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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 4235

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er février 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres,

PAR M. Jacques Grosperrin,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 4151.

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION 5

INTRODUCTION 7

I.- UN TEXTE DE NATURE TECHNIQUE 9

A. LA RECONNAISSANCE DE L’UNIVERSITARISATION DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS 9

1. Les conséquences législatives à tirer de l’élévation de leur qualification universitaire 9

2. La place préservée des IUFM 12

3. Le maintien d’un cadrage national de la formation 15

B. LE CONTEXTE CRÉÉ PAR LA DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT DU 28 NOVEMBRE 2011 16

1. Le contenu de la décision 16

2. Ses effets 17

II.- LES AMÉLIORATIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION 19

III.- LA MASTÉRISATION : UNE RÉFORME À RÉFORMER 21

A. UN CONSTAT QUI NE PEUT QU’ÊTRE SÉVÈRE 21

B. UN DISPOSITIF À RECONSTRUIRE 21

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

I- DISCUSSION GÉNÉRALE 23

II.- EXAMEN DES ARTICLES 36

Article 1er Rôle de l’université en matière de formation des maîtres 36

Article 2 Missions des instituts universitaires de formation des maîtres 42

Article 3 Coordination avec la formation des enseignants des établissements technologiques 44

Article 4 Application de la loi en outre-mer 46

TABLEAU COMPARATIF 49

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 51

ANNEXE 1 : DONNÉES SUR LES CONCOURS EXTERNES DE RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS (2007-2011) 55

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 57

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR LA COMMISSION

À l’initiative du rapporteur, la Commission a apporté deux modifications importantes au texte initial de la proposition de loi :

– d’une part, la formation des maîtres sera assurée par les établissements d’enseignement supérieur, notamment par les universités, cette rédaction permettant d’enrôler dans le nouveau dispositif de formation les écoles et les grands établissements habilités à délivrer des masters orientés vers les métiers de l’enseignement ;

– d’autre part, elle devra répondre à un cahier des charges arrêté par les ministres chargés de l’éducation et de l’enseignement supérieur.

INTRODUCTION

Déposée par le rapporteur le 10 janvier 2012, la présente proposition de loi vise à parachever l’« universitarisation » de la formation des enseignants, un mouvement commencé, il y a plus de vingt ans, avec la création, par la loi dite « Jospin » de 1989, des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Elle propose de modifier, à cet effet, les dispositions du code de l’éducation qui, dans leur rédaction actuelle, confient cette mission aux IUFM. Dans le même temps, elle tend à reconnaître le rôle d’opérateurs que jouent les instituts dans le nouveau dispositif de formation.

Un texte technique…

En élevant le niveau de qualification des enseignants au diplôme du master, la réforme dite de la mastérisation de 2010 a, de ce fait, confié aux universités le soin de former celles et ceux qui se destinent à ce métier.

Prenant acte de cette évolution, la présente proposition de loi procède à quelques modifications des articles du code de l’éducation relatifs au rôle des IUFM. Elle prévoit de maintenir le cadrage, par l’État, de l’offre de formation proposée, tout en tenant compte du contexte créé par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. Enfin, elle propose d’opérer quelques coordinations dans le code et de préciser le champ d’application de la loi aux collectivités d’outre-mer.

… qui répare un oubli regrettable

On notera que c’est grâce à une initiative parlementaire que pourra être consacré, sur le plan législatif, le rôle des universités dans la formation des maîtres.

Bien que la mastérisation ait été en effet décidée et mise en application par le Gouvernement, ce dernier n’en a pas tiré les conséquences législatives dans le code de l’éducation. Pourtant, il disposait de suffisamment de temps pour le faire, les décrets encadrant cette réforme ayant été adoptés le 31 juillet 2009. Depuis lors, le temps a passé et les recours pour excès de pouvoir contre certains aspects réglementaires de la réforme se sont accumulés devant le Conseil d’État…

Ceci explique le dépôt, quasiment à la fin des travaux de la législature, de ce texte par le rapporteur, qui, de la sorte, supplée à une forme de carence, une situation pour le moins regrettable.

Il est vrai que les changements de titulaire du portefeuille de l’éducation nationale, même s’il n’y en a eu qu’un pendant la période considérée, ne facilitent pas des prises de décision cohérentes et suivies : ce simple constat devrait plaider en faveur d’un ou d’une ministre de l’éducation nationale de « mandature ».

Par ailleurs, le caractère interministériel du dossier – l’enseignement supérieur forme et l’éducation nationale recrute et emploie – implique une unité de vues dans sa gestion, laquelle est, de surcroît, indispensable pour faire avancer une réforme aussi complexe qu’ambitieuse.

Or celle-ci a manqué au cours des premières étapes, les plus décisives, du processus.

Aussi le rapporteur ne peut-il que réitérer, ici, son jugement, formulé à l’occasion d’un autre travail (1), sur le nouveau dispositif de formation et de recrutement des enseignants : si son principe directeur – l’élévation du niveau de qualification universitaire des enseignants – doit être défendu avec la plus grande vigueur, ses modalités pratiques sont éminemment critiquables et devraient être rapidement revues.

I.- UN TEXTE DE NATURE TECHNIQUE

La présente proposition de loi a une portée strictement technique : la réforme de la mastérisation ayant conduit à confier la formation des maîtres aux établissements d’enseignement supérieur, dont, au premier chef, les universités, il convient d’en tirer les conséquences législatives sur les dispositions du code de l’éducation relatives aux missions des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Ce texte permettra de parachever « l’universitarisation » de la formation des enseignants, engagée dans notre pays par la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation (loi « Jospin »). Tout en tenant compte de l’autonomie récemment confortée de nos universités, il propose de maintenir le principe d’un cadrage des formations préparant aux métiers de l’enseignement, principe qui a été posé par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 3 avril 2005 (loi « Fillon »).

A. LA RECONNAISSANCE DE L’UNIVERSITARISATION DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS

1. Les conséquences législatives à tirer de l’élévation de leur qualification universitaire

 Le pari de l’université

Dans le modèle antérieur de formation, mis en place en 1991, les enseignants étaient recrutés au niveau de la licence (bac + 3) ou de la maîtrise (bac + 4, pour les seuls agrégés), souvent après avoir préparé le concours dans un IUFM, et effectuaient, pendant leur stage probatoire, une année de formation en alternance entre les établissements où ils étaient mis en responsabilité d’une classe, et les IUFM où ils étaient initiés, pendant les deux tiers de leur service, à la pédagogie.

Ce modèle connaissait de réelles faiblesses, que le rapporteur a rappelées à l’occasion des travaux de la mission d’information sur la formation et le recrutement des enseignants. La principale d’entre elles était la césure, aux effets « dissonants », entre l’année de préparation du concours, assimilable à du bachotage, et la découverte des réalités du métier, qui n’avait lieu que bien tardivement, au cours de l’année de formation en alternance, les cours dispensées en IUFM pendant cette période n’apportant pas toujours, aux yeux des futurs professeurs, des réponses adaptées à leurs interrogations.

Intervenue en 2010, la réforme dite de la mastérisation a allongé et unifié la formation : tous les enseignants – professeurs des écoles et professeurs des lycées et collèges, certifiés ou agrégés – sont désormais recrutés à bac + 5, au niveau du master, diplôme obtenu, dans la majorité des cas, à l’université.

La France s’est ainsi mise au diapason européen, en faisant le pari que l’université, qui forme, depuis fort longtemps et bien, les médecins et les juristes, devrait être aussi en mesure de préparer ses étudiants au métier d’enseignant.

Durée de la formation initiale des enseignants (hors année de stage probatoire)

Pays

Enseignants du 1er degré

Enseignants du 2nd degré

Allemagne

5 ans

Au moins 5 ans

Angleterre

5 ans

Au moins 5 ans

Belgique

3 ans

Au moins 5 ans (Bel nel)

Danemark

4 ans

Au moins 5 ans

Espagne

3 ans

Moins de 5 ans

Estonie

5 ans

Au moins 5 ans

Finlande

5 ans

5 ans

Italie

4 ans

Au moins 5 ans

Pologne

5 ans

Au moins 5 ans

Suède

3 ans

Moins de 5 ans

Australie

Entre 4 à 5 ans

4/5 ans

Canada

4/5 ans

4/5 ans

Nouvelle-Zélande

4/5 ans

Entre 4 et 6 ans

Nota : En 2010, quatre États-membres de l’Union européenne, seulement, n’assuraient pas une formation de niveau universitaire de leurs enseignants  : l’Autriche et la Belgique (pour le 1er et le 2nd degré) et le Luxembourg et la Roumanie (pour le seul 1er degré).

Source : d’après un tableau comparatif de l’International Review of Curriculum and Assessment Frameworks Internet Archive du ministère britannique de l’éducation et « La formation initiale des enseignants en Europe » de Mme Annie Feyfant, colloque de l’Institut de recherches, d’études et d’animation du Sgen-CFDT, juin 2010.

Ce dispositif de formation devrait accorder, en outre, une nouvelle place à la recherche, laquelle est fondamentale pour développer la réflexion sur le métier et améliorer les pratiques en classe, comme l’ont bien compris les universités finlandaises. Ainsi que l’a souligné le président du comité de suivi du master, M. Jean-Michel Jolion, l’introduction de l’initiation à la recherche dans le cursus des futurs enseignants « doit être à l’image de ce qui doit être proposé dans tous les cursus de master dont la finalité n’est pas le métier de chercheur : acquérir, par les méthodologies de la recherche, la capacité d’introspection sur l’exercice de son métier », la recherche en sciences de l’éducation et en didactique ayant « bien sûr toute sa place dans ce qui doit être proposé aux étudiants » (2).

Depuis la rentrée 2010, les admis aux concours sont donc directement affectés en académie et bénéficient, au cours de leur année de stage, les masters préparant aux métiers de l’enseignement devant encore faire leur preuve, d’une formation complémentaire, dite « continuée », organisée par l’université.

Le code de l’éducation ignore ce contexte entièrement renouvelé, puisqu’il se réfère à l’ancien modèle de formation, dans lequel les IUFM jouaient un rôle déterminant :

– l’article L. 625-1 du code dispose ainsi que la formation des maîtres est assurée par les instituts, qui accueillent à cette fin les étudiants préparant les concours d’accès aux corps des personnels enseignants (3) et les stagiaires admis à ces concours ;

– de manière corollaire, le quatrième alinéa de l’article L. 721-1 indique que les IUFM « conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants », cette disposition visant l’année de formation en alternance des enseignants stagiaires, qui n’est plus organisée.

 L’achèvement du mouvement d’universitarisation

Le recteur de l’académie de Versailles, M. Alain Boissinot, notait, dans un numéro récent de la Revue internationale d’éducation, que dans la plupart des pays étudiés, on constate « le même mouvement au cours des trente dernières années du vingtième siècle, vers l’universitarisation de la formation des maîtres », les IUFM et la reconnaissance « fragile » de leur caractère universitaire ayant constitué, en France, « de façon transitoire, une solution de compromis entre la logique des écoles normales et celle des universités » (4).

Tel est, en effet, le chemin suivi par notre pays : institués par la loi « Jospin » du 10 juillet 1989 sous la forme d’établissements publics administratifs, les IUFM ne sont devenus qu’à partir de 2007 des écoles internes dotées d’une autonomie de fonctionnement au sein de leur université de rattachement, sur l’impulsion de la loi « Fillon » du 23 avril 2005. Contrairement à une légende tenace, ces instituts n’ont jamais été supprimés mais transformés en composantes de l’université, aux côtés des unités de formation et de recherche (UFR) ou des laboratoires.

Or, ainsi que l’a rappelé notre collègue Guy Geoffroy, l’intégration des IUFM « ne doit pas se « contenter » de donner un sens visible au grand U : elle doit traduire la volonté et la capacité de toutes les composantes mobilisables des universités concernées de faire de la formation des maîtres un élément central de leur projet » (5).

L’article 1er de la présente proposition de loi tend à parachever cette évolution, en affirmant que la formation des maîtres est « notamment » assurée par les universités, qui, à cette fin, « accueillent les étudiants préparant les concours d’accès aux corps des personnels enseignants » et « participent à la formation de stagiaires admis à ces concours ». Cette dernière disposition fait référence à la formation complémentaire ou « continuée », organisée durant l’année qui suit l’affectation, en académie, des lauréats du concours. Le « notamment » vise à prendre en compte les écoles ou les autres établissements d’enseignement supérieur qui proposent des masters préparant aux métiers de l’enseignement et qui forment, par conséquent, eux aussi, de futurs enseignants.

2. La place préservée des IUFM

En consacrant l’universitarisation de la formation des maîtres, la présente proposition de loi n’aura pas pour effet de faire disparaître les IUFM.

Au contraire, elle tend à conforter leur rôle de « cheville ouvrière », qu’ils jouent d’ores et déjà, dans le dispositif mis en place en 2010.

