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N
° 2819

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 septembre 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, relatif à la gestion de la dette sociale (n° 2781),

PAR Mme Marie-Anne Montchamp

Députée.

——

Voir les numéros :

Sénat : 672, 690, 691, 694 et T.A. 160 (2008-2009)

Assemblée nationale : 2781, 2821, 2825

INTRODUCTION 5

I.– LE REPORT DE QUATRE ANS DE L’EXTINCTION DE LA CADES : UNE MESURE REGRETTABLE 6

A.– UN TEMPS PRÉCIEUX A ÉTÉ PERDU 6

1.– Le rendez-vous manqué de la LFSS pour 2010 6

2.– Le poids des déficits cumulés : un risque majeur pour l’ACOSS 7

B.– LE REPORT DE 2021 À 2025 DE L’ÉCHÉANCE DE LA CADES FRAGILISE LA CRÉDIBILITÉ DE LA PAROLE PUBLIQUE 8

1.– La règle mise en place en 2005 se voulait intangible 8

2.– Une entorse à la règle dont on ne peut prévoir toutes les conséquences 9

II.– DES RECETTES NON PÉRENNES QUI GÉNÈRENT UN RISQUE RÉEL POUR LE PORTAGE DE LA DETTE SOCIALE 11

A.– L’IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ D’ASSURER LA PÉRENNITÉ ET LA DYNAMIQUE DES RECETTES AFFECTÉES À LA CADES 11

B.– LA MOBILISATION DU FRR REPOSE SUR UN PARI HASARDEUX 16

C.– UN RISQUE FINANCIER SYSTÉMIQUE 18

1.– La CADES est-elle à même d’assumer ces reprises dans le cadre proposé ? 19

2.– Un plan de financement qui ne traite pas le problème des déficits structurels futurs et de la reconstitution de la dette 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

I.– DISCUSSION GÉNÉRALE 23

II.– EXAMEN DES ARTICLES 31

Article 1er : Dérogation au principe de non-allongement de la durée d’amortissement de la dette sociale et garantie de la pérennité des recettes de la CADES 31

Article 2 : Information du Parlement sur la situation patrimoniale de la sécurité sociale et sur la construction et l’exécution de l’ONDAM 39

Article 3 : Avis de la Cour des comptes sur la situation patrimoniale des organismes de sécurité sociale 44

Article 4 : Entrée en vigueur des différentes dispositions du présent projet de loi organique 45

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION  47

ANNEXE I : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 53

INTRODUCTION

Dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, le Gouvernement s’était engagé à lancer, avec l’association du Parlement, une réflexion afin de dégager des réponses à la question du traitement des déficits sociaux à l’horizon 2011 : les travaux de la Commission de la dette sociale, composée de cinq députés et de cinq sénateurs, dont a fait partie le Rapporteur pour avis, ont permis de présenter les options envisageables. Le présent projet de loi organique constitue aujourd’hui une partie de la traduction de la solution retenue. Il organise en effet les conditions d’un transfert de dettes sans précédent, qui sera pour partie effectué dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Près de 130 milliards d’euros de déficits seront ainsi transférés à la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), un montant équivalent à la dette qui lui a été transférée depuis sa création en 1996 : ce sont 68 milliards d’euros que la Caisse se verra en charge de financer dès 2011.

Pour la première fois, la CADES voit le cadre organique de son exercice remis en cause. Le report de quatre ans de l’échéance d’amortissement de la dette, certes exceptionnel et limité dans sa durée, n’est pas sans conséquence sur le risque financier, et cela, d’autant plus qu’une partie des recettes qui lui seraient affectées dans le cadre des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2011 n’aura pas de rendement pérenne.

Si l’ampleur des déficits accumulés et le poids qu’ils font peser sur l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) plaide incontestablement pour un tel transfert, le schéma de financement retenu fragilise le modèle de financement de la CADES, qui repose depuis sa création sur des recettes dont l’assiette présente un dynamisme constant, celle des prélèvements sociaux. Ainsi, la Caisse risque de se trouver exposée à une perte de crédibilité vis-à-vis des marchés qui assurent son refinancement.

Enfin, si le principe d’une mobilisation des actifs et de la recette du fonds de réserve des retraites (FRR) est cohérent au regard des enjeux, les modalités de leur décaissement ne contribuent pas à renforcer la position de la CADES dans sa mission d’amortissement de la dette.

I.– LE REPORT DE QUATRE ANS DE L’EXTINCTION DE LA CADES :
UNE MESURE REGRETTABLE

A.– UN TEMPS PRÉCIEUX A ÉTÉ PERDU

L’aggravation exceptionnelle des comptes de la sécurité sociale en 2009 et 2010 nous met aujourd’hui au pied du mur : il n’est plus possible de prolonger l’exercice d’équilibrisme qui a prévalu cette année, et qui a conduit à reporter sur la trésorerie de l’agence centrale des organismes de sécurité (ACOSS) le poids des déficits sociaux.

1.– Le rendez-vous manqué de la LFSS pour 2010

La crise qui a frappé l’économie française en 2009 s’est traduite par un ralentissement important de la masse salariale (de –1,3 % en 2009 et une très faible progression en 2010, à hauteur de +0,3 %) et une chute des revenus du capital, qui expliquent en grande partie le creusement exceptionnel des déficits du régime général sur ces deux années.

ÉVOLUTION DE LA MASSE SALARIALE ANTICIPÉE EN MAI 2010

Source : agence centrale des organismes de sécurité sociale, mai 2010 – Séquoia

En intégrant le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ceux-ci s’établiraient à –24,9 milliards d’euros en 2009 et à –29,2 milliards d’euros en 2010, selon les dernières prévisions publiées par la commission de la dette sociale dans son rapport de septembre 2010.

Les projections pluriannuelles associées à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui présentaient des déficits annuels du régime général et du FSV de 34 milliards d’euros en 2011, 33 milliards d’euros en 2012 et 32 milliards d’euros en 2012, ne permettaient pas, aux yeux du Rapporteur pour avis, de reporter les décisions quant au traitement de ces déficits cumulés, d’autant plus que ces projections reposaient sur des hypothèses macroéconomiques optimistes (une croissance du PIB de 2,5 % par an et une progression de la masse salariale de 5 % sur la période 2011-2013).

C’est pourquoi dans le cadre de sa mission de Rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, elle avait proposé, à l’automne 2009, un transfert à la CADES des déficits cumulés du régime général et du FSV sur l’exercice 2009, assorti d’un relèvement du taux de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). La sagesse recommandait une telle mesure, qui permettait d’une part de ne pas faire peser sur l’ACOSS le poids du financement des déficits cumulés du régime général, et s’avérait d’autre part moins coûteuse que le report à une année ultérieure d’un transfert qui devait inévitablement intervenir. En effet, en raison de l’échéance d’amortissement de la Caisse (fixée à 2021), plus la reprise de dette intervient tardivement, plus le tarif de la reprise est important.

L’absence de mesures prises dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a ainsi conduit à fixer le plafond d’emprunt de l’ACOSS à un niveau exceptionnellement élevé, à hauteur de 65 milliards d’euros, pour des déficits du régime général et du FSV qui totaliseraient 54,1 milliards d’euros au total sur les exercices 2009 et 2010, selon les dernières estimations de la commission des comptes (1).

2.– Le poids des déficits cumulés : un risque majeur pour l’ACOSS

La fixation à 65 milliards d’euros du plafond d’emprunt de l’ACOSS pour 2010 a clairement mis en évidence les limites de l’exercice qui consiste à lui faire porter le poids des déficits cumulés. Telle n’est pas sa vocation, comme le souligne de manière récurrente la Cour des comptes (2). Le portage des déficits par l’ACOSS a ainsi obligé celle-ci à mobiliser de nouveaux instruments de financement : les avances consenties par la Caisse des dépôts et consignations n’étant plus suffisantes, l’agence a procédé à une montée en charge de ses émissions de billets de trésorerie et à des émissions complémentaires sur les marchés de court terme, avec le support technique de l’Agence France Trésor.

STRUCTURE DU FINANCEMENT DU DÉFICIT DE L’ACOSS

(en euros)

Source : agence centrale des organismes de sécurité sociale, mai 2010

Si le plan de financement de l’ACOSS sera vraisemblablement accompli sans heurts d’ici la fin 2010, on ne rappellera jamais assez que le rôle de l’agence est de gérer les besoins de trésorerie infra-annuels : il est donc essentiel de mettre fin à un exercice d’équilibrisme qu’on ne saurait prolonger une année de plus sans mettre gravement en difficulté les moyens de financement du régime général.

Un transfert de dette était indispensable en 2009 ; faute de mesures prises à cette date, un tel transfert apparaît aujourd’hui inéluctable : il doit donc être organisé dans les meilleures conditions et avec le maximum de garanties pour la CADES.

B.– LE REPORT DE 2021 À 2025 DE L’ÉCHÉANCE DE LA CADES FRAGILISE LA CRÉDIBILITÉ DE LA PAROLE PUBLIQUE

La vaste opération de transfert de dette à la CADES, dont une grande partie interviendrait dès 2011, passe par l’allongement de quatre ans de l’horizon d’amortissement de la dette, qui se verrait reporté de 2021 à 2025. Une telle dérogation pose question : il convient de prendre acte des conséquences que cette mesure, en quelque sorte manquement à la parole donnée, est susceptible d’avoir sur le positionnement de la CADES vis-à-vis des marchés qui assurent son financement.

1.– La règle mise en place en 2005 se voulait intangible

Créée par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 pour prendre en charge les déficits 1995 et 1996 de l’assurance maladie, la caisse d’amortissement de la dette sociale devait s’éteindre en 2009. Repoussée en 1998 à 2014, la date de sa fin programmée a purement et simplement disparu en 2004.

C’est pour mettre fin au risque permanent de report sur les générations futures du poids de notre dette sociale qu’une règle stricte a été mise en place en 2005 (3), à l’initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann : désormais, tout nouveau transfert de dette à la CADES devait être assorti des recettes permettant à celle-ci de ne pas accroître son horizon d’amortissement. La date d’extinction de la CADES, sanctuarisée, est donc fixée à 2021 : dans sa décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a d’ailleurs reconnu la valeur organique de cette disposition.

LE BILAN DE LA CAISSE D’AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE (CADES)

Depuis sa création par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, la CADES s’est vu transférer 134,6 milliards d’euros au total au 31 décembre 2009 : à la fin de l’année 2010, le montant total de la dette amortie par la Caisse devrait s’établir à 47,8 milliards d’euros.

La date d’extinction des missions de la CADES n’est pas explicitement mentionnée par l’ordonnance précitée : elle est, depuis 2005 et l’adoption de la règle organique, appréciée par la Caisse qui la calcule en fonction des principaux paramètres influant sur la durée d’amortissement, en l’occurrence – outre le montant de dette à financer en fonction des reprises successives – le rendement prévisionnel de ses recettes, l’évolution de l’inflation et celle des taux d’intérêt.

Il y a aujourd’hui une chance sur deux que l’amortissement de la dette sociale soit achevé en 2021, soit l’échéance prévue en 2005 ; cinq chances sur cent que la fin de vie de la CADES intervienne dès 2020, et enfin, cinq chances sur cent qu’elle n’ait pas achevé sa tâche en 2022.

La dernière reprise de dette, opérée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, s’est en l’occurrence effectuée dans le strict respect de la règle organique de 2005 : les déficits cumulés du régime général et du FSV au 31 décembre 2008, à hauteur de 27 milliards d’euros, ont ainsi été transférés à la CADES, qui s’est vu affecter en contrepartie une fraction de 0,2 point de CSG. Le Rapporteur pour avis avait d’ailleurs à cette époque souscrit à cette mesure, approuvant « une décision inspirée par la sagesse ».

C’est pourquoi il convient aujourd’hui de ne pas minimiser l’entorse faite à cette règle qui a été voulue intangible.

2.– Une entorse à la règle dont on ne peut prévoir toutes les conséquences

Le présent projet de loi propose aujourd’hui d’introduire une dérogation à cette règle, en prévoyant le report de quatre ans de l’échéance d’amortissement de la CADES pour la reprise opérée dans le cadre de la seule loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Un allongement de 2021 à 2025 de l’horizon d’amortissement de la dette sociale permettrait en effet à la CADES de reprendre 34 milliards d’euros, soit l’équivalent de la part des déficits cumulés en 2009 et 2010 du régime général et du FSV imputables à la crise.

