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N° 252

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME V

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

AUDIOVISUEL, AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC

Par Mme Martine MARTINEL,

Députée.

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Voir le numéro : 235, 251 (annexe n° 33).

INTRODUCTION 5

I.- L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN 2013 7

A. FRANCE TÉLÉVISIONS : L’INDISPENSABLE CLARIFICATION DES MISSIONS ET DU MODÈLE ÉCONOMIQUE 7

1. Des ressources publiques et publicitaires en très net retrait par rapport aux prévisions du COM 7

a) En 2012 7

b) Pour 2013 8

2. Un groupe plongé dans une phase sans précédent d’instabilité financière et stratégique 8

3. Des efforts de gestion insuffisants de la part de la direction du groupe 10

4. La nécessaire stabilisation des missions du groupe et de son modèle économique 11

a) L’indispensable réflexion sur les missions du service public 11

b) La définition d’un modèle économique adapté au financement de ces missions 12

B. L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE : DES CRÉDITS PRÉSERVÉS POUR AIDER L’ENTREPRISE À REPARTIR SUR DE NOUVELLES BASES 14

C. RADIO FRANCE : UNE ENTREPRISE GLOBALEMENT PERFORMANTE, UNE DIMINUTION MESURÉE DES CRÉDITS 16

D. ARTE FRANCE : LA NÉCESSITÉ DE NE PAS HYPOTHÉQUER UN PLAN DE RELANCE AMBITIEUX ET QUI PORTE DÉJÀ SES FRUITS 16

E. L’INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL (INA) : UN EFFORT DE REDIMENSIONNEMENT DES PROJETS S’IMPOSE 18

F. LE SOUTIEN À L’EXPRESSION RADIOPHONIQUE LOCALE (FSER) : LA NÉCESSITÉ DE MIEUX DÉFINIR LE SERVICE RADIOPHONIQUE OUVRANT DROIT À SUBVENTION 19

1. Une dotation qui intègre le soutien pour le passage à la radio numérique terrestre 19

2. Les questions soulevées par l’augmentation du nombre de subventions versées au titre de « programmes spécifiques » 19

II.- BILAN DE LA POLITIQUE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’AUDIOVISUEL EN MATIÈRE D’ÉLABORATION DU PAYSAGE AUDIOVISUEL HERTZIEN 21

A. UNE POLITIQUE QUI PRÉSENTE DES ZONES D’OMBRE 21

1. Le lancement de six nouvelles chaines de TNT gratuite : une décision contestable sur le fond et la forme 21

a) Les six chaînes retenues 21

b) Une décision contestable sur le fond 22

c) Une décision contestable sur la forme 25

2. La TNT gratuite : un bilan mitigé en termes de qualité des contenus, de financement de la création et de diversité des acteurs 26

3. Quelle politique de soutien au développement des télévisions locales ? 28

a) Une politique de développement volontariste en dépit de l’absence de modèle économique 28

b) La dénumérotation : un coup fatal porté aux télévisions locales, toujours en attente de mesures favorisant leur développement 29

c) Un contrôle très insuffisant 30

4. L’échec de la TNT payante 33

5. La télévision mobile personnelle : un projet mort-né 34

6. Un défaut de transparence de la politique d’attribution des fréquences en radio 35

7. La radio numérique terrestre : un projet relancé dans des conditions qui ne sauraient garantir sa réussite 37

a) Le cadre législatif et réglementaire de la radio numérique terrestre 38

b) Les conclusions du rapport Tessier et le report du lancement par le CSA 38

c) La mission de M. David Kessler et le nouveau calendrier du CSA 39

B. LES PROPOSITIONS DE LA RAPPORTEURE 41

1. L’indispensable renforcement des compétences économiques du CSA 41

2. Une exigence de transparence et de contrôle parlementaire accrus 41

3. La nécessité de taxer ou d’encadrer les reventes de fréquences 42

4. Assouplir l’obligation d’attribuer les fréquences disponibles ? 44

5. Observations de la rapporteure sur le projet de rapprochement CSA/ARCEP 44

TRAVAUX DE LA COMMISSION 47

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 47

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 71

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 97

INTRODUCTION

Après avoir analysé l’évolution des crédits en faveur de l’audiovisuel public pour 2013, la rapporteure pour avis s’attachera à dresser un bilan de la politique du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en matière d’élaboration du paysage audiovisuel hertzien.

S’agissant de l’audiovisuel public, la rapporteure a notamment souhaité exposer ses analyses sur la situation de France Télévisions, qui est l’opérateur dont les crédits s’éloignent le plus de la trajectoire fixée dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM). Avec des ressources inférieures de 77 millions d’euros aux prévisions en 2012, et des ressources inférieures de plus de 150 millions d’euros aux prévisions en 2013, le groupe se trouve dans l’obligation d’opérer des choix drastiques.

La rapporteure regrette évidemment, comme elle a eu l’occasion de le souligner les années précédentes, que la suppression de la publicité, la création de l’entreprise unique ou encore la remise en cause systématique des engagements pris par l’État dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens aient plongé France Télévisions dans instabilité stratégique et financière incompatible avec la gestion sereine d’une entreprise publique. Mais elle regrette également de constater que le groupe n’a pas totalement joué le jeu et a manqué à certains engagements pris dans le cadre du COM en matière d’amélioration de la gestion.

Pour sortir de cette situation qui n’est satisfaisante ni pour le groupe, ni pour l’actionnaire, la rapporteure estime qu’il convient de remettre à plat de manière ambitieuse tant les missions que le modèle économique du service public, la réflexion sur son rôle et son périmètre d’action devant précéder la définition des moyens que l’on souhaite lui accorder.

En ce qui concerne le CSA, la rapporteure pour avis a été troublée par la précipitation difficilement compréhensible qui a présidé au lancement, hautement contesté, de six nouvelles chaînes gratuites en haute définition sur la télévision numérique terrestre (TNT). Elle a également été très étonnée, pour ne pas dire choquée, de la décision concomitante de « dénumérotation » des chaînes locales.

Dans le cadre de la réflexion qui s’est ouverte sur l’avenir du CSA, la réforme de son mode de nomination et son éventuel rapprochement avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la rapporteure a ainsi tenu à évaluer les améliorations qui pourraient éventuellement être apportées à la politique du CSA en matière d’élaboration du paysage audiovisuel hertzien.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, ce pourcentage était de 75 %.

I.- L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN 2013

A. FRANCE TÉLÉVISIONS : L’INDISPENSABLE CLARIFICATION DES MISSIONS ET DU MODÈLE ÉCONOMIQUE

1. Des ressources publiques et publicitaires en très net retrait par rapport aux prévisions du COM

Pour 2013, il est proposé d’allouer à France Télévisions une dotation totale de ressources publiques de 2 453,3 millions d’euros HT, en baisse de 2,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2012 et répartie comme suit : 256,4 millions d’euros à partir du budget général et 2 197,0 millions d’euros HT à partir du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Le groupe est confronté à une dégradation extrêmement brutale de sa situation financière.

a) En 2012

Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2011-2015 de France Télévisions, signé en novembre 2011 avec le précédent gouvernement, prévoyait un niveau de ressources publiques en croissance moyenne de 2,2 % par an sur la période.

Rappelons que ce COM était basé sur une trajectoire de recettes publicitaires que la rapporteure pour avis avait jugée irréaliste, voire mensongère, dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2012. Le COM prévoyait en effet une évolution des recettes publicitaires de 1,4 % par an, la prévision des recettes propres s’établissant à 425 millions d’euros pour 2012.

Ce qui devait arriver arriva : les recettes publicitaires, qui accusaient au 30 juin 2012 un retard de 35 millions d’euros par rapport au budget prévisionnel, pourraient se trouver à la fin de l’année en retrait de 50 millions d’euros par rapport aux hypothèses du COM !

S’agissant des ressources publiques, rappelons que les engagements du COM ont été remis en cause par le précédent gouvernement, quelques semaines seulement après sa signature, à travers une réduction de 15 millions d’euros de la dotation de France Télévisions en loi de finances initiale, suivie d’une réduction de 6 millions d’euros en première loi de finances rectificative pour 2012, et enfin de 6 millions d’euros par gel de la réserve de précaution… Pour 2012, les ressources publiques du groupe sont donc déjà en recul de 27 millions d’euros par rapport aux hypothèses du COM.

Cette réduction s’ajoutant au recul des recettes publicitaires, pour 2012, les ressources sont donc inférieures de 77 millions d’euros aux prévisions

b) Pour 2013

En ce qui concerne les ressources, le COM prévoyait pour 2013 une dotation publique de 2 579 millions d’euros HT et des ressources de publicité et de parrainage à hauteur de 433,5 millions d’euros.

Au titre de la participation du secteur audiovisuel au plan de redressement des finances publiques, il est proposé d’allouer à France Télévisions une dotation totale de ressources publiques de 2 453,3 millions d’euros HT, inférieure de 75 millions aux prévisions du COM.

Par ailleurs, les hypothèses de recettes publicitaires pour 2013 s’établissent à ce stade à 358,5 millions d’euros, ce qui représente une diminution de 66,5 millions d’euros par rapport au budget 2012.

Au total, la prévision de ressources publiques et publicitaires de France Télévisions pour 2013 s’établit à 2 811 millions d’euros HT, ce qui représente une baisse de 152,9 millions d’euros HT par rapport aux ressources prévues pour 2012 par le budget 2012 de l’entreprise (- 5,2 %).

Cette modification substantielle de la trajectoire financière nécessite la négociation d’un nouveau COM entre l’État et France Télévisions.

2. Un groupe plongé dans une phase sans précédent d’instabilité financière et stratégique

Comme l’a déploré M. Pascal Rogard, délégué général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), lors de son audition le 28 septembre 2011, « le service public meurt de tous les changements qu’on lui fait subir. »

La loi du 1er août 2000 avait eu pour objectif louable de stabiliser les attentes de l’État vis-à-vis de l’audiovisuel public, en inscrivant celles-ci dans des documents de cinq ans, les contrats d’objectifs et de moyens (COM), dont l’ambition était d’assigner aux groupes une visibilité suffisante sur leur ligne stratégique et sur le financement qui devait l’accompagner.

Force est de constater que l’on a fait tout le contraire depuis, au point que la notion même de COM semble discréditée.

S’agissant de France Télévisions, la remise en cause brutale de son modèle économique par la suppression de la publicité quelques mois après la signature du COM 2007-2010 et les changements d’orientation décidés par la nouvelle direction auront plongé le groupe dans une phase sans précédent d’instabilité stratégique, et ce, pour des résultats plus que discutables.

La rapporteure pour avis estime que l’entreprise unique, prévue par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle a été une erreur. La réorganisation qui en résulte est complexe et longue et la convergence des outils de gestion et des statuts sociaux n’est pas encore achevée. Une nouvelle prorogation de la date butoir de signature des conventions collectives a d’ailleurs été nécessaire, l’échéance du 8 octobre 2012, fixée en juin 2010 par la cour d’appel de Paris, n’ayant pas pu être tenue.

Comme l’avait expliqué M. Jean-Louis Missika, sociologue, spécialiste des médias, entendu par la rapporteure pour avis le 4 octobre 2011 : « La méga-fusion était une fausse bonne idée. On a créé une couche supplémentaire de décision sans supprimer les échelons intermédiaires que sont les responsables des chaînes et les responsables des programmes dans les chaînes. La réforme a introduit beaucoup de complexité et entraîné une dilution de responsabilité qui atteint un niveau préoccupant ».

Selon l’intersyndicale du groupe, entendue le 25 septembre 2012, 350 postes de managers auraient été créés, ce qui aurait accru la bureaucratie et alourdi l’organisation.

La structure qui prévalait avant la fusion n’interdisait pas les synergies. Il y avait déjà des services communs du temps de la holding et cette dernière avait la capacité d’organiser les différentes filiales afin de rationaliser les coûts et de dégager des économies. Aujourd’hui la situation n’est pas satisfaisante. Elle n’a permis de dégager aucune économie et les effectifs ont continué d’augmenter.

Mais surtout, depuis que des entités, aux cultures et aux modes de fonctionnement différents, sont sommées de fonctionner ensemble et de s’adapter à une réorganisation incessante, le malaise au sein de l’entreprise est tel que le COM consacre un volet entier à l’ambition de faire de l’entreprise commune un modèle d’organisation responsable et met en avant la création d’une direction de la santé et de la qualité de vie au travail…

Outre son impact catastrophique sur les finances de l’État (son coût avoisinerait les deux milliards d’euros si la taxe sur les opérateurs de télécoms est définitivement remise en cause), la suppression de la publicité a également fragilisé France Télévisions en rendant son financement aléatoire et illisible. En effet, pour compenser les pertes de recettes publicitaires de l’entreprise en soirée, la réforme de 2009 a introduit le principe d’un financement complémentaire de France Télévisions par des crédits du budget de l’État. Or, compte tenu de la situation très dégradée des finances publiques, loin de sécuriser le financement de l’entreprise, ce mécanisme a exposé France Télévisions aux ajustements effectués sur le budget de l’État.

Cette fragilisation a également touché tout le secteur audiovisuel public, car, comme le souligne le projet annuel de performances, « les annulations de crédits budgétaires de France Télévisions ont en partie été compensées par des transferts de crédits issus de la contribution à l’audiovisuel public versée aux autres organismes ».

3. Des efforts de gestion insuffisants de la part de la direction du groupe

Si le pilotage d’une entreprise totalement dépourvue de visibilité sur ses ressources et ses missions ne saurait être une tâche aisée, force est de constater que la direction du groupe France Télévisions n’a pas fait certains des efforts de gestion auxquels elle s’est engagée.

Face à la dégradation des ressources en 2012, l’entreprise a adopté un plan d’économies. Si l’on ne peut qu’être indulgent sur la pertinence d’un tel plan, décidé et mis en place dans l’urgence, on peut néanmoins regretter qu’il porte essentiellement sur le coût de grille (à hauteur d’environ deux tiers des économies réalisées).

D’autant que parallèlement, on observe une augmentation des charges de personnel. Rappelons que le COM prévoyait une stabilité des effectifs en 2011 et 2012, suivie d’une « inflexion du volume global de l’emploi sur la période 2013-2015 », la direction de l’entreprise s’étant engagée sur un taux de 5 %.

Or, les charges de personnel ont augmenté de 2,74 % en 2011. Les effectifs ont augmenté de 1,8 % (en équivalents temps plein (ETP) moyen annuel) ce qui représente une augmentation de 193 personnes. Cette augmentation est due à un recours accru aux non permanents (228), les effectifs permanents diminuant très légèrement (– 35). L’indicateur du COM concernant le ratio entre les effectifs ETP moyens non permanents et les effectifs totaux n’a donc pas été respecté en 2011 : 19,1 % au lieu de 18 %. Pour mémoire, ce taux n’a cessé d’augmenter puisqu’il était de 17,7 % en 2010 et de 16 % en 2009...

Au cours des premiers mois de 2012, l’augmentation des effectifs s’est poursuivie à France Télévisions. Elle concerne sur cette dernière période aussi bien les permanents que les non permanents, ce qui traduit un pilotage insatisfaisant des effectifs même si le calendrier électoral a pu engendrer ponctuellement un surcroît d’activité.

L’entreprise doit certes faire face à des besoins nouveaux, engendrés en particulier par les développements numériques ou pour répondre aux surcharges ponctuelles d’activité que pouvait impliquer la mise en place de l’entreprise unique, mais il lui incombait de mettre en place un dispositif de pilotage de ses effectifs et des redéploiements.

Il est paradoxal de constater une augmentation globale des effectifs alors que les deux dispositifs de départs volontaires à la retraite mis en place en 2007 puis en 2009-2012 auraient dû conduire à une diminution de ces derniers.

S’agissant du dernier plan de départs volontaires, selon les informations transmises à la rapporteure pour avis, son bilan est financièrement désastreux.

Au 31 décembre 2011, ce plan a donné lieu à 527 départs. En 2012, selon les dernières prévisions, environ 130 départs pourraient intervenir. Au total, le nombre de départs s’élèverait ainsi à environ 624. La provision inscrite à ce titre dans les comptes 2009 de l’entreprise était de 37,5 millions d’euros. Selon les informations transmises à la rapporteure pour avis, la direction de l’entreprise n’a mis en place aucun dispositif de pilotage afin de s’assurer du « retour sur investissement » des sommes mobilisées pour accompagner les personnels partant en retraite. Ainsi, le contribuable aura-t-il contribué pour 37,5 millions d’euros à financer un plan de départ dont l’entreprise reconnaît elle-même qu’elle n’en a pas mesuré les effets sur les effectifs. Un suivi précis de chaque poste libéré était pourtant indispensable de même qu’un mécanisme pour décider ou non du remplacement à l’identique du poste libéré, d’un recrutement sur une autre fonction, du gel ou de la suppression du poste.

Au total, selon les informations transmises à la rapporteure pour avis, les deux plans de départ volontaires à la retraite (plan de départ 2007 et plan de départ 2009-2012), qui auraient dû permettre de dégager une économie de plus de 45 millions d’euros, auront coûté 58 millions d’euros sans impact sur les effectifs…

4. La nécessaire stabilisation des missions du groupe et de son modèle économique

a) L’indispensable réflexion sur les missions du service public

Le service public traverse une double crise : crise financière mais aussi crise d’identité. La rapporteure estime que l’on ne pourra faire l’économie d’une réflexion sur ce que l’on attend du service public avant de lui donner des moyens adaptés à des missions redéfinies. La réflexion sur les missions doit donc précéder la réflexion sur les ressources.

Force est de constater que l’État ne sait pas ce qu’il attend du groupe. Il ne cesse de multiplier ses missions, tout en lui demandant de réaliser des économies. Il lui demande de se défaire de la contrainte de l’audience tout en exigeant de ses programmes qu’ils fédèrent le plus large public possible…

Près de trente ans après l’adoption de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la question du périmètre et des missions du service public mérite donc d’être reposée. Les chaînes du service public se sont ajoutées les unes aux autres sans qu’une réflexion préalable n’intervienne.

Que constate-t-on aujourd’hui ? Les programmes jeunesse sont éparpillés sur quatre chaînes, (sans compter Gulli, détenue à 34 % par France Télévisions). Deux chaînes, France 4 et France Ô, s’adressent aux jeunes adultes, France Ô ayant de surcroît la mission de traiter de l’Outre-mer et de la diversité. Les lignes éditoriales de France 2 et France 3, deux chaînes généralistes à gros budget, n’apparaissent pas suffisamment distinctes.

Mais, surtout, se pose la question des missions et du rôle du service public dans la révolution culturelle et médiatique que nous vivons actuellement.

N’y a-t-il pas des thématiques que le service public devrait traiter de manière plus systématique, comme le développement durable, l’économie, l’Europe, l’éducation aux médias, sous forme de programmes accessibles et dans des genres divers ?

L’information étant l’une des missions pour lesquelles le service public a une légitimité plus forte que jamais, faut-il définitivement abandonner l’idée d’une chaîne de service public spécifiquement dédiée à l’information ?

Et quelle doit être la place des programmes locaux et de l’information de proximité dans cet ensemble, alors que tous les autres médias locaux sont actuellement en crise ?

b) La définition d’un modèle économique adapté au financement de ces missions

Une fois les missions redéfinies et les besoins estimés, se pose la question de la nature des ressources et de leur répartition : redevance, budget de l’État et ressources propres.

La rapporteure estime que la priorité doit être de faire disparaître la dotation budgétaire (créée au moment de la suppression de la publicité), qui, comme il a été indiqué précédemment, est la ressource la moins fiable qui soit.

La contribution à l’audiovisuel public (ex-redevance) est évidemment le mode naturel de financement du service public et son augmentation se fera d’autant plus facilement que les missions et besoins du service public auront été clairement définis. Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2011, la rapporteure avait appelé de ses vœux un élargissement de l’assiette aux résidences secondaires et demeure totalement favorable à cette solution. Si cette mesure n’intervient pas dans le cadre du présent projet de loi de finances, une réflexion sur la redevance demeure incontournable pour les prochaines échéances.

Par ailleurs, la rapporteure estime qu’il serait dommage de considérer que la question de la place de la publicité sur le service public est définitivement close.

La situation actuelle, qui résulte des choix du précédent gouvernement, n’est pas dépourvue d’hypocrisie. C’est une logique absurde du tout ou rien. Ce qui est acceptable avant 20 heures précises, ne le serait plus du tout après. Et après 20 heures, vaut-il mieux un volume de publicité contingenté ou un tunnel de programmes courts parrainés sans intérêt pour le téléspectateur ? D’autant que les arguments du groupe pour demander l’autorisation de retarder le début des programmes de première partie de soirée sont convaincants : en démarrant les programmes à 20h35 alors que l’ensemble des chaînes concurrentes les démarrent en moyenne à 20h51, il semblerait que le service public perde un grand nombre de téléspectateurs. Enfin, est-il logique qu’il n’y ait pas de publicité avant et après certains programmes commerciaux ou de divertissement après 20 heures et de la publicité dans d’autres programmes, en particulier les programmes destinés aux enfants ?

La rapporteure serait également favorable à ce qu’une réflexion soit ouverte sur le système de financement de la création. La relation entre producteurs et diffuseurs est trop déséquilibrée au détriment du diffuseur qu’est France Télévisions.

Rappelons que les obligations d’investissement du groupe dans les œuvres sont fixées en valeur relative (en pourcentage du chiffre d’affaires) et en valeur absolue (un plancher de contribution est fixé à 420 millions d’euros à compter de 2012). La rapporteure estime que la fixation d’un volume d’investissement en valeur absolue, déconnecté des ressources de l’entreprise, n’est pas pertinente et qu’il faut proportionner les obligations d’investissement du groupe aux moyens qui lui sont accordés.

Par ailleurs, si France Télévisions assure l’essentiel du financement de la création, elle ne dispose en retour d’aucun droit de propriété sur les œuvres qu’elle finance. Selon les informations transmises à la rapporteure par Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier, auditionnée le 25 juillet 2012, si les devis prévoient une participation du producteur au financement de l’œuvre, « les audits des comptes de production montrent que les producteurs ne mettent pas d’argent dans les coûts directs de fabrication du programme. Les financements reçus de France Télévisions, mais aussi du CNC et des collectivités territoriales leur permettent de réaliser une marge nette, c’est-à-dire un bénéfice ! ».

France Télévisions est donc tenue de racheter les droits de programmes qu’elle a déjà en réalité intégralement financés, si elle veut pouvoir les reprogrammer sur une de ses antennes. Dans ce cas le groupe, et par conséquent le contribuable, paient donc deux fois ! On peut citer l’exemple fameux du feuilleton « Plus belle la vie », qui a dû être acheté deux fois par France Télévisions.

La rapporteure estime donc qu’il serait opportun de réfléchir à un meilleur partage des droits entre le diffuseur public et les producteurs. Il s’agit là d’une piste de ressources propres additionnelles potentiellement importantes.

La redevance britannique est certes plus élevée que la nôtre mais elle finance la production de programmes qui permettent ensuite de dégager d’importantes ressources commerciales. Rappelons que la BBC tire plus de 20 % de ses ressources de son activité commerciale de diversification alors que France Télévisions Distribution (FTD) est encore en déficit cette année…

B. L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE : DES CRÉDITS PRÉSERVÉS POUR AIDER L’ENTREPRISE À REPARTIR SUR DE NOUVELLES BASES

Il est proposé d’allouer à la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (AEF) et à la chaîne francophone TV5 Monde une dotation de 314,2 millions d’euros hors taxe, stable par rapport à la loi de finances initiale pour 2012.

Comme les années précédentes, il est difficile de juger de la pertinence de cette dotation, en l’absence de définition d’une stratégie pluriannuelle et d’une trajectoire financière correspondante.

Rappelons que les négociations en vue de l’élaboration d’un COM pour l’AEF n’ont pu aboutir avec le précédent président de la société. Ce dernier ayant démissionné de ses fonctions le 12 juillet 2012, c’est à la nouvelle présidente de l’AEF, Mme Marie-Christine Saragosse, qu’il revient de négocier un COM et de formaliser les objectifs pluriannuels du groupe.

La rapporteure se félicite évidemment du changement de présidence, car, comme l’a indiqué le 26 septembre 2012 Mme Marie-Christine Saragosse, lors de son audition par notre Commission des affaires culturelles et de l’éducation en vue de sa nomination, « l’Audiovisuel extérieur de la France a besoin d’être refondé et de repartir sur de nouvelles bases, dans un cadre stabilisé et apaisé permettant aux équipes de consacrer leurs talents et leurs savoir-faire à leur métier et de retrouver le sens profond de leur mission ».

S’agissant de l’organisation de l’AEF, à la demande de la ministre de la culture et de la communication et du ministre des affaires étrangères, M. Jean Paul Cluzel, a remis en juillet 2012, un rapport. Ce dernier a exploré trois scénarios et préconisé celui qui permet de capitaliser sur les résultats déjà obtenus (fusion juridique, déménagement et mutualisation des fonctions support) tout en préservant la spécificité des métiers de journalistes de télévision et de radio, l’indépendance éditoriale des rédactions ainsi que la valeur des « marques-antennes » (RFI, France 24, MCD).

Le nouveau projet d’organisation, fondé sur des rédactions distinctes pour RFI et France 24, doit être élaboré par la nouvelle direction de l’AEF et sera préalablement soumis aux instances représentatives du personnel. D’après les informations transmises par les syndicats de RFI et de France 24, il semblerait que défaire la fusion des rédactions ne soit pas une tâche aisée, M. Alain de Pouzilhac ayant fait son possible pour rendre le processus irréversible, en nommant à la hâte des responsables des rédactions fusionnées et en reconfigurant en conséquence l’ensemble des organigrammes…

Comme la rapporteure a eu l’occasion de le souligner dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2012, la gouvernance a été plus que chaotique mais selon les représentants de l’Agence des participations de l’État, auditionnés le 25 septembre 2012, il semblerait que les « standards » de l’entreprise et ses relations avec l’État actionnaire se soient améliorés.

La rapporteure accueille très favorablement la décision de substituer France Télévisions à l’AEF dans le capital de TV5 Monde. Il s’agit d’une préconisation de la mission d’information commune à la Commission des affaires culturelles et de l’éducation et à la Commission des affaires étrangères qui, au début de l’année 2012, avait mis en évidence le positionnement insatisfaisant, voire la marginalisation, de cette chaîne multilatérale, généraliste et francophone au sein de l’AEF.

Elle se félicite également que le ministère de la culture et de la communication continue à avoir toute sa place dans l’exercice de la tutelle. À l’instar de M. Jean-Paul Cluzel, la rapporteure estime que les problèmes de gouvernance qui ont secoué l’AEF ne résultaient pas d’un problème de tutelle. Comme l’a indiqué très justement M. Cluzel, auditionné par la rapporteure le 23 juillet 2012, « la qualité de l’action publique tient à la qualité des personnes qui sont en responsabilité et à la qualité de leur relation avec les administrations ».

En revanche, s’agissant de la gouvernance, alors que la plupart des interlocuteurs entendus par la mission d’information avaient souligné la nécessité de mettre en place un comité d’orientation chargé de définir les objectifs stratégiques de l’AEF, M. Cluzel n’a pas repris cette proposition formulée par le rapport d’information de MM. Christian Kert et Didier Mathus. M. Cluzel estime qu’il n’est pas nécessaire de créer une nouvelle structure interministérielle et que le conseil d’administration, qui est suffisamment représentatif de l’ensemble des parties prenantes à la politique audiovisuelle extérieure, doit constituer le lieu où sont discutées les questions stratégiques.

La rapporteure estime, comme M. Pierre Hanotaux, directeur général délégué de l’AEF, entendu le 3 octobre 2012, et comme les rapporteurs de la mission commune, que ce comité fait défaut et qu’il conviendrait qu’y soient représentés l’Institut français, France Télévisions Radio France mais aussi ARTE, Euronews et l’Agence France Presse, acteurs qui contribuent également au rayonnement médiatique et culturel de notre pays.

La nouvelle direction devra également procéder à une clarification et à une remise à plat des chiffres d’audience, sur lesquels la communication de M. Alain de Pouzilhac avait entretenu le doute.

Enfin, le choix qui est fait de ne pas adosser France 24 et RFI aux opérateurs de l’audiovisuel national ne doit pas empêcher des coopérations renforcées entre ces acteurs, notamment en matière de contenus. À cet égard, la rapporteure estime que la présence de représentants de France Télévisions et Radio France au sein du conseil d’administration de l’AEF serait utile.

Mme Saragosse, au cours de son audition par notre Commission, a, comme les syndicats de France 24, regretté l’absence de visibilité et de notoriété de la chaîne dans notre pays. Si la diffusion de France 24 sur la TNT soulève un certain nombre de problèmes, la présence de contenus de France 24 sur le site France TV Info pourrait être une bonne idée.

C. RADIO FRANCE : UNE ENTREPRISE GLOBALEMENT PERFORMANTE, UNE DIMINUTION MESURÉE DES CRÉDITS

Pour 2013, il est proposé d’allouer à Radio France une dotation de ressources publiques de 611,7 millions d’euros HT (624,6 millions d’euros TTC), en baisse de 0,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2012 et en retrait de 25,1 millions d’euros par rapport aux prévisions du COM 2010-2014, lequel prévoyait un niveau des ressources publiques en croissance moyenne de 3,1 % par an sur la période.

Dans ce contexte, Radio France sera amenée en 2013 à fournir des efforts significatifs sur son budget de fonctionnement, afin de ne renoncer à aucune de ses ambitions :

– réunir le public le plus large autour de ses antennes et de ses formations musicales par la qualité de ses programmes ;

– poursuivre le développement des nouveaux médias et le maillage du territoire national par le réseau France bleu avec la création en 2013 de sa quarante-quatrième station à Saint-Etienne.

De même, le chantier de réhabilitation de la Maison de Radio France se poursuivra en 2013.

Ces efforts devront se traduire par une accélération de la modernisation de l’entreprise au travers du dialogue social, et par des économies structurelles qui porteront en priorité sur les achats et charges externes. Ils conduiront par conséquent Radio France à revoir très sensiblement certains objectifs du COM 2010-2014.

