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N° 252

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME III

CULTURE

PATRIMOINES

Par M. GÉrald DARMANIN,

Député.

___

Voir les numéros : 235, 251 (annexe n° 9).

INTRODUCTION 5

I.- UNE BAISSE SANS PRÉCÉDENT DU BUDGET EN FAVEUR DES PATRIMOINES 7

A. L’ACTION N° 1 : PATRIMOINE MONUMENTAL 9

B. L’ACTION N° 2 : ARCHITECTURE 13

C. L’ACTION N° 3 : PATRIMOINE DES MUSÉES DE FRANCE 13

D. L’ACTION N° 4 : PATRIMOINE ARCHIVISTIQUE ET CÉLÉBRATIONS NATIONALES 14

E. L’ACTION N° 7 : PATRIMOINE LINGUISTIQUE 15

F. L’ACTION N° 8 : ACQUISITION ET ENRICHISSEMENT DES COLLECTIONS PUBLIQUES 15

G. L’ACTION N° 9 : PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE 15

II.- LA GRATUITÉ D’ACCÈS ET LA DÉCONCENTRATION DES COLLECTIONS NATIONALES : DES INSTRUMENTS DE DÉMOCRATISATION DES PUBLICS ? 17

A. LES GRATUITÉS : UN BILAN QUI INCITE À LA PRUDENCE. 18

1. Panorama des gratuités 18

2. Les évaluations : des bilans partiels et des résultats nuancés. 20

a) Des réserves méthodologiques qui ne peuvent être totalement écartées 20

b) Les résultats disponibles. 21

3. Ni abandon, ni généralisation 25

B. CENTRE POMPIDOU-METZ, LOUVRE-LENS, CENTRE POMPIDOU MOBILE : ALLER AU DEVANT DES PUBLICS 29

1. Des expériences originales 29

a) Le Centre Pompidou-Metz. 30

b) Le Louvre Lens 32

c) Le Centre Pompidou mobile 33

2. Premiers éléments de bilan et défis à venir 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 39

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 39

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 57

INTRODUCTION

Le présent rapport a pour objet d’examiner, au sein de la mission « Culture », le programme 175 « Patrimoines », les deux autres programmes de la mission faisant l’objet d’un avis distinct confié à Mme Colette Langlade.

Le budget en faveur de la culture en général, et des patrimoines en particulier, est un budget sacrifié : le ministère voit ses crédits amputés de 2,3 % et le seul programme « patrimoines » accuse une baisse de près de 10 %.

Lors de son discours du mois de janvier dernier consacré à la culture, le Président de la République affirmait pourtant : « la culture doit être une priorité majeure, une ambition commune ; […] le budget de la culture sera entièrement sanctuarisé durant le prochain quinquennat. »

Il jugeait en effet que « le désengagement de l’État est une rupture brutale avec une tradition, une histoire, un héritage propre à notre pays et qui dépassait souvent les clivages politiques ».

Cette promesse non tenue tranche avec l’attention dont la culture a fait l’objet lors de la précédente mandature, le budget du ministère, toutes missions confondues, ayant crû de plus de 20 % entre 2007 et 2012.

Ces efforts avaient permis au monde de la culture de résister aux effets dévastateurs de la crise dont il est, partout en Europe, une victime collatérale. Alors que le musée d’art contemporain de Casoria, près de Naples, brulait ses œuvres pour protester contre les coupes budgétaires, en France les initiatives continuaient de foisonner : Centre Pompidou Mobile, Centre Pompidou Metz, Louvre Lens, Philharmonie de Paris…

Le gouvernement soutient aujourd’hui que les grands projets ne font pas une politique culturelle.

Mais l’abandon de la Maison de l’histoire de France, du centre national de conservation du patrimoine à Cergy, de la nouvelle salle de la Comédie française, de la « villa Médicis » à Clichy-Montfermeil, les coupes sombres dans les budgets des grands opérateurs du ministère, est-ce cela qui fait une politique culturelle ?

Le présent rapport s’attachera à décrire les effets de cette politique sur les crédits en faveur du patrimoine et, dans une seconde partie, consacrera des développements aux politiques de gratuité en faveur des publics des musées et monuments, ainsi qu’à l’expérimentation du Centre Pompidou mobile et aux « musées frères » du Louvre à Lens et du Centre Pompidou à Metz.

Les principales recommandations du rapport :

● mener des études permettant une meilleure connaissance des publics, de l’élasticité-prix de la demande et de l’existence ainsi que du niveau d’une éventuelle barrière tarifaire ;

● développer une communication mieux adaptée aux « non publics », notamment dans les réseaux de transport en commun ;

● maintenir la compensation versée aux établissements concernés par l’extension de la gratuité aux jeunes de 18 à 25 ans ;

● sensibiliser le public bénéficiant de la gratuité au coût de cette dernière pour souligner la valeur du patrimoine visité ;

● fixer des objectifs de démocratisation des publics plus précis et plus ambitieux, notamment dans les lettres de mission adressées par le ministère de la culture aux présidents des grands musées nationaux ainsi que dans les contrats pluriannuels conclus avec ces derniers ;

● subordonner l’octroi des aides à la création accordées par le ministère de la culture aux artistes à l’obligation pour ces derniers de participer à des actions de médiation culturelle.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, ce pourcentage était de 75,7 %.

I.- UNE BAISSE SANS PRÉCÉDENT DU BUDGET
EN FAVEUR DES PATRIMOINES

Évolution des crédits du programme 175 (hors fonds de concours et attribution de produits)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

AE LFI 2012

AE PLF 2013

Écart en  %

CP LFI 2012

CP PLF 2013

Écart en  %

Action 1 (patrimoine monumental)

342 711 477

339 584 255

–0.9

377 520 067

328 760 240

–12.9

Action 2 (architecture)

26 767 202

27 893 438

+4.2

27 763 202

27 993 438

+0.8

Action 3 (patrimoine des musées de France)

368 611 862

353 629 781

–4

378 479 738

375 625 488

–0.7

Action 4 (patrimoine archivistique et célébrations nationales)

37 330 348

21 048 662

–43

48 876 661

25 151 892

–48.5

Action 7 (patrimoine linguistique)

2 646 333

2 600 833

–1.7

2 646 333

2 600 833

–1.7

Action 8 (acquisition et enrichissement des collections publiques)

16 706 024

8 553 013

–48.8

16 706 024

8 553 013

–48.8

Action 9 (patrimoine archéologique)

10 076 266

7 184 000

–28.7

9 513 266

7 239 000

–23.9

Total programme 175

804 849 512

760 493 982

–5.5

861 505 291

775 923 904

–9.9

Source : Ministère de la culture et de la communication.

C’est une baisse spectaculaire des crédits que connaît cette année le programme « Patrimoines » : elle s’élève à près 10 % des crédits de paiements et 5,5 % des autorisations d’engagement.

Certains chiffres sont particulièrement alarmants : les crédits en faveur de l’action 4, « patrimoine archivistique et célébrations nationales », diminuent ainsi de plus de 48 %. Si la portée de ce chiffre doit être relativisée, en particulier au regard de l’achèvement du projet de Pierrefitte-sur-Seine, d’autres sont lourds de menace pour le patrimoine national : les crédits d’acquisition et d’enrichissement des collections publiques, inscrits à l’action 8, diminuent de moitié, les crédits en faveur du patrimoine archéologique (action 9) diminuent eux de plus de 20 %, cette baisse affectant tout particulièrement les centres d’études et de conservation, et les crédits en faveur de l’action 1 « patrimoine monumental, qui représentent près de 45 % de l’ensemble des crédits du programme, diminuent de près de 13 %.

Évolution des crédits du programme «patrimoines » par titre
(hors fonds de concours et attributions de produits)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI pour 2012

PLF 2013

Écart en  %

LFI pour 2012

PLF 2013

Écart en  %

Dépenses de fonctionnement (Titre 3)

414 416 725

355 307 105

–14.2

417 720 436

355 148 571

–14.9

Dépenses d’investissement (Titre 5)

182 565 532

127 709 508

–30

198 820 186

136 492 013

–31.3

Dépenses d’intervention (Titre 6)

207 867 255

202 217 270

–2.7

244 964 669

214 063 221

–12.6

Dépenses d’opérations financières
(Titre 7)

 

75 260 099

   

70 220 099

 

Total programme 175

804 849 512

760 493 982

–5.5

861 505 291

775 923 904

–9.9

Source : Ministère de la culture et de la communication.

Lorsque l’on s’intéresse plus précisément aux baisses par type de dépenses, on constate une diminution plus importante des dépenses d’investissement que des dépenses de fonctionnement.

À y regarder de plus de près et à périmètre constant, c’est-à-dire en réintégrant les dépenses d’opération financières aux dépenses de fonctionnement, les subventions d’investissement aux opérateurs du programme, auparavant versées sous forme de subvention pour charge de service public (titre 3), étant désormais versées sous forme de dotation en fonds propres (titre 7), on constate même que les dépenses de fonctionnement augmentent de 2,21 %.

Augmenter des dépenses de fonctionnement et opérer dans le même temps des coupes drastiques dans les dépenses d’investissement et d’intervention, voilà un choix difficilement défendable compte tenu de l’importance de l’investissement public pour le soutien à la croissance.

Notons en outre que la baisse des dépenses d’investissement et d’intervention atteint 14,4 % pour la seule action « patrimoine monumental », ce qui se traduira par un ralentissement des opérations d’entretien et de restauration des monuments historiques

C’est donc une lourde hypothèque que ce budget fait peser sur la conservation de notre patrimoine.

Quant aux effectifs rattachés au programme 175, il est tout simplement impossible de les identifier. En effet, on regrette le maintien de la pratique qui consiste à inscrire l’ensemble des dépenses de personnel du ministère sur le programme 224.

Non seulement ces dépenses ne sont pas ventilées par programme au sein de la mission, mais elles ne sont pas non plus réparties entre la mission médias et la mission culture, cette dernière supportant l’ensemble des crédits du titre II pour les deux missions. Sachant que la mission constitue l’unité de vote dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, on ne peut que s’étonner d’une pratique qui restreint à ce point l’exercice du droit d’amendement. Une telle présentation prive également les responsables de programme de toute marge de manœuvre dans la gestion des effectifs, même si cette marge de manœuvre est déjà fortement limitée par la loi organique relative aux lois de finances.

Au mieux apprend-on, à la lecture des réponses au questionnaire budgétaire, que les emplois relevant de la direction générale des patrimoines devraient s’élever à 5 665 ETP, ce qui n’épuise absolument pas la question des ETP du programme, puisque l’ensemble des emplois des secteurs patrimoniaux du ministère ne relève pas de cette seule direction. L’emploi dans les services déconcentrés (emplois des conservations régionales des monuments historiques, des services régionaux de l’archéologie des directions régionales des affaires culturelles – DRAC –, emplois des services territoriaux de l’architecture et du patrimoine – STAP –, unités opérationnelles des DRAC) est ainsi géré par une autre autorité d’emploi du ministère, à savoir le département de l’action territoriale.

A. L’ACTION N° 1 : PATRIMOINE MONUMENTAL

Elle est dotée de crédits destinés à assurer la conservation et la protection des patrimoines architectural, urbain, technique, scientifique et ethnologique, ainsi qu’au recensement, à l’étude et à la mise en valeur de ces patrimoines auprès du public. Le dossier de presse du ministère du budget affirme que « la politique d’investissement de l’État, en matière culturelle, sera rééquilibrée en faveur des régions, notamment au travers du maintien des capacités d’engagement en faveur des monuments historiques ».

Voilà une présentation flatteuse, qui ne résiste pas à l’épreuve des chiffres. En effet, si le taux de déconcentration des crédits en faveur du patrimoine monumental atteint bien 74 %, contre 69 % l’an passé, cette augmentation traduit moins un effort supplémentaire en faveur des territoires qu’une répartition de la pénurie qui leur est moins défavorable.

Synthèse des crédits PLF et des crédits exécutés sur le périmètre MH de 2007 à 2011

(en millions d’euros)

 

PLF 2008

PLF 2009

PLF 2010

PLF 2011

PLF 2012

PLF 2013

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

MH « hors grands projets »

300,36

251,49

210,46

243,36

290,61

341,69

297,97

336,13

289,66

329,21

302,64

296,98

Crédits d’entretien

32,05

32,05

31,04

31,04

56,17

56,17

55,77

55,77

55,57

55,57

55,25

55,25

dont MH État

18,79

18,79

18,33

18,33

34,46

34,46

34,06

34,06

33,86

33,86

33,54

33,54

dont MH non État

13,26

13,26

12,71

12,71

21,71

21,71

21,71

21,71

21,71

21,71

21,71

21,71

Dotation monuments historiques versés aux opérateurs

4,75

4,75

4,75

4,75

7,26

7,26

8,06

8,06

7,26

7,26

7,26

7,26

Crédits de restauration

263,56

214,69

174,67

207,57

227,19

278,27

234,15

272,31

226,84

266,39

240,14

234,47

dont MH État (y compris subv. investissement CMN)

110,10

104,82

83,87

80,66

119,09

127,80

117,09

121,46

111,93

115,57

112,78

100,22

dont MH non État

153,46

109,87

90,80

126,91

108,10

150,47

117,06

150,85

114,91

150,82

127,36

134,25

MH « grands projets »

24,40

36,48

24,69

39,72

71,18

39,72

62,41

28,27

37,75

33,01

20,00

12,30

Grand Palais

1,40

5,00

3,53

Cité de l’architecture et du patrimoine

3,98

4,30

Versailles

16,00

24,00

16,00

24,00

20,00

25,00

19,00

18,00

19,00

18,00

20,00

12,00

Quadrilatère Richelieu (action 01)

7,00

3,50

1,70

3,50

4,00

2,00

27,72

3,20

4,40

Quadrilatère Richelieu (action 05)

40,40

5,00

Fort Saint Jean

6,99

4,39

6,78

7,72

11,59

5,17

4,96

Théâtre national de l’Odéon

Picasso

4,10

1,90

1,90

0,30

Maison de l’Histoire de France

               

18,75

3,75

Total monuments historiques

324,76

287,97

235,15

283,08

361,79

381,41

360,38

364,40

327,41

362,22

322,64

309,28

Crédits non budgétaires :

                       

Ressources extrabudgétaires CMN

20,00

20,00

10,00

10,00

8,00

8,00

8,00

8,00

Plan de relance de l’économie (déc. 2008)

73,20

56,55

 

14,26

           

Prévision de fonds de concours (FDC propriétaires majoritairement)

9,80

15,85

                   

Taux de déconcentration des crédits

65 %

61 %

65 %

68 %

64 %

66 %

59 %

69 %

69 %

70 %

69 %

74 %

Source : Ministère de la culture et de la communication

Si les crédits d’entretien se maintiennent peu ou prou au même niveau que l’an passé, en revanche les crédits de restauration diminuent de près de 12 % en crédits de paiement, à raison de –13,2 % pour les monuments historiques appartenant à l’État et de –10,9 % pour les monuments historiques n’appartenant pas à l’État (1). Cette baisse considérable est susceptible d’entrainer des conséquences graves, voire irréversibles, sur notre patrimoine : reporter une opération de restauration, c’est courir le risque d’une aggravation de l’état sanitaire du monument et d’un alourdissement à terme du coût des travaux nécessaires à sa conservation, quand celle-ci n’est pas définitivement compromise par de tels retards.

En ce qui concerne les monuments historiques « hors grands projets », les dépenses de fonctionnement diminuent de 0,5 million d’euros : les chiffres démentent là encore les allégations du ministère relatives au rééquilibrage en faveur des régions, puisque si les crédits déconcentrés passent de 27,1 millions d’euros dans le PLF 2012 à 26,1 millions d’euros dans le PLF 2013, les crédits centraux sont en augmentation de 6,8 à 7,4 millions d’euros. Il est vrai que ces crédits financent l’entretien des monuments nationaux confiés au Centre des monuments nationaux (CMN) et répartis sur l’ensemble du territoire.

Les subventions pour charges de service public s’élèvent à 0,7 million d’euros, qui viennent s’ajouter aux dépenses d’opérations financières d’un montant de 6,56 millions d’euros, soit un total de 7,26 millions d’euros : ce montant est identique à celui des subventions pour charge de service public des opérateurs hors CMN inscrites au PLF pour 2012.

En revanche, les crédits de restauration des monuments nationaux versés au Centre passent de 15 à 13 millions d’euros de crédits de paiement.

Les dépenses d’investissement, destinées à financer les opérations de restauration des monuments historiques appartenant à l’État, hors CMN, connaissent également une diminution de 14,9 % par rapport au PLF pour 2012 pour les crédits centraux, qui s’établissent à 39 millions d’euros, et de 17,8 % pour les crédits déconcentrés, qui atteignent 48 millions d’euros.