LA MÉTHODE D’ISOLEMENT DE LA « DETTE DE CRISE »

Les travaux menés au printemps 2010 par la commission de la dette sociale ont conduit à étudier l’option d’un traitement différencié des déficits, en distinguant la part de ceux-ci imputable à la crise et la part des déficits structurels. L’estimation de l’ampleur de la composante conjoncturelle des déficits supposait de mesurer les écarts entre d’une part, les prévisions de déficits actuelles, qui intègrent pleinement les effets de la crise, notamment sur l’évolution de la masse salariale, et d’autre part, les prévisions qui ont fondé le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et qui n’intégraient qu’un faible impact de la crise.

Les écarts entre ceux deux prévisions sont résumés par le tableau suivant.

ÉCARTS ENTRE SOLDES EFFECTIFS ET SOLDES PRÉVISIONNELS
DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2009

(en milliards d’euros)

2008

2009 (p)

2010 (p)

2011 (p)

CNAM

0,4

7,1

11,3

12,4

CNAM AT-MP

0,2

0,7

1,1

1,2

CNAV

–0,1

0,2

1,4

2,6

CNAF

0,7

1,9

3,9

4,3

Régime général

1,3

9,9

17,6

20,6

FSV

0,1

2,5

3,8

4

Total régime général + FSV

1,4

12,4

21,4

24,6

Source : direction du budget, direction de la sécurité sociale et direction générale du trésor (fiches techniques présentées à la commission de la dette sociale)

Ainsi, les déficits cumulés prévisionnels du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse sur les exercices 2009 et 2010 peuvent être évalués à 33,8 milliards d’euros.

Le Rapporteur pour avis juge cette mesure regrettable, d’autant qu’elle avait eu l’occasion de rappeler l’an passé l’urgence de la situation et le coût que représentait l’attentisme en la matière. L’ampleur des déficits cumulés ne laisse toutefois aujourd’hui guère de choix : en effet, un transfert de l’ordre de 68 milliards d’euros en 2011 (4) supposerait un doublement du taux de la CRDS, un transfert de près de 80 milliards d’euros (5) requerrait l’équivalent de 0,7 point de CRDS supplémentaire. La seule part représentée par la « dette de crise » exigerait le relèvement de la CRDS de 0,25 point. Bien qu’avec regret, on peut donc concéder un telle entorse, qui reste, il faut le souligner, à la fois exceptionnelle et limitée.

Exceptionnelle tout d’abord, car l’article 1er du présent projet prévoit bien de limiter la portée de cette dérogation aux seuls transferts opérés dans le cadre de la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2011. La règle organique survivra donc ultérieurement. Limitée ensuite, car le report est explicitement cantonné à quatre années. Enfin, il n’est pas déraisonnable de juger que le creusement exceptionnel des déficits en 2009 et 2010 est lié à un contexte de crise sans précédent, et le strict calibrage retenu (quatre ans) correspond d’ailleurs à l’identification de la part de l’aggravation du déficit liée à la crise et au décrochage brutal des recettes qu’elle a occasionné.

On ne peut toutefois que mettre en garde contre le risque qu’emporte une telle décision : si exceptionnelle et limitée soit-elle, la dérogation à la règle organique remet en question la crédibilité de la parole publique, qui est loin d’être un élément négligeable pour une instance qui bénéficie d’une qualité de signature publique, et pour un pays dont la dette publique est financée à plus de 60 % par les marchés. La position de la CADES vis-à-vis des marchés – des investisseurs comme des notateurs – pourrait s’en trouver fragilisée, ce qui accroîtrait son exposition au risque financier : qui pourrait en effet parier qu’à l’avenir, de nouvelles « circonstances exceptionnelles » ne conduiraient pas à justifier une nouvelle entorse à la règle ?

II.– DES RECETTES NON PÉRENNES QUI GÉNÈRENT UN RISQUE RÉEL POUR LE PORTAGE DE LA DETTE SOCIALE

Davantage encore que le report, exceptionnel et limité, de l’échéance de la CADES pour assurer la reprise de la « dette de crise », – qui peut s’expliquer, comme on l’a vu, par le contexte de dégradation brutale et sans précédent de la situation économique et que l’on peut comprendre par la volonté de ne pas alourdir trop fortement les prélèvements obligatoires dans un contexte macroéconomique encore fragile -, le schéma de financement proposé se heurte à des limites, s’agissant précisément des nouvelles recettes destinées à couvrir la reprise de la partie « hors crise » de la dette.

Des incertitudes subsistent en outre sur les modalités de mobilisation du fonds de réserve des retraites (FRR) au profit de la CADES.

A.– L’IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ D’ASSURER LA PÉRENNITÉ ET LA DYNAMIQUE DES RECETTES AFFECTÉES À LA CADES

Le transfert à la CADES des 34 milliards d’euros qui correspondent à la part des déficits cumulés 2009 et 2010 du régime général et du FSV non imputables à la crise et aux déficits prévisionnels des branches maladie et famille du régime général pour 2011 sont accompagnés de l’affectation à la Caisse de nouvelles recettes, à hauteur de 3,55 milliards d’euros : celles-ci seront incluses dans le projet de loi de finances pour 2011.

LES DÉFICITS « HORS CRISE »

La détermination du montant de la dette « hors crise » résultant des exercices 2009 et 2010 pour l’ensemble du régime général et du FSV, et de l’exercice 2011 pour les branches maladie et famille du régime général, a été obtenue conformément au schéma retenu pour isoler la part des déficits imputables à la crise.

DETTE « DE CRISE » ET DETTE « HORS CRISE »

(en milliards d’euros)

Dette de crise

Dette hors crise

Fin 2010

33,8

21,1

Fin 2011

58,3

28,8

Source : direction du budget, direction de la sécurité sociale et direction générale du trésor (fiches techniques présentées à la commission de la dette sociale).

Les déficits « hors crise » 2009 et 2011 s’établissent à 21,1 milliards d’euros ; pour 2011, il a été présupposé que les déficits seraient d’ordre structurel, du moins non imputables à une situation de crise économique.

Les dernières données publiées par la commission des comptes de la sécurité sociale font état d’un déficit prévisionnel pour la branche maladie de l’ordre de 14,5 milliards d’euros et de 3,2 milliards d’euros pour la branche famille, avant mesures prises dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces mesures, pour lesquelles le Rapporteur pour avis assurera un suivi rigoureux dans le cadre de ses missions de Rapporteur pour avis du PLFSS, devraient permettre de réduire le déficit de la branche maladie à 11,6 milliards d’euros et celui de la branche famille à 3 milliards d’euros : ce seraient donc 13,6 milliards d’euros supplémentaires qui seraient repris.

Au total, 34,7 milliards d’euros seraient financés grâce à la mobilisation des recettes nouvelles, issues de la révision de certaines niches fiscales et sociales.

Trois mesures de réduction de niches sociales et fiscales seront ainsi proposées.

 Il s’agit en premier lieu de la suppression partielle de l’exonération de taxe sur les conventions d’assurance (TSCA) bénéficiant aux contrats d’assurance maladie, dits « solidaires et responsables ». Ces contrats, qui représentent actuellement près de 99 % du marché des complémentaires santé, répondent à plusieurs exigences : celle d’une non sélection médicale des assurés à l’entrée, mais également celle d’une non prise en charge de certaines participations forfaitaires demandées aux assurés, comme les franchises médicales ou certains dépassements d’honoraires. Ces contrats, aujourd’hui exonérés, seraient désormais soumis à une imposition intermédiaire, à hauteur de 3,5 % des primes ou cotisations versées, le taux de droit commun existant à l’heure actuelle étant de 7 %. Le chiffre d’affaires santé des mutuelles, institutions de prévoyance et des assurances s’élève à un peu plus de 30 milliards d’euros et la perte fiscale au titre de leur exonération de la taxe s’établit à 2,2 milliards d’euros par an (6). L’assujettissement de ces contrats à un taux intermédiaire permettrait de ramener la dépense fiscale à 1,1 milliard d’euros par an.

 Il s’agit ensuite de la modification des conditions d’assujettissement aux prélèvements sociaux des compartiments euros des contrats d’assurance-vie multisupports. En effet, aujourd’hui, les modalités de prélèvement diffèrent selon que l’on est en présence d’un contrat monosupport ou d’un contrat multisupports : dans le cadre d’une assurance-vie monosupport, les prélèvements sociaux s’effectuent sur une base annuelle, tandis que dans le cas d’un contrat multisupports, le prélèvement n’est effectué qu’au dénouement du contrat en unités de comptes, en cas de rachat partiel ou total ou en cas de décès du souscripteur. La mesure proposée en projet de loi de finances consisterait à anticiper l’imposition aux prélèvements sociaux (à hauteur, donc, de 12,1 %) des produits du compartiment euro des contrats multisupports dès leur inscription en compte annuelle, au même titre que pour les contrats monosupports exprimés en euros. Une telle anticipation représenterait un gain de l’ordre de 1,6 milliard d’euros en 2011, avec un rendement décroissant progressivement jusqu’en 2019, comme le montre le tableau suivant.

RENDEMENT ATTENDU DE L’ASSUJETTISSEMENT DES COMPARTIMENTS EUROS
DES CONTRATS MULTISUPPORTS AUX PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX AU FIL DE L’EAU

(en millions d’euros)

 

Recette attendue

2011

1 600

2012

1 422

2013

1 245

2014

1 066

2015

889

2016

713

2017

532

2018

426

2019

176

Source : données retraitées issues de l’article 8 du projet de loi de finances pour 2011

 Enfin, une taxation exceptionnelle forfaitaire des sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés d’assurance sera prévue en projet de loi de finances pour 2011. La réserve de capitalisation, constituée des plus-values réalisées sur les cessions d’obligations et reprise en cas de moins-values sur ce type d’actifs, permet aux sociétés d’assurance de lisser leurs résultats en cas de mouvement des taux. Or, son fonctionnement se révèle biaisé, puisqu’en pratique, aucune reprise n’est effectuée, les assurances préférant conserver leurs titres dépréciés jusqu’à leur terme et ne constatant donc aucune perte. La mesure envisagée consiste à instaurer une « exit tax » au taux de 10 % sur la réserve de capitalisation déjà constituée : la taxe pourra être acquittée en deux fois et sera plafonnée à 5 % des fonds propres. Le montant global de la réserve serait de l’ordre de 16 milliards d’euros pour un rendement de la taxe de sortie de 1,7 milliard d’euros, somme qui pourrait se répartir pour moitié entre 2011 et 2012, à hauteur donc de 850 millions d’euros pour chacune des deux années.

La recette issue de ces trois mesures serait directement affectée à la CADES. Ce schéma financier appelle plusieurs remarques.

On remarquera avant tout que, d’après les informations dont dispose le Rapporteur pour avis, le rendement global de ces trois dispositifs s’établit à 3,55 milliards d’euros en 2011 et à 3,37 milliards d’euros en 2012, par rapport à un affichage initial plus prudent du Gouvernement de 3,2 milliards d’euros en 2011, ce dont on ne peut que se réjouir. Ainsi, la CADES devrait-elle dans un premier temps bénéficier de recettes à un rendement supérieur à 0,26 point de CRDS.

On peut s’étonner en revanche du choix qui consiste à affecter à la CADES le produit de prélèvements frappant des personnes morales, pour deux des trois mesures concernées, alors même que la création de la caisse en 1996 a coïncidé avec la mise en place d’une recette dédiée, celle de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 %, dont l’assiette est particulièrement large, puisqu’elle s’applique à l’ensemble des revenus des personnes physiques, – revenus d’activité et de remplacement, revenus du capital –, mais également aux produits tirés des jeux et aux produits tirés de la vente de métaux précieux, d’objets d’art ou de bijoux. L’étendue de cette assiette revêt une importance particulière : d’une part, elle est cohérente avec l’objet de son financement, la dette sociale. D’autre part, elle présente un rendement très dynamique, qui est en effet passé de l’ordre de 4,6 milliards d’euros en 2002 à 5,2 milliards d’euros en 2005, puis à près de 6 milliards d’euros par an depuis 2008.

Parmi ces trois mesures de recettes nouvelles, l’une seule d’entre elles présente à la fois un caractère pérenne et est à rendement constant, voire décroissant dans l’hypothèse d’une perte d’assiette : il s’agit de la taxation du chiffre d’affaires santé des organismes complémentaires, au titre de leurs contrats solidaires et responsables. Notons au passage que celle-ci conduira in fine à renchérir le tarif de ces contrats : une partie de la nouvelle taxation serait donc bien supportée en dernière analyse par les assurés. L’assujettissement aux prélèvements sociaux « au fil de l’eau » des compartiments euros des contrats d’assurance vie aura un rendement décroissant sur la période, qui s’éteindra à l’horizon de 2020. Plus encore, la taxe de sortie sur la réserve de capitalisation des sociétés d’assurance est une mesure à « coup unique », qui n’aura plus d’impact après 2012.

