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N° 252

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME VIII

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE

Par M. Patrick HETZEL,

Député.

___

Voir les numéros : 235, 251 (annexe n° 37).

INTRODUCTION 5

I.- UN BUDGET DE LA RECHERCHE PRÉSERVÉ ? 7

A. LES CRÉDITS « RECHERCHE » DE LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (MIRES) 7

1. Les grands axes de la répartition des crédits stabilisés 7

2. Mais une évolution interne et des baisses de moyens significatives 9

3. Les investissements d’avenir et leur gestion par l’Agence nationale de la recherche 14

B. L’AVENIR DES MULTIPLES OUTILS DONT EST DOTÉE LA RECHERCHE PUBLIQUE 16

1. Dix années de réformes : des structures et des outils de financement rénovés et diversifiés, articulant cadre régional et européen 16

2. Les opérateurs et les réformes 21

3. Quelles perspectives ? 25

II.- UN CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE RENFORCÉ ? 33

A. LES PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION 33

1. En dehors du crédit d’impôt recherche, des mesures fiscales diversifiées 33

2. Le crédit d’impôt recherche aujourd’hui 35

B. LE CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE, UN MODÈLE CONSENSUEL ? 38

1. L’appréciation de la mesure fiscale et les dépenses de R&D 38

2. Sécuriser le dispositif 41

TRAVAUX DE LA COMMISSION 45

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 45

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 45

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 61

INTRODUCTION

Les moyens des programmes et actions « Recherche » de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » sont un élément déterminant pour considérer un projet politique. Ils conditionnent en effet l’avenir intellectuel comme le soutien au développement économique de notre pays.

Le précédent gouvernement, s’inscrivant dans la continuité d’une orientation politique fixée dès le début des années 2000, a tenu les engagements de la loi de programme pour la recherche de 2006 comme du Programme des investissements d’avenir de 2010. Le projet de loi de finances pour 2013, défendu par la nouvelle majorité, présente un budget de la recherche préservé dans ses grandes lignes, la croissance des moyens de la recherche publique étant légèrement supérieure à 1,2 %. Mais cette apparente stabilité recouvre une évolution interne et des baisses de moyens significatives, touchant au premier chef l’Agence nationale de la recherche (ANR) mais aussi différents acteurs de la recherche dans le domaine de l’énergie ou de la recherche universitaire interdisciplinaire, qu’il convient d’analyser.

Cette fragilisation de l’ANR intervient alors que son rôle central dans le système français de recherche s’est confirmé dans sa gestion des investissements d’avenir, qui contribuent à redessiner le cadre de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, en le dotant de moyens exceptionnels.

Il est nécessaire, dès lors, de s’interroger sur le destin des multiples outils dont est dotée la recherche publique, en conséquence de dix années de réformes, tant en termes de structures que de financements, alors que se tiennent les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, décidées par le nouveau gouvernement. Elles se fixent le double objectif de donner une nouvelle ambition pour la recherche et de contribuer à la définition du nouveau paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le cadre budgétaire proposé pour 2013 semble, en effet, anticiper quelque peu sur les résultats de ses travaux ce qui n’est pas très cohérent et surtout tendrait à montrer que les conclusions des Assises seraient déjà prêtes.

Cette réorientation plus ou moins discrète de l’intervention publique semble toucher également des opérateurs comme l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). Il serait sans doute plus opportun de s’interroger sur l’adaptation des structures actuelles de nos établissements publics de recherche, notamment au regard du droit européen.

Notre pays dispose, sous une forme renforcée depuis 2008, d’un instrument de soutien à la recherche en entreprise particulièrement performant, le crédit d’impôt recherche (CIR). Il est la dépense fiscale la plus appréciée de la mission interministérielle, qui en compte pourtant un assez grand nombre dont l’examen n’est pas inutile. Le consensus dont bénéficie le CIR dans les cercles tant politiques qu’économiques se traduit, dans le projet de loi de finances pour 2013, par des propositions de modifications qui ne remettent pas en cause l’essentiel de la mesure, mais dont les conséquences semblent en contradiction avec l’objectif qu’elles sont censées poursuivre. Il convient par conséquent de les réexaminer afin de conserver à cet outil majeur de soutien à la recherche et à l’innovation en entreprise toute son efficacité.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, ce pourcentage était de 75 %.

I.- UN BUDGET DE LA RECHERCHE PRÉSERVÉ ?

A. LES CRÉDITS « RECHERCHE » DE LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (MIRES)

1. Les grands axes de la répartition des crédits stabilisés

Si, en apparence, le volet budgétaire « recherche » de la MIRES est maintenu dans ses grandes lignes dans le projet de loi de finances pour 2013, il convient cependant d’en examiner un peu plus finement les évolutions internes.

Cette simple stabilisation peut étonner, alors que l’ampleur de la crise économique rend plus que jamais nécessaire d’amplifier l’effort national de recherche et, s’agissant de la part publique de celui-ci, d’en soutenir la croissance. Les pays européens, dont certains connaissant des difficultés budgétaires plus grandes que la France n’ont pas hésité à défendre ce qui est la condition même de la reprise : les dépenses publiques en faveur de la recherche et du développement (R&D).

Le tableau suivant présente l’évolution des dépenses publiques de recherche depuis 2006 telles qu’elles sont définies par le périmètre « recherche » de la MIRES qui prolongeait ainsi, dans le cadre alors nouveau de l’application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le Budget civil de recherche et développement (BCRD).

Il situe dans sa continuité l’effort public de recherche rapporté au budget global de l’État. Il conviendra également de compléter cette présentation du financement public de la recherche dans la durée par celle des dépenses fiscales, dont la principale d’entre elle dans ce domaine : le crédit d’impôt recherche (CIR) qui fait l’objet de la deuxième partie de ce rapport.

 

Crédits de paiement (en millions d’euros)

 

LFI

LFI

LFI

LFI

LFI

LFI

LFI

PLF

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Dépenses du budget général de l’État

266 605

266 850

271 285

277 063

285 213

286 390

290 714

299 340

Montant du périmètre « recherche » de la MIRES*

11 445,59

11 690,62

13 311,00

13 194,08

13 439,46

14 087,27

13 894,23

14 068,08

Part du périmètre « recherche » de la MIRES rapportée au budget général de l’État

4,29 %

4,38 %

4,91 %

4,76 %

4,71 %

4,92 %

4,78 %

4,70 %

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le budget prévu pour 2013 s’inscrit dans la poursuite des programmations fixées par les lois de finances antérieures, et le cadre défini par la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche. Il ne présente donc pas de rupture significative avec les politiques menées dans ce domaine par les gouvernements précédents.

Le tableau suivant présente la répartition par programme du volet « recherche » de la MIRES :

Présentation des crédits « recherche » de la MIRES, par programme

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2012

Demandées pour 2013

Ouverts en LFI pour 2012

Demandés pour 2013

150 / Formations supérieures et recherche universitaire (actions recherche : 6 à 12)

3 743,974

3 775,797

3 743,974

3 775,797

172 / Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

5 121,883

5 166,763

5 121,883

5 166,763

187 / Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 250,149

1 281,772

1 250,149

1 281,772

193 / Recherche spatiale

1 398,540

1 413,022

1 398,540

1 413,022

190 / Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

1 423,342

1 418,488

1 352,342

1 380,488

192 / Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle (actions recherche : 2 et 3)

697,827

645,423

673,040

702,397

191 / Recherche duale (civile et militaire)

192,869

192,869

192,869

192,869

186 / Recherche culturelle et culture scientifique

123,464

115,833

124,071

118,833

142 / Enseignement supérieur et recherche agricoles (action recherche : 2)

37,365

36,137

37,365

36,137

Total des crédits recherche

13 989,413

14 046,104

13 894,233

14 068,078

Source : projet annuel de performances Recherche et enseignement supérieur pour 2013, structure courante.

Les crédits de paiement progressent de 1,25 % sur le périmètre « recherche » ainsi défini, mais la progression des autorisations d’engagement : 0,4 %, est plus faible. Il s’agit donc d’un budget maintenu, mais qui ne permet pas une quelconque dynamisation nouvelle des activités de la recherche publique.

L’impact du programme des investissements d’avenir, qui sera examiné plus loin, est certes à prendre en compte, il n’en demeure pas moins que l’ampleur de la crise économique actuelle implique des réponses déterminées en termes d’innovation, levier de la reprise, qui supposent une recherche mieux soutenue. En effet, tout le monde s’accorde à dire que la recherche est un important levier de développement de la compétitivité si celle-ci est bien coordonnée entre les différents acteurs concernés.

Enfin, dans les perspectives budgétaires étroites fixées par le projet de loi de finances, le maintien d’un taux réduit de réserve de précaution pour l’ensemble des organismes de recherche sera un critère essentiel pour juger de la volonté réaffirmée par le gouvernement de conserver à la recherche son rôle prépondérant dans la reprise de l’économie dans un cadre compétitif.

2. Mais une évolution interne et des baisses de moyens significatives

Sur ce budget globalement stabilisé, deux programmes connaissent une baisse des crédits de paiement et des autorisations d’engagement : le programme n° 142 « Enseignement supérieur et recherche agricole » pour son action « Recherche », et le programme n° 186 « Recherche culturelle et culture scientifique », qui relève du ministère de la culture et de la communication, décidément peu favorisé par les arbitrages budgétaires, dont en particulier l’action « Culture scientifique et technique », cette dernière portant le financement d’Universcience, qui regroupe sous forme d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), la Cité des sciences et le Palais de la découverte.

Mais à l’intérieur des programmes dont les moyens sont maintenus, des évolutions sont également significatives et tracent des réorientations qui ne sauraient satisfaire. Il en est ainsi du programme n° 190 « Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables », qui relève de la direction de la recherche et de l’innovation du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. L’action n° 15 « Charges nucléaires de long terme des installations du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) » connaît une hausse de ses crédits de 60 millions d’euros, il serait regrettable que cette mesure traduise une conclusion anticipée du Débat national sur la transition énergétique avant même qu’il ne se tienne, et propose déjà un cadre à la loi de programmation annoncée pour juin 2013. De plus, si les crédits appuyant le démantèlement des installations nucléaires augmentent, il est très difficile de comprendre pourquoi ceux affectés à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) diminuent quant à eux de 5,5 millions d’euros.

L’ancien BCRD était régulièrement critiqué pour n’être qu’une simple présentation comptable des crédits, ainsi artificiellement regroupés, de la recherche publique, il convient maintenant de s’interroger sur le rôle du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche dans l’animation de l’ensemble des programmes de la mission interministérielle qui prolonge le BCRD dans son volet « recherche ». La nouvelle présentation budgétaire devait être en effet la traduction d’une orientation politique cohérente dans le domaine de la recherche, associée à l’enseignement supérieur au sein d’une même mission dont la responsabilité est confiée au ministre qui en est le principal acteur. Il serait regrettable que les programmes ne relevant pas directement de sa tutelle ne bénéficient pas d’une même impulsion globale et ne soient pas également défendus ou traduisent des infléchissements qui semblent pour le moins contradictoires avec les lignes directrices fixées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Cependant, au-delà de ces infléchissements budgétaires touchant des programmes ne relevant pas de la tutelle directe du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’examen plus détaillé des programmes et actions qui lui sont immédiatement rattachés montre, lui aussi, une évolution discutable.

Il en est ainsi du financement de l’Institut universitaire de France (IUF), qui relève des actions « recherche » du programme n° 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ». Au croisement de l’enseignement supérieur et de la recherche donc, il a pour mission de favoriser le développement de la recherche universitaire de haut niveau, en renforçant l’interdisciplinarité. Créé sur une initiative de M. Claude Allègre en 1991, pour permettre que l’activité scientifique d’enseignants chercheurs de haut niveau soit reconnue et encouragée dans leur université d’appartenance, il poursuit deux objectifs : aider les universités à tendre vers l’excellence en matière de recherche et améliorer les conditions d’exercice de la fonction de recherche des universitaires – qui peuvent y consacrer 50 % de leur temps – et parallèlement contribuer à une répartition équilibrée de cette excellence dans le pays. En effet, les deux tiers au moins des membres de l’IUF doivent appartenir à des universités situées hors de l’académie de Paris.

L’enjeu principal incombant à l’Institut est de rendre l’enseignement supérieur attractif aux chercheurs les plus créatifs face à une concurrence amplifiée par l’internationalisation. Il se doit d’être représentatif de toutes les disciplines. Ses membres, obligatoirement enseignants-chercheurs, continuent à enseigner dans leur université d’appartenance et bénéficient de crédits de recherche spécifiques. L’IUF a également pour ambition d’encourager des jeunes enseignants chercheurs dont les talents commencent à être reconnus, puisque 60 % des membres nommés chaque année sont des membres juniors âgés de moins de 40 ans. La nomination à l’Institut est prononcée pour une période de cinq ans, éventuellement renouvelable. Il ne s’agit donc pas d’un statut permanent. La sélection des membres, enfin, relève de jurys largement internationaux et ne repose donc pas sur la cooptation.

La volonté de renforcer ce dispositif d’excellence a conduit les précédents gouvernements à augmenter le nombre de postes ouverts chaque année. Fixé à l’origine à 40, il a été régulièrement augmenté depuis 2006. Depuis 2010, il était de 150, pour atteindre en 2015, un effectif total de 750 membres. Or, la campagne de sélection de la promotion 2013 de l’Institut diminue de 40 le nombre de postes offerts, en le reportant à 110. Cette inflexion négative au moment où il est plus que jamais nécessaire de donner un signe encourageant aux jeunes qui se destinent à l’enseignement supérieur et à la recherche est assez mal venue. Les moyens supplémentaires accordés aux enseignants-chercheurs concernés en considération de la qualité de leur travail scientifique restent, en effet, dans une enveloppe budgétaire modeste, compatible avec une maîtrise accrue des dépenses publiques et permettent d’assurer la présence, en France, d’enseignants-chercheurs d’excellence.

Le programme n° 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui joue un rôle déterminant dans l’élaboration de la politique nationale de la recherche en raison tant de son poids financier que de son importance scientifique, connaît lui aussi une évolution significative.

La progression limitée de ses crédits, moins de 1 %, recouvre, outre des mesures d’économies, dont une baisse des emplois hors plafond – 379 pour 11 756 ETP (équivalent temps plein) en 2013 – une redistribution interne très révélatrice d’une réorientation politique.

En effet, les crédits proposés pour l’Agence nationale de la recherche (ANR) sont abaissés de 759,854 millions d’euros en 2012 à 686,654 millions d’euros en 2013, soit un peu moins que les moyens effectivement réalisés en 2011. Cette diminution de 73,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement correspond à des économies de fonctionnement et de programmation qui sont partiellement redéployées, pour 55,6 millions d’euros, au profit des organismes de recherche. Ce saupoudrage ne règle pas la question de la stagnation des crédits récurrents, si c’est l’objet de la mesure, tout en privant partiellement la recherche d’un outil d’intervention devenu central et aux effets de levier évidents.

De 2005 à 2008 le budget de l’Agence a crû régulièrement de 697 à 857 millions d’euros, pour décroître ensuite. Cette décélération des moyens de l’Agence, initiée à la fin de la précédente législature afin d’en mieux maîtriser le développement, mais qui atteint cette année près de 10 %, doit aujourd’hui inciter à une réflexion sur le rôle qui lui est imparti par le gouvernement, sauf à tendre implicitement à revenir aux fonds incitatifs faiblement dotés du passé, comme le FNS (Fonds national de la science) ou le Fonds de la recherche technologique (FRT), qui n’intervenaient que très à la marge et comme un complément de financement dans une programmation restant fondamentalement déterminée par les organismes de recherche.

En outre, le rôle de l’Agence étant de financer des projets de recherche, l’évolution de ses crédits touche directement l’ensemble des programmes de la recherche publique dont elle est le premier financeur. En effet, les subventions de l’ANR représentaient en moyenne environ 5,6 % du financement des laboratoires publics, soit la part dynamique de leurs crédits, entièrement investis dans la recherche, l’essentiel des crédits récurrents étant consacrés aux dépenses de personnel et d’infrastructure. Dès lors, toute baisse des moyens de l’Agence a des conséquences immédiates, et très supérieures à celles touchant les crédits récurrents, sur les dépenses effectives de recherche.

Parmi les conséquences multiples produites par cet assèchement des moyens de l’ANR, l’une touche à la qualité des résultats des appels à projet, le taux de succès moyen n’est plus que de 18 % environ en 2012 quand il était de plus de 25 % en 2006. Une marge aussi faible apparente dès lors la sélection à un concours. Elle est, en outre, décourageante et tente à favoriser les équipes les plus rodées à l’exercice de l’appel à projets plutôt que les plus scientifiquement adaptées.