Les dépenses d’intervention, qui financent la restauration des monuments historiques n’appartenant pas à l’État, passent de 172 millions d’euros de crédits de paiement dans le PLF pour 2012, à 155 millions d’euros dans le PLF 2013. Cette baisse de près de 10 % consacre l’abandon par l’État des petites communes et des propriétaires privés dans l’exercice de leur responsabilité de conservateur de leur patrimoine et de maître d’ouvrage des travaux de restauration, travaux qui peuvent être subventionnés par l’État jusqu’à 50 % pour les monuments classés. On ne peut que redouter les effets dramatiques de ce désengagement sur la richesse patrimoniale de nos territoires.

Par ailleurs, en ce qui concerne les crédits en faveur des « grands projets », ceux-ci connaissent une forte diminution, liée à l’abandon du projet de Maison de l’histoire de France.

Le rapporteur n’entend pas ici relancer le débat sur l’opportunité scientifique du projet. Il remarque seulement que les 15 millions d’euros inscrits à ce titre au PLF pour 2012 n’ont pas fait l’objet d’un redéploiement, par exemple en faveur de la restauration des monuments historiques, dont les crédits sont en baisse.

Il note également que sur ces 15 millions d’euros, 3,75 étaient programmés pour la réalisation des études et le lancement des travaux d’implantation du projet et le solde, soit 11,25 millions d’euros, devait être consacré à des travaux de clos et couvert des établissements qui devaient y participer : Musée du Moyen Âge - Thermes et Hôtel de Cluny, Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, Musée national de la Renaissance à Écouen, Musée des châteaux Malmaison, Île d’Aix et Maison Bonaparte à Ajaccio, Musée de la Préhistoire aux Eyzies-de-Tayac, Musée du château de Pau, Musée du château de Compiègne, musée et domaine de Fontainebleau, musée des plans-reliefs aux Invalides. Ces travaux de clos et couverts semblent donc reportés sine die.

Le rapporteur rappelle en outre que des travaux de rénovation du Quadrilatère Richelieu sont en cours, pour un montant total de 212,8 millions d’euros. La participation du ministère de la culture et de la communication, qui s’élève à 171,5 millions d’euros au total, est financée sur le programme 334 « livre et industries culturelles » de la mission Médias à hauteur de 137,6 millions d’euros, et sur le programme « patrimoines » à hauteur de 33,8 millions d’euros. Alors que 4,4 millions d’euros étaient inscrits au budget du présent programme l’an passé, aucun financement n’est inscrit à ce titre au budget pour 2013, alors que d’après l’échéancier présenté dans le projet annuel de performances de la mission Culture de l’an passé, 22,65 millions d’euros restent à régler.

Enfin, le Château et domaine national de Versailles voit sa subvention d’investissement baisser de 6 millions d’euros, passant de 18 à 12 millions d’euros. Comme l’indique de manière euphémistique le projet annuel de performances, voilà qui « nécessite un effort accru dans la gestion de l’établissement et une redéfinition des choix de programmation du schéma directeur de Versailles ».

S’agissant des autres dépenses en faveur du patrimoine monumental, on notera une légère augmentation de la subvention pour charges de service public en faveur du CMN et du Château et domaine de Chambord, qui atteint 10,8 millions d’euros, dont 6,3 au titre de la compensation de la gratuité accordée aux jeunes de 18 à 25 ans.

B. L’ACTION N° 2 : ARCHITECTURE

Il s’agit de la seule action qui voit ses crédits légèrement augmenter en crédits de paiement et plus sensiblement en autorisations d’engagement (hausse de 4,2 %). Il est vrai qu’elle ne représente que 3,7 % du total des crédits du programme.

Cette hausse bénéficie principalement au réseau « Ville ou Pays d’art et d’histoire » et aux réseaux de promotion de l’architecture (Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement), ainsi qu’à Cité de l’architecture et du patrimoine, afin de réaliser des travaux d’urgence sur les plafonds et des travaux en faveur de l’accessibilité des personnes en situation de handicap.

C. L’ACTION N° 3 : PATRIMOINE DES MUSÉES DE FRANCE

La baisse des crédits en faveur de cette action atteint 4 % en autorisations d’engagement et 0,7 % en crédits de paiement. Les crédits ainsi ouverts permettent d’assurer l’ouverture du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) : 8 millions d’euros étaient inscrits l’an passé afin de financer l’association de préfiguration du musée, et cette année est prévue une subvention pour charge de service public de 17,68 millions d’euros.

Les dépenses de fonctionnement courant sont en très légère augmentation par rapport au projet de loi de finances pour 2012 et passent de 14,1 millions d’euros à 14,49 millions d’euros. Ces dépenses financent principalement les services à compétence nationale, qu’il s’agisse de musées (musée du Moyen-Âge, musée de la Renaissance à Écouen, musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye) ou d’autres services comme le centre de recherche et de restauration des musées de France.

Les subventions pour charge de service public atteignent 264,57 millions d’euros ; si l’on ajoute les 14,47 millions d’euros de dotations en fonds propres destinées à financer les investissements courants des établissements concernés, et qui figuraient l’an passé au sein de la subvention pour charge de service public, on constate une baisse d’environ 5 millions d’euros. Sachant que ce montant correspond au financement prévu l’an passé pour la Maison de l’histoire de France, d’une part, et d’autre part que 17,68 millions d’euros viennent s’ajouter en prévision de l’ouverture au public du MUCEM, on mesure l’effort demandé aux autres opérateurs, de l’ordre de 0,5 à 2,5 % (2).

À ces baisses, qui se poursuivront au même rythme sur trois ans, s’ajoutent des « baisses complémentaires non pérennes », selon les termes du ministère : ces baisses atteignent 2,88 millions d’euros pour l’établissement public du musée du Quai Branly, 0,3 million pour l’Institut national d’histoire de l’art, 1,68 million pour le musée d’Orsay, et 13,7 millions pour le musée du Louvre.

Compte tenu du rythme de ces baisses de crédits, qui se maintiendront jusqu’en 2015, c’est un horizon bien sombre qui se dessine pour les grandes institutions muséales, d’autant que les crédits d’acquisition connaissent eux aussi, nous allons y revenir, une baisse drastique.

Les dépenses d’investissement sont elles aussi en baisse, notamment du fait de l’achèvement du MUCEM, c’est-à-dire de la construction d’un nouveau bâtiment dans l’ancien port et de la réhabilitation du fort Saint-Jean.

Enfin, s’agissant des dépenses d’intervention, elles passent de 35,85 millions d’euros inscrits au PLF pour 2012 à 27,28 millions d’euros en 2013. Cette diminution s’explique par la suppression de la subvention de 8 millions d’euros à l’association de préfiguration du MUCEM.

D. L’ACTION N° 4 : PATRIMOINE ARCHIVISTIQUE ET CÉLÉBRATIONS NATIONALES

Les crédits passent de 45,8 millions d’euros inscrits au PLF pour 2012 à 25,1 millions dans le présent projet de budget.

Les dépenses de fonctionnement courant sont constituées des dépenses relatives au fonctionnement des services d’archives nationales et s’élèvent à 9,7 millions d’euros, en légère hausse par rapport à l’an passé.

Les subventions pour charges de service public, stabilisées à hauteur de 170 000 euros, concernent la Cité de l’architecture et du patrimoine et ont pour objet la prise en charge du traitement des archives d’architectes qui y sont déposées.

Les crédits de paiement d’investissement en faveur des travaux sur le site de Pierrefitte-sur-Seine, qui doit accueillir une partie des archives nationales, passent de 26,86 millions inscrits au PLF pour 2012 à 4,95 millions d’euros pour 2013. Le bâtiment a en effet été livré en mai 2012, mais des dépenses demeurent à honorer, notamment celles liées à la dématérialisation des instruments de recherche, à la conception et à la réalisation du système d’information archivistique ainsi qu’à un programme de numérisation.

Les dépenses d’intervention sont en légère baisse, cette baisse touchant les crédits d’investissement destinés aux services d’archives départementales et communales. Le budget qui leur est consacré passe de 6,63 millions d’euros à 6,35 millions d’euros.

E. L’ACTION N° 7 : PATRIMOINE LINGUISTIQUE

Destinés à financer les interventions de la délégation générale à la langue française et aux langues de France en faveur du multilinguisme, de la maîtrise de la langue française, de son enrichissement et de sa diffusion, les crédits inscrits à cette action connaissent une très légère baisse, passant de 2,64 à 2,6 millions d’euros.

F. L’ACTION N° 8 : ACQUISITION ET ENRICHISSEMENT DES COLLECTIONS PUBLIQUES

Cette action accuse une baisse de près de moitié de son financement : certes les montants en jeu ne sont pas considérables, 8,55 millions d’euros en 2013, en particulier au regard des sommes susceptibles d’être mobilisées pour l’acquisition d’œuvres comme par exemple le Portrait du comte Mathieu-Louis Molé par Ingres, acquis par le musée du Louvre en 2009.

Comme le rappelle le projet annuel de performances, « dans le cadre de sa politique d’acquisition, le ministère encourage le développement du mécénat pour l’acquisition d’œuvres dans les musées et les monuments nationaux (trésors nationaux et œuvres présentant un intérêt majeur pour le patrimoine) ».

Les financements par subvention publique demeurent de fait marginaux par rapport aux versements effectués par les mécènes, particuliers ou grandes entreprises, qui bénéficient, dans le cadre des dispositifs fiscaux en faveur du mécénat, de réductions d’impôt respectivement de 60 et 66 %, voire de 90 % pour les entreprises contribuant à l’acquisition de trésors nationaux.

Quand on se souvient que ce n’est que de peu que ces dispositifs fiscaux ont échappé aux fourches caudines du ministère du budget, qui souhaitait diminuer de moitié la réduction d’impôt bénéficiant aux entreprises, on mesure l’incohérence et les errements de la politique gouvernementale dans le domaine de la culture.

G. L’ACTION N° 9 : PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE

L’action n° 9 connaît elle aussi une importante baisse de crédits, qui passent de 9,5 à 7,2 millions d’euros. Elle affecte principalement les centres d’études et de conservation pour les objets archéologiques (3).

Comme l’indiquent les réponses au questionnaire budgétaire, « la conservation du mobilier issu des fouilles doit faire l’objet d’une réponse adaptée à son caractère atypique : la documentation de fouille représente ainsi une partie intégrante des archives, et est indissociable du mobilier archéologique. Privé de sa documentation, le mobilier archéologique perd toute sa valeur. Dispersée, une collection archéologique perd de son sens. La question de l’unité de propriété de ce mobilier – et de son caractère public - méritera donc d’être posée au cours de la législature. […] La réponse retenue se présente sous la forme de centre de conservation et d’études (CCE). Les CCE se définissent comme des unités de traitement et de gestion destinées à répondre aux besoins des archéologues et des musées en organisant une mutualisation des moyens et des compétences, en termes de conservation préventive, d’accessibilité, de valorisation scientifique des collections et du produit des fouilles, ainsi que de médiatisation auprès du grand public. L’effort budgétaire conséquent nécessaire pour atteindre cet objectif s’étalera dans le temps et sera fonction de la contrainte imposée par l’objectif d’un retour à l’équilibre budgétaire en 2017 ». On mesure l’ironie d’une telle affirmation à l’aune de l’évolution des crédits de l’action n° 9.

II.- LA GRATUITÉ D’ACCÈS ET LA DÉCONCENTRATION DES COLLECTIONS NATIONALES : DES INSTRUMENTS DE DÉMOCRATISATION DES PUBLICS ?

Lors de sa création en 1959, le premier ministère de la culture se voyait assigner comme mission « de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent ».

Or, si 75 % des Français rejetaient en 2006 l’idée que les musées sont réservés à une élite (4), ils étaient pourtant 67 % à n’avoir fréquenté aucun musée au cours des douze mois précédents, et 29 % à affirmer que cela ne les intéressait pas.

Il est vrai que ces chiffres doivent être nuancés : dans un rapport de juin 2012 (5), le Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) indique que 57 % des Français ont, au cours des douze derniers mois, visité un monument (monument religieux, château, fortifications, palais, ville ou pays d’art et d’histoire, bâtiment d’architecture contemporaine, grotte préhistorique, site archéologique, maison d’homme ou de femme illustre, site industriel, champ de bataille, mémorial).

Ils ne sont que 36 % à avoir visité un musée ou une exposition, la visite des musées des beaux-arts s’avérant particulièrement clivante socialement : seuls 12 % des personnes non titulaires du Bac avaient visité une exposition de ce type en 2011, contre 54 % des personnes disposant d’un diplôme équivalent ou supérieur à une licence.

En outre, on constate une persistance des inégalités d’accès à la culture :

Pourcentage de Français de 15 ans et plus ayant visité un musée
au cours des douze derniers mois (répartition par profession)

 

1989

1997

2008

Agriculteurs

22

20

17

Artisans, commerçants, chefs d’entreprise

32

33

30

Cadres et professions intellectuelles supérieures

61

65

59

Professions intermédiaires

43

43

38

Employés

31

34

22

Ouvriers

23

22,5

15

Retraités, inactifs

21

Entre 25 et 30

29

Source : Les musées nationaux après une décennie de transformations, Rapport public thématique, Cour des comptes, mars 2011.

La démocratisation des publics, c’est-à-dire l’accroissement de la fréquentation des lieux d’exposition et de patrimoine et la diversification des publics, constitue donc encore un projet inachevé. De nombreux instruments de la politique culturelle participent de cet objectif. Le rapporteur a choisi de s’intéresser en particulier aux politiques de gratuité et aux récentes entreprises de déconcentration des collections nationales à travers l’ouverture d’antennes en région du musée du Louvre et du Centre Pompidou, ainsi qu’à travers l’expérimentation du Centre Pompidou Mobile.

Permettre le « choc culturel » qu’André Malraux appelait de ses vœux, doit être le but de toute politique de démocratisation.

A. LES GRATUITÉS : UN BILAN QUI INCITE À LA PRUDENCE.

Si André Malraux pouvait affirmer, lors d’une intervention devant notre Assemblée en 1967, que « la culture sera gratuite », ce ne fut pas toujours le cas, et la gratuité d’accès aux musées et monuments fait l’objet de débats aussi récurrents que passionnés.

Elle s’est de nouveau posée avec une particulière acuité depuis 2008, année d’expérimentation d’une gratuité générale dans quatorze musées. C’est la lettre de mission adressée par l’ancien Président de la République à la ministre de la culture et de la communication le 1er août 2007 qui en est à l’origine : « La gratuité des musées nationaux fait partie des engagements du projet présidentiel. Si elle est possible et réussie ailleurs, on ne voit pas pourquoi elle ne le serait pas en France. Celle-ci faisant toutefois l’objet de débats au sein du monde de la culture, vous conduirez d’abord une expérimentation de la gratuité avec un échantillon d’établissements, sans perte de recettes pour les musées concernés. Son objet sera d’en mesurer toutes les conséquences et de déterminer les conditions de réussite de sa généralisation. »

Au terme de cette expérimentation, la gratuité d’accès aux collections permanentes des musées et monuments nationaux a été accordée aux jeunes de 18 à 25 ans ressortissants de l’Union européenne ou résidents réguliers sur le territoire, ainsi qu’aux enseignants.

Conçues comme des instruments d’élargissement et de diversification des publics, les politiques de gratuité ont-elles tenu leurs promesses ?

1. Panorama des gratuités

Dans l’ensemble du réseau des musées de France, le nombre d’entrées gratuites s’établit à 23,8 millions, soit un peu plus de 42 % de la fréquentation totale. Les visites gratuites s’élèvent à un peu plus de 3 millions dans les monuments nationaux, soit 32,9 % de la fréquentation.

Musées de France, musées nationaux, monuments nationaux

L’appellation « Musée de France » a été instaurée par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France. Cette appellation peut être accordée aux musées appartenant à l’État, à une autre personne morale de droit public ou à une personne de droit privé à but non lucratif.

L’appellation « Musée de France » porte à la fois sur les collections et les institutions qui les mettent en valeur : les collections permanentes des musées de France sont inaliénables et doivent être inscrites sur un inventaire réglementaire. Elle rend les musées qui en bénéficient éligibles aux soutiens de l’État, scientifiques, techniques et financiers.

1 218 musées ont reçu l’appellation « Musée de France », dont 82 % relèvent des collectivités territoriales ou de leur groupement, 13 % de « personnes morales de droit privé (associations ou fondations) » et 5 % de l’État.

Parmi les institutions disposant du label « Musées de France », 37 musées nationaux occupent une place éminente : on compte en effet parmi eux les plus grands musées français, que ce soit par la richesse de leurs collections ou leur fréquentation : le musée du Louvre, bien sûr, qui est le musée le plus visité au monde, mais aussi le château de Versailles, le musée national d’art moderne abrité par le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, le musée d’Orsay ou encore celui du quai Branly. Avec 28 millions de visites enregistrées en 2009, les musées nationaux représentent ainsi la moitié de la fréquentation des musées de France.