 Un rôle d’appui et de recherche conforté

Comme le souligne le rapport précité de M. Jean-Michel Jolion, la réforme a eu pour effet de « repositionner le rôle des IUFM comme opérateur principal des formations conduisant au métier de la formation du premier degré et comme opérateur d'appui pour le volet professionnalisant des autres formations ». Plus précisément, dans le premier degré, ces instituts « bénéficiant de leur histoire, ont très souvent un rôle d’interface avec le rectorat et l’inspection académique pour tout ce qui concerne la gestion des stages » et, en interne au système universitaire, pour les filières conduisant au professorat de lycée et de collège, « ils interviennent le plus souvent pour piloter et mettre en œuvre le volet professionnalisation » (6). Ainsi, pour l’année 2011, la Conférence des directeurs d’IUFM a annoncé que plus de 90 % des lauréats des concours de professeurs des écoles se sont préparés dans le cadre de masters portés par les instituts (7).

Brève présentation des IUFM

La France comporte 32 IUFM, intégrés dans 30 universités, soit un institut par académie (y compris dans les cinq académies d’outre-mer). Chaque institut est constitué d’un siège académique et d’un ou plusieurs sites départementaux, appelés aussi antennes. Au total, le réseau des IUFM comprend près de 130 antennes.

En tant que composantes des universités, les IUFM sont régis par l’article L. 713-9 du code de l’éducation, applicable aux « instituts et écoles faisant partie des universités ». Ils sont donc administrés par un conseil élu, dont l’effectif ne peut dépasser quarante membres et comprend 30 à 50 % de personnalités extérieures, dont un ou plusieurs représentants des acteurs économiques, et sont dirigés par un directeur, nommé, pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, sur proposition du conseil.

En 2001 et 2002, leurs effectifs étudiants étaient en hausse de 4,8 % et 6,0 % avec la mise en place du plan de recrutement pluriannuel. Suite à la diminution du nombre de places aux concours, les effectifs baissent de 3,7 % en 2003, puis de 2,5 % en 2004 et en 2005. De 2006 à 2009, la tendance est encore plus prononcée avec successivement - 9,1 %,
- 5,5 %, - 8,6 %, et - 6,4 %. Depuis 2010, suite la réforme de la mastérisation, les étudiants inscrits en première année d’IUFM sont désormais inscrits en master à l’université.

L’article 2 de la présente proposition de loi tend à reconnaître, à l’article L. 721-1 du code, relatif aux missions des IUFM, ce nouveau positionnement de trois manières :

– premièrement, en ne modifiant pas, ce point étant essentiel, certaines dispositions de l’article codifié. Ainsi, deux missions – et non des moindres – leur restent acquises et sont, de ce fait, sanctuarisées : d’une part, l’organisation des « formations de préparation professionnelle en faveur des étudiants » (mentionnée au sixième alinéa) et, d’autre part, leur participation à la recherche en éducation (mentionnée au cinquième alinéa) ;

– deuxièmement, en supprimant le quatrième alinéa de cet article, lequel confie aux instituts la conduite des « actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants ». La suppression de l’année de formation en alternance, bénéficiant aux enseignants stagiaires et effectuée pour les deux tiers en IUFM, serait ainsi actée, l’université participant, comme le prévoit l’article 1er de la présente proposition de loi, à la formation complémentaire des admis aux concours ;

– enfin, en modifiant le cinquième alinéa de ce même article pour préciser que les instituts « participent à la formation des personnels enseignants ». La rédaction actuelle ne visant que la formation « continue » de ces personnels, le changement proposé reviendrait donc à étendre la participation des IUFM à l’ensemble de leur formation, c’est-à-dire de leur formation initiale et continue. Serait donc visée, par cette nouvelle rédaction, la formation des étudiants se destinant au métier d’enseignant et celle des enseignants stagiaires et titulaires.

On observera que la présente proposition de loi ne modifie ni le statut, ni la gouvernance des instituts, qui restent régis par les dispositions de l’article L. 713-9 du code.

 Une réflexion à engager sur l’avenir des IUFM

En ce qui concerne les sites des IUFM, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a indiqué au rapporteur qu’il souhaite le maintien des « pôles universitaires de proximité ». Il a précisé qu’à cet effet, « les universités, en lien avec les rectorats, ont conduit une action en ce sens afin de construire une carte de formations qui corresponde aux besoins des territoires » et que les antennes d’IUFM, « en tant que pôles d’enseignement supérieur de proximité, « doivent s’insérer dans une offre de formation à l’échelle académique pour assurer à tous les étudiants l’opportunité de poursuivre leurs études dans les meilleures conditions possibles ».

Plus largement, le nouveau positionnement des IUFM devrait conduire les pouvoirs publics et la communauté universitaire à repenser le modèle économique et le statut de ces instituts. Sur le deuxième point, la Conférence des directeurs d’IUFM, dans le cadre de ses propositions destinées aux candidats à l’élection présidentielle, a suggéré, en novembre 2011, de « consolider » les 32 instituts comme des « écoles universitaires professionnelles au sein de l’université, à vocation interuniversitaire et académique » (8), une piste avancée par le rapport précité de M. Jean-Michel Jolion sur la mastérisation.

L’avenir des IUFM selon le rapport Jolion

Ÿ L’application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités conduit « à repenser le modèle économique des IUFM dont le mode de financement est l’héritage d’une situation passée qui va fortement évoluer (passage d’un public d’usagers à un public majoritairement d’étudiants pas toujours inscrits dans l’université d’intégration de l’IUFM) ». Il est donc « absolument nécessaire » que le ministère de l’enseignement supérieur « assure un bilan financier de cette nouvelle donne et un suivi précis de ses conséquences pour éviter une grande disparité sur le territoire d’une part et l’émergence de conflits entre les différents acteurs d’un même site d’autre part ».

Ÿ En ce qui concerne le statut des IUFM, tout en étant clairement partie intégrante du système universitaire, ils ont une « mission territoriale très spécifique qui pourrait mieux s’accorder avec le statut de service commun (inter-universitaire) de formation (article L 714.2 du code de l’éducation) ou d’école professionnelle externe. Bien sûr, cette modification statutaire d’une part implique l’accord de toutes les universités associées et d’autre part ne doit pas remettre en cause la capacité des IUFM à porter pleinement une oeuvre de formation comme les masters associés au concours de professeur des écoles. Cette réflexion doit être examinée avec l’ensemble des acteurs afin de tenir compte au mieux de la diversité des situations sur le territoire ».

Source : « Mastérisation de la formation initiale des enseignants : enjeux et bilan », octobre 2011.

On rappellera que, de son côté, la mission d’information sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants avait proposé d’« engager une réflexion sur l’avenir et le statut des instituts universitaires de formation des maîtres afin qu’ils conservent leur rôle de pôles universitaires de proximité » (9).

3. Le maintien d’un cadrage national de la formation

En confiant la formation des enseignants à l’université, l’État, employeur et recruteur, ne doit pas renoncer pour autant à son rôle spécifique en la matière. C’est ce que prévoit la présente proposition de loi en maintenant le principe d’un cadrage national de l’offre de formation destinée aux futurs enseignants, acquis depuis vote de la loi « Fillon » du 23 avril 2005.

 Un cadre tenant compte de l’autonomie accrue des établissements…

Dans sa rédaction issue de la loi « Fillon », le second alinéa de l’article L. 625-1 du code de l’éducation dispose que la formation dispensée dans les IUFM « répond à un cahier des charges fixé par arrêté des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale après avis du Haut Conseil de l’éducation. Elle fait alterner des périodes de formation théorique et des périodes de formation pratique ».

Ce cahier des charges a été établi par un arrêté interministériel du 19 décembre 2006, par la suite abrogé, cette décision ayant été annulée, comme on le verra plus loin, par le Conseil d’État.

À l’occasion des travaux de la mission d’information sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants, le rapporteur a regretté l’abrogation, quelque peu précipitée, de cet arrêté, décidée, semble-t-il, au nom de l’autonomie pédagogique et scientifique des universités, prévue à l’article
L. 711-1 du code de l’éducation et confortée par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi « LRU ».

Certes, le caractère relativement prescriptif des dispositions précitées du code de l’éducation semble décalé par rapport à l’esprit de la loi « LRU » et il peut sembler paradoxal que l’État reprenne d’une main, au nom de son rôle spécifique dans le domaine de la formation des maîtres, l’autonomie qu’il a accordée de l’autre. Dans le même temps, ce dernier ne peut pas ne pas établir, dans un domaine aussi sensible, un cadre de référence. Ainsi que le rappelle la Conférence des directeurs d’IUFM, l’école, en France, est « un des lieux stratégiques de constitution du politique et du social et justifie de ce fait le positionnement de la formation des enseignants comme mission régalienne » (10).

La mission d’information avait donc proposé de « cadrer le contenu des masters par la publication d’un cahier des charges de la formation aux différents métiers d’enseignant conclu entre l’État et les universités » (11). Dans l’esprit du rapporteur, un tel accord devrait être conclu avec la Conférence des présidents des universités.

Quant à la présente proposition de loi, elle prévoit de modifier la rédaction de l’alinéa précité pour indiquer que la formation dispensée aux étudiants et aux personnels stagiaires admis aux concours enseignants répond à un référentiel arrêté par les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale. La référence expresse à l’alternance de formation serait, en conséquence, supprimée.

 … et obligeant les ministères « formateur » et « employeur » à dialoguer

Si elle était adoptée, cette disposition serait de nature à unifier les points de vue, trop souvent divergents s’agissant des enseignants, de l’État formateur, employeur et recruteur.

Personne n’ignore que de mauvaises relations entre les ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont pu avoir leur part de responsabilité dans les défauts de conception de la réforme de la mastérisation.

Il faut donc espérer que l’élaboration, à quatre mains, du référentiel de formation puisse contribuer à combler le fossé entre le « scolaire » et le « supérieur » qui constitue l’une des principales faiblesses de notre système éducatif. Pour aller au-delà, c’est-à-dire créer les liaisons manquantes entre les différents degrés, voire « ordres » d’enseignement, de notre pays, un grand ministère de l’intelligence devrait être mis en place. Mais il s’agit d’un autre débat…

B. LE CONTEXTE CRÉÉ PAR LA DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT DU 28 NOVEMBRE 2011

1. Le contenu de la décision

L’arrêté interministériel du 19 décembre 2006 établissant un cahier des charges de la formation des maîtres a été abrogé par un arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences professionnelles à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation pris par le ministre de l’éducation nationale.

Des syndicats, comme le Syndicat national des enseignants du second degré-FSU et la Fédération des syndicats généraux de l’éducation nationale-CFDT, et des associations, notamment Sauvons l’université et la Fédération des conseils des parents d’élèves des écoles publiques, ont déposé des recours visant à annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté de 2010 précité, ainsi que deux autres arrêtés, pris à la même date par le ministre de l’éducation nationale et fixant les modalités d’évaluation et de titularisation des personnels enseignants stagiaires du second degré et des professeurs agrégés stagiaires.

Dans une décision du 28 novembre 2011, le Conseil d’État a annulé l’article 3 de l’arrêté de 2010 abrogeant celui de 2006, en considérant, à juste titre, que le ministre de l’éducation nationale ne pouvait pas prendre cette décision. Cette annulation repose donc, et exclusivement, sur le fait qu’il s’agissait d’une compétence partagée, que ce ministre ne pouvait exercer seul.

En revanche, le Conseil d’État a confirmé la légalité de cet arrêté qui définit les compétences attendues des enseignants, des documentalistes et des conseillers principaux d’éducation stagiaires. En outre, selon cette juridiction, le ministre de l’éducation nationale a pu légalement « fixer par arrêté les modalités et les conditions d’évaluation du stage de titularisation des professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation ».

2. Ses effets

L’annulation partielle décidée par le Conseil d’État a pour effet de faire « revivre » l’arrêté de 2006, dont les articles 2 et 3 fixent des plafonds pour les stages et ont, par conséquent, un impact direct sur les obligations de service des enseignants stagiaires. En effet, il découle de ces dispositions, lesquelles sont en complet décalage avec celles appliquées aujourd’hui, que ces personnels effectuent les deux tiers de leur formation en IUFM et le tiers en établissement.

L’organisation de la formation professionnelle initiale des professeurs
selon l’arrêté du 19 décembre 2006

Aux termes de l’article 2 de cet arrêté, la formation professionnelle initiale des professeurs des écoles, laquelle est assurée, selon l’article 1er, par les IUFM, comporte :

– des activités de formation et d’enseignement en institut universitaire de formation des maîtres ;

– un stage en responsabilité dans un des cycles de l’école primaire d’une durée de trente jours, à raison d’un jour par semaine et deux stages en responsabilité de trois semaines chacun dans les autres cycles de l’école primaire.

Aux termes de l’article 3, la formation professionnelle initiale des professeurs agrégés, des professeurs certifiés, des professeurs d’éducation physique et sportive et des professeurs de lycée professionnel qui ne justifient pas, lors de leur recrutement, de l’expérience professionnelle d’enseignement déterminée par leur statut, comporte des activités de formation et d’enseignement en institut universitaire de formation des maîtres et un stage en responsabilité. Le volume horaire maximum de ce stage est de :

– 288 heures pour les personnels enseignants stagiaires du second degré des disciplines d’enseignement général, technologique et professionnel ;

– 360 heures pour les personnels enseignants stagiaires du second degré en éducation physique et sportive incluant la participation à la formation, à l’entraînement et à l’animation sportifs.