Le « panier de recettes » prévu pour couvrir le financement par la CADES des 34 milliards d’euros de déficits cumulés hors crise s’apparente donc bien, pour reprendre l’expression de notre collègue, Jean-Jacques Jégou, Rapporteur pour avis du texte pour la commission des Finances du Sénat, à un « panier percé ».

Afin d’évaluer ses capacités d’amortissement de la dette, la CADES a converti le rendement attendu de ces trois recettes en « tarif CRDS » : compte tenu de l’allongement prévu de l’échéance d’amortissement à 2025, – qui conduit la Caisse à percevoir des recettes pendant quatre années supplémentaires –, les 3,2 milliards d’euros attendus équivalent à 0,26 point de CRDS 2011 (7). Pour garantir sa capacité à amortir la dette à l’horizon 2025, la CADES est donc obligée de postuler la stabilité et la pérennité de la ressource qui lui sera affectée.

Or, il faut bien reconnaître qu’en l’état, le schéma de financement proposé, ne repose, après 2012, que sur des recettes « virtuelles » : autrement dit, on assiste à un double contournement de la règle organique de 2005, en premier lieu, par son report dérogatoire de quatre ans (sur lequel nous ne reviendrons pas), mais également par le fait que la nouvelle date butoir qui serait ainsi fixée à 2025 ne peut être respectée que dans l’hypothèse d’une pérennité des ressources, qui n’est pas, à ce jour, garantie. Si ces recettes se révélaient effectivement provisoires, en supposant donc que leur rendement ne serait pas assuré à la CADES à partir de 2013, toutes les autres conditions demeurant inchangées, la durée de vie de la Caisse devrait être prolongée jusqu’en 2029.

Afin d’assurer que la dérogation prévue à l’article 1er du présent projet restera bien exceptionnelle et limitée, il convient donc de garantir à la CADES des ressources pérennes : c’est dans cet esprit que le Rapporteur pour avis propose un amendement à l’article 1er du présent projet, qui a pour objet de préciser que les recettes affectées à la Caisse portent sur l’ensemble des revenus perçus par les personnes physiques. Il s’agit de réaffirmer par là la nécessité de faire reposer le financement de la dette sociale sur les types de prélèvements sociaux dont elle dispose actuellement, autrement dit sur la CRDS et la CSG. Si l’on doit regretter d’être aujourd’hui amené à concéder un report de quelques années de l’échéance de la dette, il convient d’être inflexible sur la pérennité des recettes nouvelles qui seront apportées à la CADES. Cette disposition aurait pour effet d’affecter les trois recettes actuellement envisagées à la branche maladie du régime général, qui transférerait en contrepartie de l’ordre de 0,28 point de CSG à la CADES (8). La précarité du rendement des recettes issues de la remise en cause des niches fiscales et sociales obligerait en tout état de cause à envisager, pour 2013, de nouvelles recettes pour la branche maladie, et cette nécessité sera d’autant plus impérieuse que le problème de ses déficits structurels à venir n’est pas traité dans le schéma actuel de financement proposé.

Outre cette difficulté majeure tenant au caractère provisoire des recettes envisagées par la Gouvernement, on remarquera que celles-ci auraient également l’inconvénient de brouiller le financement de la CADES, qui repose, depuis sa création, sur une ressource qui lui est spécifiquement dédiée : la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Certes, la Caisse est depuis 2009 également affectataire de 0,2 point de CSG : les assiettes de ces deux prélèvements sont cependant très proches, et la dynamique de leur rendement est identique. Le transfert de nouveaux types de prélèvements obligatoires, dont l’assiette et le rendement sont très hétérogènes, apparaît problématique : c’est pourquoi l’amendement adopté par la Commission des Finances a également pour objectif de confirmer que la CADES doit continuer d’être financée par les prélèvements sociaux.

B.– LA MOBILISATION DU FRR REPOSE SUR UN PARI HASARDEUX

Outre les 68 milliards d’euros au titre des déficits cumulés du régime général et du FSV sur les exercices 2009 et 2010 et du déficit prévisionnel de la branche maladie en 2011, qui doivent faire l’objet d’un transfert à la CADES dès 2011, le présent projet pose également le cadre de la reprise future par la Caisse des déficits cumulés de la branche vieillesse de 2011 à 2018, estimés à 62 milliards d’euros, reprise qui passerait par la mobilisation du Fonds de réserve des retraites (FRR).

Le projet de loi portant réforme des retraites (TA n° 527), adopté par notre Assemblée le 15 septembre dernier, permet d’envisager une résorption des déficits de notre système de retraites à l’horizon 2018, grâce en particulier au report de l’âge légal de départ à la retraite et à la mobilisation de ressources nouvelles, qui seront présentées dans le cadre des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2011. Toutefois, jusqu’à cette date, de nouveaux déficits
– certes décroissants au fur et à mesure de la période – seront générés, et c’est le cas en particulier pour la branche vieillesse du régime et pour le FSV, dont la chronique des déficits entre 2011 et 2014, est retracée par le tableau suivant.

CHRONIQUE DES DÉFICITS DE LA B RANCHE VIEILLESSE ET DU FSV APRÈS RÉFORME DES RETRAITES

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

213

2014

2015

2016

2017

2018

Solde CNAV en euros courants

–6,9

–7,4

–8

–7,7

–6,7

–4,6

–3,4

–1

Solde FSV en euros courants

–3,8

–3,6

–3,1

–2,4

–1,8

–1,1

–0,5

0

Solde branche vieillesse + FSV en euros courants

-10,7

–11

-11,1

-10,1

–8,5

–5,7

–3,9

–1

Source : ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

La prise en charge des déficits 2011-2018 de la branche vieillesse, dans la limite de 62 milliards d’euros, doit passer par la mobilisation du FRR : le présent projet se contente de fixer le cadre de cette reprise, en prévoyant, dans son article 1er, que la CADES peut se voir affecter des « actifs », ce qui n’est pas le cas à ce jour. C’est dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 que seront définies les modalités précises de cet adossement du FRR à la CADES.

D’une part, la Caisse se verrait affecter les recettes courantes du FRR, soit une fraction de 65 % du prélèvement social de 2 % sur les produits de placement, dont le rendement s’est établi en 2009 à 1,5 milliard d’euros, l’équivalent de 0,12 point de CRDS. La perception de cette nouvelle recette permettrait à la Caisse de reprendre un peu plus de 14 milliards d’euros.

D’autre part, le produit des actifs du FRR, qui représentaient au 20 septembre 2010 35,2 milliards d’euros – hors soulte versée par la caisse nationale des industries électriques et gazières (IEG) au régime général en contrepartie de son adossement et que le FRR est chargé de gérer pour le compte de la branche vieillesse – serait progressivement transféré à la CADES entre 2011 et 2024.

LES MODALITÉS DU TRANSFERT DES ACTIFS DU FRR VERS LA CADES

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 précisera la chronique de la liquidation des actifs du fonds de réserve des retraites (FRR) : il s’agirait d’un décaissement linéaire, sous la forme de quatorze annuités (de 2011 à 2024) à hauteur de 2,1 milliards d’euros par an, pour un montant total de 29,4 milliards d’euros. Un transfert de la propriété des actifs du FRR à la CADES a été initialement envisagé : le dispositif prévoirait finalement un simple versement du produit des actifs du Fonds à la Caisse, à raison de 2,1 milliards d’euros par an.

Une adaptation de l’allocation stratégique des actifs du fonds serait dès lors rendue indispensable. En effet, au 31 décembre 2009, le portefeuille du fonds était composé à 47 % en actions, à 37 % en obligations, à 6 % en actifs de diversification (matières premières, immobilier) et à 10 % en trésorerie. Le fonds a d’ores et déjà ajusté son exposition au risque au cours de l’été 2010, afin de préparer au mieux la transition qui s’amorce, en réduisant la part de ses actifs de performance de 53 % à 41 % de l’ensemble de son portefeuille.

Un accroissement de la part de titres obligataires semble inéluctable au regard des échéances de versements qui s’imposeront au fonds. D’après le président du conseil de surveillance du FRR, M. Raoul Briet, celui-ci pourrait néanmoins conserver une tranche d’actifs de performance, à hauteur de 20 à 30 % de son portefeuille.

Selon les informations communiquées au Rapporteur pour avis, ces versements successifs n’épuiseront pas l’actif du fonds, qui pourrait conserver jusqu’à terme une poche d’actifs de performance et pratiquer dès lors sur ce segment une politique de placement plus risquée dans l’espérance d’un rendement supérieur. C’est ce reliquat d’actifs qui pourrait faire l’objet d’un transfert de propriété à la CADES, au terme de la période.

Un certain nombre d’incertitudes persistent sur les modalités retenues pour la mobilisation du FRR au profit de l’amortissement de la dette sociale par la CADES :

– En premier lieu, se pose la question du rendement du prélèvement social de 2 % sur les produits de placement. Celui a oscillé entre 1,2 milliard d’euros en 2004 et 1,8 milliard d’euros en 2008, son niveau s’étant établi à 1,4 milliard d’euros en 2009 : l’hypothèse retenue d’une recette s’établissant à 1,5 milliard d’euros par an semble donc relativement prudente, mais son éventuelle contraction à l’avenir pourrait complexifier le programme de financement de la CADES. En effet, cette recette est plus sensible au contexte macroéconomique que les prélèvements qui reposent sur les revenus d’activité et les revenus du patrimoine, puisqu’elle dépend directement de l’évolution des produits financiers.

– En second lieu, on peut s’interroger sur l’intérêt d’un décaissement progressif et linéaire des actifs du Fonds au profit de la Caisse : pourquoi ne pas avoir envisagé d’éponger une fois pour toutes une partie des déficits cumulés par la mobilisation des actifs du FRR, à hauteur d’un peu plus de 30 milliards d’euros, ce qui aurait permis de limiter le montant de reprise de dettes par la CADES et de réduire ce faisant les frais financiers qu’implique le financement de la dette sur toute la durée d’amortissement ? Le principal argument invoqué est celui de la possibilité pour le Fonds de poursuivre son activité de valorisation de son portefeuille sur l’ensemble de la période et de faire fructifier ses actifs dans l’intervalle. Or, deux éléments peuvent être avancés, qui mettent en question cette stratégie : d’une part, les pertes accusées en 2008 par le FRR à la suite du retournement des marchés montrent que la performance du fonds peut être mise à mal, la valorisation actuelle de son portefeuille ayant tout juste renoué avec le niveau atteint fin 2007 ; d’autre part, la marge de valorisation du Fonds va mécaniquement décroître sur la période, rendant ainsi de plus en plus difficile une stratégie d’allocation de ses actifs dans un objectif de performance et de rendement.

– Enfin, l’option retenue d’un décaissement progressif et linéaire des actifs du FRR représente un coût non négligeable pour la CADES, par rapport à un scénario de transfert global et immédiat : celui-ci serait de 5 milliards d’euros pour la Caisse pour un décaissement linéaire de 2012 à 2018 et de 10 milliards d’euros dans la perspective d’un étalement du produit des actifs transféré jusqu’en 2024. Le postulat selon lequel le décaissement progressif des actifs permettrait dans l’intervalle au FRR de faire fructifier ses actifs pour couvrir le coût supplémentaire de l’amortissement de la dette occasionné pour la CADES ne résiste pas à l’analyse.

C.– UN RISQUE FINANCIER SYSTÉMIQUE

La répartition actuelle de l’endettement de la CADES est présentée par le graphique suivant.

RÉPARTITION DE L'ENDETTEMENT DE LA CADES AU 31 MAI 2010

Source : caisse d’amortissement de la dette sociale

La Caisse va être amenée à reprendre au total 130 milliards d’euros, soit presque autant que l’ensemble des dettes qui lui ont été transférées depuis sa création en 1996 en neuf opérations de reprises successives. Ce sont environ 68 milliards d’euros qui lui seront transférés dès 2011. L’importance de ces transferts implique un véritable changement d’échelle, qui conduira immanquablement à accroître le risque financier que la CADES doit gérer.

1.– La CADES est-elle à même d’assumer ces reprises dans le cadre proposé ?

Une reprise de dette augmente mécaniquement l’exposition au risque de taux, puisqu’elle implique un accroissement de la part des refinancements à court terme : dans le cadre envisagé, celui-ci pourrait être particulièrement conséquent, avec des émissions de l’ordre de 10 milliards d’euros par mois à partir de la fin du mois de janvier ou du début du mois de février 2011, avant d’envisager une substitution progressive par des emprunts à plus long terme au fur et à mesure des émissions, sur deux ans.