D. ARTE FRANCE : LA NÉCESSITÉ DE NE PAS HYPOTHÉQUER UN PLAN DE RELANCE AMBITIEUX ET QUI PORTE DÉJÀ SES FRUITS

En 2013, dans un contexte très tendu pour les finances publiques, la dotation publique allouée à ARTE France s’élève en à 268,4 millions d’euros TTC, soit une baisse de 0,8 million d’euros (- 0,3 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2012 et de 13,5 millions d’euros (- 4,9 %) par rapport aux prévisions du COM.

Dans ce cadre plus contraint que celui prévu par le COM, les objectifs prioritaires d’ARTE France restent cependant la relance éditoriale et le développement numérique, ainsi que la poursuite de la stratégie de reconquête et d’élargissement du public initiée en 2012.

ARTE s’est engagée à mettre en œuvre une relance éditoriale pour enrayer la dégradation de sa part d’audience (passée en France de 1,7 % en 2008 à 1,5 % en 2011, avec en particulier une baisse en première partie de soirée de 2,8 % en 2008 à 1,8 % en 2011), sans sacrifier ce qui fait l’originalité de la chaîne.

Première étape du plan de relance, ARTE a renouvelé sa grille de programme depuis le 1er janvier 2012. Cette grille présente trois caractéristiques principales : à chaque soirée sa tonalité ; une priorité donnée aux programmes de journée et un renforcement de l’offre culturelle le week-end.

Cette stratégie porte déjà ses fruits. La part d’audience en France est en effet en hausse. Elle s’établit à 1,7 % sur la totalité de la journée entre janvier et juin 2012 (contre 1,5 % en 2011), ce qui correspond à une augmentation de 13 %.

Pour le public, ARTE a toujours constitué une offre alternative à l’offre majoritaire. Les différentes études réalisées depuis la relance éditoriale confirment la progression de l’image de la chaîne auprès du public tant en France qu’en Allemagne. Le caractère européen de la chaîne est apprécié du public ainsi que l’évolution du « ton » de la chaîne vers plus de diversité, d’accessibilité, et d’ancrage dans le présent.

En 2012, plus des deux tiers du budget de la chaîne sont consacrés aux dépenses de programmes et plus des trois quarts du budget de programmes sont destinés à la production d’œuvres originales.

Le budget 2012 a été établi en équilibre sur la base d’un montant de 268,76 millions d’euros. On peut relever que le poste « programmes » s’élèvera à 151,42 millions d’euros, en hausse de 0,46 million d’euros du fait des économies réalisées sur les dépenses de structure.

La rapporteure pour avis souhaite que les moyens qui seront accordés à ARTE dans les prochaines années lui permettent de poursuivre les objectifs du COM 2012-2016.

Rappelons que la structure de coûts d’ARTE France est peu modulable : les frais de structure et de personnel sont réduits, les augmentations de la contribution au groupement européen d’intérêt économique (GEIE) sont conformes aux engagements pris en Assemblée Générale, à parité avec le partenaire allemand. En conséquence, toute ressource en diminution par rapport aux prévisions du COM affecterait le budget des programmes, ce qui mettrait à mal le plan de relance éditoriale engagé dès la fin de l’année 2011.

Par ailleurs, la société considère à juste titre devoir préserver sa stratégie numérique. Rappelons que la chaîne s’est imposée comme une pionnière dans le développement des nouvelles technologies, mises au service de l’innovation et de la créativité audiovisuelles.

Il serait donc très préjudiciable que les moyens ne soient pas à la hauteur des ambitions d’ARTE France, société reconnue pour la qualité de sa gestion.

E. L’INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL (INA) : UN EFFORT DE REDIMENSIONNEMENT DES PROJETS S’IMPOSE

La dotation publique perçue en 2013 par l’INA sera de 90,5 millions d’euros. Cette diminution de 0,5 % par rapport à la dotation votée en loi de finances initiale pour 2012, et de 2,5 % par rapport aux moyens prévus dans le COM négocié en 2009, correspond à la participation de l’INA à l’effort de redressement des finances publiques et exerce une contrainte forte sur l’équilibre budgétaire de l’Institut.

Dans ce contexte, l’INA devra revoir le dimensionnement de l’ensemble de ses projets en 2013 pour absorber l’effort d’économie demandé, tout en maintenant l’ensemble de ses missions prévues par la loi.

L’institut concentrera ainsi ses moyens sur ses grandes orientations : la sauvegarde des archives, la valorisation des collections et la transmission des savoirs et des compétences.

Les comptes prévisionnels de l’INA pour 2014 visent l’équilibre.

Les recettes d’exploitation devraient être stables entre 2012 et 2013. Dans un contexte où les débouchés commerciaux sont hypothéqués par une situation économique dégradée, les objectifs de ressources propres prévus au COM ne seront pas atteints. La prévision de ressources propres de l’INA est donc en retrait de 10 % par rapport aux prévisions, soit – 4,2 millions d’euros.

Quant aux charges d’exploitation prévisionnelles pour 2013, l’objectif est qu’elles restent à un niveau comparable à celui de 2012.

Les charges de personnel devraient augmenter de 2,5 % par rapport au budget prévisionnel 2012. Des efforts importants seront faits sur le personnel non permanent. Les autres charges d’exploitation sont estimées à 41 millions d’euros pour 2013, en retrait de 1,5 %. L’INA a déjà fortement puisé dans sa capacité de réduction des dépenses (notamment par une optimisation des procédures d'achats) en 2011, en diminution de 3,7 % par rapport au budget et de 3,9 % par rapport au COM. Cette nouvelle contraction de 1,5 % en 2013 est un objectif ambitieux pour l’INA, car une part importante des charges correspond à des marchés ou contrats conclus pour plusieurs années.

F. LE SOUTIEN À L’EXPRESSION RADIOPHONIQUE LOCALE (FSER) : LA NÉCESSITÉ DE MIEUX DÉFINIR LE SERVICE RADIOPHONIQUE OUVRANT DROIT À SUBVENTION

Créée en 1982 comme un élément essentiel de la politique de libéralisation des ondes radiophoniques, cette aide publique est attribuée aux radios locales associatives accomplissant une mission de communication sociale de proximité, lorsque leurs ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total. Chaque année, environ 600 radios associatives bénéficient de l’aide du FSER (627 en 2011) qui représente en moyenne 40 % de leurs ressources.

1. Une dotation qui intègre le soutien pour le passage à la radio numérique terrestre

Pour 2013, la dotation budgétaire pour le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale est fixée à 29 millions d’euros. Cette dotation intègre les fonds mobilisables en cas de lancement de la radio numérique terrestre.

Le soutien de l’État aux radios associatives s’élevait en 2010 à 29 millions d’euros. Il comprenait une augmentation de 2 millions d’euros par rapport à 2009 qui devait permettre de soutenir les radios associatives pour le passage à la radio numérique terrestre (RNT). Le lancement de la RNT n’ayant pas eu lieu, les 2 millions d’euros avaient alors servi à résorber le décalage de trésorerie du FSER. En 2011 et 2012, ces 2 millions d’euros ont été reconduits et, malgré l’absence de lancement de la RNT, ils ont été distribués principalement en subventions sélectives (1,1 million d’euros en 2011), mais aussi en subventions automatiques (0,8 million d’euros) le reliquat ayant servi à réduire marginalement le décalage de trésorerie.

2. Les questions soulevées par l’augmentation du nombre de subventions versées au titre de « programmes spécifiques »

Le nombre de demandes de subventions a augmenté fortement depuis 2005, passant de 602 en 2005 à 659 en 2012. L’augmentation du nombre de demandes a une double origine :

– depuis 2006, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a amélioré la planification de la bande FM, ce qui lui a permis de dégager près de 1 335 nouvelles fréquences. Les radios commerciales et associatives ont bénéficié des ressources supplémentaires ainsi dégagées ;

– les radios qui disposent de plusieurs fréquences peuvent solliciter auprès du CSA l’autorisation d’effectuer sur une zone géographique spécifique correspondant à l’une de ces fréquences un programme distinct du programme d’origine. Lorsque ce programme spécifique a une durée supérieure à quatre heures par jour, l’association peut percevoir une nouvelle subvention du FSER. Cette pratique s’est largement développée et conduit aujourd’hui à subventionner 74 services radiophoniques distincts qui ne correspondent qu’à 31 associations différentes.

Le caractère automatique de l’octroi de la subvention d’exploitation du FSER, prévu par les textes, ne permet pas de moduler le montant de la subvention, ni en fonction de la durée du programme réalisé, ni en fonction des programmes diffusés (musique, programme parlé, informations locales …).

Même s’il ne peut être considéré comme systématique, le caractère opportuniste du développement des programmes spécifiques ne fait pas de doute. Face aux conséquences importantes pour le budget de l’État, le FSER a demandé au CSA de contrôler par le biais d’écoutes, la réalité de ces programmes spécifiques.

Par ailleurs, la ministre de la culture et de la communication a engagé une réflexion, en concertation avec les représentants des radios associatives et le CSA, sur la définition du service radiophonique ouvrant droit à subvention du FSER. Cette question délicate, qui n’avait pu être tranchée lors de la réforme de 2006, revêt aujourd’hui une importance d’autant plus grande que de plus en plus de radios sont concernées.

II.- BILAN DE LA POLITIQUE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’AUDIOVISUEL EN MATIÈRE D’ÉLABORATION DU PAYSAGE AUDIOVISUEL HERTZIEN

A. UNE POLITIQUE QUI PRÉSENTE DES ZONES D’OMBRE

M. Michel Boyon, président du CSA introduisait son rapport d’août 2011 sur la télévision numérique terrestre (TNT), par l’observation suivante : « la dimension économique du secteur audiovisuel a trop longtemps été sous-estimée, voire ignorée ». C’est en effet le principal reproche qui est fait au CSA par les nombreux acteurs du secteur entendus par la rapporteure pour avis au cours de ses auditions.

Si l’expertise et la qualité de l’action du CSA sur les contenus sont unanimement reconnues, et si la TNT et le passage au tout numérique ont été un incontestable succès, la plupart des grands chantiers d’avenir sont aujourd’hui bloqués : radio numérique terrestre, TNT payante, télévision mobile personnelle.

S’agissant de la TNT gratuite, le lancement de six nouvelles chaînes en haute définition (HD) a suscité la perplexité de la quasi-totalité des personnes entendues et l’incompréhension de la rapporteure pour avis.

Au-delà de l’insuffisante prise en compte de la dimension économique, la rapporteure a relevé un certain nombre de dysfonctionnements et de zones d’ombre dans l’élaboration du paysage audiovisuel hertzien par le régulateur.

1. Le lancement de six nouvelles chaines de TNT gratuite : une décision contestable sur le fond et la forme

« Catastrophe », décision « baroque », décision « politique », décision « incompréhensible », « connerie noire »… : les interlocuteurs de la rapporteure ont fait preuve d’une grande richesse lexicale pour qualifier le lancement de six nouvelles chaînes HD gratuites sur la TNT. À l’issue de ces auditions, la rapporteure estime que cette décision est aussi contestable sur le fond que sur la forme.

a) Les six chaînes retenues

À la suite de l’appel à candidatures qu’il avait lancé le 18 octobre 2011, le CSA a retenu, lors de son assemblée plénière du 27 mars 2012, six chaînes censées être ciblées ou thématiques, dans le but de ne pas trop déstabiliser le marché publicitaire.

L’Équipe HD (groupe Amaury) sera consacrée aux sports, HD1 (groupe TF1) sera une chaîne de fiction, RMC Découverte (groupe NextRadioTV), une chaîne de documentaires consacrés à la découverte et à la connaissance, 6 Ter (groupe M6), une chaîne familiale. Une chaîne, lancée par le Groupe NRJ, sera consacrée aux femmes et répondra au doux nom de Chérie HD. Enfin, une chaîne, « TVous la Diversité » sera consacrée, comme son nom l’indique, à la diversité (société Diversité TV France).

Les interrogations de la rapporteure sur la ligne éditoriale de TVous la Diversité

Alors même que le CSA a toujours rappelé, à très juste titre, notamment au sujet de l’évolution de France Ô, que la diversité devait être présente sur toutes les chaînes et pas seulement sur une seule, qui pourrait faire figure d’alibi, voire de ghetto, on peut s’étonner que le collège ait sélectionné une chaîne consacrée exclusivement à la diversité.

Lors de leur audition par le CSA, les dirigeants de la future chaîne, dont Pascal Houzelot et David Kessler (alors directeur général des Inrockuptibles), ont insisté sur leur volonté d’évoquer toutes les facettes de ce concept plutôt large. Interrogée par la rapporteure sur ce que l’on doit entendre par diversité, M. Houzelot a cité, pêle-mêle, les minorités visibles, les homosexuels, les femmes, les handicapés, les familles recomposées, monoparentales… Bref, le champ est large puisqu’il n’exclut à première vue que les hommes blancs bien portants et hétérosexuels.

S’il n’est pas contestable que la diversité doit être davantage présente à la télévision, doit-elle être traitée par la création d’une chaîne dédiée à la diversité, regardée par les personnes issues de la diversité et traitant des seuls problèmes de la diversité ?

M. Hervé Bourges, ancien président du CSA et président du comité permanent de la diversité de France Télévisions, auditionné le 18 octobre 2012, a partagé ces réserves.

Interrogé sur ce point par la rapporteure pour avis, lors de son audition, le 2 octobre 2012, Michel Boyon a reconnu que de telles réserves étaient pertinentes mais que le CSA, s’il s’était beaucoup interrogé sur la ligne éditoriale, avait été convaincu par la qualité des actionnaires et des porteurs du projet.

Rappelons en effet que si Pascal Houzelot, fondateur de Pink TV, détient 51 % du capital, Xavier Niel, fondateur de Free, François-Henri Pinault, PDG de PPR, Jean-Charles Naouri, PDG du groupe Casino, Jacques Veyrat, patron d’Eiffel Investment Group, Matthieu Pigasse, directeur général de la banque Lazard et également actionnaire du groupe Le Monde et des Inrockuptibles, et Bernard Arnault, PDG de LVMH, se partagent les 49 % restants.

Hormis cette chaîne, les résultats de l’appel à candidatures n’ont pas créé de réelle surprise : une chaîne pour les deux acteurs historiques (TF1 et M6) qui fait pour ainsi dire office de « canal compensatoire », une chaîne pour les deux anciens nouveaux entrants qui n’ont pas revendu leurs fréquences, et enfin une chaîne pour deux nouveaux entrants.

b) Une décision contestable sur le fond

Les meilleurs arguments contre le lancement de ces six nouvelles chaînes se trouvent dans le rapport de Michel Boyon d’août 2011 sur l’avenir de la TNT.

Rappelons que dans ce rapport, le président du CSA préconisait l’adoption immédiate d’une nouvelle norme de diffusion (DVB-T2) pour toutes les nouvelles chaînes de la TNT, ce qui aurait de facto provoqué un gel du paysage audiovisuel pour plusieurs années.

M. Michel Boyon estimait à juste titre que « la question de l’élasticité du marché publicitaire (…) [conditionnait] le lancement, ou non, de nouvelles chaînes gratuites sur la TNT ». Or, il ajoutait : « Depuis le lancement des nouvelles chaînes de la TNT, si le nombre des annonceurs s’est accru, les recettes n’ont augmenté en euros courants que de 4 %, ce qui tend à démontrer que l’élasticité du marché publicitaire par rapport à l’augmentation du nombre des chaînes n’est que très relative. On constate qu’en euros constants, la valeur du marché a diminué de 4 % entre 2005 et 2010, même si la télévision a moins souffert que la presse ou la radio du développement de la publicité sur l’internet. Ainsi, ce qui pourrait être vrai, à la marge, en volume ne l’est sûrement pas en valeur. »

Le rapport estimait même que la consolidation des chaînes privées serait conditionnée par la suppression de la publicité en journée sur France Télévisions.

Il en concluait que cette analyse n’excluait pas, par principe, « que des chaînes reposant sur des thématiques aujourd’hui absentes de la TNT puissent capter les ressources nécessaires sans trop perturber l’équilibre global du financement du secteur ». Or, les thématiques retenues (documentaire, sport, fiction) sont toutes bien présentes sur la TNT.

La quasi-totalité des personnes auditionnées par la rapporteure, y compris certains des acteurs retenus par le CSA pour ces six chaînes gratuites, a estimé que leur lancement était une très mauvaise décision, qui intervenait au pire moment.

Une étude des besoins en fréquences en France à l’horizon 2020 réalisée par la DGMIC et la DGCIS en septembre 2011 indiquait, s’agissant de l’évolution du nombre de chaînes de TNT en clair à l’horizon 2020, que la dispersion du marché publicitaire au sein des nouvelles chaînes de la TNT permettait d’estimer qu’il existait encore de la place pour des chaînes en clair supplémentaires. « Toutefois, étant donné la relative stabilité de ce marché, fluctuant entre 3 et 3,5 milliards d’euros depuis 2005, l’évolution du nombre de chaîne doit être considérée comme une approche progressive au cours du temps d’ici à 2020 ».

Les acteurs redoutent à juste titre les conséquences de cet élargissement de la TNT sur la fragmentation des audiences, le marché publicitaire et le financement de la création, qui repose sur les recettes publicitaires des diffuseurs. Les nouvelles chaînes devraient capter entre 10 et 12 % de parts d’audience et annoncent des recettes espérées qui tournent aux environs de 350 millions d’euros par an. Si le marché publicitaire de la télévision ne grossit pas, certaines de ces nouvelles chaînes n’atteindront pas leurs objectifs et certaines chaînes déjà en place verront mécaniquement leur part de marché diminuer.

Pour la plupart des observateurs, il aurait été préférable de différer toute autorisation nouvelle de création de chaîne pendant quelques années, la priorité étant donnée à la consolidation de la situation économique des éditeurs, à l’amélioration des contenus et au passage à la haute définition.

Des interrogations se font jour sur la viabilité économique de certaines chaînes.

Les représentants de l’Équipe HD sont déjà venus exposer devant la rapporteure, le 2 octobre 2012, les difficultés à venir de la chaîne. Ils se sont par ailleurs dits étonnés et inquiets que le CSA pousse D8 à diffuser des sports autres que le foot, ce qui est précisément l’objectif de l’Équipe TV, inscrit dans la convention signée avec le régulateur.

Pour certains observateurs, de nouvelles cessions sont à prévoir dans les années à venir.

Par ailleurs, les choix du CSA ne seront pas sans conséquences pour la TNT payante, puisqu’en donnant une fréquence à l’Équipe HD, le CSA permet à la TNT en clair de proposer une offre de sport jusqu’ici cantonnée à la TNT payante avec Eurosport.

Enfin, comme l’indique La revue européenne des médias, (n° 22-23, printemps-été 2012), « les choix du CSA risquent de pénaliser le groupe France Télévisions, à qui le Gouvernement de François Fillon n’avait pas souhaité octroyer de nouvelles fréquences, à défaut de moyens financiers, pour lancer une nouvelle chaîne. En effet, les nouveaux entrants sont pour certains en concurrence frontale avec les chaînes du groupe public : le documentaire avec RMC Découverte, les sports peu représentés à la télévision avec L’Équipe TV, enfin les programmes jeunesse avec 6 Ter et les émissions dédiées aux « CSP + et CSP intermédiaires à fort capital de curiosité » de TVous la Diversité. Ainsi, France 3, qui est depuis 2011 reléguée derrière M6 en parts d’audience, a fait reposer une partie de sa programmation sur l’offre jeunesse, le sport et les documentaires. Quant aux cibles de RMC Découverte et de TVous la Diversité, ce sont celles de France 5, dont les résultats permettent au groupe France Télévisions de compter parmi les plus dynamiques sur la TNT. Enfin, France 4, qui s’adresse aux jeunes adultes, devra faire face à HD 1 et 6 Ter. Quant à Gulli, la chaîne jeunesse partagée avec le groupe Lagardère, elle devra compter avec 6 Ter ».

Si cette décision de lancer de nouvelles chaînes ne semble pas pertinente du point de vue économique, on aurait pu penser que le CSA s’était appuyé sur l’intérêt du public. Or, un sondage publié le 22 juin 2011 par le cabinet NPA Conseil et l’institut CSA montrait que les Français appréciaient globalement la télévision numérique terrestre (TNT) même s’ils jetaient un regard critique sur la qualité de l’offre, mais n’en demandaient pas davantage. Une très large majorité des Français – 69 % – considéraient disposer d’un nombre suffisant de chaînes. Mieux, 73 % de ceux qui n’étaient abonnés à aucune offre de télévision payante mais recevaient pour la plupart la TNT gratuite affirmaient ne pas nécessiter davantage de chaînes.

c) Une décision contestable sur la forme

Dans son rapport d’août 2011, Michel Boyon faisait, au sujet de l’avenir de la TNT, la préconisation suivante : « les pouvoirs publics et les professionnels ont (…) le devoir d’agir avec méthode, en particulier sans précipitation, sur la base de priorités clairement définies, elles-mêmes issues d’une analyse du contexte juridique, économique, technologique et culturel actuel. »

On ne peut malheureusement pas dire que le lancement des six chaînes HD ait respecté ces consignes.

Dans sa précipitation, le CSA n’a pas lancé la consultation préalable qu’il devait lancer en application de la loi.

L’article 31 de la loi du 30 septembre 1986 introduit par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle dispose en effet que « si les décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique sont susceptibles de modifier de façon importante le marché en cause, le Conseil supérieur de l’audiovisuel procède, préalablement au lancement des procédures prévues aux articles 29, 30, 30-1, 30-5 et 30-6, à une consultation publique. »

En application de cette disposition, le CSA aurait dû ouvrir une consultation préalable à l’appel d’octobre 2011. Il est en effet incontestable que la décision de lancer six chaînes gratuites en HD entrait bien dans la catégorie des décisions « susceptibles de modifier de façon importante le marché en cause ». Rappelons que les six chaînes HD représentent une augmentation de 30 % de l’offre nationale gratuite disponible.

Interrogé sur ce défaut de consultation préalable, lors de son audition, Michel Boyon a avancé plusieurs arguments.

Il a tout d’abord rappelé qu’une consultation avait été lancée le 26 juillet 2009 au sujet de la capacité libérée par le retrait de deux chaînes payantes.

Or, les enseignements tirés de cette consultation par le régulateur auraient dû être considérés comme périmés, le paysage audiovisuel ayant été largement bouleversé depuis, par le rachat de TMC et NT1 par TF1, les incertitudes sur la suppression de la publicité sur France Télévisions, les difficultés enregistrées sur le marché publicitaire, l’arrivée du groupe Canal + sur la télévision gratuite, entre autres…

M. Michel Boyon a avancé un autre argument : la consultation a bien eu lieu à travers les auditions qu’il a lui-même conduites dans le cadre du rapport rendu en août 2011 sur l’avenir de la télévision numérique terrestre. Or, la loi ne prévoit pas que les auditions conduites par le président du CSA en son nom propre puissent se substituer à la consultation publique du CSA prévue par l’article 31.

Après que la rapporteure eut rappelé cet élément à Michel Boyon, le président du CSA s’est abrité derrière une disposition introduite à l’article 31 de la loi du 30 septembre 1986 par la loi relative à la lutte contre la fracture numérique (n° 2009-1572 du 17 décembre 2009). Cette disposition, issue d’un amendement de M. Bruno Retailleau au Sénat, précise que « Le conseil n’est pas tenu de procéder à une nouvelle consultation (…) lorsqu'il a déjà procédé, dans les trois ans qui précèdent le lancement de l’une des procédures visées au premier alinéa, à une consultation publique portant sur un champ géographique semblable à celui de cette procédure pour des services de télévision ou de radio de même nature ».

Rappelons que cet amendement avait été présenté par son auteur comme « un amendement de simplification administrative ». Dans l’exposé sommaire dudit amendement, M. Retailleau rappelait que « l’organisation de telles consultations [était] naturellement nécessaire pour les appels à candidatures à l’échelle nationale ». L’objet de cette mesure n’était certainement pas de dispenser le CSA de lancer une consultation préalable dans le cas du lancement de six chaînes HD gratuites au plan national. Il s’agissait, comme le précisait l’auteur de l’amendement, « de ne plus retarder inutilement le lancement de radios ou télévisions locales numériques ».

Il est vrai, comme le souligne le CSA, que la loi de 1986 l’oblige à attribuer les fréquences disponibles. On peut cependant rappeler que le lancement de la RNT a été retardé pendant plusieurs années.

La rapporteure estime donc qu’on peut véritablement s’interroger sur ce qui a motivé la précipitation avec laquelle le CSA a pris une décision peu opportune pour l’ensemble du secteur.

2. La TNT gratuite : un bilan mitigé en termes de qualité des contenus, de financement de la création et de diversité des acteurs

Rappelons qu’en application de la loi du 30 septembre 1986, le CSA accorde les fréquences en TNT, à l’issue d’une procédure d’appel à candidatures. Le CSA doit retenir les projets qui contribuent le mieux à la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, lequel participe de l’objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme des courants de pensée et d’opinion, et qui sont le mieux à même de répondre à l’intérêt du public.

Il doit veiller à ce qu’une diversification suffisante des opérateurs et le jeu normal de la concurrence permettent, en préservant notamment un accès équilibré de tous les opérateurs à la ressource publicitaire et aux marchés des droits, que l’objectif fondamental de pluralisme et l’intérêt du public soient respectés.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel est également chargé par la loi de veiller à la qualité des programmes et de formuler des propositions pour leur amélioration.

La TNT gratuite qui compte 19 chaînes et en comptera 25 pour 25 % de la population à compter du 12 décembre 2012, constitue incontestablement une réussite technologique et une réussite d’audience.

Au mois de septembre 2012, sept ans après leur lancement, les nouvelles chaînes ont rassemblé 24,9 % de l’audience totale de la télévision, ce qui montre bien qu’un public qui ne pouvait recevoir par la voie hertzienne que six chaînes nationales, et souvent moins, était en attente d’une diversification de l’offre.

Malgré une croissance rapide de leur audience, les nouvelles chaînes privées gratuites reposent encore sur un équilibre financier fragile. Ces difficultés financières ne sont pas sans conséquence sur la qualité des contenus. En effet, pour limiter le coût de leurs grilles, les nouvelles chaînes ont jusqu’à présent largement privilégié la rediffusion de programmes de catalogue au détriment des productions inédites. De plus, comme le souligne Michel Boyon dans son rapport de 2011 précité, « on constate une insuffisante diversité de leur programmation ».

En ce qui concerne le financement de la création, qui est l’une des contreparties de l’utilisation gratuite des fréquences par les opérateurs, le bilan est également décevant. Le président du CSA relève en effet que « les neuf nouvelles chaînes de la TNT, qui privilégient la rediffusion, ne représentent qu’une part très réduite du financement de la création audiovisuelle : en 2010, leur niveau de commande a atteint seulement 8 % de l’ensemble des heures aidées par le CNC (6,6 % en 2009), pour 1,8 % des investissements de l’ensemble des chaînes dans la production audiovisuelle aidée. De plus, elles sont quasiment absentes de la production de fiction : en 2010, une seule chaîne privée est intervenue dans la production d’une série de fiction en tant que premier diffuseur pour un montant de 800 000 euros… »

Comme l’indique justement Michel Boyon, « il est significatif que les enquêtes d’opinion montrent que, si une majorité des téléspectateurs se disent satisfaits des programmes des nouvelles chaînes, beaucoup souhaitent moins de rediffusions et davantage de programmes récents ou originaux ».

Il convient également de souligner que la création de nouvelles chaînes n’a pas bénéficié à la fiction française.

Enfin, rappelons que lors du lancement de la TNT, l’impératif de diversité des opérateurs et, notamment, l’entrée d’opérateurs indépendants des groupes historiques ont été regardés comme une priorité, d’autant que les éditeurs historiques de services de télévision en mode analogique ont eu la possibilité, non seulement de reprendre intégralement et simultanément leur service sur un canal numérique, mais aussi d’obtenir un droit d’usage de la ressource radioélectrique « compensatoire », pour la diffusion d’un autre service en mode numérique. Cet objectif résulte clairement de la loi du 1er août 2000, éclairée par ses travaux préparatoires.

En 2005, avec l’arrivée de la TNT, cinq nouveaux entrants avaient fait leur apparition sur la TNT gratuite à côté des cinq grands acteurs de la télévision historique (TF1, France TV, M6, Canal + et Arte) : le groupe Bolloré (Direct 8), Lagardère Active (Virgin 17 et 66 % de Gulli), NRJ Group (NRJ 12), les groupes AB (NT1 et TMC à 40 %) et Nextradio (BFM TV).

L’année 2010 a été marquée par la recomposition du paysage de la TNT qui a vu les groupes historiques, notamment TF1, renforcer leurs positions afin de compenser l’érosion des audiences et des recettes publicitaires de leurs chaînes historiques. Le groupe AB s’est retiré en revendant ses parts dans TMC et sa chaîne NT1 à TF1.

Par ailleurs, Lagardère Active a revendu au groupe Bolloré sa chaîne musicale Virgin 17, rebaptisée Direct Star.

En 2012, à son tour, le groupe Bolloré a revendu ses chaînes Direct 8 et Direct Star au groupe Canal +.

Ces opérations ont été autorisées par le CSA, sous conditions. Rappelons que le CSA peut retirer les autorisations d’utilisation de fréquences accordées aux chaînes en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation a été accordée.

Ainsi, au regard de l’objectif de diversification des acteurs, qui était celui de la loi de 2000, le bilan de la TNT gratuite est également décevant.

3. Quelle politique de soutien au développement des télévisions locales ?

a) Une politique de développement volontariste en dépit de l’absence de modèle économique

43 chaînes locales privées sont à ce jour autorisées par le CSA en métropole en mode hertzien, auxquelles s’ajoutent 13 chaînes diffusées en Outre-mer. Malgré les incertitudes qui pèsent sur leur modèle économique, le CSA poursuit son « action très volontariste » de développement des télévisions locales, sept appels à candidature étant d’ailleurs en cours pour l’octroi de nouvelles fréquences en TNT.

Dans son rapport de 2011 sur l’avenir de la TNT, Michel Boyon faisait le constat suivant : « Le développement des nouvelles chaînes ne doit pas dissimuler les difficultés que rencontrent actuellement les télévisions locales, qui ont probablement souffert de ne pas être présentes dans la première vague de la TNT.