Cela ne veut pas dire, pour autant, que l’ancien modèle de formation est remis en vigueur : le Conseil d’État a en effet sursis à statuer et ne s’est pas encore prononcé sur la date d’effet de cette annulation partielle. Il a donc invité les parties à produire, dans le cadre de l’échange contradictoire qui a lieu devant lui, leurs observations écrites sur cette date. À ce titre, le ministère de l’éducation nationale a demandé au juge que les effets de l’annulation contentieuse soient différés dans le temps, dans un double but :

– sécuriser la situation des enseignants actuellement en cours de stage, qui ainsi ne verront pas changer la règlementation applicable en cours d’année ;

– appliquer, dans toute la mesure du possible, les nouvelles dispositions à prendre qu’à compter du début de la prochaine année scolaire, quand les lauréats des concours ouverts au titre de l’année 2012 prendront leurs fonctions en qualité de stagiaires.

La date d’effet de l’annulation partielle prononcée sera donc fixée par le Conseil d’État dans une décision à venir. En attendant, la situation actuelle des professeurs stagiaires n’est pas remise en cause ; ils peuvent poursuivre leur stage normalement, selon les mêmes modalités que celles qui étaient en cours lorsqu’ils ont été nommés en cette qualité.

II.- LES AMÉLIORATIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, portant sur des points essentiels, à l’article 1er de la présente proposition de loi.

 Une reconnaissance plus affirmée de « l’universitarisation » et de la mastérisation de la formation des maîtres

La nouvelle rédaction de l’alinéa 2 de cet article adoptée par la Commission prévoit que la formation des maîtres est assurée par les établissements d’enseignement supérieur, notamment par les universités, qui, à cette fin, accueillent des étudiants préparant des masters orientés vers les métiers de l’enseignement et participent à la formation des stagiaires admis au concours d’accès au corps des personnels enseignants.

Ces dispositions permettent de préciser que la formation des maîtres est bien assurée par des établissements d’enseignement supérieur, dont, au premier chef, les universités, en fermant ainsi la porte à toute interprétation conduisant à confier cette mission à d’autres opérateurs.

Elles permettent également de faire explicitement référence aux masters « Enseignement » et de consacrer, par ce biais, l’élévation du niveau de qualification universitaire des enseignants.

 Un cadrage de la formation assuré par un cahier des charges

L’alinéa 3 de l’article 1er a été également modifié afin d’affirmer que la formation des maîtres répond à un cahier des charges – et non à un référentiel – arrêté par les ministres chargés de l’éducation et de l’enseignement scolaire. Un cahier des charges paraît en effet plus apte à réguler une politique de formation relevant d’une mission éminemment régalienne.

III.- LA MASTÉRISATION : UNE RÉFORME À RÉFORMER

Dans les développements qui suivront, le rapporteur rappellera, brièvement, les constats et les principales propositions qu’il a formulés au titre de la mission d’information sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants.

A. UN CONSTAT QUI NE PEUT QU’ÊTRE SÉVÈRE

Par quoi commencer ? Par le rappel de l’un des principaux objectifs de la réforme, que celle-ci ne pourra jamais atteindre, en raison de ses défauts de conception : le nouveau modèle de formation devait résorber la « césure » entre formation académique et formation pratique qui affaiblissait le modèle centré sur les IUFM.

Or le dispositif arrêté en 2008-2010 aggrave, en quelque sorte, ce « péché originel » de notre système de formation des maîtres : défaut d’articulation entre le concours et le master, le premier étant devenu encore plus académique et ignorant la hausse du niveau de qualification des étudiants ; deuxième année de master mettant ces derniers, par l’accumulation des tâches demandées, en situation d’échec ; caractère non obligatoire des stages de première et de deuxième année de master, lequel affaiblit, incontestablement, le volet « professionnalisation » du nouveau dispositif  ; enfin, risque de discrimination sociale à l’égard des étudiants pénalisés par l’allongement de la durée des études.

Au moins, l’occasion est donnée, avec l’examen de la présente proposition de loi, de consacrer le seul acquis positif de la réforme, l’« universitarisation » de la formation des maîtres.

B. UN DISPOSITIF À RECONSTRUIRE

Clairement, la réforme devra être réformée, une fois passées les grandes échéances politiques de cette année. Pour sa part, en s’inspirant des masters en alternance expérimentés, à partir de la dernière rentrée, dans quatorze académies, la mission avait tracé quelques pistes d’évolution, les principales étant reprises dans l’encadré ci-dessous.

Propositions de « réforme de la réforme » adoptées par la mission d’information
sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants

Proposition n° 3 : Mieux articuler le concours et le master en organisant des épreuves d’admissibilité, à caractère académique, en fin de licence et des épreuves d’admission, à caractère professionnel, en fin de master, celles-ci devant évaluer les compétences didactiques des candidats et leur capacité à appréhender les problématiques transversales du métier et de l’école.

Proposition n° 6 : Construire le master sur le principe d’une véritable alternance entre la pratique professionnelle et les enseignements concernant les savoirs disciplinaires et didactiques, la pédagogie et les problématiques transversales du métier (travail en équipe pédagogique, sciences cognitives, tenue de classe, etc.).

Proposition n° 7 : Prévoir des stages, obligatoires et rémunérés, de pratique accompagnée en première année de master et en responsabilité en deuxième année, d’une durée égale à un tiers du service d’enseignement, et supprimer la formation continuée des enseignants stagiaires.

Proposition n° 10 : Bâtir des masters spécialisés par types de métier d’enseignant et mettre en place un « master de l’École du socle commun » destiné à favoriser l’enseignement de grands champs disciplinaires en fin de primaire et en début de collège.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission examine la présente proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres au cours de sa séance du 1er février 2012.

I- DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme la présidente Michèle Tabarot. La proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres, que nous examinons aujourd’hui, a été inscrite par le Gouvernement à l’ordre du jour de la séance publique du mercredi 8 février après-midi et soir.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Cette proposition de loi n’a qu’un but : la réforme dite de mastérisation ayant transféré la formation des enseignants à l’université, elle procède à quelques modifications des articles du code de l’éducation qui, dans leur rédaction actuelle, confient cette mission aux Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Dans le modèle antérieur de formation, les enseignants étaient recrutés au niveau de la licence, ou de la maîtrise pour les agrégés, parfois après avoir préparé le concours dans un IUFM, et effectuaient, pendant leur année de stage probatoire, une année de formation en alternance répartie entre les établissements et les instituts où ils étaient initiés, pendant les deux tiers de leur service, à la pratique de l’enseignement.

La réforme a prolongé et unifié la formation des maîtres : les professeurs des écoles et les professeurs de collège et de lycée, certifiés et agrégés, sont désormais recrutés à bac + 5, au niveau du master, diplôme obtenu, dans l’immense majorité des cas, à l’université. La France s’est ainsi mise au diapason européen, en faisant le pari que l’université, qui forme déjà, et fort bien, les médecins et les avocats, saura préparer les étudiants au métier d’enseignant. Depuis la rentrée 2010, les admis aux concours sont donc directement affectés en établissement et bénéficient, au cours de leur année de stage, d’une formation complémentaire, dite « continuée », organisée par l’université et représentant un tiers de leurs obligations réglementaires de service.

Mais, faute d’avoir été modifiés, les articles du code de l’éducation se réfèrent à l’ancien modèle de formation. L’article L. 625-1 dispose ainsi que la formation des maîtres est assurée par les instituts, qui accueillent à cette fin les étudiants préparant les concours et les stagiaires admis à ces concours. Dans le même esprit, l’article L. 721-1 indique que les IUFM « conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants », cette disposition faisant référence à l’année de formation en alternance, qui n’est plus organisée.

Les modifications proposées ont donc un triple objet. Premièrement, affirmer que la formation des maîtres est désormais assurée par les universités, « notamment ». À ce titre, ces établissements accueillent les étudiants préparant les concours et participent à la formation complémentaire des enseignants stagiaires admis à ces concours. Dans mon esprit, l’adverbe « notamment » se réfère aux écoles ou autres établissements d’enseignement supérieur qui proposent des masters « Enseignement » et forment ainsi les futurs enseignants. Je n’ai jamais – je dis bien jamais – voulu confier la formation à d’autres établissements que ceux-là. Dès lors, pour lever tout risque d’ambiguïté, et à la suite des observations de la Conférence des présidents d’université (CPU) et de la Conférence des directeurs d’IUFM (CDIUFM), je vous proposerai une rédaction plus claire et faisant référence aux masters orientés vers les métiers de l’enseignement.

Le deuxième objectif est d’acter la suppression de l’année de formation en alternance, qui n’existe plus aujourd’hui.

Le troisième est de préciser que les IUFM « participent à la formation des personnels enseignants » et non plus à leur seule formation « continue ». C’est reconnaître que les universités s’appuient, aujourd’hui, sur les IUFM pour organiser les actions de formation des enseignants, que cette formation soit initiale, pour les étudiants, complémentaire, pour les enseignants stagiaires, ou continue, pour les titulaires. La rédaction proposée revient donc à étendre la compétence d’opérateur des IUFM à l’ensemble de la formation des enseignants.

Ces modifications conduisent donc à conforter la place des IUFM : c’est faire un faux procès à cette proposition de loi que d’affirmer qu’elle les démantèle. C’est ce qu’ont reconnu, d’ailleurs, les représentants de la CDIUFM que nous avons entendus mercredi dernier.

En outre, la proposition de loi sanctuarise deux des missions des IUFM, en ne modifiant pas les dispositions qui s’y réfèrent : la recherche en éducation et l’organisation des « périodes de formation professionnelle en faveur des étudiants ».

La formation des maîtres est actuellement encadrée par un cahier des charges auquel la proposition de loi prévoit de substituer un référentiel. Je voulais, par cette rédaction, tenir compte de la philosophie de la loi dite LRU du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, qui conforte l’autonomie pédagogique et scientifique des universités : un référentiel a un caractère moins prescriptif et détaillé qu’un cahier des charges. Mais, sensible aux inquiétudes exprimées par la CPU et la CDIUFM, je vous proposerai de revenir à la notion de cahier des charges, la formation des maîtres étant une mission régalienne qui, à ce titre, devrait être fortement encadrée.

M. Frédéric Reiss. Cette proposition de loi nous est parvenue un peu à l’improviste, mais, en la lisant attentivement, on constate qu’il ne s’agit manifestement que d’un ajustement technique nécessaire pour disposer d’un cadre juridique et réglementaire conforme. On peut certes s’indigner de devoir légiférer dans la précipitation ; mais il est des moments, mes chers collègues, où nécessité fait loi. Cette proposition de loi a précisément l’avantage d’éviter quelques désagréments en Conseil d’État.

Dans la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, dite loi Fillon, du 23 avril 2005, dont j’étais rapporteur, ce sont les articles 43 à 45 qui ont donné le plus de fil à retordre au moment des décrets d’application, notamment la disposition qui assimile les IUFM à des écoles faisant partie des universités. Puis la grande loi dite LRU et le recrutement des enseignants au niveau du master ont bouleversé le contexte de la formation des maîtres.

L’article L. 625-1 du code de l’éducation ne pouvait rester en l’état puisqu’il n’évoque que les IUFM en tant que tels. Il fallait préciser que la formation des maîtres était assurée « notamment » par les universités – ainsi que par les autres établissements d’enseignement supérieur. Cet adverbe est important et il était important de modifier le texte.

La Fédération des syndicats généraux de l’éducation nationale et de la recherche publique a présenté au Conseil d’État une requête pour excès de pouvoir afin de faire annuler l’arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation pour l’exercice de leur métier. Le problème était l’emploi du terme de « référentiel » plutôt que de ceux de « cahier des charges ». J’avoue ne pas avoir bien saisi la nuance de prime abord. Mais il me paraît aujourd’hui cohérent de rétablir l’expression « cahier des charges », qui figure dans le texte initial du code de l’éducation.

Le Conseil d’État a annulé un article de l’arrêté au motif que le ministre de l’éducation nationale ne pouvait modifier ou abroger seul un cahier des charges établi conjointement avec le ministre de l’enseignement supérieur. La motivation est donc strictement technique. D’autre part, cette décision n’a pas d’effet immédiat, le Conseil d’État ayant sursis à statuer sur la date d’effet des annulations partielles.

Réécrire l’arrêté était une possibilité, mais, pour le faire, il faut d’abord actualiser le texte de loi. En effet, il faut tirer les conséquences de l’intégration des IUFM aux universités, puis de la « mastérisation » du recrutement – que beaucoup appelaient de leurs vœux –, deux réformes qui, avec la loi LRU dans son ensemble, ont profondément modifié le contexte. Voilà pourquoi il faut voter la proposition de loi, assortie des amendements du rapporteur.