Le niveau actuel des taux d’intérêt devrait bien sûr faciliter ces opérations d’ampleur : des taux bas rendent relativement indolore le refinancement à court terme de la dette. Il n’en demeure pas moins que la Caisse sera davantage exposée au risque de taux : comme l’a expliqué le président du conseil d’administration de la CADES, M. Patrice Ract-Madoux, devant la Commission des affaires sociales du Sénat : « En janvier 2011, nous aurons une chance sur deux de terminer les opérations en 2025, 5 % de chances de terminer en 2023, mais 5 % aussi en 2028. Mais si les taux remontent sensiblement, ces données seraient modifiées : une hausse de deux points par exemple dans les deux ans à venir nous ferait glisser vers 2027 ». Or, compte tenu du niveau actuel particulièrement bas des taux d’intérêt, une remontée de ces derniers paraît plus que vraisemblable, ce qui aura pour effet un renchérissement du coût de portage de la dette pour la CADES.

L’importance de la dette transférée pose également la question de la capacité des marchés à absorber de tels montants. La Cour des comptes a déjà eu l’occasion de faire part de ses préoccupations à ce sujet : dans un rapport remis en octobre 2009 au Parlement (9), consacré à la gestion des découverts de trésorerie et au financement de la dette sociale, la Cour rappelle que l’ACOSS et la CADES détiennent d’ores et déjà une part non négligeable de l’encours total des émetteurs résidents de billets de trésorerie, qui est estimé entre une quarantaine et une soixantaine de milliards d’euros. Un accroissement important des émissions à court terme par la CADES pourrait avoir des conséquences sur l’équilibre de ce marché, dont la profondeur reste limitée.

Enfin, un risque pèse sur la qualité de la signature de la CADES. Celle-ci bénéficie en effet d’une double garantie, issue d’une part de l’article 7 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, selon laquelle « si les prévisions de recettes et de dépenses annuelles de la caisse sur la durée restant à courir de la période pour laquelle elle a été créée font apparaître qu'elle ne serait pas en mesure de faire face à l'ensemble de ses engagements, le Gouvernement soumet au Parlement les mesures nécessaires pour assurer le paiement du principal et des intérêts aux dates prévues », et d’autre part, de la règle organique de 2005, déjà longuement évoquée, qui précise que tout nouveau transfert de dette à la CADES est accompagné d’une augmentation de ses recettes permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale (article 4 bis de l’ordonnance précitée). La dérogation apportée par l’article 1er du présent projet à cette règle organique peut fragiliser la position de la CADES vis-à-vis tant des investisseurs que des agences de notation. En jetant un doute sur la parole publique, elle fait peser un risque accru sur la Caisse, dans un contexte qui reste celui d’une relative méfiance des marchés vis-à-vis des dettes souveraines au sein même de la zone euro.

On le voit : le schéma de financement global proposé, dont le présent projet de loi ne fait que fixer le cadre organique, présente un certain nombre d’aléas. Le risque financier accru ainsi engendré, dû en particulier à l’incertitude pesant sur la pérennité des recettes affectées à l’apurement de la dette, deviendra systémique si des mesures ne sont pas mises en œuvre pour répondre au problème des déficits futurs du régime général, et en particulier de la branche maladie.

2.– Un plan de financement qui ne traite pas le problème des déficits structurels futurs et de la reconstitution de la dette

Si les déficits cumulés de la branche maladie de 2009 à 2011 font l’objet d’une reprise de dette par la CADES, le schéma de financement proposé ne traite pas la question des déficits futurs de l’assurance maladie. Or, si le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 est porteur d’un effort de réduction des dépenses de la branche maladie de l’ordre de 2,5 milliards d’euros, celui-ci ne suffira pas à résorber les déficits futurs de l’assurance maladie, d’ordre structurel.

D’après les projections pluriannuelles annexées à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, les déficits de la branche maladie du régime général pourraient s’établir à 12,2 milliards d’euros en 2012 et à 11,3 milliards d’euros en 2013. Ces prévisions reposent sur une progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de 3 % par an, pour une tendance naturelle de progression de l’ordre de 4,5 %.

Malgré le redressement important opéré par le projet de loi portant réforme des retraites, la branche vieillesse du régime général resterait déficitaire à l’horizon 2018, pour un montant total, on l’a dit, de l’ordre de 62 milliards d’euros – montant qui serait progressivement repris par la CADES via la mobilisation du FRR. En dépit des nouvelles recettes qui seront affectées au Fonds de solidarité vieillesse dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le redressement de sa situation financière reste incertain : rappelons que, hors mesures nouvelles, le déficit du Fonds s’établirait à 3,7 milliards d’euros en 2012 et à 3,1 milliards d’euros en 2012.

L’objectif des mesures présentées dans le présent projet, et qui seront complétées à l’automne, est de traiter les déficits cumulés existants du régime général, ainsi que les déficits à venir de la branche vieillesse : en revanche, les déficits futurs des autres branches du régime général ne sont pas pris en charge. Il serait excessivement optimiste de penser que ceux-ci pourront être résorbés à moyen terme : en effet, s’il est indéniable que des marges de manœuvre existent en matière de maîtrise des dépenses, s’agissant notamment des « petits risques » dont il n’est pas déraisonnable de penser qu’ils doivent être assumés par un système assurantiel complémentaire, en revanche, les « gros risques » ont vocation à demeurer financés par l’assurance maladie. Qu’il s’agisse des affections de longue durée ou de l’enjeu considérable que représente le financement de la dépendance, le rôle de la sécurité sociale est incontournable : on ne peut bien évidemment pas renvoyer à la prise en charge individuelle ce qui constitue l’un des défis majeurs de notre société : le vieillissement démographique.

La persistance de déficits structurels, pour la branche maladie en particulier, conduira nécessairement à reporter une nouvelle fois sur l’ACOSS le poids de son financement : sitôt délestée, l’Agence risque de voir sa gestion de trésorerie très rapidement perturbée et ses plafonds de trésorerie renouer avec des niveaux excessivement élevés, en tout état de cause très supérieurs aux niveaux qui doivent lui permettre de gérer des financements infra-annuels.

Dès lors, on voit mal comment notre système de protection sociale pourra répondre à ce défi majeur sans une augmentation des recettes qui doivent lui être consacrées, au nom du principe de solidarité. Comme l’a indiqué M. Christian Saint-Étienne, lors de son audition conjointe par M. Jean-Luc Warsmann et le Rapporteur pour avis, le risque de voir le redémarrage de la croissance économique contrecarré par une hausse des prélèvements sociaux est sans commune mesure avec le risque qui consiste à financer les dépenses de la sécurité sociale par du déficit.

En tout état de cause, le schéma financier proposé sera condamné à n’être in fine qu’un palliatif si une réforme structurelle de notre système de protection sociale n’est pas entreprise. Une telle réforme ne doit pas attendre : il est urgent d’agir, si l’on veut éviter que le risque financier que l’on fait courir à la sécurité sociale ne devienne systémique et ne finisse par remettre en cause le fondement du système lui-même.

La réforme aujourd’hui proposée par le Gouvernement a le double mérite d’affronter le problème de la dette sociale et d’en proposer un règlement qui admet le dynamisme de cette dette. Si l’on peut regretter que cette réforme renonce à traiter le périmètre complet de l’endettement, dans la mesure où il exclut les déficits futurs de la branche maladie, c’est le renoncement à doter le dispositif des ressources indispensables à sa survie qui serait le plus dommageable.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 28 septembre 2010, la Commission procède à l’examen pour avis, sur le rapport de Mme Marie-Anne Montchamp du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (n° 2781).

I.– DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteur pour avis. La gestion de la dette sociale est devenue, au sein de notre Commission, l’objet de débats récurrents et, en tant que rapporteur pour avis du PLFSS, j’ai personnellement appelé votre attention sur le sujet à plusieurs reprises. Le tableau de bord des comptes sociaux, qui permet un suivi infra-annuel du déficit du régime général et du financement de notre dette sociale, a en effet mis en évidence ce que j’ai appelé le risque financier, auquel notre système de protection sociale est confronté depuis deux ans, en raison d’une crise qui a eu un effet dévastateur sur la masse salariale. Pour le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse, le déficit cumulé entre 2009 et 2011 dépasse 87 milliards d’euros ! C’est un véritable risque dans le risque, propre à notre système de sécurité sociale, qui se matérialise aujourd'hui. Comment en effet garantir le financement des déficits passés et celui des déficits structurels à venir tout en amortissant la dette sociale alors que les montants en jeu atteignent un niveau sans précédent et exigent, plus que jamais, que tout soit fait pour sauvegarder la qualité de la signature publique auprès des financeurs ? C’est à l’aune de ces interrogations que doivent être évaluées les dispositions proposées par le Gouvernement. Je me suis donc concentrée sur le risque financier pour rendre l’avis que je vais vous soumettre.

Le traitement des déficits cumulés de la sécurité sociale est impératif. Il n’est plus possible de le reporter parce qu’il n’est plus possible de faire supporter à l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, l’ACOSS, antichambre de la Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES– , le poids du portage de la dette. L’Agence a vocation à gérer un déficit infra-annuel, et non le déficit cumulé, comme le rappelle avec insistance la Cour des comptes. Nous sommes aujourd'hui au pied du mur : il y a urgence, faute d’avoir, comme je l’avais proposé, pris des mesures pour traiter le déficit de 2009. Soyons conscients que de la présente réforme du texte organique dépendent la cohérence et la solidité du financement de la sécurité sociale. En effet, notre système, du fait de ses déséquilibres, nécessite des financements tout à la fois au jour le jour et à long terme. C’est le souci de satisfaire ce double besoin qui m’a servi de grille de lecture du texte. Les amendements que je vous exposerai procèdent de cette nécessité.

Le présent projet de loi organique est court. Il se contente de fixer le cadre d’une reprise de dette de près de 130 milliards d’euros au total, qui se matérialisera essentiellement dans le PLFSS et le PLF pour 2011. Il consiste en trois points principaux.

Premièrement, un report de quatre ans de l’échéance d’amortissement de la CADES est proposé pour permettre le transfert de 34 milliards d’euros, correspondant à la « dette de crise » du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse – FSV – pour 2009 et 2010.

Deuxièmement, des recettes nouvelles à hauteur de 3,2 milliards d’euros, dont je souligne d’ores et déjà qu’elles ne sont pas pérennes, seraient affectées à la Caisse pour permettre la reprise des déficits « hors crise » du régime général et du FSV pour 2009 et 2010 ainsi que du déficit prévisionnel de 2011 de la seule branche maladie.

Troisièmement, les actifs du Fonds de réserve des retraites – FRR – et le produit du prélèvement social de 2 % sur les produits de placement qui lui est affecté à hauteur de 65 % serviront à la reprise par la Caisse des déficits cumulés à venir de la branche vieillesse sur la période 2011-2018. Ce sont ainsi 3,6 milliards d’euros qui seraient mobilisables chaque année par la CADES, soit 2,1 milliards au titre du décaissement, linéaire, des actifs du FRR et 1,5 milliard au titre de la recette issue du prélèvement de 2 %.

Ce projet de loi organique propose un traitement de la dette sociale : il en fixe le cadre et constitue une sorte de « test de résistance » – ou stress test – des organismes de sécurité sociale face au risque financier – « ça passe ou ça casse ! ». Dans le dispositif en cause, la CADES est le vaisseau amiral. Elle mérite donc toute notre attention. Dans le cadre du transfert massif et inéluctable de dette qui va être opéré, nous devons assurer la solidité et la fiabilité de la barre. Si l’on peut admettre, non sans regret, que la route soit quelque peu allongée, elle doit être rendue parfaitement sûre. L’horizon d’amortissement sera repoussé de quatre ans, c'est-à-dire à 2025, mais la dérogation autorisée par le projet de loi organique reste tout à fait exceptionnelle. Elle sera réservée au transfert opéré dans le cadre du seul projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, et limitée dans le temps.

