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N
° 3135

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er février 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2985, autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière militaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan,

par M.  loïc BOUVARD

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – LE KAZAKHSTAN, PARTENAIRE ESSENTIEL EN ASIE CENTRALE 7

A – UNE PUISSANCE RÉGIONALE OBJET DE NOMBREUSES SOLLICITATIONS 7

1) Un Etat riche et d’une grande importance géopolitique 7

2) L’intérêt croissant des grandes puissances 8

B – DES RELATIONS TOUJOURS PLUS IMPORTANTES AVEC LA FRANCE 9

1) Un choix naturel pour notre pays 9

2) Une coopération relancée avec l’accord de partenariat stratégique 10

C – DES OPPORTUNITÉS DE DÉVELOPPEMENT DE LA COOPÉRATION MILITAIRE 10

1) L’armée kazakhstanaise en pleine restructuration 11

2) Une place encore modeste de la France qui pourrait s’accroître 12

II – UN CADRE NOUVEAU POUR UNE COOPERATION RENFORCEE 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

_____

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 23

Mesdames, Messieurs,

La France a signé, en octobre 2009, un accord de coopération militaire avec la République du Kazakhstan. Parfaitement conforme aux standards internationaux, notamment aux règles de l’organisation du traité de l’Atlantique Nord, ce texte permet de clarifier la situation juridique des personnels engagés dans les actions qu’il prévoit, notamment de formation et d’exercices communs.

La ratification de cet accord permettrait l’entrée en vigueur de deux autres arrangements administratifs, concernant le transit de nos forces par le Kazakhstan vers l’Afghanistan, et la coopération dans le domaine de l’armement. En plus de leurs avantages opérationnels directs, ces conventions renforceraient notre relation avec un pays en passe de devenir la première puissance d’Asie centrale.

Fort de ses ressources naturelles et de son poids géopolitique, le Kazakhstan est l’objet de l’attention de toutes les grandes puissances présentes en Asie centrale. La France a réussi à s’imposer comme l’un de ses partenaires privilégiés, et notre coopération pourrait encore s’étendre notamment dans le domaine militaire.

I – LE KAZAKHSTAN, PARTENAIRE ESSENTIEL EN ASIE CENTRALE

Parmi les cinq Républiques d’Asie centrale, deux d’entre elles revendiquent la première place : l’Ouzbékistan, la plus peuplée, et le Kazakhstan, la plus riche. Force est de constater que cette dernière a accru son avance économique et qu’elle en tire désormais les bénéfices stratégiques. La France a anticipé cette évolution en faisant du Kazakhstan son partenaire majeur dans la région.

A – Une puissance régionale objet de nombreuses sollicitations

Le Kazakhstan, avec 16 millions d’habitants, représente moins d’un tiers de la population d’Asie centrale, mais près des deux tiers du produit intérieur brut de la région. Ses ressources naturelles considérables et son positionnement géographique stratégique en font un allié important pour les grandes puissances, qui multiplient les initiatives à son endroit.

1) Un Etat riche et d’une grande importance géopolitique

Avec un PIB par habitant supérieur de 11 245 dollars en 2008, le Kazakhstan est sans conteste l’Etat centrasiatique le plus riche. Par comparaison, les quatre autres Républiques ont un PIB par habitant inférieur à 6 000 dollars.

L’économie kazakhstanaise a connu une croissance importante, de 450 % entre 1997 et 2007. Bien que le gouvernement ait entrepris des réformes visant à diversifier les productions, la majeure partie des activités est liée à l’exploitation des ressources naturelles, très abondantes dans le pays.

Le Kazakhstan détient ainsi 3 % des réserves mondiales prouvées de pétrole, et 1,7 % des réserves de gaz. Quand le gisement géant de Kashagan, qui représente 40% des réserves du pays, entrera en exploitation, le Kazakhstan pourrait occuper le 7ème rang mondial des producteurs de pétrole. La filière pétro-gazière représente ainsi près du quart du PIB, deux tiers des exportations et 40 % du budget de l’Etat kazakhstanais.