Une autre conséquence, encore plus lourde, en particulier pour la recherche fondamentale, est la remise en cause des programmes « blancs », « de bas en haut », à l’initiative des chercheurs ou des équipes, et en particulier des plus jeunes. Ils favorisent l’émergence de nouveaux concepts et permettent également de mettre l’accent sur des programmes non thématiques ciblés sur le renforcement du système de recherche et de certains de ses acteurs, comme les programmes jeunes chercheuses et jeunes chercheurs, le retour des post-doctorants, les chaires d’excellence et les chaires industrielles ou, plus largement les programmes des départements « recherches exploratoires et émergentes » ou « valorisation, partenariat et compétitivité ».

L’objectif des précédents gouvernements de porter les programmes « blancs » à 50 % des projets financés visait à introduire une respiration très nécessaire dans un paysage de la recherche publique contraint, par son organisation même, à un certain conservatisme fonctionnel. La remettre en cause, en faisant des programmes « blancs » une variable d’ajustement afin de sauver les programmes thématiques qu’il n’est pas possible de réduire, serait très dommageable.

Des effets de seuil sont également à redouter, l’estimation du dimensionnement budgétaire des projets étant, elle aussi, fragilisée et risquant de conduire à un calibrage erroné des besoins.

Or, il convient de souligner ici que la plupart des pays confrontés à la crise des financements publics ont, à l’inverse, fait le choix de privilégier la recherche sur projets afin d’assurer et de renforcer les bases mêmes du redressement économique. À cet égard, comme le souligne l’Agence dans sa contribution aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, le financement des agences de financement sur projets est aujourd’hui particulièrement soutenu à l’étranger, y compris dans un contexte de réduction des dépenses publiques. Elle en donne les exemples suivants : en 2013, aux États-Unis, + 5 % pour la NSF (National Science Foundation – Fondation nationale pour la science) à comparer avec l’augmentation de 2% du budget de R&D ; en Allemagne, + 5 % pour la DFG (Deutsche Forschungsgemeinschaft - Association allemande pour la recherche) comme pour l’ensemble du système de recherche ; au Royaume-Uni, le budget est maintenu en livres constantes et au Canada, le budget des agences de financement sur projets était maintenu alors même qu’une baisse de 7 % du budget de R&D était envisagée. Il serait regrettable que le projet de loi de finances français pour 2013 se distinguât aussi sur ce point.

Cette situation serait d’autant plus paradoxale que, comme le rappelle l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) dans la conclusion de son rapport d’évaluation de l’Agence en septembre 2012, « l’ANR a réussi en peu de temps à installer en France, de manière significative, la recherche sur projets. Ses procédures de sélection, éthiques, robustes, garantissent l’excellence scientifique des projets retenus et leur assurent un financement pendant trois ans. Le pari de développer l’innovation, la coopération entre la recherche publique et les entreprises, ainsi que la valorisation des résultats est en passe d’être gagné. » Elle souligne donc que « la sécurisation des engagements financiers de l’ANR par l’État est une nécessité forte et légitime ».

L’ANR répond dans sa contribution aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche aux critiques qui lui sont souvent faites sur ses procédures en soulignant la nécessité de simplifier « les processus pour redonner du temps de recherche aux chercheurs. » Elle rappelle qu’elle a pour cela « d’ores et déjà, allégé les formulaires de soumission administratifs et financiers et réduit de moitié le nombre de rapports d’activité exigés. Mais » qu’il « faut aller plus loin dans l’écoute des chercheurs et des établissements en amplifiant encore le rôle du comité des utilisateurs et en accélérant la prise en compte des remarques pertinentes. »

Plus largement elle fait remarquer que « le financement sur projets, complément des financements récurrents, donne force aux équipes mais aussi aux établissements » et qu’il « est impératif qu’un bon calibrage des frais de gestion et du préciput soit effectué, donnant ainsi à l’établissement bénéficiaire - organisme ou université - des marges de manœuvre supplémentaires pour mener sa politique scientifique. Actuellement le montant est plus faible que dans d’autres pays et les modalités de versement mériteraient d’être simplifiées. » L’ANR propose donc de « payer annuellement le préciput et les frais de gestion, sans exigence de pièces à fournir, et d’en relever le niveau à 20 % en cohérence avec les options privilégiées » par le prochain programme européen de R&D, Horizon 2020.

Cette mesure de restriction budgétaire brutale intervient ainsi à un moment où l’Agence, se fondant non seulement sur les comparaisons nationales avec les investissements d’avenir mais aussi internationales, juge nécessaire, en accord avec les organismes de recherche et les laboratoires depuis longtemps demandeurs, de revoir à la hausse les préciputs accordés pour les projets, dont le taux actuel n’est que de 11 %.

L’ANR suggère en conclusion de sa contribution que « pour aller plus loin (meilleure prise en compte des coûts de recherche, transparence accrue et pilotage budgétaire affiné), une réflexion d’ensemble sur un passage en coûts complets du système de recherche français serait à engager ». L’Agence se dit « prête à contribuer à cette démarche et à l’accompagner par des procédures incitatives » et souligne qu’une « telle évolution serait déterminante. »

De tels projets ne peuvent bien sûr se concevoir avec un budget en baisse. S’il n’était pas anormal de stabiliser les interventions de l’ANR afin d’évaluer l’impact de ses interventions après leur rapide montée en puissance, poursuivre aujourd’hui dans cette voie remet en cause son expertise même, alors qu’il convient ici de rappeler que la loi de finances rectificative pour 2010, n° 2010-237 du 9 mars 2010, lui a confié la gestion d’une part importante du programme des investissements d’avenir (PIA) avec des spécificités liées au caractère exceptionnel de ce programme, qu’il s’agisse du montant moyen financé, de la durée des financements, qui se situe entre 8 et 10 ans, ou du type des dépenses financées. Les sommes gérées à ce titre par l’Agence s’élèvent à 19,2 milliards d’euros, soit près des deux tiers de l’ensemble des investissements d’avenir et l’essentiel de ce qui est attribué à la MIRES. Il serait à cette étape pour le moins peu responsable de fragiliser davantage les financements propres au cœur de métier de l’Agence, qui fondent la qualité reconnue de ses interventions.

3. Les investissements d’avenir et leur gestion par l’Agence nationale de la recherche

Deux programmes concentrant 84 % des crédits ouverts au titre de la mission, pour près de 19 milliards d’euros, sont pilotés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche :

– le programme « pôles d’excellence » doté de près de 16 milliards d’euros a pour objectif la structuration du territoire et l’émergence des leaders mondiaux, soit dans leur spécialité et à l’échelle d’un laboratoire, comme les laboratoires d’excellence (« Labex ») soit au niveau des institutions, il en est ainsi des initiatives d’excellence (« Idex ») ou des instituts hospitalo-universitaires (« IHU »), visant à créer des ensembles universitaires attractifs ;

– le programme « projets thématiques d’excellence », doté de plus de 3 milliards d’euros est destiné au financement des projets plus ambitieux, par les montants et les durées engagés, que ceux habituellement soutenus par l’ANR ou les organismes de recherche. Il concerne en particulier des thématiques comme la bio-informatique ou les nano-biotechnologies ou des infrastructures comme les équipements d’excellence (« Equipex ») ou les infrastructures en biologie et santé pour lesquels les investissements étaient insuffisants, mais aussi des thématiques déjà développées mais dont les enjeux économiques sont importants. Les investissements d’avenir doivent permettre de relancer l’innovation dans les domaines concernés et de renforcer les pôles d’excellence au cœur des régions.

17,6 milliards d’euros dédiés à l’enseignement supérieur et à la recherche (dont 17,2 par le biais de l’ANR) ont déjà été engagés. Rappelons que ces crédits se répartissent en dotations consommables et en dotations non consommables, dans des proportions variables d’une action à l’autre. Les dotations non consommables sont utilisées pour financer, dans la durée, des actions ciblées grâce aux intérêts que ces dotations produisent, alors que les dotations consommables permettent d’investir immédiatement dans des équipements au service du projet.

L’Agence gère les fonds qui lui sont confiés dans le cadre des investissements d’avenir en respectant une stricte séparation entre les financements apportés à ce titre et ses autres activités, afin de garantir la traçabilité de leur utilisation. La mise en œuvre du processus de sélection se fait sur la base d’analyses qualitatives de jurys, comprenant des experts internationaux et des personnalités issues du monde économique, l’ANR apportant son expertise en matière d’organisation des appels d’offres.

Les investissements d’avenir doivent répondre aux trois critères de l’excellence scientifique, de l’impact socio-économique de l’investissement pour le pays et de l’ouverture et de la coopération entre les recherches publique et privée, les universités et les grandes écoles, les établissements de recherche et les établissements d’enseignement supérieur.

Les rapports d’évaluation des projets par les jurys permettent à un comité de pilotage de proposer au Commissariat général à l’investissement la désignation des bénéficiaires et les montants des aides attribuées. La décision de financement appartient au Premier ministre sur la base des propositions formulées par le Commissariat général à l’investissement et des recommandations du comité de pilotage propre à chaque action.

Les appels à projets, publiés sur le site de l’ANR, ont présenté ce processus et précisé les critères de sélection applicables à chaque action. Ils se sont déroulés en deux vagues successives, la première de juin 2010 à juillet 2011 et la seconde de juillet 2011 à mars 2012.

La mise en œuvre des investissements d’avenir est donc désormais terminée, puisque le 13 mars 2012 a été proclamé le résultat du dernier appel à projet. Globalement, plus de 400 projets ont été sélectionnés par un jury international indépendant, impliquant plus de 30 000 chercheurs, dans plus d’une centaine de villes. Il convient de souligner qu’afin que ces projets puissent démarrer rapidement, le rythme des versements a été accéléré. Au 15 mars 2012, 80 % des lauréats de la première vague ont reçu un premier versement. Les initiatives d’excellence et les laboratoires d’excellence de la deuxième vague bénéficieront d’une avance pour démarrer leurs projets.

Il est un peu tôt pour que les résultats attendus de ces investissements, tant en termes d’excellence de la recherche en France que de compétitivité au niveau mondial soient clairement analysables. Cependant, ces investissements ont incontestablement armés la France dans la compétition mondiale de l’intelligence, en constituant autour des huit initiatives d’excellence retenues des ensembles de dimension et de qualité propres à attirer chercheurs et étudiants.

L’articulation de la recherche avec les régions s’est également renforcée et rationalisée avec, par exemple, un accent porté sur la chimie et la biologie fondamentales en Alsace, l’agronomie en Languedoc-Roussillon, les sciences humaines et sociales en Lorraine, ou les sciences des matériaux à Poitiers.

Un rééquilibrage interne est également assez net, certaines régions, comme l’Alsace, l’Aquitaine, la Champagne-Ardenne ou la Picardie ayant des parts d’investissements d’avenir très supérieures à leur potentiel de R&D actuel.

Les retombées attendues en matière d’innovation devraient permettre de restructurer l’industrie autour de nouvelles filière porteuses de croissance comme les nouveaux matériaux à Nantes et en Lorraine ou les énergies décarbonées en Rhône-Alpes. Les projets ont été conçus en partenariat avec des entreprises pour accompagner la croissance des PME et générer de nouveaux emplois.

En matière de santé publique, enfin, les projets retenus s’attaquent à des problèmes majeurs et ouvrent des perspectives de nouvelles thérapies pour traiter des maladies comme le cancer, l’obésité, le diabète ou la maladie d’Alzheimer.

De telles réalisations ont été financées grâce à l’expertise permanente de l’ANR. Il est dès lors curieux de constater la baisse progressive des dotations propres de l’ANR. N’est-on pas conduit à s’interroger, plus largement, sur la place qui sera réservée aux outils et modes de financements, nouveaux ou largement rénovés, qui structurent la politique de la recherche depuis près de dix ans ?

B. L’AVENIR DES MULTIPLES OUTILS DONT EST DOTÉE LA RECHERCHE PUBLIQUE

1. Dix années de réformes : des structures et des outils de financement rénovés et diversifiés, articulant cadre régional et européen

Le système de recherche français a connu en dix ans une profonde mutation, dont les racines sont anciennes. Le rapport des États généraux de la recherche de 2004 présentait un ensemble de propositions de réforme réunies autour de sept thèmes : réaffirmer et compléter les missions de la recherche publique ; donner les moyens nécessaires à l’accomplissement de l’ensemble des missions de la recherche publique ; mettre en place les structures permettant le développement d’une politique de recherche prioritaire ; renforcer les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, et favoriser leur coordination ; placer la dynamique propre de la recherche au centre de la politique scientifique nationale ; réaffirmer le rôle central des personnels de la recherche dans le dispositif national ; intégrer la politique nationale de recherche dans une perspective européenne.

La réflexion s’est ensuite poursuivie, conduisant le gouvernement de M. de Villepin à présenter un Pacte pour la recherche reposant sur trois piliers : un développement équilibré de l’ensemble de la recherche comprenant recherche fondamentale, recherche à finalité sociétale et recherche à finalité économique ; le développement d’interfaces et de coopérations entre les acteurs de la recherche, notamment par une dynamique de rapprochement des acteurs de la recherche publique et enfin un développement fondé sur une stratégie globale et de long terme, visant à renforcer la confiance entre la société française et sa recherche.

La loi de programme pour la recherche (n° 2006-450 du 18 avril 2006) présentée au nom du gouvernement par M. François Goulard, alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, dès l’automne 2005, traduisait la partie législative de ces propositions, sous leur double aspect, structurel et financier. Il convient, sur ce dernier point, de remarquer que les lois de finances de 2007 à 2012 ont parfaitement rempli les engagements pris alors, en termes de crédits budgétaires, et les ont dépassés pour les dépenses fiscales, comme le montrera la deuxième partie de ce rapport.

Outre les nouveaux modes de financements, dont ceux portés par l’ANR et présentés ci-dessus, non seulement dans le cadre de ses programmations propres mais aussi de celles du programme des investissements d’avenir, la recherche publique a pu s’appuyer sur les programmes cadres de recherche et de développement technologique (PCRDT) de l’Union européenne, le 6e de 2002 à 2006 et le 7e depuis 2007 jusqu’en 2013 et les financements structurants des contrats de projets État-régions (CPER) pour la période 2007-2013.

Le 7e PCRDT représente la composante majeure du budget européen de la recherche européen, avec 67,6 % du total des crédits d’engagement en 2013 pour un budget total de plus de 50 milliards d’euros sur une période de sept ans. L’évolution des montants proposés par la Commission européenne pour le programme dans le projet de budget 2013 figure dans le tableau ci-dessous :

(en millions d’euros, aux prix courants)

Budget 2012

Projet de budget 2013

Évolution 2012 - 2011

Engagements

Paiements

Engagements

Paiements

Engagements

Paiements

10 211,9

7 003,5

10 837,2

8 969,3

6,1 %

28,1 %

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Le projet de budget pour 2013 montre une augmentation des crédits de paiements beaucoup plus forte qu’en 2012 (+28,1 % contre +13,3 %). Cette augmentation s’explique par la forte progressivité du budget du PCRDT sur la période 2007-2013 : les crédits de paiement 2013 doivent être suffisamment élevés pour financer les projets, dont le volume financier global est en augmentation, correspondant aux appels lancés en 2011, 2012 et, dans une moindre mesure, en 2013.

Selon les données d’Eurostat, l’intensité de R&D de l’Union européenne s’établissait en 2009 (dernière année disponible) à 2,01 % du PIB, qu’il convient de rapprocher de l’objectif de 3 % fixé de nouveau par le Conseil européen, mais à l’échéance de 2020 (celle de 2010 n’ayant pas permis de l’atteindre). Il s’agissait cependant d’une augmentation non négligeable de l’intensité de R&D par rapport à l’année précédente (1,9 % en 2008), qui peut s’expliquer par un maintien voire une légère progression des dépenses de R&D au cours d’une année de ralentissement économique dans l’ensemble de l’Union, à l’image de ce qui s’est passé en France.

Or force est de constater que la participation française au 7e PCRDT est en net repli. En effet, au terme de quatre ans d’exécution du programme cadre, le montant des contributions revenant à des participants français s’élève à 12,1 % dans les propositions retenues, alors qu’il était de 13 % pendant le 6e PCRDT. La France reste cependant le troisième bénéficiaire du programme cadre, derrière l’Allemagne (16,6 %) et le Royaume-Uni (14,4 %).

Les domaines de bonne présence française en termes de participation et, plus encore, de coordination des projets restent l’aéronautique, le spatial, le nucléaire, et dans une moindre mesure les transports terrestres et les inter-modalités. On peut également constater que les bons résultats français dans les appels à propositions du Conseil européen de la recherche (CER ou ERC pour European Research Council) se confirment. Avec environ 12 % des participants et des financements, la France se situe au second rang en Europe, désormais à égalité avec l’Allemagne, derrière le Royaume-Uni.