Le passage au tout numérique permet de redynamiser l’offre française, très inférieure en quantité à celle des grands pays européens. Le France compte en effet 145 chaînes locales tous modes de diffusion confondus, contre 215 en Allemagne, 590 en Italie et 731 en Espagne. Aussi, depuis plus de trois ans, le Conseil supérieur de l’audiovisuel mène-t-il une action très volontariste, qui a conduit à la création d’une trentaine de chaînes hertziennes numériques locales et au passage en mode numérique d’une vingtaine de chaînes hertziennes existantes. Il manque sans doute encore une dizaine de télévisions locales pour parvenir à une bonne couverture du territoire métropolitain.

Pour autant, la situation n’est pas toujours satisfaisante : même si l’on constate aujourd’hui l’engagement de nouveaux entrepreneurs, l’équilibre des chaînes locales reste subordonné au concours des collectivités territoriales et, parfois, au soutien de la presse quotidienne régionale ».

Comme l’indique la DGMIC, dans ses réponses au questionnaire budgétaire, « Malgré une meilleure maîtrise des coûts, on ne constate pas d’amélioration globale de la situation économique des chaînes locales, notamment en raison de la crise publicitaire et surtout de la crise financière qui réduit leurs financements publics. Elles rencontrent par ailleurs des difficultés pour attirer les annonceurs en raison de bassins d’audience trop restreints et du manque de précision des mesures et études d’audience. Par conséquent, la majorité des télévisions locales rencontrent des difficultés à atteindre leur seuil de rentabilité ».

b) La dénumérotation : un coup fatal porté aux télévisions locales, toujours en attente de mesures favorisant leur développement

Dans les dernières années, la politique de soutien du CSA et du ministère de la culture et de la communication aux télévisions locales a été quasiment inexistante.

Au cours du premier semestre 2010, une étude sur les perspectives de développement des télévisions locales en France à la lumière des exemples étrangers a été confiée au cabinet Analysys Mason. Au passage, il est regrettable qu’une telle étude n’ait pas été commandée préalablement au lancement d’un grand nombre de chaînes locales...

L’étude a été suivie, en janvier 2011, d’une consultation publique destinée à recueillir l’avis des professionnels sur les mesures susceptibles de favoriser le développement des télévisions locales.

Comme l’indique la DGMIC, les propositions formulées par les professionnels sont toujours « en cours d’analyse par les services du ministère de la culture et de la communication, en lien avec ceux du CSA ».

L’un des objectifs prioritaire serait selon la DGMIC de « renforcer la situation financière des chaînes locales en facilitant leur accès au marché publicitaire et en sécurisant le cadre réglementaire régissant les possibilités d’intervention des collectivités territoriales ».

S’agissant de l’accès au marché publicitaire, la synthèse de la consultation publique de janvier 2011 relevait le caractère absolument stratégique de la numérotation…

Alors que les télévisions locales restaient en attente de mesures favorisant leur développement, le CSA a décidé, le 27 juin 2012, sans aucune concertation préalable, de modifier leur numérotation.

Le communiqué du CSA précise que « Dans l’intérêt du public et afin d’assurer l’égalité entre les chaînes de même catégorie, les numéros des six nouvelles chaînes en HD suivront ceux des télévisions nationales en clair existantes qui sont actuellement numérotées de 1 à 19. (…) Quant aux chaînes locales (actuellement situées dans la vingtaine) et aux chaînes payantes (actuellement situées dans la trentaine), leurs numéros actuels seront déplacés à la dizaine supérieure, ce qui permet de ne pas bouleverser l’organisation actuelle, les téléspectateurs pouvant retrouver aisément ces chaînes en ajoutant 10 au numéro de la chaîne qu’ils ont l’habitude de regarder ».

La rapporteure juge cette décision effarante.

Oserait-on affirmer à TF1, France 2, France 3, M6 que le numéro n’est pas constitutif de l’identité d’une chaîne et de sa relation avec le téléspectateur ?

Il n’est pas inutile de rappeler que les chaînes locales ont une audience plutôt âgée. Par ailleurs, certains téléviseurs ne sont pas adaptés à la réception HD. Les téléspectateurs concernés vont donc trouver des écrans noirs sur les canaux où ils trouvaient précédemment les chaînes locales. Bref, les téléspectateurs pourraient donc ne pas s’y retrouver aussi aisément que l’affirme le CSA.

La consultation publique sur les conditions de viabilité des télévisions locales avait pourtant souligné l’importance capitale de la numérotation. Interrogé sur ce point par la rapporteure, le président du CSA a estimé que la numérotation est en effet très importante, mais surtout dans les plans de service des fournisseurs d’accès à internet et de Numéricâble…

Ajoutons que les chaînes retenues n’en avaient même pas demandé autant et qu’aucun engagement n’avait été pris par le CSA en ce sens au moment de l’attribution des fréquences. C’est donc un cadeau aux nouvelles chaînes, qui coûte cher aux chaînes locales.

c) Un contrôle très insuffisant

Si l’étude précitée d’Analysis Mason avait recommandé l’établissement d’un cadre permettant l’harmonisation des subventions aux télévisions locales et alors que « la sécurisation du cadre réglementaire régissant les possibilités d’intervention des collectivités territoriales » a été définie comme une priorité, rien n’a été entrepris en ce sens par le CSA, ni d’ailleurs par la DGMIC.

Rappelons qu’après avoir délivré les autorisations d’exploiter des services de télévision locale, le Conseil est chargé du contrôle du respect des leurs obligations par les titulaires d’autorisations.

Interrogé par la rapporteure sur le champ du contrôle effectué sur les télévisions locales, le CSA a précisé qu’en matière d’analyse des contenus de programmes, le dispositif actuel de contrôle porte sur :

- un aspect quantitatif, qui est fondé sur un système déclaratif et par conséquent sur la communication par la chaîne « de toutes les informations nécessaires au contrôle » ;

- et un aspect qualitatif, « qui porte sur les contenus, le respect des obligations et l’analyse de l’organisation générale du service. Ce contrôle s’effectue notamment lors de visionnages réguliers de programmes (volume de la programmation locale, pluralisme, instruction de saisines, publicité et parrainage…) ».

À ces informations portées régulièrement à la connaissance du Conseil s’ajoutent celles communiquées lors de la transmission du bilan annuel.

On peut s’étonner que le CSA ne publie pas de bilan annuel des télévisions locales alors qu’il le fait pour les autres chaînes hertziennes. Un bilan des programmes des chaînes locales avait été publié pour l’année 2007, mais rien n’a été publié depuis cette date.

Comme il le précise, en réponse aux questions de la rapporteure, « le Conseil est également amené à contrôler la situation financière des télévisions locales. Ainsi, conformément à leurs engagements conventionnels chaque télévision locale doit transmettre dans les six mois suivant la clôture de chaque exercice, son bilan, son compte de résultat et l’annexe, ainsi que son rapport de gestion, tels que prévus à l’article L. 232-1 du code de commerce ».

On peut légitimement douter de l’effectivité de ce contrôle à la lecture du tableau suivant, demandé par la rapporteure au CSA :

Part des financements publics dans les recettes des télévisions locales

Source : bilans CSA.

On note en effet que la majorité des lignes n’est pas renseignée.

Interrogé par la rapporteure pour avis sur l’état du contrôle sur les financements publics des diverses chaînes locales, le CSA indique qu’à la suite de l’étude du cabinet Analysys Mason, il a souhaité que tous les financements publics perçus soient communiqués par les chaînes dans le cadre du bilan annuel qu’elles présentent au Conseil. Le CSA ne s’intéresse donc au financement public des chaînes locales que depuis 2011 !

C’est d’autant plus regrettable que l’étude et la consultation publique précitées ont mis en évidence une très forte demande de rationalisation et de clarification des financements publics que perçoivent les télévisions locales dans un objectif de sécurisation de ces derniers et de renforcement de leur légitimité.

Les télévisions locales bénéficient d’un soutien des collectivités locales tant sous forme de dotations encadrées par des contrats d’objectifs et de moyens (COM), même si ces contrats font parfois défaut, que de participations au capital suivant un modèle de sociétés d’économie mixte (SEM). On constate, à côté de ces subventions, l’existence de contrats de prestations, qui ne répondent pas uniquement à des missions de service public, mais qui, selon le CSA « se substituent peu à peu aux subventions d’exploitation ».

Lors de la consultation publique, ont été évoquées des dérives dans l’utilisation des subventions accordées, les télévisions ne respectant pas toujours leurs engagements. Il a également été rappelé que, comme tout financement public, l’octroi des aides doit respecter des règles de mise en concurrence, ces dernières méritant d’être clarifiées.

La question du pluralisme et de l’indépendance des chaînes par rapport aux collectivités dont elles perçoivent des aides, qui constitue un véritable sujet aux yeux de la rapporteure, a également été soulevée par la consultation. Pourtant, selon M. Jean-Marie Cotteret, professeur de sciences politiques, ancien membre du CSA chargé du contrôle du pluralisme, auditionné le 26 septembre 2012, ce contrôle reste tout à fait théorique, s’agissant des télévisions locales.

La majorité des intervenants s’est par conséquent déclarée favorable à la publication (par les pouvoirs publics ou le CSA) d’un guide qui rappellerait le cadre d’intervention des collectivités, dont il est considéré qu’elles manquent souvent de repères en matière d’aides aux chaînes locales.

Cet exercice de clarification et de sécurisation du cadre d’intervention des collectivités territoriales se fait malheureusement toujours attendre.

M. Gilles Crémilleux, président du syndicat Les locales TV, auditionné le 25 juillet 2012, a donc raison d’affirmer que, dans les dernières années, rien n’a été fait pour les télévisions locales, à part la dénumérotation !

4. L’échec de la TNT payante

Plusieurs observateurs ont relevé que la TNT payante, telle qu’elle a été lancée, ne pouvait pas connaître un développement satisfaisant. Là encore, on peut s’étonner de l’absence d’étude d’impact préalable, le CSA ayant, comme pour les télévisions locales, principalement justifié ses diverses tentatives de « relance » de la TNT payante par le fait qu’elle est « un succès dans d’autres pays ».

En complément de l’offre gratuite, 11 chaînes payantes étaient proposées à l’origine en 2005 : des chaînes premium (Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport et TPS Star) et des chaînes thématiques (Eurosport, LCI, Paris Première, TF6, Planète, AB1 et Canal J).

Les chaînes AB1 et Canal J ont cessé leur diffusion TNT respectivement fin octobre 2008 et début mai 2009 en raison de l’absence de rentabilité sur la TNT payante. Par ailleurs, dans le cadre d’un accord conclu entre les groupes France Télécom et Canal+, TPS Star a cessé définitivement sa diffusion au printemps 2012, tant sur la TNT que sur les autres supports.

À la suite d’une consultation publique sur l’usage de la ressource libérée par ces deux services, le CSA a choisi de lancer deux appels à candidatures en 2010, qui l’ont conduit à sélectionner, d’une part, en décembre 2010, le projet présenté par la Ligue de football professionnel intitulé CFoot, dont la diffusion commencée le 28 juillet 2011 s’est arrêtée définitivement au printemps 2012 à la fin de la saison de football ; et d’autre part, en mai 2011, le projet d’offre de vidéo à la demande SelecTV présenté par TV Numéric qui n’a toujours pas démarré.

Au total, il ne reste donc plus aujourd’hui que 8 chaînes diffusées sur la TNT payante : 3 chaînes premium et 5 chaînes thématiques.

De multiples raisons expliquent l’échec de la TNT payante. Outre la richesse de l’offre gratuite de la TNT, désormais disponible sur l’ensemble du territoire, cette offre était à apprécier par rapport à l’offre de télévision payante préexistante (câble, satellite) ou développée depuis 2005 (ADSL). L’offre de TNT payante n’était par ailleurs pas suffisamment cohérente, le nombre de chaînes proposées étant sans doute insuffisant. Enfin, le prix des offres était trop élevé.

Lors du dernier appel à candidatures du CSA pour les six fréquences disponibles en TNT, aucun projet de chaîne n’a été présenté pour une diffusion en TNT payante, ce qui confirme le désintérêt des éditeurs pour le développement de ce support. Par ailleurs, en raison du faible succès de la TNT payante, les groupes TF1 et M6 ont émis le souhait de diffuser, respectivement, LCI et Paris Première sur la TNT gratuite. Le CSA a rejeté ces demandes en application de la loi.

Comme l’a indiqué M. Michel Boyon, lors de son audition, se pose aujourd’hui la question de l’avenir de la TNT payante qui occupe une partie du spectre des fréquences.

5. La télévision mobile personnelle : un projet mort-né

On ne peut que souscrire au constat du journaliste Jamal Henni dans La Tribune du 10 mai 2012 : « Après quatre ans d’agonie, la télévision mobile personnelle (TMP) est enfin officiellement morte. Ce projet reposait sur la construction d’un nouveau et coûteux réseau terrestre dédié à la diffusion de télévision sur téléphone mobile – en complément des réseaux mobiles qui proposent déjà des services de télévision. En 2008, tout le monde se battait pour avoir une part de ce gâteau : 35 candidatures avaient été déposées pour seulement 16 fréquences. Las ! La crise est passée par là, et à l’étranger le service a été fermé là où il a été lancé: Pays-Bas, Autriche, Italie, Suisse... »

L’ensemble des éditeurs autorisés ont en effet remis au CSA leur convention signée le 30 septembre 2009.

Depuis lors, malgré la mission confiée par le Gouvernement en mars 2009 à M. Cyril Viguier visant à favoriser la conclusion d’un accord entre les parties concernées sur un modèle économique, toutes les tentatives de relance du dossier ont échoué.

« Depuis, le CSA s’emploie à « débrancher le malade » à la vitesse d’un escargot et en toute discrétion, apparemment pour ne pas trop médiatiser  cet échec », analyse l’article précité de La Tribune.

Le Conseil a décidé, lors de sa réunion plénière du 14 février 2012, de retirer les autorisations qu’il avait délivrées le 8 avril 2010 pour la diffusion de seize services de télévision : TF1, M6, NRJ 12, I-Télé, Eurosport France, Direct Star, NT1 Remix, Direct 8, BFM TV, W9, Orange Sport Info, EuropaCorp TV, Canal+, France 2, France 3 et Arte.

Cette information n’a été communiquée que le 15 mai 2012 : « Chargé d’assurer une bonne gestion du domaine public hertzien, le Conseil ne pouvait maintenir l’affectation d’une ressource radioélectrique au profit d’un mode de diffusion dont les perspectives d’exploitation n’étaient pas assurées et alors que les éditeurs concernés n’avaient pas désigné, dans les délais prévus, l’opérateur de multiplex chargé de mettre en œuvre les opérations techniques relatives à la diffusion de ces services ».

En l’état actuel des choses, un réseau se trouve donc sans affectation. Aucune indication n’a été fournie par le CSA sur ses intentions quant à ce réseau…

6. Un défaut de transparence de la politique d’attribution des fréquences en radio

Si le paysage radiophonique français mis en place par le CSA est exceptionnel par sa diversité et la richesse de son offre, la répartition des fréquences entre les opérateurs est source de polémique.

Rappelons que pour la diffusion de la radio en mode analogique, l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 fixe à 150 millions le nombre total d’habitants pouvant être desservis par un même groupe pour l’exploitation de ses réseaux radiophoniques, seuil au-delà duquel une nouvelle autorisation ne peut plus lui être délivrée. Ce plafond de 150 millions a été fixé par la loi n° 94-88 du 1er février 1994.

Plusieurs interlocuteurs ont souligné le défaut de transparence de la politique d’attribution de fréquences en radio et leurs doutes relatifs à la méthodologie évolutive du CSA pour apprécier ce seuil et au respect de cette condition par certains groupes. C’est pourquoi la rapporteure pour avis a demandé au Conseil de lui fournir des chiffres permettant de vérifier le respect du plafond fixé par la loi.

Le Conseil a répondu qu’il était « tenu de vérifier à tout instant qu’aucun groupe ne dépasse ce plafond anti-concentration », mais qu’il n’avait « pas d’obligation de publier régulièrement le résultat de ses calculs ».

Cette affirmation est très discutable, l’article 18 de la loi de 1986 précisant que le CSA « établit chaque année un rapport public qui rend compte de son activité et de l’application de la présente loi » et les parlementaires ayant le devoir de veiller à l’application de cette dernière.

Le Conseil souligne que, malgré ce qu’il considère comme une absence totale d’obligation de publier les chiffres, « ils ont été publiés à plusieurs reprises : en 2003 et en 2010 ».

Il est vrai qu’en 2010, le CSA a en effet accepté de publier des chiffres à la suite d’une forte polémique sur ce sujet.

Le contexte de cette polémique était rappelé par Le Figaro du 16 décembre 2010. « La tentative de passage en force, fin 2009, d’un amendement pour relever ce seuil de 150 millions à 180 ou 200 millions d’habitants avait réveillé les inquiétudes des indépendants. Puis, c’est la publication d’une étude par le site Electronlibre.info qui a remis le feu aux poudres. Selon celle-ci, le groupe NRJ aurait une couverture potentielle de 170 millions d’habitants en cumulant ses quatre stations. Des chiffres que dément le CSA en détaillant son mode de calcul. Celui-ci repose sur une application libre des normes internationales. Ces dernières n'ont pas de dimension contraignante, assure le CSA. »

Ainsi le Conseil supérieur de l’audiovisuel, réuni en assemblée plénière le mardi 7 décembre 2010 a-t-il décidé de rendre publics les chiffres des populations desservies par les réseaux FM et AM des groupes NRJ, Lagardère, RTL, Nextradio TV et Orbus. Le résultat montrait qu’aucun groupe n’avait dépassé le plafond.

Dans ses réponses au questionnaire de la rapporteure, le CSA confirme que la méthodologie de calcul utilisée pour obtenir les chiffres a évolué entre 2003 et 2010. « En effet, le Conseil s’est doté à partir de 2006 d’outils de planification beaucoup plus puissants qu’en 2003, qui permettent d’avoir une estimation plus précise de la population desservie par les réseaux ».

Il précise que « Depuis la publication de décembre 2010, le Conseil n’a pas arrêté de contrôler ce plafond anti-concentration. Il a en effet continué à calculer régulièrement le cumul de population atteint par les différents groupes radiophoniques. En 2012, aucun groupe ne dépasse le plafond anti-concentration défini dans la loi ».

Le CSA ajoute également « que le plafond anti-concentration a été défini de manière absolue (à 150 millions d’habitants) en 1994 (loi dite Carignon), sur la base de la population totale qui résidait en France à cette date. La loi ne prévoit pas que la valeur de ce plafond soit ajustée en fonction de l’accroissement démographique de la population, ce qui peut un jour amener un groupe radiophonique à dépasser le plafond sans avoir de nouvelles fréquences, simplement du fait de l’augmentation naturelle de la population. Une réflexion du législateur sur cette problématique pourrait donc être intéressante. »

Or, le législateur a besoin de chiffres pour conduire sa réflexion. Dans son rapport de novembre 2009, M. Marc Tessier avait été chargé par le Premier ministre de réfléchir à l’opportunité de faire évoluer le dispositif anti-concentration applicable à la radio diffusée par voie hertzienne terrestre. M. Tessier avait estimé qu’en l’absence des « éléments nécessaires pour conduire les simulations indispensables », il serait utile que le CSA, qui seul dispose des informations nécessaires à la détermination des seuils et des niveaux de populations concernées, confirme les propositions formulées.

De même, dans ses réponses au questionnaire budgétaire, la DGMIC indique que « toute modification du dispositif anti-concentration applicable aux services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique suppose au préalable l’évaluation approfondie et quantifiée de ses conséquences. Or, cette évaluation nécessite que le CSA communique des chiffres actualisés sur l’état de la concentration radio analogique. »

La rapporteure estime donc que le silence du CSA sur ce sujet n’est pas de nature à dissiper les doutes qui se font jour sur le respect effectif de la loi et fait obstacle au travail du législateur.

7. La radio numérique terrestre : un projet relancé dans des conditions qui ne sauraient garantir sa réussite

Le passage au tout numérique de la télévision désormais achevé, les attentions se focalisent sur la radio, qui dispose encore, sur un vaste réseau terrestre dédié, d’une diffusion analogique en bande FM (modulation de fréquences). La numérisation de ce média, qui joue un rôle essentiel en matière de pluralisme des opinions et de diversité culturelle et qui est écouté chaque jour par plus de 80 % des Français, continue de susciter de nombreuses interrogations de la part des acteurs du secteur et des pouvoirs publics.

Le déploiement de la radio numérique terrestre (RNT) permettrait une meilleure couverture du territoire, qu’elle soit nationale, régionale ou locale, selon les types de services. Elle permettrait en conséquence un enrichissement de l’offre et une plus grande diversification des services (en bande FM, chacun peut accéder aujourd’hui en moyenne à une vingtaine de radios « seulement » et 30 % de la population reçoit moins de 10 services). La matérialisation de ces progrès nécessite toutefois des investissements substantiels de la part des éditeurs de services de radios, que tous ne sont pas prêts à consentir à ce stade.

Le numérique permettrait également de moderniser le média radio par une meilleure qualité du son, des fonctions associées aux équipements (fonction pause, enregistrement numérique…) mais aussi la diffusion de données associées aux programmes (guide de programmes, informations sous forme d’images relatives aux œuvres diffusées, services de proximité, trafic routier, météo, etc.)

Cette numérisation ne passe pas nécessairement, cependant, par la numérisation de la plate-forme terrestre de diffusion de la radio. Au-delà de la RNT, dont le lancement a été plusieurs fois repoussé, la radio sur IP, accessible par ordinateur ou sur un terminal connecté aux modems ADSL (« box ») des fournisseurs d’accès à internet, se développe déjà, de même que la radio numérique en mobilité, sous l’impulsion du marché en plein essor des smartphones (iPhone, Samsung, Google Phone, HTC, etc.), des tablettes (iPad), etc. L’audience différée en streaming ou par téléchargement (les « podcasts ») constitue aussi un mode d’écoute de la radio de plus en plus important.

a) Le cadre législatif et réglementaire de la radio numérique terrestre

Le cadre législatif de la radio numérique a été défini par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, qui met en place des procédures d’autorisation adaptées aux caractéristiques des différentes technologies existantes. Venue compléter ce cadre, la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur réserve les bandes de fréquences III (occupées par Canal+ jusqu’en 2010 pour sa diffusion analogique) et L pour la radio numérique, cette dernière étant aussi prévue pour des services de radio par satellite.

Dès 2007, le choix de la norme de diffusion de la RNT a suscité de vifs débats entre les éditeurs. Les grands groupes de radio, regroupés au sein du Groupement pour la radio numérique (GRN) avaient demandé l’utilisation exclusive de la norme DMB (qui présentait à leurs yeux le double avantage, par rapport à la principale norme concurrente DAB+, d’offrir des services plus riches et d’être déjà industrialisée), alors qu’une partie des radios associatives avaient souhaité pouvoir utiliser également le DAB+. L’arrêté relatif aux normes de diffusion de la radio numérique du 3 janvier 2008 avait consacré le DMB comme l’unique norme de diffusion de la RNT.

b) Les conclusions du rapport Tessier et le report du lancement par le CSA

Après avoir lancé un appel aux candidatures sur vingt zones en mars 2008, le CSA a décidé, en mai 2009, de restreindre cet appel aux seules zones de Paris, Marseille et Nice, villes sur lesquelles il a alors procédé à la sélection des services.

Face aux réticences exprimées notamment par plusieurs grands groupes, le Premier ministre a confié en juin 2009 une mission à M. Marc Tessier, ancien président de France Télévisions. Ce rapport, remis au Premier ministre en novembre 2009, souligne le coût élevé à la charge des éditeurs induit par le développement de la RNT en phase de double diffusion (analogique et numérique). Il estime en particulier que la durée de double diffusion ne saurait être inférieure à dix ans, compte tenu des difficultés à s’assurer d’un renouvellement des terminaux radios pour l’ensemble des foyers. Le rapport émet également des doutes quant au bénéfice du numérique pour les consommateurs, si la couverture numérique n’est pas assez importante.

À la suite de ce rapport, le président du CSA a lancé en novembre 2009 une mission de concertation avec l’ensemble des acteurs. À cette occasion, les grands groupes réunis dans Bureau de la Radio ont appelé le CSA « à approfondir de façon centrale la question du modèle économique, considérant que le coût du projet n’est pas compatible avec l’économie du média radio ». En avril 2010, le CSA a finalement décidé de retarder la délivrance d’autorisations tout en demandant au Gouvernement de réaffirmer son soutien au projet.

c) La mission de M. David Kessler et le nouveau calendrier du CSA

Remis au Premier ministre en mars 2011, un nouveau rapport, rédigé par M. David Kessler, précise que toutes les conditions ne sont pas réunies d’un point de vue économique pour permettre le déploiement à grande échelle de la radio numérique terrestre. Il propose une alternative au déploiement rapide et à grande échelle de la RNT sous la forme d’un moratoire de deux ou trois ans, accompagné, le cas échéant, d’une expérimentation à l’échelle locale. Durant ce moratoire, il invite le CSA à mettre en place un observatoire des expériences étrangères, et à réfléchir à la question des normes de diffusion ainsi qu’aux autres formes de numérisation du média radio.

Le CSA a lancé l’observatoire précité le 13 octobre 2011.

Sollicité par le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI) pour que soient délivrées les autorisations aux candidats sélectionnés en 2009 et à la suite de l’engagement d’une action contentieuse de la part de ce syndicat devant le juge des référés du Conseil d’État, le CSA a annoncé le 23 avril 2012 la réouverture des appels à candidatures de 2008 sur les zones de Paris, Marseille et Nice (appels clos le 30 mai dernier), afin de délivrer d’ici la fin de l’année les autorisations aux éditeurs sélectionnés, et le lancement d’appels sur 20 agglomérations supplémentaires dans l’optique d’un démarrage des services au second semestre 2013. Le CSA a d’ores et déjà mis en ligne une consultation publique pour un appel à candidatures dans les zones de Strasbourg et Mulhouse.

Par ailleurs, il convient de noter qu’un appel a été lancé le 28 décembre 2011 pour la distribution de services de radio numérique par voie hybride terrestre et « potentiellement » satellitaire. Le CSA a déclaré recevables deux dossiers en avril dernier : Onde Numérique et Médiamobile, filiale de TDF. Onde Numérique proposerait « un bouquet d’une soixantaine de radios payantes, sans publicité, financée par l’abonnement mensuel d’une dizaine d’euros » via un récepteur dédié vendu pour « moins de 100 euros » ; l’offre de Médiamobile, destinée exclusivement à une réception en voiture, comprenant « entre 20 et 30 radios » serait « financée en une fois lors de l’achat du véhicules (selon un montant de quelques dizaines d’euros) ». Selon la DGMIC, de sérieux doutes subsistent quant au modèle économique de ces services payants.

En parallèle, le ministre de la culture et de la communication et le ministre en charge de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique ont lancé le 6 avril 2012 une consultation publique sur les normes techniques de diffusion de la RNT, notamment afin d’évaluer l’intérêt d’une éventuelle adjonction du DAB+ à la norme actuelle dans la bande III.

Les coûts de la RNT pour Radio France, combinés à l’incertitude quant au succès même de la RNT, ont conduit le gouvernement à ne pas demander l’attribution de la ressource radioélectrique pour la diffusion des services de Radio France et RFI dans le cadre des appels à candidatures lancés par le CSA sur les zones de Paris, Nice et Marseille.

En effet, selon la DGMIC « le calendrier décidé par le CSA semble aujourd’hui peu propice à garantir le succès de la radio numérique terrestre. Les rapports précités de Messieurs Tessier et Kessler ont souligné tant la charge élevée que représenterait une double diffusion en analogique et en numérique de leurs services de radio pour les éditeurs – et donc pour Radio France – que la faible valeur ajoutée de ce nouveau mode de diffusion pour le consommateur, pour en déduire que les conditions ne sont pas réunies à l’heure actuelle pour permettre un déploiement à grande échelle de la radio numérique terrestre ».

La récente décision des grands groupes radiophoniques de ne pas déposer de candidature pour la diffusion en mode numérique de leurs services de radio dans les zones de Paris, Nice et Marseille confirme ce constat et renforce les interrogations relatives au succès économique potentiel de la radio numérique terrestre à court terme.

Enfin, si les représentants de radios associatives soutiennent le lancement de la RNT et souhaitent que les radios associatives soient présentes, certaines radios en redoutent les conséquences et l’absence de revalorisation en conséquence du FSER.

De fait, si le CSA continue à « pousser » le dossier, la question de l’avenir de la RNT reste entière. La RNT apparaît certes comme un enjeu d’avenir important pour garantir la vitalité du secteur radiophonique français. Mais compte tenu des aléas très importants que révèlent les exemples étrangers, relancer la RNT en France exige un travail rigoureux mené dans la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés et non un redémarrage à marche forcée, sans qu’aucune des hypothèques relevées dans ce dossier n’ait été levée. Il est donc essentiel que le schéma industriel qui sera défini permette à l’ensemble des acteurs, publics comme privés, de pouvoir avancer ensemble avec une vision claire et partagée des conditions économiques permettant d’assurer la réussite de ce chantier.

B. LES PROPOSITIONS DE LA RAPPORTEURE

1. L’indispensable renforcement des compétences économiques du CSA

Le constat est unanimement partagé, y compris par son président : l’approche du CSA n’est pas assez économique. Or, des décisions qui ne sont pas suffisamment étayées par des études d’impact économique, peuvent apparaître trop politiques ou arbitraires.

La plupart des personnes auditionnées estiment d’ailleurs que le rapprochement entre l’ARCEP et le CSA est une bonne idée essentiellement parce qu’il permettrait de renforcer la solidité et le réalisme économiques des décisions du CSA.

La loi de 1986 a été établie dans un contexte de rareté des fréquences et des médias que le régulateur devait concilier avec la priorité qu’était nécessairement la liberté de communication. Dans le contexte marqué par l’hypercommunication sur internet et la profusion des médias et des nouveaux usages, la question est plutôt celle de leur viabilité économique et de leur survie, comme le montre le bilan qui précède.

La rapporteure souhaite ainsi que le CSA rénové systématise le recours à des études d’impact préalables aux décisions et motive davantage ces dernières.

Dans une interview accordée à L’Express du 29 août 2012, M. Martin Bouygues, dont le groupe TF1 est bénéficiaire d’une fréquence pour la diffusion de l’une des six nouvelles chaînes HD gratuites, indiquait ne pas comprendre toujours très bien son régulateur : « Quand on décide de créer de nouvelles chaînes, quelles études d’impact ont été faites? Je serais curieux de les voir ! ».