De plus, avec 15 % des réserves mondiales d’uranium, le Kazakhstan se place au deuxième rang mondial, derrière l’Australie (26 %) mais largement devant le Niger (7 % environ, cinquième ou sixième rang mondial).

Le Kazakhstan s’efforce de convertir sa puissance économique en pouvoir d’influence politique. Le pays dispose d’un rôle géopolitique indéniable : 9ème Etat mondial par sa superficie, il occupe une place stratégique pour les Etats engagées dans le conflit en Afghanistan, son territoire pouvant servir au transit des matériels et des hommes.

Conscient de ses atouts, le Kazakhstan a donné une nouvelle ambition à sa politique extérieure et cherche à assumer un rôle de pont entre l’Orient et l’Occident, et s’autonomise peu à peu vis-à-vis de la Russie.. Il a ainsi exercé la présidence de l’organisation pour la sécurité et la coopération économique (OSCE) en 2010, une première pour un membre de la communauté des Etats indépendants. Un sommet entre les chefs d’Etats et de gouvernements de l’OSCE s’est tenu à Astana les 1er et 2 décembre.

2) L’intérêt croissant des grandes puissances

Depuis son indépendance, proclamée le 16 décembre 1991, le Kazakhstan a noué des relations importantes et fructueuses avec de nombreux Etats. La Russie reste évidemment le partenaire primordial, en matière économique (première source d’importations et premier débouché en raison notamment de l’importance de la Russie pour les débouchés pétroliers) et politique. Le Kazakhstan est membre des organisations régionales créée à l’initiative de la Russie, comme l’organisation du traité de sécurité collective ou l’organisation de coopération de Shangaï, où il fait preuve d’une activité conséquente, ainsi que de l’union douanière avec la Russie et la Biélorussie.

Le poids de la Russie se fait également sentir dans l’outil de défense kazakhstanais. Les deux pays continuent à mettre en œuvre une coopération d'autant plus solide que le haut commandement a été formé à l'école soviétique et que près de 250 cadres restent formés chaque année dans les écoles militaires russes. Les forces armées kazakhstanaises sont dotées presque quasi exclusivement de matériel russe et continuent à en acquérir.

Toutefois, le Kazakhstan cherche, sinon à s’autonomiser, du moins à équilibrer sa relation avec la Russie en développant des partenariats avec d’autres puissances. Premier pays à avoir rejoint le partenariat pour la paix de l’OTAN, en 1994, il est également le premier pays d’Asie centrale à avoir signé un plan d’action individuel pour la paix en 2006, avec pour objectif d’accroître l’interopérabilité des forces kazakhstanaises avec celles de l’OTAN.

De la même manière, le Kazakhstan a développé une relation approfondie avec les Etats-Unis, qui considèrent ce pays comme la véritable clé de l’Asie centrale. Le Kazakhstan bénéficie de plans quinquennaux de coopération militaire avec les Etats-Unis, qui assurent la formation de la « KAZBRIG », brigade de maintien de la paix, et prennent à leur compte la formation d'une trentaine d'officiers ainsi que de gardes-frontières. Divers programmes ont permis au Kazakhstan d'obtenir du matériel américain, notamment des véhicules blindés "Hummer", des hélicoptères UH 1D et des navires pour les gardes côtes. Une vente d'avions de transport lourd est également à l'étude. Enfin, les Etats-Unis et le Kazakhstan ont finalisé un accord de transit permettant l'acheminement de blindés américains par voie terrestre.

Mais c’est sans doute avec la Chine que les relations bilatérales ont connu l’évolution la plus remarquable. La Chine est devenue, en moins de dix ans, le deuxième partenaire économique du Kazakhstan, multipliant les échanges par 17 entre 2000 et 2007. 1,5 millions de Kazakhs vivant dans la province chinoise du Xinjiang, les liens sont particulièrement développés avec cette région.