Les monuments nationaux sont les monuments historiques remis en dotation au Centre des monuments nationaux, ainsi que ceux qui font partie de son patrimoine propre. On en compte environ une centaine.

Plutôt que de gratuité au singulier, il est plus exact de parler de gratuités au pluriel. En effet, elles présentent une grande diversité.

La mesure la plus récente concerne, on l’a vu, les jeunes de 18 à 25 ans résidant l’Union européenne, ainsi que les enseignants. Elle s’applique depuis avril 2009 dans les monuments nationaux ainsi que dans les musées nationaux, mais, dans ces derniers, elle ne concerne que les collections permanentes. Certains musées ont pris l’initiative d’étendre cette mesure aux expositions temporaires, comme le musée d’Orsay ou le musée du Quai Branly. Les jeunes de moins de 18 ans sont également admis gratuitement dans les collections des musées nationaux et, dans certains cas, dans les expositions temporaires, comme au Centre Pompidou.

S’agissant des musées de France, certains pratiquent une politique de gratuité générale : ainsi l’accès aux collections permanentes des musées de la Ville de Paris est-il totalement gratuit. Les expositions temporaires sont gratuites pour les jeunes de moins de 14 ans, payantes au-delà : les jeunes jusqu’à 26 ans bénéficient d’un billet à demi-tarif.

Les publics dits du « champ social » sont également exonérés du droit d’entrée : personnes handicapées, bénéficiaires de minima sociaux, demandeurs d’emploi. Selon les cas, cette exonération porte sur les seules collections permanentes, comme au musée du Quai Branly, où les expositions temporaires des mezzanines sont payantes, ou bien s’étend aux expositions, comme au Centre Pompidou. Dans les expositions temporaires de la Ville de Paris, ces publics bénéficient généralement d’un tarif réduit.

En outre, les professionnels ou futurs professionnels du monde de l’art ou de la culture bénéficient de la gratuité.

À ces gratuités permanentes, générales ou ciblées, s’ajoutent des gratuités spécifiques à certains jours ou certains horaires.

En 1996, une expérimentation est ainsi lancée pour deux ans au musée du Louvre, qui consiste à rendre gratuit l’accès aux collections permanentes le premier dimanche de chaque mois. Il s’agissait de revenir à une pratique presque bicentenaire, à laquelle il avait été mis en fin en 1990. L’expérimentation est pérennisée en 1998, puis étendue en 2000 à 23 musées en Île-de-France et onze musées en région.

Par ailleurs, en parallèle de l’expérimentation de gratuité générale lancée en 2008, une expérience de gratuité ciblée à destination des jeunes de 18 à 25 ans a été mise en place sous forme de nocturne hebdomadaire, à tour de rôle au musée du Louvre, au musée du Quai Branly, au Centre Pompidou et au musée d’Orsay. À la suite de cette démarche, le musée du Louvre ouvre ses portes gratuitement le vendredi à partir de 18 heures à tous les jeunes de moins de 26 ans.

2. Les évaluations : des bilans partiels et des résultats nuancés.

Les évaluations de l’effet de la gratuité dans les musées et monuments sont peu nombreuses et ne permettent pas de dégager de résultat univoque. Ce n’est guère surprenant compte tenu du fait qu’on ne saurait parler de gratuité au singulier, mais de gratuités, au pluriel, tant la variété des plages, des publics, des institutions concernées est grande.

a) Des réserves méthodologiques qui ne peuvent être totalement écartées

En outre, certaines réserves méthodologiques, soulevées notamment par Mme Françoise Benhamou, économiste de la culture, lors de son audition, ne peuvent totalement être écartées à la lecture des résultats des différentes enquêtes dont le rapporteur a eu connaissance.

Mme Benhamou soulève tout d’abord la difficulté qu’il y aurait à procéder à un comptage rigoureux des visiteurs et à une identification de leur profil, notamment lors des jours ou des nocturnes gratuites. Il semble que cette objection puisse être écartée, d’une part car, comme l’a indiqué le musée du Quai Branly lors de son audition, les règles de sécurité et de lutte contre l’incendie fixent des limites au nombre de visiteurs présents dans les locaux, ce qui a pour corollaire l’exigence de procéder à un comptage sérieux. En outre, certaines études comme celle consacrée à l’évaluation des résultats de la gratuité le premier dimanche du mois au musée du Louvre (6) précisent bien qu’un comptage précis de tous les visiteurs a bien été effectué.

La deuxième objection concerne la difficulté à neutraliser d’autres paramètres susceptibles d’intervenir dans les résultats et compliquant l’interprétation du rôle de la seule politique tarifaire. L’étude consacrée par le Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture (DEPS) à l’évaluation de l’expérimentation lancée en 2008 (7) concède qu’en effet, « on ne peut écarter l’incidence sur l’expérimentation d’une campagne de communication plus ou moins discrète selon les établissements ».

Un dernier biais méthodologique, susceptible de minorer la portée des comparaisons entre jour gratuit et jour payant, tient à l’existence possible d’un effet de transfert des visites entre jours payants et jours gratuits : l’étude consacrée au dimanche gratuit au musée du Louvre précise que « chez les provinciaux comme chez les étrangers, on constate, si l’on déduit de la fréquentation du dimanche gratuit les visiteurs attirés par la gratuité (incitation ou transfert), que les publics restants ne totalisent pas l’effectif normal d’un dimanche payant. Cette différence, de – 12 %, donne à penser que l’affluence impressionnante du dimanche gratuit a un effet de contre-transfert vers les jours qui l’entourent – ou d’éviction du Louvre vers d’autres musées. […] Ces hypothèses seront à vérifier au moyen de questions nouvelles, lors d’une prochaine enquête. »

b) Les résultats disponibles.

Plusieurs études ont été menées afin de tenter d’évaluer l’effet de la gratuité sur l’élargissement et la diversification des publics.

 La gratuité le premier dimanche du mois au musée du Louvre

L’étude précitée conduite par le service culturel du musée met en évidence des résultats positifs en termes de fréquentation, ces effets s’avérant à la fois massifs et durables : on constate ainsi un nombre de visiteurs les dimanches gratuits 70 % plus élevé que les dimanches payants en 1996, et 60 % cinq ans après.

L’ancrage national du musée est également considérablement amplifié : le dimanche gratuit, le nombre des Franciliens est multiplié par 3,1, celui des provinciaux par 1,4 ; au total, les Français sont 2,3 fois plus nombreux le dimanche gratuit, tandis que le nombre des visiteurs étrangers est seulement multiplié par 1,2. La structure du public s’en trouve profondément modifiée : le dimanche gratuit est le seul jour du mois où le public national est majoritaire au Louvre : il représente 54 % des visiteurs au lieu de 37,5 % les dimanches payants et de 28 % les autres jours.

S’agissant de la composition du public, on note tout d’abord que parmi les visiteurs français informés, 50 % des employés/ouvriers, 50 % des artistes et artisans d’art, 46 % des cadres supérieurs, 44 % des professions intermédiaires ne seraient pas venus sans la gratuité, contre 44 % en moyenne.

La gratuité attire particulièrement les catégories ciblées par la mesure : si les cadres supérieurs sont 2,67 fois plus nombreux un dimanche gratuit qu’un dimanche payant, les employés et ouvriers sont quant à eux 3,14 fois plus nombreux. Les primo visiteurs cadres supérieurs sont 1,85 fois plus nombreux, les primo visiteurs employés et ouvriers 2 fois plus nombreux.

Les familles plébiscitent également le dimanche gratuit : le nombre de familles venues de province est ainsi multiplié par deux et 44 % des familles ne seraient pas venues si l’entrée avait été payante.

 L’expérimentation de la nocturne gratuite

En parallèle de l’expérience d’une gratuité générale dans 14 musées, mise en place en 2008, une gratuité ciblée en faveur des jeunes de 18 à 25 ans a été pratiquée, à compter du 1er janvier 2008 et pour une durée de six mois, au Centre national d’art et de culture Georges Pompidou et dans les musées du Louvre, d’Orsay et du Quai Branly, en nocturne une fois par semaine et à tour de rôle.

Une étude du CREDOC (8) a évalué cette expérimentation et conclut au fait que « la gratuité n’attire pas, à elle seule, les " non-initiés". »

Elle précise que « les jeunes faiblement diplômés ont beaucoup moins profité de la mesure que les plus diplômés. Il est manifeste que la mesure de gratuité ne parvient pas, à elle seule, à compenser le déficit de démocratisation dans l’accès à la culture. Les nocturnes gratuites n’ont fait venir que 6 % de jeunes employés ou ouvriers et 5 % de jeunes n’étant pas allés dans un musée au cours de douze derniers mois. ».

Pour autant, l’étude souligne que « pour la fraction de jeunes qui, sans être rétifs au musée, n’ont pas une pratique régulière, le prix apparaît comme un obstacle majeur. » Le prix de 10 euros leur paraît exorbitant, le prix jugé légitime avoisinant les 5 euros, au même niveau que celui que les jeunes jugent souhaitable pour une place de cinéma.

La gratuité est alors ressentie comme « une occasion à ne pas manquer » : 25 % des jeunes franciliens et 40 % des jeunes des régions venaient pour la première fois.

En outre, l’étude souligne que « le musée ne fait pas partie de l’éventail des sorties auxquelles pensent les jeunes […] La nocturne gratuite a pour effet de faire bouger ces représentations ».

Enfin, l’étude regrette « un déficit d’information préjudiciable aux "non-initiés" » : « si la gratuité ciblée joue comme un coup de pouce auprès d’une fraction de jeunes peu familiers des musées, c’est essentiellement par effet d’essaimage à partir des jeunes initiés ou volontaristes. […] Les jeunes les plus éloignés de l’univers des musées et de leur fréquentation dénoncent le déficit d’information sur la mesure ».

 L’expérimentation d’une gratuité générale dans quatorze musées

L’étude la plus fournie et la plus documentée a été réalisée par le Département des études, de la prospective et des statistiques du Ministère de la culture (9) à la suite de l’expérimentation engagée le 1er janvier 2008, pour une durée de six mois : limitée aux collections permanentes, elle a pris la forme d’une gratuité permanente et générale dans 14 musées de taille moyenne ou modeste : château d’Oiron dans les Deux-Sèvres, Musée Magnin de Dijon, Musée national Adrien-Dubouché à Limoges, Musée national de la marine à Toulon, Palais Jacques-Cœur à Bourges, Palais du Tau à Reims, Musée national de la Renaissance à Écouen, château de Pau, Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, Château de Pierrefonds, Musée national des techniques-Conservatoire des Arts et Métiers de Paris, Musée national des arts asiatiques Guimet, Musée national de l’Air et de l’Espace du Bourget, Musée national du Moyen Âge.

Il convient d’abord de relever une curieuse contradiction entre l’avant-propos qui accompagne cette étude et la synthèse des résultats présentée à la fin : l’avant-propos estime ainsi que « les résultats manifestent que la gratuité peut être un levier de fréquentation, pour certains publics " moins visiteurs " des musées et monuments, permettant des mesures de gratuité ciblée ».

À l’inverse, la synthèse finale se révèle beaucoup moins enthousiaste : « malgré un frémissement de la fréquentation des groupes sociaux populaires, les groupes sociaux de catégorie moyenne et supérieure restent très majoritaires ».

Dans le détail, l’étude évalue plusieurs paramètres.

Elle souligne tout d’abord une augmentation de 50 % de la fréquentation en moyenne sur la période, plus importante dans les établissements habituellement les moins fréquentés, de l’ordre de 90 à 140 %.

La hausse est particulièrement forte en début d’expérimentation, atteignant 73 %, et s’élève à 49 % au bout de six mois.

Le degré de mobilisation des visiteurs par la gratuité (c’est-à-dire lorsque celle-ci a été spontanément relevée par les visiteurs parmi les motifs de leur visite ou lorsque ceux-ci ont répondu par l’affirmative quand on leur posait la question) est de 47 %. 17 % disent ne pas être motivés par la gratuité, et 36 % déclarent ne pas être informés. Dans 8 établissements sur 14, le niveau de mobilisation est plus élevé au premier trimestre de l’expérimentation.

S’agissant de l’impact social et culturel de la mesure, l’étude repose sur un indicateur composite, le groupe social, construit à partir de données relatives notamment à la situation professionnelle, au niveau de certification, au niveau de revenu du foyer. 38 % des visiteurs appartiennent à la classe moyenne, 32 % à la classe populaire, 21 % à la classe supérieure et 9 % sont étudiants.

Un autre indicateur sert à mesurer le capital de familiarité avec les musées et monuments, et diffère de celui habituellement employé, c’est-à-dire la visite d’un musée dans les douze mois précédant l’enquête. 7 % des visiteurs ont un capital de familiarité très fort, 24 % fort, 48 % moyen et 21 % faible.

Les visiteurs dont les pratiques culturelles sont les moins fréquentes se rencontrent surtout dans les établissements en région, tandis que c’est dans les trois musées parisiens que les visiteurs les plus familiers de ces pratiques sont proportionnellement les plus nombreux.

Les taux de mobilisation par la gratuité par groupe social mettent en évidence une surmobilisation des étudiants (53 %) et des milieux populaires (51 %). Ce sont les visiteurs dont le capital de familiarité avec la culture est le plus faible qui sont les plus mobilisés par la gratuité.

En ce qui concerne le renouvellement des visiteurs, 31 % sont des visiteurs de proximité, 33 % des visiteurs semi-locaux (demeurant dans l’un des départements qui forment la couronne des départements limitrophes), 27 % des touristes (visiteurs d’une autre région), et 9 % des semi-touristes (département de la deuxième couronne). 56 % des visiteurs de proximité sont mobilisés par la gratuité.

Un visiteur sur six n’avait jamais entendu parler du musée avant l’annonce de la gratuité et 6 visiteurs sur 10 s’y rendent pour la première fois. La mobilisation par la gratuité est plus importante parmi les visiteurs qui n’étaient pas venus au musée depuis plus de trois ans.

Les primo-visiteurs mobilisés par la gratuité, soit 28 % du total, présentent une configuration sociale et culturelle spécifique : 53 % appartiennent à la classe populaire ou à la classe moyenne inférieure, contre 46 % pour les autres visiteurs, et 24 % ont une familiarité faible avec le musée, contre 20 % pour les autres visiteurs.

S’agissant de l’information sur les gratuités existantes, notons que les deux tiers des visiteurs ne sont pas du tout ou peu informés. La gratuité pour les moins de 18 ans est connue d’un visiteur sur deux seulement, en dépit du fait qu’elle est probablement la plus lisible. Certains établissements ne semblent pas avoir intégré le devoir de démocratisation ou ne souhaitent pas créer un « appel d’air » qui risquerait de ne pas être compensé intégralement.

 Le bilan de la gratuité des collections permanentes en faveur des jeunes de 18 à 25 ans

Le rapporteur ne dispose que des chiffres communiqués par le ministère de la culture et de la communication : entre le 1er trimestre de mise en place de mesure (2e trimestre de 2009) et le 2e trimestre de 2012, on constate deux fois plus de jeunes dans les musées nationaux ; on passe de 340 000 à 667 000, soit de 5 à 11 % de l’ensemble des visiteurs ; la gratuité intervient dans sept visites sur dix et moins de 1 % des jeunes la jugent sans importance. Il y a deux fois plus de jeunes des classes populaires parmi les visiteurs âgés de 18 à 25 ans.

 La gratuité générale à la Ville de Paris.

D’après la Direction des affaires culturelles, reçue par le rapporteur, la fréquentation des musées de la ville a connu une hausse de 133 % lors de la première année de la mise en œuvre de la gratuité. En dix ans, les visites sont passées de 394 000 à 1 385 000. Les multivisites se sont développées.

Pour autant, le sentiment exprimé est celui d’une déception par rapport à l’attraction exercée par la mesure sur les populations qui n’ont pas l’habitude du musée. La mesure est jugée nécessaire, mais non suffisante.

3. Ni abandon, ni généralisation

Face à des évaluations partielles, parfois contradictoires, il ne semble pas raisonnable d’aboutir à une conclusion qui remettrait totalement en cause la gratuité ou à l’inverse, préconiserait sa généralisation.

Une généralisation ne semble pas envisageable, pour plusieurs types de raison.

D’une part, comme l’a affirmé M. Hervé Barbaret, administrateur général du Musée du Louvre, lors de son audition, le terme de gratuité est en partie impropre, puisqu’en réalité il s’agit plutôt de savoir qui paie.