En revanche, il est inconcevable de décider un tel report sans garantir pleinement et entièrement les recettes qui, conformément à la lettre et à l’esprit de la loi organique de 2005, seront affectées à la Caisse pour assurer l’amortissement de cette nouvelle campagne de défaisance. La pérennité des recettes de la Caisse est non seulement un impératif pour sa bonne gestion, pour garantir que son échéance, quoique prorogée, sera respectée, mais également un enjeu crucial pour la Caisse qui se finance sur les marchés. Si la qualité de sa signature permet aujourd'hui à la CADES de le faire dans de bonnes conditions, elle sera amenée, avec la reprise de 68 milliards d’euros de dette dès 2011, à procéder à des émissions à court terme pour des montants très importants. Aujourd'hui, ces émissions représentent environ 11 % du total. La Caisse devra, à l’issue de ce projet de loi, verser de l’ordre de 10 milliards d’euros par mois à l’ACOSS, à partir de fin janvier début février 2011 : en conséquence, la part de ses émissions à court terme pourrait s’établir à 30 à 40 % du total de ses émissions.

Le marché finance 60 % des déficits publics français, on ne peut pas l’ignorer. C’est pourquoi l’on ne peut risquer d’affaiblir la parole publique à cause du portage de la dette sociale, ni accepter l’idée que la Caisse soit fragilisée, alors que la confiance pleine et entière des financeurs lui sera, plus que jamais, indispensable. Je vous présenterai donc un amendement destiné à assurer la pérennité des recettes de la Caisse, afin de donner une valeur organique à une règle qui figure aujourd'hui dans l’ordonnance de 1996 portant création de la Caisse. Cette règle est d’autant plus importante que, si le Gouvernement propose de traiter les déficits cumulés du régime général et les déficits à venir de la branche vieillesse – et il faut rendre justice à son volontarisme –, son schéma n’intègre pas les déficits structurels à venir de la branche maladie et, potentiellement, du FSV : le risque financier de la sécurité sociale ne sera donc pas levé, et une solution devra, en tout état de cause, être trouvée. Cette question sera au cœur de notre débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 car, je le rappelle, le présent projet de loi organique se contente d’organiser le cadre d’un financement sécurisé.

En résumé, les déficits se sont largement creusés, dans un contexte de raréfaction de la ressource. Le texte s’adapte aux contraintes nouvelles de la défaisance de la dette sociale. En revoyant la loi organique, nous donnerons la possibilité à notre navire amiral de remplir efficacement sa mission, en évitant la contagion du risque à un autre bâtiment, l’ACOSS, qu’une absence de rigueur de notre part exposerait à une plus grande instabilité. Sous réserve du vote des amendements que je vous soumettrai, je vous propose donc de rendre un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi organique.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’approuve entièrement la présentation de Marie-Anne Montchamp. La dette logée à la CADES provient pour une grande partie de l’assurance maladie, c'est-à-dire d’une dépense de consommation immédiate et non d’investissement – le cas est d’ailleurs le même pour la dette liée au régime vieillesse. On peut à la rigueur comprendre que l’amortissement en soit prolongé de quatre ans, même si ce report est le troisième ou le quatrième, mais il est impératif d’assurer à la Caisse des recettes claires, transparentes, durables. Or, ce n’est pas le cas puisque nous sont proposées des ressources faites de bric et de broc, dont certaines, qui plus est, ne sont pas renouvelables. Il faudrait renouer avec ce qui était prévu à l’origine : quand la CADES a été créée, en 1996, on a instauré la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS. Mais ce ne serait régler qu’une partie du problème puisque, si les déficits à venir sont pris en compte au titre de la réforme des retraites, il n’y a, j’insiste, rien de prévu pour l’assurance maladie qui accuse un déficit structurel de l’ordre de 10 milliards d’euros par an. Dans le cadre des orientations qui seront proposées aux Français en 2012, il faudra dire clairement comment combler les déficits à venir. Et ce sera d’autant plus facile que nous aurons déjà mis en face des recettes. Tel est l’objet de l’amendement de Mme Montchamp.

M. le président Jérôme Cahuzac. Dans le montant de la dette transférée à la CADES, transfert qui repousse son extinction, il y a, outre le déficit apparu avec la crise – près de 40 milliards d’euros –, 30 milliards environ de déficits cumulés structurels. Il me semble délicat d’affirmer que la reprise va améliorer les choses et que l’allongement de la durée de vie de la CADES n’est que la conséquence de la crise. La CADES va recevoir par anticipation des déficits dont il est raisonnable de penser qu’ils ne sont pas liés à la crise puisque, à entendre les discours officiels, celle-ci s’éloigne.

S’agissant des recettes, trois taxes seront affectées à la CADES : l’une assise sur la réserve de précaution des compagnies d’assurance, et qui est non pérenne ; la deuxième sur les revenus de l’assurance-vie au fur et à mesure de leur comptabilisation, non pérenne également puisqu’elle est seulement plus précoce ; la troisième sur les contrats de complémentaires santé, qui, elle, devrait être pérenne.

J’attire l’attention sur le fait que ce projet revient sur l’article 20 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, que son objectif – éviter aux pouvoirs publics toute tentation de prolonger la durée de vie de la CADES – comme sa place dans la hiérarchie des normes destinaient à devenir une règle de gouvernance des finances publiques. Il me paraît compliqué d’abroger cette règle qui existe pour lui en substituer une autre, à venir. C’est pourtant ce que nous nous apprêtons à faire, au risque de décrédibiliser toute intention d’élaborer des règles d’or pour les finances publiques.

Mme Isabelle Vasseur. Mes chers collègues, le sujet qui nous réunit aujourd'hui est complexe et très technique et je remercie notre rapporteur pour sa présentation limpide et imagée. Il est proposé de rallonger de quatre ans la durée de vie de la CADES, jusqu’en 2025. Le PLFSS complétera le dispositif, de manière à pouvoir financer près de 130 milliards d’euros de reprise de dette au total, soit les déficits pour 2009 et 2010 des branches du régime général et du FSV à hauteur de 55 milliards d’euros, le déficit prévisionnel de la branche maladie en 2011 pour 13 milliards d’euros, et les déficits prévisionnels de la branche vieillesse sur la période 2011-2018 pour 62 milliards d’euros.

Pour répondre aux inquiétudes à propos du caractère non pérenne des ressources, le Gouvernement prévoit, dans le PLFSS, pour la CADES une clause de garantie de ressource à partir de 2013, gagée soit sur la suppression de niches fiscales ou sociales, soit, à défaut, sur une augmentation progressive de la CRDS. Cette contrainte rend certaine la compensation de la diminution du rendement des mesures proposées. C’est donc une garantie sérieuse, encore confortée par l’amendement qu’a fait adopter notre collègue sénateur Vasselle.

À ceux qui préféreraient à la prolongation de l’existence de la CADES une augmentation de ses ressources, je rappelle que, plus le temps passe, plus une telle mesure devient illusoire puisque, plus on s’approche de l’échéance, moins le lissage est possible. En outre, le Gouvernement souhaite limiter l’augmentation des prélèvements obligatoires. Or, avec la crise, le montant de la dette à reprendre atteint 80 milliards d’euros, ce qui entraînerait, à contrainte organique inchangée, la nécessité d’augmenter ces prélèvements de plus de 8 milliards d’euros. Le Gouvernement ne veut pas se mettre en contradiction avec sa stratégie fiscale consistant à lutter contre les niches fiscales et sociales tout en refusant une augmentation généralisée des impôts.

Enfin, en ce qui concerne le Fonds de réserve des retraites, il est évident qu’il doit rester dédié aux retraites. Techniquement, il ne sera pas dilapidé puisque le flux créé entre le FRR et la CADES servira à rembourser la seule dette vieillesse. Avec la reprise économique, on peut par ailleurs espérer un surcroît de recettes, qui pourra être affecté soit à la reprise de la dette vieillesse supplémentaire, soit à une réduction de la durée de vie de la CADES. Enfin, le Gouvernement montre son esprit de responsabilité en matière de finances sociales dans la mesure où il engage une véritable réforme des retraites qui vise à la fois le retour à l’équilibre et le traitement de la dette future. Je vous invite donc à donner un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi organique, en attendant de le compléter dans le cadre du PLFSS.

M. Gérard Bapt. Je regrette que le terme de 2005, initialement fixé pour la disparition de la CADES, n’ait pas été inscrit dans la Constitution ! Il aurait été plus difficile de le repousser.

Par ailleurs, il n’est pas gravé dans le marbre que la dette sociale doive être maintenue absolument distincte de la dette de l’État, qui distribue aussi des prestations sociales. Cette hypothèse était d’ailleurs envisagée il y a deux ans environ par Bercy…

M. le rapporteur général déplore que la dette sociale ne soit pas la contrepartie d’investissements. Mais garder une population en bonne santé est bon pour l’avenir d’un pays et pour sa productivité. Dans les pays en développement, la première condition du progrès, c’est d’atteindre un certain niveau sanitaire. En outre, on ne peut qualifier de simples prestations sociales des dépenses qui soutiennent le secteur économique de la pharmacie et des accessoires médicaux, et encore moins les investissements faits en faveur des établissements médicaux. Autrement dit, considérer la dette sociale comme de la mauvaise dette est un peu hâtif, d’autant que la dette de l’État, je vous le rappelle, correspond pour 90 % à des dépenses de fonctionnement.

Vous nous proposez, avec ce projet de loi organique, une épouvantable usine à gaz, due à l’oukase élyséen bannissant les hausses d’impôt ou de cotisation – tout du moins jusqu’à la prochaine élection présidentielle !

Le Gouvernement distingue la dette de crise et la dette structurelle. Il se trouve que je sors de la Commission des comptes de la sécurité sociale où j’ai entendu son secrétaire général, M. Monier, expliquer que la différence ne se justifiait plus puisque la dette de crise était inscrite durablement dans les déficits des comptes sociaux.

Quand on entre dans le détail des mesures, l’une d’entre elles me semble particulièrement critiquable. Il s’agit de la taxation des assurances complémentaires santé. En taxant les contrats responsables, on va à l’opposé des principes qui devraient guider la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. J’aurais mieux compris que l’on taxe les contrats « irresponsables », qui poussent à la dépense en prenant en charge tous les dépassements d’honoraires et les actes répétitifs. Au contraire, les contrats responsables sont une arme décisive de maîtrise médicalisée des dépenses. D’une certaine façon, la ministre de la santé se tire une balle dans le pied en acceptant une telle mesure.

Certains de nos amendements rejoignent ceux de Mme Montchamp, que je trouve toutefois extrêmement prudente en comparaison des deux rapporteurs des commissions des lois et des affaires sociales, qui remettent plus fondamentalement en question le dispositif proposé.

M. Nicolas Perruchot. L’ordonnance de 1996, créant la CADES, a été modifiée par la loi organique du 2 août 2005, de telle sorte que « tout nouveau transfert de dette à la CADES soit accompagné d’une augmentation des recettes de la Caisse permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale ». C’était il y a cinq ans seulement et il est regrettable que ce principe soit déjà oublié. Ce n’est pas de très bonne gestion de repousser la fin de vie de la CADES à 2025. Fin 2009, la CADES avait amorti près de 43 milliards d’euros de dette, sur 134,6 milliards. Pour la seule année 2009, l’amortissement a atteint 5,3 milliards d’euros, en forte progression par rapport aux années précédentes. Et au 31 décembre prochain, la CADES aura amorti depuis sa création près de 48 milliards d’euros, et sa dette résiduelle s’élèvera alors à 87 milliards environ. Les intérêts d’emprunt servis par la Caisse depuis l’origine représenteraient donc près de 30 milliards d’euros.

Il n’est pas envisageable de proroger indéfiniment ce dispositif sans s’assurer des financements correspondants. Le groupe Nouveau Centre a donc déposé deux amendements qui visent avant tout à relever le taux de la CRDS, ce qui procurerait des ressources supplémentaires.

M. François Goulard. Modifier trois ou quatre fois un texte organique n’est pas un signe de bonne gestion, ni de respect des engagements pris. Pour filer la métaphore maritime utilisée par notre rapporteur, je dirai qu’on est passé de la loxodromie à l’orthodromie et que maintenant, on tire des bords ! Or on se souviendra que certains trois-mâts ne parvenaient jamais à passer le cap Horn parce qu’ils tiraient des bords carrés. Craignons, en ce qui nous concerne, de ne jamais traverser l’océan de l’amortissement de la dette sociale !

Monsieur Bapt, la question n’est pas de savoir si les dépenses d’assurance maladie ont plus ou moins de valeur que les dépenses d’investissement. Simplement, ce sont des dépenses que nous devons consentir chaque année et les couvrir par des ressources d’emprunt n’est pas viable.

Il est donc impératif que nous réduisions les déficits et que nous amortissions la dette sociale au moyen de ressources pérennes. Or, la crise grecque a été une alerte : les marchés ont commencé à marquer leur défiance à l’égard de certaines dettes souveraines et, si nous avons été jusqu’ici épargnés, il n’est pas exclu que nous payions un jour le prix fort d’une certaine forme d’irresponsabilité.