Sur le plan politique, la relation sino-kazakhstanaise se développe également, bien que moins rapidement. Le partenariat dans le cadre de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) a permis un rapprochement, qui s’est concrétisé par des exercices sur le thème de la lutte antiterroriste. Sur le plan bilatéral, la Chine assure la fourniture de matériels et d’équipements et forme tous les ans une soixantaine de militaires kazakhstanais. La Chine participe enfin au renforcement de la flotte des gardes-frontières en mer Caspienne.

B – Des relations toujours plus importantes avec la France

Initiées dès l’indépendance, les relations franco-kazakhstanaises n’ont cessé de s’intensifier depuis quelques années, après la signature d’un accord cadre de coopération de grande ampleur.

1) Un choix naturel pour notre pays

La France poursuit principalement deux objectifs dans sa relation avec le Kazakhstan : le développement des relations économiques et la mise au point d’un partenariat stratégique durable.

Sur le plan économique, le Kazakhstan représente pour notre pays une source d’approvisionnement alternative en hydrocarbures. Cinquième investisseur étranger dans le pays, la France a toutefois fait progresser sa part de marché, et augmenté le volume de ses échanges avec le Kazakhstan de 5,9 % en 2009. Plus de 90 % des exportations kazakhstanaises vers la France étaient constituées d’hydrocarbures.

Par ailleurs, le Kazakhstan pourrait prendre une place plus importante parmi nos fournisseurs en uranium, actuellement au nombre de trois principaux : l’Australie, le Canada et le Niger.

La France souhaite également s’assurer de la coopération du Kazakhstan pour faciliter ses opérations militaires dans la région, notamment en Afghanistan. A l’heure actuelle, le ravitaillement ne peut être réalisé que par pont aérien, transitant alors par la base de Douchanbe, au Tadjikistan. La disponibilité d’une voie terrestre permettrait de diversifier les voies d’approvisionnement et soulagerait nos moyens de transport aérien militaire de longue distance, encore limités dans l’attente de la livraison des Airbus A400M.

2) Une coopération relancée avec l’accord de partenariat stratégique

Afin de poursuivre ces objectifs ambitieux, la France et le Kazakhstan ont signé, le 11 juin 2008, un traité de partenariat stratégique, fixant les grands principes de notre coopération. Les effets de cette avancée diplomatique ont été immédiats : les relations franco-kazakhstanaises se sont fortement développées au cours des trois dernières années.

La France a installé son ambassade dans la nouvelle capitale, Astana, en 2008. Elle a renforcé sa présence en créant un consulat général à Almaty, l’ancienne capitale restée un pôle économique et politique important.

La visite du président Sarkozy au Kazakhstan le 6 octobre 2009 a permis de concrétiser les perspectives ouvertes par l’accord de partenariat stratégique. A cette occasion, plusieurs accords de coopération ont été signés, dans le domaine spatial, de l’armement, de la lutte contre la criminalité, de la sécurité civile, des visas, et de l’innovation. L’accord faisant l’objet du présent projet de loi faire donc partie intégrante de cette série de conventions, toutes prévues par l’accord de partenariat stratégique de 2008.

Lancée sur ces bases prometteuses, la coopération franco-kazakhstanaise pourrait rapidement porter ses fruits, dans des domaines clés. Ainsi, Total participera au développement du gisement pétrolier de Kashagan, de dimension considérable. Cette entreprise est également associée à GDF-Suez pour l’exploitation du gisement gazier de Khvalinskoye, en mer Caspienne.

Dans le domaine nucléaire, Areva, via une filiale commune avec le groupe kazakhstanais Kazatomprom (KATCO), pourrait se voir assurer d’un flux de 4000 tonnes d’uranium par an, faisant du Kazakhstan la première filière d’importation de l’uranium en France.

Tant dans le domaine politique qu’économique, la France a donc, à l’instar des autres grandes puissances, renforcé ses liens avec le Kazakhstan. Dans le domaine proprement militaire, notre coopération pourrait également connaître un développement important.