Le 7e PCRDT a, en effet, vu la création du Conseil européen de la recherche, le 2 février 2007, par une décision de la Commission, comme mise en œuvre du programme « idées ». Il met en place un soutien des activités scientifiques menées à l’échelle internationale par des chercheurs ou des équipes, à titre individuel. Il est ainsi destiné à devenir le premier organisme européen de financement de la recherche exploratoire dans tous les domaines de la connaissance, des sciences sociales et humaines aux sciences de la vie en passant par les sciences physiques et technologiques. Entre 2007 et 2011 il a publié dix appels à propositions, quatre à destination des jeunes chercheurs et quatre à destination des chercheurs confirmés. Un appel « Proof of Concept » visant à octroyer aux lauréats de ses appels un financement complémentaire pour préparer le transfert des résultats de recherche vers l’innovation et un appel « Synergy Grant » pour le financement de petits groupes de chercheurs sur des projets de recherche exploratoire ont également été lancés.

La Commission européenne a adopté le 30 novembre 2011 une proposition de programme-cadre de recherche et d’innovation pour la période 2014-2020, baptisé Horizon 2020, qui succédera donc au 7e PCRDT. Le budget proposé est d’environ 90 milliards d’euros, à prix courants (soit 80 milliards en euros constants). Sa mise en œuvre est maintenant l’un des enjeux fondamentaux des prochains Conseils européens qui doivent se prononcer sur le budget pluriannuel de l’Union européenne.

Le nouveau programme cadre serait organisé autour de trois priorités : l’excellence scientifique (27,8 milliards d’euros), la primauté industrielle (20,3 milliards d’euros) et les défis sociétaux (35,9 milliards d’euros). Il comporterait également un volet innovation, puisqu’il intègre les financements de l’Institut européen d’innovation et de technologie (IET) et la partie « innovation » du programme-cadre innovation et compétitivité (PIC).

Dans le programme Horizon 2020, le financement du Conseil européen de la recherche (CER) augmenterait de 77 % pour atteindre 13,2 milliards d’euros. La démarche est ainsi tout à fait parallèle à celle des programmes « blancs » de l’ANR, qui vise à encourager les initiatives de bas en haut sur des projets libres, mais avec, rappelons-le ici, des préciputs nettement supérieurs à ceux accordés par l’Agence.

Le système de recherche français doit pouvoir trouver sa place dans les thèmes et priorités retenues. On a pu penser que la création de l’ANR, dont l’utilisation des procédures de financement par les équipes de chercheurs est plus simple, expliquait peut-être la moindre participation française au 7e PCRDT qui lui est contemporain. Il semble, au contraire, que l’acquisition de la culture de la recherche sur projets devrait aider les chercheurs français à mieux se préparer à la compétition européenne. L’amélioration de la position des projets français dans les programmes européens, notamment au CER, ce qui semble s’annoncer, mais également aux autres appels des PCRDT et dans les programmes internationaux est d’ailleurs l’un des objectifs généraux du programme « blanc » de l’agence.

Cadre complémentaire des financements nationaux et européens, les contrats de projets État-région (CPER) représentent un engagement financier sur la période 2007–2013 de 2,9 milliards d’euros pour le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, comparable à celui de la période précédente (2000-2006).

La partie consacrée à la recherche et à l’innovation représente 22 % de l’ensemble, soit un montant de près de 639 millions d’euros et 27 % si l’on prend en considération également les équipements scientifiques de la recherche universitaire (138 millions d’euros). Le financement de ces 639 millions d’euros sur les programmes nos172 (ANR comprise), 187 et 193 se répartit entre 230 millions pour les organismes de recherche, couvrant pour plus d’un tiers des dépenses de construction

Les engagements des organismes s’élèvent à 230 millions d’euros contre 168 millions d’euros pour le précédent contrat de plan. Ces dépenses couvrent, pour plus d’un tiers, des dépenses de construction. Le CNRS est le premier contributeur avec un engagement à hauteur de plus de 85 millions d’euros puis, par ordre décroissant, l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) avec 46 millions et le CEA, pour la première fois, avec 18 millions.

Les autres engagements sur le programme n° 172 se répartissent en près de 100 millions d’euros pour le financement des structures labellisées de transfert et de diffusion technologique, près de 30 millions d’euros pour la diffusion de la culture scientifique et technique, et 272 millions d’euros pour le financement de programmes de recherche et de développement technologique dont le financement est aujourd’hui assuré par l’ANR.

Rappelons que le principe de ces contrats de projets consiste à structurer fortement la recherche et la diffusion technologique en direction des PME en région pour favoriser la compétitivité. C’est ainsi que la part du financement de l’État (projets, équipements de recherche et transfert) affectée à des projets liés à des pôles de compétitivité est particulièrement élevée. En effet, outre le financement de projets partenariaux du FUI (fonds unique interministériel), de l’ANR, d’OSEO et des collectivités territoriales, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a contribué à l’inscription aux CPER des projets structurants des pôles. Cette mise en œuvre des pôles de compétitivité a constitué un jalon important dans les politiques de soutien public à l’innovation, les acteurs de la recherche publique en constituant une composante majeure. Il doit cependant être possible d’optimiser le fonctionnement du partenariat public privé en leur sein.

Pour conclure sur ce point, une étude sans complaisance sur le positionnement de la recherche publique en regard de la politique des pôles de compétitivité, finalisée il y a deux ans (1), constatait « qu’afin d’affronter dans de meilleures conditions la concurrence mondiale, et de renforcer le rayonnement international de la France, les pouvoirs publics ont engagé depuis une décennie une profonde transformation du système français de recherche et d’innovation. Cette transformation, qui s’est accélérée depuis 2005, a conduit à déployer de nouveaux "outils", comme les pôles de compétitivité, les instituts Carnot, les RTRA (réseaux thématiques de recherche avancée), les PRES (pôles de recherche et d’enseignement supérieur), les plateformes d’innovation, alors que les outils préexistants n’ont pour autant pas été supprimés, dans leur immense majorité. Les investissements d’avenir, dans le cadre de l’emprunt national, vont consacrer l’émergence de nouveaux outils, équipements et laboratoires d’excellence, instituts de recherche technologique, instituts d’études pour les énergies décarbonées, SATT (sociétés d’accélération du transfert de technologies) ou initiatives d’excellence », par exemple. Il y était également souligné que « l’intérêt de chacun de ces dispositifs pris individuellement n’est pas en cause » mais qu’il convenait d’en simplifier l’accès, pour les PME en particulier, et d’éviter une dispersion des moyens.

Cette analyse résume assez bien les conclusions des multiples évaluations et études portant sur l’organisation et le fonctionnement des différents acteurs de la recherche publique. Le précédent gouvernement s’était donc attaché à rationaliser l’utilisation des nouveaux instruments de la recherche et de l’innovation en permanence en incitant les principaux organismes de recherche à l’accompagner. Il semble, dès lors, opportun de présenter quelques exemples des transformations intervenues récemment et de leur mise en œuvre par les opérateurs.

2. Les opérateurs et les réformes

La diversification des modes de financement s’est en effet accompagnée d’une importante refonte du rôle des opérateurs traditionnels de la recherche en France et de l’apparition de nouveaux acteurs. La place spécifique de l’ANR a déjà été soulignée, et si le cadre d’un avis budgétaire ne permet pas une présentation exhaustive des multiples initiatives intervenues depuis 2004, quelques exemples fondés sur les auditions du rapporteur permettront d’en mieux apprécier l’étendue.

Les grands établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) comme le CNRS et l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médical) ont vu leur organisation réformée, dans le cadre de leur politique de contrats d’objectifs avec l’État et de leur plan stratégique, en suivant deux grands axes : interne par une rationalisation de leurs structures reposant sur la création d’instituts thématiques, et externe en rejoignant des alliances visant à les faire agir en synergies sur des problématiques transversales, s’appuyant précisément sur les instituts mis en place. Ces réformes des méthodes de travail, accueillies parfois avec une certaine réticence, ont finalement été acceptées par les équipes de recherche.

La subvention récurrente du CNRS pour 2013 est stabilisée à 2,6 milliards d’euros, rappelons qu’elle représentait en 2012 un peu plus des 3/4 du budget primitif. Une inquiétude demeure cependant, selon son Président, sur le taux de mise en réserve, seul le taux réduit appliqué aux organismes de recherche permettant de poursuivre un fonctionnement normal du Centre.

Le rapport de son évaluation publié au mois de juillet dernier par l’AERES salue les évolutions clefs impulsées au cours des dernières années, au premier rang desquelles le rapprochement avec les universités. Il fait sept recommandations qui s’inscrivent dans la politique stratégique déjà engagée par le CNRS :

– mobiliser la communauté de travail autour d’une vision stratégique partagée ;

– renforcer la lisibilité et la transparence des choix scientifiques et évaluer les résultats obtenus, grâce au développement d’outils et d’indicateurs pertinents ;

– redonner de l’ambition à la politique européenne et cibler davantage la politique internationale ;

– développer un principe de subsidiarité dans les relations entre le niveau national et les niveaux territoriaux ;

– professionnaliser la chaîne fonctionnelle de la valorisation et promouvoir la création d’entreprises ;

– desserrer la contrainte financière ;

– repenser les étapes des parcours professionnels.

La subvention de l’INSERM progresse quant à elle de 3,8 % dans le projet de loi de finances pour 2013, sur une base initiale de près de 600 millions d’euros en 2012, représentant plus de 71 % de son budget primitif annuel, mais la moitié de cette progression est la prise en compte du relèvement du taux de cotisation employeurs aux pensions civiles et à l’allocation temporaire d’invalidité, le reste provenant du redéploiement des crédits de l’ANR précédemment évoqué.

L’Institut est au cœur de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et la santé (AVIESAN). La France se situe actuellement au cinquième rang mondial de la production scientifique dans le domaine des sciences de la vie et de la santé et les publications de ses grands organismes de recherche ont un indice d’impact supérieur à 1, leur influence mesurée par citations se plaçant donc au-dessus de la moyenne internationale. L’alliance est née de la volonté d’accroître ces performances. Elle a pour rôle d’établir une coordination scientifique des grandes thématiques de recherche, transversales à tous les organismes, et une coordination opérationnelle des projets, des ressources et des moyens, en s’appuyant sur des instituts thématiques multi-organismes (ITMO). Cette recherche de qualité repose sur une pluralité d’acteurs : huit grands établissements publics, dont, outre l’INSERM, le CNRS, le CEA, l’INRA et l’institut Pasteur, auxquels s’associent les universités et les CHU (centre hospitaliers universitaires).

Parallèlement à cette volonté d’harmoniser les recherches et afin de rationaliser également les diverses initiatives de transfert et d’application dans ce domaine, AVIESAN a créé un comité permanent de coordination de la valorisation de la recherche, CoVAlliance réunissant les organismes membres de et leurs cellules de valorisation.

L’IRSTEA (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture) est une autre illustration de la capacité des EPST, dans ce cas plus spécialisés et d’échelle plus petite, à se réformer et à s’adapter au nouvel environnement économique et social, suivant les orientations tracées par les précédents gouvernements depuis près de 10 ans. Ancien CEMAGREF (Centre national du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts), lui-même créé en 1981 à partir de deux centres, l’un de génie rural et l’autre de machinisme agricole, le centre est devenu IRSTEA par le décret n° 2012-209 du 13 février 2012, afin de faire coïncider son nom avec la nouvelle réalité de ses recherches, qui ont évolué en trente ans des problèmes de mécanisation et d’aménagement rural vers les questions agro-environnementales.

L’établissement va en effet évoluer rapidement, à partir de sa fondation sur des enjeux de développement caractéristiques de la période des trente glorieuses. La modernisation et l’équipement des campagnes ainsi que le développement de la production agricole vont progressivement laisser la place à de nouveaux défis comme la qualité de l’alimentation, la gestion des ressources en eau, la maîtrise des pollutions, la gestion des risques naturels ou le développement de territoires ruraux en déclin démographique, mais l’Institut continue d’opérer sur ces thématiques avec le même modèle de recherche finalisée.

Sa subvention en loi de finances initiale pour 2012 était de près de 79 millions d’euros, soit les deux tiers de son budget primitif. L’évolution de la subvention pour 2013 montre une progression de 5,2 % de la partie relevant du programme n° 187 (recherche), traduisant comme pour l’INSERM, l’intégration du relèvement de taux de cotisation et un redéploiement des crédits de l’ANR, et est stable pour le programme n° 142 (agriculture).

L’IRSTEA est membre de l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement, AllEnvi, dont, alors CEMAGREF, il a assuré la présidence pendant les deux premières années de fonctionnement. Constatant, en effet, que l’environnement est un système complexe et qu’il recouvre un champ très étendu, de l’agro-écologie à l’aménagement des territoires, en passant par les sciences de la mer ou du climat, qu’il mobilise la biologie, l’écologie, la physico-chimie, les mathématiques appliquées, la géographie ou les sciences économiques et sociales, les douze membres fondateurs dont, outre l’IRSTEA, l’INRA, le CNRS, le CEA, le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), Météo France et le Muséum national d’histoire naturelle ont souhaité faire un effort particulier de coordination et de programmation pour créer une dynamique d’excellence et apporter aux décideurs des réponses efficaces, à la hauteur des questions environnementales et de leurs enjeux économiques et sociétaux. L’alliance a donc pour objectif de favoriser une approche cohérente sur les quatre grands enjeux que sont l’alimentation, l’eau, le climat et les territoires et de relever les défis de la transition écologique vers une « croissance verte ».

Outre sa participation fondatrice à une des cinq alliances, son financement diversifié repose, pour un tiers, sur des ressources propres. L’IRSTEA dispose également du label Institut Carnot depuis 2006 et renouvelé en 2011. Rappelons que le label Carnot est attribué par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur proposition de l’ANR, dans le cadre d’appels à candidatures après avis d’un jury de sélection, le comité Carnot. Il distingue des instituts de recherche publics, 34 en 2010, s’engageant fortement avec les acteurs du monde socio-économique – de la sphère publique ou privée – les entreprises, les bureaux d’études ou les collectivités territoriales par exemple.

L’objectif du dispositif Carnot, dont la création s’inscrivait également dans le Pacte pour la recherche à l’origine de la loi de programme de 2006, est d’abord de favoriser le transfert de technologie, le partenariat entre les laboratoires publics et les entreprises, et donc le développement de l’innovation.

La mise en place de ce dispositif s’inspirait d’expériences réussies dans plusieurs pays européens et devait contribuer à améliorer la visibilité de la recherche technologique française. Cette labellisation permet à IRSTEA de bénéficier d’un appui et de moyens supplémentaires pour professionnaliser ses relations partenariales et permettre le renforcement de la propriété intellectuelle et la valorisation.

Enfin, outre une mise en réseau à travers l’association des instituts Carnot, et à l’image de ce qui s’est mis en place en matière de recherche avec les alliances thématiques, une alliance Carnot environnement a été créée pour offrir aux entreprises et aux acteurs socio-économiques de ce secteur un appui pour leurs projets pratiques.

Cette réforme de l’action des établissements publics de recherche visant à mieux les insérer dans un tissu économique à l’évolution rapide n’a pas concerné que les EPST (établissements publics à caractère scientifique et technologique), mais également les EPIC, même si ces derniers sont par nature plus proches du monde de l’entreprise auquel ils appartiennent par leur mode d’intervention. Leur place à l’intersection de la recherche et de l’innovation semblait donc plus simple à consolider.

L’IFP Énergies nouvelles (IFPEN, ex-Institut français du pétrole) illustre bien cette évolution. La part du financement public dans son budget diminue, la subvention proposée pour 2013 connaît une légère baisse après celle de 2012, alors que ses ressources propres de l’établissement dépassent 50 % d’un budget supérieur à 300 millions d’euros.

L’établissement est tourné vers l’innovation et favorise ainsi le développement économique des filières liées aux secteurs de l’énergie, du transport et des éco-industries. Sur les marchés émergents ou développés, il crée des sociétés ou prend des participations dans des entreprises prometteuses, que ce soit directement ou par le biais de structures de capital investissement. Il accompagne également le développement des PME dans le cadre d’accords de collaboration leur permettant de bénéficier de son savoir-faire technique et juridique.

Sa mission comprend également un volet formation. Dans un contexte énergétique en pleine mutation, IFP School et IFP Training accompagnent les industriels dans leurs besoins en personnels hautement qualifiés pour répondre aux défis techniques, économiques et environnementaux actuels et futurs. IFP School propose à de jeunes ingénieurs diplômés des formations complémentaires de troisième cycle aux métiers de l’énergie, de l’automobile et de l’environnement. 600 étudiants issus du monde entier y sont diplômés annuellement. IFP Training propose quant à lui des formations professionnelles à près de 15 000 salariés de l’industrie chaque année.

L’institut participe à l’alliance AllEnvi déjà citée et à l’alliance ANCRE, avec, entre autres, le CEA et le CNRS et qui a pour mission de mieux coordonner et de renforcer l’efficacité des recherches sur l’énergie menée par les organismes publics nationaux. L’alliance participe à la mise en œuvre de la stratégie française de R&D dans ce secteur.

Enfin, l’IFPEN, par le biais d’IFP-moteurs dispose également du label Carnot depuis 2006.

