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TEXTE ADOPTÉ n° 25

« Petite loi »

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

2 août 2007


PROJET DE LOI

sur le dialogue social et la continuité du service public
dans les
transports terrestres réguliers de voyageurs.

(Texte définitif)

L’Assemblée nationale a adopté, dans les conditions prévues à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, le projet de loi dont la teneur suit :


Voir les numéros :

Sénat : 1ère lecture : 363, 385 et T.A. 112 (2006-2007).

430. Commission mixte paritaire : 431 et T.A. 132 (2006-2007).

Assemblée nationale : 1ère lecture : 101, 107 et T.A. 24.

Commission mixte paritaire : 123.


TITRE IER

CHAMP D’APPLICATION

Article 1er

La présente loi est applicable aux services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

Ces services sont essentiels à la population car ils permettent la mise en œuvre des principes constitutionnels suivants :

– la liberté d’aller et venir ;

– la liberté d’accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d’enseignement ;

– la liberté du travail ;

– la liberté du commerce et de l’industrie.

Pour l’application de la présente loi, on entend par :

1° « Entreprise de transport » : toute entreprise ou toute régie, chargée d’une mission de service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique ;

2° « Autorité organisatrice de transport » : toute collectivité publique, groupement de collectivités publiques ou établissement public compétent, directement ou par délégation, pour l’institution et l’organisation d’un service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

TITRE II

DIALOGUE SOCIAL ET PRÉVENTION DES CONFLITS DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT

Article 2

I. – Dans les entreprises de transport mentionnées à l’article 1er, l’employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord-cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Dans ces entreprises, le dépôt d’un préavis de grève ne peut intervenir qu’après une négociation préalable entre l’employeur et la ou les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis. L’accord-cadre fixe les règles d’organisation et de déroulement de cette négociation. Ces règles doivent être conformes aux conditions posées au II. Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions de l’article L. 521-3 du code du travail.

Des négociations sont également engagées au niveau de la branche en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Cet accord de branche fixe les règles d’organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa. Ces règles doivent être conformes aux conditions posées au II. L’accord de branche s’applique dans les entreprises de transport où aucun accord-cadre n’a pu être signé. L’accord-cadre régulièrement négocié s’applique, dès sa signature, en lieu et place de l’accord de branche.

Un décret en Conseil d’État pris après consultation des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés des secteurs d’activité concernés fixe les règles d’organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa dans les entreprises de transport où, à la date du 1er janvier 2008, aucun accord-cadre n’a pu être signé et aucun accord de branche ne s’applique. Les règles d’organisation et de déroulement ainsi prévues respectent les conditions posées au II. L’accord de branche ou l’accord-cadre régulièrement négocié après cette date s’applique, dès sa signature, en lieu et place de ce décret.

II. – L’accord-cadre, l’accord de branche et, le cas échéant, le décret en Conseil d’État prévus au I déterminent notamment :

1° Les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l’employeur des motifs pour lesquels elle envisage de déposer un préavis de grève conformément à l’article L. 521-3 du code du travail ;

2° Le délai dans lequel, à compter de cette notification, l’employeur est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification. Ce délai ne peut dépasser trois jours ;

3° La durée dont l’employeur et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I. Cette durée ne peut excéder huit jours francs à compter de cette notification ;

4° Les informations qui doivent être transmises par l’employeur aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies ;

5° Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification et l’employeur se déroule ;

6° Les modalités d’élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable, ainsi que les informations qui doivent y figurer ;

7° Les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l’employeur, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification, ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.

III. – Les procédures de prévention des conflits prévues dans les accords-cadres signés les 30 mai 1996, 23 octobre 2001 et 20 février 2006 à la Régie autonome des transports parisiens et le 28 octobre 2004 à la Société nationale des chemins de fer français, ainsi que celles prévues dans les accords conclus dans d’autres entreprises de transport avant le 1er juillet 2007, sont mises en conformité, par voie d’avenant, avec le présent article au plus tard le 1er janvier 2008.

Article 3

Lorsqu’un préavis a été déposé dans les conditions prévues à l’article L. 521-3 du code du travail par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs qu’à l’issue du délai du préavis en cours et avant que la procédure prévue à l’article 2 n’ait été mise en œuvre.

