité ouverte à la partie requise, ce qui est présenté comme une avancée par rapport aux standards de l’OCDE.

C – Le respect des droits des contribuables

L’objet des accords est de faciliter l’échange de renseignements afin de renforcer la lutte contre la fraude fiscale, mais les droits des contribuables n’en doivent pas moins être respectés et conciliés avec cet objet. Plusieurs stipulations vont dans ce sens.

L’article 1er de chacun des accords affirme ainsi : « Les droits et protections dont bénéficient les personnes en vertu des dispositions législatives ou réglementaires ou des pratiques administratives de la partie requise restent applicables dans la mesure où ils n’entravent ou ne retardent pas indûment un échange effectif de renseignements. »

Dans le cadre d’un contrôle fiscal à l’étranger (article 6), la partie requise ne peut autoriser des représentants de l’autre partie à interroger des personnes, à examiner et copier leurs documents, que si ces personnes ont donné au préalable leur consentement écrit.

Votre Rapporteur a déjà mentionné le fait qu’une demande peut être rejetée si les renseignements sont destinés à permettre l’application d’une mesure qui serait discriminatoire à l’encontre d’un ressortissant de la partie requise par rapport à un ressortissant de la partie requérante se trouvant dans une situation identique : les contribuables des deux parties bénéficieront ainsi d’une égalité de traitement.

L’article 8 est consacré à la confidentialité. Les stipulations sont strictement identiques dans les accords avec les cinq Etats concernés. Les renseignements reçus sont tenus confidentiels. Ils ne peuvent être ni utilisés à d’autres fins que celles prévues par l’article 1er des accords sans l’autorisation préalable, écrite et expresse de la partie requise, ni divulgués à d’autres personnes ou autorités que celles concernées par ces fins. En revanche, dans la mesure où c’est toujours à ces fins, ils peuvent être rendus publics devant un tribunal. L’accord interdit la divulgation des renseignements fournis à une autre autorité étrangère.

Même les stipulations relatives à l’entrée en vigueur des accords traduisent le souci de respecter les droits des contribuables. Elles distinguent en effet l’échange de renseignements en matière fiscale pénale et celui concernant les autres questions. Cette distinction se justifie d’abord par les différences relatives au point de départ des prescriptions dans chacune des matières. En effet, en matière fiscale, la prescription est déterminée en fonction des notions d’exercice fiscal et d’obligation fiscale. En revanche, en matière fiscale pénale, le point de départ de la prescription pénale est déterminé par la date de commission de l’infraction, à savoir le jour du dépôt de la déclaration en cas de dissimulation, ou au jour de l’expiration du délai légal de souscription en cas d’omission de déclaration.

Ainsi, en matière civile, il est possible d’échanger des renseignements à compter de l’entrée en vigueur, mais uniquement concernant les exercices fiscaux ouverts postérieurement à la date d’entrée en vigueur ou concernant les obligations fiscales nées après cette même date, alors qu’en matière fiscale pénale, il est possible d’échanger des renseignements portant sur des exercices fiscaux ouverts avant la date d’entrée en vigueur ou sur des obligations fiscales nées avant cette date.

CONCLUSION

La conclusion de ces accords relatifs à l’échange de renseignements en matière fiscale avec des territoires encore considérés il y a peu comme non coopératifs est très importante pour eux, puisqu’elle leur a permis de sortir de cette catégorie et de retrouver une forme de respectabilité internationale. A ce jour, les cinq Etats n’ont pas notifié l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur des accords.

Pour la France, les enjeux ne sont pas du même ordre. Les bénéfices concrets – financiers – qu’elle peut en espérer sont impossibles à évaluer, de l’aveu même du Gouvernement. Mais ces accords ont en tout état de cause valeur de symbole : toute la communauté internationale sera attentive à ce que les signataires respectent leurs engagements, ce qui suppose que les accords ne soient pas seulement signés mais aussi entrent en vigueur et soient appliqués le plus rapidement possible.

C’est pourquoi votre Rapporteur est favorable à l’adoption des cinq présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine les présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 15 septembre 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jacques Remiller. Existe t-il un accord avec ces pays en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants ? Par ailleurs, il me semble que la signature des accords par ces pays est motivée par la seule volonté de sortir de la liste grise de l’OCDE. De quel moyen de pression dispose t-on pour s’assurer de leur application effective ?

M. Jean-Paul Dupré. Je m’interroge sur la crédibilité et la stabilité des structures étatiques de ces pays.

M. Pascal Clément. Je ne suis pas convaincu de la nécessité de ratifier ces accords. Ces pays vivent bien plus des activités financières que du tourisme pour lequel ils doivent faire face à une importante concurrence. Il est donc peu probable que la transparence dans ces matières s’améliore réellement. Je n’ai pas relevé dans votre exposé d’éléments faisant état de progrès sur ce sujet après la crise financière.

M. Robert Lecou. Je crains également qu’il s’agisse pour nous de voter des projets de lois qui permettent à ces pays de sortir de la liste grise. Leurs institutions seront-elles capables d’appliquer ces accords ?

Mme Henriette Martinez. Alors que les textes concernant les Pays-Bas et la Suisse, tous deux pays européens, sont qualifiés de convention, ceux avec les Caraïbes portent le nom d’accords. Cela me semble indiquer que la qualification de convention leur confère une plus grande solidité. Je partage par ailleurs la réserve de mes collègues vis-à-vis de ces textes.

Mme Martine Aurillac. Il faut soutenir ce début de chemin vers la transparence de la part de ces pays. Dans le cas contraire, nous ne pouvons nous appuyer sur aucune base pour exiger des efforts de leur part.