Cette présentation synthétique du budget ou des actions des différents organismes de recherche dont les dirigeants ont été auditionnés par le rapporteur montre que derrière l’apparent foisonnement se dessine un paysage de la recherche recomposé et dynamique qui, par ses constantes et malgré les apparences, « n’est pas tellement plus compliqué qu’ailleurs », comme le lui faisaient remarquer les dirigeants de l’IFPEN.

Enfin, cette réorganisation de la recherche entreprise par les précédents gouvernements a permis de poser les bases d’une « stratégie nationale de recherche et d’innovation », un exercice de prospective scientifique inédit en France. Rappelons qu’ont été définis pour la période 2009-2012 trois axes prioritaires de recherche : la santé, le bienêtre, l’alimentation et les biotechnologies, l’urgence environnementale et les écotechnologies et enfin l’information, la communication et les nanotechnologies. L’identification de ces orientations claires s’est accompagnée, il convient de le rappeler, d’une coordination simplifiée des acteurs au travers des alliances, pour une recherche plus efficace et plus compétitive. Trois d’entre elles ont déjà été présentées à travers leurs membres, les deux dernières étant Allistène, pour le numérique, et Athéna, pour les sciences humaines et sociales.

Cet appareil de recherche renforcé par les politiques menées depuis 10 ans est aujourd’hui confronté à des questions majeures, il est donc plus que jamais nécessaire de poursuivre son adaptation permanente aux nouveaux besoins en R&D d’un monde en crise.

3. Quelles perspectives ?

Alors que se tiennent les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont les propositions doivent se concentrer autour de trois objectifs principaux : la réussite de tous les étudiants, une nouvelle ambition pour la recherche et plus largement la définition du nouveau paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, conduisant à un rapport du comité de pilotage au mois de décembre 2012 et sans doute à des mesures législatives et réglementaires, il n’est pas inutile de s’interroger sur les évolutions auxquelles pourraient être conduits les acteurs de la recherche publique, telles qu’elles sont apparues au cours des auditions budgétaires du rapporteur.

Les opérateurs du système de recherche français, hors ANR, sont actuellement organisés en EPST et EPIC, mais le cadre national et européen dans lequel ils agissent se renforce et se modifie. L’organisation de ces structures devra s’y adapter.

S’agissant des EPIC, la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 20 septembre 2012 a confirmé une décision du 26 janvier 2010 de la Commission européenne selon laquelle La Poste, du fait à l’époque, de son statut d’EPIC, a bénéficié d’une aide d’État sous la forme d’une garantie illimitée et implicite de l’État, lui conférant un avantage économique sur ses concurrents (CJUE, affaire France/Commission, T-154/10). Il convient dès lors de s’interroger sur les conséquences du statut d’EPIC pour certains organismes de recherche intervenant directement sur le marché, comme l’IFPEN ou l’EPIC OSEO, principal actionnaire d’OSEO SA. Il serait, en effet, prudent et raisonnable de réfléchir à une évolution de la réglementation applicable à ces établissements, compatible avec les règles européennes.

S’agissant des EPST, leurs personnels sont statutairement des fonctionnaires depuis le début des années 1980 contrairement à ce qui se pratique dans la très grande majorité des pays. Les effectifs relatifs des titulaires et des contractuels montrent une évolution qui interroge.

En effet, les EPST rémunèrent en 2012, en emplois titulaires, 42 193 ETPT (équivalent temps plein travaillé), dont environ 17 000 ETPT chercheurs et environ 5 700 ETPT ingénieurs de recherche. Par ailleurs, les EPST emploient, tous niveaux de recrutement confondus (chercheur/ITA), pour la même année, environ 18 300 ETPT non titulaires, comme le résume le tableau ci-après :

Emplois scientifiques (titulaires et non titulaires) dans les EPST en 2012

Emplois (ETPT)

CNRS

INRA

INSERM

IRD

INRIA

IRSTEA

NED

Total

Directeurs de recherche

4 806

739

882

267

236

41

20

6 990

Chargés de recherche

6 499

1 071

1 305

487

339

78

32

9 811

Ingénieurs de recherche

3 125

774

408

104

163

110

9

4 693

Emplois de titulaires

25 150

8 191

2 595

858

737

228

61

21 494

Emplois de non titulaires
(sous plafond)

2 550

994

908

536

442

115

42

5 587

Emplois de non titulaires
(hors plafond)

8 000

954

2 422

140

890

262

31

12 699

Total emplois de non titulaires

10 550

1 948

3 330

676

1 332

377

73

18 286

Total général (ETPT)

35 700

10 138

5 925

1 534

2 069

605

134

39 780

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Près de la moitié des personnels de recherche des EPST est sous statut contractuel. Cette situation montre qu’il serait sans doute utile de réfléchir plus globalement à l’évolution des statuts de l’ensemble des personnels de ces établissements, sans a priori. Cela montre en tout cas, que le seul statut de fonctionnaire n’est pas du tout adapté à l’univers de la recherche.

Les établissements et les équipes de recherche, comme l’ensemble des acteurs de la mission « Recherche et enseignement supérieur » disposent depuis la loi de programme de 2006 pour la recherche, d’une instance d’évaluation nationale, l’AERES.

Il convient de rappeler ici que le principe de la création d’une telle instance était déjà retenu parmi les 12 propositions pour une évaluation rénovée du rapport au Premier ministre de MM. Jean-Yves Le Déaut et Pierre Cohen de juillet 1999 « Priorité à la recherche », où figurait la réforme de l’évaluation stratégique, par la mise en place d’un « Comité d’évaluation de la recherche française » qui reprendrait les missions du Comité national d’évaluation (CNE), et du Comité national d’évaluation de la recherche (CNER), et la réforme de la prise en compte de l’évaluation par la séparation entre le pouvoir décisionnel et l’autorité d’évaluation.

Plus récemment, en 2003, le protocole de Bologne, dans lequel la France est engagée, commençait d’introduire un système d’assurance de la qualité de l’espace européen de l’enseignement supérieur. Celui-ci est fondé sur un ensemble de références et lignes directrices (Standards and guidelines for Quality Assurance in the European Higher Education AREA–ESG) que les acteurs de l’enseignement supérieur des différents États, signataires du protocole, se doivent d’appliquer. Pour assurer la transparence des États membres envers cet engagement, un registre des agences d’assurance qualité européennes, l’EQAR (European Quality Assurance Register for Higher Education) était institué. La création en France d’une agence garantissant la valeur de notre système d’enseignement supérieur et de recherche et s’inscrivant dans le processus européen devenait, dès lors, une nécessité.

Le chapitre III de la loi de programme pour la recherche de 2006 instituait donc une instance d’évaluation universelle – puisque destinée à évaluer l’ensemble des échelons de la recherche et de l’enseignement supérieur –, incontestable, par la composition de ses comités d’évaluation et transparente, par ses publications.

Il était également souligné dans les débats sur le projet de loi que la mise en place d’une agence d’accréditation, agissant selon le principe de subsidiarité, n’intervenant que lorsqu’une structure existante ne peut le faire en veillant toutefois à ce que les méthodologies évoluent et s’uniformisent en direction des meilleures pratiques internationales, constituait sans doute la meilleure solution possible. Le grand pari de la loi était donc d’insuffler à la recherche française et à l’enseignement supérieur une véritable culture de l’évaluation, dont la création de l’AERES constituait le point central.

Alors qu’il semblait que l’Agence avait trouvé sa place comme facteur d’unité, d’homogénéité et de mise en valeur du lien entre formation et recherche dans un paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche aux structures et outils multiples et foisonnants, le rapporteur s’étonne que, loin d’envisager de nouveaux développements pour l’activité de l’Agence, l’Académie des sciences, dans son rapport adopté le 25 septembre 2012 sur les structures de la recherche publique en France, en propose purement et simplement sa suppression. Ce rapport constituant la contribution de l’Académie aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, une telle proposition pose, pour le moins, problème.

Lors de son audition par le rapporteur, M. Didier Houssin, président de l’Agence, soulignait que les dommages créés par cette prise de position radicale étaient énormes, tant en interne, les équipes ayant quelques raisons d’être inquiètes, qu’en externe, sur la culture même de l’évaluation, qui commençait vraiment à s’implanter en France.

Or, dans sa propre contribution aux Assises, l’Agence souligne qu’en « cinq ans, l’AERES a organisé, de la façon la plus impartiale possible, l’évaluation par les pairs des entités prévues dans ses missions. »

Consciente à l’issue de cette période, de la perfectibilité du fonctionnement et de l’utilisation du système d’évaluation, elle résume ainsi ses propositions :

« 1- Donner plus de chances de réussite aux étudiants, en améliorant leur information sur l’évaluation des formations ; ceci suppose une évaluation des formations à une échelle adaptée à la prise en compte des cartes des formations, de la synergie recherche-formation et de la dimension internationale des formations ;

2- En préservant au mieux l’homogénéité et l’impartialité de l’évaluation ex-post de la recherche et en veillant à l’égalité de traitement des entités évaluées, apporter un meilleur service à ces entités, par la simplification du processus et un appui plus net sur les partenaires de l’évaluation ; cette inflexion permettrait aussi de répondre à des attentes nouvelles en matière d’évaluation de la recherche ;

3- Accompagner le renforcement de l’autonomie et de la capacité stratégique des établissements en accentuant l’autoévaluation, en améliorant les outils d’analyse fournis aux experts, en évaluant les stratégies de coopération des établissements, et en dégageant, suite aux évaluations, les repères les plus utiles aux établissements. »

Il convient d’ajouter qu’en 2010, l’AERES est elle-même entrée dans un processus d’évaluation : auto-évaluation de l’Agence suivie d’une évaluation externe pilotée par l’Association européenne de l’assurance qualité dans l’enseignement supérieur ENQA (European Association for Quality Assurance in Higher Education).

Son autoévaluation la conduisait à adopter un plan d’amélioration intégrant les deux contraintes auxquelles l’AERES doit faire face : d’une part, « confrontée à des charges d’évaluation croissantes, l’AERES doit veiller en permanence à l’adéquation entre les moyens dont elle dispose et les charges qu’elle est amenée à assumer annuellement. D’autre part, la participation d’un nombre important de nouveaux experts chaque année impose à l’AERES de s’assurer à la fois de leur qualité et de leur formation. »

L’Agence souhaitait en particulier mettre « l’accent sur la mesure de la satisfaction des parties prenantes » et sur « le développement du système de management de la qualité », afin de répondre aux critiques qui lui sont le plus souvent faites.

Elle considérait dans l’immédiat comme un enjeu fort de conserver son statut de membre de plein droit de l’ENQA et d’être inscrite au registre des agences européennes.

L’évaluation européenne concluait à un avis favorable de l’ENQA et au renouvellement de l’adhésion de l’AERES comme membre de plein droit de l’association, le 2 septembre 2010 et à l’inscription de l’AERES au registre des agences d’assurance qualité reconnues au niveau européen EQAR (European Quality Assurance Register for Higher Education), le 13 mai 2011.

Depuis, l’AERES a amélioré ses méthodes et procédures, en prenant en compte les recommandations formulées par ce comité d’experts internationaux. Les points à améliorer, traduisant la vision internationale de cette analyse, ne recoupent pas ceux soulevés dans un certain nombre de critiques que résume, de façon abrupte, le rapport de l’Académie des sciences, au-delà de la question de l’existence même de l’agence.

Il y est en effet suggéré que l’AERES doit poursuivre « ses efforts pour développer une culture d’évaluation au sein des établissements en portant une plus grande attention à la qualité de l’autoévaluation fournie par les établissements » mais aussi à la « participation des professeurs, des étudiants, des personnels à sa réalisation. »

Constatant que dans le cadre de son plan stratégique, l’AERES veut développer l’internationalisation de ses activités, le comité l’encourage à le faire, « entre autres, en recourant de façon plus systématique à des experts internationaux lors de ses évaluations. » Il remarque également qu’au « rythme avec lequel elle procède, il y a risque que les évaluations deviennent routinières et perdent leur efficacité. » Le comité suggère donc à l’AERES « d’explorer l’hypothèse de ralentir ce rythme » et qu’en marge de son conseil dont la composition est prévue dans la loi, l’Agence aurait « intérêt à se doter d’un conseil consultatif intégrant des membres provenant de divers milieux, en particulier, des étudiants et des spécialistes internationaux. » S’il juge les procédures suivies par l’AERES intéressantes, le comité propose quelques améliorations possibles, comme de communiquer la version préliminaire du rapport d’évaluation aux établissements pour obtenir leurs commentaires avant la rédaction du rapport final, sans que cette méthode ne se substitue toutefois à la nécessaire intégration des réactions de l’établissement au rapport final. La question de la notation et de sa modification ultérieure, en particulier dans le domaine de la recherche pourraient être réexaminées avec les intéressés. Enfin, il était proposé que l’AERES se dote « de procédures de suivi qui lui permettent de mesurer rapidement les suites données à ses évaluations. »

Prenant en compte ces remarques, en janvier 2012, l’AERES a remis un rapport d’avancement à l’EQAR concernant les évolutions mises en œuvre par l’agence. En septembre 2012, l’AERES a aussi transmis un rapport d’avancement à l’ENQA sur les améliorations entreprises, notamment la mise en place d’une visite sur site, dédiée à l’évaluation des licences et masters. Le comité EQAR et le conseil de l’ENQA ont l’un et l’autre salué ces nouvelles dispositions.

L’AERES, comme l’ont clairement montré les auditions, est un acteur maintenant reconnu du dispositif de la recherche publique et de l’enseignement supérieur, en particulier par les organismes de recherche, les universités et une partie des grandes écoles qui se réfèrent maintenant couramment à ses évaluations, indépendamment de l’opinion, parfois contrastée, qu’ils peuvent en avoir. Les derniers rapports d’évaluation d’organismes publiés, l’été 2012, portaient sur le CNRS et l’ANR.

Le Président du CNRS, tout en remarquant que l’Agence vivait sans doute une crise de croissance et était confrontée au plafonnement de certaines de ses évaluations, faisait remarquer, lors de son audition par le rapporteur, que l’AERES avait à sa création accompli un très bon travail d’évaluation des équipes d’accueil, indispensable dans les unités à l’intersection des organismes de recherche et des universités.

L’ANR, quant à elle, remerciait l’AERES pour ses appréciations « mesurées et globalement positives » portées sur son activité et son fonctionnement depuis sa création et constatait que les remarques sur les adaptations à opérer recoupaient son propre regard.

Dans les éléments de réflexion que l’INSERM a soumis aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’Institut propose qu’afin « d’une part d’éviter la duplication des évaluations des laboratoires et d’autre part de désengorger l’AERES, celle-ci pourrait être libérée de la charge de l’évaluation individuelle des laboratoires lorsqu’il existe un conseil scientifique de l’unité de recherche, de l’institut ou du centre. Le rôle de l’AERES serait de valider les procédures de ce conseil scientifique, comme le permettent les dispositions prévues dans ses textes fondateurs. Par ailleurs, l’AERES pourrait très utilement effectuer des évaluations par disciplines ou grands sites, suivre leur évolution dans le temps et réaliser des comparaisons internationales. »

Ces éléments confirment le caractère excessif de l’analyse du rapport de l’Académie des sciences qui soulignait que sur vingt-quatre commentaires écrits d’académiciens, vingt-trois étaient négatifs ou très négatifs sur l’AERES. Une étude de Mme Christine Musselin datant de 2011 et menée auprès de 2 000 universitaires montrait, au contraire, que 48 % étaient favorables à l’Agence et 34 % seulement défavorables et un premier bilan fondé sur les contributions reçues dans le cadre de la consultation nationale des Assises donne un résultat équivalent.

Enfin, la remise en cause de l’Agence serait d’autant plus étonnante que son expertise est reconnue internationalement, au Vietnam, en Thaïlande, au Japon et sert aujourd’hui de référence à la mise en place de structures équivalentes, comme en Italie par exemple. Il est donc important que le Gouvernement en défende aujourd’hui non seulement l’existence, qui est prévue par la loi, mais aussi l’action. À cet égard, il serait sans doute plus pertinent d’utiliser davantage encore le rôle d’expertise de l’autorité administrative indépendante qu’est l’AERES en l’étendant, par exemple au Crédit d’impôt recherche.

Faut-il considérer les inquiétudes non levées sur l’avenir de l’AERES, la baisse du budget de l’ANR, du nombre de chaires de l’Institut universitaire de France ou les inflexions budgétaires touchant le programme n° 190 « Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables », par exemple, comme autant d’anticipations sur les travaux et les propositions à venir des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ? Ce serait mal augurer d’un débat qui devait associer l’ensemble des acteurs de la recherche, en s’appuyant sur les nombreuses réussites accomplies depuis dix ans par ce secteur essentiel.

Le Président d’OSEO, lors de son audition, résumait les deux phases du processus recherche – innovation dans le cadre d’une politique de R&D compétitive en faisant remarquer que la recherche transforme de l’argent en idée et l’innovation de l’idée en argent. Après avoir traité la première phase sous l’aspect des crédits accordés aux établissements publics, le rapport va l’aborder travers le crédit d’impôt recherche, dont l’objet est précisément de renforcer la recherche en entreprise afin de mieux préparer la seconde, l’innovation, là même où elle doit se réaliser.