C’est pourquoi je soutiendrai les amendements de Mme le rapporteur.

M. Daniel Garrigue. Il est regrettable que nous n’ayons pas suivi Mme Montchamp et traité ce problème de la CADES dès l’an dernier, quand c’eût été plus facile.

Je suis très réservé sur l’allongement de la durée de vie de la CADES et sur la remise en cause de la loi organique. Il faudrait que Mme le rapporteur arrive à me convaincre que ne pas se donner cette durée supplémentaire de quatre ans risque d’engendrer des tensions insupportables.

Je suis totalement d’accord pour dire qu’il faut des ressources pérennes – plutôt que simplement gagées sur des ressources pérennes –, des ressources affectées et qui expriment une vraie solidarité. C’est pourquoi l’amendement proposé par Mme le rapporteur sur la nature de ces recettes est tout à fait fondé.

Mme Chantal Brunel. L’« océan » de la dette sociale est aujourd’hui financé par la Chine, à travers ses fonds souverains !

Dans la mesure où l’on refuse d’augmenter les impôts, les amendements de Mme le rapporteur sont tout à fait judicieux. Mais il conviendrait aussi que le Gouvernement prenne des mesures destinées à éviter les fraudes – pourquoi la carte Vitale ne comporte-t-elle toujours pas la photo de l’assuré ? – et que les organismes sociaux fassent un effort important en ce sens.

Mme le rapporteur pour avis. La fragilité de la parole publique sur la recette compromet nos capacités de financement de la dette sociale. Pour avoir procédé à plusieurs auditions ces dix-huit derniers mois et lu les rapports pour avis de nos collègues sénateurs, je peux vous dire que les notateurs insistent sur l’incertitude que pressentent les investisseurs dès lors que la recette n’est pas suffisamment pérenne. Si ces interrogations venaient à trouver un appui dans nos lois organiques, elles pourraient rapidement devenir très embarrassantes.

Mes chers collègues, face à un mur de 130 milliards d’euros de dette sociale, on ne peut arbitrer que dans un sens, fût-ce la mort dans l’âme. Il vaut mieux, de mon point de vue, se résigner à allonger la durée de vie de la CADES pour être extrêmement exigeant quant à la pérennité de la ressource. Faute de quoi, monsieur Garrigue, il nous faudrait trouver quelque 14 milliards d’euros de financement supplémentaire par an…

La Commission en vient à l’examen des articles.

II.– EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

(article 4 bis de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996
relative au remboursement de la dette sociale)

Dérogation au principe de non-allongement de la durée d’amortissement de la dette sociale et garantie de la pérennité des recettes de la CADES

Le présent article a pour objet principal de déroger au principe de non report de l’horizon d’amortissement de la dette sociale ; il permet également la mobilisation d’actifs au profit de la Caisse d’amortissement de la dette sociale et prévoit deux garde-fous, destinés à garantir le niveau des recettes de la Caisse ainsi que leur affectation en priorité à la réduction de l’échéance d’amortissement de la dette.

L’article 4 bis de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale a été créé par l’article 20 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, à l’initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann. Il s’agissait alors de sceller, au niveau organique, une « règle d’or » de la gestion de la dette sociale, en prévoyant que tout nouveau transfert de dettes à la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) devrait à l’avenir s’accompagner de recettes nouvelles, permettant ainsi de ne pas reporter la date de l’extinction de cette dette.

C’est en premier lieu sur ce « verrou » organique que le présent article propose de revenir, de manière exceptionnelle et, on en convient, très limitée. Cet article aménage en outre la possibilité pour la Caisse de se voir transférer la propriété des actifs du Fonds de réserve des retraites, conformément à l’équilibre général de la réforme proposée par le Gouvernement. Il assortit enfin le nouveau schéma de transfert de dette à la Caisse d’un double principe : d’une part, la garantie que les recettes affectées à la CADES permettent réellement de ne pas accroître la durée d’amortissement, et d’autre part, qu’un surplus éventuel de recettes par rapport aux prévisions soit prioritairement affecté à la réduction de l’horizon d’amortissement de la dette sociale.

I.– LE REPORT DE QUATRE ANS DE LA DURÉE D’AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE : UNE ENTORSE À LA RÈGLE ORGANIQUE, QUI RESTE LIMITÉE ET EXCEPTIONNELLE

Face à l’ampleur des déficits du régime général, qui se sont largement reconstitués en 2009 et 2010 avec les répercussions de la crise sur l’économie réelle, un transfert de cette dette se révèle aujourd’hui inévitable, afin de ne pas faire peser sur l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) un poids financier qu’elle n’a pas vocation à supporter, comme la Cour des comptes le souligne de manière récurrente dans chacun de ses rapports sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Les déficits cumulés 2009 et 2010 du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et le déficit prévisionnel pour 2011 de la seule branche maladie atteindraient 68,3 milliards d’euros. Ce niveau de déficit serait pour moitié imputable à la crise et pour l’autre d’ordre structurel. Le Gouvernement a souhaité que le report de quatre ans de l’horizon d’amortissement de la dette, aménagé par l’alinéa 5 du présent article, soit actionné pour assurer le financement de la seule « dette de crise », soit 34 milliards d’euros.

En effet, deux limites importantes s’imposent à ce mécanisme de report :

– Il est tout d’abord exceptionnel, puisqu’il reste limité à la seule loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

– Il est ensuite limité à quatre ans, permettant ainsi d’éviter un véritable report de charge sur les générations futures. L’échéance de la CADES passerait donc de 2021 à 2025.

On ne peut que regretter une telle entorse à la règle organique mais a contrario, il ne paraît pas possible dans le contexte économique de fragilité qui est le nôtre, de faire peser le financement de l’ensemble du dispositif sur de nouvelles recettes, et donc, sur les prélèvements obligatoires ; en outre, le report de quatre années de la durée d’amortissement de la dette, qui reste « raisonnable », permet mécaniquement d’envisager une reprise plus importante des déficits, à partir du moment où les recettes affectées à la CADES seront de facto perçues par elle pendant quatre années supplémentaires (10). Elle rend donc possible le financement de la dette sociale à plus grande échelle : ainsi, selon les informations fournies au Rapporteur pour avis, à cadre organique inchangé – dans l’hypothèse, donc, d’un maintien de l’échéance de la CADES à 2021 -, le schéma financier proposé par le Gouvernement par la mobilisation de nouvelles recettes et par la mobilisation de la recette et des actifs du FRR, permet la reprise des 68 milliards d’euros de déficits cumulés ; toutefois, la Caisse ne serait en mesure de reprendre qu’environ 6 milliards d’euros au titre des déficits prévisionnels 2011-2018 de la CNAV sur les 62 milliards d’euros de transferts permis dans l’hypothèse d’un report à 2025 de l’échéance de la dette.

L’alinéa 5 laisse ainsi à l’annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, définie à l’article LO. 111-4 du code de la sécurité sociale, le soin de préciser les modalités du calcul qui permet d’assurer, par l’allongement de quatre ans de l’échéance de la Caisse, l’amortissement de 34 milliards d’euros supplémentaires, et de garantir que ce report sera suffisant.

II.– LA MOBILISATION DES ACTIFS DU FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES (FRR)

Les déficits prévisionnels de la branche vieillesse du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) sur la période 2011-2018, qui devraient avoisiner 62 milliards d’euros au total après prise en compte des mesures inscrites dans le projet de loi portant réforme des retraites, seraient progressivement transférés à la CADES. Pour assurer l’amortissement de cette part de la dette sociale, c’est le Fonds de réserve des retraites (FRR) qui serait mobilisé.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 procédera à l’adossement du FRR à la CADES, et fixera les règles du transfert de ses recettes et la chronique des versements du produit de ses actifs à la Caisse :

– Les actifs du Fonds s’établissaient, au 31 décembre 2009, à 33,3 milliards d’euros. Ceux-ci feraient l’objet d’un décaissement progressif, linéaire, au profit de la Caisse, à raison de 2,1 milliards d’euros par an sur la période 2011-2024. Afin de délimiter le cadre de cet adossement, l’alinéa 2 du présent article précise que la CADES peut se voir transférer des actifs. Il s’agit en réalité de ménager la possibilité, au terme de la période, pour la CADES, de récupérer la propriété du reliquat des actifs du Fonds de réserve : en effet, contrairement à l’option initialement envisagée par le Gouvernement, le Fonds restera propriétaire de ses actifs et versera chaque année, de 2011 à 2024, à la Caisse une somme issue de la réalisation d’une partie de ces actifs.

– La CADES serait également affectataire, dès 2011, de la principale recette actuelle du fonds de réserve des retraites, qui correspond à une fraction de 65 % du prélèvement social de 2 % sur les produits de placement. Son rendement s’établirait à 1,5 milliard d’euros la première année : si la dynamique de cette recette est proche de celle de la CSG et de la CRDS, elle est toutefois plus sensible à la conjoncture macroéconomique, comme l’ont indiqué tant le président du conseil de surveillance du FRR que le président du conseil d’administration de la CADES au Rapporteur pour avis.

Afin de veiller à ce que le suivi de la mobilisation des actifs du FRR au profit de la CADES s’opère dans les meilleures conditions, la commission des Finances a adopté un amendement destiné à enrichir les informations fournies au Parlement à ce sujet dans le cadre de l’annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale, prévue au 8° de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale : cette annexe présente aujourd’hui les comptes de l’ensemble des organismes financés par des régimes obligatoires de base, des fonds de financement et des structures qui financent des dépenses relevant de l’ONDAM. L’amendement adopté par la Commission prévoit que dans le cadre des versements, issus de la réalisation d’actifs, qui seront opérés année après année au profit de la CADES, l’annexe 8 précise la valeur des actifs qui feront l’objet d’un décaissement, leur rentabilité prévisionnelle, les montants de dette que la réalisation de ces actifs permettra de financer ainsi que le coût de l’amortissement de cette dette.

Au regard des montants en jeu, et du calendrier progressif de décaissement des actifs du FRR, il a semblé essentiel à la Commission que le Parlement dispose d’un outil de suivi, année après année, de cette opération, qui s’étalera entre 2011 et 2024.

III.– UNE SÉCURISATION DES RECETTES AFFECTÉES À LA CADES

L’allongement de l’horizon d’amortissement de la CADES n’est évidemment pas une solution satisfaisante : elle ne peut clairement être concédée qu’à contrecoeur, au regard du caractère exceptionnel et limité de la mesure prise.

Par ailleurs, s’agissant de la part des déficits cumulés sur 2009 et 2010 du régime général et du déficit 2011 de la branche maladie non imputables à la crise, de l’ordre de 34 millions d’euros également, leur transfert à la CADES sera assorti de recettes nouvelles à hauteur de 3,2 milliards d’euros en 2011, et qui seront présentées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011. Or, la pérennité du rendement de ces nouvelles recettes n’est pas assurée après 2012, celles-ci présentant un rendement assez largement décroissant, voire très provisoire pour l’une d’entre elles.

Comme il l’a déjà été indiqué, la non pérennité des recettes prévues pour être affectées à la CADES est susceptible d’hypothéquer son programme de financement et ses capacités d’amortissement de la dette : elle contribue en tout état de cause à décrédibiliser la parole publique, qui fonde pourtant largement la position de la Caisse vis-à-vis des marchés financiers. C’est pourquoi la commission des Finances a souhaité, à l’initiative du Rapporteur pour avis, apporter à la Caisse la garantie de la pérennité de ses ressources : elle a ainsi adopté un amendement inscrivant dans le texte organique le caractère universel de l’assiette des recettes affectées à la Caisse. Elle a également tenu à préciser que ces recettes sont issues soit de la réalisation d’actifs (comme le prévoyait déjà le texte initial), soit d’impositions de toute nature : il s’agit ainsi d’éviter le transfert à la Caisse des recettes « de bric et de broc » pour reprendre les mots du Rapporteur général de la commission des Finances, autrement dit, de ressources provenant d’une imposition à l’origine perçue par l’État ou par un organisme concourant au financement de la protection sociale et dont le produit serait ensuite reversé à la CADES. Il s’agit de également de conforter le principe d’universalité de l’assiette des impositions affectées à la CADES.

Afin d’assurer la pérennité des recettes de la Caisse et de la mettre en mesure de faire face à ses engagements, la commission des Affaires sociales du Sénat avait d’ores et déjà souhaité la mise en place de deux garde-fous.