Lorsque le CSA statue sur des modifications substantielles au vu desquelles une autorisation a été délivrée et quand il lance un appel à candidature, il devrait systématiquement réaliser une analyse économique et financière. Un appel à candidatures qui porte sur 20 % de la capacité doit recueillir l’avis du marché et être précédé d’une étude d’impact. Un régulateur doit connaître son marché. Il doit être en mesure d’évaluer le potentiel de développement d’une nouvelle technologie, d’une chaîne de télévision ou d’un média local.

2. Une exigence de transparence et de contrôle parlementaire accrus

Le rapport d’information de l’Assemblée nationale, présenté en octobre 2010 par MM. René Dosière et Christian Vanneste, sur les autorités administratives indépendantes (AAI) estimait à juste titre que l’indépendance de ces autorités ne pouvait plus s’entendre sans un rapprochement avec le Parlement. « L’obligation de rendre compte au Parlement est la contrepartie nécessaire de l’indépendance ».

Le contrôle du Parlement doit être renforcé tant en amont, à travers la procédure de nomination des membres, qu’en aval, à travers une évaluation de l’action menée par l’autorité.

S’agissant de la nomination des membres du CSA, en janvier prochain, trois membres du CSA dont le mandat arrive à échéance (Michel Boyon, son président, Rachid Arhab et Alain Méar) devront être remplacés sous l’empire de la loi actuelle. La possibilité de prolonger le mandat de ces trois conseillers jusqu’à l’adoption de la future loi sur l’audiovisuel a été évoquée. La rapporteure estime qu’il serait préférable de nommer trois nouveaux membres « par intérim ».

La rapporteure estime que le Parlement n’a pas établi un dialogue suffisant avec le CSA. L’absence de commission spécifiquement dédiée aux affaires culturelles et aux problématiques des médias jusqu’en 2009 peut expliquer cette lacune de même qu’une culture trop peu développée de contrôle des AAI par le Parlement. Il est en effet regrettable que nous n’ayons pas davantage échangé avec le régulateur sur le paysage cible de la TNT, le développement de la RNT, l’évolution de la notion de pluralisme et de concentration dans le nouveau paysage médiatique, le potentiel de développement de chaînes locales de plein exercice etc.

L’approfondissement du contrôle du Parlement pourrait passer par la présentation obligatoire du rapport annuel d’activité du Conseil avec audition obligatoire de son président, devant les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat.

3. La nécessité de taxer ou d’encadrer les reventes de fréquences

Les entreprises qui exploitent des chaînes de télévision ainsi que celles qui exploitent des stations de radio, reçoivent gratuitement une autorisation d’émission. Elle est délivrée par le CSA en contrepartie d’un cahier des charges concernant les programmes des services en question. Cette autorisation fixe notamment la grille de programmes ; elle définit également la structure du capital de l’entreprise titulaire. Toute modification de ces éléments doit être agréée par le CSA.

Ces autorisations ne constituent pas un élément du patrimoine de l’entreprise (elles ne sont pas comptabilisées à son actif) qui détient la chaîne de télévision et sont incessibles.

Toutefois, l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 qui, en donnant au CSA la possibilité de ne pas retirer l’autorisation d’usage de la fréquence concernée malgré les changements intervenus, notamment, dans la composition du capital social de la société éditrice, apporte un tempérament au principe d’incessibilité issu des règles de la domanialité publique.

Il apparaît qu’en cas de cession d’une chaîne de télévision ou d’un service de radio, le prix de vente tient néanmoins compte de l’existence de cette autorisation indispensable au fonctionnement de la chaîne.

Or, depuis le lancement de la TNT, les reventes de sociétés détentrices de fréquences se sont multipliées, avec des gains parfois très importants pour ces entreprises. On relèvera l’acquisition en 2010 par le groupe TF1 de TMC et NT1 appartenant au groupe AB ; l’acquisition en 2010 par le groupe Bolloré de Virgin 17 (devenue Direct Star) appartenant à Lagardère Active et en 2011, l’acquisition par le groupe Canal+ de Direct 8 et Direct Star appartenant au groupe Bolloré.

Ces opérations de cession/acquisition et de concentration mettent en évidence le risque que certains acteurs privilégient une stratégie financière spéculative plutôt que de développer une offre audiovisuelle au bénéfice du téléspectateur (conformément aux objectifs fixés par la loi du 30 septembre 1986 et en contrepartie à l’obtention gratuite de l’usage des fréquences).

Dans la perspective d’un rapprochement ARCEP-CSA, si l’on souhaite que le principe de la gratuité de l’utilisation des fréquences ne soit pas remis en cause, il convient d’encadrer les reventes de fréquences.

Après la revente par le groupe Bolloré de ses chaînes au groupe Canal +, un consensus s’était dégagé sur la nécessité d’encadrer la revente des fréquences de la TNT. Mais les deux amendements dits « Bolloré » proposés par le sénateur David Assouline, en loi de finances initiale pour 2012 et en deuxième loi de finances rectificative pour 2012, pour taxer ces opérations ont finalement été censurés par le Conseil constitutionnel.

Par conséquent, le CSA avait envisagé, dans les conventions autorisant les nouvelles chaînes lancées en décembre prochain, d’interdire la revente de fréquences à des tiers pendant cinq ans. À l’issue d’une négociation avec les candidats retenus, le régulateur a choisi de limiter l’interdiction à seulement deux ans et demi à compter de la signature de la convention des chaînes.

Par ailleurs la clause ne s’applique pas en cas « de circonstances exceptionnelles liées aux évolutions du paysage télévisuel français ; de modifications substantielles du cadre législatif ou réglementaire ou des circonstances de fait qui prévalaient à la date de l’autorisation ; de difficultés économiques menaçant la viabilité de la société titulaire de l’autorisation ».

Ce compromis ne résout pas le problème. On ne peut pas considérer que ce qui est interdit pendant deux ans et demi est admis sans condition passé ce délai. Il serait donc opportun de réfléchir à un mécanisme de taxation qui ciblerait non pas la valeur des titres apportés, cédés ou échangés dans le cadre de l’opération mais les plus-values réalisées au titre de la cession des fréquences. Car, comme il a été indiqué précédemment, s’il est sans doute trop tard pour taxer la plus-value du groupe Bolloré, ce cas ne sera sans doute pas le dernier…

4. Assouplir l’obligation d’attribuer les fréquences disponibles ?

La loi de 1986 a été rédigée pour réguler un secteur marqué par la rareté des fréquences, une concurrence très faible, une diffusion exclusivement hertzienne et à une époque où internet n’existait pas. Elle reste fondée sur des principes hérités de cette époque, même si elle a été modifiée à de nombreuses reprises depuis.

L’obligation d’attribuer les fréquences disponibles est la conséquence directe du caractère fondamental de la liberté de communication. Toutefois cette liberté connaît, dans le domaine audiovisuel, plus de restrictions potentielles au regard de la rareté qui affecte la ressource disponible. L’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 énumère les motifs qui peuvent conduire le CSA à restreindre d’une certaine manière l’exercice de cette liberté (dignité de la personne humaine, ordre public, défense nationale, contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication…).

Pour éviter que l’obligation d’attribuer des fréquences se traduise par le développement intempestifs de médias dénués de modèle économique, ce qui affaiblit l’ensemble de l’audiovisuel hertzien, il pourrait être envisagé d’assouplir le dispositif.

Interrogé par la rapporteure sur ce point, le CSA estime qu’« il pourrait ainsi être opportun d’assouplir l’obligation pour le CSA d’attribuer les fréquences disponibles notamment en ajoutant aux limitations prévues à l’article 1er de la loi de 1986 les conditions d’une gestion optimale du spectre ce qui pourrait permettre au Conseil de ne pas lancer un appel à candidatures même si la ressource est disponible. Il conviendrait toutefois de circonscrire une telle limitation afin qu’elle demeure conforme à la Constitution. »

5. Observations de la rapporteure sur le projet de rapprochement CSA/ARCEP

Le rapprochement ne saurait être une fin en soi. Il doit être mis au service d’objectifs précis.

Le CSA n’a jamais été favorable à un rapprochement avec l’ARCEP mais il ne fait pas mystère de sa volonté d’étendre son contrôle aux contenus circulant sur internet, en agitant le spectre de la télévision connectée, dont les observateurs soulignent que l’impact ne doit pas être exagéré. Si tel est l’objectif, la rapporteure ne saurait y souscrire, d’autant que la régulation d’internet relève d’une approche internationale.

L’ARCEP n’a pas davantage été favorable au rapprochement avec le CSA, et met en avant le caractère dépassé de la régulation de l’audiovisuel. M. Jean-Ludovic Silicani a même estimé, lors de son audition, le 23 juillet 2012, que le seul organisme dont il était pertinent que le CSA se rapproche était la commission nationale informatique et libertés (CNIL), qui a une compétence en matière de contrôle des contenus sur internet.

Comme l’indique l’ARCEP dans le rapport rendu en octobre 2012 sur le rapprochement avec le CSA, « la convergence à l’œuvre aujourd’hui est celle existant entre les contenus audiovisuels et les autres contenus, les uns et les autres étant acheminés de façon plus ou moins similaire sur internet jusqu’à l’utilisateur final. Cette convergence est donc celle des contenus entre eux et non celles des contenus et des contenants. La convergence pose ainsi essentiellement la question, extrêmement délicate, de la mise en cohérence de la régulation entre les différents contenus acheminés sur internet ».

Si l’objectif est de remettre en cause le modèle de régulation du secteur audiovisuel, la rapporteure ne saurait non plus y souscrire.

Jusqu’au revirement improbable de M. Michel Boyon, les deux autorités s’opposaient rigoureusement à toute forme de rapprochement, alors que de nombreux rapports avaient d’ailleurs appelé de leurs vœux un dialogue accru entre ces dernières.

La rapporteure a constaté qu’un groupe de liaison avait été mis en place entre le CSA et l’autorité de régulation des télécommunications début 2002 afin de préparer la transposition du paquet télécom, d’évaluer les différents modes de régulation et de mieux cerner les phénomènes de convergence.

Comme l’indique le CSA dans ses réponses au questionnaire de la rapporteure, ce groupe de liaison a été interrompu entre 2007 et 2011. Il est désormais réactivé et permet à nouveau des échanges sur l’impact du paquet télécom ; l’analyse des chaînes de valeur télécoms et audiovisuelles ; le suivi du développement de la télévision par ADSL ; l’accès aux contenus audiovisuels sur des terminaux mobiles et développement de la TMP ; le marché de la diffusion ; l’évolution des usages audiovisuels ; la télévision connectée ; la neutralité d’internet…

Interrogé par la rapporteure sur ce qui explique la suppression de ce groupe de contact entre 2007 et 2011, le président du CSA a indiqué, lors de son audition, qu’il n’y avait alors pas de sujets de travail en commun. Il semble pourtant que les sujets énumérés précédemment n’ont pas fait leur apparition en 2011.

À cet égard, la rapporteure a été très surprise par le revirement spectaculaire du président du CSA sur la question du rapprochement avec l’ARCEP et ses prises de position publiques sur le sujet.

Lors de son audition le 19 mai 2010 par la mission d’information, commune à notre Commission et à la Commission des lois, sur les droits de l’individu dans l’univers numérique, interrogé sur les implications de la révolution numérique, et notamment de la télévision connectée, sur la régulation, M. Michel Boyon avait pris une position très claire et très argumentée pour démontrer que le rapprochement avec l’ARCEP était « un faux ou plutôt un non problème ». Le président du CSA avait rappelé que les missions de l’ARCEP étaient totalement différentes de celles du CSA et que les champs de compétences des deux autorités ne se chevauchaient absolument pas. M. Michel Boyon s’était appuyé sur les exemples étrangers : « là où il y a une institution unique, cette dernière est souvent quasi exclusivement consacrée aux télécoms parce qu’il s’agit de pays où il n’y a pas de contrôle des contenus. En outre, là où il y a une institution unique qui s’occupe à la fois des contenus et des télécoms, on retrouve à l’intérieur des services, des collèges et d’une bi-présidence, la distinction nette entre les deux missions. »

En juin 2012, à l’occasion d’un colloque organisé par NPA Conseil et Le Figaro, le même président du CSA a demandé au gouvernement que la future loi sur l’audiovisuel réfléchisse à l’articulation entre le CSA et l’ARCEP.  « Il serait dommage » a-t-il précisé « que ce sujet soit mis sous le tapis ». Michel Boyon, dont le mandat se termine en janvier 2013, a même indiqué que s’il devait y avoir une fusion entre le CSA et l’ARCEP, il fallait la faire dès 2013 et non pas attendre une prochaine loi audiovisuelle en 2018…

Après l’annonce par le gouvernement du lancement d’une réflexion sur un rapprochement entre l’ARCEP et le CSA, par un communiqué du 22 août 2012 publié sur le site du CSA, le président du CSA, s’exprimant à titre personnel, s’est déclaré « heureux que le gouvernement ait décidé d’entreprendre sans tarder cette réflexion » et en rappelant qu’il l’avait lui-même suggérée le 26 juin.

En revanche, interrogé par la rapporteure pour avis sur ce sujet, le CSA a précisé qu’il était en train de procéder à l’audition des acteurs intéressés et à une réflexion interne et n’était par conséquent pas en mesure d’apporter pour le moment une réponse aux questions.

Les faiblesses du CSA sont d’autant plus regrettables qu’elles pourraient le mettre en situation défavorable dans le cadre de la réflexion sur le rapprochement avec l’ARCEP. Or, la rapporteure est convaincue que la régulation du secteur audiovisuel doit être certes améliorée, mais maintenue dans ses principes. L’établissement d’un contrôle homogène des contenus audiovisuels et des contenus circulant sur les réseaux numériques ne lui semble ni faisable ni souhaitable à ce stade.

Par conséquent s’il est décidé de conserver, pour l’essentiel, les objectifs actuels de la régulation audiovisuelle, une convergence institutionnelle allant au-delà d’une meilleure coordination du CSA et de l’ARCEP (par la création, par exemple, d’une instance commune aux collèges des deux institutions) n’apparaît pas forcément nécessaire, en tout cas pour le moment. En tout état de cause, le maintien de deux collèges distincts apparaît indispensable.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend, lors de sa réunion du mercredi 17 octobre 2012, Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. le président Patrick Bloche. Nous entamons le marathon budgétaire en entendant madame la ministre de la culture et de la communication, à qui je souhaite la bienvenue, sur les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

L’actualité nous conduit à porter une attention toute particulière, madame la ministre, au financement de l’audiovisuel public et notamment de France Télévisions. Nous aurons également à discuter d’autres enjeux essentiels, tels que les crédits consacrés à la presse, au sujet desquels nous nourrissons quelques inquiétudes. S’agissant de la société Presstalis, je rappelle que nous avions auditionné en juillet dernier sa présidente, Mme Anne-Marie Couderc. J’indique, pour conclure, que si un avenant devait être apporté au contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, notre Commission aurait à se prononcer à son sujet.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie de votre invitation, qui me permettra de décliner certaines des priorités du Gouvernement et du Président de la République pour le budget de 2013.

Le budget global du ministère s’établira en 2013 à 7,4 milliards d’euros, dont 3,55 milliards en faveur des secteurs de la culture, de la recherche et des médias, et 3,83 milliards en faveur de l’audiovisuel public. Cette baisse de 2 % par rapport à 2012 atteste la participation du ministère à l’effort général de redressement des comptes publics. Cela signifie des choix lourds, certes, mais responsables. Ils résultent aussi d’un héritage, celui de l’accumulation de grands projets qui grevaient potentiellement le budget de la culture, alors même qu’une telle accumulation ne constitue pas en elle-même une politique culturelle, et ne saurait remplacer un dessein ou une vision.

Les médias, le livre et les industries culturelles sont confrontés à de nouveaux défis, à commencer par celui de la transition numérique ; dans ce contexte, la mission se verra dotée, en 2013, d’une enveloppe globale de 1,211 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,218 milliard en crédits de paiement.

Le monde de la presse est soumis à de forts bouleversements, puisqu’il doit s’adapter aux nouvelles exigences technologiques et économiques du secteur. Pour accompagner ces mutations, 516,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement seront consacrés aux aides à la presse en 2013. La principale évolution de ce programme est liée au transfert des crédits dédiés au transport postal de la presse précédemment inscrits au programme 134 de la mission « Économie » ; ce rapatriement budgétaire au ministère de la culture offrira une meilleure lisibilité. L’année 2013 verra s’approfondir la mise en œuvre de la réforme des aides à la presse écrite engagée à la suite des États généraux, et nous entendons d’ailleurs aller beaucoup plus loin. Ce sera également l’occasion de renégocier le contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence France Presse (AFP), puisque ce dernier arrive à échéance.

Afin d’accompagner les mutations du secteur de la presse tout en lui garantissant les conditions de son indépendance, de son pluralisme et du développement de sa diffusion, la réforme des aides publiques directes à la presse, décidée en 2011 par l’instance de concertation, a vu le jour en 2012 conformément aux principes qui fondent le dispositif. Le nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, doté en 2013 de 33,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, a pour ambition d’accompagner les entreprises de presse dans la définition de leur nouveau modèle économique à l’ère du numérique : il vise à améliorer le ciblage et l’efficacité des aides à l’investissement des entreprises de presse et à recentrer le soutien public sur la presse d’information politique et générale, dite « IPG », objectif qui semble d’autant plus nécessaire en cette période de crise pour la presse écrite.

Parallèlement à cette réforme, les aides à la distribution de la presse, ciblées sur la presse IPG, demeurent cruciales pour organiser l’acheminement et la diffusion des titres sur l’ensemble du territoire, dans un contexte de déclin du support papier. Ainsi, 18,9 millions d’euros seront consacrés à l’aide à la distribution, afin notamment d’accompagner l’effort de restructuration engagé par Presstalis, et 37,6 millions d’euros seront consacrés au plan d’aide au développement du portage, afin de favoriser la diffusion de la presse IPG.

S’agissant de Presstalis, un travail approfondi a été mené du 30 juillet au 30 septembre afin de trouver un financement global pour la période 2012-2015, puisque telle était la condition fixée par le président du tribunal de commerce. Un accord a finalement été trouvé entre les parties, à savoir les éditeurs, la société Presstalis elle-même – qui va devoir consentir de nouvelles économies –, l’État, qui s’est fortement engagé, et les Messageries lyonnaises de presse (MLP). Cet accord sur la pérennisation du système de distribution permet de proroger jusqu’à la fin de l’année le mandat de l’administrateur ad hoc. Dans cette restructuration de l’ensemble de la filière, nous avons tout particulièrement le souci de préserver au maximum le niveau 3 de la distribution, c’est-à-dire les diffuseurs.

D’une façon plus générale, il était devenu nécessaire de mieux cibler certaines aides. Malgré l’effort budgétaire, j’insiste sur les sommes importantes allouées au portage à domicile – 37,6 millions d’euros –, qui permet de lutter contre la désaffection de nos concitoyens à l’égard de la presse. Les accords contractuels, quant à eux, seront bien entendu respectés, qu’il s’agisse de l’accord État-Presse-La Poste ou du COM de l’AFP, pour laquelle les abonnements de l’État sont maintenus à hauteur de 117,5 millions d’euros. Comme vous le savez, la Commission européenne a demandé une clarification juridique qui faisait peser une menace sur cette agence ; mais je suis raisonnablement optimiste sur l’issue des discussions.

J’en viens au programme 334, « Livre et industries culturelles ». Dans un contexte budgétaire fortement contraint, les moyens consacrés à la politique en faveur du livre et de la lecture sont globalement préservés en 2013, avec des crédits stables en autorisations d’engagement – 248,1 millions d’euros, contre 247,6 millions en 2012, soit une hausse de 0,2 % –, le recul en crédits de paiement résultant essentiellement de l’étalement des travaux de rénovation du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Notre politique, s’agissant du livre et de la lecture, consiste à favoriser le développement de la création littéraire et la diffusion du patrimoine écrit à travers le soutien aux acteurs – auteurs, éditeurs, libraires, collectivités, bibliothèques et médiathèques –, afin de maintenir les équilibres favorables à notre diversité culturelle. Là encore, le soutien des politiques publiques est nécessaire, car la transition numérique ne va pas sans difficultés.

Dans ce contexte, l’année 2013 sera marquée par la mise en œuvre des orientations en faveur du réseau des libraires, comme je l’avais annoncé au début de l’été. Des groupes de travail associant l’ensemble des acteurs réfléchissent à la modernisation des dispositifs de soutien aux librairies indépendantes. La concertation durera tout l’automne, les préconisations étant attendues pour la fin de l’année. Des groupes de travail ad hoc réfléchissent également aux évolutions législatives ou réglementaires souhaitables. Je m’appuierai aussi sur les rapports de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) consacrés, d’une part, au Centre national du livre et, de l’autre, aux marchés publics. Ces différents travaux nous offriront un large panorama de la situation. La librairie est, comme vous le savez, l’un des commerces de détail les moins rentables, mais son rôle social est indispensable.

Nous poursuivrons également la modernisation du cadre normatif applicable à l’économie du livre numérique. Les discussions entre auteurs et éditeurs sur le contrat d’édition numérique, bloquées au printemps, viennent de reprendre. Je suis optimiste sur leur issue, même si chaque partie doit évidemment faire un pas vers l’autre. Nous avons tous voté la récente loi relative au prix unique du livre numérique, ainsi que le taux réduit de TVA qui lui est appliqué. Reste que la définition du contrat d’édition numérique est un jalon essentiel si nous voulons que la France prenne de l’avance en ce domaine, et que les libraires affrontent la concurrence frontale qui leur est livrée par certains acteurs mondialisés de la vente en ligne. Enfin, la plateforme numérique « 1001libraires.com » a été un échec ; l’IGAC réfléchit donc à de nouvelles solutions.

Le développement de la lecture sur l’ensemble du territoire et en faveur de tous les publics, notamment les plus jeunes, demeurera l’une des priorités du ministère de la culture : si la lecture publique relève d’abord de la compétence des collectivités locales, le rôle de l’État reste capital dans l’impulsion de politiques nationales. La BnF joue bien entendu un rôle majeur ; c’est pourquoi ses crédits de fonctionnement sont préservés. Sa modernisation, notamment en matière de numérisation, ainsi que la valorisation du patrimoine des bibliothèques territoriales, constituent des enjeux de long terme de la mission ; aussi mobilisent-ils l’essentiel des crédits du programme 334. Le budget de la BnF restera centré sur les missions stratégiques retenues dans le cadre, d’une part, de la numérisation et de la valorisation des collections, et, d’autre part, de la modernisation de ses services ainsi que de la rénovation du site Richelieu.

Pour ce qui concerne les industries culturelles dans leur ensemble, l’intervention publique ne doit pas se substituer à celle des acteurs privés, mais assurer la diversité et le renouvellement de la création ainsi que sa diffusion auprès des publics les plus larges, laquelle constitue un véritable enjeu démocratique.

Le nouveau contexte numérique conduit à repenser les modalités de cette intervention ; à ce titre, l’année 2013 sera largement consacrée à la mise en œuvre des préconisations de la mission confiée en juillet 2012 à M. Pierre Lescure sur « l’acte II de l’exception culturelle » pour réfléchir à l’adaptation des différents outils destinés à protéger cette exception culturelle et la faire fructifier. Les auditions, qui se dérouleront jusqu’à la fin de l’année, sont publiques et font l’objet de comptes rendus sur le site internet du ministère, sous la rubrique « culture-acte2 ». Tous les acteurs seront entendus, parmi lesquels les présidents des commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans la transparence et la diversité. D’autres échanges publics auront lieu au terme de ces auditions, avant que la mission ne me remette ses conclusions en mars prochain. Son périmètre de réflexion recouvre l’ensemble des phénomènes de transition et d’adaptation des mécanismes légaux et économiques ayant permis, depuis des années, de défendre la création – puisque tel est bien l’enjeu de l’exception culturelle.

L’avenir de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, dite Hadopi, n’est donc qu’une question parmi d’autres. Le niveau de ses moyens financiers a par ailleurs beaucoup agité les médias, mais il était normal que cette institution contribue elle aussi à l’effort budgétaire. Ses crédits diminueront donc en 2013, et les discussions se poursuivent sur leur montant définitif sachant que le projet annuel de performances prévoit pour l’instant 8 millions d’euros. Il faut en effet permettre à la Hadopi d’assurer ses missions – en particulier sur l’évaluation des pratiques –, que je n’entends pas remettre en cause avant les conclusions de la mission Lescure.

Sur l’audiovisuel aussi, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité et de la vérité. L’effort budgétaire s’applique donc également à ce secteur, qui, en 2013, verra sa dotation globale s’établir à 285,4 millions d’euros, en recul de 1,56 % par rapport à 2012. Aucune mission stratégique des organismes n’est cependant remise en cause. L’objectif de retour à l’équilibre des finances publiques a conduit le Gouvernement à prévoir, pour France Télévisions, une dotation inférieure à celle qui figurait dans son contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2011-2015. Ce dernier fera effectivement l’objet d’un avenant qui réévaluera les objectifs du groupe à l’aune de la baisse des ressources publiques, mais aussi publicitaires – puisque le manque à gagner en ce domaine devrait, selon les estimations, atteindre quelque 75 millions d’euros en 2013 –, et ce afin de lui permettre de remplir ses missions, qu’il s’agisse d’aller à la rencontre de tous les publics, de placer la création au cœur de la stratégie d’entreprise, du développement du numérique, de la proximité locale ou de l’accès aux programmes des personnes handicapées.

Les crédits alloués au fonds de soutien à l’expression radiophonique locale se maintiendront à 29 millions d’euros, signe de l’attachement du Gouvernement à la communication sociale de proximité.

À la suite de la fusion de France 24 et de RFI en une entreprise unique, nous avons suivi les recommandations du rapport relatif à l’audiovisuel extérieur de la France (AEF) remis par M. Jean-Paul Cluzel à la fin du mois de juin. Désormais, la spécificité de chacune des deux chaînes est bien affirmée, et le projet de fusion de leurs rédactions abandonné. La procédure de nomination de la nouvelle présidente de l’AEF, Mme Marie-Christine Saragosse, anticipe d’ailleurs sur la future réforme du mode de nomination des responsables de l’audiovisuel public, avec une recommandation du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qu’a suivie le Président de la République.

Selon le rapport Cluzel, les difficultés traversées par France 24 et RFI rendaient indispensable le maintien de la dotation budgétaire de l’AEF au niveau de 2012 ; c’est ce qu’a décidé le Gouvernement, avec une enveloppe de 314,2 millions d’euros, dont 149,4 millions issus des crédits du programme 115, le complément étant apporté par l’ex-redevance. Ces crédits incluent la participation de l’AEF à TV5 Monde, France Télévisions étant à terme amenée à la reprendre. Au total, la participation de France Télévisions au capital de TV5 Monde s’établira probablement à 49 %, ce qui serait un geste fort à l’égard de nos partenaires francophones suisses, belges et canadiens. Un conseil d’administration de cette chaîne se tiendra le 14 novembre prochain pour désigner son futur directeur général.

Quant à Radio France, Arte et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), leurs crédits sont quasiment stables, malgré une très légère baisse.

France Télévisions est l’entreprise la plus mise à contribution ; mon choix, de fait, a été d’utiliser sa structure d’entreprise unique pour dégager des synergies, donc des économies, sans entamer pour autant ses objectifs stratégiques. Le Gouvernement a néanmoins pris ses responsabilités en proposant d’augmenter la contribution à l’audiovisuel public – ex-redevance audiovisuelle – de 2 euros en plus de l’inflation, ce qui la porterait à 129 euros, soit un niveau encore bien inférieur à ce qu’elle est en Allemagne et au Royaume-Uni, où elle atteint respectivement 219 et 180 euros. J’ajoute que toutes les exemptions seront maintenues, notamment celle dont bénéficient les personnes âgées à faibles revenus.

Certains députés proposent de réformer l’assiette de cette contribution, qui doit effectivement être une recette pérenne, équitable et moderne pour l’audiovisuel public, et partant un gage de son indépendance. Le Gouvernement a entendu leur message, mais une telle mesure nécessite une réflexion approfondie, en particulier sur son impact. La réflexion budgétaire, à ce stade, ne doit donc pas prendre le pas sur la définition des missions. Reste que le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement se poursuivra, de façon que l’ajustement de France Télévisions s’effectue dans les meilleures conditions économiques et sociales.

Dès le début de l’été, j’avais demandé au président de France Télévisions de préparer de nouvelles propositions sur les missions des différentes chaînes et sur la présence des différents genres de programmes. Les discussions sont en cours ; leur issue déterminera, avant la fin de l’année, l’avenant au COM. Ces discussions permettent de définir des axes d’économies, en matière notamment de coûts de structure, et ce tout en préservant le plus possible les engagements dans la création audiovisuelle et cinématographique. Pour France 3, une meilleure articulation entre l’échelon régional et l’échelon national paraît souhaitable. Enfin, la place des programmes à destination des enfants doit sans doute être plus ambitieuse, d’autant que la filière française de l’animation est remarquable et créative.

Il n’en demeure pas moins, c’est indéniable, que la participation du groupe France Télévisions à l’effort de redressement des comptes publics est à la fois très importante et supérieure à celle qui est demandée aux autres organismes du secteur public, puisque les ressources publiques diminueront de 85 millions d’euros, soit une baisse de 3,4 % par rapport à 2012 – contre 0,3 % en moyenne pour les autres organismes –, sans compter le manque à gagner des ressources publicitaires dont j’ai parlé.

C’est donc dans ce cadre contraint que la réflexion sur les missions va se poursuivre avec l’objectif que soit pleinement rempli le service public au téléspectateur et au citoyen en termes de programmes et d’information.

Quant à la taxe sur les services de télévision, dite TST, je l’évoquerai en répondant à vos questions.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Le Gouvernement, avez-vous déclaré, a fait le choix de la responsabilité, ce que les élus de la nation que nous sommes peuvent tous comprendre. Le secteur de l’audiovisuel public participera pour le budget de 2013 à l’effort de réduction des déficits publics sans affecter les missions stratégiques des divers organismes qui le composent. Il est vrai, cependant, que France Télévisions est davantage mise à contribution.