II.- UN CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE RENFORCÉ ?

A. LES PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION

1. En dehors du crédit d’impôt recherche, des mesures fiscales diversifiées

Les dispositifs fiscaux rattachés à la MIRES, s’ils entrainent des dépenses fiscales non négligeables, ne font généralement pas l’objet de statistiques de suivi ni de travaux d’évaluation équivalents à ceux qui sont conduits sur le principal d’entre eux, le crédit d’impôt recherche (CIR).

Le rapport rendu en août 2011 par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, piloté par l’Inspection générale des finances, apporte cependant des éléments d’appréciation de nature à permettre une mesure de leur performance.

Parmi les huit dépenses fiscales de la MIRES évaluées par le comité, deux sont jugées efficientes et bénéficient du score 3 sur une échelle allant de 0 à 3 : le CIR mais également l’imputation sur le revenu global du déficit provenant des frais de prise de brevet et de maintenance, mesure imputée sur le programme n° 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ». Celle-ci permet aux inventeurs d’imputer le déficit provenant de la prise et la maintenance d’un brevet sur le revenu global et d’alléger ainsi la charge de ces frais tant qu’ils ne sont pas couverts par les produits tirés de l’exploitation de l’invention, soit pendant 10 ans. Le rapport note que ce dispositif, dont le montant ne dépasse pas 0,5 millions d’euros annuellement, incite à la prise de brevets afin de protéger les inventions et encourage l’activité innovante.

Quatre autres des mesures fiscales évaluées sont considérées comme efficaces, elles atteignent l’effet principal recherché, mais non comme efficientes, parce qu’incorrectement ciblées, d’un coût non raisonnable au regard de leur efficacité ou inadaptées ; elles reçoivent le score 1.

C’est le cas de d’une mesure de réduction d’impôt pour frais de scolarité dans l’enseignement supérieur rattachée au volet « enseignement supérieur » de la mission mais aussi de trois mesures relevant du programme n° 192 :

– La réduction d’impôt au titre de la souscription de part de fonds communs de placement sur l’innovation, mesure estimée à 90 millions d’euros en 2012 et dont l’objectif est d’orienter l’épargne vers le capital-risque, a suscité l’inquiétude du comité sur les risques d’effets d’aubaine et de mauvaises pratiques dans les stratégies d’investissement.

– L’exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les jeunes entreprises innovantes existantes au 1er janvier 2004 ou créées entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2013 et les jeunes entreprises universitaires : la mesure estimée à 19 millions d’euros en 2012 et 2013. Elle concernait environ 500 entreprises en 2010 et 600 en 2011. Elle a pour objectif, avec un ensemble de dispositifs voisins – CIR, exonération de charges sociales, aides Oséo – d’apporter un soutien spécifique, dans leur phase de démarrage, aux jeunes entreprises spécialisées dans l’innovation qui mènent des projets de R&D. Les avantages que procure le dispositif ont fait l’objet de modifications portant sur la progressivité du taux d’exonération de l’imposition (et des cotisations sociales) applicables en 2011 et 2012. Mais le comité estime que, contrairement aux exonérations de charges sociales, l’exonération d’impôt n’est ici pas adaptée.

– Enfin, la taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant des produits de cessions et des concessions de brevets. Le dispositif concerne environ 150 entreprises en 2011 et représente la dépense fiscale la plus importante du programme. Son estimation initiale, fondée sur l’exercice précédent, s’élevait pour 2012 à 850 millions d’euros mais a été rabaissée à 680 millions d’euros. L’objectif de la mesure est d’aider la recherche en accordant un régime favorable applicable aux cessions et concessions de brevets ou d’inventions brevetables. Les entreprises bénéficient, au titre de leur impôt sur les sociétés, d’une taxation à taux réduit (15 % au lieu de 33,33 %) pour les plus-values à long terme provenant des produits de cessions et de concessions de brevets, d’une invention brevetable ou d’un procédé de fabrication industriel, sous réserve qu’il n’existe pas de liens de dépendance entre l’entreprise cédante et l’entreprise cessionnaire. Le comité d’évaluation juge l’effet de ce dispositif limité en termes d’attractivité de la R&D, dans la mesure où son application est indépendante du lieu d’exécution de la R&D, contrairement au CIR. L’impact de la suppression de ce dispositif sur la localisation des brevets par les entreprises, d’une part, et sur le montant des recettes et des dépenses fiscales, d’autre part, se révèlerait en outre, selon les dernières analyses, relativement réduit.

Deux des dépenses fiscales évaluées, enfin, font l’objet d’un score nul, signifiant, selon le comité, l’inefficacité du dispositif. C’est le cas du crédit d’impôt à raison des intérêts des prêts souscrits entre le 1er septembre 2005 et le 31 décembre 2008 en vue du financement de leurs études par les personnes âgées de 25 ans au plus qui relève du volet « enseignement supérieur » de la mission et de la provision pour reconstitution de gisements d’hydrocarbures rattachée au programme n° 190 « Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables ». Le comité note en effet le faible niveau d’utilisation de ce dispositif lié à la faiblesse de la production française dans ce secteur et émet donc des réserves sur la portée incitative du dispositif pouvant susciter un effet d’aubaine.

Deux dépenses fiscales relevant du programme n° 192 et estimées à plus d’un million d’euros n’ont pas l’objet d’une évaluation par le comité :

– Les entreprises qui participent, au 16 novembre 2009, à un projet de recherche et de développement et sont implantées dans une zone de recherche et de développement sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices qu'elles y réalisent au titre des trois premiers exercices ou périodes d'imposition bénéficiaires, cette période d'exonération totale des bénéfices réalisés ne pouvant excéder trente-six mois. Les bénéfices réalisés au titre des deux exercices ou périodes d'imposition bénéficiaires suivant cette période d'exonération ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant. Cette mesure concerne 105 entreprises en 2011 ; elle est évaluée sur la base des données déclaratives fiscales à un montant annuel de 2 millions d’euros pour 2012 et 2013.

– L’exonération des plus-values de cession de titres de jeunes entreprises innovantes ou de jeunes entreprises universitaires : l’objectif de ce dispositif est de favoriser la transmission du capital des entreprises innovantes récentes. Les gains nets retirés des cessions à titre onéreux de titres sont soumis à l’impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède un certain montant par foyer fiscal sauf lorsqu’ils concernent des cessions de parts ou actions de sociétés bénéficiant du statut de jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement, sous différentes conditions : les parts ou actions cédées ont été souscrites à compter du 1er janvier 2004, le cédant a conservé les titres cédés, depuis leur libération, pendant une période d’au moins trois ans au cours de laquelle la société a effectivement bénéficié du statut mentionné au premier alinéa et enfin le cédant, son conjoint et leurs ascendants et descendants n’ont pas détenu ensemble, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices de la société et des droits de vote depuis la souscription des titres cédés. Cette mesure est évaluée à 2 millions d’euros pour 2012 et 2013. Elle concernait 90 ménages en 2011.

Le tableau ci-dessous récapitule le montant total des dépenses fiscales contribuant au programme n° 192 (il s’agit, à partir de 2011, d’évaluations) :

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Dépenses fiscales
(en millions d’euros)

474

809

899

939

967

763

763

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

2. Le crédit d’impôt recherche aujourd’hui

Créé en 1983, le crédit d’impôt recherche (CIR) est devenu l’un des dispositifs majeurs dont dispose l’État pour inciter les entreprises à accroître leur effort de R&D. Or, au début des années 2000, alors que les États européens se fixaient des objectifs ambitieux dans ce domaine, la mesure s’essoufflait. Une première modification d’ampleur lui était donc apportée par la loi de finances pour 2004 qui a introduit une part en volume des dépenses de recherche prises en compte pour calculer le crédit d’impôt au côté de la part en accroissement, seule retenue initialement dans le calcul du CIR. Le nombre d’entreprises déclarantes et le montant du CIR n’ont dès lors cessé de progresser. Il s’agissait là, en effet, d’un changement d’approche important, la mesure ne visant plus seulement à encourager le développement de nouvelles recherches, mais aussi leur maintien dans la durée.

Le CIR est devenu depuis la principale dépense fiscale associée à la MIRES et, significativement, au programme n° 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » qui regroupe, faut-il le rappeler, les moyens des plus grands organismes publics de recherche.

Chaque loi de finances a alors modifié le dispositif, en tentant de prendre en compte ses première évaluations, jusqu’à la réforme, entrée en vigueur en 2008, instaurant un dispositif fondé sur le seul volume de recherche, déplafonné (avec modulation cependant au-delà d’un seuil) qui, couplé à un taux de 30 % pour la plupart des entreprises, a rendu le CIR beaucoup plus simple et attractif.

En 2008 et 2009, le nombre de déclarants a donc très fortement augmenté, 60 % en deux ans, pour atteindre près de 16 000 entreprises. Le système va prendre une importance croissante, alors que le début de la crise financière conduit le gouvernement à instaurer, dans le cadre des plans de relance et afin d’améliorer la trésorerie des entreprises concernées, un régime temporaire de restitution immédiate des créances du CIR. D’abord calculée au titre des années 2005 à 2008 dans la loi de finances rectificative pour 2008, la mesure est reconduite par la loi de finances pour 2010 cette fois pour les créances du CIR calculées au titre de l’année 2009, puis elle est pérennisée par la loi de finances pour 2011. Le remboursement immédiat des créances de crédit d’impôt recherche pour les PME, telles que définies par la réglementation communautaire, est donc devenue un élément à part entière du dispositif de soutien à la recherche en entreprise, sous réserve de production de pièces justificatives pour les entreprises créées depuis moins de deux ans.

Mais la loi de finances pour 2011 a également introduit un certain nombre d’ajustements. Certains visent à modérer la dépense fiscale :

– les frais de fonctionnement relatifs aux opérations de recherche sont désormais évalué forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements des immobilisations affectées aux activités de recherche et 50 % des dépenses de personnel ;

– les taux majorés de crédit d’impôt applicables au titre des deux premières années d’application du dispositif qui étaient fixés depuis 2008 à 50 % et 40 % sont abaissés respectivement à 40 % et 35 % et encadrés par des conditions supplémentaires.

Les autres modifications, quant à elles, prennent en compte certaines recommandations des rapports d’évaluation du CIR afin de limiter des pratiques qui pouvaient conduire à des abus :

– les dépenses confiées à des organismes de recherche ou à des experts scientifiques ou techniques privés agréés sont désormais retenues dans la limite de trois fois le montant total des autres dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt ;

– les rémunérations allouées à des tiers au titre de prestations de conseil pour l’obtention du crédit d’impôt recherche font l’objet, sous certaines conditions, d’une déduction totale ou partielle de l’assiette du crédit d’impôt ;

– les entreprises engageant plus de 100 millions d’euros de dépenses de recherche ont l’obligation de produire un état décrivant leurs travaux de recherche en cours.

Enfin, la loi de finances initiale pour 2012 permet la prise en compte, en cas de sinistre touchant les immobilisations, de la dotation aux amortissements correspondant à la différence entre l’indemnisation d’assurance et le coût de reconstruction et de remplacement. Cette mesure entre en vigueur avec un effet rétroactif au 1er janvier 2009.

Le CIR est donc une mesure générale qui bénéficie aux différents secteurs économiques en fonction de la seule importance de leurs activités de R&D, mais orientée vers les PME. En 2010, les PME indépendantes ont ainsi reçu 22,2 % du CIR, alors qu’elles ne représentaient que 19,0 % de la R&D déclarée et elles constituaient également l’essentiel des nouveaux entrants dans le dispositif. Leur taux moyen de CIR comme, par conséquent, celui de leurs dépenses de R&D financées est également assez nettement supérieur à celui des grandes entreprises.

La répartition régionale fait apparaître une prépondérance de la région Ile-de-France, due à la concentration des activités de R&D des entreprises, mais aussi à la localisation du siège social de grandes entreprises.

Le CIR a fait l’objet de nombreuses études d’impact et de rapports d’évaluations, tant à l’initiative du gouvernement que du Parlement, la prise en compte de leurs propositions s’est traduite, on l’a vu, dans les lois de finances successives, en particulier depuis 2004.

Les tableaux ci-après résument l’évolution budgétaire du crédit d’impôt recherche et permettent d’en mieux apprécier les enjeux.

Le premier présente l’évolution de la créance fiscale entre 2003 et 2010 :

 

Nombre de bénéficiaires déclarants

Montant du CIR en millions d’euros

2004, au titre de l’année 2003

5 833

428

2005, au titre de l’année 2004

6 369

890

2006, au titre de l’année 2005

7 400

982

2007, au titre de l’année 2006

8 071

1 495

2008, au titre de l’année 2007

9 839

1 687

2009, au titre de l’année 2008

13 361

4 155

2010, au titre de l’année 2009

15 749

4 700

2011, au titre de l’année 2010

17 710

5 052

Source : mai 2012, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le second présente l’évolution de la dépense fiscale entre 2006 et 2013 (il s’agit, à partir de 2011, d’évaluations) :

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Dépense fiscale

800 

1 000 

1 500 

6 200

4 900

3 075

2 855 

3 355

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le dernier rapport parlementaire en date sur le CIR est le rapport d’information n° 677 (2011-2012) fait au nom de la Commission des finances du Sénat par M. Michel Berson, sénateur de l’Essonne, de juillet 2012. L’analyse de ce dispositif fiscal important, comme les propositions qu’il présente, recoupent celles que le rapporteur a pu relever au cours de ses propres auditions.

B. LE CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE, UN MODÈLE CONSENSUEL ?

1. L’appréciation de la mesure fiscale et les dépenses de R&D

Le crédit d’impôt recherche a pour but, il convient de le rappeler, de favoriser la recherche privée afin qu’elle contribue davantage au développement global des dépenses de R&D, pour les porter à 3 % du PIB, conformément aux projets nationaux et européens régulièrement réaffirmés.

L’objectif fixé depuis plus de dix ans de consacrer 3 % du PIB aux activités de recherche devait en effet s’articuler autour d’un taux de 1 % pour la recherche publique et de 2 % pour la recherche privée. Les moyens des programmes « recherche » de la MIRES qui doivent porter le premier ont été examinés dans la première partie de ce rapport, et les inquiétudes touchant l’affaiblissement de ce levier qu’est l’ANR soulignées, il reste à vérifier que le principal dispositif fiscal pour renforcer le second reste adapté.

Après avoir atteint un minimum d’un peu plus de 2 % en 2007, le rapport entre la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) et le PIB était estimé en 2011 à 2,25 %, soit le taux de 2002. Ce pourcentage se décompose en 0,82 % pour les administrations et 1,43 % pour les entreprises. Depuis 2009, la croissance de la DIRD et, en particulier, de celle des entreprises, est plus soutenue que celle du PIB, traduisant l’impact des efforts de redressement menés dans ce domaine par le précédent gouvernement.

Le rapport DIRD/PIB en 2010 qui est la dernière année connue, situe la France à la cinquième place parmi les six pays les plus importants de l’OCDE en termes de DIRD, derrière la Corée du Sud (3,74 %), le Japon (3,26 %), les États-Unis (2,90 % en 2009) et l’Allemagne (2,82 %), mais devant le Royaume-Uni (1,76 %). Entre 2009 et 2010, le pourcentage progresse pour la Corée du Sud et reste stable pour la France et l’Allemagne. Plusieurs pays de taille économique moyenne consacrent, rappelons-le, une part importante de leur PIB à la R&D : c’est le cas notamment des pays scandinaves dont la Suède (3,40 %) et de la Finlande (3,88 %).

En 2010, 63,2 % de l’activité de R&D en France est donc exécutée par les entreprises. Cette proportion est légèrement supérieure à celle de l’ensemble des pays de l’Union européenne à 27 (60,8 %) mais inférieure à celle de l’ensemble des pays de l’OCDE (67,3 % en 2009). En valeur monétaire 2010, avec une dépense de 31,4 milliards de dollars, la R&D des entreprises françaises se maintient au cinquième rang des pays de l’OCDE, derrière celle des États-Unis (282 milliards de dollars données 2009), du Japon (108 milliards de dollars), de l’Allemagne (58 milliards de dollars), de la Corée du Sud (40 milliards de dollars), et devant celle du Royaume-Uni (24 milliards de dollars).

En pourcentage de la valeur ajoutée des branches marchandes, la DIRD des entreprises en France, avec 2,43 % en 2010, se situe derrière la Corée du Sud (4,17 %), le Japon (3,76 %), les États-Unis (3,28 %) et l’Allemagne (3,09 %).

Il importe toutefois de noter, dans les comparaisons internationales en matière de recherche technologique et industrielle, que la recherche des entreprises françaises couvre moins qu’ailleurs le champ technologique et industriel du pays. Pour des raisons historiques, une part non négligeable de R&D technologique de haut niveau est assurée dans leurs domaines de compétence au sein d’EPIC, de fondations ou d’EPST, rendant plus aiguë la question de sa valorisation.