Il existe en effet des coûts d’entretien, accueil, maintenance, surveillance, qui doivent être acquittés soit par le visiteur, à travers le billet d’entrée, soit par le contribuable, à travers la subvention publique, soit par l’institution, par la mobilisation de ses ressources propres hors billetterie, comme les produits dérivés ou le mécénat.

Nous l’avons vu dans la première partie du présent rapport, les subventions publiques connaissent une baisse drastique. Demander aux musées et aux monuments d’accroître la part des visites gratuites les placerait dans une situation très difficile, d’autant que leurs ressources propres sont déjà très largement sollicitées. Il ne faut sans doute pas, au demeurant, fonder de trop grands espoirs sur des solutions de financement comme l’installation d’urnes à la sortie des musées, destinées à accueillir les contributions volontaires des visiteurs. Cette pratique, très répandue dans les pays anglo-saxons, est sans doute étrangère à la culture des visiteurs français. L’expérimentation qui doit commencer en début d’année dans les musées de la Ville de Paris apportera de ce point de vue des éclairages intéressants.

Au demeurant, si la gratuité devait être généralisée, moyennant le versement d’une compensation, sans que cela n’aboutisse à une véritable démocratisation des publics, une telle mesure aurait un effet contre redistributif, qui aboutirait à faire financer la visite des catégories les plus aisées par l’ensemble des contribuables.

En outre, le musée du Louvre met en avant l’effet d’aubaine que constitue la gratuité en faveur des visiteurs étrangers, qui constituent les deux tiers de ses visiteurs. Or, comme l’a confirmé le ministère de la culture, il est juridiquement impossible de pratiquer des tarifs différents, en tout cas entre visiteurs français et communautaires. Une telle discrimination tarifaire serait à l’inverse envisageable pour les autres visiteurs étrangers non communautaires, l’effet d’aubaine dont bénéficient ces derniers étant particulièrement marqué au musée du Louvre et au Château de Versailles.

À l’inverse, un abandon de toute ambition de démocratisation reposant sur les politiques tarifaires serait dangereux.

Le rapport de juin 2012 du CREDOC sur la visite des musées, des expositions et de monuments (10) montre en effet que 25 % des Français ont renoncé à visiter une exposition, un musée ou un monument au cours des douze derniers mois à cause du prix.

Le rapport poursuit : « une analyse factorielle montre que les personnes qui ont renoncé à la visite à cause du prix présentent un profil assez spécifique. Ce sont rarement des personnes très éloignées des patrimoines : les personnes qui ne vont pas au musée, qui ne fréquentent pas d’exposition – et qui par ailleurs, ne se rendent jamais dans une bibliothèque ou au cinéma – ne déclarent pas que le prix a été un obstacle. Ce ne sont pas davantage les individus très familiers des musées, aux pratiques culturelles intenses, disposant d’un niveau de vie assez élevé et titulaires de diplômes de l’enseignement supérieur, qui eux non plus ne signalent pas particulièrement plus souvent que les autres, avoir renoncé à la visite à cause du prix. Ce sont en fait les personnes qui se trouvent en position intermédiaire qui parlent le plus de l’obstacle tarifaire : les personnes qui n’ont visité qu’un seul type de musée ou d’exposition dans l’année, celles qui se rendent de temps en temps à la bibliothèque, de temps en temps au cinéma et qui, de surcroît, disposent de revenus modestes ou intermédiaires. Il s’agit d’un public occasionnel, c’est-à-dire les "peu visiteurs", qui semble le plus sensible au prix. »

Ceci corrobore une typologie des représentations associées aux musées, à laquelle le CREDOC s’était essayé en 2006 (11), afin d’identifier les possibilités d’élargissement du public actuel.

Il avait ainsi identifié quatre groupes :

– les « passionnés », qui représentent 34 % de la population, témoignent d’une forte attirance pour les musées et ont du plaisir à s’y rendre ;

– les « réfractaires » : pour 13 % de la population, les musées sont réservés à une élite et sont ennuyeux. Ils ne sont pas convaincus que l’on y apprend quelque chose ;

– les « critiques » représentent 33 % de la population, ils ont tendance à penser que les musées sont réservés à une élite, mais une meilleure information sur les collections et les expositions pourrait intéresser la moitié d’entre eux. « Cette incitation par l’information recueille, dans ce groupe, une adhésion pratiquement aussi forte, sinon plus, que celle en faveur de la gratuité certains jours. » ;

– les « amateurs en attente de pédagogie », qui représentent 20 % des Français : ils disent qu’aller au musée est un vrai plaisir, qui n’est pas réservé à une élite, mais déplorent un manque de pédagogie. Ce groupe serait sensible à une baisse des prix, et déclare qu’il se rendrait plus souvent au musée s’il était mieux informé sur les collections. « Ces personnes souvent diplômées, qui se trouvent être des visiteurs occasionnels, sont probablement parmi les plus facile à séduire davantage ».

Le rapport précité de juin 2012 conclut : « diminuer les prix d’entrée des établissements patrimoniaux ne permettrait vraisemblablement pas de faire venir les publics éloignés, cela inclinerait sans doute les habitués à venir plus souvent, mais cela permettrait surtout d’élargir le cercle des visiteurs à un public plus hésitant ».

Dès lors, une généralisation de la gratuité, toutes choses égales par ailleurs, ne permettrait pas d’attirer les publics les plus éloignés et réduirait mécaniquement, dans le contexte budgétaire dramatique que nous connaissons et compte tenu du caractère incompressible de certaines dépenses comme les dépenses de conservation, les sommes mobilisées par les musées en faveur de l’éducation culturelle, de la médiation, de l’animation, toutes actions de long terme qui sont sans doute les seules susceptibles de toucher ces publics.

En outre, le rapporteur estime qu’il est indispensable que davantage d’études soient consacrées à une meilleure connaissance des publics, à l’élasticité-prix de la demande et à l’existence ainsi qu’au niveau d’une éventuelle barrière tarifaire.

Il juge également indispensable d’améliorer l’information à destination des publics : l’ensemble des études converge pour indiquer qu’elle est insuffisante.

La communication actuelle semble d’une part conçue pour des publics déjà familiers des musées et peine à toucher ceux qui le sont moins. Le musée du Quai Branly a ainsi souligné la difficulté à travailler avec la RATP afin d’intégrer, dans les stations de métro, de RER ou de bus situés à proximité, une signalisation indiquant la présence du musée. Le rapporteur juge que les autorités organisatrices de transport devraient fixer à leurs délégataires des objectifs en termes de communication sur les institutions muséales ou patrimoniales ainsi que sur l’existence de mesures de gratuité, ce afin de toucher un large public.

Mais une communication mal conçue n’explique pas tout. Certains musées ne sont pas montrés particulièrement volontaristes en la matière. C’est la raison pour laquelle le rapporteur plaide pour le maintien de la compensation versée aux établissements concernés par l’extension de la gratuité aux jeunes de 18 à 25 ans, même si cela ne doit pas conduire à exclure tout débat sur les modalités retenues pour son calcul et sur son niveau. Certains musées étant déjà réfractaires à l’idée de communiquer sur cette mesure en raison de son impact sur leurs ressources propres, une suppression de la compensation réduirait à coup sûr à néant toute velléité de mieux faire connaître aux publics concernés les réductions tarifaires dont ils bénéficient.

D’autre part, l’information devrait également porter sur le coût de la gratuité : il est important que le visiteur qui bénéficie d’une entrée gratuite soit conscient que quelqu’un prend en charge les frais inhérents à la conservation et à la présentation au public d’une collection ou d’un monument, qu’il s’agisse de l’établissement culturel ou du contribuable. Il s’agit d’une information destinée à souligner la valeur du patrimoine offert à la curiosité du visiteur. Les contremarques ou les documents d’information distribués à ce dernier pourraient en constituer le support, en indiquant par exemple le montant dont il aurait dû normalement acquitter.

Enfin, le ministère de la culture et de la communication devrait fixer des objectifs de démocratisation des publics plus précis et plus ambitieux, notamment dans les lettres de mission qu’il adresse aux présidents des grands musées nationaux ainsi que dans les contrats pluriannuels conclus avec ces derniers. Ces objectifs devraient être déclinés à travers des indicateurs statistiques harmonisés susceptibles de faire l’objet d’un suivi rigoureux.

De la même manière, le ministère devrait subordonner l’octroi des aides à la création accordées aux artistes à l’obligation pour ces derniers de participer à des actions de médiation culturelle. Sorte de « travail d’intérêt général », cette obligation constituerait un instrument permettant de mieux accompagner les publics les plus éloignés de la culture dans leur découverte des institutions patrimoniales.

B. CENTRE POMPIDOU-METZ, LOUVRE-LENS, CENTRE POMPIDOU MOBILE : ALLER AU DEVANT DES PUBLICS

Dans son rapport de mars 2011, Les musées nationaux après une décennie de transformations, la Cour des comptes soulignait la très forte concentration parisienne et francilienne des musées nationaux qui occupent, au sein des musées de France, une place éminente, ne serait-ce qu’en termes de fréquentation : ils représentent la moitié de la fréquentation totale. Sur 37 musées nationaux, 20 se trouvent à Paris et 6 en Île-de-France.

Ceci peut expliquer en partie que les Français ayant visité un musée au cours des douze derniers mois sont plus nombreux dans la capitale que partout ailleurs sur le territoire.

Pourcentage de Français de 15 ans et plus ayant visité un musée
au cours des douze derniers mois (répartition par origine géographique)

 

1989

1997

2008

Communes rurales

 

26

22

Moins de 20 000 habitants

 

27

23

20 000 à 100 000 habitants

 

31

26

Plus de 100 000 habitants

 

36

34

Paris intra-muros

59

57

65

Reste de l’agglomération parisienne

43

42

40

Source : Les musées nationaux après une décennie de transformations, Rapport public thématique, Cour des comptes, mars 2011.

C’est la raison pour laquelle les démarches entreprises par le Centre Pompidou, à travers le Centre Pompidou Mobile et le Centre Pompidou-Metz, ainsi que par le musée du Louvre, dont l’antenne à Lens va ouvrir prochainement, suscitent l’intérêt.

1. Des expériences originales

Il ne s’agit pas de nouveaux musées, dotés d’une collection propre, ni de démarches relevant des traditionnels prêts ou dépôts, qui répondent à des objectifs scientifiques, mais d’une expérience originale de circulation en région d’une partie des collections nationales, dans un but de démocratisation culturelle.

a) Le Centre Pompidou-Metz

Rappelons qu’au cours des vingt-sept mois de fermeture pour travaux du Centre Pompidou, à Paris, entre 1997 et 2000, une partie des collections du musée national d’art moderne fut exposée dans des musées régionaux dans le cadre du programme « Hors les Murs ».

Cette opération ayant rencontré un grand succès, « est née l’idée de créer une filiale, dans une ville de notre pays » raconte Jean-Jacques Aillagon, son président d’alors (12: « nous apportions nos collections, notre savoir-faire, à la collectivité intéressée de faire son affaire du financement de l’investissement et des frais de fonctionnement. Je ne souhaitais pas investir un bâtiment ancien mais créer un nouveau lieu, pour respecter l’esprit fondateur du Centre : un bâtiment d’avant-garde pour des collections et des activités d’avant-garde. L’idée était lancée… ».

Le choix devait se porter sur la ville de Metz en 2003 et les travaux ont commencé en 2006, sous maîtrise d’ouvrage de Metz-Métropole, en partenariat avec la ville de Metz et le Centre Pompidou. Conçu par le Japonais Shigeru Ban et le Français Jean de Gastines, le bâtiment est entouré de deux jardins et d’un parvis légèrement incliné de même dimension que la Piazza du Centre Pompidou, liaison directe pour les piétons entre le Centre Pompidou-Metz et la gare.

D’après les informations diffusées par Metz-métropole, le budget total de l’opération se monte à 69,33 millions d’euros hors taxes. Metz-Métropole est le plus important contributeur, pour un montant de 43,33 millions d’euros. Les autres financements proviennent de l’État, pour 4 millions d’euros, de l’Union européenne pour 2 millions d’euros, de la région Lorraine pour 10 millions d’euros et du département de la Moselle pour le même montant.

Par arrêté du 31 décembre 2009, le préfet de la région Lorraine a créé l’établissement public de coopération culturelle (EPCC) à caractère industriel et commercial Centre Pompidou-Metz, dont les membres sont l’État, le Centre Pompidou, la communauté d’agglomération de Metz-Métropole, la région Lorraine et la ville de Metz.

Le président du conseil d’administration de l’EPCC, M. Alain Seban, également président du Centre Pompidou, a été élu lors du conseil d’administration du 26 février 2010. Le conseil d’administration est composé de vingt-cinq autres membres, dont six autres représentants du Centre Pompidou ainsi qu’une personnalité qualifiée désignée par le président.

Le 22 mars 2010, le Centre Pompidou et le Centre Pompidou-Metz ont conclu, pour une durée de cinq ans, une convention d’association qui détermine les modalités de leurs relations, notamment en matière de gouvernance de l’EPCC, de mise à disposition des œuvres du Centre Pompidou, de programmation culturelle, de financement, de sécurité et d’assurances, de communication et d’édition. Le Centre Pompidou-Metz n’a pas de collection propre et fait appel à des prêts d’œuvres, essentiellement issues des collections du Centre Pompidou et également d’autres institutions du monde entier.

Le Centre Pompidou-Metz a été inauguré le 11 mai 2010 par l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy, et ouvert au public le lendemain.

L’effectif du personnel permanent est de 49 salariés de statut privé, à l’exception d’un fonctionnaire territorial mis à disposition par Metz-Métropole et de quatre agents mis à disposition par le Centre Pompidou pour une durée de trois ans renouvelable une fois, dont les salaires et charges patronales sont intégralement pris en charge par l’EPCC. Pour son fonctionnement, l’EPCC fait appel à des prestataires pour la sécurité, le nettoyage, la maintenance et la médiation, dans le cadre de marchés publics.

Le budget de fonctionnement prévisionnel du Centre Pompidou-Metz en année pleine est statutairement fixé à 10 millions d’euros. Les collectivités territoriales contribuent au budget de l’établissement à hauteur de 9 millions d’euros : Metz-Métropole pour 4,6 millions d’euros, la région pour 4 millions d’euros, la ville de Metz pour 0,4 million d’euros. Le Centre Pompidou-Metz a pour objectif de dégager 1 million d’euros de recettes propres. Les investissements sont pris en charge par la communauté d’agglomération de Metz-Métropole.

Le Centre Pompidou-Metz n’a pas vocation à acquérir des œuvres. Le projet culturel consiste dans la présentation de quatre à six expositions temporaires par an.

Les expositions temporaires au Centre Pompidou Metz

– « Chefs-d’œuvre ? » 12 mai 2010 – 12 septembre 2011. L’exposition inaugurale « Chefs-d’œuvre ? », déployée sur les quatre espaces d’exposition du Centre Pompidou-Metz, a interrogé la notion de chef-d’œuvre, son histoire et son actualité à travers une sélection exceptionnelle de près de huit cents œuvres.

– « Daniel Buren, Échos, travaux in situ » 8 mai 2011 – 9 septembre 2011.
À l’invitation du Centre Pompidou-Metz, Daniel Buren a réalisé un projet spécifique dans la plus haute galerie du Centre pour proposer une relecture du paysage.

– « Erre, Variations labyrinthiques » 12 septembre 2011 – 5 mars 2012. Il s’agit d’une exposition pluridisciplinaire qui prend comme point de départ le motif du labyrinthe pour aborder les questions de l’errance, de la perte, de la déambulation et leurs modalités de représentation dans l’art contemporain.

– « Écho d’échos : Vues plongeantes, travail in situ » 7 octobre 2011 - 31 janvier 2013. Daniel Buren a imaginé un projet fondé sur le réemploi des miroirs qui composaient sa proposition précédente Échos, Travaux in situ.

– « Ronan et Erwan Bouroullec, Bivouac » 7 octobre 2011 – 30 juillet 2012. Le Centre Pompidou-Metz propose la première grande rétrospective dédiée au travail de Ronan et Erwan Bouroullec en France. Sont présentées les réalisations des dix dernières années et certains projets de recherche des deux frères designers.

– « 1917 » 26 mai 2012 – 24 septembre 2012. L’exposition questionne la création artistique en temps de guerre, à l’échelle de cette « année impossible » (Jean-Jacques Becker, 1917 en Europe : l’année impossible, Bruxelles, Éditions Complexe, 1997), avec la présentation exceptionnelle du rideau de scène du ballet « Parade », œuvre monumentale de Picasso.