Mme Martine Faure. Quatre-vingts jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, pourquoi inscrire un texte d’initiative parlementaire à l’ordre du jour d’une semaine normalement réservée au Gouvernement ? Et pourquoi recourir à la procédure accélérée, qui ne laisse pas la moindre place à la plus élémentaire concertation ? Parce que ce texte a été dicté par le ministère de l’éducation nationale et parce que sans la procédure accélérée, une proposition de loi déposée le 10 janvier n’aurait pas pu être examinée avant le 21 février, ce qui, faute de temps pour la navette, aurait empêché son adoption. Je regrette vraiment que notre collègue Jacques Grosperrin se prête à cette tartufferie.

Au-delà de cette question de forme, la proposition de loi fait l’unanimité contre elle quant au fond. Car, malgré les propos rassurants du rapporteur, elle consacre le démantèlement et l’éradication des IUFM à moyen et à long terme, conformément à l’objectif des deux ministres de l’éducation nationale qui se sont succédé au cours de la législature. Le ministre Darcos parlait sans cesse de mastérisation sans rien nous dire de ce qu’il en serait de la formation ; quant à Luc Chatel, il a eu en commission des mots très durs pour les IUFM, que nous avons tous entendus.

Après le désastre de la mastérisation, qui a privilégié une formation universitaire fondée sur des savoirs académiques au détriment d’une véritable formation pédagogique, ce texte tend à supprimer du code de l’éducation toute référence aux IUFM, ce qui est extrêmement grave. Par le seul adverbe « notamment », que l’amendement à l’alinéa 2 de l’article 1er ne supprime pas, il introduit dans la rédaction de l’article L. 625-1 une ambiguïté qui est un véritable signal adressé aux instituts privés, le cas échéant catholiques, comme à Bordeaux.

Enseigner est un métier qui s’apprend. Cette évidence disparaît au profit d’un credo qui fait de l’enseignement un art, un don naturel fondé sur le mimétisme – celui des jeunes stagiaires à qui il suffirait d’observer un maître qualifié pendant une journée –, voire une science infuse. Le constat est unanime : notre système éducatif se porte mal et la formation initiale et continue des enseignants, qui est au cœur de ce système, méritait un meilleur sort. Les IUFM, en tant qu’écoles intégrées à l’université, ont démontré leur efficacité en créant des masters malgré le cadre qui leur était imposé par le ministère au niveau national ou par leurs universités d’accueil au niveau local.

Un projet ambitieux pour l’éducation doit faire toute sa place à une école universitaire à finalité professionnelle, dont les moyens seront garantis par l’État. Au contraire, ce texte faussement anodin est inspiré par une idéologie qui remet en cause les principes de l’école républicaine et le statut des enseignants. La précarisation de ce statut est la face cachée des réformes. Désormais, c’est indéniable, le recours à des non-titulaires
– contractuels ou vacataires – pour pallier le manque structurel d’enseignants est devenu systématique. Hypocrite, incohérent, ce texte est aussi revanchard – on sait combien l’arrêt du Conseil d’État a blessé le ministre. Voilà pourquoi nous le repoussons résolument.

M. Olivier Jardé. Où faut-il dispenser l’enseignement supérieur en France ? Cette question se pose depuis près de deux cents ans. La coexistence de l’université et des grandes écoles, spécificité française, doit-elle perdurer ? Nous avons des grandes écoles de bon niveau, qui forment de bons ingénieurs ; mais leurs effectifs sont restreints, elles coûtent cher et ne figurent même pas dans le classement de Shanghai. On peut se demander si certaines classes préparatoires ne pourraient pas être transférées du lycée à l’université. Il est en tout cas heureux que, grâce à notre action, les élèves de khâgne bénéficient désormais d’équivalences au lieu de perdre deux années d’une bonne formation.

Car il faut absolument ménager des passerelles avec l’université, dont la mission est triple : transmettre des savoirs, comme le disait M. de Sorbon ; piloter la recherche, surtout dans la crise que nous connaissons ; enfin, délivrer des formations professionnalisantes. Cette dernière mission, qui date de la fin du xxe siècle, doit être prise en considération au xxie. Le parcours LMD – licence, master, doctorat –, que j’ai défendu à une époque où certains d’entre vous y étaient résolument opposés, a favorisé les passerelles entre différentes formations. Certaines des formations professionnalisantes dispensées à l’université sont de bon niveau, dans les domaines de la santé – médecine, pharmacie, kinésithérapie – et du droit notamment. Nos enseignants doivent-ils bénéficier de ce type de formations ? Parce que l’enseignement supérieur est un enjeu majeur et parce que la formation des enseignants en fait partie, je suis tout à fait favorable à ce que cette formation réintègre entièrement l’université.

Mme Marie-Hélène Amiable. Je l’ai déjà dit, le groupe GDR est exaspéré de devoir travailler dans ces conditions. À moins d’un mois de la clôture de la session ordinaire qui mettra également fin à cette législature, nous sommes invités à débattre d’un texte déposé depuis à peine plus de vingt jours ! Preuve de précipitation, l’auteur et rapporteur du texte n’a réussi à rassembler derrière lui qu’une trentaine de ses collègues alors que les députés du groupe UMP ont coutume de signer en bloc. Cette improvisation ne nous change guère de la manière habituelle d’aborder ce dossier à droite de l’hémicycle et jusqu’au plus haut niveau de l’État. Je songe à l’annonce surprise par le Président de la République, le 2 juin 2008, de la réforme dite de mastérisation et au chaos qui s’est ensuivi.

Cette réforme n’est pas bonne. Nous le savons tous puisque nous avons lu le rapport de la mission sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants. En désaccord, je le répète, avec les propositions que formule la seconde partie, nous retenons de ce rapport les termes d’un bilan sans appel de la mastérisation : traduction budgétaire délicate, offre de formation insatisfaisante, accès réduit des étudiants d’origine modeste au master, déconnexion entre le diplôme et le concours, désorganisation de l’année de stage des professeurs recrutés et appauvrissement du vivier des candidats, démissions en augmentation dans le second degré. Il y a plus grave, et il faut le dire à toutes celles et tous ceux qui nous écoutent, en particulier aux parents d’élèves : cette réforme, que votre proposition de loi tend en réalité à conforter, permet de confier la responsabilité d’une classe aux lauréats des concours sans les avoir préalablement formés. Il leur suffira d’être titulaires d’un master, quel qu’il soit, par exemple en finance. Et je ne parle même pas du problème bien plus vaste des professeurs vacataires.

Monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas opposés à une élévation du niveau d’études requis pour devenir enseignant, bien au contraire. Mais elle suppose de donner véritablement à tous les moyens de mener des études longues. En revanche, nous ne transigerons pas sur les mesures qui s’imposent pour sortir de cette crise profonde : abandon de la réforme en cours et retour à une vraie formation professionnelle, entrée progressive dans le métier, plan pluriannuel de recrutement.

Vous vous réjouissez dans votre rapport que la mastérisation permette à la France de rompre avec le modèle traditionnel de recrutement de la fonction publique, selon lequel l’État employeur organise des concours pour recruter et former à ses métiers des diplômés eux-mêmes formés par l’université à des disciplines intellectuelles. Mais la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État, vous a manifestement ramené à la réalité en décidant le 28 novembre 2011, sur requête du SNES, du SNESUP, de Sauvons l’université, de SUD Éducation, de la FCPE et du SGEN-CFDT, d’annuler en partie l’arrêté du 12 mai 2010 définissant les compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation ainsi que l’arrêté de la même date fixant les modalités d’évaluation et de titularisation des professeurs agrégés stagiaires. Le Conseil d’État a ainsi signifié au ministre de l’éducation nationale qu’il ne respectait pas la loi et lui a enjoint de procéder à une concertation pour résoudre le problème.

Aujourd’hui, vous vous faites la plume du ministre pour contourner cette décision et modifier directement le code de l’éducation. Et votre texte est inscrit à l’ordre du jour d’une semaine gouvernementale ! En outre, le Gouvernement décidera probablement d’engager la procédure accélérée pour faire adopter le texte à marche forcée avant les échéances électorales. Permettez-moi de vous le dire, ce n’est pas sérieux ! En outre, vous avez procédé à quelques auditions le temps d’une soirée, mais vous avez une fois de plus omis d’entendre le premier syndicat de l’enseignement supérieur ! Vous vous êtes mis à dos toute la communauté éducative, au sein de laquelle, selon une dépêche récente, votre texte a suscité un véritable « tollé ».

Nous reviendrons sur le fond lors de l’examen des articles. D’ores et déjà, nous nous opposons résolument à la dissolution des missions des IUFM ; à la possibilité de privatiser la formation des enseignants ; au remplacement du cahier des charges régissant la formation des maîtres par un simple référentiel – même si vous nous proposez aujourd’hui un amendement sur ce point, ce qui prouve votre hâte. Enfin, nous refusons l’abrogation des références à la formation théorique et pratique, à la formation initiale et continue – car, je le répète, enseigner est un métier – et à l’obligation de formation après recrutement des enseignants des établissements d’enseignement général et d’enseignement technologique.

Après la suppression de dizaines de milliers de postes, la précarité accrue dans l’éducation, le saccage des RASED – réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté –, l’éducation nationale va très mal. Les enseignants l’ont encore dit hier. Nous défendrons donc par voie d’amendement la suppression des dispositions que je viens d’énumérer. Mais je vous le demande au nom des députés communistes et du Parti de gauche, des futurs enseignants, de nos enfants qui doivent prendre le chemin de l’école en étant assurés d’avoir face à eux des adultes formés, capables de les mener à la réussite et à l’épanouissement : monsieur le rapporteur, retirez votre proposition de loi !

M. Alain Marc. Peut-on dire que les IUFM, et les écoles normales avant eux, donnaient entière satisfaction ? Pour être passé par ce système, je n’en suis pas absolument certain, si l’on excepte le contact avec les maîtres formateurs, qui nous apprenaient vraiment à enseigner.

Qu’en sera-t-il des IUFM départementaux ? Je pense surtout à la formation des professeurs des écoles. L’enseignement en milieu rural, dans des classes à plusieurs niveaux, voire dans des classes uniques, a ses spécificités. J’aurais donc aimé que la loi confiant aux universités la formation des maîtres précise l’avenir des IUFM départementaux et leur intérêt département par département. Premier vice-président de conseil général, j’aimerais aussi savoir comment seront utilisés les locaux de ces IUFM, qui nous appartiennent et que nous prêtons, comme le font beaucoup de conseils généraux.

M. Yves Durand. Sur la forme, peut-on légiférer pour détourner un arrêt du Conseil d’État ? La méthode est pour le moins particulière. Dans son arrêt, le Conseil d’État annule l’arrêté du ministre afin de susciter une concertation sur la formation initiale. Le Gouvernement – car nous savons bien, cher monsieur Grosperrin, que vous êtes la plume du ministre, sinon son otage – lui répond par une proposition de loi discutée en urgence quelques semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle ! Cela seul suffit à rendre le texte inacceptable.

Quant au fond, tout a été dit par Martine Faure, après l’ensemble des syndicats enseignants et la Conférence des directeurs d’IUFM, dont les représentants ne nous ont pas du tout tenu les propos que vous évoquez : attachés aux IUFM, ils voient avec horreur la suppression de fait de ces instituts ainsi que de la formation initiale et continue. Cette suppression est incluse dans la proposition de loi : vous avez supprimé le mot « continue » de l’un des articles du code et vous n’y revenez pas. Vous n’avez même pas tenu compte du rapport de Jean-Michel Jolion, président du comité de suivi master, rapport commandé par le ministre lui-même et qui indiquait clairement en octobre 2011 : « Le système actuel met les étudiants en situation d’échec par accumulation de contraintes au lieu de les mettre en situation de réussite. » À quoi bon demander des rapports si c’est pour les mettre au placard ?

Le véritable but de votre proposition de loi est de supprimer les stages et de faire payer à la formation des maîtres – essentielle de l’avis de tous, comme le confirmeront bientôt a contrario d’autres rapports sur sa suppression – les restrictions budgétaires portant sur plusieurs dizaines de milliers de postes ! Par cette proposition de loi, vous légalisez le crime. Je le regrette aussi pour vous, mon cher collègue.

M. René Couanau. Cette proposition de loi n’a rien d’anodin. Elle n’est – pardonnez-moi de le dire, monsieur le rapporteur – ni opportune ni urgente. Elle est même hors de propos après le rapport que vous avez signé. Vous le dites vous-même, tout le monde le dit : l’urgence est de revoir la formation initiale et continue des enseignants. Vous parlez dans votre rapport de masters problématiques, d’une professionnalisation insuffisante, voire inexistante, de stages virtuels, de parcours de formation incohérents : la logique commandait un texte de réforme. Le Président de la République avait lui-même déclaré qu’il fallait changer les choses.

S’agit-il de répondre au Conseil d’État ? Si tel est le cas, il faut le dire ; sinon, il faut le dire aussi, car le Conseil d’État a demandé plus de concertation sur la formation et sur la professionnalisation. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) J’aime beaucoup la conception que se font mes anciens collègues de l’UMP de la liberté de parole et d’expression. Je passe sur le fait que l’on me donne la parole en dernier alors que j’avais demandé à intervenir juste après les porte-parole des groupes. J’aimerais au moins poursuivre sans entendre des murmures hostiles, voire agressifs.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Monsieur Couanau, vous avez la parole pour deux minutes et, ne représentant pas un groupe, vous ne pouviez intervenir juste après les porte-parole des groupes.