L’effort de recherche français reflète également le positionnement modeste de ses entreprises sur les industries de haute et moyenne-haute technologie, qui génèrent 4,5 % de la valeur ajoutée totale de son économie marchande, contre 12,9 % en Allemagne. Il convient de remarquer, à cet égard, qu’à structure de tissu économique et donc de valorisation comparables, le rapport entre la DIRD et le PIB pour la France dépasserait 3,5 %, à comparer donc aux 2,82 % actuels de l’Allemagne. En France, en effet, les entreprises industrielles de haute technologie affectent une part plus élevée de leur chiffre d’affaires à la recherche que leurs homologues d’Allemagne.

L’enjeu est donc bien le développement d’un secteur privé de haute technologie qui est l’objet du CIR, parallèlement au maintien d’une forte incitation publique aux projets de recherche les plus porteurs d’avenir ce que, contradictoirement, la baisse des moyens de l’ANR n’annonce pas.

« Un dispositif satisfaisant mais perfectible », l’expression est revenue plusieurs fois lors des auditions aussi bien du côté des représentants des entreprises et de leurs conseils que de leurs partenaires des organismes publics.

Les données statistiques présentées ci-dessus ont montré le succès du dispositif dans ses différentes composantes. Il se traduit, rappelons-le, par un triplement du nombre d’entreprises concernées et un décuplement de la créance fiscale depuis 2004. Une approche plus précise montre une véritable adhésion des directions des entreprises depuis 2009. La méfiance face à des mesures fiscales longtemps considérées comme complexes, risquées, exposant à des contrôles difficiles et pour des résultats incertains semble clairement levée.

Les PME, en particulier, qui représentent près de 80 % des entreprises bénéficiant du CIR, se sont emparées de certaines des dispositions les plus incitatives du CIR, comme le doublement des dépenses de personnel d’un jeune docteur pendant les vingt-quatre mois suivant son embauche et la majoration des frais de fonctionnement à 200 % des dépenses de personnel. L’expérience est, de l’avis des intéressés, passionnante pour les deux parties, et se traduit par une pérennisation de l’emploi du docteur dans 80 % des cas.

Pour les grandes entreprises, comme le constatait les représentants auditionnés de l’ASCOFI (Association des conseils en innovation), le CIR intervient comme un facteur limitant l’importance du coût du travail en France, permettant d’éviter des délocalisations voire de permettre des relocalisations. Les investissements étrangers en R&D en France connaissent ainsi une progression importante depuis la réforme de 2008. Ils plaçaient, en 2010, notre pays en tête des pays européens créateurs d’emploi de R&D liés aux investissements internationaux, selon une étude récente de l’observatoire du CIR.

Un avantage, moins intuitif, de la continuité de la recherche en entreprise soutenue par un dispositif fiscal adapté est apparu lors des auditions, celui de dépasser l’effet de mode qui peut s’emparer de la recherche publique. En effet, moins soumise aux investissements antérieurs et poussée à répondre à des demandes sociales variables, la recherche publique a parfois tendance à ne pas poursuivre ou à ne pas tenter de valoriser un travail dont les résultats n’apparaissent pas comme rapidement utilisables. La recherche en entreprise est conduite, quant à elle, pour d’évidentes raisons comptables, à persévérer pour rentabiliser les crédits engagés, comme le soulignait le représentant de Thalès lors de son audition. Le caractère général et non discriminant des financements induits par le CIR, parfois critiqué par les experts, peut donc servir à développer des recherches qui n’auraient pas bénéficié autrement de l’attention des organismes publics.

Les améliorations importantes du dispositif du CIR intervenues en 2008 ne doivent cependant pas dissimuler un certain nombre de difficultés, que les auditions ont permis de préciser. Outre la complexité globale du système que les modifications, même marginales, introduites par les lois de finances n’aident pas à éclairer, malgré l’édition de guides ou la création de sites dédiés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, un certain nombre de règles pourraient être réexaminées sans remettre en cause l’équilibre général de la mesure.

2. Sécuriser le dispositif

En matière fiscale, en effet, la stabilité est essentielle. Il convient, à cet égard, de se réjouir que le projet de loi de finances pour 2013, pourtant prodigue en mesures fiscales nouvelles pesant sur les entreprises, n’ait pas cédé à la tentation d’une remise en cause du CIR.

L’article 55 du projet de loi de finances consacré au CIR propose en effet des modifications certes discutables, mais qui s’inscrivent dans la logique du dispositif.

Constatant que seule une partie des dépenses de développement des entreprises est prise en compte actuellement dans l’assiette du CIR, alors que celles-ci sont décisives pour transformer une découverte technologique en un produit commercialisable, l’article 55 propose d’étendre le régime du CIR à certaines dépenses d’innovation réalisées en aval de la R&D par les PME et portant sur des activités de conception, de prototype, de nouveaux produits ou d’installations pilotes de même nature. Ces dépenses entreraient dans la base du CIR dans la limite de 400 000 euros par an et bénéficieraient d’un taux d’aide de 20 %. Ce taux est donc réduit par rapport au taux normal de 30 %. La dépense fiscale supplémentaire serait, en outre, gagée par la suppression du taux majoré du CIR les deux premières années (40 et 35 % depuis 2011).

La notion de prototype était, en fait, déjà partiellement prise en compte, la mesure risque donc de se traduire par une baisse de la créance, dès lors ramenée à 20 % des dépenses éligibles. La question de la définition est ici centrale et inquiète à juste titre les PME.

Outre un élargissement du périmètre des dépenses retenues en matière d’innovation, qui pourrait par exemple se fonder sur des références internationales, comme le Manuel d’Oslo, il serait également préférable de prolonger le taux unique de 30 % de la phase recherche à la phase innovation et d’éviter ainsi toute difficulté d’interprétation. Quant au gage de la mesure qui porte sur la suppression des taux majorés des deux premières années, qui sont en général en amont de la phase innovation, il est totalement inapproprié. C’est en effet au début du processus que s’accomplit la rupture conceptuelle à l’origine de l’innovation, il serait paradoxal de remettre en cause la principale incitation au développement de la recherche à l’occasion d’une mesure sensée en favoriser la valorisation.

L’article 55 prévoit également d’améliorer le dispositif du rescrit fiscal en permettant aux entreprises d’y recourir, même lorsque leur projet de R&D a déjà débuté. C’est une mesure intéressante, mais qui ne règle pas la question cruciale dans ce domaine : celle de l’expertise. L’éligibilité des dépenses de recherche au CIR est demandée aux experts du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Or cette expertise ne garantit pas la possibilité d’un débat contradictoire, contrairement aux contrôles opérés par l’administration fiscale. Il est nécessaire de mettre fin à cette anomalie.

La prise en compte de cette demande comme l’importance croissante du dispositif du CIR et l’extension proposée par l’article 55 de la procédure du rescrit fiscal rendent également nécessaire le renforcement des acteurs l’expertise. Outre OSEO et l’ANR, déjà habilités à délivrer des rescrits, le rôle d’expertise devait pouvoir être étendu à l’autorité administrative indépendante qu’est AERES.

Rappelons, en effet, que la loi de modernisation de l’économie (n° 2008-776) du 4 août 2008 ouvre déjà la possibilité pour les entreprises, préalablement au démarrage des travaux de R&D, de s’adresser directement au délégué à la recherche et à la technologie (DRRT), à l’ANR ou à OSEO afin d’obtenir une prise de position formelle lorsqu’elle celle-ci est relative aux dépenses de recherches éligibles au dispositif CIR.

Il convient cependant de remarquer que le dispositif du rescrit fiscal, s’il est sécurisant, n’en demeure pas moins lourd. Les entreprises font souvent remarquer qu’un rescrit négatif équivaut à une fin de non-recevoir alors qu’un rescrit positif n’est pas une garantie absolue, ce qui les conduit à préférer le recours à la simple expertise, malgré ses imperfections.

Quelques points du dispositif existant, non modifiés dans le projet de loi de finances, soulèvent également des remarques des acteurs du CIR auditionnés.

Il s’agit, d’une part, du doublement des dépenses éligibles lorsque la recherche est sous-traitée à des organismes de recherche publics, qui pose le problème à la fois des structures de recherche sous contrat (SRC), en particulier celles agréées par OSEO (la majorité d’entre elles) mais aussi des sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT). Ces dernières ont été mises en place dans le cadre des investissements d’avenir et sont détenues majoritairement par des groupements d’établissements et d’organismes de recherche. Les SATT sont des structures à vocation locale devant conduire à une plus forte professionnalisation de la valorisation de la recherche et à un renforcement des compétences en gérant les activités de valorisation au plus près des laboratoires et de l’écosystème d’entreprises, en lien avec les pôles de compétitivité et en renforçant les compétences des sites universitaires. Elles devraient se substituer aux multiples dispositifs coexistant sur un même site pour constituer de véritables guichets uniques de proximité pour améliorer le service rendu aux chercheurs et aux entreprises. Il peut dès lors sembler paradoxal qu’elles ne soient pas assimilées à des organismes de recherche publics.

Plus largement, l’importance pour les entreprises de cette mesure implique une réelle clarification de l’agrément des organismes de recherche publics au CIR.

Enfin, les petites entreprises demandent le rétablissement du versement anticipé du CIR tel qu’il figurait dans le cadre du Plan de relance, afin de renforcer l’impact du dispositif sur la trésorerie des PME concernées, ce qui semble correspondre effectivement à l’un des objets de la mesure et celui qui explique le maintien d’un bon niveau de recherche en entreprise malgré l’importante crise des financements depuis 2008. D’autre part, la loi de finances pour 2011 a introduit, dans l’objectif d’encadrer davantage l’activité des sociétés et cabinets de conseil, une mesure qui reste contestée par les intéressés, de différentiation de la prise en compte de leur rémunération dans l’assiette du CIR, la rémunération au succès, en pourcentage, étant pénalisée au profit de celle au forfait.

En conclusion, si l’article 55 du projet de loi de finances ouvre des perspectives intéressantes pour faciliter la transition entre la recherche et l’innovation, il n’en est pas moins souhaitable que les réflexions précédentes soient prises en compte. Le consensus dont semble bénéficier le crédit d’impôt recherche devrait donc permettre l’adoption d’amendements répondant aux inquiétudes des entreprises sur l’évolution de ce dispositif fiscal, essentiel au développement des activités de R&D en France.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède, le mardi 23 octobre 2012, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits pour 2013 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (2).

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission examine, pour avis, au cours de sa séance du mardi 30 octobre 2012, les crédits pour 2013 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sur le rapport de M. Patrick Hetzel (Recherche) et de Mme Isabelle Attard (Enseignement supérieur et vie étudiante).

M. le président Patrick Bloche. Nous examinons pour avis des crédits pour 2013 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Ces crédits, je le rappelle, font l’objet d’une procédure d’examen en commission élargie. La réunion de la commission élargie a eu lieu mardi dernier. À cette occasion, Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a répondu aux nombreuses questions des parlementaires sur ce projet de budget auquel pas moins de huit rapports étaient consacrés.

M. Patrick Hetzel, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. Le débat en commission élargie du mardi 23 octobre dernier consacrée au budget de l’enseignement supérieur et de la recherche pour 2013 a renforcé les différents éléments qui conduisent à ne pas accepter en l’état les crédits proposés pour cette mission déterminante.

Les moyens des programmes et actions « Recherche » de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » sont en effet un élément décisif pour considérer un projet politique. Ils conditionnent l’avenir intellectuel comme le soutien au développement économique de notre pays. Le précédent gouvernement, s’inscrivant dans la continuité d’une orientation politique fixée dès le début des années 2000, a tenu les engagements de la loi de programme pour la recherche de 2006 comme du ceux du programme des investissements d’avenir de 2010.

Si le projet de loi de finances pour 2013, défendu par la nouvelle majorité, présente un budget de la recherche préservé dans ses grandes lignes, cette apparente stabilité recouvre une évolution interne et des baisses de moyens significatives, touchant au premier chef l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, dont les crédits baissent de plus de 10 %.

La fragilisation de l’ANR intervient alors que son rôle central dans le système français de recherche s’est confirmé par sa gestion des investissements d’avenir, qui ont contribué à redessiner le cadre de l’enseignement supérieur et de la recherche en France en le dotant de moyens exceptionnels par rapport aux époques antérieures. Or, une modification des crédits de l’ANR touche directement l’ensemble des programmes de la recherche publique dont elle est le premier financeur. Toute baisse des moyens de l’Agence a des conséquences immédiates, et très supérieures à celle touchant les crédits récurrents, sur les dépenses effectives de recherche. Ce choix de remettre en cause la recherche par projets nous distingue par ailleurs de la plupart de nos partenaires économiques, en particulier européens, qui ont au contraire décidé de la renforcer dans cette période difficile, et cela malgré leurs difficultés budgétaires.

Ces modifications internes touchent également différents acteurs de la recherche dans le domaine de l’énergie, comme le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) – ce qui est pour le moins paradoxal à la veille du débat national sur la transition énergétique où leur expertise sera essentielle. Elles se font également au détriment de la recherche universitaire d’excellence : à l’Institut universitaire de France, pourtant créé à l’initiative de Claude Allègre en 1991, le nombre de postes ouverts en 2013 baisse de près d’un tiers par rapport à 2012 et aux années précédentes.

Il est nécessaire, dès lors, de s’interroger sur l’avenir des multiples outils dont est dotée la recherche publique, tant en termes de structures que de financements, alors que se tiennent les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche décidées par le nouveau gouvernement : le cadre budgétaire de la mission interministérielle pour 2013 semble anticiper quelque peu sur les résultats de ses travaux, ce qui n’est pas très cohérent, et tendrait même à montrer que le gouvernement a préempté les conclusions des Assises. La concertation serait-elle un simulacre ?

Cette réorientation plus ou moins discrète de l’intervention publique semble toucher également des opérateurs comme l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES. Alors que son existence même est remise en cause par certains – l’Académie des sciences, par exemple –, il est nécessaire qu’elle soit mieux défendue par le gouvernement. La réponse de Mme la ministre n’a pas été très encourageante. Il est pourtant plus que jamais nécessaire de disposer d’une instance indépendante d’évaluation de notre système et de nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche, correspondant de plus à nos engagements européens.

Permettez-moi de concentrer maintenant mon propos sur le crédit d’impôt recherche (CIR).

Notre pays dispose, sous une forme renforcée depuis 2008, d’un instrument de soutien à la recherche au sein des entreprises, le crédit d’impôt recherche, qui est très largement considéré comme pertinent et efficace. C’est du reste la dépense fiscale rattachée à la mission interministérielle qui est la plus appréciée des entreprises. En dehors du crédit d’impôt recherche, l’essentiel des dépenses fiscales concerne le programme 192, « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », et plus particulièrement les jeunes entreprises innovantes et la valorisation des licences et brevets.

Le crédit d’impôt recherche bénéficie d’un réel consensus, y compris au Parlement, et ce depuis sa création en 1983, comme l’a montré encore récemment le rapport du sénateur Michel Berson. Il est le principal levier visant à permettre à la recherche et développement français d’atteindre l’objectif, fixé au niveau européen, d’un taux d’investissement de 3 % de PIB.

L’impact du crédit d’impôt recherche est presque mesurable en temps réel : le maintien du niveau des dépenses de recherche des entreprises en France depuis le début de la crise en est un indicateur significatif. Au moment où la compétitivité de notre économie est au centre du débat politique, il s’agit donc d’un outil fondamental.

« Un dispositif satisfaisant mais perfectible », selon l’expression revenue plusieurs fois lors des auditions aussi bien du côté des représentants des entreprises et de leurs conseils que de leurs partenaires publics. L’aspect satisfaisant est traduit par les chiffres mêmes de son succès : triplement du nombre d’entreprises concernées et décuplement de la créance fiscale depuis 2004. Une approche plus précise montre une véritable adhésion des directions des entreprises depuis 2009. Les PME, en particulier, qui représentent près de 80 % des entreprises bénéficiant du dispositif, se sont emparées de certaines des dispositions les plus incitatives, comme celle visant au recrutement de jeunes docteurs. L’expérience est, de l’avis des intéressés, passionnante pour les deux parties, et se traduit par une pérennisation de l’emploi du docteur au sein de l’entreprise dans 80 % des cas.

Un autre avantage, moins intuitif, est apparu lors des auditions, celui de dépasser l’effet de mode qui peut s’emparer de la recherche publique. La recherche en entreprise est davantage conduite à persévérer, pour rentabiliser les crédits engagés. Le crédit d’impôt recherche peut donc servir à développer des recherches qui n’auraient pas bénéficié autrement de l’attention des organismes publics. Cet effet vertueux incite à continuer de stimuler les relations entre public et privé en la matière.

Les améliorations importantes du dispositif depuis 2008 ne doivent cependant pas dissimuler un certain nombre de difficultés, que les auditions ont permis de préciser.