– Une clause de garantie a ainsi été adoptée au Sénat (alinéa 4 du présent article) : elle prévoit que la loi de financement de la sécurité sociale assure chaque année le respect du plan de financement prévu lors du transfert de dette à la Caisse, autrement dit, que les recettes nouvelles affectées à la Caisse sont bien à la hauteur des montants de dette transférés. La commission des Finances de notre Assemblée a souhaité renforcer la portée de cette clause de garantie, dont la rédaction issue du Sénat ne couvrait pas les reprises de dettes à venir. À partir du moment où la pérennité des ressources est garantie par le principe d’universalité de l’assiette des recettes affectées à la Caisse, le renforcement de cette clause de garantie vise essentiellement à prémunir la Caisse contre d’éventuels changements des données de son équation financière : par exemple, dans l’hypothèse d’une remontée des taux d’intérêt qui conduirait à décaler mécaniquement l’horizon d’amortissement de la dette sociale à recettes inchangées, ce garde-fou conduirait à devoir mobiliser de nouvelles recettes dans la plus prochaine loi de financement, afin de garantir une échéance conforme à celle qui a été fixée lors de la dernière reprise de dette, à savoir 2025 dans le contexte du présent projet. Cette clause de garantie figure d’ailleurs déjà au second alinéa de l’article 7 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, qui a créé la CADES (11) : elle aurait désormais une valeur organique, pour son volet « recettes ».

– Une clause de « retour à meilleure fortune » a également été adoptée à l’initiative de la commission des Affaires sociales du Sénat : prévue par l’alinéa 8 du présent article, elle pose le principe d’une priorité donnée à la réduction de l’horizon d’amortissement de la dette en cas d’amélioration de la situation économique. Plus précisément, si les recettes de la CADES s’avèrent supérieures de 10 % aux prévisions pendant deux exercices consécutifs, la loi de financement devra ramener l’échéance de fin de vie de la Caisse à celle qui était la sienne avant 2011, c’est-à-dire en 2021.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 5 de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er. Nous refusons que les générations futures subissent une double peine en étant obligées de payer quatre ans de plus cependant qu’elles seraient privées du Fonds de réserve pour les retraites qui devait aider, à partir de 2020, à passer un cap démographique difficile.

Mme le rapporteur pour avis. Défavorable. Je le redis : il faut proroger quitte à être exigeant par ailleurs.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 6 de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet amendement vise à affirmer le caractère pérenne des recettes affectées à la CADES. Celles qui sont proposées sont très aléatoires ou ne sont que des « fusils à un coup ».

Mme le rapporteur pour avis. Je partage cette intention, qui sera satisfaite par un de mes amendements, rédigé un peu différemment. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 7 du rapporteur pour avis.

Mme le rapporteur pour avis. Je propose que la compensation des dettes transférées soit assurée par des « impositions de toute nature », plutôt que par des « recettes ».

M. le rapporteur général. Il s’agit d’un excellent amendement.

M. Gérard Bapt. Mais qui laisse subsister la compensation par des actifs. Or ceux-ci ne sont pas pérennes, puisque le Fonds de réserve pour les retraites sera, un jour, vide !

M. le rapporteur général. Nous n’avons jamais contesté le bien-fondé du Fonds de réserve pour les retraites. Si, à l’avenir, l’amélioration des recettes permet de le doter, nous le ferons, comme nous l’avons d’ailleurs fait en 2004 et en 2005 en lui affectant le produit de la vente des participations de l’État dans le Crédit Lyonnais et dans Alstom.

Vous avez créé ce fonds pour remédier à des difficultés de financement que vous attendiez pour 2020. La crise a fait que ces difficultés sont survenues plus tôt, ce qui nous conduit à remettre en cause le rythme d’utilisation du fonds – mais non son principe.

Mme le rapporteur pour avis. Il n’est pas choquant de prévoir, dans un texte organique, l’affectation d’actifs.

M. le président Jérôme Cahuzac. Crise ou pas, la bosse démographique de 2020 demeure. Prétendre que la crise a déplacé le besoin auquel le Fonds de réserve pour les retraites est censé répondre n’est pas rigoureux. Elle a seulement ajouté aux besoins.

Mme le rapporteur pour avis. Des réformes ont été engagées. Compte tenu du besoin de financement, nous pouvons imaginer d’autres arbitrages mais nous aurons ce débat lors de l’examen du PLFSS.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 8 du rapporteur pour avis.

Mme le rapporteur pour avis. Nos collègues sénateurs avaient introduit une clause garantissant le niveau des recettes affectées à la CADES, mais une rédaction malencontreuse rendait cette disposition inopérante.

Par ailleurs, en donnant une portée organique à une règle figurant à l’article 7 de l’ordonnance de 1996, cet amendement conforte le caractère pérenne de ces ressources.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 10 du rapporteur pour avis.

Mme le rapporteur pour avis. En posant la règle selon laquelle les impositions de toute nature affectées à la CADES doivent avoir une assiette universelle, cet amendement a pour objet de garantir la pérennité des recettes de la Caisse.

M. le rapporteur général. Aujourd’hui, il nous est proposé, dans la loi de finances notamment, d’affecter à la CADES plusieurs recettes, dont certaines ne sont pas pérennes. Avec cet amendement, elles iront bien au budget de la sécurité sociale, mais celle-ci transformera ces recettes diverses et variées en une fiscalité assise sur l’ensemble des revenus des personnes physiques, et ce à masse constante.

Ce financement de type CSG-CRDS sécurisera la levée des fonds nécessaires pour l’amortissement de la dette.

Mme Chantal Brunel. Cela ne règle pas le problème de façon définitive.

M. le rapporteur général. Comme l’a dit Mme le rapporteur, nous aurons en effet à nous préoccuper de compenser d’autres déficits dans le futur.

Mme le rapporteur pour avis. Cet amendement réalise une inversion des dispositifs. Cela ne peut que faciliter les opérations de refinancement relevant de la CADES, mais que l’ACOSS doit aussi traiter pour ce qui la concerne.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CF 9 du rapporteur pour avis.

Elle est saisie de l’amendement CF 3 de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet amendement vise à améliorer l’information du Parlement en matière de gestion de la dette sociale, objectif affiché par le présent projet de loi organique. Il dispose que, lorsqu’un projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit le transfert d’actifs à la CADES, l’annexe à ce projet de loi devra fournir les éléments permettant d’apprécier l’intérêt financier de cette opération.

Mme le rapporteur pour avis. La présentation des transferts d’actifs dans le cadre de l’annexe 8 du PLFSS me semble intéressante. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

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Article 2

(articles L.O. 111-3, 111-4, 111-6 et 111-7du code de la sécurité sociale)

Information du Parlement sur la situation patrimoniale de la sécurité sociale et sur la construction et l’exécution de l’ONDAM

Le présent article a pour objet principal l’amélioration de l’information du Parlement en matière de finances sociales. Il procède également à des ajustements techniques ou rédactionnels de plusieurs dispositions organiques du code de la sécurité sociale.

Deux types d’informations supplémentaires sont ainsi prévues par le texte, qui complète les dispositions prises dans la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale : figureront désormais en annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale un tableau de la situation patrimoniale des organismes de sécurité sociale et une justification relative aux modalités de la construction et à l’exécution de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

I.– LA PRÉSENTATION ANNUELLE D’UN TABLEAU DE LA SITUATION PATRIMONIALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

L’alinéa 9 du présent article apporte un complément au contenu de l’annexe A, visée au II de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale : seront donc désormais joints à cette annexe des états de la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des fonds de financement, mais également de la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et du Fonds de réserve des retraites (FRR).

L’alinéa 4 du présent article prévoit en conséquence que la Cour des comptes, dont la mission d’assistance au Parlement et au Gouvernement dans le domaine du financement de la sécurité sociale est définie par le VIII de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, produira un avis sur la cohérence de ce tableau patrimonial des organismes de sécurité sociale.

On ne peut que se réjouir de l’amélioration ainsi apportée à l’information du Parlement, que le Rapporteur pour avis a d’ailleurs pu appeler de ses vœux par le passé, en demandant une meilleure justification de la gestion de la trésorerie des organismes de sécurité sociale ainsi qu’une présentation de ses principaux outils de financement. Un état de la situation patrimoniale des organismes concernés sera d’autant plus utile à l’avenir que le schéma financier que présente le Gouvernement pour les futures reprises de dettes du régime général et du FSV par la CADES, – par le biais notamment de la mobilisation des actifs du FRR –, implique de pouvoir suivre, année après année, les transferts d’actifs et de passifs qui interviendront.

C’est toutefois principalement pour répondre à un certain nombre d’objections formulées par la Cour des comptes dans son rapport de certification des comptes de l’État pour 2008, concernant la CADES, que de telles dispositions sont aujourd’hui prises dans le cadre du présent texte organique. Jugeant que la Caisse est un établissement public national, placé sous la tutelle de l’État, que celui-ci est en outre en mesure de réunir une majorité au sein de son conseil d’administration et que l’État est tenu d’assurer à la Caisse des recettes suffisantes en cas de transfert de dette, celle-ci bénéficiant d’ailleurs de la qualité de sa signature publique, la Cour a reclassé la CADES en tant que participation contrôlée de l’État.

Dans son rapport de certification des comptes de l’État pour 2009, la Cour revient sur ce point, en indiquant que le ministre chargé des comptes publics, souhaitant que la CADES soit rattachée au périmètre des comptes de la sécurité sociale, a évoqué la possibilité :

« – de retenir à l’avenir le principe d’une présentation élargie des comptes de la sécurité sociale, y compris de leur éléments d’actifs et de passifs, qui inclurait la CADES ;

– de modifier la gouvernance de la CADES de telle sorte que les critères de contrôle par l’État pourraient ne plus être réunis (renforcement de la place des partenaires sociaux et suppression de l’autorisation préalable du ministre de l’économie sur le plan de financement de la Caisse). »

C’est ce premier volet que vient préciser l’alinéa 9 du présent article, la modification de gouvernance de la Caisse faisant l’objet des dispositions de l’article 2 bis du projet de loi, par la modification de la composition de son conseil d’administration.

Comme l’indique d’ailleurs très justement la Cour, un tel état de la situation patrimoniale des entités entrant dans le périmètre comptable de la sécurité sociale permettrait d’appréhender l’accroissement net annuel de la dette sociale.

II.– LE RENFORCEMENT DE LA JUSTIFICATION DE L’ONDAM

Les alinéas 7 et 11 du présent article renforcent l’information devant être transmise au Parlement s’agissant de la construction et de l’exécution de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) : ces dispositions résultent d’une initiative de la commission des Affaires sociales du Sénat, qui a elle-même souhaité reprendre deux préconisations formulées par le groupe de travail sur le pilotage des dépenses d’assurance maladie présidé par M. Raoul Briet.

L’annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale, définie au I de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, présente chaque année les projections pluriannuelles qui accompagnent le projet de loi de financement : y sont décrits les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des fonds de financement et l’objectif national des dépenses d’assurance maladie pour les quatre années à venir. S’agissant de l’ONDAM, aucune justification n’est apportée quant aux modalités de sa construction : ainsi, l’annexe B à la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010, se contente-t-il de fixer cet objectif à 3 % sur l’ensemble de la période, pour un rythme de progression naturelle des dépenses d’assurance maladie de 4,5 %, sans aucunement expliciter les hypothèses de calcul qui ont présidé à la fixation de cette norme de dépenses. Aussi, l’alinéa 7 du présent article prévoit-il que les projections pluriannuelles relatives à l’ONDAM devront reposer sur des hypothèses de construction explicitées qui tiennent compte des perspectives d’évolution des dépenses, mais également des mesures nouvelles qui seront intervenues ou seront susceptibles d’intervenir pendant la période.

L’annexe VII au projet de loi de financement de la sécurité sociale, définie au 7° du III de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, est entièrement dédiée à l’ONDAM : elle retrace les évolutions de son périmètre, sa décomposition en sous-objectifs, précise l’évolution de la dépense nationale de santé et les modes de prise en charge de cette dépense, et rappelle les avis éventuellement émis par le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie, créé par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie. L’alinéa 11 du présent article propose de compléter les données fournies dans le cadre de cette annexe, s’agissant particulièrement de l’exécution de l’ONDAM sur l’exercice clos et sur l’exercice en cours, informations qui doivent permettre de justifier de manière plus approfondie les modalités de construction de l’objectif pour l’année à venir.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 4 de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. En proposant de remplacer les mots « l’année suivante » par les mots « les trois années suivantes » dans le 8° du III du code de la sécurité sociale, cet amendement vise à renforcer l’information du Parlement sur les perspectives pluriannuelles en matière de finances sociales.