M. René Couanau. Voici ce que je voulais dire : ce que ce texte ne dit pas est plus dangereux que ce qu’il dit. C’est un modèle de non-dit ! On veut cacher le fait qu’il aurait fallu maintenir les 16 000 postes d’enseignants stagiaires pour assurer la formation professionnelle. On les a supprimés, et on se contorsionne pour trouver des compensations ! En outre, le Gouvernement voulait tuer les IUFM. Un bon IUFM est un IUFM mort, comme aurait dit le général Custer s’il avait été ministre de l’éducation nationale. Il bouge encore : il garde un petit rôle. Mais tout est fait pour préparer la disparition des anciennes écoles normales et la suppression de toute formation professionnelle des futurs enseignants. Ce n’est pas admissible ! C’est plus qu’une erreur, c’est une faute.

M. Michel Herbillon. Je suis quelque peu surpris d’entendre des discours aussi grandiloquents, des mots aussi excessifs. J’aimerais poursuivre jusqu’au bout, comme mon collègue de l’opposition René Couanau… Il s’agit non d’une discussion générale sur une loi-cadre relative à l’éducation, mais bien d’un ajustement technique nécessaire pour disposer d’un cadre juridique. Les propos idéologiques et caricaturaux de mes collègues ne laissent donc pas de m’étonner. Pourquoi ne pas le redire ? Nous sommes tous extrêmement attachés à l’élévation du niveau de formation des enseignants. Nous souhaitons tous que leur formation rejoigne les universités. Ce texte s’inscrit dans le cadre de la loi LRU, comme – je le rappelle cordialement à mes collègues du groupe SRC – les propositions de François Hollande, lequel veut même aller plus loin que la loi en renforçant l’autonomie des universités ! En disant que cette proposition de loi met en cause l’école républicaine et substitue à la formation des maîtres la science infuse et le mimétisme, on dénature donc les positions mêmes de l’opposition. Sans doute la période un peu éruptive que nous vivons ne laisse-t-elle guère de place à l’objectivité. Pour notre part, nous voterons ce texte sans état d’âme, car il n’a absolument pas les conséquences que vous avez énoncées.

Mme Monique Boulestin. Une fois de plus, nous ne pouvons que regretter la précipitation avec laquelle le Gouvernement a décidé d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour. Politique de Gribouille, si souvent dénoncée ? Tentative d’occupation de l’espace médiatique par la polémique ? Chacun jugera.

Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur : il s’agit de modifier le code de l’éducation à propos de l’organisation de la formation des enseignants, c’est-à-dire de l’adapter à l’intégration des IUFM aux universités. Dont acte. Cela étant, je considère avec mes collègues qu’enseigner est un métier qui s’apprend et que la formation des enseignants doit garantir la maîtrise des savoirs enseignés et des compétences permettant de les enseigner. Dès lors, l’enjeu est aujourd’hui d’articuler la formation à l’université et la formation en milieu scolaire. À cet égard, plusieurs points de votre proposition de loi nous ont alertés.

Je relève tout d’abord, à la suite de mes collègues, l’ambiguïté du mot « notamment », qui laisse supposer que d’autres voies sont possibles. Cela nous inquiète eu égard au service public d’éducation, malgré vos tentatives de clarification dans votre propos liminaire. Par ailleurs, nous craignons sinon une disparition programmée des IUFM, du moins un affaiblissement de leur rôle, déjà entamé par une intégration mal préparée et inégale selon les sites. À la suite des remarques de la CDIUFM et de l’arrêt du Conseil d’État, vous êtes revenu sur la rédaction initiale par voie d’amendement. Si je m’en félicite, je reste vigilante car la rédaction définitive du texte peut nous réserver d’autres surprises d’ici au 8 février.

M. André Schneider. Madame la présidente, mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver après une longue absence, mais je vois que le climat n’a guère changé. Mes chers collègues socialistes, si vraiment tout le monde était contre cette épouvantable proposition de loi, vous devriez la soutenir pour mieux nous nuire !

Ce texte n’est rien d’autre qu’un réajustement technique qui tend à repréciser, donc à réaffirmer, la place des IUFM dans la formation initiale et continue, théorique et pratique, des enseignants et des personnels d’éducation. En outre, plusieurs amendements précisent et améliorent le texte. En toute sérénité, le pédagogue que je suis – comme nombre d’entre vous – approuve donc cette proposition de loi sans réserve.

Mme Marie-Odile Bouillé. M. Couanau a très justement évoqué les non-dits de cette proposition de loi. Si elle n’est que technique, pourquoi la faire voter aussi vite en cette fin de législature ? Et pourquoi maintenir l’adverbe « notamment » ? Supprimez-le, et nous en aurons terminé !

M. Pascal Deguilhem. Ce n’est pas le caractère éruptif de la période qui explique la tonalité de notre débat, mais un enchaînement catastrophique – même si nous avions des points d’accord sur la LRU, en dépit de nos divergences, et sur la mastérisation – qui a créé une situation intenable. Le rapporteur prétend que tout le monde est d’accord et qu’il suffit de procéder à de petits réajustements. Le bref document sur la formation des maîtres préparé par la CDIUFM, étudié par tous les candidats à l’élection présidentielle, montre clairement que celle-ci n’est pas acquise au texte, contrairement à ce que prétend le rapporteur. Quant à la formation initiale, où est-elle aujourd’hui ? Il n’y en a plus ! Le rapporteur pourrait-il nous dire précisément, puisqu’il y a fait référence, ce que sont aujourd’hui la formation initiale, la formation en alternance et la formation continue, dans quels établissements elles sont assurées et grâce à quels moyens ?

M. Michel Ménard. Nous assistons à l’acte II de la mise à mal de la formation des enseignants. L’acte I était la mastérisation : une formation pédagogique amoindrie au profit de savoirs académiques nécessaires, mais qui ne suffisent pas pour transmettre ce que l’on sait, comme nombre d’enseignants en font l’expérience ; l’affaiblissement des IUFM, dont le budget est devenu la variable d’ajustement des budgets des universités, de nombreux postes en IUFM étant supprimés pour pallier des manques au sein d’universités victimes de la loi LRU. Voici maintenant l’acte II : le coup de grâce, la disparition complète des IUFM, auxquels on ne fait plus référence nulle part. Vous rendez possible la formation des enseignants dans des établissements privés : l’amendement du rapporteur ne résout rien, puisqu’il dit que « la formation des maîtres est assurée par les établissements d’enseignement supérieur, notamment par les universités, … ».

Selon certains, la discussion serait purement technique. Il ne s’agit de rien de moins que la disparition de la formation des enseignants ! Et ce n’est pas parce que l’on sait beaucoup de choses que l’on est capable de les transmettre.

M. Bernard Debré. Il vaut sans doute mieux ne rien savoir du tout ?

M. Michel Ménard. Mme Pécresse, elle aussi, nous a soutenu qu’il suffisait d’avoir des connaissances académiques pour être un bon enseignant : c’est faux ! Le savoir est nécessaire, naturellement, mais non suffisant : une formation pédagogique est indispensable.

Monsieur Herbillon, François Hollande a dit : « Je mettrai en place un pré-recrutement des enseignants avant la fin de leurs études. Pour tous, je rétablirai une formation initiale digne de ce nom. » Voilà la différence entre les propositions de François Hollande et votre suppression de la formation des maîtres !

Mme Martine Martinel. Malgré l’habillage technique que lui confère son titre, cette proposition de loi vise moins à « encadrer » qu’à supprimer la formation des maîtres. Personne, bien entendu, n’est contre la formation intellectuelle des enseignants et l’élévation du niveau des diplômes ; de fait, dans les IUFM, beaucoup d’étudiants sont déjà titulaires d’un master.

Il n’en reste pas moins évident que les enseignants ont besoin de formation professionnelle et continue, laquelle, quoi que l’on en dise, disparaîtra si nous votons ce texte.

J’ajoute que la détresse des enseignants est telle que le nombre de candidats aux concours de recrutement ne cesse de diminuer.

Vous avez affirmé, monsieur Debré, que la pratique ne comptait guère au regard du savoir ; mais existe-t-il – et le chirurgien que vous êtes le sait bien – un métier où la formation ne dépend pas de la pratique et de la recherche ? Dans la pédagogie comme dans la médecine, les techniques de pointe sont en constante évolution ; c’est pourquoi les IUFM sont si nécessaires.

Enfin, monsieur Jardé, il y a bien longtemps que les élèves de khâgne ont des équivalences universitaires.

M. Michel Françaix. M. Grosperrin, pour qui j’ai la plus haute estime, n’aurait pas rédigé un tel texte à la va-vite si celui-ci ne portait que sur un ajustement technique : il s’agit de toute évidence d’un travail de fond, qui est loin d’être anodin ; et s’il l’est, il faudra plus de trois semaines pour en lever toutes les ambiguïtés.

Ce texte apparaît de surcroît décousu. J’espère donc qu’il ne traduit pas une certaine malhonnêteté intellectuelle ; en tout état de cause, son importance exige que nous prenions le temps de l’examen, afin de substituer la mise en perspective à la mise en scène, et de réfléchir, tous ensemble, à la formation de nos enseignants.

Mme Pascale Crozon. Il ne suffit pas d’avoir une tête bien pleine, monsieur Debré, pour être un bon médecin ou un bon enseignant.

M. Bernard Debré. Ce n’est déjà pas mal !

Mme Pascale Crozon. Certes, mais la formation continue est tout aussi essentielle.

« Enseigner n’est pas un art, mais un métier qui s’apprend et dont la pratique doit aussi être accompagnée », écrit Jean-Michel Jolion dans son rapport. Or c’est précisément ce qui fait défaut à cette proposition de loi, dont l’objectif, de l’avis de beaucoup, est de régler leur compte – passez-moi l’expression – aux IUFM et de déréglementer le système de formation, pour des motifs purement idéologiques.

M. Bernard Debré. Que l’on ne se méprenne pas sur mes propos.

Mme Crozon dit craindre que la formation des maîtres ne relève plus de l’université. Mais on peut être issu de Polytechnique ou de HEC, par exemple, et faire un très bon enseignant ! Affirmer qu’il n’est point de salut hors des IUFM me paraît donc pour le moins réducteur. La formation des maîtres peut, comme dans tous les pays du monde, se faire par la pratique ou l’acquisition de connaissances plus théoriques. J’ajoute que, si nous ouvrons les portes, le recrutement n’en sera que plus facile.

Vous déplorez qu’il n’y ait plus assez de personnes dans les IUFM ; mais il en va de même dans les facultés de médecine : le problème concerne donc, plus généralement, certaines filières du supérieur.

M. le rapporteur. Je ne rouvrirai pas le débat sur la réforme de la mastérisation : nous l’avons eu en juillet puis en décembre, et il a donné lieu à la publication, après près de cent auditions, d’un rapport d’information. Vous connaissez mon jugement à ce sujet ; je n’en ai pas changé.

À en croire certains, je serais incohérent car la proposition de loi entérinerait un dispositif que j’ai critiqué ; mais, pour que cela soit vrai, il faudrait que cette dernière supprime le principe même des stages. Or je crois vous avoir dit que l’article du code de l’éducation qui attribue aux IUFM l’organisation des actions de préparation professionnelle en faveur des étudiants n’est pas modifié. Il s’agit donc d’un faux procès.

On reproche aussi à la proposition de loi de supprimer la référence expresse à l’alternance de formation. Mais ne nous trompons pas de débat. Nous sommes tous en faveur de l’alternance ; la seule question est de savoir laquelle. Je défends l’idée de masters professionnels préparant aux métiers de l’enseignement, selon les préconisations de la mission d’information : organiser, pendant les deux années du master, des allers-retours entre l’université et les stages de pratique accompagnée et en responsabilités.

Le parti socialiste, lui, défend un dispositif d’alternance en deuxième année de master et pendant l’année de stage suivant le concours, dans le cadre de la formation continue. De son côté, Philippe Meirieu défend le principe d’une alternance qui évoluerait vers le modèle de l’internat de médecine.

Toutes ces options ont des avantages et des inconvénients : le choix qui sera fait après les futures grandes échéances politiques sera décisif pour notre système éducatif.

S’agissant de la décision du Conseil d’État, je rappelle qu’elle consiste à redonner cours à un arrêté de 2006 qui limite à un tiers de leur service les obligations d’enseignement des enseignants stagiaires. Certains se réjouissent à l’idée que le nouveau dispositif de formation et de recrutement pourrait s’effondrer sous l’effet des recours formés par les enseignants qui effectuent leur stage cette année. Pour ma part, tout en reconnaissant qu’il y a un lien indirect entre la proposition de loi et la décision du Conseil d’État, je souhaite éviter toute insécurité juridique pour les 3 300 professeurs des écoles et les 7 800 enseignants du second degré qui effectuent leur stage en 2011-2012. Souhaiter le contraire serait, à mon sens, faire preuve d’irresponsabilité.