Cela s’explique par les marges de manœuvre plus importantes dont dispose ce groupe, mais aussi par son histoire récente. Dans un titre qui lui est consacré, le journal Libération parle aujourd’hui de « dèche totale ». Cette situation résulte, rappelons-le, de la décision intempestive et peut-être irraisonnée de Nicolas Sarkozy de supprimer la publicité en soirée. Cette mesure, décidée en 2008 et confirmée par la loi du 5 mars 2009, a eu un impact nul sur l’audience, le contenu et la nature des programmes – la durée des journaux télévisés s’en est même trouvée abrégée –, et son financement s’avère une catastrophe budgétaire dont hérite la nouvelle majorité. M. Sarkozy et l’ancien Gouvernement s’étaient en effet engagés à compenser la perte de recettes engendrée par la suppression de la publicité par la création de deux taxes, toutes deux remises en cause dans leur principe et leur montant : d’une part, la taxe sur le chiffre d’affaires des chaînes télévisées privées – laquelle a rapporté bien moins que prévu, puisque ces dernières n’ont pas bénéficié de l’aubaine annoncée –, et de l’autre, la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, qui risque d’être déclarée contraire au droit communautaire, puisque la Commission européenne a entamé en janvier 2010 une procédure d’infraction contre la France, suite au recours déposé par les opérateurs concernés.

La baisse des ressources publiques de France Télévisions est d’autant plus ressentie que le budget de 2012 avait été élaboré en fonction d’un COM qui, comme nous l’avions dit, n’était pas à la hauteur des enjeux, et d’une prévision de recettes optimiste, voire insincère.

Michel Boyon, président du CSA, a par ailleurs déclaré que « le problème majeur » de France Télévisions est la chaîne France 3 ; à quoi Rémy Pflimlin a répondu que « la mission […] de proximité » de cette chaîne est « fondamentale » ; de fait, elle seule est en mesure de proposer des informations et des programmes de proximité à l’ensemble de nos concitoyens. Jamais une entreprise privée ne remplira ce rôle.

Quel sera donc l’avenir de cette chaîne ? Deviendra-t-elle une syndication de chaînes régionales ou une chaîne nationale procédant à des décrochages ? Alors qu’elle est réputée être la chaîne préférée des Français, Nicolas Sarkozy l’a réduite à quatre grands pôles – contre sept préconisés à l’époque par la « commission Copé » –, lesquels ne correspondent guère à son identité régionale. Ses difficultés tiennent en définitive à une identité encore mal cernée : la dimension régionale, en particulier, doit-elle se limiter à la diffusion d’un journal d’actualités ? Doit-on au contraire envisager des programmes régionaux ambitieux, dans des créneaux favorables à l’audience ?

Que penser, enfin, du plan social de France Télévisions ? Il est tantôt question de « plan de sauvegarde », tantôt de « départs volontaires ». Au moins 20 % des personnels, rappelons-le, sont en contrats à durée déterminée (CDD) ou en intermittence, et certains d’entre eux sont remerciés après vingt-cinq ans de services. Une telle politique salariale suscite des inquiétudes chez nos concitoyens, d’autant qu’elle s’associe à des recrutements ou des nominations de cadres de plus en plus nombreux.

Quelle politique, dans un cadre budgétaire forcément contraint, le Gouvernement entend-il donc mener dans le respect des téléspectateurs, des salariés du groupe et des missions de service public ?

Pourriez-vous par ailleurs apporter quelques précisions sur la situation de TV5 Monde par rapport à l’AEF ? Je confirme à ce propos que chacun se félicite de la nomination de Mme Marie-Christine Saragosse à la tête de l’AEF.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. La presse affronte un certain nombre de problèmes depuis, non pas cinq ou dix ans – rassurons l’opposition sur ce point –, mais trente ou trente-cinq ans, même s’ils se sont sans doute aggravés au cours des dernières années.

L’organisation du secteur s’est construite en France selon trois systèmes, le système coopératif, la libre entreprise et la régulation. Le premier d’entre eux, qui ne fonctionne plus, est le système coopératif de distribution mis en place en 1945. Il permettait aux « petits » d’être aidés par les « gros », et d’assurer ce faisant une répartition équitable des aides publiques. Or les « gros », aujourd’hui, reviennent à l’idée du deuxième système, celui de la libre entreprise, en arguant des difficultés du secteur. Plusieurs éditeurs ont ainsi joué le jeu des MLP contre Presstalis, quand ils ne revendiquaient pas une complète autonomie. On peut entendre de tels arguments, mais il faut alors se demander si ces éditeurs méritent de recevoir des aides publiques. J’ajoute que le système coopératif s’en est trouvé dérégulé car Presstalis, pour garder certains éditeurs, a baissé ses prix de 10 à 15 %. Les mêmes éditeurs ne peuvent donc invoquer aujourd’hui l’augmentation des prix de 10 % à 15 % comme une preuve de leur contribution au redressement, puisque ces prix ne font alors que revenir à leur niveau d’il y a deux ou trois ans. Tout cela montre que le troisième système, qui repose sur la régulation, n’a donc pas été mené à son terme.

Au regard du nombre de journaux vendus – 5 à 6 % en moins chaque année, et 30 % en dix ans –, on n’a jamais distribué autant d’argent public que cette année, et ce malgré la baisse des dotations budgétaires, puisque celle-ci avoisine les 7 à 8 %. Pendant un an, les aides au journal France soir ont représenté 0,50 euro par exemplaire : cet argent n’aurait-il pas dû aller aux journaux IPG dont on savait qu’ils continueraient de paraître ? Comment comprendre que le groupe Hersant, à travers lequel on espérait sauvegarder la presse normande, ait reçu autant d’aides en pure perte, d’autant que les banques ont elles aussi été mises à contribution ? N’aurait-il pas mieux valu recentrer les aides là où elles étaient plus utiles ?

En aidant à la fois La Poste, le portage et la distribution, l’État aide trois dispositifs concurrents : il faudra bien choisir de privilégier l’une de ces trois aides, ma préférence allant à la distribution car elle participe à l’aménagement du territoire.

La presse de demain ne se résumera pas au support papier : nous aurons donc à mener une réflexion sur la presse en ligne, tant il est vrai qu’un taux de TVA différencié devrait reposer sur le contenu, selon qu’il est citoyen ou non, plutôt que sur le support.

S’agissant de la distribution, peut-on revenir à une fusion des deux coopératives, même si cela prend du temps ? Cette logique est en effet la seule qui offre des perspectives d’économies.

Si certains éditeurs sont pour la libre entreprise, ne faut-il pas envisager un taux de TVA différencié entre, je le répète, une presse « citoyenne » et une presse « consommateurs » ? En somme la justice exige, plus que jamais, des aides inégalitaires.

Mme Sonia Lagarde, rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles. Comme l’a indiqué Mme la ministre, un certain nombre de missions sont en cours pour évaluer la pertinence des dispositifs de soutien à la librairie. Les auditions que j’ai menées m’ont permis de constater que le système des aides est si complexe, dans ses diverses superpositions, que beaucoup de libraires ne s’y retrouvent sans doute pas, quoi qu’en dise leur syndicat. Il faudrait donc le rationaliser.

Pensez-vous que la loi du 10 août 1981 sur le prix du livre doit être améliorée ? Si oui, selon quelles orientations ?

Afin de répondre à l’offensive commerciale des grands opérateurs de vente en ligne, au premier rang desquels Amazon, les libraires bénéficient d’une possibilité de remise de 5 % ; mais beaucoup ne l’appliquent pas compte tenu de la faiblesse de leurs marges. Si l’on ajoute les possibilités de remise qui existent aussi pour les grands opérateurs, sans oublier l’intégration des frais de port, la situation s’apparente à de la concurrence déloyale pour les libraires.

Les crédits alloués à la Hadopi passeront de 10,3 millions d’euros à 8 millions. Or, pour avoir entendu les responsables de cette autorité, je sais qu’un tel niveau de financement la met en danger. Mais vous nous avez dit, madame la ministre, que des discussions étaient en cours et que des solutions devraient être trouvées.

M. Bruno Parent, dans son rapport sur l’avenir de la librairie, suggère une piste très intéressante pour les librairies indépendantes, avec la facturation de chaque ligne de commande passée grâce au service Dilicom, à raison d’un centime d’euro à la charge du libraire et de deux centimes facturés à l’éditeur. Cette manne pourrait transiter par le Centre national du livre (CNL).

Une telle solution ne pourrait-elle servir de modèle pour le financement de la Hadopi, même si la situation est bien plus complexe ? Il faudra sans doute réfléchir, dans un contexte budgétaire tendu, à d’autres sources de financement que les seuls deniers publics afin d’assurer l’avenir de cette autorité.

M. le président Patrick Bloche. On peut aussi imaginer, selon le système des vases communicants, que les crédits de la Hadopi soient progressivement transférés ailleurs…

Je vais à présent donner la parole aux porte-parole des groupes.

M. Marcel Rogemont. Sur l’audiovisuel public, madame la ministre, votre chemin est semé d’embûches, compte tenu de l’héritage laissé par la précédente majorité.

L’audiovisuel public est en effet le « mal-aimé » des dix dernières années, victime qu’il fut de décisions pour le moins inappropriées et en tout état de cause précipitées ; de là vient le chaos actuel. Il n’est qu’à rappeler que, dans un environnement pourtant difficile, notamment pour les recettes publicitaires, on a lancé six chaînes sur la télévision numérique terrestre (TNT). Cela déstabilise le secteur privé comme le secteur public de l’audiovisuel.

Par ailleurs, qui présidera le CSA au 1er janvier 2013 ? Et quel est l’avenir à long terme de cette institution ?

Vous avez réaffirmé l’importance de l’audiovisuel public et la nécessité de pérenniser ses moyens. Si l’on considère l’ensemble de la législature, et non le seul budget dont nous débattons, le financement public pourrait-il à terme ne reposer que sur la redevance ? Une telle option pose la question de l’assiette de cette taxe : certains ont proposé d’y intégrer les résidences secondaires ; d’autres, des supports autres que les téléviseurs. Quoi qu’il en soit, l’augmentation de 125 à 129 euros va selon nous dans le bon sens. Je ne doute pas, d’ailleurs, que nos collègues de l’opposition nous rejoindront en se souvenant que nous avions nous-mêmes voté l’augmentation de la redevance proposée par Christian Kert, en 2009, puisque celle-ci n’avait pas évolué depuis sept ou huit ans.

Un effort plus important est demandé à France Télévisions, alors même que ses dépenses de personnels sont plus modérées que dans les autres entreprises de l’audiovisuel public. Ce n’est donc pas sur cette ligne budgétaire que l’on risque de faire des économies, mais dans la partie « dure » de ses missions, à commencer par la création audiovisuelle. En ce domaine, le groupe a investi 420 millions d’euros en 2012 : l’année a peut-être été exceptionnelle, mais le COM prévoyait un investissement de 425 à 450 millions d’euros ; or celui-ci avoisinera plutôt les 350 millions. Cela nous préoccupe d’autant plus que, derrière les programmes de France Télévisions, des emplois sont en jeu.

Il faut s’interroger sur l’identité des chaînes : doit-il y en avoir autant dans le groupe ? Quid de France 3 et de son financement ? Bref, sur quelles bases entendez-vous définir le nouveau COM ?

Enfin, les télévisions locales participeront d’autant mieux à l’expression démocratique qu’elles recevront des financements plus conséquents et si le canal qui leur est attribué ne varie pas sans cesse : qui songerait à diffuser TF1 sur le canal 15 ?

Pour conclure, madame la ministre, je veux vous rappeler la disponibilité des députés SRC pour travailler à vos côtés, et vous témoigner leur soutien pour le présent budget.

M. le président Patrick Bloche. Si notre groupe avait effectivement voté la légère augmentation de la redevance en 2009, c’est d’abord parce que Jean-François Copé avait juré que, lui vivant, celle-ci n’augmenterait pas !

M. Christian Kert. Je veux vous transmettre un message de sympathie au nom de mon groupe, madame la ministre, car, si vous me passez l’expression, on vous a tout fait ! Après l’abandon de projets importants, voici que l’on vous demande de « tailler » sévèrement dans les crédits de la culture. Comme vous le savez, cela n’était pas arrivé depuis longtemps. On a aussi proposé d’intégrer les œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et, comme si cela ne suffisait pas, d’intégrer les résidences secondaires dans celle de la redevance audiovisuelle – on vous a certes épargné les campings, mais c’est à peu près tout…

Sur l’audiovisuel, les discours ne masqueront pas la réalité : les crédits sont en recul de 1,56 %, ce qui ne manquera pas de mettre le secteur en difficulté, comme l’ont souligné les rapporteurs eux-mêmes. L’augmentation de la redevance ne compensera pas le manque à gagner pour France Télévisions, puisque celui-ci est de l’ordre de 160 à 170 millions d’euros. Au reste, la redevance n’a jamais eu pour fonction de compenser les désengagements de l’État. En 2009, nous avions d’ailleurs insisté sur l’indispensable pérennisation du soutien de l’État.

En l’occurrence, j’aurais voté l’indexation de la redevance, mais je ne voterai pas son augmentation supplémentaire de 2 euros, même si l’on peut estimer qu’il vous a fallu un certain courage pour la proposer. En tout état de cause, malgré cette mesure, le déficit de financement de France Télévisions restera de près de 100 millions d’euros, que ne combleront pas les recettes publicitaires dans la mesure où celles-ci, par rapport au COM, seront inférieures d’une quarantaine de millions d’euros en 2012 et sans doute, hélas, de 60 à 70 millions en 2013.

On voit mal, dans ces conditions, comment France Télévisions pourrait assurer ses missions « régaliennes ». La création et l’innovation sont pourtant au cœur de l’économie culturelle : 60 % de la production française provient de la commande publique. La remise en cause de cette mission affecterait donc tout le secteur. Il en va de même pour la modernisation de l’information et la stratégie numérique. Entendez-vous encore « dégraisser le mammouth », sachant que France Télévisions a déjà subi de réelles cures d’amincissement ?

La radio numérique terrestre est un sujet complexe, pour lequel, selon un communiqué que vous avez publié début septembre, vous souhaitez prendre du temps, sans toutefois fermer la porte. Votre réflexion a-t-elle avancé depuis ?

S’agissant de la Hadopi, il va quand même être difficile de faire fonctionner cet organisme avec 3 millions d’euros de moins. Vous avez déclaré qu’un budget de 11 millions d’euros pour envoyer des courriels, c’était un peu cher ; reste que ces courriels permettent non seulement de réguler le marché, mais aussi de sanctionner, en d’autres termes de protéger les œuvres et leurs auteurs. Vos réticences collectives à l’égard de cette institution sont connues : qu’en est-il exactement ? Nous serons attentifs à la réponse que vous ferez à Mme la rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles.

J’estime par ailleurs souhaitable, comme Michel Françaix, de rééquilibrer les aides au portage. Il est anormal, en particulier, que La Poste perçoive des aides nettement supérieures à celles des entreprises du secteur, alors qu’elle distribue quatre fois moins de journaux. Cela dit l’ensemble des aides sont, elles aussi, en diminution sensible. Vous vous souvenez que les États généraux de la presse les avaient fixées à 70 millions d’euros pendant trois ans, au terme desquels nous les avions nous-mêmes baissées à 45 millions. Vous les portez aujourd’hui à 37,6 millions d’euros, soit un niveau tout juste suffisant pour assurer la survie du système. En ce domaine, la contractualisation me semble nécessaire : les professionnels doivent savoir à quoi s’attendre dans les années qui viennent.

Enfin, madame la ministre, vous n’avez pas parlé de l’abandon de l’opération « Mon journal offert » ; elle permettait pourtant à 900 000 jeunes de s’abonner à un journal pendant une année, à l’issue de laquelle 8 % d’entre eux avaient décidé de conserver leur abonnement. Il est d’autant plus dommage d’abandonner ce projet que l’éducation et la jeunesse sont, à vous entendre, des priorités de votre ministère.

Mme Isabelle Attard. Nous saluons certains choix budgétaires du Gouvernement, à commencer par l’abandon de projets pharaoniques tels que le Centre national de la musique, la Maison de l’histoire de France ou la salle supplémentaire de la Comédie-Française à la Bastille. Nous tenons aussi à vous féliciter pour le maintien des aides à la presse écrite, aux auteurs et aux bibliothèques, même s’il faudra un travail étroit entre les collectivités pour assurer l’accès de la lecture à tous sur l’ensemble du territoire. La révision à la baisse des crédits alloués à la Hadopi mérite aussi d’être saluée : surtout, ne lâchez rien !

D’autres orientations nous semblent en revanche plus discutables. Comment, en particulier, imposer la rigueur budgétaire aux grandes institutions culturelles publiques sans leur offrir un véritable accompagnement dans la redéfinition de leurs missions ? Entre la diminution des ressources publicitaires, le gel de plusieurs millions d’euros de la dotation budgétaire pour 2012 et la diminution annoncée pour 2013, les conditions de la réorganisation de France Télévisions ne sont guère rassurantes. Une telle rigueur contrainte, et de surcroît peu accompagnée, suscite bien des inquiétudes sur l’avenir des rédactions et la précarisation des salariés. Un effort pédagogique me semble indispensable auprès des antennes locales de France 3 si l’on veut éviter de nouvelles grèves, après celle du 21 septembre dernier.

Beaucoup reste également à faire sur le lien entre la culture et le numérique. Le rayonnement culturel français exige que le maximum d’œuvres soient disponibles en ligne, et ce sous un format libre et réutilisable. Le Centre Pompidou virtuel en offre un triste contre-exemple : son site internet verrouille l’accès aux œuvres et rend impossibles la copie et la réutilisation des fichiers, c’est-à-dire les données publiques financées par de l’argent public.

Une ligne directrice doit aussi être tracée pour le secteur du livre numérique. Les grands acteurs étrangers, notamment Google, Apple et Amazon, font commerce de « sous-livres » électroniques, en faisant croire à leurs clients qu’ils achètent un vrai livre, alors qu’ils ne détiennent qu’une licence très limitée, qui leur interdit la revente et les lie à un système propriétaire.

Selon nous, le budget pour 2013 ne doit pas être la prolongation d’années de vaches maigres, mais la préfiguration d’une nouvelle vision de la culture : nous comptons vivement sur vous, madame la ministre, pour y parvenir.

M. Rudy Salles. Comme Mme Lagarde, j’estime que la Hadopi ne sera pas en mesure d’assurer ses missions. La question est donc simple : êtes-vous pour ou contre la suppression de cette autorité, madame la ministre ? Plutôt que de l’asphyxier progressivement, mieux vaut dire les choses avec clarté.

La baisse drastique de la dotation budgétaire pour 2013 sera très difficile à gérer pour France Télévisions : si cette baisse avait été programmée sur le long terme, l’entreprise aurait été capable, comme n’importe quelle autre, d’établir un plan pluriannuel. Mme Martinel a laissé entendre qu’il fallait rétablir la publicité après vingt heures…

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Je n’ai pas dit cela !

M. Rudy Salles. Vous avez critiqué la suppression de la publicité après vingt heures. Je pose donc la question très simplement : le Gouvernement est-il favorable à son rétablissement ?

Les observations de Mme Attard sur l’abandon des grands projets me semblent un peu hors de propos. La gauche avait-elle contesté, par exemple, le projet du Grand Louvre ?

M. le président Patrick Bloche. Mme Martinel a seulement rappelé que la suppression de la publicité après vingt heures a privé France Télévisions de 450 millions d’euros de recettes : nous en payons le prix aujourd’hui.

M. Rudy Salles. Si c’est une erreur, corrigez-la !

Mme Marie-George Buffet. Je ne tiendrai pas à votre égard, madame la ministre, le discours compassionnel de notre collègue de l’UMP, puisque vous assumez apparemment ce budget que vous avez qualifié de « responsable ».

D’autres choix me semblent possibles : ces budgets contraints, qui résultent de décisions européennes, sont dommageables pour un ministère comme le vôtre, car il contribue à la construction et à l’épanouissement des individus. À ce titre il aurait dû figurer parmi les ministères prioritaires, comme celui de l’éducation.

Je souscris aux analyses de Michel Françaix sur la presse. Je rappelle néanmoins que l’accord conclu pour Presstalis prévoit plus de 1 000 suppressions d’emplois : les salariés continuent donc de se mobiliser pour défendre leur outil de travail, comme ils l’ont encore fait ce matin même au dépôt de Bobigny. On ne sortira pas des difficultés actuelles sans s’interroger sur l’existence de deux messageries, que les éditeurs choisissent selon leurs intérêts. Comment voyez-vous l’avenir du secteur ?

À La Courneuve et au Blanc-Mesnil, deux librairies viennent d’ouvrir : chacun s’en félicite, mais elles doivent lutter au quotidien pour amener de nouveaux lecteurs. Les librairies indépendantes ont besoin d’être soutenues, comme vous l’avez indiqué : quelles sont vos pistes en la matière ?

Je me félicite de la non-fusion des rédactions au sein de l’AEF. Quelles sont vos prévisions pour RFI, notamment en termes de moyens ? Cette entreprise a en effet subi plusieurs plans sociaux.

Quant à France Télévisions, l’héritage pèse, certes, mais que fait-on à présent ? L’idée d’intégrer les résidences secondaires dans l’assiette de la redevance a finalement été abandonnée, de même que celle, soutenue par les syndicats, de rétablir la publicité en soirée. Pour ma part je suggérais d’augmenter la redevance, moyennant une prise en compte des ressources. Si l’aide publique va diminuant, quelles sont vos solutions, qu’il s’agisse de la redevance ou de la publicité, pour préserver les missions de France Télévisions, maintenir, comme je le souhaite, les rédactions régionales et nationales de France 3 ainsi que les emplois au sein du groupe ?

M. Thierry Braillard. Si l’amour dure trois ans, chers collègues de l’opposition, notre mandat en dure cinq. Les mesures dont nous débattons résultent du choix du Gouvernement de diminuer la dépense publique de 10 milliards d’euros, car nous sommes un peu comme dans un véhicule lancé à grande vitesse et qui voit s’approcher un mur. Ce choix, nous aurions certes préféré que vous le fassiez lorsque vous étiez aux responsabilités.

Le groupe RRDP se réjouit du maintien des aides à la presse écrite, notamment régionale. S’agissant de la distribution, une nouvelle audition de Mme Couderc serait sans doute utile, pour examiner plus en détail le plan de Presstalis en matière d’emplois.

Il faut rappeler, sans esprit polémique, l’héritage laissé dans le domaine de l’audiovisuel : alors que l’on asséchait les recettes du service public, on augmentait celles des télévisions privées, en leur permettant d’augmenter les pauses publicitaires d’une minute.

Notre groupe entend réaffirmer son soutien à l’audiovisuel public, lequel ne se résume ni à ses émissions, ni à l’information : n’oublions pas le secteur la création, dont nous craignons qu’elle soit la première à pâtir de la diminution sensible des dotations publiques. Nous sommes prêts, à cet égard, à faire feu de tout bois, souscrivant par exemple à l’idée d’intégrer les résidences secondaires ou même les ordinateurs – puisque les offres « triple play » se généralisent – dans l’assiette de la redevance. Compte tenu de la nouvelle donne, la suppression de la publicité après vingt heures doit aussi être remise en question, d’autant qu’elle n’empêche pas les programmes du soir de débuter à vingt et une heures.

Le président-directeur général de France Télévisions doit aussi définir les perspectives d’avenir pour France 3 : lorsqu’il fut auditionné par notre Commission, chacun souhaitait que cette chaîne retrouve sa dimension régionale. Il faut enfin s’interroger, dans ce contexte d’économies drastiques, sur la pertinence d’une chaîne comme France 4.

M. Michel Pouzol. La presse, le livre et la diffusion ne sont pas des tableaux budgétaires formels, mais un espace de connaissance et un horizon d’attente fort pour nos concitoyens. La question est donc de savoir comment apporter de la vitalité à un secteur qui subit une crise d’une ampleur historique.

Ne nous leurrons pas, et ce point devrait faire consensus, nous héritons d’une situation fortement dégradée, notamment en ce qui concerne la presse. Cela nous oblige à réussir vite et à poser les bases d’une politique de soutien aux médias, à la presse et à l’industrie culturelle, politique qui contribuerait, à moyen terme, à remettre ces secteurs sur les rails. Si les premières décisions répondent à l’urgence, elles nous inciteront à aller plus loin, dans les années à venir, afin d’assurer la survie du système. Permettez-nous à cet égard, madame la ministre, de saluer votre réactivité et votre engagement.

La question est aussi de savoir comment les acteurs pourront continuer à faire vivre l’offre culturelle, la diversité de la presse et l’accès de tous à la culture. Il est essentiel de permettre à nos concitoyens d’accéder à des sources d’informations diversifiées et pluralistes sur l’ensemble du territoire. Il y va non seulement de la liberté de la presse et de son indépendance, mais aussi, plus largement, de la vitalité de notre démocratie.

En matière d’aides à la presse, que celles-ci soient directes ou indirectes, les efforts sont conséquents. La diffusion est un enjeu historique, et la mobilisation de l’État en ce domaine reste forte : au regard du nombre de journaux vendus, elle ne l’a même jamais autant été.

Je me réjouis aussi de voir qu’au-delà des seules logiques comptables, le Gouvernement a préféré un changement, en accompagnant la modernisation sociale de la presse. C’est un domaine où nous avons beaucoup à faire dans les années à venir : nous y veillerons. Plusieurs pistes ont déjà été évoquées ; mais nous restons vigilants sur la situation de Presstalis, comme en témoigne l’aide de 15 millions d’euros apportée par l’État. Sans ces fonds, l’entreprise n’aurait pu éviter le redressement judiciaire. Mais le chemin du retour à bonne fortune est encore long : la négociation avec les partenaires s’annonce difficile, mais elle est nécessaire.

N’oublions pas non plus que la politique de la presse intéresse aussi potentiellement l’aménagement du territoire dans la mesure où, si elle est conduite avec intelligence, elle doit permettre à tous nos concitoyens d’acheter leur journal où qu’ils vivent. Dans de nombreux territoires ruraux, le vendeur de journaux assure même une forme de service public.

Qu’elle concerne le flux ou le stock, la question du portage est également cruciale. Elle se pose différemment, toutefois, en milieu urbain et rural : les contradictions sont nombreuses entre les pratiques ou les opérateurs d’un côté, et les spécificités territoriales de l’autre.

Si nous nous félicitons de vos propositions, nous souhaitons voir une nouvelle politique se mettre en place : cette première pierre de l’édifice ne saurait cacher le long chemin qui reste à parcourir. Il faut changer de cap et remettre les politiques culturelles dans le bon sens, celui qui permettra aux Français d’accéder à l’offre la plus variée, la plus large et la plus intéressante possible. Cela passe par des concertations sans tabous avec l’ensemble des acteurs. Merci, madame la ministre, pour votre travail et ce budget, que nous soutiendrons.

M. Franck Riester. Je m’associe au message de compréhension adressé par Christian Kert à Mme la ministre. Cela dit, même si elle subit certaines décisions, elle est solidaire du Gouvernement dont elle est membre. Or, force est de constater que le budget de la culture est malmené comme il ne l’a pour ainsi dire jamais été : alors qu’il avait augmenté de 20 % au total en cinq ans, il accusera en 2013 une baisse de 2,3 %, et même de 13 % pour la mission dont nous parlons, soit au total moins 30 % sur trois ans, puisque les reculs annoncés pour 2014 et 2015 se montent respectivement à 1,08 milliard et 960 millions d’euros. Bref, il s’agit d’un budget terrible pour la culture ; à telle enseigne que nous pourrions formuler le vœu, en accord avec nos collègues communistes, que ce ministère devienne prioritaire.

Quelles missions de France Télévisions envisagez-vous de supprimer, puisqu’une réduction budgétaire aussi brutale n’offre pas d’autre perspective ?

Qu’en est-il de la taxe sur les distributeurs de services de télévision, dite TST-D, qui aurait permis de financer le projet de Centre national de la musique que vous avez abandonné, ainsi que du crédit d’impôt phonographique, dont il n’est pas fait mention dans le projet de loi de finances ?

Enfin, la présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi a déclaré qu’avec une dotation de 9 millions d’euros, cet organisme serait en mesure d’assurer ses missions. Ce niveau de financement est-il celui que vous envisagez ?

Mme Martine Faure. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir préservé, dans un budget contraint, les financements en faveur du livre et de la lecture publique. Cette dernière relève certes de la compétence des conseils généraux, mais le rôle de l’État est capital pour l’impulsion de la politique sur l’ensemble des territoires et au bénéfice de tous les publics, notamment les jeunes. Quatre-vingts contrats « territoire-lecture » ont été signés à ce jour, pour une durée moyenne de trois ans. Pouvez-vous nous donner des précisions sur leur contenu ? Peut-on en espérer d’autres dans les mois qui viennent ? Par ailleurs, je m’associe aux inquiétudes exprimées à propos de France 3.

M. François de Mazières. Nous avons tous un peu de compassion pour Mme la ministre. La démonstration est faite, en tout cas, que la culture n’est ni de droite, ni de gauche, puisque, après une augmentation continue pendant plusieurs années, son budget diminuera en 2013. Certes, les temps sont difficiles et Mme la ministre s’est efforcée de trouver des solutions, mais la multiplication des annonces a laissé une impression un peu brouillonne.

Augmenter la redevance de 4 euros rapportera 109 millions d’euros. Le désengagement de l’État vis-à-vis de France Télévisions atteignant 195 millions, le « delta » est donc de 86 millions ; en y ajoutant le manque à gagner publicitaire, ce sont 150 millions qu’il faudra trouver. Vous proposez de revoir le COM : quelles perspectives avez-vous à l’esprit ? Il ne faudrait pas donner le sentiment de faire porter toute la responsabilité sur la direction de France Télévisions : nous aimerions, en tant que parlementaires, partager ces réflexions avec vous.

J’ajoute, pour conclure, que la défense de l’exception culturelle française passe aussi par la défense du budget de la culture.

Mme Colette Langlade. Vous avez fait du développement de la lecture l’une de vos priorités. Dans un contexte budgétaire contraint, les moyens consacrés au livre et à la lecture sont globalement préservés. Vous avez aussi insisté sur le développement de la création littéraire et l’équilibre entre les territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.