– « Sol LeWitt. Dessins muraux de 1968 à 2007 » 7 mars 2012 - 29 juillet 2013. Le Centre Pompidou-Metz met à l’honneur l’artiste conceptuel américain Sol LeWitt (1928-2007) en présentant une rétrospective de ses wall drawings (dessins muraux), de ses débuts à ses dernières réalisations, avec une sélection de trente-trois dessins jamais présentée en Europe.

b) Le Louvre Lens

L’implantation d’une antenne permanente du musée du Louvre à Lens a été lancée en 2005, dans le cadre d’un protocole réunissant l’État, le Louvre, la région Nord-Pas-de-Calais, le conseil général du Pas-de-Calais, la communauté d’agglomération de Lens-Liévin et la ville de Lens. Ce projet se traduira par l’ouverture, fin 2012, d’un Louvre « hors les murs ».

L’établissement public de coopération culturelle à caractère administratif a été créé le 1er janvier 2011. Quatre conseils d’administration ont marqué l’année, permettant la mise en place progressive de toutes les modalités de fonctionnement de la structure : nomination du directeur, M. Xavier Dectot, finalisation de l’organigramme et lancement des premiers recrutements, préparation des budgets de fonctionnement, mise en place de la politique tarifaire, établissement du cahier des charges pour le restaurant et la librairie-boutique, mise en place des systèmes d’informations…

Le musée du Louvre est chargé de définir le programme scientifique et culturel du Louvre-Lens : les ultimes programmations culturelles et pédagogiques ont été définies mi-2011. Dans le même temps, le Louvre a suivi les études muséographiques, permettant le lancement par la région Nord-Pas-de-Calais des derniers appels d’offres de travaux durant le second semestre 2011. L’élaboration des contenus de médiation (cartels, synopsis détaillés des dispositifs multimédias, guide multimédia) a débuté, le Louvre assurant la production des contenus en français, le Louvre-Lens prenant le relais pour leur traduction et mise en œuvre sur site.

Sous la conduite des architectes Kazuyo Séjima et Ryue Nishizawa, les travaux ont avancé à un rythme soutenu : mi-2011, le bâtiment était hors d’eau et les corps d’état techniques et de second œuvre démarraient. Les travaux d’aménagement paysager se sont accélérés et se sont étendus sur quatre hectares contigus au site. Enfin, la dernière grande phase de travaux portant sur les aménagements muséographiques a débuté en décembre 2011.

Le coût de la construction est estimé à 127 millions d’euros, la région en assumant la plus grande part, à hauteur de 60 % du total. Le coût de fonctionnement est estimé à 12 millions d’euros, mais contrairement au Centre Pompidou-Metz, l’État n’apportera aucune participation financière.

Trois nouvelles conventions de mécénat ont été signées pour la somme de 1,45 million d’euros, permettant ainsi de recueillir un montant total de 9 millions d’euros. Cinq autres conventions sont en cours de préparation, pour un montant de 1,6 million d’euros.

S’agissant des collections, les premières restaurations d’œuvres ont été lancées en 2011. Les préconisations pour les marchés de transport et d’assurances, ainsi que la planification générale du mouvement des quelque neuf cents œuvres en partance pour Lens ont été formulées. La répartition des prises en charge entre la région, le Louvre-Lens et le Louvre des opérations de montage et soclage des œuvres a été établie. En 2012, afin de faciliter la diffusion en région des collections appartenant à l’État, une convention tripartite a été signée entre le ministère de la culture, le Louvre et l’EPCC Louvre-Lens. Cet accord-cadre définit les conditions d’octroi de dispense d’assurance pour le prêt d’œuvres et objets d’art appartenant à l’État, et dont le Louvre a la garde aux fins d’organisation d’expositions temporaires au sein de l’EPCC du Louvre-Lens.

Le Louvre a organisé deux expositions simultanées dans le cadre de l’opération « Béthune 2011, capitale régionale de la culture dans le Nord-Pas-de-Calais », destinées à promouvoir l’arrivée du Louvre-Lens. Le musée a aussi continué d’accueillir toutes les classes de CM2 de la ville de Lens. Le site Internet du projet Louvre-Lens, hébergé par le musée du Louvre, permet de mieux faire connaître le Louvre-Lens en France et à l’étranger. De multiples actions de communication et de présentation du projet ont également été entreprises, tant en interne qu’en externe. Enfin, notons que le suivi du projet de réaménagement urbain autour du Louvre-Lens, sous l’égide de l’association Euralens, a été poursuivi. L’ouverture au public du Louvre-Lens est prévue le 4 décembre 2012.

c) Le Centre Pompidou mobile

Le Centre Pompidou mobile, inauguré le jeudi 13 octobre 2011 à Chaumont, est le premier et le seul musée nomade au monde, le projet de Mobile Tate annoncé par la Tate Gallery de Londres n’ayant pas abouti.

Conçu et réalisé pour transporter des chefs-d’œuvre de l’art moderne exigeant des normes strictes de conservation, il peut aller partout en France métropolitaine et proposer, dans une structure démontable et transportable, une sélection d’une quinzaine de chefs-d’œuvre de la collection du Centre Pompidou.

Comme l’indique le bilan d’activité du Centre pour 2011, « partant du constat qu’un Français sur deux n’a jamais été au musée, le Centre Pompidou mobile cherche à susciter l’envie d’aller au musée à travers un événement fédérateur, populaire, festif, et d’une durée limitée, à l’instar de l’arrivée dans une commune d’un cirque ambulant ou de l’installation d’une fête foraine. L’institution muséale se trouve ainsi appréhendée dans un contexte totalement différent, se voulant moins intimidant pour les visiteurs ».

C’est d’ailleurs une architecture circassienne qui a été retenue, celle de Patrick Bouchain, architecte reconnu pour son expertise et ses créations dans le domaine des architectures nomades ; il compte parmi ses principales réalisations le théâtre équestre Zingaro, à Aubervilliers, le pavillon français à la Biennale d’architecture de Venise de 2006 ou le chapiteau de l’École nationale des arts du cirque. Le Centre Pompidou mobile occupe une emprise au sol de 2 000 m² et offre au public 650 m² d’espaces de visite ; il comprend trois modules reliés entre eux par des sas pouvant s’assembler de diverses manières et s’adapter à toutes les configurations de terrain.

Le projet repose sur un principe de saison, organisée sur une année, d’octobre à septembre de l’année suivante. Sur l’espace d’une saison, la structure est implantée dans trois villes différentes, chaque fois pendant trois mois. Un mois sépare chaque étape de l’itinérance, pour le démontage et le remontage de la structure, l’installation des œuvres, la formation des intervenants. L’itinérance de la première saison, commencée à Chaumont (Haute-Marne), du 15 octobre 2011 au 15 janvier 2012, poursuivie à Cambrai (Nord) du 18 février 2012 au 15 mai 2012, s’est achevée à Boulogne-sur-Mer du 15 juin 2012 au 16 septembre 2012.

Une nouvelle sélection d’œuvres issues des collections du musée sera présentée au public en deuxième saison et aura pour thème les formes géométriques et l’abstraction dans l’art moderne et contemporain. La première étape, à l’initiative du conseil régional d’Aquitaine, se déroule à Libourne d’octobre 2012 à janvier 2013. Ensuite, le Centre Pompidou Mobile se rendra au Havre de février à mai 2013, répondant ainsi à une invitation de la commune, puis à Nantes, où il sera présent au cours de l’été 2013.

Le Centre Pompidou mobile est ouvert 6 jours sur 7. Sa visite est gratuite, la réservation n’étant nécessaire que pour les groupes, scolaires ou associatifs. Les équipes du Centre Pompidou se sont attachées à inventer une nouvelle forme de médiation pour ce projet hors normes, en privilégiant une approche sensible qui conduit vers l’œuvre originale et donne des clés pour la comprendre. Par ailleurs, un travail spécifique de développement de publics est également pris en charge par les collectivités, par la mobilisation à la fois des relais éducatifs et des associations, particulièrement celles travaillant avec les publics les plus éloignés de la culture.

Le financement du Centre Pompidou mobile (dont 2,5 millions d’euros en investissement) est assuré par le Centre Pompidou, ses mécènes et le ministère de la culture et de la communication.

Le coût de l’itinérance restant à la charge de la collectivité d’accueil s’établit à 200 000 euros par étape. La participation financière de la collectivité couvre une partie des frais de régie des œuvres (transport, assurance et accrochage), des frais de transport, de montage et de démontage de la structure, des frais de coordination et de préparation de l’itinérance ainsi que des frais d’exploitation du site. Outre leur contribution financière, la collectivité d’accueil et ses partenaires doivent assurer un ensemble de prestations en nature ou en services nécessaires à l’implantation et au fonctionnement du Centre Pompidou mobile sur son territoire.

2. Premiers éléments de bilan et défis à venir

S’agissant tout d’abord de la fréquentation, les résultats s’avèrent positifs.

Au Centre Pompidou-Metz, 1,5 million de visites ont été comptabilisées depuis mai 2010, dont deux tiers de visiteurs locaux ; le bilan d’activité du Centre Pompidou s’enorgueillit de ce « nouveau fleuron de la Lorraine, [...] devenu une destination touristique majeure. 60 % de ses visiteurs en dehors de ceux venus du département de la Moselle sont venus à Metz spécifiquement pour visiter le Centre. 1 693 groupes ont été accueillis en 2011, dont 27 % résidaient à l’étranger. Les retombées économiques ont été estimées à 70 millions d’euros depuis 2010 par l’agence de développement économique de Metz Métropole. »

Lors de son audition, le Centre a souligné les liens étroits noués avec les institutions culturelles locales, qui ont permis à ces dernières d’enregistrer succès de fréquentation. Le public présenterait également une plus grande diversité qu’à Paris.

Le Centre Pompidou mobile connaît également une importante affluence : 35 200 visites à Chaumont, 47 000 à Cambrai, plus de 40 000 à Boulogne-sur-Mer.

S’agissant plus particulièrement de Chaumont, le bilan d’activité du Centre Pompidou offre des éléments plus précis : « à l’issue de la première étape du Centre Pompidou mobile à Chaumont, ville de 23 500 habitants, plus de 35 000 visiteurs avaient découvert le parcours consacré à la Couleur en trois mois, soit une moyenne d’environ 440 personnes par jour. Une étude téléphonique avait été réalisée auprès de 300 habitants de la ville, avant et après le passage du musée nomade afin d’évaluer la notoriété du dispositif et son impact sur les pratiques culturelles, et pour mieux connaître les catégories de visiteurs. Il est apparu que 93 % des habitants étaient informés de la présence du Centre Pompidou mobile en ville et que 48 % des personnes interrogées l’ont visité. On constate également une grande diversité sociale des publics. Cette étude a enfin montré que le Centre Pompidou mobile avait rempli une de ses missions essentielles : en effet, ceux qui, parmi les visiteurs, déclaraient ne pas avoir de pratique muséale développée ont exprimé une forte envie de découvrir d’autres musées. »

En ce qui concerne le Louvre-Lens, qui doit ouvrir ses portes à la fin de l’année, les responsables du musée du Louvre entendus par le rapporteur ont fait part de leur inquiétude à la suite des enquêtes menées avant l’ouverture du musée : un pourcentage très important de personnes déclare en effet être sûr de ne jamais venir. Les responsables du projet comptent sur 550 000 visiteurs, mais si la mobilisation du public de la zone euro-région ne devrait pas soulever de difficulté, c’est un vrai défi qui devra être relevé pour mobiliser le public de proximité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle 100 000 scolaires devraient être accueillis, ce qui est absolument considérable : ainsi peut-être parviendra-t-on à intéresser les parents, d’autant que le musée sera gratuit pendant au moins un an.

Par ailleurs, comme l’a indiqué le ministère de la culture lors de son audition, il conviendra également d’être attentif sur les effets produits par ces antennes régionales ou par le Centre Pompidou mobile sur la fréquentation des musées locaux. Il faut en effet éviter qu’ils n’exercent un effet de « siphonage ».

La question ne se pose pas pour la ville de Lens, choisie notamment parce qu’elle est la seule des dix plus grandes agglomérations de France à ne pas avoir de musée.

S’agissant du Centre Pompidou mobile, l’intention initiale était de privilégier comme lieu d’installation des villes dépourvues de musée. Mais celles-ci ne disposaient pas des ressources leur permettant de financer les 200 000 euros à la charge des collectivités. Ce sont donc des villes moyennes qui ont été choisies.

Dans son bilan annuel, le Centre Pompidou prend bien soin de préciser que « le Centre Pompidou mobile ambitionne de susciter un effet d’entraînement durable sur les pratiques culturelles individuelles, au bénéfice des acteurs présents sur le territoire et au premier chef des musées ».

Il ajoute que « les musées de Chaumont ont bénéficié de l’effet d’entraînement de son succès : leur fréquentation a augmenté de 77 % par rapport au résultat habituel constaté à la même période de l’année ».

Lors de son audition par le rapporteur, M. Didier Rykner, très critique à l’égard de ce projet, nuançait très largement ce constat. Les musées de Chaumont ont ainsi compté 304 visiteurs sur la période du 15 octobre 2010 au 10 janvier 2011, contre 541 sur la même période 2011/2012, correspondant à la date de présence du Centre Pompidou mobile, lequel attirait de son côté… 35 000 personnes ! Le nombre de visiteurs dans les musées de Chaumont aurait même baissé au cours du troisième mois (mi-décembre 2011/mi-janvier 2012 par rapport à la même période un an plus tôt).

Comme l’a indiqué le ministère de la culture lors de son audition, la visite du Centre Pompidou mobile offre davantage une expérience de l’art contemporain qu’une expérience du musée. Il n’est donc pas évident qu’elle puisse exercer un effet d’entraînement dont bénéficieraient les musées.

Cet aspect du bilan de l’expérimentation du Centre Pompidou mobile revêt une particulière importance au regard des sommes en jeu : les collectivités doivent mobiliser 200 000 euros, à comparer aux 715 000 euros de budget annuel du Musée de Cambrai et aux 80 000 euros que celui-ci consacre aux expositions annuelles. C’est une donc somme importante au regard de celles dont disposent les musées locaux, d’autant qu’il s’agit d’un projet éphémère.

Cette évaluation s’avérera d’autant plus nécessaire qu’il existe d’autres moyens de créer des événements culturels, en s’appuyant sur les musées locaux.

D’une part, et comme le rappelait le ministère de la culture lors de son audition, les musées en région recèlent de nombreux chefs-d’œuvre. Le récolement entrepris dans les musées à la suite de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, a permis de redécouvrir des trésors oubliés dans les réserves.

En outre, ces collections peuvent être temporairement enrichies grâce aux prêts et aux dépôts, deux instruments traditionnels de mise à disposition temporaire d’œuvres des collections nationales. Le rapport du Haut Conseil des musées de France sur la politique des prêts en faveur des musées de France relevant des collectivités territoriales, transmis au Parlement en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, indique notamment que :

– s’agissant des prêts par les musées nationaux, leur nombre est de 5 625 pour l’année 2008, un chiffre d’une relative stabilité depuis 2005. Le Centre Pompidou représente à lui seul 971 de ces prêts. Le rapport relève que ces prêts sont souvent constitués d’œuvres majeures ;

– s’agissant des dépôts, ils s’élèvent à 269 œuvres en 2008.

De ce point de vue, et comme le souligne la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, « les échanges et mutualisation entre musées ne peuvent être que bénéfiques, tant d’un point de vue d’économie budgétaire que de développement des processus de co-construction entre collectivités ».

Ils évitent également l’écueil, souligné par la FNCC, d’une certaine confusion entre déconcentration et décentralisation : « la déclinaison régionale d’équipements nationaux ne saurait se substituer à un réel processus de décentralisation, lequel suppose l’engagement concerté entre collectivités et avec l’État et non un simple ‘‘accueil” en région, même cogéré, d’un musée bénéficiant du prestige de ‘‘marques” nationales aussi internationalement célèbres que Le Louvre ou le Centre Pompidou. Si ces marques nationales ont tout leur sens dans des régions frontalières, comme en Lorraine, attirant ainsi des publics du ou des pays voisins pour lesquels ces équipements fonctionnent comme des ambassadeurs, la situation des départements ‘‘de l’intérieur” présente un contexte tout autre. Là, c’est davantage à l’affirmation et à la visibilité de leur identité propre que l’État doit contribuer. »

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission procède, le lundi 5 novembre 2012, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2013 de la mission « Culture » (13).

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission examine, pour avis, au cours de sa séance du mercredi 7 novembre 2012, les crédits pour 2013 de la mission « Culture » sur le rapport de Mme Colette Langlade (Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture) et de M. Gérald Darmanin (Patrimoines).

M. le président Patrick Bloche. Je rappelle que les crédits de la mission « Culture » font l’objet d’une procédure d’examen en commission élargie. La commission élargie a eu lieu lundi dernier ; à cette occasion, Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a déjà répondu à de nombreuses questions, non seulement sur le projet de budget pour 2013, mais aussi sur les perspectives pour 2014.