C – Des opportunités de développement de la coopération militaire

Puissance régionale, le Kazakhstan n’a pas d’ennemi direct identifié, et s’efforce de jouer un rôle stabilisateur. Le pays s’est engagé à participer aux opérations en Afghanistan par l’envoi de quelques officiers, en cohérence avec les menaces identifiées sur son flanc Sud, liées à l’infiltration potentielle d’éléments terroristes. Bien que faiblement déployée hors de ses frontières, les forces kazakhstanaises sont en cours de modernisation afin d’améliorer leur niveau d’équipement, actuellement largement issu des stocks de l’ère soviétique. Une telle évolution offre des possibilités importantes de partenariats pour la France.

1) L’armée kazakhstanaise en pleine restructuration

Les forces armées, d'un effectif d'environ 30 000 hommes - le Kazakhstan reste évasif sur les chiffres - sont complétées en temps de guerre par des forces paramilitaires qui comptent 30 000 personnels des autres structures de forces (gardes-frontières, forces de sécurité, troupes de l'intérieur, garde présidentielle et ministère des situations d'urgence). Le nombre de civils n’est pas connu.

L’armée de terre, dont la valeur opérationnelle reste difficile à mesurer, compte environ 20 000 hommes. Le matériel pléthorique hérité de l'URSS est en cours de modernisation, la priorité étant mise sur les armes de haute précision et les moyens dédiés à la guerre électronique et aux systèmes de communication. Le parc de véhicules blindés (983 chars T-72, 1 976 véhicules blindés de combat d'infanterie de type BMP 1/2, BTR 60/80 et MTLB) a été renforcé par la modernisation du parc d'artillerie (achat en 2008 de 122 mm SEMSER, NAIZA, et lance-roquettes multiples) qui compte 1626 pièces.

La marine kazakhstanaise est armée par environ 500 hommes, mais l’essentiel des missions de surveillance sont réalisées par les 3000 gardes-côtes. Ces derniers disposent de l’essentiel des équipements, la marine ne possédant que trois patrouilleurs cédés en 2006 par la Corée du sud, quelques bâtiments océanographiques et vedettes. Toutefois, elle se prépare à acquérir des navires de 350t produits localement.

La composante aérienne, de faible capacité opérationnelle, comprend un effectif d'environ 6000 hommes. Le Kazakhstan dispose d'une aviation de combat équipée de moyens aériens relativement diversifiés et récents (40 Mig 29 Fulchrum, 24 SU-27 Flanker, 28 Mig 31 Foxhound), et de matériels plus anciens (Mig 27 Flogger et 51 SU-25 Frogfoot), à l'instar du parc d'aéronefs de transport (deux AN-12 Cub, neuf An-24/26, deux An-72 et deux Tu-134). 75 hélicoptères de type Mi-8, Mi-24, Mi-26 et Mi-6 complètent ce parc qui semble faiblement entretenu. L'acquisition d'avions américains d'occasion (six C-130 Hercules) est à l'étude.

Avec la nouvelle doctrine de défense, adoptée en avril 2007, les forces armées ont entrepris une réforme en profondeur, unique en Asie centrale. Résolument défensive, cette nouvelle doctrine pousse les armées à moderniser leur équipement et à professionnaliser leurs effectifs à hauteur de 65 %, bien que cet objectif semble difficile à atteindre dans les délais initialement fixés.

Le Kazakhstan s’efforce également d’assainir la gestion financière du ministère de la défense. Ainsi, l’ancien ministre de la défense, Danial Akhmetov, a cédé la place à Adylbek Djaksibekov, désormais chargé de la modernisation, à l'issue d'une enquête d'un an ayant révélé des fraudes dans la conclusion d’un contrat d’équipement avec une société israélienne.

2) Une place encore modeste de la France qui pourrait s’accroître

La coopération militaire franco-kazakhstanaise s’est développée depuis 2002, date de création du poste d’attaché de défense dans le pays. Accompagnant la modernisation de l’armée du Kazakhstan, cette coopération poursuit quatre objectifs majeurs :

– formation des élites et des officiers subalternes et stages de spécialisation ;

– conseils liés à la coopération en matière d’armement ;

– coopération opérationnelle et exercices ;

– soutien à l'exportation par l’organisation de visites, d’exercices et de démonstrations en France et au Kazakhstan, et, jusqu'en 2007, par la tenue régulière de commissions d'armement, qui devraient reprendre en 2011.