La lecture publique étant une compétence décentralisée, comment entendez-vous garantir sa qualité et sa cohérence sur tous les territoires, notamment pour les jeunes ? Quels sont les objectifs de la politique nationale que vous avez déclaré vouloir impulser ?

M. Michel Herbillon. J’étais très impatient de vous entendre, madame la ministre, sur ce premier budget que présentez. Cependant, l’argument de l’héritage ne fait pas une politique : je pensais que vous en avez conscience, et ne vous cacherai pas ma déception car je n’ai finalement pas perçu votre projet. On ne compte plus, d’ailleurs, les cacophonies et revirements des membres du Gouvernement, sans parler de votre colloque singulier avec le ministre du budget, qui nous conduit parfois à nous demander lequel de vous deux est le ministre de culture et de la communication. Nous considérons, pour notre part, que c’est vous. Mais il faudrait accorder vos violons car, sur à peu près tous les sujets, vous apparaissez en désaccord : ces contradictions diverses au sein du Gouvernement et de la majorité, et entre celle-ci et celui-là, posent vraiment problème.

L’an dernier, alors que vous étiez députée, vous déclariez en Commission des finances que France Télévisions « risque un affaiblissement de ses moyens. Alors que le COM 2011-2015 vient de recevoir un avis favorable, il est remis en question. » En l’occurrence, le stade du risque est dépassé puisque le groupe est confronté à une diminution drastique de ses moyens, de l’ordre de 160 millions par rapport au COM.

Vous avez rappelé la liste des missions de France Télévisions, quitte même à l’allonger. Ma question est donc simple : dès lors que vous réduisez les moyens, quelles sont les missions que vous remettez en cause ? Je ne vois pas, en effet, comment une entreprise pourrait vivre dans une telle instabilité juridique et financière, alors même qu’elle mène une politique de réduction de ses effectifs.

Au sujet des librairies indépendantes, vous évoquez des concertations, des rapports et des groupes de travail. Mais tout cela ne fait pas une politique non plus. Quels sont vos propres projets et vos pistes de réflexion ?

Mme Françoise Dumas. Des inquiétudes s’expriment sur le terrain à propos de France 3 et de ses personnels. Le temps accordé aux journaux locaux est peu à peu réduit – alors qu’il était de dix minutes jusqu’à mi-2010 –, et leur diffusion à la suite des journaux régionaux rend souvent l’information redondante. Je vous fais confiance pour prendre en compte ces inquiétudes, mais je veux aussi revenir sur les objectifs plus généraux, car l’information dont nous parlons a une valeur de service public pour les territoires. Au-delà d’une modernisation qui peut être souhaitable, à quoi ressemblera France 3 en régions à court et moyen terme ?

M. Frédéric Reiss. Vous avez annoncé un avenant au COM de France Télévisions : pourriez-vous nous en dire plus à son sujet ? La baisse de 1,56 % des crédits pour 2013 aura sans doute des répercussions sur les personnels de cette entreprise. Certains contrats risquent-ils de ne pas être renouvelés ? Comment envisagez-vous l’avenir des personnels, notamment celui des intermittents du spectacle ?

M. Michel Ménard. Je m’étonne que nos collègues de l’opposition refusent de voter l’augmentation de la redevance tout en dénonçant la situation budgétaire de France Télévisions. Vous ne cessez de nous appeler à plus de sévérité dans la réduction des dépenses, et voici que vous tenez le discours inverse ! Il faut un minimum de cohérence.

L’opération « Mon journal offert », lancée en 2009, visait à réconcilier les jeunes avec la presse en leur offrant la possibilité de recevoir, une fois par semaine, le quotidien de leur choix pendant un an. Elle a d’ailleurs connu un large succès, puisque plus de 300 000 demandes ont été enregistrées, pour 220 000 abonnements disponibles. Comptez-vous renouveler cette opération dans les années à venir ?

M. Guénhaël Huet. Vous avez vous-même reconnu, madame la ministre, que le budget de votre ministère connaissait une baisse significative ; de fait, on n’a pas senti beaucoup d’ambition dans votre projet culturel. Pourriez-vous préciser la part des crédits déconcentrés au sein de ce budget ? Paris semble en effet avoir la part belle : il ne faut pas oublier les autres territoires.

Vous avez aussi évoqué une sélectivité dans les aides à la presse : sur quels critères la fondez-vous, puisque ceux-ci ne sauraient être, j’imagine, d’ordre idéologique ou politique ?

Enfin, le courage politique exigerait que vous nous disiez franchement si vous entendez supprimer la Hadopi et rétablir la publicité après vingt heures sur les chaînes de l’audiovisuel public.

Mme Brigitte Bourguignon. Je souhaite vous faire part, sans la condescendance ironique de nos collègues de l’opposition, de mon réel soutien, comme devraient le faire ceux qu’anime l’esprit de responsabilité collective. Le vrai courage politique est en effet de s’attaquer aux déficits publics. J’ajoute que, lors des législatures précédentes, les collectivités que nous gérons ont maintenu une activité culturelle sur les territoires : nous n’avons donc aucune leçon à recevoir.

S’agissant du livre et des industries culturelles, vous avez, madame la ministre, sanctuarisé l’action publique sur les territoires : cela mérite d’être souligné. Je salue également le rétablissement de la TVA à 5,5 % sur le livre : cette mesure constitue une bouffée d’air pour le secteur à l’heure des tournants technologiques et de la concurrence d’un géant américain qu’il n’est pas besoin de nommer. Certaines orientations se dégagent-elles des auditions déjà menées par la mission Lescure ? Envisagez-vous également d’autres pistes de financement pour le CNL que la taxe sur les appareils de reproduction et d’impression ? L’essor des nouvelles technologies rend en effet incertaine la pérennité de ce financement.

Mme Annie Genevard. Je souhaite exprimer à mon tour la préoccupation dont certains de mes collègues se sont fait l’écho au sujet des librairies indépendantes, dont l’équilibre économique est des plus fragiles, alors que leur utilité intellectuelle, sociale et territoriale est essentielle.

La situation du livre et de la lecture est paradoxale. Alors que les territoires font preuve d’inventivité et que se multiplient les actions locales et les initiatives – telles que la mise en place, par l’ancien Gouvernement, du label de librairie indépendante de référence ou des contrats de territoire –, et alors même que l’appétence pour la lecture semble aller croissant, les librairies demeurent des maillons très fragiles, surtout en milieu rural. Quelles actions spécifiques envisagez-vous pour soutenir la politique du livre et de la lecture, qui est à mes yeux la mère des politiques culturelles ?

M. Jean-Pierre Allossery. Les crédits dévolus à la politique du livre sont maintenus. Cependant, les critères d’attribution des contrats « territoire-lecture » tiendront-ils compte de la nécessaire ouverture des bibliothèques à l’ensemble des pratiques artistiques ? Quid de l’articulation de la bibliothèque et de la lecture avec les politiques éducatives, sociales et d’insertion ? La lecture doit en effet s’inscrire dans une politique globale de mixité sociale, afin de favoriser l’accès aux livres de tous, notamment des jeunes et des publics éloignés ou empêchés.

M. le président Patrick Bloche. Marcel Rogemont souhaitait aussi exprimer son souci pour le livre.

Mme la ministre. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de l’attachement que vous portez à la culture, en particulier à ce pilier de la politique culturelle qu’est le secteur du livre, dont le budget est par conséquent préservé. Nous veillons, d’une part, à ce que la réflexion sur l’évolution du cadre législatif lié à la transition numérique se fasse dans de bonnes conditions, et, de l’autre, à l’efficacité du soutien aux librairies indépendantes. Je participerai demain à la signature d’un nouveau contrat « territoire-lecture » à Chevilly-Larue, et réaffirmerai à cette occasion la nécessité, pour l’État, d’encourager les initiatives des collectivités, la politique du livre étant essentielle, je le répète, à l’aménagement du territoire, qu’il s’agisse de lien social ou d’éducation. Le livre est aussi, souvent, la porte d’entrée à tous les horizons culturels ; c’est pourquoi les bibliothèques et médiathèques sont évidemment des maillons essentiels.

Dès mon entrée en fonction, j’ai installé des groupes de travail, qui réfléchissent à des solutions concrètes sur des sujets tels que l’accès aux marchés publics pour les librairies indépendantes. Un état des lieux de toutes les aides existantes, madame Lagarde, sera donc établi afin d’améliorer leur efficacité : en ce domaine, il faut éviter le saupoudrage. M. Serge Kancel, inspecteur général de l’IGAC, prépare un rapport sur le sujet. Je souhaite aussi que soient analysées les raisons de l’échec de « 1001libraires.com » : les librairies indépendantes doivent se positionner sur le marché de la vente en ligne, car la concurrence du site Amazon est pour elles une menace à court terme, à laquelle il faut répondre avant la réforme de la TVA au niveau européen en 2015.

La fiscalité numérique est l’une des solutions pour la préservation de l’exception culturelle : Pierre Collin et Nicolas Colin, à qui le Gouvernement a confié un rapport, réfléchissent aux moyens de faire contribuer les grandes entreprises de vente en ligne ou les sites agrégateurs de contenus au financement de la création, puisque celle-ci a toujours été financée, en aval, par les réseaux distributeurs.

Quant à la Hadopi, elle doit être en mesure d’assurer sa mission. La dotation initialement prévue se monte à 8 millions d’euros, mais le chiffre de 9 millions vient d’être évoqué dans les discussions. Néanmoins, jusqu’à présent, la Haute autorité ne m’a pas transmis les éléments suffisants pour évaluer ses besoins réels. Quant à son avenir, le Gouvernement s’appuiera sur les conclusions de la mission Lescure, attendues au printemps de 2013, pour en décider. Quoi qu’il en soit, cet organisme doit participer, comme les autres, à l’effort de redressement des finances publiques. Ce défi a d’ailleurs été accepté avec un réel sens des responsabilités par tous les acteurs de la culture, à l’instar du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui contribuera à cet effort par un prélèvement sur son fonds de roulement.

J’ai néanmoins veillé à la préservation des missions fondamentales du secteur culturel, notamment dans son lien avec la citoyenneté, ainsi qu’à la valorisation de l’éducation artistique et au renforcement de l’égalité des territoires, la politique culturelle de ces dernières années ayant été marquée, monsieur Riester, par une trop forte concentration des projets à Paris. Loin d’être pénalisés, les crédits déconcentrés sont donc maintenus : 46 % du budget de mon ministère iront aux régions.

Je suis favorable à une TVA réduite pour la presse en ligne, monsieur Françaix. Cette question se pose dans le cadre plus général de la réforme des aides à la presse. Dans le contexte de la transition numérique, parmi les outils qu’il me semble important de pouvoir développer, l’idée de créer un droit voisin pour les éditeurs de presse – baptisé un peu hâtivement « lex Google » –, proposée par des éditeurs français, me paraît extrêmement pertinente ; elle semble se concrétiser en Allemagne, et la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) est en train d’y réfléchir. À travers le soutien au secteur de la presse, il s’agit en effet de préserver une liberté démocratique fondamentale.

Dans cette optique, l’État s’est engagé dans la restructuration de Presstalis. La création d’une société commune permettra non seulement de générer des économies structurelles, mais aussi de réorganiser la filière selon vos souhaits, même si cela ne va évidemment pas sans difficultés.

S’agissant du groupe Hersant média (GHM), le journal Paris-Normandie a été cédé à deux professionnels de la presse ; quant au pôle
Champagne-Ardenne-Picardie, il fait l’objet de deux offres de reprise. Il faudra attendre l’audience du 30 octobre prochain devant le tribunal de commerce ; mais je reste vigilante, avec la DGMIC, sur les conséquences de ces réorganisations pour l’ensemble des journaux du groupe. Nous avons notamment fait en sorte que le groupe Rossel, qui s’était proposé avant de se désister, revienne dans le jeu, car il est toujours préférable que les titres soient repris par des professionnels du secteur.

L’efficacité des aides au portage a été évaluée, monsieur Kert. Avec 37,6 millions d’euros, elles sont, en tout état de cause, bien supérieures à ce qu’elles étaient avant les États généraux de la presse – à savoir 8 millions. J’ajoute que les aides sont complémentaires, monsieur Françaix : le portage fidélise les abonnés, La Poste assure la distribution dans les zones les plus reculées, et le soutien à la vente au numéro est évidemment essentiel. Pour ce qui concerne La Poste, nous ferons le bilan en 2015, date d’expiration de l’accord ; d’ici là, je souhaite que les engagements soient respectés.

L’évaluation de l’opération « Mon journal offert » par l’IGAC a révélé un taux d’abonnement assez faible au terme de l’année écoulée. Nous réfléchissons donc à des politiques plus pertinentes pour la jeunesse, comme l’opération « Kiosque au lycée ». Un nouvel appel à projets a aussi été lancé auprès des éditeurs.

Nous n’allons pas rouvrir le débat des chiffres, monsieur Riester. Mais, comme l’observait Michel Ménard, si M. Kert veut donner plus de moyens à l’audiovisuel public, il doit voter l’augmentation de la redevance au-delà de l’indexation !

M. Michel Herbillon. Ne multiplions pas les taxes !

Mme la ministre. Il ne s’agit que d’augmenter une taxe qui existe déjà ! Elle constitue d’ailleurs, pour répondre à M. Rogemont, le financement le plus juste, puisqu’il existe des exemptions, et le plus moderne car son assiette et son niveau peuvent tous deux évoluer. J’ajoute que la proposition du Gouvernement en la matière ne clôt pas la discussion parlementaire.

La redevance est enfin le mode de financement qui garantit le mieux l’indépendance du secteur. Sans vouloir revenir à l’argument qui fâche, nous héritons d’une situation qui, compte tenu de la suppression de la publicité, nous expose aux aléas de la conjoncture budgétaire : c’est exactement ce que nous avions dit en évoquant la fragilisation du système. Au demeurant, le marché publicitaire a lui-même évolué depuis 2009 : l’arrivée de six nouvelles chaînes sur la TNT contribue à sa dilution, sans parler des autres supports, notamment internet. Bref, même un rétablissement de la publicité ne permettrait pas de retrouver le niveau de recettes – 400 millions d’euros par an – d’avant 2009. Le manque à gagner en ce domaine avoisine aujourd’hui les 70 millions ; à l’époque, Patrick Bloche avait d’ailleurs signalé que les prévisions du COM étaient bien trop optimistes. Nous avons donc à affronter la situation en tenant un discours de vérité.

Je n’abandonne aucune des missions de l’audiovisuel public. L’investissement dans la création, en particulier, est non seulement un levier pour le secteur, mais aussi un élément essentiel de l’identité de France Télévisions, grâce auquel le groupe pourra conquérir de nouveaux publics. Certes, il ne s’agira pas, l’an prochain, d’augmenter son investissement en ce domaine, mais de le préserver en faisant preuve d’audace, par exemple dans la fiction, avec des rendez-vous dont le cinéma du jeudi soir sur France 3 a offert un exemple. On peut aussi penser au prime-time consacré à l’histoire des « Malgré-elles », ou encore à la série Ainsi soient-ils sur Arte. Mais de tels succès passent évidemment par une programmation adéquate.

Nous sommes aussi très attachés, bien sûr, à l’accès aux programmes des personnes handicapées ainsi qu’à la mission de proximité de France 3, même s’il reste à savoir comment l’assurer. Le plan de régionalisation proposé par Rémy Pflimlin me semblait aussi risqué que coûteux, pour le service public comme pour les collectivités. On peut imaginer un projet fondé sur la valorisation des atouts de la chaîne que sont, d’une part, les informations locales et, de l’autre, les grands rendez-vous nationaux tels que les séries ou les documentaires.

Une réflexion doit aussi s’engager sur l’identité de certaines chaînes, comme France 4, qui diffuse beaucoup de séries autres que françaises et même européennes. La diversité doit sans doute être plus visible sur France Ô ; à cet égard, le réseau Outre-Mer première offre sans doute une programmation plus pertinente.

Par ailleurs, les mesures d’économies doivent être l’occasion, pour l’audiovisuel public, de traiter la question de la précarité et de l’intermittence, mais aussi de réfléchir, afin d’utiliser au mieux les deniers publics, aux strates d’encadrement, voire aux dépenses techniques de diffusion. L’avenant au COM, qui vous sera présenté dans les meilleurs délais, permettra d’intégrer ces nouveaux éléments.

La taxe sur les distributeurs de services de télévision (TST-D) n’est pas sans rapport avec la « taxe Copé », qui était destinée à compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions. Malgré les critiques dont elle avait fait l’objet, je la défends à Bruxelles au nom de la sécurité du financement de l’audiovisuel public. Vous avez évoqué, monsieur Riester, le projet de Centre national de la musique. De fait, le soutien au secteur de la musique est bien l’une des priorités de mon ministère ; mais je souhaite que le financement soit sûr ; aussi ai-je engagé la réflexion avec l’ensemble des professionnels dès le mois de juillet. La création d’un nouvel établissement public, alors qu’il en existe déjà tant, ne m’apparaît pas la meilleure solution, d’autant que les réserves de Bruxelles fragilisent juridiquement la taxe. Bien que l’ancienne majorité en ait modifié l’assiette l’an dernier, elle est aujourd’hui menacée. Je travaille donc à sa redéfinition car, avant de l’étendre à la musique, il convient la sécuriser pour le cinéma.

Pour l’heure, Bruxelles s’y oppose au motif qu’il n’existe pas de lien entre les diffuseurs – les fournisseurs d’accès à internet, en l’occurrence – et le contenu : nous nous appliquons donc à l’établir. Ma collègue en charge de l’économie numérique a proposé une taxe forfaitaire par abonnement ; pour ma part, je suis favorable à un taux proportionnel au chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès. La discussion est en cours avec les acteurs. La part de marché du cinéma français, rappelons-le car c’est un motif de fierté, ne cesse de progresser, puisqu’elle atteint 40 % en 2012, et ce malgré un léger repli de la fréquentation en salles. Je sais d’ailleurs que votre Commission ne fait pas partie de ceux qui prennent le CNC comme bouc émissaire ; au reste, je l’ai déjà protégé en supprimant l’écrêtement de la TST. Nous ne devons pas avoir une vision malthusienne ou bureaucratique des aides apportées au cinéma français.

Je vous tiendrai informés de la réflexion en cours sur le secteur de la musique. Toutes les pistes restent ouvertes, et les mesures d’urgence nécessaires seront prises. Je suis favorable aux amendements au projet de loi de finances relatifs à un crédit d’impôt pour les entreprises phonographiques ; le Gouvernement vous proposera d’ailleurs d’en étendre l’application aux PME du secteur.

M. le président Patrick Bloche. Merci, madame la ministre.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis, au cours de sa séance du mercredi 24 octobre 2012, les crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sur le rapport de Mme Martine Martinel sur les crédits de l’audiovisuel et les avances à l’audiovisuel public, de M. Michel Françaix sur les crédits de la presse et de Mme Sonia Lagarde sur les crédits du livre et des industries culturelles.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis des crédits de l’audiovisuel. Je n’aborderai que deux des thèmes abordés dans le rapport, lesquels sont au cœur de l’actualité : d’une part, France Télévisions et, d’autre part, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

France Télévisions fait face à une dégradation extrêmement brutale de sa situation financière. Je ne m’appesantirai pas sur la suppression de la publicité, la création de l’entreprise unique, qui a été selon moi une erreur, ou encore la remise en cause systématique des engagements pris par l’État. Le groupe se trouve aujourd’hui dans une situation d’instabilité stratégique et financière incompatible avec la gestion sereine d’une entreprise.

Cependant, je regrette également de constater que le groupe n’a pas totalement joué le jeu et a manqué à certains engagements pris dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens (COM) en matière d’amélioration de la gestion. Les économies décidées dans l’urgence en 2012 portent malheureusement essentiellement sur les programmes. Parallèlement, les effectifs ont augmenté en 2011, et même en 2012. En outre, les deux plans de départ volontaires auront coûté 58 millions d’euros, sans impact sur les effectifs, faute de pilotage par le groupe…

Pour sortir de cette situation, il faut, me semble-t-il, stabiliser tant les missions que le modèle économique du service public. Je pense qu’une réflexion ambitieuse sur le rôle et le périmètre du service public doit précéder la définition des moyens.

Près de trente ans après la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le service public vit une véritable crise d’identité. L’État ne sait pas toujours ce qu’il en attend. Il multiplie ses missions en lui demandant des économies. Il lui demande de se défaire de l’audimat tout en fédérant le public le plus large. Les chaînes se sont ajouté les unes aux autres sans réflexion préalable. Les programmes jeunesse sont ainsi éparpillés sur quatre chaînes. Deux chaînes, France 4 et France Ô, s’adressent aux jeunes adultes et les lignes éditoriales de France 2 et France 3 n’apparaissent pas suffisamment distinctes.

Plus globalement, on peut s’interroger sur le rôle du service public dans la révolution médiatique que nous vivons actuellement. N’y a-t-il pas des thématiques qu’il devrait traiter de manière plus systématique, comme le développement durable, l’économie, l’Europe ? L’information étant l’une des missions pour lesquelles il a une légitimité plus forte que jamais, faut-il définitivement abandonner l’idée d’une chaîne spécifiquement dédiée à l’information ? Et quelle doit être la place des programmes de proximité dans cet ensemble, alors que tous les autres médias locaux sont actuellement en crise ?

Une fois les missions redéfinies et les besoins estimés, se pose la question, fondamentale, de la nature des ressources : redevance, budget de l’État, ou ressources propres ?

À mon sens, la priorité serait de faire disparaître la dotation budgétaire qui s’avère la ressource la moins fiable qui soit.

La redevance est évidemment le mode naturel de financement du service public et son augmentation se fera d’autant plus facilement que les missions du service public auront été clairement définies. Si l’on peut regretter que l’application d’une demi-redevance aux résidences secondaire n’ait pas lieu dans le cadre du présent projet de loi de finances, une réflexion sur la redevance demeure incontournable pour les prochaines échéances.

Je suis également favorable à ce qu’une réflexion soit ouverte sur la relation entre les producteurs et le diffuseur qu’est France Télévisions. Premièrement, la contribution du groupe au financement de la création doit être proportionnée à ses moyens. Deuxièmement, vous n’êtes pas sans savoir que le groupe ne dispose d’aucun droit de propriété sur les œuvres qu’il finance. Ainsi, il doit racheter les droits des programmes qu’il a déjà financés pour pouvoir les reprogrammer. Je donnerai un exemple fameux : le feuilleton « Plus belle la vie » a été racheté deux fois et le contribuable a donc payé deux fois ! La redevance britannique est certes plus élevée que la nôtre, mais elle finance la production de programmes qui permettent ensuite de dégager d’importantes ressources commerciales, lesquelles représentent plus de 20 % des ressources de la BBC, alors que France Télévisions Distribution est encore en déficit cette année.

Par ailleurs, il serait dommage de considérer que la question de la place de la publicité sur le service public est close. La situation actuelle, qui résulte des choix du précédent gouvernement, n’est pas dépourvue d’ambiguïté, voire d’hypocrisie. C’est une logique absurde du tout ou rien. Ce qui est acceptable avant 20 heures précises, ne le serait plus du tout après. Et après 20 heures, vaut-il mieux un volume de publicité contingenté ou, ce que nous avons actuellement, un tunnel de programmes courts parrainés, sans aucun intérêt pour le téléspectateur ? D’autant que les arguments de France Télévisions pour demander l’autorisation de retarder le début des programmes de première partie de soirée sont convaincants. Enfin, est-il logique qu’il n’y ait pas de publicité avant et après certains programmes extrêmement commerciaux de divertissement après 20 heures et de la publicité dans d’autres programmes, tels que les programmes destinés aux enfants ? Toutes ces questions méritent d’être posées. Je n’y apporte pas de réponse mais il est important de les poser avant la grande loi sur l’audiovisuel qui nous est annoncée.

En ce qui concerne le CSA, j’avais été troublée, comme beaucoup d’entre vous je suppose, par la précipitation qui a présidé au lancement de six nouvelles chaînes gratuites en haute définition sur la télévision numérique terrestre (TNT). J’ai également été assez choquée, de la décision concomitante de « dénumérotation » des chaînes locales, dont n’ont pas dû manquer de vous alerter les acteurs des chaînes locales dans vos circonscriptions. C’est pourquoi, dans le cadre de la réflexion sur l’avenir du CSA, je me suis intéressée à sa politique en matière d’élaboration du paysage audiovisuel hertzien.

Le président du CSA, Michel Boyon, dans son rapport d’août 2011 sur la TNT, regrettait que la dimension économique du secteur audiovisuel ait trop longtemps été sous-estimée, voire ignorée. C’est en effet le principal reproche qui est fait au CSA par les nombreux acteurs que j’ai auditionnés. Mais, au-delà, les auditions ont mis en évidence un certain nombre de zones d’ombre dans l’action du CSA.

Décision « baroque », « politique », « incompréhensible », « catastrophe », « connerie noire »… les interlocuteurs ont fait preuve d’une grande richesse lexicale pour qualifier le lancement des six nouvelles chaînes. À l’issue des auditions, il me semble que cette décision est aussi contestable sur le fond que sur la forme.

Sans pour autant être facétieuse ou malicieuse, je relèverai que les meilleurs arguments contre ce lancement se trouvent dans le rapport de Michel Boyon de 2011, lequel souligne l’absence d’élasticité du marché publicitaire et le fait qu’on ne peut donc que redouter les conséquences d’un élargissement de la TNT sur la fragmentation des audiences, le marché publicitaire et le financement de la création.

Si cette décision n’est pas pertinente du point de vue économique, on aurait pu penser que le CSA s’était appuyé sur l’intérêt du public. Or, un sondage publié en 2011 avait très clairement montré que les Français appréciaient la TNT mais n’en demandaient pas davantage.

Sur la forme, le CSA n’a pas lancé la consultation préalable qu’il devait lancer en application de la loi. On peut donc légitimement s’interroger sur ce qui a motivé la précipitation, à la limite de la légalité, avec laquelle le CSA a pris une décision peu opportune pour l’ensemble du secteur.

En ce qui concerne les chaînes retenues, j’exprime, dans le rapport, mes interrogations, partagées par M. Hervé Bourges, spécialiste entre autres des questions de diversité, sur la ligne éditoriale de « TVous la diversité ». Interrogé sur ce qu’est la thématique de la chaîne, son créateur cite pêle-mêle les minorités visibles, les femmes, les homosexuels, les handicapés mais aussi les familles recomposées, les familles monoparentales… Comme je l’écris dans mon rapport, seuls les hommes blancs, bien portants et hétérosexuels ne sont pas ciblés. Le CSA s’était pourtant exprimé assez clairement en son temps contre la création de chaînes ghettos.

En ce qui concerne la TNT gratuite nationale, si le bilan est positif en termes d’audience, il est très décevant en termes de qualité des contenus, de financement de la création et de diversité des acteurs.

Venons-en aux télévisions locales. Quarante-trois chaînes sont à ce jour autorisées par le CSA qui dit mener une action très volontariste depuis trois ans avec la création de trente chaînes locales tout en reconnaissant que leur viabilité économique, comme nous le savons tous, est loin d’être garantie. Les mesures en direction de ces chaînes ont été quasi inexistantes ces dernières années. Elles se limitent à la commande d’une étude sur leurs perspectives de développement, suivie d’une consultation publique. Alors que cette consultation avait souligné le caractère absolument stratégique de la numérotation, la seule mesure qui est intervenue depuis est la « dénumérotation » des chaînes, décidée sans concertation préalable par le CSA pour faire de la place aux six nouvelles chaînes qui n’en avaient même pas demandé autant. Je montre par ailleurs dans mon rapport que le contrôle du CSA sur les télévisions locales est quasi inexistant. Aucun bilan annuel n’est publié. C’est d’autant plus regrettable que ces télévisions locales sont très demandeuses d’une clarification et d’une sécurisation de leur financement en provenance des collectivités locales.

Deux projets d’avenir sont par ailleurs aujourd’hui en échec. Il s’agit tout d’abord de la TNT payante. Pour les observateurs, telle qu’elle a été lancée, elle ne pouvait pas fonctionner. Là encore, on peut s’étonner de l’absence d’étude d’impact préalable, le CSA ayant, comme pour les télévisions locales, principalement justifié ses diverses tentatives de « relance » de la TNT payante par le succès qu’elle rencontre dans d’autres pays. La dernière relance a été tentée en 2011 : le CSA a sélectionné CFoot, qui a cessé sa diffusion moins d’un an après, et un projet de vidéo à la demande qui n’a toujours pas démarré. Comme le reconnaît Michel Boyon, la question de l’avenir de la TNT payante et des fréquences qu’elle occupe est donc posée.

Quant à la télévision mobile personnelle, c’est un projet mort-né, faute de modèle économique. Je me suis aperçue que le CSA, qui a très peu communiqué sur le sujet, a même repris les fréquences attribuées en 2008. Là encore, se pose la question de leur utilisation.

S’agissant du paysage radiophonique FM, plusieurs acteurs estiment que les plafonds de concentration fixés par la loi du 30 septembre 1986 ont été dépassés par certains groupes J’ai donc demandé les chiffres au CSA, qui a refusé de les transmettre, estimant qu’il n’en avait pas l’obligation, alors qu’il est tenu de rendre compte annuellement de l’application de la loi de 1986. Le CSA a toutefois jugé souhaitable que le législateur réfléchisse à la pertinence du plafond, ce qui est un peu paradoxal. Mais le législateur a néanmoins besoin de chiffres pour mener cette réflexion. La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), comme M. Marc Tessier dans son rapport de 2010 sur la radio, estime elle aussi ne pas être en mesure d’évaluer la pertinence du plafond, tant que le CSA refuse de communiquer les chiffres. J’estime que ce silence nuit à la transparence et fait obstacle au travail du législateur.

Enfin, la radio numérique terrestre (RNT) est lancée dans des conditions qui ne sauraient garantir sa réussite. Compte tenu des incertitudes très fortes sur le modèle économique, relancer la RNT en France exige un travail rigoureux, mené dans la concertation avec l’ensemble des acteurs, et non un redémarrage à marche forcée.