Mme Colette Langlade, rapporteure pour avis des crédits de la création et de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture. L’éducation artistique et culturelle constitue une priorité du budget du ministère de la culture et de la communication, ce qui se traduit par des crédits supplémentaires dès cette année ; elle fait en outre l’objet de nombreuses réflexions, dans le cadre tant de la concertation sur l’avenir de l’école lancée par le ministère de l’éducation nationale que du chantier national en faveur de l’éducation artistique et culturelle ouvert par le ministère de la culture. C’est pourquoi j’ai souhaité dresser aujourd’hui un bilan de la mise en œuvre de l’enseignement obligatoire d’histoire des arts, de l’école primaire au lycée.

C’est dans la lettre de mission adressée en 2007 par le Président de la République et le Premier ministre à la ministre de la culture et de la communication et au ministre de l’éducation nationale que figure la création d’un enseignement d’histoire de l’art, mis en place à la rentrée 2008.

La réforme a été imposée d’en haut, sans aucune concertation, voire sans aucune réflexion ; il y eut bien un rapport proposant un nouveau plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle, mais qui ne fut réalisé que dans un second temps, après l’annonce de la création de l’enseignement obligatoire. Cette méthode contestable a suscité des malentendus, donc des déceptions, et a contribué à donner le sentiment que le nouvel enseignement constituait une cote mal taillée.

L’objectif était triple : l’acquisition d’une culture générale artistique, le développement d’un rapport plus familier des élèves avec les institutions culturelles, l’information sur les débouchés professionnels offerts par le champ artistique et culturel. Un programme extrêmement ambitieux a été élaboré, reposant sur des périodes historiques – de la préhistoire jusqu’à nos jours –, sur des thématiques – comme « art et économie » ou « art et sacré » – et sur des domaines artistiques – couvrant l’ensemble des modes d’expression artistique. Toutefois, on a pris le parti de ne pas créer une nouvelle discipline, afin de ne pas ajouter à des emplois du temps déjà surchargés et de ne pas organiser des concours de recrutement spécifiques.

L’ancien Président de la République avait pourtant annoncé la création d’un enseignement de l’histoire de l’art, discipline à part entière, ce qui pouvait augurer qu’une réponse serait apportée à une revendication ancienne des historiens de l’art : la création d’un CAPES et d’une agrégation spécifiques. Il n’en a rien été : toutes les disciplines existantes doivent faire une place à l’histoire des arts, à charge pour les professeurs de mettre en œuvre le programme et d’établir des ponts avec leur discipline. C’est pourquoi l’appellation « histoire de l’art » a finalement été délaissée au profit de celle d’« histoire des arts ».

La chose a été mal perçue par les historiens de l’art, qui y ont vu le témoignage d’un manque de considération pour leur discipline, mais aussi par les professeurs des autres disciplines, notamment ceux d’éducation musicale et d’arts plastiques : l’histoire des arts est censée occuper la moitié des programmes d’éducation musicale et d’arts plastiques au collège ! Les professeurs se sont sentis déconsidérés ; ils ont critiqué le fait que ce nouvel enseignement, visant à compléter l’éducation artistique et culturelle existante par des connaissances théoriques, venait tailler des croupières aux seuls enseignements pratiques proposés aux élèves. Les fédérations de parents d’élèves se sont jointes à ces critiques.

Plus généralement, il s’est avéré difficile de mettre en œuvre un enseignement interdisciplinaire dans un système fortement disciplinaire. À l’école primaire, la contradiction était plus aisée à surmonter, dans la mesure où chaque professeur des écoles assure seul l’enseignement de toutes les disciplines ; d’ailleurs, beaucoup d’initiatives existaient déjà en matière d’éducation artistique et culturelle et, sur le terrain, la réforme de 2008 n’a pas changé grand-chose – Marie-Odile Bouillé l’avait déjà souligné dans son rapport sur le projet de budget pour 2011.

Au lycée également, les effets ont été inexistants – sauf dans certains établissements, notamment des lycées agricoles et des lycées professionnels –, car la préparation du baccalauréat monopolise les efforts des enseignants. Alors qu’au collège, le déploiement de la réforme s’est appuyé en grande partie sur les professeurs d’arts plastiques, seule la moitié des lycées propose des enseignements optionnels d’histoire des arts : il n’y a pas partout de personnel susceptible de piloter cet enseignement.

Au collège, la perspective d’une évaluation au diplôme national du brevet a constitué un aiguillon indiscutable ; pourtant, le principe d’un enseignement « porté par tous les enseignants » fut difficile à mettre en œuvre. La bonne volonté des uns et des autres a permis des réussites ponctuelles, mais les conseils pédagogiques, instances de consultation des enseignants sur la politique éducative de l’établissement, ne se sont pas toujours saisis d’une question que, faute de temps, il était de toute façon difficile de traiter de manière satisfaisante.

Quant à l’épreuve elle-même, elle a été mise en place, après une expérimentation lors de la session 2009-2010, sans qu’aucun des textes publiés en 2008 ne précise son organisation. Ce n’est qu’en 2011 qu’une nouvelle circulaire est venue indiquer qu’une décision du conseil d’administration devait fixer, au plus tard à la fin de l’année scolaire précédente, les modalités d’organisation de l’enseignement de l’histoire des arts et de l’épreuve orale. Elle prévoit que le jury est constitué de deux professeurs, devant évaluer les élèves, soit individuellement, soit en groupe, sur le fondement d’un exposé, puis d’un entretien portant sur un sujet choisi parmi une liste de cinq objets d’étude, validée par le ou les professeurs encadrant la préparation, et sur lesquels les élèves ont pu préparer des dossiers.

Chaque établissement étant peu ou prou renvoyé à lui-même, les parents d’élèves éprouvent un sentiment de grand arbitraire. Si le principe d’une épreuve orale est jugé positif, car elle permet aux élèves ayant des difficultés avec les modalités classiques d’évaluation de se valoriser, l’inégale implication des équipes pédagogiques dans sa préparation a sans doute contribué à en faire un instrument de reproduction des inégalités. Dans certains cas, la liste d’œuvres établie par le conseil pédagogique ne fait l’objet d’aucune préparation en cours d’année, et les élèves sont évalués sur le fondement de dossiers préparés à la maison, avec les parents. La nature de l’épreuve est révélatrice de l’échec de la réforme : 90 % des élèves ont été interrogés sur « Guernica » !

L’autre cause d’échec est l’insuffisante formation des enseignants. La réforme fut engagée concomitamment avec celle de la formation des enseignants et de la mastérisation. Or les masters n’intègrent pas d’histoire des arts ; le ministère doit remédier à cette lacune dans la maquette des masters professionnels.

Quant à la formation continue, si des actions nationales ont été mises en œuvre à partir de 2009, elles ont reposé pour l’essentiel sur les ressources de l’Institut national d’histoire de l’art et de l’Association des professeurs d’archéologie et d’histoire de l’art des universités, ce qui est en contradiction la volonté de ne pas réduire l’enseignement à une seule discipline. En outre, ces formations étant destinées aux « cadres » de l’éducation nationale, on peut se demander si les enseignants ont pu en retirer quelque bénéfice ; à en juger par les réactions des syndicats, cela paraît douteux.

Au niveau académique, tous les enseignants relèvent le manque de formations par rapport aux besoins. Dans la plupart des cas, les enseignants doivent prendre sur leur temps libre pour se former. Les formations sont le plus souvent organisées à l’extérieur des établissements, alors qu’elles devraient être conduites sur site, au bénéfice des équipes pédagogiques. En outre, les enseignants ne disposent pas d’interlocuteurs au sein des corps d’inspection, organisés par discipline – un inspecteur général a bien été nommé, mais sa tâche est immense.

D’autre part, les textes de 2008 encourageaient le développement de partenariats avec les institutions culturelles. Or l’accès des élèves aux ressources culturelles territoriales dépend non seulement de la densité des équipements culturels, mais aussi des moyens disponibles pour financer des déplacements potentiellement coûteux – ce qui n’est pas toujours le cas, notamment dans les zones rurales. En outre, les institutions culturelles risquent de souffrir d’un certain engorgement, puisque 12 millions d’élèves sont concernés par cet enseignement obligatoire et que les enseignants, privés de véritable formation, sont amenés à se tourner vers elles. Les responsables des services éducatifs que j’ai rencontrés m’ont déclaré devoir faire preuve d’une certaine sélectivité dans le traitement des demandes de partenariat.

Dans ce contexte, la qualité des ressources pédagogiques mises à la disposition des enseignants est essentielle ; en particulier, les ressources numériques sont un moyen de compenser les inégalités d’accès aux institutions culturelles. Le ministère de la culture met en exergue le portail de l’histoire des arts sur internet, mais je n’ai pas l’impression qu’il se soit imposé comme une référence auprès des enseignants.

Il reste que les difficultés rencontrées dans la mise en place d’un tel enseignement interdisciplinaire ne doivent pas conduire à une remise en cause globale du projet. Lors des auditions que j’ai menées, tant les syndicats d’enseignants et de personnels de direction que les fédérations de parents d’élèves ont jugé positive la décision de faire de l’histoire des arts un enseignement mobilisant toutes les disciplines.

Pour maintenir cet acquis, tout en facilitant l’appropriation du nouvel enseignement par les enseignants et par les élèves, certains suggèrent de lui consacrer un horaire dédié. Il s’agit d’une base de réflexion intéressante, à condition que cet horaire ne vienne pas s’ajouter à un emploi du temps déjà chargé, et que chaque discipline et chaque enseignant donne un peu de son temps pour l’aménager.

Les réflexions en cours dans le cadre de la concertation sur l’avenir de l’école ne doivent pas éluder ce sujet, et le rapport rendu public au début du mois d’octobre esquisse à cet égard quelques pistes intéressantes.

Je conclus en vous demandant d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

M. Gérald Darmanin, rapporteur pour avis des crédits des patrimoines. Je ne m’attarderai pas sur la première partie du rapport, qui a déjà été longuement débattue en commission élargie, me contentant de rappeler que les crédits du programme « Patrimoines » diminuent de 10 % cette année. Je passerai tout de suite à la deuxième partie, consacrée à la gratuité d’accès et à la déconcentration des collections nationales, dans le but de démocratiser l’accès à la culture.

Tout d’abord, il serait plus exact de parler des « gratuités », au pluriel, plutôt que de la gratuité, au singulier. En effet, outre la gratuité pour les jeunes de 18 à 25 ans instaurée par le Président de la République Nicolas Sarkozy en 2008, on recense diverses politiques de gratuité en fonction des horaires, des établissements et des expositions.

Or, hormis quelques études du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) et une étude du département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture, citées dans mon rapport, il existe peu d’évaluations de ces dispositifs, ni même d’outils statistiques permettant de juger des effets de la gratuité sur l’accès des classes populaires et moyennes aux collections nationales.

Pour ce que l’on en sait, l’élargissement de la gratuité aux jeunes de 18 à 25 ans a eu un effet favorable. Le dimanche gratuit au Louvre est également le seul jour où le nombre de visiteurs nationaux est supérieur à celui des visiteurs étrangers : les Franciliens sont trois fois plus nombreux que les autres dimanches, les provinciaux 1,4 fois ; le nombre de jeunes issus des classes populaires et moyennes est également plus important.

Toutefois, il convient de souligner un défaut de communication de la part des musées à destination des publics éloignés de la culture. Celui-ci tient par exemple à la difficulté de nouer des partenariats avec les réseaux de transport en commun ; par exemple, certains établissements parisiens nous ont fait savoir que la RATP ne souhaitait pas communiquer fortement sur la présence ou la gratuité des musées en Ile-de-France. Surtout, tous les musées ne suivent pas la même politique en matière de démocratisation de leur accès ; certains grands musées ne veulent pas donner un trop grand retentissement aux mesures de gratuité, afin d’éviter les effets d’aubaine, car ils estiment que la compensation versée par l’État ne leur permet pas de rentrer dans leurs frais. Le Louvre dénonce en outre l’utilisation par certains tours opérateurs étrangers des jours de gratuité pour faire un profit facile, au détriment de leurs clients, à qui ils font payer les entrées.

Dans l’attente d’études plus abouties, mon rapport ne recommande ni l’abandon, ni la généralisation du dispositif. Je propose que le ministère de la culture fixe aux musées des objectifs à la fois de démocratisation des collections nationales et de construction d’outils statistiques fiables, de manière à pouvoir évaluer l’efficacité des mesures de gratuité, qu’elles soient destinées aux jeunes, aux publics du « champ social » ou à ceux éloignés de la culture.

J’en viens aux expériences de déconcentration – et non de décentralisation, puisqu’il s’agit de la circulation en région d’une partie des collections nationales.

Partant du constat que beaucoup de Français ne peuvent pas, pour des raisons financières, sociales ou psychologiques, accéder aux musées, le Centre Pompidou a décidé de rendre mobile une partie de ses collections. Ce « Centre Pompidou mobile » prend la forme d’une présentation itinérante, sous une structure circassienne, de quinze œuvres, avec une médiation culturelle gratuite, dans le but de provoquer un « choc culturel » – pour paraphraser Malraux.

Néanmoins, comme quinze œuvres seulement sont exposées, on peut craindre que les visiteurs n’en ressortent déçus. En outre, le coût restant à la charge de la collectivité d’accueil est élevé : 200 000 euros – sachant que le budget annuel du musée de Cambrai, par exemple, est de 715 000 euros, et de 80 000 euros pour les expositions temporaires.

Cette expérience, toujours en cours, est cependant intéressante ; j’ignore si elle aura une suite et si d’autres musées s’en inspireront. Ses promoteurs assurent qu’elle a provoqué une augmentation de la fréquentation des musées et des expositions locaux – que ses détracteurs estiment insuffisante. Il faudra dresser un bilan complet dans un an.

Il existe d’autre part des musées déconcentrés « en dur » : le Centre Pompidou-Metz et le Louvre-Lens – dont la région Nord-Pas-de-Calais attend avec impatience l’ouverture. Il ne s’agit pas à proprement parler de nouveaux musées, mais de la présentation dans de nouvelles structures d’une partie des collections nationales. Toutefois, un pourcentage important, de l’ordre de 10 %, de la population du bassin minier déclare ne pas souhaiter aller au Louvre-Lens, tout en pensant que c’est une bonne chose pour leurs enfants. Il y a donc un travail énorme de pédagogie, de médiation culturelle et de communication à mener pour abattre cette barrière psychologique.

Le rapport de la Cour des comptes de 2011 sur les musées nationaux soulignait que 26 des 37 musées nationaux se trouvaient en Ile-de-France. Toutefois, étant donné leur coût, ces expériences de démocratisation culturelle ne pourront pas être étendues à toute la France : le budget total de l’opération du Centre Pompidou-Metz s’élève ainsi à près de 70 millions d’euros. Il faudra là aussi dresser un bilan dans les années à venir.

J’en termine en vous demandant d’émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 175.

M. le président Patrick Bloche. Je remercie les deux rapporteurs pour leurs présentations, qui s’avèrent complémentaires. À travers l’enseignement de l’histoire des arts, on s’attache en effet à créer un désir, sans lequel aucune politique publique de démocratisation culturelle, notamment tarifaire, ne peut donner de fruit, que ce soit à l’échelle de l’État ou à celle des collectivités territoriales – 75 % du financement public de la culture étant désormais assuré par les collectivités territoriales.

Ainsi, la gratuité des expositions permanentes mise en œuvre depuis une dizaine d’années par la Ville de Paris provoque indéniablement un effet d’aubaine ; ce type de mesure touche d’abord le public habituel des institutions culturelles, et non les personnes qui en sont éloignées. Pour éviter cela, il importe de susciter l’envie de culture dès les années de formation.

Mme Françoise Dumas. Si le ministère de la culture et de la communication participe bien à l’effort de redressement des finances publiques, on ne peut que se féliciter de la priorité accordée par le gouvernement aux actions culturelles structurantes. Il nous faut sauvegarder, protéger, mettre en valeur notre patrimoine culturel dans toutes ses composantes et, surtout, le rendre accessible à tous. De ce fait, nous saluons le progrès que constitue la budgétisation de la gratuité d’accès aux collections permanentes – ce que n’avait pas fait la précédente majorité.

La politique patrimoniale pour 2013-2015 se déploie autour de deux grandes orientations que le groupe SRC soutient.

Il s’agit tout d’abord de conforter le patrimoine dans ses missions fondamentales. Cette année verra ainsi l’achèvement de plusieurs grands projets, dont le nouveau centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille, la réouverture à Paris du musée Picasso rénové, l’installation à Charenton de la médiathèque de l’architecture et du patrimoine et la rénovation de plusieurs centres d’archives départementaux et communaux, tandis que les moyens des services à compétence nationale seront maintenus.