Le plan de coopération signé le 13 décembre 2010 prévoit une ouverture sur la coopération aéronautique et la poursuite de l'enseignement du français, ainsi qu'une poursuite de la coopération dans le domaine des transmissions, des forces spéciales et de la marine (un temps intéressé, le Kazakhstan ne souhaite plus acquérir des navires français, mais s'intéresse à l'expertise française).

Les principaux partenaires du Kazakhstan dans le domaine militaire sont, comme dans les domaines économique et politique, la Russie, la Chine et les Etats-Unis. D’autres pays ont déjà établi une solide coopération avec le Kazakhstan en plus des trois grandes puissances, notamment la Corée du Sud (vente de navires et formation), la Turquie (formation de 300 officiers kazakhstanais) et Israël (vente de matériels électroniques et de transmission). Toutefois, la France pourrait accroître sa place dans ces domaines.

Ainsi, l'année 2010 a été marquée par une forte participation française au salon d'armement KADEX 2010 à Astana – premier salon d’armement organisé en Asie centrale - et par la visite de deux délégations en France dans le cadre d'un projet finalement non réalisé d'acquisition de deux navires d'occasion français.

Les entreprises françaises ont dores et déjà pénétré le marché militaire du Kazakhstan. Selon les souhaits de l’Etat kazakhstanais, ces contrats impliquent la création d’entreprises conjointes, le Kazakhstan demandant systématiquement que les livraisons de matériels s’accompagnent de transferts de technologies.

Thalès est la première entreprise française à avoir concrétisé un partenariat. Après les premières livraisons de radio destinées à équiper les brigades de l'armée de terre fin 2010, une entreprise conjointe installée à Alamaty vise l'équipement des autres armées, des structures territoriales et à plus lointaine échéance celle des autres structures de force. Cette implantation pourrait permettre à terme de vendre ces équipements aux pays voisins dans le cadre de l'organisation du traité de sécurité collective.

D’autres entreprises ont suivi. Eurocopter a annoncé la création d'une filiale commune pour la vente de 45 hélicoptères de la gamme EC-145. SAGEM est engagé dans le même processus pour fournir des drones de type Sperwer au ministère de la défense. Enfin, EADS a vendu deux satellites à haute résolution et est en train de construire un centre d'intégration satellitaire franco-kazakhstanais à Astana avec l’agence spatiale kazakhstanaise.

II – UN CADRE NOUVEAU POUR UNE COOPERATION RENFORCEE

L’accord de coopération militaire entre la France et le Kazakhstan, qui fait l’objet du présent projet de loi, participe donc du développement récent, mais rapide, des relations entre nos deux pays.

Sa ratification permettrait par ailleurs l’entrée en vigueur de deux autres accords intéressant directement nos objectifs dans la région : l’accord relatif à la coopération dans le domaine de l'armement et l’accord relatif au transit de matériel militaire et de personnel français dans le cadre des opérations de stabilisation de la République islamique d'Afghanistan, tous deux également signés le 6 octobre 2009.

Conforme aux standards internationaux en matière de coopération militaire, l’accord qui fait l’objet du présent projet de loi rappelle, dans ses articles 1 à 5, que son objet est d’organiser des actions communes, qui peuvent concerner de nombreux domaines (1) et peuvent prendre des formes diverses (2). Cet accord ne comporte pas de clause d’assistance mutuelle, et ne prévoit donc pas que les forces françaises soient amenées à participer à des opérations militaires avec le Kazakhstan en cas d’usage de la force par cet Etat.

L’article 6 institue une commission mixte paritaire franco-kazakhstanaise, composée de représentants des deux parties, qui se réunit annuellement pour mettre en œuvre concrètement la coopération. Cette institution n’existait pas jusqu’à présent. Elle devrait faciliter l’organisation de la coopération militaire franco-kazakhstanaise, désormais encadrée par un plan annuel défini d’un commun accord par les autorités françaises et kazakhstanaises au titre de l’article 8 de l’accord.

