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ART. 43N°133

ASSEMBLÉE NATIONALE
9 décembre 2015

PLF POUR 2016 - (N° 3308)

Commission
 
Gouvernement
 

Rejeté

AMENDEMENT N°133

présenté par

M. Martin-Lalande, M. Gibbes, M. Ollier, M. Mariton, M. Jégo, Mme Kosciusko-Morizet, M. Quentin, M. Maurice Leroy, M. Perrut, M. Gosselin, M. Jacquat, M. Reiss, M. Vitel, M. Ginesy, M. Morel-A-L'Huissier, M. Philippe Vigier, M. Siré, M. Berrios, M. Rochebloine, M. Degauchy, M. Couve, Mme Louwagie, M. Tuaiva, M. Gomes et M. Bouchet

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ARTICLE 43

I. – Après l’alinéa 48, insérer l’alinéa suivant :

« D ter. – Le 2° du III de l’article 244 quater C du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce taux est porté à 18 % à compter du 1er janvier 2016 pour les hôtels, résidences de tourisme et villages de vacances classés ainsi que les restaurants, les cafés et débits de boissons. ».

II. – Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« VIII. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

« IX. – Le D ter du I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû. ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Pourquoi présenter pour la 3ème fois un amendement pour un taux de CICE renforcé à 18% en faveur du tourisme dans les DOM ?

Parce que les précédents échanges dans le cadre du PLFI et du PLFR ont permis 3 avancées :

  • d'abord, l'émergence d'un consensus sur la nécessité d'aider le tourisme dans les DOM à ne pas disparaître face à la concurrence des voisins immédiats ;
  • ensuite, la confirmation de l'euro-compatibilité d'une aide à finalité régionale exemptée de l'obligation de notification à la Commission européenne (alinéa 32 du règlement 651 de la Commission daté du 17 juin 2014) ;
  • enfin, la hausse du taux de CICE à 18 % entraînera une dépense d’environ 30 millions € qui est largement couverte par des gains substantiels pour l’État : le 1er gain sera la fin des dettes sociales et fiscales qui doivent dépasser les 30 M€ pour l’ensemble des DOM ;le 2ème gain sera les recettes fiscales supplémentaires fournies par l’activité nouvelle ; et le 3ème gain sera une contribution, sans équivalent, à la lutte contre un chômage qui est le double de celui de la métropole.

Le Gouvernement avait opposé le 2 décembre à cet amendement l’argument suivant lequel :

“S’agissant d’un crédit d’impôt, il est difficile d’opérer une différence entre secteurs d’activité : cela pose un problème d’égalité devant l’impôt. C’est en tout cas l’analyse de mes services, notamment juridiques. Ce n’est pas la distinction entre outre-mer et métropole que je mets en cause, mais la différence d’imposition outre-mer entre entreprises, en fonction de leur secteur d’activité. Je comprends le fondement de cette distinction, mais je crains que d’un point de vue constitutionnel, il y ait là une rupture d’égalité devant l’impôt. Le CICE n’est pas modulable selon le secteur d’activité. C’est un peu comme si l’on décidait que la grande distribution y a droit, la Poste peut-être, les services aux entreprises non … Ce seul motif suffit à écarter ces amendements.”

Or, l’argument de l’inconstitutionnalité ne peut être invoqué.

Premièrement, les dérogations bénéfiques à certains secteurs identifiés comme spécifiques sont nombreuses, même dans l’hexagone (logement, automobiles…. ).

Deuxièmement, l’aide fiscale à l’investissement productif en Outre-mer fait d’ores et déjà l’objet d’un traitement différencié selon les secteurs, avec des taux de déductions fiscales plus élevés pour certains secteurs prioritaires (dont la rénovation hôtelière et les énergies renouvelables).

Troisièmement, le CICE est déjà modulable puisqu’un taux spécifique s’applique à l’Outre-mer : la mesure proposée n’est pas une nouvelle modulation destinée à s’appliquer à l’ensemble du territoire, mais une déclinaison du taux dérogatoire à l’Outre-mer, au regard de ses besoins spécifiques et en faveur d’un secteur reconnu comme prioritaire au sein de ces collectivités. Sur le principe, la loi peut procéder à un traitement différencié, à condition de justifier la légitimité de cette distinction.

Quatrièmement, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a été constante depuis 1981 en matière de dérogation au principe d’égalité. Voici le considérant de principe repris à de nombreuse reprise par le Conseil :  « Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ».

Pour récapituler :

  • chacun reconnaît l’urgente nécessité d’apporter un soutien à l’activité touristique dans les DOM face à la concurrence voisine ;
  • cette disposition est pleinement “euro-compatible” ;
  • la dépense fiscale supplémentaire est largement compensée par les 3 gains rappelés plus haut ;
  • ce dispositif est conforme à la Constitution ;

Il n’y a donc pas d’obstacle insurmontable à l’adoption de cette mesure si le Gouvernement et le Parlement veulent réellement apporter une première compensation à la concurrence voisine insoutenable que subissent les activités touristiques dans les DOM.

Ce qui est en jeu, c’est le maintien d’un des secteurs économiques les plus capables de croissance et d’emploi dans les Outre-mer.