S’agissant de l’entretien et de la restauration des monuments historiques, actions capitales pour développer le tourisme et l’activité économique dans les territoires, le Gouvernement souhaite consolider l’emploi dans les PME travaillant pour ce secteur, grâce au maintien des autorisations d’engagement au même niveau qu’en 2012, soit 322 millions d’euros ; plus des deux tiers seront exécutées en région. Seront également maintenus, pour une dépense totale de 149 millions d’euros, plusieurs dispositifs fiscaux, dont le dispositif « Malraux » et les aides accordées aux propriétaires pour protéger le patrimoine culturel. Cela montre l’engagement fort du ministère aux côtés des acteurs du patrimoine.

Je salue également la progression de 75 % des crédits de fonctionnement consacrés à l’attribution du label « Ville ou Pays d’art et d’histoire » (VPAH), ainsi que le financement de la politique de l’archéologie via les opérations programmées, dont les crédits sont augmentés.

La promotion de la qualité architecturale tient une place importante dans le programme. L’enjeu est de faire émerger une véritable culture architecturale, grâce à la poursuite d’événements tels que le grand prix national d’architecture, à la relance du label « Patrimoine du XXe siècle » et à la sensibilisation du public scolaire par des actions ponctuelles. Nous ne pouvons que partager cette préoccupation.

La seconde orientation est de renouer avec l’accompagnement du développement économique et culturel. Le poids économique de la culture est largement sous-estimé : 157 000 entreprises et 700 000 salariés ont contribué à produire 28,7 milliards d’euros de valeur ajoutée en 2010. Il s’agit d’un secteur essentiel pour l’économie de notre pays. La fréquentation de nos musées, la qualité de nos festivals, la diversité de notre patrimoine et de notre création sont autant de sources d’innovation et de croissance, et de facteurs d’attractivité touristique pour les territoires. Aux côtés de la promotion de la diversité et de l’accessibilité des œuvres et du patrimoine, l’accompagnement du développement est une des missions fondatrices du ministère ; il faut persévérer dans cette voie malgré la crise.

Il convient pour finir de rappeler l’héritage du précédent gouvernement. Nombre de projets n’avaient été ni très bien conçus, ni budgétés. Comme il fallait réaliser 1 milliard d’économies sur les trois prochaines années, il était juste de permettre aux seuls projets budgétés de voir le jour. Même si les crédits du patrimoine sont en baisse, afin de participer à l’effort général, il n’y a ni victimes, ni perdants, et les missions fondamentales du ministère sont préservées. Tout démontre qu’il existe une véritable ambition pour le patrimoine en France.

En 2013 sera présentée la grande loi d’orientation sur le patrimoine ; en attendant, le groupe SRC soutiendra ce projet de budget à la fois rassurant et combatif.

M. Michel Herbillon. Je remercie Mme Colette Langlade d’avoir rappelé que la précédente majorité, tant vilipendée par les collègues de son groupe, a institué l’enseignement artistique obligatoire. À M. Gérald Darmanin – dont j’ai apprécié le rapport –, je voudrais, étant membre du conseil d’administration du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, confirmer que le Centre Pompidou mobile est une expérience particulièrement intéressante ; son arrivée constitue un événement artistique et culturel important, notamment pour les jeunes, les scolaires et les publics qui ne fréquentent pas habituellement les musées. Il conviendra d’en faire le bilan après une année d’expérience, mais il semble que ce musée mobile provoque une augmentation non seulement de la fréquentation des musées en province, mais aussi du Centre Pompidou à Paris – les visiteurs désirant prolonger ce premier contact avec les œuvres à l’occasion d’une venue à Paris.

Le groupe UMP ne votera pas le projet de budget, qui présente un recul historique, inédit depuis le début de la Ve République. Lorsque le candidat Hollande avait promis que le budget de la culture serait sanctuarisé, préservé et protégé, nous n’avions pas compris que cela se traduirait par une baisse de plus de 4 % de ses crédits ! Mme Martine Aubry, alors première secrétaire du parti socialiste, avait même proposé d’augmenter le budget de la culture de 50 % sur 5 ans : on est loin du compte ! Quant à Mme Aurélie Filippetti, elle affirmait que le budget de la culture était le disque dur de la politique : force est de constater que celui-ci a été écrasé… La rumeur qui s’élève des rangs de la majorité prouve que j’ai touché juste ! Et si la mémoire était restée dans l’ordinateur, nul doute que Mme Filippetti aurait rappelé que nous, nous avons, même en temps de crise, non seulement préservé et maintenu, mais augmenté le budget de la culture !

Lundi, la ministre a d’ailleurs avoué qu’elle aurait besoin du soutien des parlementaires pour les prochains budgets : comment mieux faire comprendre que le budget en baisse de cette année n’est que le premier d’une longue série ?

La liste des projets abandonnés est impressionnante : abandonné, le projet de maison de l’histoire de France ; annulé, le projet de musée de la photographie à Paris ; enterré, le projet de centre de réserve et de restauration à Cergy-Pontoise ; abandonnée, la nouvelle salle de la Comédie française ; annulée, la contribution de l’État à Lascaux IV ; enterré, le projet de Centre national de la musique ; en sursis, le projet de tour Médicis à Clichy-Montfermeil ; ajournée, l’exposition Monumenta. Ajoutons à cela les réductions budgétaires au Palais de Tokyo, qui remettent en cause son programme et jusqu’à son ambition.

Même s’il est normal que le budget de la culture participe au redressement des finances publiques, tout ne peut pas être mis sur le compte de la crise – et il semble difficile d’utiliser la sempiternelle ritournelle de « l’héritage », puisqu’en l’espèce la précédente majorité avait accru le budget ! Tout ce qui reste, ce sont des projets qui avaient été lancés par le précédent gouvernement et que vous ne pouviez pas annuler : le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille, le nouveau centre des archives nationales à Pierrefitte, la Philharmonie de Paris, la poursuite du plan musées en régions, la gratuité de l’accès aux musées pour les jeunes, la rénovation du musée Picasso, l’installation de la médiathèque de l’architecture et du patrimoine à Charenton. En vérité, la culture ne fait pas partie des priorités du Président de la République et du Gouvernement ; force est de constater que le ministère de la culture a été transféré à Bercy, au ministère du budget !

Les crédits du patrimoine diminuent de 10 %. Cette baisse va toucher presque tous les secteurs culturels : les crédits dédiés à la création et au spectacle vivant sont réduits ; la ministre annonce une grande loi sur le patrimoine, mais elle commence par baisser ses crédits de 10 % ; quant aux crédits d’acquisition des musées, ils seront réduits de 50 à 60 % en 2013. Voilà le bilan que l’on peut dresser du premier budget de la culture du nouveau quinquennat : cela n’augure rien de bon !

Le groupe UMP s’opposera donc à ce budget, qui marque un recul sans précédent de l’action de l’État en faveur de la culture. Le pessimisme gagne d’ailleurs tous les acteurs et tous les amoureux de la culture. On peine à distinguer un quelconque projet. L’annulation des projets et la réduction des crédits budgétaires ne font pas une politique culturelle !

Mme Isabelle Attard. S’agissant du programme « Création », le groupe Écologiste apprécie la légère augmentation des crédits déconcentrés de fonctionnement, qui passent de 279 à 283 millions d’euros. Le soutien ainsi apporté aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) nous paraît essentiel pour favoriser l’accès à la culture en régions.

D’autre part, la hausse des moyens dédiés au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » démontre le respect des engagements pris par le Président de la République en matière d’éducation artistique et culturelle de la jeunesse. Notons néanmoins que les échanges en cours entre le gouvernement et la Commission européenne sur la validité juridique de la réforme de la taxe sur les services de télévision, la « TST distributeurs », sont susceptibles de modifier considérablement les prévisions de recettes du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ; nous demandons donc au gouvernement de réfléchir à un aménagement de cette taxe, dont la légitimité est contestable.

S’agissant du programme « Patrimoines », en tant qu’ancienne directrice de musée, je reconnais l’importance du débat sur la gratuité que M. Gérald Darmanin a choisi comme thème de son rapport. L’exemple du musée national de Copenhague montre les limites de la gratuité totale : après un pic de fréquentation dû à l’effet de nouveauté et aux opérations de communication, les curieux sont rentrés chez eux ; seuls les habitués sont revenus. Le bilan de l’opération est une perte sèche pour le musée, sans accroissement de la fréquentation sur le long terme.

Le précédent gouvernement a accordé en 2009 la gratuité d’accès aux collections permanentes des musées et monuments nationaux pour les jeunes de 18 à 25 ans, ressortissants de l’Union européenne ou résidants réguliers sur le territoire, ainsi qu’aux enseignants. Cette décision a été imposée par l’Union européenne : si les seuls étudiants français avaient bénéficié de la gratuité d’accès, la France aurait encouru le paiement d’une amende, car cette mesure aurait été jugée discriminatoire à l’égard des autres étudiants de l’Union européenne - l’Espagne et l’Italie en ont d’ailleurs fait les frais. Nous n’avions donc pas le choix. Quant à la décision d’élargir cette gratuité à tous les jeunes de 18 à 25 ans – qui est une bonne chose –, elle visait seulement à faciliter les opérations de billetterie.

La mesure a certes provoqué un manque à gagner pour les musées, mais il faut aussi tenir compte des recettes indirectes qu’elle a engendrées. Ainsi, les visiteurs étrangers ont profité de l’économie sur le billet d’entrée pour acheter des produits dérivés. De ce fait, il serait peut-être bon d’évaluer régulièrement le montant de la compensation versée par l’État, afin de vérifier qu’elle n’est pas excessive.

Si les subventions accordées aux budgets d’acquisition des musées diminuent, il convient d’examiner l’enveloppe globale consacrée aux acquisitions par chaque musée, car les subventions de l’État ne représentent qu’une faible part de celle-ci, comparativement au mécénat et aux donations. La baisse des subventions est donc loin d’être aussi catastrophique que les collègues de l’opposition le disent.

Les ressources propres des musées sont en baisse : nous aimerions en connaître les raisons. Les produits dérivés et les services annexes nous paraissent des outils pertinents pour compenser cette diminution.

En conclusion, je remercie, au nom du groupe Écologiste, les rapporteurs pour leur travail. Nous voterons en faveur du projet de budget.

M. Rudy Salles. Je ne prends pas la parole pour répéter au nom du groupe UDI ce qu’a brillamment dit M. Michel Herbillon mais pour inviter chacun à un minimum d’honnêteté intellectuelle. On ne peut à la fois critiquer les projets lancés et financés par l’ancienne majorité et se féliciter des inaugurations qui, en 2012 et en 2013, en marqueront l’aboutissement ! Au long de la précédente mandature, l’opposition d’alors s’insurgeait contre toute baisse des crédits, aussi insignifiante soit-elle ; maintenant, si l’on en croit la représentante du groupe écologiste, la réduction du budget annoncée serait tout à fait raisonnable. Ce n’est pas sérieux. Dois-je vous rappeler certaines promesses de la campagne électorale ? Sans même parler cette fois de la TVA, qui n’a entendu Mme Martine Aubry, alors première secrétaire du parti socialiste, expliquer que si la gauche l’emportait, les crédits de la culture augmenteraient de moitié ? Cet argument qui avait de quoi faire rêver a dû inciter certaines personnes particulièrement attachées à la culture à voter pour M. Hollande. Ces électeurs savent maintenant à quoi s’en tenir : c’était une escroquerie intellectuelle.

En particulier, la réduction de 10 % des crédits du programme « Patrimoines » est une catastrophe pour notre patrimoine culturel et pour l’attrait touristique de notre pays. Mme Françoise Dumas peut bien se féliciter des crédits du ministère de la culture, le département du Gard, dont le patrimoine est très important, saura apprécier cette baisse. Enfin, le budget marque la résurgence du parisianisme ; les régions sont oubliées, et nous le regrettons. Bien entendu, le groupe UDI votera contre ce budget.

M. Thierry Braillard. Monsieur Salles, il est facile mais vain de reprendre à la volée des phrases dites un jour car il en est de toutes sortes : hier soir, des amis ont ainsi cité devant moi Nicolas Sarkozy se disant extrêmement favorable au vote des étrangers… À monsieur Herbillon, qui nous a expliqué que le gouvernement précédent a maintenu et même augmenté le budget de la culture en temps de crise, j’aimerais rappeler que ce même gouvernement a aussi porté le déficit public à 700 milliards d’euros, laissant le pays dans une situation inextricable. D’évidence, des mesures devaient être prises, qui se traduisent dans ce budget.

Je félicite les deux rapporteurs, Mme Colette Langlade en premier lieu, M. Gérald Darmanin ensuite, bien que la première partie de son rapport m’ait un peu agacé. Le groupe RRDP votera ce budget. Il nous paraît être un budget de sagesse puisque tous les crédits alloués aux organismes de création artistique sont maintenus et que le programme « Transmission des savoirs » augmente de 1 %. S’agissant du budget consacré aux acquisitions, mon opinion diffère radicalement de celle de M. Malek Boutih qui, dans le rapport qu’il nous a présenté hier, préconise l’abandon du mécénat d’entreprise. Il est heureux que le mécénat d’entreprise existe ; sans cela, de nombreux musées ne pourraient enrichir leurs collections d’aucune pièce. Je conclurai en suggérant au président de notre Commission d’organiser l’audition des responsables de Marseille-Provence capitale européenne de la culture afin de connaître la programmation qu’ils ont envisagée.

Mme Sophie Dessus. Le budget de la culture est guidé par le terrible principe de réalité. Oui, il baisse de 2 % ; mais quand un pays est en crise, la solidarité n’est-elle pas le premier des devoirs, la seule manière de faire que, demain, se lèvent des jours meilleurs ? Il est vrai aussi que le ministère pourra difficilement supporter un tel effort une année supplémentaire. Nonobstant l’effort demandé, ce budget traduit un projet politique réel, une volonté d’ouverture et de démocratisation de l’accès à la culture et au patrimoine. Des priorités sont affirmées, et pour commencer celle de rendre indissociables culture et jeunesse. Priorité est aussi donnée à la formation et à la transmission des savoir-faire, à l’équilibre entre patrimoine et création – la création n’est-elle pas le patrimoine de demain ? -, à la préservation de l’exception culturelle, et aussi, quoique l’on ait pu dire, à la politique d’aménagement du territoire en matière culturelle, en concertation avec les collectivités territoriales. Priorité, enfin, aux publics les plus éloignés, géographiquement et sociologiquement, de la culture, afin que les exclus d’aujourd’hui en deviennent non seulement des consommateurs mais des protecteurs, des passeurs et des acteurs.

Oui, donc, à la culture pour tous et partout, oui à la volonté exprimée par la ministre, aux orientations qu’elle a définies, à une vision de la culture que l’on attendait.

Et parce que je n’aime pas savoir les hommes malheureux, je ne conclurai pas sans rassurer M. Michel Herbillon. Ce budget ne traduit pas un recul : la force de la ministre est d’avoir, avec moins, su faire non seulement plus mais mieux ; je l’en remercie.

Mme Annie Genevard. Le rapport de Mme Colette Langlade fait état d’un bilan « mitigé » en matière d’enseignement obligatoire d’histoire des arts, mais j’ai eu le sentiment d’entendre une présentation à charge. Chacun, pourtant – et la rapporteure pour avis elle-même –, souhaite la perpétuation de cet enseignement qui, parce qu’il est de création récente, doit encore se roder. Il m’aurait plu que la rapporteure insistât sur le caractère novateur de la démarche entreprise. Mais, vous l’avez dit, madame, beaucoup tient à l’engagement des enseignants, qu’il faut donc stimuler. Beaucoup dépend aussi de l’implication des collectivités territoriales, dont le président de la Commission a rappelé qu’elles financent à 75 % les dépenses culturelles par le biais des fonds régionaux d’art contemporain – les FRAC –, des contrats locaux d’éducation artistique, et en organisant des expositions qui peuvent servir de support pédagogique aux enseignants. À la fin de votre rapport, vous évoquez, madame Langlade, plusieurs pistes d’amélioration possibles ; quelles sont-elles ?

À propos du programme « Patrimoines », j’appelle l’attention sur le fait que 3 000 des quelque 15 000 monuments classés sont en grand péril. Pour la plupart, ils sont situés dans de petites communes désargentées, et beaucoup appartiennent à des propriétaires privés. J’aimerais connaître l’opinion de M. Gérald Darmanin sur la proposition d’un sénateur tendant à permettre à l’État de vérifier que l’acquéreur potentiel d’un bâtiment classé a les moyens d’en assurer la restauration. Dans un autre domaine, comment conserver la mémoire des grandes filières industrielles aujourd’hui à peu près disparues ?