L’article 9 concerne le statut juridique des forces de chacune des parties amenées à séjourner sur le territoire de l’autre partie dans le cadre de la coopération militaire. Il renvoie à la convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord et les autres Etats participant au Partenariat pour la paix sur le statut de leurs Forces du 11 janvier 1994 (3), qui prévoit l’application dans ces cas de la convention cadre des Etats parties au Traité de l’Atlantique Nord sur le statut de leurs forces du 19 juin 1951.

La France et le Kazakhstan appliqueront donc les mêmes règles de juridiction que celles prévalant pour toute coopération prévue par l’OTAN. Celles-ci prévoient notamment des facilités d’entrée et de séjour sur le territoire et la pleine compétence des autorités du pays d’origine en cas de contentieux disciplinaire.

En revanche, en cas d’infraction aux lois de l’Etat d’accueil, la compétence des juridictions locales ne s’exerce pas pour les infractions commises dans le cadre du service, ou lorsque celles-ci portent atteinte aux biens de l’Etat d’origine. Même lorsque les juridictions de l’Etat de séjour sont compétentes, elles s’engagent à rechercher la collaboration des autorités de l’Etat d’origine, et à respecter des principes garantissant un procès rapide et équitable(4).

De la même manière, les demandes d’indemnisation de dommages subis par l’Etat de séjour ne sont pas recevables hors le cas de faute personnelle. Les dommages causés à des tiers sont indemnisés par les deux parties solidairement (5).

Enfin, les personnels des deux parties bénéficient de privilèges fiscaux et douaniers afin de faciliter leur entrée et leur séjour sur le territoire de l’autre partie. L’utilisation de ces privilèges à des fins personnelles hors du cadre de la coopération est prohibée (6).

Les articles 10 à 12 de l’accord du 6 octobre 2009 précisent certains éléments périphériques à la mise en œuvre de la coopération militaire franco-kazakhstanaise : rapatriement des corps et autopsie en cas de décès, responsabilité financière de chacune des parties pour les frais engagés au titre de la coopération, accès pour les personnels séjournant sur le territoire de l’autre partie, et pour les membres de leurs familles, aux soins médicaux et dentaires.

L’article 13 renvoie à l’accord du 8 février 2008 entre la France et le Kazakhstan, qui prévoit des règles permettant d’assurer le respect des règles de confidentialité.

Enfin, les dispositions finales de l’accord, fixées par les articles 14 à 16, rappellent les règles usuelles de modification, de dénonciation et de règlement à l’amiable des différends pour un texte international conclu pour une durée intdéterminée.

CONCLUSION

Riche en hydrocarbures et en uranium, le Kazakhstan apparaît comme la puissance régionale montante, et tend à développer une politique étrangère plus autonome vis-à-vis de l’ancienne puissance tutélaire russe. La France, dont les intérêts sur place dépassent les seules ressources naturelles et concernent également l’approvisionnement de nos forces en Afghanistan, a fait du Kazakhstan son partenaire stratégique dans la région.

Toutes les puissances internationales, notamment la Chine et les Etats-Unis, ont choisi d’approfondir leurs relations avec le Kazakhstan, mais la coopération franco-kazakhstanaise a connu un développement particulièrement rapide, notamment depuis la signature d’un accord de partenariat stratégique en 2008 entre nos deux pays.

De nombreux domaines de coopération sont désormais ouverts, notamment dans le domaine militaire, où l’armée kazakhstanaise fait preuve d’une volonté de réforme et de modernisation unique en Asie centrale. La France pourrait trouver avantage à accompagner ce mouvement, et nos industriels ont déjà répondu positivement à plusieurs demandes d’équipement des forces kazakhstanaises.

L’accord du 6 octobre 2009 est parfaitement conforme aux standards internationaux, puisqu’il renvoie aux textes de l’OTAN pour les sujets les plus sensibles relatifs au statut juridique des forces déployées. Il offre donc toutes les garanties indispensables en matière de coopération militaire.

