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ART. 10 DN°2

ASSEMBLÉE NATIONALE
12 juin 2015

CROISSANCE, ACTIVITÉ ET ÉGALITÉ DES CHANCES ÉCONOMIQUES - (N° 2866)

Commission
 
Gouvernement
 

Tombé

AMENDEMENT N°2

présenté par

M. Hammadi

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ARTICLE 10 D

Rédiger ainsi cet article :

« Les troisième et quatrième phrases du deuxième alinéa du III de l’article L. 442‑6 du code de commerce sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :« Ils peuvent également demander le prononcé d’une amende civile proportionnée à la gravité des faits reprochés, dont le montant ne peut être supérieur à 5 % du chiffre d’affaires de l’auteur ou des bénéficiaires des pratiques incriminées appartenant au même groupe. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le propre de toute sanction est de produire un effet dissuasif. En l’état actuel, les distributeurs ont un sentiment d’impunité et préfèrent mettre en place des pratiques illicites lucratives plutôt que de respecter la loi, assortie d’une sanction faible (plafonnée à 2 millions d’euros, contre des gains se chiffrant en dizaines de millions par acteur), et dont l’aboutissement est incertain.

L’Assemblée nationale a pris acte de cette situation et adopté la proposition du gouvernement prévoyant un plafond de l’amende porté à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France, tout en conservant les dispositions en vigueur. Cette rédaction, si elle constitue un indéniable progrès, peut être améliorée sur deux points.

En premier lieu, le plafond de 2 millions d’euros est conservé par défaut pour des opérateurs dont la structure juridique ne rendrait pas compte de leur poids économique réel.

L’amendement propose de supprimer cette alternative, qui ne peut avoir que des effets contraires à l’objectif visé, tout en apportant une réponse aux cas spécifiques soulevés par le gouvernement et la commission spéciale.

  • Le plafond de 2 millions d’euros, qui existe aujourd’hui, a en effet fait la preuve de son manque de caractère dissuasif : le maintenir revient à admettre que certains acteurs continueraient à ne pas être incités au respect de la loi, ce dont personne ne peut se satisfaire. La seule mesure potentiellement dissuasive dans le texte actuel consiste en la possibilité de porter l’amende au triple des sommes indument versées, mais compte tenu des difficultés pratiques auxquelles elle se heurte, cette disposition n’est pas appliquée.
  • L’intention du législateur ne lie pas pour autant le juge ; or, il est visible que l’alternative plafonnée à deux millions se révèlera d’une application nettement plus simple pour le juge que celle exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires, pour laquelle le texte exige la détermination d’une amende « proportionnée aux avantages tirés du manquement ». C’est le constat qui peut être fait par analogie en matière de publicité mensongère.
  • Le maintien de cette alternative d’amende plafonnée à deux millions d’euros est peu fondé, l’étude des structures juridiques et des pratiques visées conduisant à distinguer deux cas de figure :
    • Soit la pratique visée est constituée par une clause illicite, dont la relative gravité peut être réparée dans tous les cas de figure par l’application d’une sanction plafonnée à 5% du chiffre d’affaires de l’entité auteur de l’infraction, même pour celles dont le chiffre d’affaires affiché est le plus faible (de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros) et largement déconnecté de leur poids économique réel (de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards d’euros)
    • Soit elle est beaucoup plus grave, constitutive d’une demande de compensation de marges et se traduit par une altération significative des termes du contrat signé le 28 février et des avantages financiers qui bénéficient en définitive à d’autres entités que celle coupable de la mise en œuvre de cette pratique illicite, auquel cas nous proposons un aménagement du texte :

Afin de répondre à l’impératif soulevé par le gouvernement et d’assurer que cette sanction s’applique de manière équitable à toutes les structures qui seraient jugées pour pratiques commerciales illicites sur la base de la réalité de leur poids économique, l’amendement propose de donner au ministre et aux juridictions concernées la possibilité de saisir non seulement l’auteur des pratiques illicites, mais également les bénéficiaires appartenant au même groupe.

Ainsi rédigé, l’article permet de répondre aux cas de figure où les structures juridiques visées ont un chiffre d’affaires faible mais non représentatif de leur réel poids économique (franchisés versus groupes intégrés, par exemple).

En second lieu, l’amendement vise à répondre à la complexité qui entoure les conditions de mise en œuvre de la sanction fixée à un plafond de 5 % du chiffre d’affaires France.

Il serait aussi difficile de quantifier les « avantages tirés du manquement » que les « sommes indument perçues », ne serait ce que parce qu’il existe plus de 9600 fournisseurs référencés dans les enseignes de distribution et que les services du ministre, pas plus que le juge, n’auront les moyens d’exercer un contrôle exhaustif. Ils seront donc amenés à établir des hypothèses, des extrapolations, elles mêmes prêtant le flanc à de multiples contestations.

Afin de remédier à cette situation sans dénaturer le sens ni l’esprit du texte adopté par la commission spéciale, l’amendement propose d’ajouter dans la grille d’analyse à la disposition des services du ministre et du juge, un critère plus ouvert, laissant davantage de latitude, celui de la gravité des faits.