TITRE III

ORGANISATION DE LA CONTINUITÉ
DU SERVICE PUBLIC EN CAS DE GRÈVE
OU AUTRE PERTURBATION PRÉVISIBLE DU TRAFIC

Article 4

I. – Après consultation des usagers lorsqu’existe une structure les représentant, l’autorité organisatrice de transport définit les dessertes prioritaires en cas de perturbation prévisible du trafic.

Sont réputées prévisibles les perturbations qui résultent :

– de grèves ;

– de plans de travaux ;

– d’incidents techniques, dès lors qu’un délai de trente-six heures s’est écoulé depuis leur survenance ;

– d’aléas climatiques, dès lors qu’un délai de trente-six heures s’est écoulé depuis le déclenchement d’une alerte météorologique ;

– de tout événement dont l’existence a été portée à la connaissance de l’entreprise de transport par le représentant de l’État, l’autorité organisatrice de transport ou le gestionnaire de l’infrastructure depuis trente-six heures.

Pour assurer les dessertes prioritaires, l’autorité organisatrice de transport détermine différents niveaux de service en fonction de l’importance de la perturbation. Pour chaque niveau de service, elle fixe les fréquences et les plages horaires. Le niveau minimal de service doit permettre d’éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’accès aux services publics, à la liberté du travail, à la liberté du commerce et de l’industrie et à l’organisation des transports scolaires. Il correspond à la couverture des besoins essentiels de la population. Il doit également garantir l’accès au service public de l’enseignement les jours d’examens nationaux. Il prend en compte les besoins particuliers des personnes à mobilité réduite.

Les priorités de desserte et les différents niveaux de service sont rendus publics.

II. – L’entreprise de transport élabore :

– un plan de transport adapté aux priorités de desserte et aux niveaux de service définis par l’autorité organisatrice de transport, qui précise, pour chaque niveau de service, les plages horaires et les fréquences à assurer ;

– un plan d’information des usagers conforme aux dispositions de l’article 7.

Après consultation des institutions représentatives du personnel, elle soumet ces plans à l’approbation de l’autorité organisatrice de transport.

III. – Les plans visés au II sont rendus publics et intégrés aux conventions d’exploitation conclues par les autorités organisatrices de transport avec les entreprises de transport. Les conventions en cours sont modifiées en ce sens avant le 1er janvier 2008. Elles peuvent l’être par voie d’avenant. Les collectivités territoriales sont informées, de manière directe et préalable, des plans de desserte et des horaires qui sont maintenus.

IV. – Le représentant de l’État est tenu informé par l’autorité organisatrice de transport de la définition des dessertes prioritaires et des niveaux de service attendus, ainsi que de l’élaboration des plans visés au II et de leur intégration aux conventions d’exploitation.

En cas de carence de l’autorité organisatrice de transport, et après une mise en demeure, le représentant de l’État arrête les priorités de desserte ou approuve les plans visés au II.

Article 5

I. – Dans les entreprises de transport, l’employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève.

L’accord collectif de prévisibilité du service recense, par métier, fonction et niveau de compétence ou de qualification, les catégories d’agents et leurs effectifs, ainsi que les moyens matériels, indispensables à l’exécution, conformément aux règles de sécurité en vigueur applicables à l’entreprise, de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transport adapté.

Il fixe les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible, l’organisation du travail est révisée et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en oeuvre du plan de transport adapté. En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de l’entreprise non grévistes.

À défaut d’accord applicable au 1er janvier 2008, un plan de prévisibilité est défini par l’employeur.

L’accord ou le plan est notifié au représentant de l’État et à l’autorité organisatrice de transport.

Un accord collectif de prévisibilité du service qui entre en vigueur à compter du 1er janvier 2008, conformément aux dispositions prévues aux alinéas précédents, s’applique en lieu et place du plan de prévisibilité.

II. – En cas de grève, les salariés relevant des catégories d’agents mentionnées au I informent, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, le chef d’entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d’y participer. Les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service durant la grève. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par l’employeur comme étant chargées de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.

Est passible d’une sanction disciplinaire le salarié qui n’a pas informé son employeur de son intention de participer à la grève dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II.

Article 6

I. – Dès le début de la grève, les parties au conflit peuvent décider de désigner un médiateur, choisi d’un commun accord, aux fins de favoriser le règlement amiable de leurs différends. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l’article L. 524-2 du code du travail. Il veille à la loyauté et à la sincérité de la consultation éventuellement organisée en application du II du présent article.