Par ailleurs, sa ratification permettrait l’entrée en vigueur de deux textes importants pour le développement des relations entre les deux pays et le soutien de nos forces déployées en Afghanistan.

Renforçant la sécurité juridique de notre coopération militaire, ce qui favorise le développement de nos relations avec une future puissance régionale majeure, et facilitant pour nos armées l’accès au théâtre afghan, l’accord de coopération militaire entre la France et le Kazakhstan est donc un texte important et positif pour notre pays.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 1er février à 17h00.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. François Rochebloine, président. Avant de passer la parole aux autres commissaires, je souhaiterais moi-même vous interroger sur deux points. En premier lieu, le Kazakhstan est un pays musulman, disposant d’un régime qu’on peut qualifier d’autoritaire. Y existe-t-il des mouvements islamistes ? J’ai été sollicité pour participer à une surveillance des élections au Kazakhstan et j’ai refusé pour ne pas servir de caution morale au régime.

En second lieu, de nombreuses actions ont été conduites au niveau international ces dernières années sur la question des mines antipersonnel, notamment avec les accords d’Ottawa puis d’Oslo. La Russie ne les a pas signés. Je suppose qu’il en est de même du Kazakhstan. Pouvez-vous le confirmer ?

M. Michel Terrot. La France a la chance de disposer d’un espace d’échanges et de rencontres avec le Collège interarmées de défense. Cette « école de guerre » accueille de nombreux stagiaires étrangers. Des stagiaires kazakhstanais y ont-ils déjà été accueillis ? Par ailleurs, le Kazakhstan est riche en uranium. Je suppose qu’Areva se préoccupe de son implantation dans ce pays, d’autant que la situation au Niger est difficile. Comment son intérêt se manifeste-t-il ?

M. Jean-Paul Dupré. J’aurais souhaité connaître la composition des forces militaires kazakhstanaise, en particulier la part de la marine.

M. Loïc Bouvard, rapporteur. L’armée kazakhstanaise compte 30 000 hommes, dont 3 000 dans les gardes côtes et la marine, 20 000 dans l’armée de terre et 6 000 dans l’armée de l’air.

M. Jean-Paul Dupré. Depuis que la Russie a retiré tout son arsenal nucléaire, existe-t-il au Kazakhstan une volonté de se rééquiper en nucléaire militaire ? J’aurais souhaité également savoir si des militaires kazakhstanais étaient engagés dans des opérations extérieures aujourd’hui et, enfin, quelles relations le Kazakhstan entretient avec ses voisins, s’il existe des situations conflictuelles si ont met de côté les relations avec la Chine et la Russie qui semblent être des relations privilégiées.

M. Jacques Remiller. On se souvient que pendant l’ère soviétique, des essais nucléaires avaient lieu au Kazakhstan. Il semblerait qu’il y ait encore des accords entre la Russie et ce pays. Disposez-vous d’informations à ce sujet ? Pouvez-vous nous en dire plus sur les méthodes de travail, les hommes et les technologies ?

M. Lionel Luca. Je m’interroge sur le caractère peu démocratique du régime. Les évènements actuels rappellent qu’une certaine prudence est de mise. De plus, il me semblait que l’objet essentiel des accords avec le Kazakhstan était d’assurer le passage vers l’Afghanistan et non de développer un partenariat stratégique. Un tel partenariat mériterait d’être précisé. Je m’interroge enfin sur le rôle de la Chine et de la Russie dans ce théâtre de l’Asie centrale.

M. Jean-Claude Guibal. Nous signons un accord de coopération militaire avec le Kazakhstan. Quels autres pays, hormis les Etats-Unis, ont signé un tel accord ? Le Kazakhstan a-t-il, à l’image de la Turquie par exemple, la volonté de s’ériger en puissance régionale ? Cela pose à nouveau la question de ses relations avec ses voisins.