En résumé, je vous invite à patienter quelques mois pour qu’une future majorité, quelle que soit sa couleur, reconstruise les modalités de la formation des maîtres. Dans l’immédiat, je vous propose de légiférer pour reconnaître la responsabilité première des universités dans cette dernière.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Rôle de l’université en matière de formation des maîtres

Cet article a pour objet de réécrire l’article L. 625-1 du code de l’éducation (alinéa 1) afin de reconnaître le rôle premier des universités en matière de formation des maîtres et d’actualiser les modalités de cadrage de leur action dans ce domaine.

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 625-1 du code de l’éducation dispose que la formation des maîtres est « assurée » par les IUFM, les instituts accueillant « à cette fin des étudiants préparant les concours d’accès aux corps des personnels enseignants et les stagiaires admis à ces concours ». Il ajoute que cette formation répond à un cahier des charges fixé par arrêté des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale après avis du Haut conseil de l’éducation et précise que celle-ci fait alterner des périodes de formation pratique et des périodes de formation théorique.

1. La reconnaissance du rôle premier des universités en matière de formation des maîtres

Les dispositions précitées sont en décalage avec le contexte résultant de la réforme de la mastérisation et de la loi 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi « LRU » :

– d’une part, le recrutement des enseignants a été élevé au niveau du master, plaçant ainsi les universités en première ligne dans le nouveau dispositif de formation. En outre, celles-ci peuvent non seulement organiser la formation des étudiants qui se destinent au métier d’enseignant, mais participer à la formation complémentaire dont bénéficient, au cours de leur année de stage, les admis au concours. Équivalente à un tiers de l’obligation réglementaire de service du corps auquel appartient le stagiaire, cette formation comprend, d’après une circulaire en date du 31 mars 2011, des périodes de formation « groupées » (dites aussi « massées ») ou « filées », c’est-à-dire organisées sur une journée ou une demi-journée par semaine, ainsi qu’un accompagnement assuré par des tuteurs ;

– d’autre part, l’autonomie des universités a été confortée par la loi dite « LRU ».

Aussi le présent article propose-t-il de tirer les conséquences législatives de ce contexte renouvelé. Ce faisant, il parachève l’« universitarisation » de la formation des maîtres, engagée par la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 et renforcée par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005, et inscrit ainsi, dans le code, l’acquis le plus important – et, sans doute, le seul qui soit incontestable – de la réforme de la mastérisation.

Il est donc proposé de reconnaître le rôle des universités dans le nouveau dispositif de formation, étant précisé qu’a cette fin, ces établissements accueillent en formation des étudiants préparant les concours d’accès aux corps des personnels enseignants et participent à la formation de stagiaires qui y sont admis (alinéa 2).

Par le recours à l’adverbe « notamment » (« la formation des maîtres est assurée notamment par les universités »), la rédaction proposée de l’article L. 625-1 souligne le rôle premier des universités, tout en tenant compte du fait que d’autres établissements d’enseignement supérieur peuvent remplir cette mission de formation.

Seraient ainsi visés, outre les universités publiques, les Écoles normales supérieures, les grands établissements, l’enseignement supérieur privé (les « universités catholiques » (12)) et tout établissement d’enseignement supérieur délivrant des masters et donc susceptible de préparer aux concours de recrutement en mettant en place des parcours de formation adaptés.

En droit, cette rédaction « ouverte » se justifie, dans la mesure où les universités ne sont qu’une forme juridique parmi d’autres des établissements d’enseignement supérieur.

L’exemple de la Lorraine est, à cet égard, significatif. En effet, depuis le 1er janvier 2012, les trois universités lorraines ont fusionné dans une nouvelle entité, dénommée « Université de Lorraine », qui s’est constituée sous la forme d’un grand établissement, régi par les dispositions de l’article L. 717-1 du code de l’éducation, celui-ci n’étant pas une université au sens juridique du terme. Aussi se référer exclusivement aux universités ne permettrait pas d’organiser des formations pour les futurs enseignants en Lorraine.

Sur un plan pratique, le ministère de l’enseignement supérieur a d’ores et déjà habilité de nombreux établissements d’enseignement supérieur à délivrer des masters « Enseignement ».

Établissements délivrant des masters « Enseignement »

Environ 80 établissements publics d’enseignement supérieur ont été habilités à délivrer un master préparant aux métiers de l’enseignement, dont la quasi-totalité des universités et d’autres établissements publics tels que l’ENS Cachan, l’ENS Lyon, l’Institut national polytechnique de Lorraine, etc.

Parmi les écoles habilitées à délivrer ce type de master, on peut citer, à titre d’exemple, l’École nationale de formation agronomique de Toulouse ou l’Institut national des langues et civilisations orientales.

Dans le domaine des « métiers de l’enseignement», 883 spécialités de master réparties dans 499 mentions ont été habilitées sur l’ensemble du territoire national, toutes vagues d’habilitations confondues. 45 % de l’ensemble des spécialités de masters font l’objet d’une cohabilitation (soit 396) par un ou plusieurs établissements et 67 % des spécialités de masters « Professeurs des écoles » font l’objet d’une cohabilitation.

Source : ministère de l’enseignement supérieur, janvier 2012.

Au total, cette formulation conduirait à reconnaître que la formation des futurs enseignants – les étudiants comme les enseignants stagiaires – est assurée par plusieurs acteurs, dont, au premier chef, les universités, mais sans que celles-ci n’exercent, dans ce domaine, un monopole.

Elle s’inscrirait ainsi dans la droite ligne de l’article L. 123-8 du code de l’éducation, qui reconnaît la responsabilité de tous les établissements d’enseignement supérieur dans la formation des maîtres. Aux termes de cet article, en effet, les « établissements d’enseignement supérieur ont la responsabilité de la formation initiale et continue de tous les maîtres de l’éducation nationale, et concourent, en liaison avec les départements ministériels concernés, à la formation des autres formateurs » Cet article ajoute que cette « formation est à la fois scientifique et pédagogique. Elle inclut des contacts concrets avec les divers cycles d'enseignement. Pour cette action, les établissements d'enseignement supérieur développent une recherche scientifique concernant l'éducation et favorisent le contact des maîtres avec les réalités économiques et sociales ».

Ces dispositions sont issues de l’article 17 de la loi du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur, dite loi « Savary ».

On observera qu’une rédaction « ouverte » est également proposée pour désigner le public formé par les universités : l’alinéa 1 tend en effet à indiquer que celles-ci accueilleraient « des » étudiants en formation et que leur participation à la formation « de » stagiaires admis au concours, par l’usage du terme « de », ne concernerait pas tous les enseignants stagiaires. Ainsi, les universités seraient bien parties prenantes, mais non acteurs exclusifs de la formation des personnels stagiaires.

2. Un cadrage des formations tenant compte du contexte « LRU »

Afin de respecter l’autonomie – récemment confortée par la loi « LRU » – pédagogique et scientifique des établissements concourant au dispositif de formation, il est prévu que celle-ci réponde non plus à un cahier des charges, mais à un référentiel arrêté conjointement par les ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur (alinéa 3).

 Par rapport à celle de « cahier des charges », la notion de « référentiel », en raison de son caractère moins prescriptif et détaillé, semble, de ce fait, correspondre mieux à la philosophie de la loi « LRU ».

L’établissement d’un référentiel de formation constituerait, en outre, une avancée intéressante, car ainsi que l’a souligné le rapporteur, à l’occasion des travaux de la mission d’information précitée sur la formation des enseignants, « il serait paradoxal, alors qu’il existe un référentiel du métier d’enseignant, qui identifie les compétences requises au niveau de l’exercice professionnel, que l’État ne dise rien sur les conditions permettant de construire ces compétences » (13).

Ainsi, l’État pourrait continuer de donner un cadre de référence aux masters « Enseignement » développés par les universités. De plus, ce texte compléterait l’arrêté du 12 mai 2010, pris par le ministre de l’éducation nationale et définissant les compétences professionnelles à acquérir par les personnels enseignants (14), un texte dont le rapporteur, a considéré, dans le cadre du travail précité, qu’il « aura pour effet de réguler les formations proposées aux étudiants ».

On rappellera que ce dernier texte, qui définit un « référentiel de compétences », a pour finalité d’aider les jurys, à l’issue de l’année de stage, à vérifier que les compétences attendues sont acquises, ce qui est la condition pour prononcer la titularisation.

Le référentiel prévu par le présent alinéa devrait permettre aux opérateurs d’organiser le socle de la formation de telle façon que les personnes formées pourront atteindre les objectifs précisés dans l’arrêté du 12 mai 2010 et exprimés en « compétences » à acquérir.

 Par ailleurs, il est proposé que ne soit plus indiqué à l’article L. 625-1 du code que la formation fait alterner des périodes de formation théorique et pratique.

Cette modification permettrait de donner une plus grande souplesse dans l’organisation de l’année de stage, en laissant au pouvoir règlementaire le soin de définir le quantum entre formation théorique d’une part et formation pratique d’autre part.

La nouvelle rédaction ne remettrait pas en cause, pour autant, l’existence d’actions de formation didactiques, notamment sous forme de regroupements, ni la présence, devant élèves, des personnels stagiaires, deux aspects du dispositif de formation qui, aux yeux du rapporteur, devraient être améliorés.

 Enfin, le référentiel de formation s’appliquerait à celle dispensée « aux étudiants et aux personnels stagiaires admis au concours ». La notion de formation devrait être entendue ici comme couvrant un cursus de trois ans, qui débute avec la première année de master et s’achève avec la titularisation, même si elle renvoie avant tout, par la mise en exergue des universités et du référentiel, à son volet « académique ».

*

La Commission est saisie de trois amendements identiques, AC 1 de Mme Martine Faure, AC 5 de M. René Couanau et AC 9 de Mme Marie-Hélène Amiable, tendant à la suppression de l’article.

Mme Martine Faure. La formation est actuellement assurée par les IUFM au sein des universités. Alors qu’a déjà été supprimée l’année de formation professionnelle, la proposition de loi fait disparaître toute mention des missions des IUFM dans le code de l’éducation.

Elle supprime aussi le cahier des charges, pourtant garant d’un cadre national, au profit d’un référentiel beaucoup plus souple, qui permet certes davantage d’autonomie, mais pas au sens où nous l’entendons.

Le texte permettrait même à d’autres établissements que les universités d’organiser la formation des enseignants : nous avons déjà exprimé nos réserves à ce sujet.

M. René Couanau. L’examen précipité de ce texte est-il dû à la décision du Conseil d’État ? Le rapporteur n’a pas été très clair sur ce point.

En réalité, la proposition de loi n’apporte aucune réponse de fond ; du rapport d’information publié il y a quelques semaines, elle ne tire aucune conclusion, sinon pour s’y opposer ! Tout cela est ubuesque.

Contrairement à ce que l’on prétend, ce texte ne doit rien à l’improvisation : il traduit une volonté de supprimer les IUFM – à défaut de pouvoir les réformer –, au profit d’une formation purement universitaire, et ce au mépris de tous les acquis de la science pédagogique.

Mme Marie-Hélène Amiable. L’article 1er retire aux IUFM la responsabilité de la formation des maîtres pour la confier aux seules universités. Bref, il ne s’agit rien moins que de supprimer les IUFM, l’adverbe « notamment » ouvrant, de surcroît, la possibilité de confier cette formation à des organismes extérieurs, et pourquoi pas privés.

Je rappelle d’ailleurs que des établissements privés se sont déjà spécialisés dans la formation théorique des maîtres, tels ForProf, qui prépare au concours de professeur des écoles publiques, ou l’Institut libre de formation des maîtres, qui développe ses propres certifications et examens, lesquels donnent accès à l’enseignement au sein des écoles du réseau « Créer son école ». Par ailleurs, des entreprises, qui jouent sur la crainte des stagiaires d’être mal formés ou sur leur désarroi devant les classes, proposent une formation continue, appelée « coaching », pour tous les niveaux.

L’article 1er prévoit également de supprimer le cahier des charges relatif à la formation des maîtres, pour le remplacer par un simple référentiel : cette disposition marquerait la fin du cadrage national.

Enfin, l’article supprime l’obligation d’alterner formation théorique et formation pratique.

Voici les raisons qui nous conduisent à souhaiter sa suppression.

M. le rapporteur. Ces amendements de suppression sont motivés par le fait que la proposition de loi supprimerait toute mention des IUFM dans le code de l’éducation, qui lui consacre vingt articles, ou exclurait ces instituts du nouveau dispositif de formation, ce qui est inexact. Avis défavorable.

La Commission rejette les trois amendements identiques.

Elle examine ensuite l’amendement AC 12 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement poursuit un double objectif.

Premièrement, l’adverbe « notamment » suscite des craintes quant à la mainmise d’opérateurs de toutes natures sur la formation des maîtres. J’ai entendu ces inquiétudes et vous propose, en conséquence, de nous référer aux « établissements d’enseignement supérieur, notamment […] les universités », catégorie juridique qui permet de viser tous les établissements habilités par l’État à délivrer des masters « Enseignement » : Écoles normales supérieures, École nationale de formation agronomique de Toulouse ou grands établissements, comme l’Université de Lorraine.