Si le projet de loi de finances pour 2013 n’a pas cédé à la tentation de réduire le crédit d’impôt recherche, il propose cependant, dans son article 55, d’en modifier certaines modalités.

Constatant que seule une partie des dépenses de développement des entreprises est prise en compte actuellement dans l’assiette du CIR, alors que celles-ci sont décisives pour transformer une découverte technologique en un produit commercialisable, le projet de loi de finances propose d’étendre le régime du CIR à certaines dépenses d’innovation réalisées par les PME en aval de la recherche et développement. Ces dépenses, plafonnées, entreraient dans la base du crédit d’impôt et bénéficieraient d’un taux d’aide de 20 %. Ce taux est donc réduit par rapport au taux normal de 30 %. Par ailleurs, la dépense fiscale supplémentaire serait gagée par la suppression du taux majoré du CIR les deux premières années. À mon sens, ce gage est totalement inapproprié : c’est en effet au début du processus que s’accomplit la rupture conceptuelle à l’origine de l’innovation ; il serait paradoxal de remettre en cause la principale incitation au développement de la recherche à l’occasion d’une mesure censée en favoriser la valorisation.

Le projet de loi de finances prévoit également d’améliorer le dispositif du rescrit fiscal en permettant aux entreprises d’y recourir même lorsque leur projet de recherche et développement a déjà débuté. C’est une mesure intéressante, mais qui ne règle pas une question cruciale, celle de l’expertise. L’éligibilité des dépenses de recherche au CIR est demandée aux experts du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Or cette expertise ne garantit pas la possibilité d’un débat contradictoire. De plus, l’importance croissante du CIR, l’extension du dispositif de rescrit fiscal et l’introduction d’une procédure contradictoire rendent nécessaire le renforcement de cette même expertise. Outre OSEO et l’ANR, déjà habilités à délivrer des rescrits, le rôle d’expertise ne pourrait-il être étendu à une autorité administrative indépendante comme l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur ? C’est une proposition que je formule.

Vous l’aurez compris, le projet de budget de la mission interministérielle souffre de plusieurs faiblesses structurelles et d’orientations en décalage par rapport à certains grands enjeux internationaux en matière de recherche, notamment en ce qui concerne le financement de la recherche par projets. C’est ce qui me conduit à donner un avis négatif au volet « Recherche » du projet de loi de finances pour 2013 tel qu’il nous est proposé par le gouvernement.

Mme Isabelle Attard, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Suivant l’usage, j’ai choisi de consacrer mon avis budgétaire à un thème d’investigation principal, le logement étudiant.

Avant de vous présenter la politique budgétaire de l’État en la matière, permettez-moi de rappeler les mouvements de crédits sur les programmes 150, relatif à l’enseignement supérieur, et 231, consacré à la vie étudiante. Ces deux programmes échappent à la règle de stabilité imposée à la plupart des dépenses de l’État. Les crédits du programme 150 se montent à 12,8 milliards d’euros. Ils augmentent de 249 millions d’euros, pour un tiers à l’avantage de la formation en licence qui reçoit, conformément à un engagement pris par François Hollande lors de la campagne présidentielle, 1 000 nouveaux postes. La formation en master obtient un supplément de 35 millions d’euros.

Le passage à l’autonomie des derniers établissements d’enseignement supérieur s’achève. La ministre de l’enseignement supérieur a reconnu qu’il s’est fait sans concertation, sans que les établissements y soient préparés et au prix de déséquilibres financiers pour nombre d’entre eux. Les inconvénients de ce passage en force apparaissent dans les nombreuses contributions recueillies lors des Assises territoriales et nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche qui sont actuellement conduites par Mme Françoise Barré-Sinoussi.

Les conclusions de ces Assises ne devraient pas revenir sur les compétences et les financements qui ont été délégués aux établissements depuis 2007. Mais elles inviteront sans doute le gouvernement à simplifier l’architecture du système public d’enseignement et de recherche et à modifier la gouvernance des établissements. Ces conclusions devraient être reprises dans un projet de loi attendu l’année prochaine et traduites dans le projet de loi de finances suivant.

La ministre a déjà annoncé que le système SYMPA (« système de répartition des moyens à la performance et à l’activité ») d’allocation des moyens aux universités serait revu. Cette révision sera cependant limitée par les contraintes budgétaires strictes qui s’appliqueront, selon la programmation triennale annoncée, aux crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche en 2014 et 2015. Seuls les établissements bénéficiant des dépenses d’investissements d’avenir et du plan Campus disposent aujourd’hui de marges de manœuvre.

Or ces ressources extrabudgétaires ont été très inégalement réparties et une grande partie a été investie dans des opérations immobilières qui tardent à produire leurs effets. L’opacité des procédures de partenariats public-privé (PPP), retenues ces dernières années pour les investissements dans l’immobilier universitaire, aurait pu être compensée par la rapidité des constructions et l’efficacité des prestataires. Il n’en a rien été. Votre rapporteure partage la surprise exprimée devant vous à ce sujet par la ministre de l’enseignement supérieur. L’opération Campus a été lancée en 2007, les investissements d’avenir en 2010. Aucune première pierre n’a été posée plus de quatre ans après la sélection des premiers bénéficiaires !

Un rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la Commission des finances, déposé en décembre dernier, reconnaissait que les décaissements liés au plan Campus étaient faibles et les raisons des lenteurs imputables à la complexité des opérations. La ministre de l’enseignement supérieur souligne plutôt le manque d’engagement des collectivités territoriales dans ces projets immobiliers, puisque celles-ci sont tenues à l’écart des instances qui les conduisent. Elle s’est engagée à remettre à plat les partenariats les moins avancés.

Le programme 231 relatif à la vie étudiante reçoit pour sa part 141 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 156 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires. Ces hausses ne sont toutefois que le rétablissement, longtemps attendu, du budget nécessaire au paiement des bourses sur critères sociaux sur dix mois. Le programme 231 avait fait l’objet d’un rappel à l’ordre de la Cour des comptes dans son rapport sur l’exercice 2011. La Cour relevait une sous-évaluation chronique des crédits nécessaires au paiement des bourses depuis l’exercice 2009.

Outre les crédits des bourses et l’aide sociale aux étudiants, le programme 231 couvre également une partie des dépenses de l’État en faveur du logement étudiant. Le gouvernement a annoncé un nouveau programme de construction de 40 000 logements sociaux pour les étudiants. Il a augmenté pour cela de 20 millions d’euros la dotation d’investissement immobilier du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS.

La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a confirmé la semaine dernière que la dotation supplémentaire serait reconduite dans les années à venir et qu’elle ne serait pas diminuée par une baisse des investissements des futurs contrats de projets État-région.

Elle a également confirmé qu’une mission conjointe de son ministère et du ministère du logement serait mise en place pour piloter ce nouveau plan. Je m’en réjouis particulièrement car on était dans le flou depuis l’annonce du mois de juin. Ce suivi interministériel avait manqué au plan précédent, le plan Anciaux, qui visait d’abord la rénovation des anciennes cités universitaires, devenues vétustes et inadaptées. Cette rénovation a pris du retard. Elle se poursuit encore, sur un rythme moins rapide que prévu, mais sur des crédits budgétaires renouvelés chaque année et sans endettement des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS.

Le plan Anciaux fixait ensuite un objectif de construction de 5 000 nouvelles places par an dans le parc des CROUS. Un tiers des places devait compenser les pertes dues à la rénovation des anciennes chambres, puisque celles-ci sont agrandies – on utilise deux chambres pour en faire une ou trois pour en faire deux – afin de recevoir un bloc sanitaire complet. Le reste devait accroître l’offre de logements très sociaux pour les étudiants français et étrangers. Le CNOUS et le ministère de l’enseignement supérieur reconnaissent que la moitié seulement des nouvelles places prévues a été construite.

En revanche, si l’on consulte le bilan, publié par le ministère du logement, du financement par des prêts aidés des résidences sociales pour étudiants, on apprend que l’objectif de 5 000 places par an du plan Anciaux a été atteint. Cette contradiction s’explique par la politique des bailleurs sociaux : ils ont construit les résidences étudiantes, pour leur propre compte ou pour celui des CROUS, avec peu de subventions mais avec des prêts locatifs sociaux. Ce sont ces bailleurs qui ont négocié avec les municipalités l’implantation des résidences, qui ont défini l’architecture et choisi le gestionnaire et le régime d’exploitation. Dans un cas sur deux, ils ont préféré placer leurs résidences sous le régime de la location meublée non professionnelle, pratiquée par des associations sans but lucratif qui s’en sont fait une spécialité, plutôt que sous celui de l’affectation administrative, pratiqué par les CROUS. C’est pourquoi plusieurs questions restent encore sans réponse concernant le nouveau plan de construction : où seront construits les 40 000 nouveaux logements étudiants annoncés ? Qui les louera ? Et à quel prix ?

Les municipalités détiennent les réserves foncières à bas coût. Ce sont elles qui seront les bénéficiaires de la loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement social. En confiant aux bailleurs sociaux le soin de décider avec elles de l’implantation des résidences étudiantes, la politique de l’État a abouti à multiplier les constructions dans les villes moyennes et non pas dans les grandes agglomérations, où la rareté et le prix du foncier ne permettent pas aux résidences sociales financées par emprunt d’atteindre l’équilibre financier.

La plupart des résidences étudiantes ont en outre été construites sur le même modèle architectural. On est ainsi passé d’un extrême à l’autre depuis les années 1960. Les dortoirs des cités universitaires, avec douche et toilettes à l’étage, ont cédé la place aux casiers individuels alignés par dizaines dans des caisses en béton. Les chambres ont doublé de taille afin de recevoir le bloc sanitaire et la cuisine indispensables pour atteindre les standards des logements sociaux et obtenir le conventionnement à l’APL (aide personnalisée au logement). Le chauffage collectif a été remplacé par un chauffage électrique individuel. Enfin, le financement de ces résidences pour étudiants par des emprunts aidés plutôt que par des subventions a diminué la part du parc très social et augmenté les loyers payés par les étudiants. Cette hausse des loyers a obligé l’État à accorder plus largement aux étudiants le bénéficie de l’allocation logement à caractère social, la fameuse ALS, qui est régulièrement remise en cause parce qu’elle profiterait à des catégories d’étudiants qui n’en auraient pas besoin.

À la différence des bourses, qui tiennent compte des revenus familiaux, les aides au logement ne dépendent que des revenus personnels des étudiants alors que la plupart n’en déclarent pas. Le ministère des finances souhaite donc récupérer une partie du 1,2 milliard d’euros d’ALS qui leur est alloué chaque année et réduire l’avantage qu’accorde, par étudiant à charge, la demi-part du quotient familial aux ménages qui payent l’impôt sur le revenu. Le ministère de l’enseignement supérieur souhaite, de son côté, mettre en place une allocation d’études supérieures sous condition de ressources qui se substitue entièrement aux parts fiscales, aux bourses et aux aides sociales actuelles afin de cibler d’avantage les étudiants issus des milieux les plus modestes.

Ces projets suscitent beaucoup d’inquiétudes parmi les représentants des étudiants. Au lieu de l’allocation universelle d’autonomie qu’ils avaient imaginée, portée au niveau des minima sociaux et donc plus coûteuse que les aides actuelles pour les finances publiques, ils craignent une allocation financée à coût constant voire à moindre coût, qui soit un peu plus favorable aux étudiants issus des milieux les plus modestes mais aux dépens de ceux qui, n’ayant accès ni aux bourses ni aux logements sociaux, doivent consacrer l’essentiel de leurs ressources à leur logement et souvent travailler au-delà du seuil raisonnable de 12 à 15 heures par semaine pour payer leur loyer. Avant de durcir les conditions d’attribution des aides sociales à ces étudiants, il serait souhaitable de baisser les loyers des petites surfaces et d’accroître le parc de logements.

Celui des CROUS n’atteint pas actuellement les objectifs que lui assigne l’État, à savoir loger 10 % des étudiants et 30 % des boursiers. Pour les atteindre, il faudrait changer le modèle des résidences étudiantes, en séparant le logement étudiant du logement social, et proposer des logements collectifs financés par des subventions et loués à moins de 150 euros. Je veux parler – et c’est le cœur de mon propos – de logements collectifs confortables et conviviaux pour 4 à 8 étudiants dans lesquels chacun loue une chambre et partage des pièces communes et des salles d’eau.

Ce modèle de logement collectif est peu pratiqué en France mais largement répandu dans les pays proches, notamment la Belgique, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne. Il a fait ses preuves à tous points de vue, financier, pédagogique et social. Les logements sont moins chers à la location, plus économes en énergie et plus agréables à vivre pour les étudiants.

Je prendrai l’exemple de Louvain-la-Neuve, en Belgique, où ces logements s’appellent des « kots ». Il ne s’agit pas d’une colocation indivise. Les chambres sont louées individuellement aux étudiants par des baux qui fixent l’usage des parties communes et divisent, sans contestation possible, les charges, les cautions et les frais de réparation des dégradations. Il y a un état des lieux à l’entrée et à la sortie de chaque étudiant. Pour assurer l’entretien des pièces communes et maintenir un contact social permanent entre l’étudiant et le service des logements de l’université, le loyer inclut le paiement de services, en particulier le ménage, comme dans nos résidences étudiantes avec services mais à moindre prix. Ces services permettent une prise en charge sociale des étudiants les plus jeunes – le dispositif concerne les première et deuxième années –, un accompagnement à l’autonomie, un signalement des étudiants en mal de vivre et un contrôle des excès de comportement ou du laisser-aller dans l’usage et l’entretien des locaux.

Ces résidences savent aussi s’adapter à l’âge des étudiants, en réservant aux plus jeunes l’hébergement à prix modique dans un logement collectif et en leur proposant par la suite d’intégrer une colocation organisée autour d’un projet associatif, un « kot à projet ». Dans cette deuxième étape, les étudiants se regroupent autour d’un projet commun qu’ils mèneront sur une année ou plus. Non seulement les autres étudiants, mais aussi tous les habitants de la ville bénéficient de cette participation à la vie associative, culturelle et associative de Louvain-la-Neuve.

Ces logements collectifs coûtent peu, rapportent plus qu’ils ne coûtent et favorisent les études comme l’épanouissement et la socialisation des étudiants qui y habitent. Qu’attend-on pour les développer en France ?

Ils doivent être pensés dès l’élaboration du projet architectural de construction des 40 000 logements. Ils doivent pouvoir s’appuyer sur une administration solide qui répartit, entretient et anime les immeubles, tout en veillant au bien être des étudiants. Il est encore temps d’inciter le réseau des œuvres universitaires à multiplier les expérimentations de cette nature dans les programmes de construction qu’il va financer.

Les CROUS ont commencé à reprendre la main sur la construction des résidences étudiantes qu’ils gèrent. Ils recourent de plus en plus à un accord cadre d’installation de logements industrialisés, conclu par le CNOUS avec cinq groupements d’entreprises. Chaque groupement réunit un industriel, un architecte, des sociétés d’ingénierie et de réseaux et un installateur de logements modulaires. Ce n’est pas moins cher que la construction habituelle en béton mais bien plus rapide à installer. Pour l’instant, cette rapidité d’installation est le principal argument retenu pour utiliser cette formule. On pourrait cependant faire mieux pour améliorer le bilan énergétique et la convivialité de ces logements.

Puisque le réseau des œuvres reprend la maîtrise d’ouvrage de ses investissements immobiliers, c’est l’occasion pour lui de définir un nouveau standard de résidence étudiante, en construisant non plus seulement des unités individuelles mais des logements collectifs de quatre ou cinq chambres distribuées autour de pièces communes.

Je compte beaucoup sur la mission interministérielle qui doit piloter le nouveau plan de construction pour aider le réseau des œuvres à inventer un standard français du logement collectif étudiant. La mission pourra mobiliser les services des ministères, voire des équipes d’architectes. Elle pourra suivre les résidences pilotes depuis leur conception et veiller à l’équilibre des plans de financement selon les sites. Ce modèle pourrait ensuite être repris par les résidences étudiantes que construisent les établissements d’enseignement et les bailleurs sociaux. On pourrait même imaginer qu’il s’étende à la colocation privée.

Mais cela ne pourra se fait qu’à deux conditions : d’une part, que le régime des baux surmonte les inconvénients actuels des baux collectifs indivis pratiqués dans la colocation privée ; d’autre part, qu’une intermédiation locative entre le propriétaire et les étudiants s’impose pour éviter les abus de loyers ainsi que les contentieux sur la répartition des charges et la durée des cautions.

Cette intermédiation locative pourrait devenir le nouveau métier des CROUS, dont le site internet « Locaviz », ouvert en mars, marque les premiers pas en ce domaine. Conçu initialement pour augmenter le taux de remplissage des résidences universitaires, ce site pourrait devenir une plateforme du logement étudiant. Il reprend déjà les offres locatives publiées par les 66 000 propriétaires qui avaient adopté le service d’intermédiation des CROUS appelé « logement en ville ».