M. Jacques Bascou. Le Kazakhstan apparaît comme un pays lointain, que l’on connaît mal, voisin de la Chine et de la Russie, membre du partenariat pour la paix et au régime autoritaire. Il serait utile d’en savoir plus sur ce pays sur le plan politique et sur ses relations avec ses voisins.

M. Hervé de Charette. J’aurais pour ma part une question malicieuse en vous interrogeant sur les relations entre l’UMP et le parti au pouvoir au Kazakhstan, après avoir lu dans la presse que des visites au plus haut niveau avaient lieu.

M. Loïc Bouvard, rapporteur. Le régime kazakhstanais est autoritaire, tenu d’une main de fer par un président qui impose un culte de la personnalité. Le président a toutefois refusé la demande émise par le parlement kazakhstanais d’organiser un référendum pour prolonger son mandat jusqu’en 2020. Des élections présidentielles devraient donc avoir lieu en 2010.

L’islam n’est pas perçu comme une menace pour la sécurité du Kazakhstan, même si les autorités redoutent des infiltrations d’extrémistes provenant d’Afghanistan.

En ce qui concerne l’interdiction des bombes à sous-munition et antipersonnelles, le Kazakhstan n’a pas ratifié les conventions d’Oslo et d’Ottawa. Toutefois, il ne fabrique pas d’armes de ce type. Outre la Russie et les Etats-Unis, ses principaux fournisseurs d’équipements militaires sont Israël, la Corée et la Turquie.

L’accord prévoit que la France accueille des officiers kazakhstanais pour des formations. A ma connaissance, il n’y a pas encore eu d’élèves originaires de ce pays à l’école de Saint-Cyr.

Pour l’heure, la France achète de l’uranium au Niger, à l’Australie et au Canada, mais un accord a été signé par Areva, qui prévoit la livraison de 4 000 tonnes d’uranium provenant du Kazakhstan chaque année.

Le pays est partie au traité de non-prolifération et, à ma connaissance, ne cherche pas à se doter de l’arme nucléaire. En tant que partenaire stratégique, il peut sans doute compter sur la protection nucléaire russe.

Il n’y a pas de forces kazakhstanaises stationnées à l’étranger. Une promesse a été faite d’envoyer quelques officiers en Afghanistan, pour le moment sans suite. Son armée est en cours de modernisation et l’objectif est de la professionnaliser à hauteur des deux tiers. Il ne faut pas se cacher que les accords de coopération militaires impliquent toujours des transferts de technologies, même si la partie la plus sensible de celles-ci n’est pas révélée.

Le Kazakhstan ne prétend pas devenir un tampon entre la Chine et la Russie et il a intérêt à avoir de bonnes relations avec les deux, ce qui est le cas et ne l’empêche pas de participer au partenariat pour la paix de l’OTAN. Il se contente de défendre ses intérêts, notamment dans la mer Caspienne, mène une politique de bon voisinage et n’entretient aucune tension avec les pays qui l’entourent. Sa taille et sa richesse lui donnent un poids certain dans la région, mais il ne semble pas souhaiter en jouer, contrairement à la Turquie qui cherche à accroître son influence dans les Etats turcophones de la zone.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 2985).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de coopération en matière militaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan, signé à Astana le 6 octobre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2985).

© Assemblée nationale

1 () La liste indicative établie par l’article 4 indique notamment : la réforme des armées, l’enseignement du français, la formation des personnels, l’organisation des forces et la doctrine, les exercices conjoints, la coopération en matière d’armement, la médecine militaire, l’action dans le cadre des organisations internationales, le contrôle de l’espace aérien.

2 () Là encore, l’article 5 fournit une liste d’exemples non limitative : visites officielles, échanges de personnels, participation à des conférences, organisation d’exercices conjoints, stages d’étude, manifestations culturelles et sportives.

3 () Dit « Accord SOFA PPP » pour Status of forces – Partnership for Peace program.

4 () Article VII § 7 à 9 de l’accord du 19 juin 1951 précité.

5 () Article VIII de l’accord du 19 juin 1951.

6 () Articles IX à XVI de l’accord du 19 juin 1951.