Si les universités jouent le premier rôle, la quasi-totalité d’entre elles participent à la mastérisation ; elles le font aux côtés d’autres acteurs qui accueillent des milliers d’étudiants, et qui ne sauraient être ignorés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC 13 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose que le cadrage de la formation des maîtres soit assuré par un cahier des charges et non par un référentiel. Il m’avait semblé, au moment du dépôt de la proposition de loi, que la notion de « référentiel » était plus compatible avec l’esprit de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU. Cette vision est sans doute juste sur le plan des principes, mais les auditions m’ont permis de constater qu’il existe une forte demande, de la part des responsables d’université et d’IUFM, en faveur d’un cadre plus détaillé et prescriptif de l’offre de formation. C’est ce que permettrait un cahier des charges, juridiquement plus adapté au caractère régalien de la politique de formation des maîtres.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er ainsi modifié.

Article 2

Missions des instituts universitaires de formation des maîtres

Cet article vise à tirer les conséquences, sur les actions de formation des IUFM mentionnées par le code de l’éducation, des modifications proposées par l’article 1er. À cette fin, il prévoit de modifier l’article L. 721-1 du code, lequel définit les missions de ces instituts (alinéa 1).

Avant d’évoquer les modifications prévues, il convient de préciser que le présent article ne changerait rien à trois de ces missions, qui sont de ce fait sanctuarisées :

– premièrement, la participation des IUFM à la recherche en éducation, le « capital » de savoir-faire qu’ils ont pu accumulé dans ce domaine étant ainsi préservé ;

– deuxièmement, l’organisation des « formations de préparation professionnelle en faveur des étudiants ». Le rôle de « cheville ouvrière » des IUFM dans la mise en œuvre du volet professionnel de la formation des étudiants se préparant à l’enseignement, d’ores et déjà constaté sur le terrain, serait donc reconnu.

Ce point essentiel devrait contribuer à rassurer tous ceux qu’inquiète l’avenir des instituts : aux yeux du législateur, ces composantes de l’université seraient bel et bien « enrôlées » dans la préparation aux masters « Enseignement » et aux concours de recrutement des personnels enseignants ;

– enfin, les actions de formation conduites par les IUFM, telles que modifiées par la présente proposition de loi, continueront de comprendre « des actions sensibilisation à la lutte contre les discriminations, aux enjeux de l'égalité entre les femmes et les hommes, aux violences faites aux femmes et aux violences commises au sein du couple ». Cette nouvelle mission a été inscrite dans le code par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, qui résulte des travaux de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, respectivement présidée et rapportée par nos collègues Danielle Bousquet et Guy Geoffroy (15).

Quant aux modifications proposées par le présent article, elles sont au nombre de trois, soit :

– une première modification de fond, visant à supprimer le quatrième alinéa de l’article L. 721-1 qui dispose que, dans le cadre des orientations définies par l’État, les IUFM « conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants » et que « celles-ci comprennent des parties communes à l’ensemble des corps et des parties spécifiques en fonction des disciplines et des niveaux d'enseignement » (alinéa 2).

La modification proposée découle de la suppression de l’année de formation en alternance en IUFM, la formation des personnels enseignants étant désormais conçue comme un continuum, englobant les deux années de master et la formation complémentaire organisée lors de l’année de stage.

Il ne faudrait pas se méprendre sur la portée de cette suppression, qui ne vise pas à exclure les IUFM de la formation des maîtres, bien au contraire. D’ailleurs, la suppression du mot « continue » à l’alinéa suivant a précisément pour objet de ne pas cantonner les IUFM à la formation continue des enseignants, mais de les faire participer à l’ensemble de leur formation ;

– une deuxième modification de fond, portant sur le cinquième alinéa du même article et prévoyant que les IUFM participent à la « formation » des personnels enseignants et non plus, comme l’indique la rédaction en vigueur, à leur « formation continue » (alinéa 3).

Il convient de rappeler que cette suppression n’a pas pour effet de restreindre le champ d’intervention possible des IUFM. Elle découle de la suppression proposée du quatrième alinéa de l’article L. 721-1 du code, qui concerne la formation initiale des enseignants : dès lors que la formation initiale n’est plus évoquée en tant que telle, la suppression du mot « continue » permettrait aux IUFM d’intervenir à tous les stades de la formation, initiale ou continue – en amont du concours de recrutement, pour les étudiants, pendant l’année de stage où il pourra être fait appel à l’expérience et au savoir-faire des IUFM pour organiser des actions de formation complémentaire et tout au long de la carrière des enseignants, au titre de la formation continue ;

– une dernière modification, purement rédactionnelle cette fois, visant à modifier le dernier alinéa du même article, afin de tenir compte de la suppression proposée de son quatrième alinéa. Concrètement, cela aurait pour effet de préciser que les IUFM mènent les actions de sensibilisation précédemment mentionnées dans les domaines de la préparation professionnelle des étudiants et de la formation des personnels enseignants, et non plus dans le cadre de l’année de formation en alternance en IUFM (alinéa 4).

*

La Commission examine trois amendements identiques AC 2 de Mme Martine Faure, AC 6 de M. René Couanau et AC 10 de Mme Marie-Hélène Amiable, tendant à la suppression de l’article.

Mme Martine Faure. La formation professionnelle, initiale comme continue, est indispensable pour permettre aux enseignants l’acquisition et la maîtrise des disciplines académiques.

Le rapport Jolion, comme nous l’avons dit, précise qu’« enseigner n’est pas un art, mais un métier qui s’apprend ». Or les IUFM assurent la formation professionnelle initiale des enseignants, formation qui comprend un tronc commun et des parties spécifiques à chaque discipline.

Or l’article élimine la notion de formation professionnelle, qu’elle soit initiale ou continue. Nous souhaitons donc le supprimer.

M. René Couanau. Qu’il faille réformer les IUFM, tout le monde en est d’accord. Mais ce texte vise purement et simplement à les supprimer. Cette solution est peut-être politiquement plus simple, mais je ne l’approuve pas.

La suppression du mot « continue », proposée à l’alinéa 3, ne règle rien puisque le texte ne définit pas le rôle exact des IUFM, ou de ce qu’il en restera, dans la formation des maîtres. Bref, le texte détricote un système sans en proposer un autre.

Mme Marie-Hélène Amiable. L’article 2 supprime les références à la formation initiale et continue des maîtres dans le code de l’éducation. Or nous pensons qu’enseigner est un métier qui, à ce titre, requiert ces deux types de formation.

M. le rapporteur. La proposition de loi, je le rappelle, étend la participation des IUFM à l’ensemble de la formation des maîtres, alors que le code de l’éducation, dans sa rédaction actuelle, la limite à la formation continue.

La rédaction que je propose permettra donc aux IUFM de participer à la formation initiale et continue : en amont du concours de recrutement – c’est-à-dire pour les étudiants –, pendant l’année de stage, pour organiser des actions de formation complémentaires, et tout au long de la carrière des enseignants, au titre de la formation continue.

La proposition de loi reconnaît ainsi le rôle d’opérateur de formation désormais joué par les IUFM. Je rappelle aussi qu’elle n’empêchera pas les étudiants d’être au contact des élèves, puisqu’elle ne modifie pas la disposition du code de l’éducation qui confie aux IUFM l’organisation des actions de préparation professionnelle en faveur des étudiants. Elle ne modifie pas non plus l’article 18 de la loi Savary de 1984, repris dans le code, qui précise que la formation de tous les maîtres « inclut des contacts concrets avec les divers cycles d’enseignement ».

Enfin, en 2011, malgré les difficultés de mise en route des stages, le ministère de l’éducation nationale a rémunéré 28 600 semaines de stage en responsabilité à plein temps pour des étudiants inscrits en deuxième année de master.

Pour ces différentes raisons, j’émets un avis défavorable à ces amendements.

La Commission rejette les trois amendements identiques.

Elle adopte ensuite l’article 2 sans modification.

Article 3

Coordination avec la formation des enseignants des établissements technologiques

Cet article a pour objet de procéder à une harmonisation des dispositions de l’article L. 932-3 du code de l’éducation avec le nouveau dispositif de formation.

Le quatrième alinéa de cet article, relatif à la formation et au recrutement des personnels des corps enseignants des établissements d’enseignement technologique, précise qu’après leur recrutement, les professeurs qui enseignent des disciplines générales – par exemple, le français et l’histoire-géographie ou les mathématiques et sciences physiques et chimiques –, comme ceux qui enseignent des disciplines technologiques, reçoivent une formation soit dans les établissements, soit dans les IUFM. Il est donc proposé, par cohérence avec les modifications déjà examinées, de le supprimer.

*

La Commission examine trois amendements identiques, AC 3 de Mme Martine Faure, AC 7 de M. René Couanau et AC 11 de Mme Marie-Hélène Amiable, tendant à la suppression de l’article.

Mme Martine Faure. La proposition de loi supprime l’obligation de formation après le recrutement, par concours, des étudiants, stagiaires et personnels enseignants, et fait disparaître les IUFM du champ des possibles formateurs. Nous souhaitons donc la suppression de cet article.

M. René Couanau. Comme l’OCDE l’a récemment rappelé, notre système de formation est devenu particulier en Europe. L’Allemagne vient elle-même de réformer le sien en accordant une plus grande part à la formation professionnelle des enseignants. Tantôt on s’inspire de ce pays, tantôt on s’en éloigne : c’est toute la cohérence ambiante !

Mme Marie-Hélène Amiable. Nous souhaitons, nous aussi, la suppression de cet article qui signe la disparition des IUFM – dont vous aviez déjà entamé le démantèlement – du champ des formateurs.

Nous voulons également voir maintenue l’obligation de formation, après le recrutement, des enseignants des établissements d’enseignement technologique.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les trois amendements identiques.

Elle adopte ensuite l’article 3 sans modification.

Article 4

Application de la loi en outre-mer

Cet article a pour objet de déterminer les conditions d’application de la loi en outre-mer.

En application de l’article 73 de la Constitution, dans les régions et départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion et, depuis 2011, Mayotte), les lois et règlements sont applicables de plein droit, nonobstant les adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités qui peuvent leur être apportées.

L’article 74 de la Constitution définit un régime particulier pour les autres collectivités d’outre-mer (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française) dont chaque statut particulier est défini par une loi organique. La Nouvelle-Calédonie, qui n’est pas une collectivité d’outre-mer, est régi par le titre XIII de la Constitution.

 La présente proposition de loi prévoit son application dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie (alinéa 1).

Cette précision est, en réalité, redondante, dans la mesure où les deux articles du code de l’éducation que la présente proposition de loi prévoit de modifier sont d’ores et déjà applicables à ces territoires :

– en ce qui concerne l’article L. 625-1, relatif à la formation des maîtres, il est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, respectivement en vertu des articles L. 681-1, L. 683-1 et L. 684-1 ;

– en ce qui concerne l’article L. 721-1, relatif aux missions des IUFM, il est également applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, respectivement en vertu des articles L. 771-1, L. 773-1 et L. 774-1.

 En ce qui concerne Mayotte, l’article L. 772-1 dispose que l’article L. 721-1 lui est applicable, à l’exception de la formation des instituteurs de la collectivité départementale.

En revanche, le code ne prévoit pas l’application, à cette collectivité, de l’article. L. 625-1.

Il est donc également prévu d’appliquer la future loi à Mayotte, sauf l’article 2 en ce qui concerne la formation des instituteurs de la collectivité départementale (alinéa 2).

Cette exception est justifiée par l’article L. 972-3 du code qui crée à Mayotte un établissement public local à caractère administratif spécifique, l’institut de formation des maîtres, distinct des IUFM existants sur le reste du territoire français. Il y a lieu de noter toutefois que cet article devrait être abrogé à compter du 1er septembre 2012, conformément à l’article 19 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte.

*

La Commission est saisie de deux amendements identiques, AC 4 de Mme Martine Faure et AC 8 de M. René Couanau, tendant à la suppression de l’article.

Mme Martine Faure. Cet amendement est de coordination avec les précédents.

M. René Couanau. Mon amendement est lui aussi de cohérence, sur ce texte incohérent.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les deux amendements identiques.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AC 14 du rapporteur.

Elle adopte alors l’article 4 ainsi modifié.

La Commission adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le rapporteur. Je regrette vivement que nos collègues de gauche n’aient pas compris, contrairement à ceux de la majorité, que je remercie, tout l’intérêt des dispositions de ce texte.

*

En conséquence, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Proposition de loi

relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres

Proposition de loi

relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres

Code de l’éducation

Article 1er

Article 1er

 

L’article L. 625-1 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

Sans modification

Art. L. 625-1. – La formation des maîtres est assurée par les instituts universitaires de formation des maîtres. Ces instituts accueillent à cette fin des étudiants préparant les concours d'accès aux corps des personnels enseignants et les stagiaires admis à ces concours.

« Art. L. 625-1. – La formation des maîtres est assurée notamment par les universités, qui, à cette fin, accueillent en formation des étudiants préparant les concours d’accès aux corps des personnels enseignants et participent à celle de stagiaires admis à ces concours.