Mme le rapporteur pour avis. Défavorable. La pluriannualité est déjà prise en compte dans l’annexe A. Par ailleurs, il sera difficile de mettre en œuvre une analyse pluriannuelle dans le cadre de l’annexe 8, compte tenu des sujets concernés.

La Commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.

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Article 2 bis

(article 3 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996)

Composition du conseil d’administration de la CADES

Afin de tirer les conséquences des réserves émises par la Cour des comptes en 2009, qui avaient conduit à reclasser la CADES comme participation contrôlée de l’État, le Gouvernement a jugé qu’il convenait de rattacher sans ambiguïté le passif de la Caisse au périmètre de combinaison ou d’agrégation des comptes de la sécurité sociale.

L’article 2 du présent projet, qui prévoit, comme on l’a vu, que la présentation des comptes des organismes de sécurité sociale en projet de loi de financement inclurait désormais un état des actifs et des passifs de ces organismes, y compris la CADES, est ainsi utilement complété par le présent article, qui procède à la modification de la composition du conseil d’administration de la Caisse. Ces deux changements devraient logiquement conduire la Cour à entériner la réintégration définitive de la caisse dans la sphère de la sécurité sociale.

Le conseil d’administration de la CADES, dont la composition est précisée par l’article 3 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, comprend actuellement six membres, dont cinq représentent leur administration – trois le ministre chargé de l’économie et des finances, deux le ministre chargé de la sécurité sociale.

L’alinéa 2 du présent article prévoit de porter à quatorze le nombre de membres du conseil d’administration de la caisse : si un seul changement affecte les caractéristiques des actuels membres du conseil d’administration – l’un deux représentera désormais le ministre chargé du budget au lieu du ministre chargé de l’économie et des finances -, la principale modification tient à l’introduction de huit nouveaux membres, correspondant à l’entrée des partenaires sociaux dans le conseil d’administration de la Caisse. Ainsi, seront désormais présents le président et le vice-président de l’ACOSS, les présidents de la CNAMTS, de la CNAV et de la CNAF, et les présidents de la CCMSA et du RSI. Enfin, siègera au conseil d’administration de la CADES un représentant du conseil de surveillance du FRR choisi parmi les représentants des assurés sociaux ou des employeurs et travailleurs indépendants.

Les partenaires sociaux, jusqu’alors uniquement représentés au sein du conseil de surveillance de la caisse, seront donc désormais majoritaires au conseil d’administration de la CADES : le Rapporteur pour avis juge qu’il n’est pas illogique que la participation des partenaires sociaux soit ainsi étendue au regard des montants importants de dette qui vont être transférés à la Caisse. Le conseil d’administration a en effet pour principale compétence d’arrêter les décisions relatives au programme d’émission de la CADES. La présence d’un membre du conseil de surveillance du Fonds de réserve des retraites est également cohérente, dans la perspective des transferts d’actifs du Fonds qui vont progressivement intervenir pour amortir les déficits futurs de la branche vieillesse par la CADES.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 bis sans modification.

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Article 3

(article L.O. 132-3 du code des juridictions financières)

Avis de la Cour des comptes sur la situation patrimoniale
des organismes de sécurité sociale

Le présent article a pour objet de tirer les conséquences, s’agissant de la mission d’assistance de la Cour des comptes au Parlement, des dispositions prises à l’article 2 relatives à la présentation d’un tableau retraçant la situation patrimoniale des organismes de sécurité sociale.

Dans le domaine des lois de financement de la sécurité sociale, les missions d’assistance de la Cour des comptes au Parlement sont explicitées au VIII de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. La Cour est ainsi chargée d’établir un rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, qui comporte notamment son avis sur la cohérence des tableaux d’équilibre par branche du dernier exercice clos. L’établissement de ce rapport annuel est également codifié à l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières qui régit les relations de la Cour des comptes avec le Parlement.

Les dispositions prévues à l’article 2 concernant la présentation annuelle de la situation patrimoniale des organismes de sécurité sociale dans le cadre de l’annexe A au projet de loi de financement de l’année sont donc incorporées, par l’alinéa 2 du présent article et par coordination, dans l’article L.O. 132-2 du code des juridictions financières.

Le VIII de l’article L.O. 111-3 précise en outre que la Cour est chargée de la certification des comptes du régime général de sécurité sociale, pour chacune de ses branches et pour l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) : cette mission de certification est quant à elle codifiée à l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

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Article 4

Entrée en vigueur des différentes dispositions
du présent projet de loi organique

Le présent article prévoit une application du présent projet de loi organique à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, à l’exception des dispositions relatives à la présentation, en annexe au projet de loi de financement, de la situation patrimoniale des organismes de sécurité sociale, qui n’entreront en vigueur que dans la perspective du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, les délais impartis pour l’élaboration du tableau patrimonial étant à l’évidence trop courts pour permettre son intégration au projet qui sera déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale avant le 15 octobre prochain, conformément à l’article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 comportera, en application de l’article 1er du présent projet, les mesures relatives à l’affectation de la recette du Fonds de réserve des retraites et au versement progressif du produit des actifs du Fonds à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, destinés à couvrir le transfert d’une partie des déficits cumulés du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse. Les autres recettes ayant vocation à être affectées à la CADES devraient vraisemblablement figurer, quant à elles, dans le projet de loi de finances pour 2011.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi modifié.

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AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (12)

N° CF 1

AMENDEMENT

présenté par

MM. Charles de Courson et Philippe Vigier

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ARTICLE 1

Alinéa 5 : Supprimer cet alinéa.

N° CF 2

AMENDEMENT

présenté par

MM. Charles de Courson et Philippe Vigier

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ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE PREMIER

À l'article 19 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, substituer aux mots « 0,5 % » les mots « 1,25 % »

N° CF 3

AMENDEMENT

présenté par

MM. Gérard Bapt, Pierre-Alain Muet, Jérôme Cahuzac, Jean-Pierre Balligand, Pierre-Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, MM. Claude Bartolone, Dominique Baert, Jean Launay, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Christian Eckert, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, Victorin Lurel, François Hollande, Michel Sapin, Pierre Moscovici, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Mme Annick Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

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ARTICLE PREMIER

Après l'alinéa 8, ajouter un 5° ainsi rédigé :

« 5° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit le transfert d'actifs à la Caisse d'amortissement de la dette sociale ou l'augmentation de ses ressources par la réalisation d'actifs publics, l’annexe à ce projet de loi, mentionnée au 8° du III de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, fournit les éléments permettant d'apprécier l'intérêt financier de cette opération. Elle indique notamment la rentabilité passée et la rentabilité prévisionnelle des actifs concernés et le coût de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale. »

N° CF 4

AMENDEMENT

présenté par

MM. Gérard Bapt, Pierre-Alain Muet, Jérôme Cahuzac, Jean-Pierre Balligand, Pierre-Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, MM. Claude Bartolone, Dominique Baert, Jean Launay, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Christian Eckert, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, Victorin Lurel, François Hollande, Michel Sapin, Pierre Moscovici, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Mme Annick Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

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ARTICLE 2

À la fin du 2° de cet article, insérer après l'alinéa 11, l'alinéa suivant :

« d) Dans le 8° du III, les mots « l'année suivante » sont remplacés par les mots « les trois années suivantes ». »

N° CF 5

AMENDEMENT

présenté par

MM. Gérard Bapt, Pierre-Alain Muet, Jérôme Cahuzac, Jean-Pierre Balligand, Pierre-Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, MM. Claude Bartolone, Dominique Baert, Jean Launay, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Christian Eckert, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, Victorin Lurel, François Hollande, Michel Sapin, Pierre Moscovici, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Mme Annick Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

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ARTICLE PREMIER

Supprimer cet article

N° CF 6

AMENDEMENT

présenté par

MM. Gérard Bapt, Pierre-Alain Muet, Jérôme Cahuzac, Jean-Pierre Balligand, Pierre-Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, MM. Claude Bartolone, Dominique Baert, Jean Launay, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Christian Eckert, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, Victorin Lurel, François Hollande, Michel Sapin, Pierre Moscovici, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Mme Annick Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

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ARTICLE PREMIER

Au deuxième alinéa de cet article, après le mot « recettes » ajouter le mot : « pérennes ».

N° CF 7

AMENDEMENT

présenté par

Mme Marie-Anne Montchamp,
Rapporteur pour avis

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ARTICLE PREMIER

Rédiger ainsi l’alinéa 2 :

« 1° Au premier alinéa, substituer aux mots : « recettes de » les mots : « impositions de toute nature et actifs affectés à » ; »

N° CF 8

AMENDEMENT

présenté par

Mme Marie-Anne Montchamp,
Rapporteur pour avis

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ARTICLE PREMIER

I. Supprimer l’alinéa 4.

II. Après l’alinéa 5, insérer l’alinéa suivant :

« La loi de financement de la sécurité sociale assure chaque année le respect de la règle fixée aux deux premiers alinéas. »

N° CF 9

AMENDEMENT

présenté par

Mme Marie-Anne Montchamp,
Rapporteur pour avis

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ARTICLE PREMIER

Dans l’alinéa 8, substituer aux mots : « recettes de » les mots : « impositions de toute nature affectées à ».

N° CF 10

AMENDEMENT

présenté par

Mme Marie-Anne Montchamp,
Rapporteur pour avis

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ARTICLE PREMIER

Substituer à l’alinéa 6 les quatre alinéas suivants :

« 3° Le second alinéa est ainsi modifié :

« a) Les mots : « de l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « du présent article » ;

« b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L’assiette des impositions de toute nature affectées à la Caisse d’amortissement de la dette sociale porte sur l’ensemble des revenus perçus par les contribuables personnes physiques. »

ANNEXE I : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Auditions conduites conjointement avec M. Jean – Luc Warsmann
rapporteur au nom de la commission des Lois

Fonds de réserve pour les retraites

– M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance

– M. Yves Chevalier, membre du directoire

Caisse d’amortissement de la dette sociale

– M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d’administration

Ministère du Travail, des relations sociales et de la solidarité

– M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale

– M. Christian Saint-Étienne, professeur au Conservatoire national
des arts et métiers

© Assemblée nationale

1 () En ajoutant le déficit 2011 prévisionnel de la branche maladie, évalué à 14,5 milliards d’euros selon les chiffres figurant dans le rapport de la commission des comptes avant mesures prises en projet de loi de financement de la sécurité sociale, les déficits atteindraient 68,6 milliards d’euros.

2 () Voir en particulier le rapport d’information n° 1933 sur la gestion des découverts de trésorerie et le financement de la dette sociale, présenté par MM. Didier Migaud, Pierre Méhaignerie, Yves Bur et Mme Marie-Anne Montchamp, qui publie une enquête demandée à la Cour des comptes en application de l’article 47-2 de la Constitution.

3 () Article 20 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale : « Sous réserve des dispositions législatives en vigueur à la date de la publication de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ».

4 () Ce montant correspond aux déficits cumulés du régime général et du FSV pour 2009 et 2010 et au déficit prévisionnel des branches maladie et famille pour 2011.

5 () Ce montant correspond aux déficits cumulés du régime général et du FSV entre 2009 et 2011.

6 () Évaluation des voies et moyens. Tome II : « Dépenses fiscales », annexe au projet de loi finances pour 2010.

7 () Le « tarif » actuel de CRDS est de 0,085 point pour une reprise de 10 milliards d’euros de dette, dans le contexte d’une fin de vie de la CADES programmée en 2021.

8 () Le « tarif » actuel de CSG est de 0,09 point pour une reprise de 10 milliards d’euros de dette, dans l’hypothèse d’une fin de vie de la CADES programmée en 2021.

9 () Rapport d’information n° 1932-1933, « Dette et déficits sociaux : l’heure des choix », rapport de la Cour des comptes publié par la Commission des affaires sociales et la Commission des finances, octobre 2009.

10 () Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi initial, « en ajoutant quatre années d’amortissement, le tarif pour 10 milliards d’euros de reprise passe de 0,085 point de CRDS à 0,061 point. Avec autant de ressources, on peut donc reprendre 40 % de dette en plus ».

11 () L’article 7 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale dispose que « si les prévisions de recettes et de dépenses annuelles de la caisse sur la durée restant à courir de la période pour laquelle elle a été créée font apparaître qu’elle ne serait pas en mesure de faire face à l’ensemble de ses engagements, le Gouvernement soumet au Parlement les mesures nécessaires pour assurer le paiement du principal et des intérêts aux dates prévues ».

12 () La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.