M. Eric Raoult. Je comprends mes collègues mais je veux leur rappeler que la France, grâce à la Martinique et la Guadeloupe, est voisine de tous ces Etats. De nombreuses communes guadeloupéennes et martiniquaises sont jumelées avec des homologues des autres îles environnantes. Il existe une coopération régionale en matière culturelle et sportive. Je veux donc mettre en garde mes collègues contre une attitude qui pourrait avoir des répercussions non négligeables sur les relations de la Guadeloupe et de la Martinique avec ces îles.

M. Jacques Remiller. J’entends l’argument de M. Raoult. Je crains cependant que la France, en ratifiant ces accords, ne devienne complice d’un trafic qui se poursuivra.

M. Loïc Bouvard, rapporteur. En rappelant au début de mon exposé la position géographique de ces îles, j’ai voulu souligner la présence de la France dans cette région. Ces pays veulent effectivement sortir de la zone grise et rentrer dans la zone blanche mais le Forum mondial réalisera en 2011 des contrôles qui pourront donner lieu à des sanctions en l’absence de progrès en matière de transparence fiscale, celles-ci pouvant aller jusqu’à sortir de la zone blanche. Par ailleurs, de nombreux autres pays ont signé avec ces Etats « confettis » des accords de même nature en espérant les faire adhérer aux normes internationales. Il est enfin important que le Parlement se prononce en faveur de ces accords afin que les autorités compétentes de notre pays puissent investiguer sur place comme les textes le permettent. En conclusion, nous avons intérêt à ce que ces pays « rentrent » dans la norme internationale

M. Robert Lecou. La réponse du rapporteur m’a convaincu de voter en faveur des projets de lois. Il était important de rappeler l’existence d’un contrôle à venir de la réalité des efforts entrepris par les pays signataires des accords.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification les projets de loi (no 2587, 2588, 2589, 2590 et 2591).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les présents projets de loi dans les textes figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

LES ACCORDS D’ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS FISCAUX SIGNÉS
PAR LES CINQ ÉTATS

Etat ou territoire signataire

Date de signature

Antigua-et-Barbuda

 

Etats-Unis

6 décembre 2000

Australie

30 janvier 2007

Danemark

2 septembre 2009

Pays-Bas

2 septembre 2009

Antilles néerlandaises

29 octobre 2009

Liechtenstein

24 novembre 2009

Belgique

7 décembre 2009

Irlande

15 décembre 2009

Royaume-Uni

18 janvier 2010

France

22-26 mars 2010

6 autres pays nordiques (1)

19 mai 2010

Aruba

1er septembre 2010

Grenade

 

Pays-Bas

18 février 2010

Belgique

18 mars 2010

Australie

30 mars 2010

France

22-31 mars 2010

Royaume-Uni

31 mars 2010

7 pays nordiques

19 mai 2010

Sainte-Lucie

 

Antilles néerlandaises

29 octobre 2009

Pays-Bas

2 décembre 2009

Belgique

7 décembre 2009

Danemark

10 décembre 2009

Irlande

22 décembre 2009

Royaume-Uni

18 janvier 2010

Australie

30 mars 2010

France

22 mars – 1er avril 2010

Aruba

10 mai 2010

6 autres pays nordiques

19 mai 2010

Allemagne

7 juin 2010

Canada

18 juin 2010

Portugal

14 juillet 2010

Etat ou territoire signataire

Date de signature

Saint-Christophe-et-Niévès

 

Pays-Bas

1er septembre 2009

Danemark

1er septembre 2009

Aruba

11 septembre 2009

Antilles néerlandaises

11 septembre 2009

Nouvelle-Zélande

24 novembre 2009

Liechtenstein

11 décembre 2009

Belgique

18 décembre 2009

Royaume-Uni

18 janvier 2010

Australie

5 mars 2010

6 autres pays nordiques

24 mars 2010

France

22 mars – 1er avril 2010

Canada

14 juin 2010

Portugal

29 juillet 2010

Saint-Vincent-et-les-Grenadines

 

Aruba

1er septembre 2009

Danemark

1er septembre 2009

Pays-Bas

2 septembre 2009

Autriche

14 septembre 2009

Liechtenstein

2 octobre 2009

Belgique

7 décembre 2009

Irlande

15 décembre 2009

Royaume-Uni

18 janvier 2010

Nouvelle-Zélande

16 mars 2010

Australie

18 mars 2010

6 autres pays nordiques

24 mars 2010

Allemagne

29 mars 2010

France

22 mars – 13 avril 2010

Canada

22 juin 2010

N.B. : A ce jour, seul l’accord entre les Etats-Unis et Antigua-et-Barbuda est en vigueur, depuis le 10 février 2003.

Ces informations datent du 13 septembre 2010.

Source : ministère des affaires étrangères et européennes.

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (2)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d’Antigua-et-Barbuda relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 22 mars 2010 et à Londres le 26 mars 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord par échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Grenade relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 22 mars 2010 et à Saint-Georges le 31 mars 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 22 mars 2010 et à Castries le 1er avril 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord par échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 22 mars 2010 et à Kingstown le 13 avril 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Christophe-et-Niévès relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 22 mars 2010 et à Saint Kitts le 1er avril 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte des accords figure en annexe aux projets de loi (nos 2587, 2588, 2589, 2590 et 2591).

© Assemblée nationale

1 () Les pays nordiques mènent une stratégie de négociations multilatérales. Ce groupe est habituellement constitué de sept pays : le Danemark, la Finlande, le Groenland, les Iles Féroé, l’Islande, la Norvège et la Suède. Dans quatre des cinq cas qui nous intéressent ici, le Danemark a signé un accord avant les six autres pays nordiques.

2 () pour les projets de loi nos2587, 2588, 2589, 2590 et 2591.