Mme Marie-Odile Bouillé. L’histoire de l’art est une discipline en soi. Elle ne peut être confondue avec l’éducation artistique et culturelle, qui implique des rencontres avec les artistes, l’art contemporain et le patrimoine par le biais d’une médiation entre les œuvres et les élèves. Au cours de la précédente législature, l’histoire de l’art a été valorisée ; pourtant, les deux enseignements sont nécessaires parce que complémentaires et aucun ne doit être privilégié. Les élèves doivent sortir de leurs classes pour se frotter aux arts ; je souhaite que le ministère de l’éducation nationale et celui de la culture y travaillent conjointement, de manière que les enfants aient le plus de contacts possibles avec œuvres et créateurs.

M. François de Mazières. Que des projets aient été lancés par une précédente majorité montre que la culture n’est jamais ni de gauche ni de droite. Un changement s’est cependant produit ces dernières années, en raison, notamment, de la consultation internationale relative au projet « Grand Paris ». J’en ai été témoin dans mes anciennes fonctions de président de la Cité de l’architecture et du patrimoine, l’intérêt porté à l’architecture et à l’urbanisme s’est amplifié, et tout ce qui a été évoqué à ce sujet existe depuis plusieurs années déjà.

Parce que, chacun le sait, toute rupture dans les crédits de paiement a des répercussions pendant plusieurs années, la baisse des crédits du programme « Patrimoines » est inquiétante. Toutes convictions politiques confondues, nous devons mettre le gouvernement en garde. Des crédits suffisants doivent être consacrés au patrimoine ; il en va de l’emploi, des savoir-faire et de la préservation de la richesse patrimoniale de la France.

En matière de transmission des savoirs, la réforme de 2008, difficilement imposée, est un acquis, et le rapport de Mme Colette Langlade est en effet trop à charge. Quelles propositions permettraient d’améliorer ce qui peut l’être ? Actuellement, dans le premier degré, l’enseignement artistique dépend essentiellement de la bonne volonté des enseignants et, pour ce qui est des rencontres avec les artistes, de l’implication des collectivités territoriales ; le risque est que toute la charge finisse par reposer sur elles, qui n’en peuvent plus. La gratuité de l’accès aux musées a permis aux institutions d’accueillir de nouveaux publics, je l’ai constaté. Mais, là encore, il faut un professeur passionné. Comment généraliser cette médiation ?

Enfin, M. Gérald Darmanin a justement souligné les efforts qui ont été faits en faveur de la déconcentration. Bien des musées de province ont des richesses extraordinaires ignorées, qui devraient être durablement mises en valeur.

M. Marcel Rogemont. Le débat sur la gratuité de l’accès des jeunes de moins de 26 ans au musée est loin d’être tranché. M. Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre, m’avait ainsi indiqué qu’en utilisant différemment les ressources allouées à cette fin il pourrait accueillir au Louvre trois fois plus de classes que le musée n’en accueille actuellement. Autant dire que la gratuité n’est pas forcément la meilleure solution pour démocratiser l’accès aux collections.

L’enseignement de l’histoire des arts n’est qu’un avatar des engagements de M. Nicolas Sarkozy, qui portaient sur les pratiques. Il est temps d’en revenir à l’essentiel, l’ouverture que permet l’éducation artistique et culturelle, en se fondant sur le plan Tasca-Lang de développement des arts à l’école.

Je salue enfin le courage des décisions prises par le Gouvernement à propos des investissements projetés dont M. Michel Herbillon a dressé la liste. Ces investissements représenteraient les charges de fonctionnement de demain, pour des budgets contraints. Je rends hommage à la ministre, qui a sanctuarisé le programme « Création », comme il le fallait.

Mme Dominique Nachury. Il est vrai que vouloir assurer l’enseignement transversal de l’histoire des arts, des sciences et des technologies est un programme très ambitieux et compliqué à mettre en œuvre. Quelles pistes, madame Langlade, devraient être explorées en priorité ? Monsieur Darmanin, vous recommandez la conduite d’études visant à évaluer les politiques de gratuité d’accès aux monuments et musées nationaux ; la gratuité est-elle, selon vous, une condition suffisante pour permettre l’accès à la culture au plus grand nombre ?

Mme Martine Martinel. Le budget de la culture participe à l’effort national de réduction des dépenses mais j’observe que notre patrimoine littéraire, dont La Princesse de Clèves, n’est pas menacé… Plus sérieusement, Mme Colette Langlade a fait état, à propos de l’enseignement obligatoire de l’histoire des arts, d’un projet « ambitieux » mais à la définition « laborieuse » et d’application difficile ; qu’en est-il plus précisément ? Pour sa part, M. Gérald Darmanin souhaite subordonner l’octroi des aides à la création accordées par le ministère de la culture aux artistes à l’obligation pour ces derniers de participer à des actions de médiation culturelle ; quelle forme prendrait cette obligation ?

M. Patrick Hetzel. Dans le dossier de presse qu’il a diffusé, le ministère du budget affirme que la politique d’investissement de l’État en matière culturelle sera rééquilibrée en faveur des régions. L’intention est louable, mais la lecture des documents budgétaires fait sérieusement douter de sa mise en œuvre. Les rapporteurs pourraient-ils nous indiquer quels leviers traduisent cette orientation ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Des moyens supplémentaires sont alloués à l’éducation artistique et culturelle, priorité nationale ; je m’en réjouis. Elle demande que, hors temps scolaire, des partenariats soient noués avec les collectivités territoriales et les autres acteurs concernés, ce qui permettrait de décloisonner les dispositifs et de favoriser l’accès des jeunes à l’art, singulièrement à l’art contemporain. Cette approche serait d’un intérêt particulier pour les territoires ruraux, à partir desquels l’accès aux collections permanentes est très compliqué – la préparation de telles sorties mobilise couramment les enseignants pendant un an.

La nécessité d’approfondir et de formaliser la notion de « parcours » a également été évoquée, pour favoriser la concertation entre tous les acteurs d’un territoire. Cette démarche a donné lieu à la création d’un groupe de travail et au lancement d’une expérimentation dans sept régions en 2012 ; certaines conclusions sont-elles déjà connues ?

M. Paul Salen. Ce budget présente des incohérences dont la moindre n’est pas que l’on dit souhaiter favoriser l’accès à la culture tout en définissant une politique frileuse. Le gouvernement axe sa communication sur la jeunesse. Certes, les crédits des écoles d’art augmentent de 6 millions d’euros, mais le plan d’éducation artistique et culturelle destiné à favoriser l’accès des jeunes à la culture, qui devait être financé à hauteur de 15 millions d’euros d’ici 2015, dont 3 millions en 2013, n’est pas défini ; qu’en penser ? Sur le fond, comment soutiendra-t-on la création dans les années à venir si le budget de la culture pour 2013 et les suivants sont en baisse ?

M. William Dumas. L’établissement public de coopération culturelle du Pont du Gard, que je préside, reçoit chaque année plus de 1,3 million de visiteurs, dont 40 000 élèves. Il dispose d’une salle d’exposition de 700 m². Nous y présentons en ce moment une exposition de culture scientifique itinérante intitulée « Ma terre première pour construire demain », fruit du partenariat noué avec la Cité des sciences et de l’industrie. Je prendrai langue avec le Centre Pompidou mobile pour envisager la signature d’une convention entre nos deux institutions.

M. Guénhaël Huet. Le budget qui nous est présenté ne peut que susciter des craintes supplémentaires sur l’évolution des crédits déconcentrés, dont l’expérience montre qu’ils subissent l’essentiel de la baisse lorsque les crédits d’un ministère diminuent. Dans ma circonscription, une église doit être rénovée. La dépense prévue est de 2 millions d’euros, et la part de l’État devait être comprise entre 65 000 et 70 000 euros ; qu’en sera-t-il maintenant ? Plus généralement, quelle sera l’évolution des crédits déconcentrés ?

Ma seconde observation n’a pas trait au budget mais au rôle, souvent critiqué par les élus locaux, des architectes des Bâtiments de France. « Heureusement qu’ils sont là », viens-je d’entendre dire dans la salle. Certes, mais ils font souvent preuve d’un interventionnisme qui empêche les collectivités locales de mener à bien certains projets. Un équilibre doit être trouvé entre leur interventionnisme et la liberté d’agir des collectivités.

Mme Colette Langlade, rapporteure pour avis. Je ne retiendrai de ce qui a été dit sur le budget que les aspects positifs : la volonté d’ouverture, le respect des engagements du Président de la République, le recentrage sur l’humain et la jeunesse. Lundi dernier encore, devant la commission élargie, la ministre a réaffirmé la mise en œuvre, dans le cadre du débat sur la refondation de l’école lancé par le ministre de l’éducation nationale, d’une démarche partenariale et interministérielle en vue de généraliser l’éducation artistique et culturelle.

Que celles et ceux qui s’interrogent se rassurent : comme je l’ai indiqué devant la commission élargie, l’éducation artistique et culturelle bénéficiera de 2,5 millions supplémentaires en 2013, puis de 5 millions en 2014 et de 7,5 millions en 2015.

Monsieur Herbillon, le financement de l’État prévu pour le projet Lascaux IV, un temps menacé, a été confirmé.

La mise en œuvre de l’enseignement obligatoire d’histoire des arts a été laborieuse en raison du manque de formation des enseignants. Pour surmonter ces difficultés, le rapport indique les pistes à privilégier. Il conviendrait d’améliorer la formation initiale des enseignants en introduisant l’histoire de l’art dans le programme des masters professionnels ; de suivre l’une des préconisations du rapport de la concertation sur l’avenir de l’école tendant à regrouper les horaires pour offrir des plages plus longues d’éducation artistique et culturelle ; de repenser la formation pédagogique au sein des établissements ; de favoriser une plus grande concertation avec les directeurs d’académie et les recteurs ; de renforcer les partenariats avec les collectivités territoriales.

Le rééquilibrage en faveur des régions est une réalité : pour ne citer qu’un seul exemple, les crédits déconcentrés de fonctionnement inscrits au programme 131 en faveur du spectacle vivant s’élèveront à 283 millions d’euros en 2013 contre 279 millions en 2012.

Il est indispensable que tous les établissements, de l’école au lycée, continuent de s’approprier l’enseignement artistique pour garantir l’égal accès de tous les enfants à la culture, sur l’ensemble de nos territoires, ruraux et urbains.

M. Gérald Darmanin, rapporteur pour avis. Madame Dumas, ce que vous avez dit de la compensation de la gratuité d’accès aux musées n’est pas exact. Non seulement elle a toujours été faite mais, dans son rapport thématique de 2011, la Cour des comptes indiquait qu’étant donné l’incertitude sur la perte de recettes réelle, il y a eu une surcompensation de 11,3 millions d’euros en 2010. Le trop perçu n’a pas été récupéré, un accord étant trouvé dans certains cas pour que les sommes considérées soient utilisées par certains musées, dont le Louvre, pour réaliser des travaux sans abondement par l’État de sa subvention.

L’exemple que vous avez donné, madame Attard, du musée national de Copenhague incite à s’interroger sur l’impact de la gratuité sur la structure des publics, une fois passée la curiosité initiale. Pour moi, la question de fond est celle de la communication et, plus précisément, des publics ciblés par la communication relative à la gratuité : si l’on ne s’adresse qu’à ceux qui vont habituellement au musée, on ne suscite qu’un effet d’aubaine. Il faut viser les publics éloignés de la culture, et favoriser la médiation des professeurs. C’est pourquoi, vous l’aurez lu, je recommande à la ministre de la culture de fixer aux présidents des grands musées nationaux des objectifs de démocratisation des publics plus précis.

M. François de Mazières, M. Patrick Hetzel et M. Gwenhaël Huet se sont inquiétés à juste titre de la baisse des crédits de restauration. Elle est de 13 % pour les monuments historiques appartenant à l’État et de 11 % pour ceux qui ne lui appartiennent pas.

Vous m’avez interrogé, madame Genevard, sur la proposition d’un sénateur tendant à ce que l’État contrôle la capacité financière d’un acquéreur potentiel de monument classé à l’entretenir. Le sujet est compliqué. L’État détient 4 % des 14 000 monuments classés et des 27 000 monuments inscrits ; les communes en possèdent 44 %, les autres collectivités publiques 6 % et les propriétaires privés 46 %. Étant donné cette répartition, si, faute de ressources suffisantes, des communes se délestent de monuments classés ou inscrits et que des personnes privées les reprennent, il faudra leur faire confiance. Outre que les personnes privées, bien souvent, restaurent formidablement leurs propriétés, je ne suis pas certain que les crédits existent pour aider à la restauration de ces bâtiments.

Comme vous, monsieur Hetzel, je me suis étonné du décalage entre les affirmations contenues dans le dossier de presse du ministère du budget et des documents budgétaires qui, selon moi, traduisent bien davantage une répartition de la pénurie qu’une ventilation de crédits supplémentaires.

Je recommande, madame Martinel, que les créateurs aidés par l’État offrent quelques heures de médiation au bénéfice des publics éloignés des pratiques artistiques et culturelles. J’ai fait cette proposition au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, qui aide beaucoup les artistes locaux et dont la majorité est d’une autre sensibilité politique que la mienne ; elle a été acceptée et généralisée. Ainsi, chaque troupe subventionnée pour se rendre au festival d’Avignon a fait cinq représentations gratuites dans des lycées, des écoles ou des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Tel est le sens de ma proposition.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2013 de la mission « Culture ».

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Direction générale des patrimoines du ministère de la culture – Mme Marie-Christine Labourdette, directrice des musées de France, M. Kevin Riffault, adjoint au sous-directeur de la politique des musées, Mme Jacqueline Eidelman, chef du département des publics, et M. Bruno Saunier, sous-directeur des collections

Ø M. Didier Rykner, fondateur de la revue en ligne La tribune de l’art

Ø Centre des monuments nationaux – M. Philippe Belaval, président, et Mme Bénédicte Lefeuvre, directrice générale

Ø Direction des Affaires culturelles de la Ville de Paris – M. François Brouat, directeur des affaires culturelles

Ø Centre national d'art et de culture Georges Pompidou – M. Alain Seban, président, Mme Agnès Saal, directrice générale, et M. Donald Jenkins, directeur des publics

Ø Musée du Louvre – M. Hervé Barbaret, administrateur général, et Mme Catherine Guillou, direction politique des publics et éducation artistique

Ø Musée du Quai Branly – M. Stéphane Martin, président, M. Karim Mouttalib, directeur général délégué, Mme Nathalie Mercier, directeur de la communication, et M. Fabrice Casadebaig, directeur des publics

Ø Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) – M. Régis Bigot, responsable du département conditions de vie et aspirations des Français

Ø Mme Françoise Benhamou, spécialiste de l’économie de la culture

Le rapporteur a également reçu une contribution écrite de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture.

© Assemblée nationale

1 () Rappelons que sur les 14 000 monuments classés et les 27 000 monuments inscrits, l’État ne détient que 4 % des édifices protégés, les communes 44 %, notamment les églises construites avant 1905, les propriétaires privés 46 %, les 6 % restants revenant aux autres collectivités publiques.

2 () Notons que la compensation de la politique de gratuité pour les jeunes dans les musées et monuments nationaux est inscrite au PLF 2013 à hauteur de 18 millions d’euros, alors que, les années précédentes, elle était financée par dégel des crédits du programme en cours de gestion.

3 () Notons que les crédits en faveur de l’Institut national de recherches archéologiques préventives sont inscrits au titre du programme interministériel 186 « Recherche culturelle et culture scientifique ».

4 () « Aller au musée, un vrai plaisir, mais une attente de convivialité et de pédagogie », CREDOC, juillet 2006.

5 () La visite des musées, des expositions et de monuments, étude pour la Direction générale des patrimoines.

6 () La gratuité au bois dormant... cinq ans de gratuité du dimanche au Louvre, 1996-2000, C. Fourteau, Musée du Louvre, service culturel.

7 () La gratuité dans les musées et monuments de France : quelques indicateurs de mobilisation des visiteurs, Jacqueline Eidelman, Benoit Céroux, DEPS, mars 2009.

8 () La nocturne gratuite, un bon plan pour les jeunes et pour les musées, Bruno Maresca, octobre 2008.

9 () La gratuité dans les musées et monuments de France : quelques indicateurs de mobilisation des visiteurs, Jacqueline Eidelman, Benoit Céroux, DEPS, mars 2009.

10 () La visite des musées, des expositions et de monuments, étude pour la Direction générale des patrimoines.

11 () Aller au musée, un vrai plaisir, mais une attente de convivialité et de pédagogie, juillet 2006.

12 () Interview de Jean-Jacques Aillagon par Nicolas Bastuck, Le Républicain lorrain, 30 avril 2010 (cité par le site « Louvre pour tous »).

13 () Cf. compte rendu de la commission élargie :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2013/commissions_elargies/cr/