II. – Au-delà de huit jours de grève, l’employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur éventuellement désigné peut décider l’organisation par l’entreprise d’une consultation, ouverte aux salariés concernés par les motifs figurant dans le préavis, et portant sur la poursuite de la grève. Les conditions du vote sont définies, par l’employeur, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d’organiser la consultation. L’employeur en informe l’inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n’affecte pas l’exercice du droit de grève.

Article 7

En cas de perturbation du trafic, tout usager a le droit de disposer d’une information gratuite, précise et fiable sur le service assuré, dans les conditions prévues par le plan d’information des usagers.

En cas de perturbation prévisible, l’information aux usagers doit être délivrée par l’entreprise de transport au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation.

L’entreprise de transport informe immédiatement l’autorité organisatrice de transport de toute perturbation ou risque de perturbation.

Article 8

Après chaque perturbation, l’entreprise de transport communique à l’autorité organisatrice de transport un bilan détaillé de l’exécution du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers.

Elle établit également une évaluation annuelle des incidences financières de l’exécution de ces plans et dresse la liste des investissements nécessaires à l’amélioration de leur mise en œuvre. Cette évaluation est rendue publique.

Article 9

En cas de défaut d’exécution dans la mise en œuvre du plan de transport adapté ou du plan d’information des usagers prévus à l’article 4, l’autorité organisatrice de transport impose à l’entreprise de transport, quand celle-ci est directement responsable du défaut d’exécution, un remboursement total des titres de transport aux usagers en fonction de la durée d’inexécution de ces plans. La charge de ce remboursement ne peut être supportée directement par l’autorité organisatrice de transport.

L’autorité organisatrice de transport détermine par convention avec l’entreprise de transport les modalités pratiques de ce remboursement selon les catégories d’usagers.

L’usager qui n’a pu utiliser le moyen de transport pour lequel il a contracté un abonnement ou acheté un titre de transport a droit à la prolongation de la validité de cet abonnement pour une durée équivalente à la période d’utilisation dont il a été privé, ou à l’échange ou au remboursement du titre de transport non utilisé ou de l’abonnement.

L’acte de remboursement est effectué par l’autorité ou l’entreprise qui lui a délivré l’abonnement ou le titre de transport dont il est le possesseur.

Lorsque des pénalités pour non-réalisation du plan de transport adapté sont par ailleurs prévues, l’autorité organisatrice de transport peut décider de les affecter au financement du remboursement des usagers.

Article 10

La rémunération d’un salarié participant à une grève, incluant le salaire et ses compléments directs et indirects, à l’exclusion des suppléments pour charges de famille, est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève.

Article 11

Avant le 1er octobre 2008, un rapport d’évaluation sur l’application de la présente loi est adressé par le Gouvernement au Parlement.

Ce rapport présente notamment le bilan :

– des accords-cadres et accords de branche signés ;

– des procédures de dialogue social mises en oeuvre et de leur impact au regard de l’objectif de prévention des conflits ;

– des actions de substitution du représentant de l’État éventuellement intervenues en application de l’article 4 ;

– des plans de transport adapté et des plans d’information des usagers élaborés par les entreprises de transport ;

– des accords collectifs de prévisibilité mis en place par ces entreprises ;

– du remboursement des titres de transport aux usagers, tel que prévu à l’article 9.

Article 12

Les autorités organisatrices de transport incorporent dans les conventions qu’elles concluent avec les entreprises de transport des critères sociaux et environnementaux de qualité de service.

Article 13

Un rapport adressé par le Gouvernement au Parlement avant le 1er mars 2008 établit un état des lieux de l’évolution du dialogue social dans les transports publics de voyageurs autres que les transports terrestres réguliers et de l’impact de celle-ci sur l’amélioration de la continuité du service public. Le rapport propose les mesures législatives nécessaires à la mise en œuvre d’un dispositif de continuité dans les autres modes de transports publics de voyageurs.

Il fait le bilan de la prise en compte, dans la mise en œuvre du dialogue social, de la spécificité insulaire, des dessertes côtières et de la continuité territoriale.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 2 août 2007.

Le Président,
Signé :
Bernard ACCOYER


© Assemblée nationale