Le pilote interministériel du nouveau plan de construction de 40 000 places dans les CROUS devra inciter les bâtisseurs et les bailleurs, au moment où de nouveaux campus sortiront de terre et s’entoureront, pour certains, de villes nouvelles, à adopter des techniques de construction plus économes en énergie et moins chères à la location.

L’engagement de l’État et de son principal opérateur dans le logement collectif ne doit pas cependant pas les dispenser d’améliorer tout de suite les conditions d’accès des étudiants au marché locatif privé, par des moyens peu coûteux et très utiles aux étudiants qui recherchent un logement. Je pense en particulier au cautionnement solidaire. Des dispositifs ont déjà été expérimentés par Action logement, par les CROUS et par quelques régions, avec plus ou moins de succès et seulement pour certaines catégories d’étudiants.

Vous l’aurez compris, en dépit des contraintes budgétaires et en attendant les conclusions des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, le projet de loi de finances pour 2013 commence à corriger les déséquilibres des précédents budgets dans le domaine de l’immobilier universitaire comme dans celui du logement étudiant. C’est pourquoi je vous invite à adopter les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie pour cette présentation où passait par moments l’inspiration de Charles Fourier…

M. Émeric Bréhier. L’avis de M. Patrick Hetzel traduit une divergence légitime dans le contexte actuel. Je conçois qu’il regrette la diminution des crédits de l’ANR ou la modification du crédit d’impôt recherche à l’article 55 du projet de loi de finances. Mais n’est-il pas quelque peu contradictoire de solliciter la mise en place d’une nouvelle autorité administrative indépendante alors que nous déplorons tous la montée en puissance de ces instances qui, par nature, ôtent des capacités d’intervention aux services de l’État, dont les charges de personnel se sont accrues et qui n’ont guère participé aux efforts budgétaires du pays ?

Je note également que la diminution des crédits de l’ANR avait commencé avant la présente mandature. Le PLF pour 2013 ne fait que poursuivre un mouvement entamé.

M. Hetzel a tout à fait raison de soulever le débat sur le financement de la recherche par projets. Pour ma part, je pense que la recherche et les chercheurs ont besoin d’une stabilité que l’on ne favorise pas si l’on va trop loin en ce sens. Du reste, une partie du montant de la diminution des crédits de l’ANR – 72 millions d’euros environ – est réaffectée à d’autres établissements de recherche, et pas les moindres !

Enfin, le fait que le nombre de recrutements de l’Institut universitaire de France passe de 150 à 110 ne remet pas en cause l’excellence de cet établissement, reconnue par tous depuis 21 ans comme vous l’avez fait remarquer.

Bref, le groupe SRC ne partage par les conclusions du rapporteur pour avis. Il se félicite au contraire, comme il l’avait fait au cours de la commission élargie, des évolutions budgétaires et des précisions apportées par la ministre à ce sujet.

Mme Dominique Nachury. Je remercie les rapporteurs pour leurs avis qui ouvrent le champ à de nouvelles réflexions, notamment en matière de crédit d’impôt recherche.

S’agissant du logement étudiant, n’oublions pas les nombreuses initiatives locales. Celle qui est menée Lyon par le CROUS, par exemple, commence à prendre forme.

Je ne reprendrai pas les arguments que j’ai développés au nom du groupe UMP sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » lors de la commission élargie. Nous attendons les conclusions des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, concernant en particulier les passerelles entre l’université et l’entreprise.

Nous sommes satisfaits, je le redis, que le budget ne remette pas en cause la loi LRU. Nous regrettons en revanche la diminution des crédits destinés aux établissements privés, ainsi que la baisse des aides au mérite.

Dans le domaine de la recherche, nous nous interrogeons sur la cohérence des orientations en matière d’énergie nucléaire et sur le lien entre innovation et possibilité de se développer pour les entreprises.

Mme Barbara Pompili. Alors que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche n’est pas inclus dans les trois domaines « sanctuarisés », c’est un budget en hausse qui nous est présenté. Nous nous en félicitons : investir dans l’enseignement supérieur et la recherche, c’est investir pour l’avenir de notre société.

Le budget du programme « Vie étudiante » augmente de 7,2 %. C’est un excellent signal envoyé aux étudiants. Aujourd’hui encore, le taux de pauvreté des jeunes de moins de vingt-cinq ans est presque le double de celui des adultes en activité et 35 % des étudiants doivent cumuler études et emplois. Or on sait combien ce cumul est source d’échec en premier cycle. Nous saluons ce changement d’approche qui redonne confiance.

Alors que nous connaissons une crise du logement étudiant sans précédent, nous saluons également l’augmentation de la dotation du CNOUS pour relancer la construction. Nous faisons nôtres les préconisations d’Isabelle Attard au sujet des logements collectifs. Les expérimentations de logements coopératifs menées à l’étranger ou, de manière encore trop confidentielle, en France méritent que l’on s’y intéresse bien d’avantage.

Au-delà du logement, nous pensons que le coup de pouce du gouvernement aux étudiants boursiers devrait aller plus loin. Les enfants scolarisés ont droit à une allocation de rentrée. Or, alors que la rentrée universitaire peut être bien plus coûteuse que celle des lycéens ou des collégiens, aucune aide de ce type n’existe pour les étudiants. Nous espérons donc que la réforme des aides directes aux étudiants sera rapidement mise en route.

François Hollande avait évoqué pendant la campagne électorale la création d’une allocation d’études et de formation. Sans doute faut-il attendre les résultats des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche pour lancer ce vaste chantier, essentiel pour améliorer les conditions de vie des étudiants. Vous savez combien les écologistes tiennent à la mise en place d’une allocation d’autonomie. Puisque l’ambition est de créer les conditions d’une véritable démocratisation de l’enseignement supérieur, il convient de s’en donner les moyens dès que possible.

En matière de santé, beaucoup reste à faire pour assurer un meilleur suivi sanitaire de la population étudiante et garantir l’accès aux soins pour tous.

Malgré l’intérêt que présentent certains aspects de son avis, nous ne partageons pas les conclusions du rapporteur Patrick Hetzel. Il est nécessaire de revaloriser les doctorats et la recherche : aussi nous saluons les 1 000 postes créés. C’est un premier pas dans le bon sens. J’espère qu’il en annonce d’autres, afin de répondre aux défis posés par l’indispensable résorption de la précarité dans l’enseignement supérieur et la recherche. Selon les estimations, le nombre de précaires est compris entre 37 000 et 50 000. Nous espérons que le gouvernement, après les résultats des Assises, cherchera des solutions concrètes et pérennes à ces situations dramatiques pour nos jeunes chercheurs et pour l’ensemble des personnels sans lesquels les universités et les laboratoires de recherche ne pourraient fonctionner.

Nous saluons le choix qu’a fait le gouvernement de diminuer les crédits alloués à l’ANR. Cette agence a besoin d’être réformée. Son système de financement par projets contribue grandement, d’ailleurs, à nourrir la précarité.

La même vigilance devrait peut-être s’exercer à l’égard d’autres opérateurs. Ainsi, tous les acteurs du monde académique s’accordent pour estimer que l’AERES doit être réformée en profondeur. Dans un tout autre domaine, je pense également au CEA, dont les crédits pour 2013 augmentent de 7 %.

Les écologistes demandent également la révision du crédit d’impôt recherche afin que le bénéfice de cette incitation revienne vraiment aux PME innovantes.

Enfin, la recherche a besoin d’un soutien public pour éclairer les choix de société, comme vient de nous le rappeler la controverse soulevée par l’étude du professeur Gilles-Éric Séralini.

M. Thierry Braillard. L’exercice auquel vous avez dû vous livrer était malaisé, monsieur Hetzel : comment arriver à dire non quand on a envie de dire oui ? Alors que cela n’était pas annoncé aussi nettement, l’enseignement supérieur et la recherche apparaissent comme des priorités du budget pour 2013.

Vous avez trouvé à redire en matière de recherche. Vous êtes cependant un peu dur au sujet de l’ANR, dont le projet de loi de finances reconduit les moyens de fonctionnement. Il n’y a ni coupe claire ni RGPP. Mais il est vrai que les thématiques de l’Agence se trouvent réorientées, voire limitées, comme l’on dit mes collègues.

Vous auriez pu avoir un mot sur les 100 millions de plus consacrés à la recherche publique, sur le maintien de tous les emplois de chercheurs et sur les moyens supplémentaires dégagés pour les programmes européens, de l’Agence spatiale européenne à ITER. La France affirme sa volonté d’investir dans la recherche.

Dans un contexte budgétaire exigeant, les moyens du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche progressent de plus de 2 %. Ce projet de budget place donc la réussite étudiante au cœur des priorités nationales. On ne peut que s’en féliciter.

Le programme 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », apporte une concrétisation financière aux problématiques que les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche commencent à dégager, comme la réussite des étudiants, la gouvernance ou l’objectif d’amener 50 % d’une classe d’âge à un diplôme d’enseignement supérieur. Nous approuvons cette nouvelle politique de l’enseignement supérieur, notamment la contractualisation destinée à renforcer la politique des sites et à consolider les moyens affectés.

Alors que les crédits de l’immobilier sont en hausse, nous nous apprêtons à prendre connaissance des conclusions des experts sur le plan Campus. Le plan Campus de Lyon, par exemple, a fait l’objet de nombreuses annonces depuis quatre ans mais nous attendons toujours la pose de la première pierre ! La rapporteure a bien mis en évidence les insuffisances en la matière, dues notamment au partenariat public-privé. Non seulement la mise en place de tels dispositifs est lente, mais elle se fait dans des conditions qui ne sont pas toujours en faveur de l’État.

Nous nous réjouissons de la création de 1 000 emplois nouveaux correspondant à un effort de 28 millions d’euros. Nous approuvons aussi la programmation pluriannuelle, qui traduit une volonté à moyen terme.

En matière de vie étudiante, la hausse des crédits de 7,2 % et l’augmentation du budget des bourses à hauteur de 9 % méritent d’être saluées. Pour répondre à la question du logement étudiant, certaines initiatives locales se font jour, par exemple dans ma circonscription de Lyon. Pour autant, il s’agit souvent de simples intentions. D’un point de vue quantitatif, leur réalisation n’est pas adaptée aux besoins. L’avis de la rapporteure dégage de très bonnes pistes. Nous devrons continuer à y travailler avec la ministre.

Enfin, le groupe RRDP estime que le rôle des instituts universitaires de technologie (IUT) doit être réaffirmé, réajusté et mieux mis en valeur dans la politique de l’enseignement supérieur.

M. Patrick Hetzel, rapporteur pour avis. Lorsque j’ai évoqué une possible intervention de l’AERES dans le rescrit fiscal, monsieur Bréhier, l’idée n’était nullement de créer une nouvelle agence mais bien d’utiliser l’instance existante. Celle-ci a d’ailleurs fait évoluer ses propres procédures d’évaluation : la périodicité est passée de quatre à cinq ans, si bien qu’elle a sans doute la possibilité d’assumer cette tâche. On apporterait un peu plus de réactivité – et c’est là une demande des chercheurs – par rapport à OSEO et à l’ANR.

S’agissant des crédits de l’ANR, je crois que la recherche par projets est arrivée à un seuil. Continuer de baisser les financements de ce type risque de compromettre les projets eux-mêmes et d’empêcher l’agence d’assurer une programmation satisfaisante. Une des grandes innovations des dernières années, ne l’oublions pas, a été le développement de projets « blancs », qui représentent désormais plus de 40 % des projets et qui offrent une grande souplesse : ce sont les chercheurs eux-mêmes qui décident, à l’intérieur d’un cadre prédéfini, des orientations qui leur semblent porteuses. Cette évolution correspond aux aspirations exprimées par de nombreux jeunes chercheurs qui souhaitaient faire respirer le système là où les protocoles sont jugés très conventionnels et institutionnalisés.

Reste à savoir, bien entendu, quel est le bon quantum. La discussion reste ouverte à ce sujet.

Concernant l’Institut universitaire de France, la baisse de 25 % du nombre de postes n’est pas négligeable, sachant que l’Institut couvre l’ensemble des disciplines de l’enseignement supérieur. L’augmentation des dernières années correspondait à une attente de la communauté universitaire. Celle-ci ne manquera pas de regarder de près ce nouveau signal.

Mais revenons, madame Pompili, sur l’AERES. Cette agence s’est installée dans le paysage. Les travaux de Christine Musselin montrent qu’une large part des enseignants-chercheurs et des chercheurs en reconnaissent la légitimité. Nous avons besoin d’instances d’évaluation et celle-ci joue un rôle important à cet égard.

J’ai examiné organisme par organisme les moyens supplémentaires dont vous faites état, monsieur Braillard, et il m’est apparu que ces augmentations correspondent à l’euro près à des crédits prévus par les programmations pluriannuelles des contrats d’objectifs de ces organismes. De plus, les 80 millions retranchés du budget de l’ANR seront disponibles dans ce cadre.

Mme Isabelle Attard, rapporteure pour avis. Il existe en effet, madame Nachury, des exemples de logements collectifs étudiants à Lyon, à Angers, à Poitiers. J’ai constaté sur le terrain que le système s’était également développé au Havre, et pas seulement dans des conteneurs. Si cette initiative a pu donner une image négative, les erreurs du début ont été corrigées dès la deuxième année. Je précise que l’économie réalisée n’a porté que sur la durée de la construction, qui est passée de 36 à 18 mois.

Mais il manque à la France un dispositif national facilitant et encourageant la colocation. La comparaison avec les autres pays européens met en évidence certains blocages. Il faut rassurer les bailleurs qui s’engagent dans cette démarche : lorsque les locaux comportent plusieurs chambres et des espaces communs, l’étudiant est responsable de sa chambre et paie son loyer ; s’il quitte la colocation, le CROUS pourra trouver un autre étudiant qui le remplacera sans qu’il y ait de risque pour le bailleur – qu’il soit privé ou public, d’ailleurs.

S’agissant du revenu d’autonomie, madame Pompili, il conviendra d’attendre les résultats des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Une réflexion est en cours pour regrouper les différentes aides proposées aux étudiants, mais les associations étudiantes ne sont pas forcément toutes d’accord.

Je partage votre opinion sur les PPP, monsieur Braillard : loin d’être un modèle de développement pour le logement étudiant, ils constituent plutôt un frein. Les universités se sont désengagées des projets de construction en acceptant les solutions « clés en main » proposées par certains bailleurs, alors qu’elles auraient pu poursuivre les idées qu’elles avaient pour construire des logements correspondant mieux à l’épanouissement des étudiants. Comme beaucoup, j’ai habité une chambre de CROUS de 9 mètres carrés relativement insalubre. Des améliorations sont intervenues depuis mais on peut aller plus loin. Mme Bonnafous estime que l’échec des étudiants de première année est d’abord dû à un problème d’orientation. Pour ma part, je pense que la précarité étudiante, le coût et les conditions de logement pèsent lourd dans la balance lorsqu’il s’agit de réussir sa première année.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2013 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA ex- Cemagref) – M. Jean-Marc Bournigal, président, et M. Pierre-Yves Saint, secrétaire général

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Laurent Gouzènes, président du comité CIR et « financement de l’innovation », M. Franck Debauge, membre du bureau de la commission recherche-innovation et nouvelles technologies, M. Patrick Schmitt, directeur recherche, innovation et nouvelles technologies, et Mme Ophélie Dujarric, chargée de mission à la direction des affaires publiques

Ø THALES – M. Philippe Valéry, directeur adjoint recherche et technologie, et Mme Isabelle Caputo, directeur des relations parlementaires

Ø Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. Jean-Marc Roubaud, président, M. Pascal Labet, directeur des affaires économiques, M. Gérard Orsini, président de la commission juridique et fiscale, et Mme Sandrine Bourgogne, adjointe au secrétaire général

Ø IFP Énergies nouvelles – M. Olivier Appert, président

Ø OSEO – M. François Drouin, président

Ø Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) –M. André Syrota, président-directeur général, M. Arnaud Benedetti, directeur de la communication, et M. Thierry Damerval, directeur général délégué

Ø Agence nationale de la recherche (ANR) – Mme Pascale Briand, directrice générale

Ø Association syndicale professionnelle des conseils en organisation et en financement de l’innovation (ASCOFI) – M. Patrick Haouat, président, M. Thomas Gross, vice-président, M. Abbas Djobo, représentant de la commission métier financement fiscal de l’innovation, Mme Emmanuelle Pianetti, chargée de mission, et Mme Véronique Carantois, conseil en communication et relations institutionnelles

Ø Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – M. Alain Fuchs, président

Ø Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) – M. Didier Houssin, président, et Mme Laurence Pinson, secrétaire générale

Ø Association des structures de recherche sous contrat (ASRC) – M. Jérôme Billé, délégué général

© Assemblée nationale

1 () Erdyn consultants – octobre 2010.

2 () Cf. compte-rendu de la commission élargie :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2013/commissions_elargies/cr/001.asp