« Article L. 625-1. – La formation des maîtres est assurée par les établissements d’enseignement supérieur, notamment par les universités, qui à cette fin accueillent des étudiants préparant des masters orientés vers les métiers de l’enseignement. Ces établissements préparent, en outre, les étudiants aux concours d’accès aux corps des personnels enseignants et participent à la formation des personnels enseignants stagiaires admis à ces concours. »

Amendement AC 12

La formation dispensée dans les instituts universitaires de formation des maîtres répond à un cahier des charges fixé par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale après avis du Haut Conseil de l'éducation. Elle fait alterner des périodes de formation théorique et des périodes de formation pratique.

« La formation dispensée aux étudiants et aux personnels stagiaires admis aux concours enseignants répond à un référentiel arrêté par les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale. »

« La…
…répond à un  cahier des charges ...

Amendement AC 13

 

Article 2

Article 2

 

L’article L. 721-1 du même code est ainsi modifié :

Sans modification

Art. L. 721-1. –

…………………………………………. Dans le cadre des orientations définies par l'Etat, ces instituts universitaires de formation des maîtres conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants. Celles-ci comprennent des parties communes à l'ensemble des corps et des parties spécifiques en fonction des disciplines et des niveaux d'enseignement.

1° Le quatrième alinéa est supprimé ;

 

Les instituts universitaires de formation des maîtres participent à la formation continue des personnels enseignants et à la recherche en éducation.

…………………………………………

2° Au cinquième alinéa, le mot : « continue » est supprimé ;

 

Les formations mentionnées aux trois alinéas précédents comportent des actions de sensibilisation à la lutte contre les discriminations, aux enjeux de l'égalité entre les femmes et les hommes, aux violences faites aux femmes et aux violences commises au sein du couple

3° Au dernier alinéa, le mot : « trois » est supprimé.

 
 

Article 3

Article 3

Art. L. 932-3. – Les fonctionnaires des corps enseignants des établissements d'enseignement technologique sont, pour les enseignements généraux de même niveau, recrutés et formés dans les mêmes conditions que les professeurs appelés à dispenser ces enseignements dans les établissements d'enseignement général.

Ceux des disciplines technologiques sont recrutés en fonction d'exigences de formation et de pratique professionnelles antérieures.

Ils doivent posséder une qualification correspondant à celles des maîtres de l'enseignement général de même niveau.

Les uns et les autres, après recrutement, reçoivent une formation soit dans les mêmes établissements, soit dans les instituts universitaires de formation des maîtres.

………………………………………….

Le quatrième alinéa de l’article L. 932-3 du même code est supprimé.

Sans modification

 

Article 4

Article 4

 

Les dispositions de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Alinéa supprimé

 

Elles sont également applicables à Mayotte, sauf l’article 2 en ce qui concerne la formation des instituteurs de la collectivité départementale de Mayotte.

« La présente loi est applicable à Mayotte, à l’exception de l’article 2 en ce qui concerne la formation des instituteurs du Département de Mayotte. »

Amendement AC 14

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement AC 1 présenté par Mme Martine Faure, MM. Yves Durand, Pascal Deguilhem, Mmes Monique Boulestin, Martine Martinel, M. Patrick Bloche et les commissaires du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement AC 2 présenté par Mme Martine Faure, MM. Yves Durand, Pascal Deguilhem, Mmes Monique Boulestin, Martine Martinel, M. Patrick Bloche et les commissaires du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Article 2

Supprimer cet article.

Amendement AC 3 présenté par Mme Martine Faure, MM. Yves Durand, Pascal Deguilhem, Mmes Monique Boulestin, Martine Martinel, M. Patrick Bloche et les commissaires du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Article 3

Supprimer cet article.

Amendement AC 4 présenté par Mme Martine Faure, MM. Yves Durand, Pascal Deguilhem, Mmes Monique Boulestin, Martine Martinel, M. Patrick Bloche et les commissaires du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Article 4

Supprimer cet article.

Amendement AC 5 présenté par M. René Couanau

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement AC 6 présenté par M. René Couanau

Article 2

Supprimer cet article.

Amendement AC 7 présenté par M. René Couanau

Article 3

Supprimer cet article.

Amendement AC 8 présenté par M. René Couanau

Article 4

Supprimer cet article.

Amendement AC 9 présenté par Mmes Marie-Hélène Amiable, Huguette Bello, Marie-George Buffet, et M. Michel Vaxès

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement AC 10 présenté par Mmes Marie-Hélène Amiable, Huguette Bello, Marie-George Buffet, et M. Michel Vaxès

Article 2

Supprimer cet article.

Amendement AC 11 présenté par Mmes Marie-Hélène Amiable, Huguette Bello, Marie-George Buffet, et M. Michel Vaxès

Article 3

Supprimer cet article.

Amendement AC 12 présenté par M. Jacques Grosperrin, rapporteur

Article 1er

Rédiger ainsi l’alinéa 2 :

« Article L. 625-1. – La formation des maîtres est assurée par les établissements d’enseignement supérieur, notamment par les universités, qui à cette fin accueillent des étudiants préparant des masters orientés vers les métiers de l’enseignement. Ces établissements préparent, en outre, les étudiants aux concours d’accès aux corps des personnels enseignants et participent à la formation des personnels enseignants stagiaires admis à ces concours. »

Amendement AC 13 présenté par M. Jacques Grosperrin, rapporteur

Article 1er

À l’alinéa 3, substituer au mot : « référentiel », les mots : « cahier des charges ».

Amendement AC 14 présenté par M. Jacques Grosperrin, rapporteur

Article 4

Rédiger ainsi cet article :

« La présente loi est applicable à Mayotte, à l’exception de l’article 2 en ce qui concerne la formation des instituteurs du Département de Mayotte. »

ANNEXE 1 :

DONNÉES SUR LES CONCOURS EXTERNES DE RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS (2007-2011)

 

Agrégation

Nb inscrits

Présents

% de candidats présents

Admis

% admis (admis/présents)

Nb postes

% de postes pourvus

2007

24 603

12 773

51,9 %

1 441

11,3 %

1 443

99,9 %

2008

21 959

11 556

52,6 %

1 244

10,8 %

1 245

99,9 %

2009

19 535

10 553

54,0 %

1 240

11,8 %

1 245

99,6 %

2010

20 131

9 358

46,5 %

1 226

13,1 %

1 232

99,5 %

2011

19 761

7 387

37,4 %

1 170

15,8 %

1 170

100,0 %

 

Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES)

 

Externe

 

Nb inscrits

Présents

% de candidats présents

Admis

% admis (admis/présents)

Nb postes

% de postes pourvus

2007

46 021

33 001

71,7 %

6 039

18,3 %

6 040

100,0 %

2008

40 028

28 558

71,3 %

5 061

17,7 %

5 062

100,0 %

2009

34 497

25 021

72,5 %

5 094

20,4 %

5 095

99,98 %

2010

33 502

22 074

65,9 %

5 006

22,7 %

5 006

100 %

2011

24 223

12 491

51,6 %

4 055

32,5 %

4 881

83,1 %

 

Certificat d’aptitude au professorat d’éducation physique et sportive (CAPEPS)

 

Externe

 

Nb inscrits

Présents

% de candidats présents

Admis

% admis (admis/présents)

Nb postes

% de postes pourvus

2007

5 872

4 589

78,2 %

400

8,7 %

400

100,0 %

2008

4 426

3 533

79,8 %

400

11,3 %

400

100,0 %

2009

3 313

2 697

81,4 %

400

14,8 %

400

100,0 %

2010

2 996

2 431

81,1 %

450

18,5 %

450

100,0 %

2011

1 852

1 314

71,0 %

560

42,6 %

560

100,0 %

 

Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique (CAPET)

 

Externe

 

Nb inscrits

Présents

% de candidats présents

Admis

% admis (admis/présents)

Nb postes

% de postes pourvus

2007

5 662

2 302

40,7 %

276

12,0  %

276

100,0 %

2008

4 591

2 104

45,8 %

242

11,5 %

242

100,0 %

2009

4 167

2 017

48,4 %

242

12,0 %

242

100,0 %

2010

4 499

1 898

42,2 %

242

12,8 %

242

100,0 %

2011

2 984

1 038

34,8 %

260

25,0 %

270

96,3 %

 

Certificat d’aptitude au professorat de lycée professionnel (CPLP)

 

Externe

 

Nb inscrits

Présents

% de candidats présents

Admis

% admis (admis/présents)

Nb postes

% de postes pourvus

2007

19 888

10 707

53,8 %

1 419

13,3 %

1 436

98,8 %

2008

15 868

8 700

54,8 %

1 256

14,4 %

1 288

97,5 %

2009

14 681

8 536

58,1 %

1 301

15,2 %

1 318

98,7 %

2010

14 822

7 793

52,6 %

1 272

16,3 %

1 318

96,5 %

2011

9 913

4 315

43,5 %

1 203

27,9 %

1 343

89,6 %

 

Conseiller principal d’éducation (CPE)

 

Externe

 

Nb inscrits

Présents

% de candidats présents

Admis

% admis (admis/présents)

Nb postes

% de postes pourvus

2007

12 114

6 553

54,1 %

200

3,1 %

200

100,0 %

2008

9 949

4 890

49,2 %

200

4,1 %

200

100,0 %

2009

8 930

4 757

53,3 %

200

4,2 %

200

100,0 %

2010

7 669

3 653

47,6 %

250

6,8 %

250

100,0 %

2011

3 862

1 382

35,8 %

275

19,9 %

275

100,0 %

ANNEXE 2 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Conférence des présidents d’université  – Mme Anne Fraysse, vice-présidente, présidente de l’université Paul Valéry – Montpellier III

Ø Conférence des directeurs d’IUFM – M. Patrick Demougin, président, accompagné de M. Gilles Baillat, ancien président de la CDIUFM, et de M. Didier Geiger, vice-président

Ø Table ronde réunissant des représentant de syndicats d’enseignants :

– Syndicat national des enseignements du second degré (SNES-FSU) – Mme Frédérique Rolet, co-secrétaire générale et M. Emmanuel Mercier, en charge de la formation des enseignants

– Syndicat national unitaire des instituteurs, des professeurs des écoles et PEGC (Snuipp-FSU) – Mme Marianne Baby, secrétaire générale adjointe

– Syndicat général de l’Éducation nationale et de la Recherche publique – CFDT (SGEN-CFDT) – Mme Chantal Demonque, secrétaire nationale chargée de la formation nationale des enseignants

– Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes-UNSA (SE-UNSA) M. Joël Pehau, secrétaire national (SE-UNSA) et M. Luc Bentz, secrétaire national (UNSA éducation nationale)

– Syndicat national de l’éducation physique de l’enseignement public-FSU (SNEP-FSU) – Mme Claire Pontais, secrétaire nationale

© Assemblée nationale

1 () « Mieux former les enseignants », rapport d’information n° 4033 présenté en conclusion des travaux de la mission d’information de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants (7 décembre 2011).

2 () « Mastérisation de la formation initiale des enseignants : enjeux et bilan », rapport remis à M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, 10 octobre 2011.

3 () Pour mémoire, ces concours sont au nombre de six : le concours de recrutement de professeurs des écoles, le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, le certificat d’aptitude aux professorat de l’enseignement technique, le certificat d’aptitude au professorat d’éducation physique et sportive, le certificat d’aptitude au professorat de lycée professionnel et l’agrégation.

4 () « La formation : débats et perspectives », Revue internationale d’éducation – Sèvres, n° 55, décembre 2010.

5 () « L’intégration des instituts universitaires de formation des maîtres au sein des universités. Des procédures en voie de conclusion aux nécessités d’un véritable enracinement dans l’enseignement supérieur et la recherche », rapport au Premier ministre et aux ministres en charge de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale, 30 octobre 2007.

6 () « Mastérisation de la formation initiale des enseignants : enjeux et bilan ».

7 () Selon un communiqué de presse de la CDIUFM en date du 8 juillet 2011. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche indique qu’il ne dispose pas, pour 2011, de données permettant de connaître le parcours de formation des candidats lauréats au concours. Il note, par ailleurs, que la déclaration de la Conférence n’a fait l’objet d’aucune publication complémentaire permettant d’apprécier les chiffres qu’elle cite.

8 () « Pour une formation universitaire professionnelle des étudiants – 22 propositions de la Conférence des directeurs d’IUFM à l’attention des candidats à l’élection présidentielle de 2012 », novembre 2011.

9 () Proposition n° 18, rapport n° 4033 précité.

10 () « Pour une formation universitaire professionnelle des enseignants », contribution précitée.

11 () Proposition n° 9 du rapport d’information n° 4033 précité.

12 () Soit l’Institut catholique de Lille, l’Institut catholique de Paris, l’Université catholique de l’Ouest, l’Institut catholique de Toulouse et l’Université catholique de Lyon qui, avec le concours des instituts supérieurs de formation de l’enseignement catholique, ont mis en place sept masters « Éducation et formation ».

13 () Rapport d’information n° 4033 précité.

14 () Ainsi que cela a déjà été précisé, le Conseil d’État a confirmé la légalité de cet arrêté qui définit les compétences attendues des enseignants, des documentalistes et des conseillers principaux d’éducation stagiaires.

15 () Cette mission a été créée le 2 décembre 2008 par la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale et a rendu son rapport le 7 juillet 2009.