À la lumière de ce bilan, je propose que les compétences économiques du CSA soient renforcées, le recours à des études d’impact et à des analyses économiques et financières systématisé. Je souhaite également que des obligations de transparence accrues soient imposées au régulateur et que le contrôle du Parlement soit renforcé, tant en amont, par la nomination des membres, qu’en aval. À cet égard je propose la présentation obligatoire du rapport annuel d’activité du Conseil avec audition de son président, devant les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat. En ce qui concerne la nomination des membres, la possibilité de prolonger les trois mandats qui arrivent à échéance en janvier prochain a été évoquée. Pour ma part et sans polémique, j’estime qu’il serait préférable de nommer trois nouveaux membres « par intérim ».

Je souhaite également que l’on réfléchisse à un moyen d’encadrer la revente spéculative de fréquences. Le CSA a négocié avec les nouvelles chaînes une interdiction de revente limitée à deux ans et demi. Ce système ne résout pas le problème, et si l’on ne peut plus traiter le cas « Bolloré », il est à peu près certain que d’autres cas du même type se présenteront à l’avenir.

On peut également s’interroger sur l’opportunité de maintenir une obligation d’attribution des fréquences disponibles. Cette obligation semble pouvoir être assouplie dans un souci de bonne gestion du spectre.

En ce qui concerne le rapprochement avec l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), il doit être mis au service d’objectifs précis.

Le CSA ne fait pas mystère de sa volonté d’étendre son contrôle à internet, en agitant le spectre de la télévision connectée, dont l’impact ne doit à ce stade pas être exagéré. Si tel est l’objectif, je ne saurais y souscrire. L’ARCEP met en avant l’opportunité de remettre totalement en cause les principes de la régulation de l’audiovisuel. Si tel est l’objectif, je n’y suis pas favorable non plus.

Je pense que la régulation du secteur audiovisuel doit être certes améliorée, mais maintenue dans ses principes. De ce fait, aller au-delà d’une meilleure coordination du CSA et de l’ARCEP – par la création, par exemple, d’une instance commune aux collèges des deux institutions – n’apparaît pas forcément nécessaire, en tout cas pour le moment. En tout état de cause, le maintien de deux collèges distincts apparaît indispensable, pour l’instant.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de l’audiovisuel public.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis des crédits de la presse. J’espère ne pas être condamné à parler éternellement de la crise de la presse car j’espère que nous trouverons ensemble un certain nombre de solutions à cette crise. Lorsque je pense à la crise de la presse me vient à l’esprit la formule d’Antonio Gramsci : « l’ancien monde n’arrive pas à mourir tandis que le nouveau n’arrive pas à naître ». Quant à la réponse qui est apportée depuis dix, voire quinze ans, elle correspond à une formule d’Edgar Faure : « l’immobilisme est en marche et rien ne l’arrêtera ! »

Il va maintenant falloir bouger les lignes. Les aides à la presse n’ont privilégié aucun investissement d’avenir depuis quinze ans. Nous nous attachons à maintenir un modèle ancien, qui n’a fait qu’accentuer les injustices. Il me semble que la question que nous devons nous poser aujourd’hui est : comment accompagner la transition en évitant la rupture ? Car la presse en ligne va remettre en cause les outils de production, les outils de distribution. Elle déstabilise les modèles économiques. Elle va ébranler les choix éditoriaux. Une refondation de tout l’écosystème s’impose donc.

Rappelons que la presse française est la presse la plus aidée, à hauteur de près d’1,2 milliard d’euros par an, pour un peu plus de 10 milliards de chiffres d’affaires. Les aides à la presse représentent donc environ 11 % de son chiffre d’affaires. On serait ravi de constater que cet effort favorise le développement du pluralisme. Hélas, on doit constater qu’à l’issue des États généraux de la presse écrite, France Soir a perçu de l’État une aide correspondant à cinquante centimes d’euros par exemplaire vendu, pour un prix de vente de cinquante centimes d’euros, alors que tout le monde savait que France Soir allait mourir ! On a imploré les banques de financer le groupe Hersant Média, dont on savait qu’il allait mourir. On pourrait également parler de La Tribune et de toute une forme de presse régionale qui est aujourd’hui en grande difficulté.

Tous ces problèmes n’ont pu être réglés cette année car il y avait une urgence : le sauvetage de Presstalis. Un héritage difficile nous avait été légué puisque le groupe de distribution de la presse était en situation de faillite.

À ce sujet, se pose aujourd’hui la question de l’avenir du système coopératif. Ce système, né en 1945, était fondé sur l’idée selon laquelle la presse – presse d’information, presse récréative, presse quotidienne, presse magazine – était une et indivisible. Le système reposait sur la solidarité des plus forts envers les plus faibles, tous les journaux étant distribués dans tous les points de vente du pays. C’est à ce titre que les plus forts ont bénéficié des aides à la presse.

Au moment où Presstalis a commencé à connaître des difficultés, elle a été confrontée à une concurrence croissante et déloyale des Messageries lyonnaises de presse (MLP) sur ses activités les plus rentables, à savoir la distribution des magazines, tout en gardant le segment de la distribution qui est déficitaire, à savoir celui des quotidiens. Les MLP ont capté une part croissante des clients de Presstalis en appliquant une politique de prix très agressive, sur laquelle Presstalis a été obligée de s’aligner, au risque de creuser son déficit d’exploitation. On savait cela mais on a laissé faire.

On peut se demander aujourd’hui si ces deux coopératives peuvent encore coexister. La ministre de la culture et de la communication a formulé des propositions qui me semblent intéressantes dans un premier temps, à savoir une coopération renforcée et une mutualisation croissante des moyens. Pour ma part, je pense que nous ne pourrons pas sauver le système coopératif sans aller vers une fusion. Les MLP doivent, en tout état de cause, participer à la prise en charge des surcoûts qui résultent de la distribution des quotidiens. C’est la raison pour laquelle on est en train de mettre en place une péréquation de ces coûts entre les deux messageries.

Le 13 septembre dernier, le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), organe professionnel de la distribution de la presse, a décidé la mise en place d’une péréquation, qui représente une contribution de l’ordre de 8 millions d’euros des MLP. L’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) a rendu cette décision exécutoire le 3 octobre 2012 mais les MLP ont déposé un recours auprès de la Cour d’appel de Paris, ce qui en dit long sur leur volonté de participer au sauvetage du système coopératif…

Si certains éditeurs confirment leur volonté de sortir du système coopératif, de reprendre leur liberté et de se considérer comme des entreprises comme les autres, il va de soi que rien ne justifiera plus qu’ils bénéficient d’aides à la presse, en particulier les aides au transport postal et le taux super réduit de TVA. Cela permettrait alors à l’État de prendre ses responsabilités dans la distribution de la presse d’information politique et générale et d’appliquer un taux super-réduit de TVA à la presse citoyenne en ligne.

On me dit que les salariés de Presstalis sont trop payés, que ceux des MLP ne le sont pas assez. Si l’on m’interroge sur le statut particulier des salariés de Presstalis, je rappellerai que ce statut a été souhaité par le groupe Hersant qui y voyait un intérêt pour concurrencer d’autres groupes de presse.

S’agissant des dépositaires, niveau deux de la distribution de la presse, leur restructuration implique que leur nombre passe de 137 à 99 mais on ignore qui va racheter les dépôts de Presstalis car il n’est pas certain que les dépositaires indépendants et les MLP en aient les moyens.

S’agissant de la TVA sur la presse en ligne, on ne peut plus maintenir un système dans lequel le magazine Gala bénéficie d’un taux super-réduit de TVA de 2,1 % tandis que les sites internet des journaux citoyens sont taxés à 19,6 %.

La régulation de la distribution de la presse doit également être améliorée. Le compromis, issu de la loi du 20 juillet 2011, est un attelage aussi inutilement complexe qu’inefficace : le CSMP, composé de professionnels, est « flanqué » d’une deuxième instance, l’ARDP, qui doit valider ses décisions. Tout cela parce que les éditeurs de presse avaient refusé le principe d’une régulation de la distribution par une autorité extérieure… J’espère que nous saurons faire, au cours de cette législature, la réforme que nous n’avons pas su faire au cours de la précédente.

Je voudrais également insister sur la nécessité de rationaliser les aides à la distribution. Peut-on raisonnablement continuer à aider simultanément le transport postal, le portage et la vente au numéro, trois modes de distribution qui se concurrencent, pour constater in fine que la diffusion de la presse dans son ensemble ne cesse de reculer ?

En continuant d’aider massivement le transport postal, on n’incite pas les éditeurs à basculer vers le portage, alors qu’il constitue une solution beaucoup plus adaptée pour la presse quotidienne. Et lorsque l’on accroît les aides au transport postal et au portage, on pénalise la vente au numéro, au détriment des diffuseurs, les grands oubliés du système de distribution de la presse, dont la situation ne cesse de se dégrader.

Je souligne également que nous avons perdu 30 % de journalistes en trente ans. Est-ce là le signe d’une presse en bonne santé ? Si les journalistes sont la variable d’ajustement d’une presse en difficulté, il ne faut peut-être pas s’étonner que la qualité et le lecteur ne soient pas au rendez-vous.

Je pense donc qu’il faudra cibler les aides sur la presse citoyenne, même si je suis d’accord pour reconnaître qu’elle n’est pas toujours vertueuse. On remarquera aussi qu’il y a presse en ligne et presse en ligne et qu’un effort de ciblage sera nécessaire. Quoi qu’il en soit, si la presse se fait sans journalistes, elle sera court-circuitée par les blogs et les réseaux sociaux.

En ce qui concerne les diffuseurs de presse, acteurs essentiels de l’aménagement du territoire, ils sont aujourd’hui les grands oubliés du système d’aides à la presse. Il y a en France un point de vente pour 2 000 habitants, contre un point de vente pour 1 000 ou 1 500 habitants dans la plupart des autres pays européens. On peut relever que l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse s’établit à 4 millions d’euros alors que le journal Télé 7 jours bénéficie à lui tout seul d’aides de l’État pour un montant de 7,2 millions d’euros.

Enfin, l’opération « Mon Journal offert », qui m’avait semblé une bonne idée lors de son lancement, n’est pas reconduite par le présent projet de loi de finances. J’avais jugé indispensable qu’elle soit évaluée, ce qui est chose faite. Il en ressort que, telle qu’elle a été mise en œuvre, cette aide pose un certain nombre de problèmes, notamment de répartition de son coût entre l’État et les éditeurs. L’espérance d’abonnement payant, à la fin de chaque opération, serait de l’ordre de 5 à 8 % des jeunes ayant reçu gratuitement le journal. Or, les études diligentées régulièrement par le ministère de la culture et de la communication montrent que pour la génération actuelle, le taux de lecture de la presse spontané est de l’ordre de 9 %. On n’est pas certain qu’il n’y ait pas des effets d’aubaine, l’abonnement profitant par exemple aux parents. Cette opération doit donc être repensée.

En conclusion, la priorité est de sauver la presse citoyenne et de bâtir l’écosystème qui lui permette de se développer en ligne. En matière d’aides à la presse, la justice exige des aides inégalitaires.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la presse.

Mme Sonia Lagarde, rapporteure pour avis des crédits du livre et des industries culturelles. Je présenterai, tout d’abord, les grandes lignes des crédits du programme Livre et industries culturelles. Dans un contexte budgétaire tendu, ce dernier connaît une légère diminution de ses crédits de paiement de l’ordre de
- 2,5 %.

Le choix a été fait de privilégier les actions décentralisées en préservant les crédits déconcentrés.

Ce programme comprend deux actions : la première action Livre et lecture a pour objectif de favoriser le développement de la création littéraire, d’encourager la pratique de la lecture et de soutenir la chaîne du livre. Ses crédits de paiement diminuent de près de 3 %.

Le Centre national du livre (CNL) est chargé d’encourager la création, l’édition et la diffusion des œuvres littéraires et scientifiques. À ce titre, le montant du budget pour 2012 est de 39,6 millions d’euros. Il comprend le produit de deux taxes qui lui sont affectées, une sur l’édition et l’autre sur les appareils de reprographie. À cela, s’ajoute une subvention de l’État de 2,8 millions d’euros au titre des transferts de compétence de soutien à certains organismes professionnels telle que l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC).

Pour 2013, on constate que les moyens du CNL sont réduits. En effet, les recettes issues des deux taxes ont été plafonnées à 33,3 millions d’euros ; quant à la subvention, elle ne sera pas reconduite.

L’État soutient un maillage dense de bibliothèques sur tout le territoire et joue un rôle pilote par l’intermédiaire de deux bibliothèques nationales : la Bibliothèque nationale de France (BnF) et la Bibliothèque publique d’information (BPI).

Les crédits accordés à la BnF sont en légère diminution de l’ordre de
- 1,16 %. Deux opérations mobilisent les crédits de la BnF : la première consiste en la rénovation du quadrilatère Richelieu, environ 14 millions d’euros sont budgétés pour une opération estimée à 212,8 millions d’euros. Le programme Livre et industries culturelles participera à hauteur de 137,6 millions d’euros, le reste étant financé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La seconde opération est la numérisation des œuvres détenues dans ses collections afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. En juillet 2012, le projet Gallica contenait 1,8 million d’ouvrages.

La BPI bénéficie d’une stabilité de sa subvention pour charges de service public qui s’élève à 7 millions d’euros. Depuis 2011, elle est engagée dans une démarche de rationalisation de ses dépenses, en réduisant ses dépenses de fonctionnement et de personnel.

La seconde action de ce programme, Industries culturelles, voit ses crédits de paiement augmenter de 6,8 %. Elle finance les politiques transversales en faveur du développement des industries culturelles, notamment le cinéma, le jeu vidéo, la musique enregistrée ainsi que la lutte contre le piratage des œuvres culturelles en ligne, par l’intermédiaire d’une autorité publique indépendante, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

1,8 million d’euros sont consacrés à la création musicale.

Pour le cinéma, 2,6 millions d’euros permettront de numériser des salles, particulièrement en province, et à soutenir des manifestations liées au cinéma d’auteur.

Quant à la lutte contre le piratage, la subvention de la Hadopi est diminuée de 27,3 % et passe à 8 millions d’euros contre 10,3 millions d’euros en 2012. Lors de son audition, la présidente de la Haute autorité a insisté sur l’insuffisance des crédits qui lui seraient alloués pour mener à bien ses missions et qui mettrait en péril la Hadopi.

J’ai déjà proposé, lors de l’audition de la ministre de la culture et de la communication, que soient recherchés les voies et les moyens d’un financement nouveau qui viendrait compléter les fonds de l’État afin d’aider la Haute autorité à assurer pleinement ses missions. Je sais que des consultations sont en cours avec le ministère pour augmenter ses crédits. Souhaitons qu’elles aboutissent, mais cela n’empêche pas la réflexion pour 2014.

L’arrivée du numérique bouleverse l’économie de la culture, particulièrement celle du livre. C’est pourquoi j’ai choisi de consacrer la seconde partie de mon rapport à la situation de la librairie.

En premier lieu, l’achat d’un livre qui se faisait autrefois dans sa librairie de quartier ou dans une grande surface spécialisée peut désormais s’effectuer via internet, avec tout un champ des possibles, livraison à domicile, commande sans contraintes d’horaires, catalogue exhaustif.

En second lieu, le livre physique se voit concurrencé par l’émergence d’un nouveau support : le numérique.

Exercer le métier de libraire devient difficile si on y ajoute d’autres facteurs, plus structurels liés à l’augmentation de leurs charges. On peut aisément dire que la marge des libraires diminue, ce qui place beaucoup d’entre eux dans une position d’extrême fragilité.

Tout n’est pas perdu pour autant ! L’expertise, l’accueil du libraire, son professionnalisme, sa passion, la proximité physique, l’agencement des points de vente sont des atouts pour ce secteur. Grâce à sa présence, le libraire participe à l’animation culturelle des régions, particulièrement dans les zones rurales, les collectivités territoriales d’ailleurs ne s’y sont pas trompées en les soutenant. Les librairies sont un maillon indispensable d’une vie culturelle à la française.

Cependant, si la France veut garder son réseau exceptionnel de librairies de par sa densité et sa qualité, la profession doit s’adapter et les pouvoirs publics la soutenir dans cette période de transition.

Voici quelques pistes de réflexion que je développe dans mon rapport.

Il convient en premier lieu de rationaliser le dispositif de soutien pour plus d’efficacité. Comme souvent, les aides au secteur ne manquent pas mais elles sont dispersées, voire redondantes. J’ai été frappée, au cours de mes auditions, par le nombre important d’acteurs, de dispositifs et au final par le manque de lisibilité que cela provoque.

En effet, les acteurs sont multiples. Au niveau de l’État tout d’abord, le Centre national du livre et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), accordent des subventions et des prêts. L’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), de son côté, apporte sa garantie aux établissements financiers pour l’octroi de prêts. Au niveau de la profession, l’ADELC a mis au point un mécanisme original, le portage d’actions pour la transmission de fonds de commerce. Enfin, les collectivités territoriales apportent elles aussi leur soutien.

On voit bien que les dispositifs foisonnent. Le libraire peut recourir à des aides pour créer ou reprendre un fonds de commerce, aménager ses locaux ou encore produire ou mettre en valeur des catalogues. Cette liste, de plus, n’est pas exhaustive !

Paradoxalement, malgré cette multitude de dispositifs, il est difficile pour un libraire d’obtenir une aide de trésorerie. C’est pourquoi la proposition développée dans le rapport de M. Bruno Parent de prélever quelques centimes supplémentaires sur toute commande d’ouvrage passée par le réseau DILICOM afin d’abonder un fonds de soutien aux librairies indépendantes me semble une piste, voire une proposition très intéressante. Cela permettrait de mettre dans la boucle du paiement la société Amazon qui propose des remises que les libraires ne peuvent pas toujours offrir, mais surtout de proposer la gratuité des frais de port comme Amazon. Or, il s’agit là de concurrence déloyale par rapport à la profession.

Face à cette multiplicité d’intervenants et de dispositifs, il est donc nécessaire de mieux coordonner ce soutien. Sans méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales, une meilleure articulation entre l’action de l’État et celle des collectivités permettrait d’apporter plus de cohérence dans la distribution des aides sur tout le territoire et de dresser enfin une cartographie des points de vente.

Rationaliser, c’est aussi mieux répartir les rôles. Selon la nature de l’aide, il serait opportun d’instituer un chef de file, voire d’instituer un interlocuteur unique au travers d’une structure déjà existante car il ne s’agit pas d’en créer une.

Enfin, il va de soi qu’une évaluation et un suivi de ces aides sont devenus indispensables.

En deuxième lieu, la librairie doit redevenir un commerce rentable. Cela passe, à mon sens, par une meilleure mutualisation de la profession. Je prendrai comme exemple les négociations de taux de remise sur les commandes de livres avec les distributeurs. Si les libraires arrivaient à se constituer en associations, voire à se fédérer afin de réaliser des achats groupés auprès des distributeurs, ils pourraient peser ainsi sur leurs conditions de remise et améliorer leur marge.

Cette rentabilité passe également par une meilleure formation. Être libraire c’est faire partager sa passion des livres, mais aussi gérer un commerce. Le libraire doit s’adapter à sa zone de chalandise et s’orienter vers une stratégie de l’offre.

Enfin, est-il admissible que la loi sur le prix du livre soit détournée par des opérateurs de vente en ligne qui incluent les frais de livraison dans la réduction autorisée des 5 % ? Une vraie réflexion doit être menée sur cette loi, qui doit mériter son titre de prix unique.

En troisième lieu, le libraire doit être un acteur du numérique. Il doit s’adapter aux nouveaux modes de consommation de ses clients et développer des sites de vente en ligne ; 13 % des ventes de livres s’effectuent par ce biais. Pour un libraire indépendant, les dépenses de création et de maintenance d’un site sont substantielles, d’où la nécessité de mutualiser les coûts et de créer des sites internet collectifs. L’échec du portail « 1001.librairies.com » doit être surmonté et une alternative doit voir le jour afin d’éviter qu’une part de marché prépondérante ne soit détenue par un seul opérateur.

Le libraire doit réfléchir à la manière de proposer à ses clients le livre numérique en complément au livre papier. Cela pourrait être sous forme de bornes dans son commerce, ou par l’intermédiaire d’un catalogue de références. Éditeurs et libraires doivent travailler en bonne intelligence en augmentant le nombre d’ouvrages disponibles en format numérique sans nuire évidemment au livre physique. Cette nouvelle organisation doit répondre à l’évolution du marché mais ne doit pas se faire au détriment de l’un. Il s’agit de s’organiser pour faire face à l’évolution du marché, d’élargir l’offre, tout simplement de répondre à la demande en offrant un service supplémentaire, complémentaire.

En conclusion, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du livre et des industries culturelles.

M. le président Patrick Bloche. Nous discutons ce matin de la seconde partie du projet de loi de finances, mais de nombreux sujets qui ont été abordés par nos rapporteurs ont fait l’objet de débats au cours de l’examen de la première partie, qui a été adoptée hier après-midi.

S’agissant de l’audiovisuel, la redevance sera augmentée de quatre euros, deux euros correspondant à l’indexation sur le coût de la vie auxquels s’ajoutent deux euros de relèvement exceptionnel.

Dans le secteur de la presse, nous pouvons nous réjouir de la prorogation des deux crédits d’impôt qui la concernent.

Dans le domaine des industries culturelles, il a été mis fin au plafonnement, introduit l’an passé, des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Un prélèvement de 150 millions d’euros est par ailleurs effectué sur la trésorerie du CNC.

Soulignons également la prorogation et l’amélioration du crédit d’impôt en faveur de la production phonographique.

M. Marcel Rogemont. Je souhaiterais que les rapports puissent être mis à disposition des commissaires au moins quarante-huit ou vingt-quatre heures à l’avance.

Sur le fond, je salue le courage et la liberté du propos de Mme Martine Martinel.

Je remarque d’ailleurs que certaines des préconisations émises dans votre rapport sur le projet de loi de finances pour 2012 consacré à l’audiovisuel extérieur de la France (AEF) sont en train d’être mises en œuvre, par exemple celle concernant la sortie de TV5 Monde de l’AEF, et que la gouvernance de cette entité connaît de notables améliorations.

S’agissant de France Télévisions, vous posez une question que j’avais moi-même soulevée lors de l’audition de Mme la ministre de la culture et de la communication : ne faudrait-il pas asseoir le financement de France Télévisions uniquement sur la redevance ? Cela constituerait une garantie de stabilité de ses crédits que n’apporte pas le financement par une dotation du budget de l’État. Je pense que cette orientation doit être mise en œuvre au cours de cette législature.

En ce qui concerne le CSA, l’indépendance dont jouit cette autorité ne l’autorise pas à refuser de transmettre des informations à la représentation nationale. Le président de notre Commission devrait peut-être saisir Mme la ministre de la culture et M. le président du CSA du refus que s’est vu opposer Mme Martine Martinel à sa demande de communication de chiffres sur la concentration du paysage radiophonique. Il est anormal que ces informations n’aient pas été transmises.

Je considère par ailleurs qu’un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP est sans doute préférable à une fusion de ces deux autorités. Je partage l’orientation défendue par Mme Martine Martinel quant à la nomination en janvier de trois nouveaux membres du CSA, sans qu’il soit question d’intérim. Des réflexions sont à mener sur le nombre de membres du CSA, ses compétences, éventuellement dans le cadre d’un dispositif plus large intégrant l’ARCEP.

Je salue à nouveau le courage des positions et propositions de la rapporteure pour avis, que le groupe SRC veillera à faire prospérer.

M. Franck Riester. En saluant le travail très dense et approfondi des rapporteurs, je m’associe au vœu de M. Marcel Rogemont de pouvoir disposer des rapports suffisamment à l’avance.

M. le président Patrick Bloche. Nous allons nous efforcer de travailler avec les rapporteurs et les services de la Commission pour essayer de transmettre les projets de rapport vingt-quatre heures avant la réunion de commission.

M. Franck Riester. Je rappelle les propos de M. François Hollande qui promettait, pendant sa campagne électorale, une sanctuarisation des crédits de la culture. Cet engagement n’est pas tenu : la ministre de la culture a beau avoir récusé notre analyse, alors que les crédits du ministère avaient augmenté de 20 % au cours du précédent quinquennat, les crédits de la mission « Médias » baissent de 13 % et une diminution de 30 % est programmée pour les trois années à venir.

La première victime de ces baisses est France Télévisions : Mme Martine Martinel a évoqué une remise en cause des engagements de l’État, mais c’est l’actuel gouvernement qui en est responsable. Les engagements souscrits dans le contrat d’objectifs et de moyens ne sont pas tenus, et France Télévisions voit ses ressources diminuer de 196 millions d’euros. L’augmentation de deux euros de la redevance, qui résulte de l’indexation sur le coût de la vie, prévue par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et qui devrait représenter 50 millions d’euros supplémentaires, ne compensera pas cette diminution. Une fois encore, l’augmentation des impôts s’est imposée avant toute réflexion stratégique.

Je déplore la sévérité des propos de la rapporteure à l’encontre de la direction de France Télévisions. Des efforts importants ont été réalisés par France Télévisions dans les domaines des achats, du numérique ou du rapprochement des rédactions. Une redéfinition des missions de France Télévisions est sans doute nécessaire, mais elle doit constituer un préalable à tout ajustement des moyens, et non l’inverse.

Je regrette par ailleurs l’absence totale de stratégie gouvernementale s’agissant d’un éventuel rapprochement entre le CSA et l’ARCEP.

La filière musicale est quant à elle sacrifiée, notamment à travers l’abandon du projet de création d’un Centre national de la musique. Fort heureusement, à la suite d’initiatives parlementaires auxquelles j’ai d’ailleurs participé, le gouvernement a choisi de maintenir le crédit d’impôt sur la création phonographique. Je déplore que ce choix n’ait pas figuré dans le projet de loi de finances dès son dépôt par le gouvernement.

Un rude coup est porté à la lutte contre le piratage des œuvres culturelles en ligne : même si je salue la volonté de dialogue avec la Hadopi manifestée par Mme la ministre de la culture et de la communication, la diminution des crédits alloués à cette autorité est un mauvais signal au moment où celle-ci commence à obtenir des résultats.

S’agissant du secteur de la presse, certes les dernières années ont été marquées par un certain immobilisme et par les bouleversements liés au numérique. Les États généraux de la pesse écrite ont permis d’aboutir à des avancées, certes insuffisantes. Il est nécessaire de travailler sur une amélioration des dispositifs de soutien, mais la baisse des crédits qui intervient cette année, avant toute réflexion stratégique, n’est pas de bonne méthode.

Enfin, je partage le constat d’un soutien nécessaire à la librairie indépendante, mais je suis en désaccord avec les orientations de ce budget marqué par une baisse des soutiens en sa faveur.

Mme Isabelle Attard. Je veux saluer le travail des rapporteurs. En ce qui concerne le secteur audiovisuel, les injonctions adressées ces dernières années à France Télévisions ont été profondément contradictoires : il s’est agi de concilier la suppression de la moitié de la publicité et une diminution des crédits budgétaires de l’État, dans un contexte de marché publicitaire morose et de réformes organisationnelles contradictoires. On ne peut aboutir qu’à un désastre. Parmi les contradictions, on peut également relever les objectifs en termes de création, alors que dans le même temps les économies réclamées vont grandissant, ou bien l’indépendance sans autonomie stratégique. France Télévisions est également pressée de renoncer à toute course à l’audience, mais le contrat d’objectifs et de moyens prévoit d’évaluer les équipes sur ce fondement. 180 millions d’euros d’économies doivent être réalisées, mais il ne peut être question de mettre en œuvre un plan social. Comment mieux étouffer un service public qu’en le plaçant face à de telles incohérences ? Je forme l’espoir que tous les efforts budgétaires seront faits pour permettre à France Télévisions de travailler dans les meilleures conditions.

Je me réjouis du maintien d’un taux de TVA réduit sur le livre numérique, qui devrait même repasser à 5,5 % au 1er janvier 2013, et ce en dépit de l’opposition de la Commission européenne.

S’agissant de la presse, les « pure players », journaux en ligne qui ne font pas l’objet d’une diffusion sous forme imprimée, ne bénéficient pas du taux de TVA réduit de 2,1 %. Le législateur doit accompagner les évolutions rapides de ce secteur. Une baisse de la TVA augmenterait le nombre de lecteurs, ce qui serait très positif pour notre démocratie.

Par ailleurs, dans le contexte des nombreuses procédures impliquant Amazon, je considère qu’il faut cesser de chercher à concurrencer Amazon sur son propre terrain, celui de la baisse des prix. C’est au contraire en développant d’autres activités que les librairies indépendantes pourront maintenir leur activité, grâce à l’organisation d’événements culturels, de séances de dédicaces ou par la mise en avant de produits locaux.

Mme Marie-George Buffet. Je tiens tout d’abord à remercier nos trois rapporteurs pour la qualité de leurs travaux, qui nous apportent énormément d’éléments de réflexion.

S’agissant de France Télévisions, la rapporteure Martine Martinel a employé des mots assez solennels pour évoquer l’instabilité financière du groupe, les difficultés entourant la définition de ses missions et le rapport entre ces missions et les chaînes. Bref, elle nous a décrit une situation inquiétante. Or, France Télévisions occupe une place importante dans le rapport de nos compatriotes à la connaissance, à la culture et à l’actualité. Aussi, je regrette profondément que l’Assemblée nationale n’ait pu avancer, lors des débats relatifs à la première partie du projet de loi de finances, sur les pistes évoquées ce matin, qu’il s’agisse d’une augmentation de la redevance, des droits de propriété ou d’un élargissement des fenêtres de la publicité.

Pour ce qui concerne l’audiovisuel extérieur de la France, notre vigilance s’exercera pour qu’au fil des mois RFI conserve de réels moyens pour développer sa propre activité et son identité.

Sur la presse, nous partageons les conclusions du rapport de M. Michel Françaix. Des décisions sont nécessaires pour préserver le système coopératif de la distribution et, par là même, la presse citoyenne qui ne manquera pas de s’éteindre si plusieurs quotidiens nationaux ou régionaux ne peuvent plus être diffusés. La solution réside dans la fusion des messageries. Il n’est plus possible de rester dans un paysage où une seule messagerie assume les contraintes, ce qui risque de la condamner à mourir, tandis que l’autre poursuit comme seul objectif de faire le plus d’argent possible. Je rappelle qu’à midi, les salariés de Presstalis – ils sont 1 200 à voir leur emploi menacé – vont manifester pour la défense de leurs emplois. Il est donc plus que temps d’avancer sur cette question. Naturellement, les aides à la presse doivent également être préservées car il en va de la sauvegarde de l’information démocratique et d’enjeux véritablement sociétaux, seuls les groupes de presse de loisirs atteignant aujourd’hui un équilibre économique garantissant leur viabilité.

Enfin, il importe de souligner ici que, pour la première fois, cette année, le nombre de fermetures de librairies en Ile-de-France a dépassé le nombre d’ouvertures. Dans certaines villes, il n’existe plus aucun point de vente de livres. Ce constat appelle à travailler à la rationalisation et au maintien des aides aux librairies.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR s’abstiendra sur le vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » pour 2013.

M. Michel Pouzol. Notre collègue Frank Riester a déclaré tout à l’heure qu’il y avait eu trop d’immobilisme. Je le remercie de cet aveu éclairant sur le bilan de la majorité précédente, que nous devons affronter aujourd’hui.

En ce qui concerne France Télévisions, je suis d’ailleurs surpris de l’argumentation de nos collègues UMP. Alors qu’ils ont accumulé les déficits publics au cours des dix années passées, ils reprochent aujourd’hui au groupe SRC de ne pas procéder à des économies. Et quand il est question de solliciter des efforts de gestion de la part de France Télévisions sans remettre en cause la réalisation de ses missions, la nouvelle majorité se voit reprocher de ne pas dépenser assez. Cherchez la cohérence ! Il y a là une différence majeure avec nous, qui portons une vraie stratégie et un vrai projet.

Sur la presse, je remercie M. Michel Françaix pour la qualité de son travail. Il a décrit un budget d’urgence et de sauvetage, tout en esquissant la nécessité de repenser un système d’aides à la presse dont l’efficacité peut être mise en doute, au regard des exemples retentissants de France Soir, du groupe Hersant ou de Presstalis. Une réflexion globale doit effectivement être menée et le rapport ouvre à cet égard des pistes intéressantes pour les années à venir, qu’il s’agisse de la pertinence des aides à La Poste, des aides au portage, mais aussi du livre numérique. À cet égard, j’ai pu constater l’été dernier à Londres que les Britanniques se sont bien plus largement que nous emparés de cet outil, ce qui me fait penser que cette révolution ne tardera pas à concerner la France.

En tout état de cause, ce budget nous permet de répondre à l’urgence qui se dresse devant nous. Alors qu’Antonio Gramsci déclarait que l’ancien monde ne parvient pas à mourir tandis que le nouveau n’arrive pas à naître, notre défi est aujourd’hui d’éviter que l’ancien monde ne meure trop rapidement et notre responsabilité commune de tout faire pour que le nouveau monde naisse. Il me semble que la situation de la presse et du livre est suffisamment dramatique pour que ces objectifs fassent consensus parmi nous.

M. Frédéric Reiss. J’ai découvert avec intérêt le rapport décoiffant, pour ne pas dire décapant, de Mme Martine Martinel. J’aurais néanmoins aimé qu’y figure la liste des personnes auditionnées, comme dans les deux autres rapports examinés ce matin.

Comme M. Franck Riester, je considère que la hausse de la redevance dans le projet de loi de finances pour 2013 ne suffira pas à financer l’audiovisuel public. Comme dans d’autres domaines, la gauche veut tout remettre à plat. Le groupe UMP se montrera particulièrement attentif à la traduction de ces orientations budgétaires, car le COM 2011-2015 de France Télévisions comportait des perspectives intéressantes qu’il serait bienvenu de conserver – je pense à la montée en puissance des programmes régionaux, au développement du numérique, à l’investissement dans les œuvres audiovisuelles –, dont la mise en œuvre demande une certaine durée et qui risquent ainsi de se voir remises en cause. Je pense également que l’objectif de diffuser une information et des œuvres de tous genres et de satisfaire tous les publics dans un contexte budgétaire contraint sera une équation difficile à résoudre.

Mme Brigitte Bourguignon. Je félicite nos trois rapporteurs pour leurs travaux. J’ai porté, plus particulièrement mon attention sur l’avis relatif au livre et aux industries culturelles.

Ce budget pour 2013 est responsable et répond aux exigences, en préservant le livre et les industries culturelles, notamment en ce qui concerne l’accès du plus grand nombre sur tout le territoire. La concertation menée par le ministère avec le secteur du livre, les éditeurs et les collectivités locales prend tout son sens aujourd’hui et elle s’inscrit au premier plan des politiques publiques qui seront menées sous cette législature. On ne peut que s’en féliciter tous.

D’autre part, on doit relever que la diminution du taux de la TVA sur le prix du livre a constitué un véritable appel d’air pour les librairies indépendantes, auxquelles nous sommes tous attachés, même si des ajustements demeurent nécessaires. Je soulignerai néanmoins la spécificité du métier de libraire, qui s’appuie moins sur le ressort financier que sur la passion. J’estime moi aussi qu’il doit relever le défi numérique. De ce point de vue, le ministère ne peut se substituer aux acteurs ; il a le souci, c’est son rôle et sa force, de faire évoluer le cadre juridique applicable.

Face à la concurrence d’Amazon, le rempart de nos librairies traditionnelles est le prix unique du livre : au Royaume-Uni, les librairies ferment parce que le prix unique du livre n’y a pas été maintenu. La question des frais de port se pose néanmoins, car c’est le levier principal dont se sert Amazon aujourd’hui.

Certes, le portail « 1001.librairies.com » initié par le Syndicat de la librairie française est un échec. Toutefois, cela souligne moins que l’idée est mauvaise que la nécessité de retravailler le dispositif. Je pense, en outre, qu’il faut réfléchir à l’accès des libraires aux marchés publics des livres achetés par les bibliothèques ; c’est une piste qu’il convient, à mon sens, de travailler, même si des conclusions sur le sujet seront bientôt rendues à Bercy.

Pour ce qui concerne la Hadopi, au-delà des moyens, il me semble nécessaire de considérer la question de l’efficience du dispositif. Les conclusions en la matière manquent pour l’instant, ce qui me conduit à émettre des réserves.

Enfin, j’observe que la suggestion de taxer chaque ligne de commande d’ouvrages passée par le réseau DILICOM n’est pas accueillie favorablement ni par les libraires, me semble-t-il, ni par les éditeurs qui doutent même de son caractère productif. Je pense donc que la réflexion sur une telle proposition doit se poursuivre.

M. Gérald Darmanin. Dans son rapport, Mme Martine Martinel évoque la problématique de la fusion entre le CSA et l’ARCEP tout en expliquant que ni l’une ni l’autre de ces deux autorités administratives indépendantes ne veulent d’un tel rapprochement. J’observe également que la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), répondant à une interrogation de notre collègue Lionel Tardy lors de son audition par la Commission des lois de notre Assemblée, s’est elle-même montrée réservée sur l’idée d’un rapprochement de son autorité avec le CSA ou l’ARCEP. Autrement dit, aucune autorité administrative indépendante ne souhaite disparaître. Or, dans un contexte budgétaire difficile, il me semble que le législateur ne peut perdre de vue la question principale : celle de l’efficience, du rapport coût / efficacité. J’aimerais donc connaître plus avant le point de vue de notre rapporteure pour avis sur le sujet. Comment réaliser des économies sur les dotations de ces autorités administratives indépendantes, rendre leur action plus efficace et engager leur rapprochement ?

M. Vincent Feltesse. Il me semble important de souligner que la crise des librairies en France ne résulte pas uniquement de l’arrivée du livre numérique, car son développement dans notre pays est assez faible. D’ailleurs les libraires eux-mêmes reconnaissent que ce n’est pas Amazon qui va les faire disparaître puisqu’ils auront disparu bien avant que ce concurrent n’ait pris une position dominante. Avant de résoudre le problème de la transition vers le numérique, il convient de mettre en place un plan d’action à court terme.

La loi relative au prix du livre du 10 août 1981 a permis de préserver le réseau des librairies indépendantes en France, sans coûter beaucoup aux finances publiques. D’autres paramètres, tel le coût des loyers et du foncier, évoqué de manière très intéressante par le rapport Piron-Charié, ou l’accès aux marchés publics mériteraient d’être examinés plus en détail.

Il faut en outre souligner que les acteurs du livre ne sont pas unis. La baisse du taux de TVA sur le prix du livre, notamment, a représenté une vraie difficulté pour les libraires puisque les éditeurs n’ont pas pris position. Il y a d’ailleurs un jeu de rôles parfois pervers, les éditeurs expliquant par exemple aux auteurs qu’ils peuvent les payer moins car ce sont les libraires vont financer certaines opérations d’animation.

Enfin, chacun voit bien que la régulation à l’ère du numérique, ainsi que la fusion entre l’ARCEP et le CSA sont des sujets complexes et passionnels, qui traversent les courants politiques. Ce n’est pas le président de notre Commission qui me contredira. Je pense que, sur cette question, la représentation nationale devrait anticiper les décisions en menant, en parallèle de la mission confiée à M. Pierre Lescure, sa propre réflexion.

M. le président Patrick Bloche. Ne me tentez pas trop !

M. Christian Kert. Madame Martinel, la mesure visant à supprimer la publicité sur France Télévisions à partir de 20 heures n’a pas été prise « comme ça ». Elle a été précédée d’une véritable réflexion, nourrie par un constat. En effet, il devenait visible qu’il n’y avait quasiment plus de différence entre les écrans publics et les écrans privés. Dès lors, il fallait tenter de dissocier l’aspect marchand de la télévision de son aspect culturel. Il fallait par conséquent faire moins dépendre l’audiovisuel public de la publicité. On peut certes contester ce choix, mais il est le fruit d’une réelle politique en matière d’audiovisuel public.

En outre, cette décision tenait compte de « l’éclatement » du marché publicitaire – désormais partagé entre dix-neuf chaînes –, cette donnée rendant d’autant plus nécessaire une décision concernant la trop grande dépendance du secteur public. On en attendait de plus une retombée « intellectuelle », avec l’émergence de programmes davantage différenciés et moins attachés à la publicité. À cet égard, selon vous, madame la rapporteure, faut-il revenir sur cette décision ou considérez-vous que l’aspect qualitatif doit continuer de primer, ce qui impliquerait que les écrans publics soient toujours dispensés de publicité à partir de 20 heures ?

Par ailleurs, j’aimerais interroger M. Michel Françaix sur les aides à la presse, dont il a souligné, avec justesse, le caractère prioritaire. Concrètement, que faudrait-il faire pour « redisposer » ou réaménager ces aides ? Ne faudrait-il pas renforcer les crédits destinés à l’aide au portage, au lieu de ceux destinés à La Poste ?

M. Yves Daniel. Clairement, la distribution de la presse en milieu rural constitue un enjeu de service public. Elle est aussi un enjeu économique, les commerçants qui participent à cette mission pouvant ainsi conforter leur activité. Cette politique constitue, enfin, un enjeu social, parce qu’elle permet d’entretenir, dans certaines zones isolées, le lien social. Je voudrais donc être rassuré sur le sens que donne M. Michel Françaix à la préconisation de son rapport selon laquelle « Une réflexion s’impose donc sur ce que peut être la bonne combinatoire entre portage, postage et vente au numéro, en fonction du type de presse mais aussi de la zone géographique concernés, et sur la manière la plus intelligente de répartir l’aide publique en fonction de ce qui en ressort ». Malgré la prise de conscience généralisée des difficultés que connaît la presse, il faut aussi s’inquiéter de la disparition de petits commerces essentiels au maillage des territoires. Je souhaitais appeler l’attention du rapporteur sur cette urgence.

M. Michel Herbillon. Je remercie Mme Sonia Lagarde d’avoir insisté sur l’urgence à aider les librairies indépendantes. Mais puisqu’il faut agir vite, selon quelles modalités conviendrait-il de le faire, et avec quelles aides ? À M. Michel Françaix, je poserai la même question : que faire pour améliorer, dans de brefs délais, le dispositif du portage ? Quelles sont vos propositions en la matière ?

Quant à Mme Martine Martinel, je suis toujours surpris de cette contradiction entre votre affabilité et votre élégance naturelles et vos propos au vitriol sur France Télévisions – c’est la deuxième année de suite que je la relève. Notre rapporteure parle en effet de « difficultés », « défaut de pilotage ». On a le sentiment d’être à l’« année zéro » de l’audiovisuel public ou qu’il n’y pas eu, ces dernières années, de débat sur le sujet… Ce niveau de critique revient à remettre en cause le travail des dirigeants et des équipes de France Télévisions, pourtant considérable. En outre, celui-ci s’effectue, aujourd’hui, dans un contexte de diminution des crédits – 196 millions d’euros de subventions en moins et une baisse de 30 % des crédits de la mission « Médias ». Dans un tel contexte, on ne peut plus imputer la responsabilité de la situation de la télévision publique à ses seuls dirigeants… Je voudrais d’ailleurs demander à notre collègue comment l’audiovisuel public pourra assurer ses missions et les nouvelles missions qu’elle propose avec autant de crédits en moins. Nous serons, de toute manière, obligés de revoir le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions. Or comment fait-on face à un contexte aussi dégradé, surtout quand on ajoute vos propos à ceux de la ministre qui a opposé, publiquement, la qualité et l’audimat alors qu’ils doivent, selon moi, se rejoindre ?

Mme Claude Greff. Je vous trouve bien sévère, Mme Martine Martinel, avec France Télévisions et, surtout, avec le CSA. Or, s’agissant de la télévision raccordée à internet, il y a là un vrai danger et il était judicieux que le CSA propose des solutions pour protéger nos enfants. En ce qui concerne la presse, M. Michel Françaix, vous évoquez « la presse citoyenne ». Mais que veut dire cette expression ? Voulez-vous opposer les différentes presses entre elles, comme vous le faites d’ailleurs avec les Français ? Je ne vois pas en quoi la lecture de Gala, qui est lu par des millions de concitoyens, ne mériterait pas notre attention, comme d’autres publications. Mais il est vrai aussi que l’une d’entre elles a titré « les cocus de M. Hollande », ce qui ne doit pas vous plaire… D’ailleurs, à suivre l’évolution du budget de la culture, on peut se demander si celle-ci n’en fait pas partie.

M. Lionel Tardy. Je souhaiterais aborder la question de l’exploitation des fonds numérisés. L’article 11 de la loi du 11 juillet 1978 portant régime général des archives fixe un régime particulier pour les données culturelles. Un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 4 juillet 2012 semble sérieusement remettre en cause ce statut : l’open data, accès libre et gratuit à des données réutilisables, concerne également les données culturelles détenues par les institutions culturelles. Quelles recettes sont actuellement tirées de l’exploitation de ces fonds numérisés et sont-elles menacées ?

L’équilibre des grandes institutions culturelles est en effet fragile, et on les incite beaucoup à exploiter leurs fonds pour trouver des recettes propres. Certains, comme M. Pascal Rogard, délégué général de la SACD, plaident pour un domaine public payant où l’État et les personnes publiques géreraient le domaine public comme un propriétaire privé gère son patrimoine. Cette solution me gêne beaucoup, car ce serait un dévoiement du domaine public, qui est un bien commun. La question est toutefois posée : quelles peuvent être les ressources propres pour les institutions culturelles, à partir de l’exploitation de leurs fonds ?

Ma deuxième question porte sur la numérisation des œuvres détenues dans les collections de la BnF. Où en est-on ? Il semblerait qu’il y ait quelques soucis avec le prestataire, tant dans la mise en œuvre, qui a pris du retard, que sur la qualité de la numérisation, avec des dégradations sur les ouvrages numérisés. Ces difficultés ont-elles été résolues et quel en a été l’impact financier ?

Ma dernière question aura trait à l’accord signé en juin dernier entre le Syndicat national de l’édition française et Google qui prévoit que les deux parties établiront des listes d’œuvres numérisables. Quel en sera l’impact alors que la loi du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle a chargé la BnF de sélectionner avec les éditeurs les œuvres qui feront l’objet d’une numérisation. Cette opération devait être financée par le Grand emprunt. Qu’en est-il ?

M. le président Patrick Bloche. Je me permets de faire une brève intervention sur le fond de nos débats. La confrontation des points de vue se fait, spontanément et naturellement, sur France Télévisions. L’opposition défend un bilan qui s’étend sur dix années et la nouvelle majorité défend, logiquement, les positions qui étaient les siennes sous les précédents quinquennats. Bien entendu, nous nous retrouvons tous autour de la nécessité de défendre un audiovisuel public de qualité. Mais, ces dernières années, des décisions ont été prises et elles pèsent lourd, comme je l’ai rappelé vendredi dernier, dans l’hémicycle.

Entre 2002 et 2009, il n’y pas eu d’augmentation de la redevance – elle n’était alors pas indexée sur le coût de la vie. En 2005, la redevance sur les résidences secondaires a été supprimée, ce qui a représenté 300 millions d’euros de manque à gagner. En 2009, enfin, la publicité en soirée sur les chaînes publiques a été supprimée, soit 450 millions d’euros en moins pour l’audiovisuel public, cette dernière décision était motivée par la volonté de sortir ce secteur de sa dépendance à l’égard des ressources publicitaires et de l’audimat.

Or, que s’est-il passé en dix ans en ce qui concerne le financement de l’audiovisuel public ? En 2002, celui-ci reposait sur deux piliers, la redevance et la publicité. Dix ans après, plus précisément à partir de 2009, le budget de l’État est fortement sollicité pour compenser ces différents manques à gagner. Certes, on me fera valoir la taxe sur les opérateurs de télécommunications, mais celle-ci rapporte non pas 450 millions d’euros, mais seulement 250 environ et fait actuellement l’objet d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne qui rendra sa décision mi-2013. Certes, il y a toujours les recettes publicitaires en journée, soit 350 millions d’euros en 2009, montant à 410-420 millions en 2011 pour retomber à 350 millions cette année… Combinés, tous ces éléments conduisent à solliciter de manière continue le budget de l’État alors que nous connaissons une période de restrictions budgétaires. Quand on ne parvient pas à « joindre les deux bouts », on peut être amené à augmenter, de manière exceptionnelle, la redevance de 2 euros. Il nous faudra donc être imaginatifs, même si, au final, la solution sera binaire et reviendra à agir soit sur les recettes publicitaires, soit sur la redevance.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Je reconnais que ce rapport, qui concerne un sujet particulièrement complexe, a été mis tardivement à la disposition des commissaires. Cependant, si celui-ci ne contient pas la liste des personnes auditionnées, ce n’est nullement en raison d’une volonté de rétention de l’information, mais simplement parce que celle-ci n’est pas encore finalisée. Je peux néanmoins vous confirmer que j’ai reçu l’ensemble des représentants des chaînes publiques et privées, du CSA, de l’ARCEP, du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions (SIRTI) et des différents syndicats.

Si ce rapport est « décoiffant », j’espère au moins que la rapporteure n’est pas décoiffée ! Vous jugez mon constat trop sévère sur France Télévisions : je pense qu’un rapporteur doit remplir sa mission de contrôle, faire un constat objectif de la situation, dire ce qui est utile pour le débat public et éviter la flagornerie. Le constat dressé par ce rapport doit permettre de nourrir le débat pour la future loi sur l’audiovisuel que nous appelons de nos vœux.

M. Michel Herbillon. Je trouve ce rapport très anxiogène pour les salariés de France Télévisions.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Les salariés de France Télévisions que j’ai rencontrés sont surtout très angoissés par la situation actuelle. Le rôle du rapporteur est aussi de relayer ce qui a été dit en audition et non de travestir la réalité.

Mme Claude Greff. Il est regrettable que le rapport ait été mis à la disposition des députés si tardivement…

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Certes vous en prenez connaissance ce matin, mais, Mme Claude Greff, vous semblez être une excellente lectrice de Gala, je ne doute donc pas que vous soyez aussi une excellente lectrice des rapports parlementaires. Sur le fond, je suis favorable à une consolidation des moyens de France Télévisions, mais cela ne peut se faire sans contreparties du groupe en matière de gestion. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître qu’il existe des problèmes de gestion. S’agissant du financement public, le gouvernement précédent a, comme M. Franck Riester le sait parfaitement, diminué chaque année la subvention, au motif qu’il y aurait eu des excédents publicitaires.

Je me contenterai de citer le rapport : « le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2011-2015 de France Télévisions, signé en novembre 2011, prévoyait un niveau de ressources publiques en croissance moyenne de 2,2 % par an sur la période. Rappelons que ce COM »  signé sous votre majorité « était basé sur une trajectoire de recettes publicitaires que la rapporteure pour avis avait jugée irréaliste. (…) S’agissant des ressources publiques, rappelons que les engagements du COM ont été remis en cause quelques semaines après sa signature, à travers une réduction de 15 millions d’euros de la dotation de France Télévisions en loi de finances initiale, suivie d’une réduction de 6 millions d’euros en première loi de finances rectificative pour 2012, et enfin de 6 millions d’euros par gel de la réserve de précaution… Pour 2012, les ressources publiques du groupe sont donc déjà en recul de 27 millions d’euros par rapport aux hypothèses du COM. Cette réduction s’ajoutant au recul des recettes publicitaires, pour 2012, les ressources sont donc inférieures de 77 millions d’euros aux prévisions. » Le premier responsable de cette situation n’est donc pas France Télévisions mais bien l’État.

M. Michel Herbillon. Je regrette qu’on évoque une fois de plus l’héritage !

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Mme Claude Greff trouve que mon constat sur le CSA est trop sévère. Pourtant, la rapporteure que je suis ne peut que constater certaines anomalies et certaines zones d’ombre. Mon objectif est d’améliorer la régulation du secteur de l’audiovisuel – notamment dans le cadre d’un rapprochement avec l’ARCEP – et la faiblesse des actions du CSA peut être préjudiciable au secteur. Trouvez-vous normal que le CSA ait lancé six nouvelles chaînes sans études d’impact et sans consultation préalable, qu’il dénumérote des chaînes locales en grande difficulté ou qu’il refuse de communiquer aux parlementaires des chiffres permettant de vérifier le respect de la loi ? Si tel est le cas, nous sommes en désaccord. S’agissant de la télévision connectée, je dis seulement qu’à ce stade, les observateurs montrent que son impact est limité.

L’audiovisuel extérieur de la France et les relations entre l’ARCEP et le CSA n’ont pas été oubliés dans le rapport. En conclusion, je pense qu’une réflexion sur France Télévisions, ses missions, l’identité de ses chaînes et de ses ressources, y compris la publicité et le partage des droits de propriété avec les producteurs, est indispensable afin de garantir un service public de qualité.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. Rapportées au nombre de journaux vendus, les aides à la presse n’ont pas baissé, bien au contraire. La presse bénéficie d’un total d’aides qui représente environ 11 % de son chiffre d’affaires, contre un peu plus de 9 % il y a quelques années. Il faut donc tenir compte de la diminution du nombre de journaux vendus pour juger de l’évolution de ces aides, même si je souhaiterais aussi que ces aides augmentent. Certes la situation de Presstalis a fait perdre du temps, mais cet organisme était au bord du dépôt de bilan et il a fallu trouver des solutions. Le dispositif proposé est satisfaisant même si je reconnais qu’il comprend une part de « rafistolage ». S’agissant de la TVA numérique, je ne suis pas favorable à un taux de 2,10 % pour toute la presse en ligne, mais pour la presse numérique dans laquelle travaillent des journalistes.

Je suis favorable, comme l’unanimité d’entre nous, au développement du portage pour la presse. Mais l’aide postale freine le développement du portage, alors même que La Poste ne répond pas aux besoins de la presse quotidienne, car elle livre les abonnés bien trop tard. Le problème du portage est qu’on ne sait pas quel acteur est le plus efficace pour l’effectuer et comment limiter le coût du dernier kilomètre. Il ne faut pas que le portage se concentre sur les seules zones rentables, ce qui est le cas aujourd’hui. La question du portage est donc particulièrement complexe et il faut réfléchir à toutes les pistes envisageables pour le développer, notamment la globalisation des aides à la distribution, qui permettrait à chaque éditeur de se distribuer selon le vecteur le plus adapté. Je rappelle néanmoins que les abonnements à la presse régionale sont déjà portés à 83 %, ce qui peut laisser penser que le développement du portage atteint un plafond pour ce type de presse. La presse quotidienne régionale a d’ailleurs largement bénéficié des aides au développement du portage. En 2011, elle a perçu 48 millions d’euros d’aide au portage alors que le nombre d’exemplaires de presse régionale portés n’a pas augmenté. Pour améliorer l’efficacité de l’aide au portage, il faut également trouver le bon calibrage entre l’aide au flux et l’aide au stock.

Je dirai que la presse « citoyenne » est celle dans laquelle les idées de droite, de gauche ou du centre peuvent être défendues. Les autres journaux, de sport ou de loisirs par exemple, n’ont pas besoin d’une aide du contribuable et je suis favorable à ce que la presse citoyenne soit privilégiée en matière d’aides.

Mme Sonia Lagarde, rapporteure pour avis. Concernant Amazon, il ne s’agit pas bien entendu de faire de la concurrence à un acteur aussi puissant que celui-ci. Il s’agit simplement de s’organiser. On a constaté l’échec du portail « 1001.librairies.com » mis en place par le Syndicat de la librairie française. Il faut aujourd’hui trouver une solution alternative et prendre place dans le dispositif, comme la profession en convient unanimement.

Concernant les animations qui peuvent être faites en librairie, il importe de les développer. Elles constituent un vrai service qu’apportent les libraires et que ne peuvent pas fournir les prestataires de vente en ligne.

Par ailleurs, le reproche m’a été fait de n’avoir pas évoqué la question des loyers des librairies. J’en fais état pourtant dans mon rapport que je me permets de citer : « Selon le Syndicat de la librairie française, la marge des libraires se situe dans une fourchette allant de 0,6 % à 2 %. Les difficultés proviennent en majeure partie de la faible marge de manœuvre dont ils disposent pour améliorer leur rentabilité. Leurs charges fixes progressent de 2 % à 3 % par an, à la fois en raison de l’augmentation des charges immobilières, notamment des loyers, surtout en centre-ville, mais aussi de l’accroissement des charges salariales. » Il y a là un vrai souci pour la profession.

J’en viens maintenant aux marchés publics. Il est bien évidemment important d’accroître la commande publique. Le marché des collectivités publiques représente 18 % des ventes des librairies indépendantes. Se voir attribuer un marché public, par exemple celui d’une bibliothèque, est bien sûr bénéfique pour le libraire, et ce à plus d’un titre. En effet, son carnet de commandes est sécurisé et le volume de ses ventes augmente. C’est pourquoi j’attends avec impatience les propositions du ministère de la culture et de la communication sur ce sujet.

Pour ce qui concerne l’aide à la librairie indépendante, évoquée par M. Michel Herbillon, une piste extrêmement intéressante est mentionnée dans le rapport de M. Bruno Parent. Elle concerne le réseau Dilicom, qui gère chaque année 100 millions de lignes de commande provenant de tous les acteurs du marché du livre. Les libraires utilisent ses services, mais également la grande distribution spécialisée. La proposition de M. Bruno Parent qui consiste à prélever des centimes additionnels sur ces commandes serait indolore du point de vue des finances publiques. Il faudrait faire payer un peu plus les libraires, mais leur syndicat, contrairement à ce qui a été dit, ne s’y oppose pas. Ce serait, il est vrai, un peu plus compliqué pour les éditeurs. En tout cas, cela permettrait de collecter pas moins de 3 millions d’euros par an, somme qui pourrait s’ajouter aux fonds dévolus aux libraires au travers du Centre national du livre. Cela présenterait aussi l’avantage non négligeable de mettre Amazon dans la boucle du paiement.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Établissement public du Grand Palais – M. Jean-Paul Cluzel, président

Ø ARCEP – M. Jean-Ludovic Silicani, président, M. Philippe Distler, directeur général et M. Christian Guenod, conseiller auprès du président

Ø M. Marc Tessier, ancien PDG de France Télévisions

Ø TF1 – M. Jean-Michel Counillon, secrétaire général et Mme Nathalie Lasnon, directrice adjointe des études réglementaires et concurrence

Ø Fédération française des télécoms – M. Yves Le Mouël, directeur général et M. Pierre-Yves Lavallade, directeur général adjoint

Ø SIRTI – M. Mathieu Quetel, vice-président et M. Tarek Mami, secrétaire national

Ø Bolloré Médias – M. Yannick Bolloré, directeur général et Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations institutionnelles

Ø La diversité TVous – M. Pascal Houzelot, directeur

Ø France Télévisions – Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier et M. Jean-Charles Aubernon, contrôleur général

Ø Groupe M6 – Mme Marie Grau-Chevallereau, directeur des études réglementaires

Ø Association « Les locales TV » – M. Gilles Cremillieux, président et directeur général de Clermont 1ère

Ø ACCeS (Association des chaînes conventionnées éditrices de services) – Mme Léonor Grandsire, secrétaire générale, présidente de la chaîne 13e rue et M. Guillaume Gronier, délégué général

Ø TLSP (Union des télévisions locales de service public) – M. Dominique Renauld, président

Ø NRJ Group – Mme Maryam Salehi, directeur délégué à la direction générale de NRJ group

Ø Autorité de la concurrence – M. Bruno Lasserre, président et Mme Liza Bellulo, chef du service du président

Ø NextRadio TV – M. Alain Weill, président et M. Aurélien Pozzana, consultant senior, Affaires Publiques Consultants

Ø SIRTI – M. Philippe Gault, président, M. Mathieu Quetel, vice-président et M. Tarek Mami, secrétaire national

Ø Lagardère – M. Arnaud Decker, directeur des relations institutionnelles

Ø Les indignés du PAF – M. Philippe Guihéneuf, fondateur, M. Yves Agnès, membre de l’APCP (Association de préfiguration d’un conseil de presse), M. Pierre-Emmanuel Le Goff

Ø ARTE France – Mme Véronique Cayla, présidente du directoire, Mme Anne Durupty, directrice générale et Mme Clémence Weber, chargée des relations institutionnelles

Ø Agence des participations de l’État – Mme Solenne Lepage, sous-directrice

Ø Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SCAM)  M. Hervé Rony, directeur général et M. Nicolas Mazars, responsable des questions audiovisuelles

Ø Mme Véronique Marchand, secrétaire générale, Mme Sonia Députier, membre du bureau – SNJ-CGT-FTV et M. Marc Chauvelot, secrétaire général du SNRT-CGT France télévisions et délégué syndical central CGT FTV

Ø M. Philippe Santini, ancien directeur général Régie publicitaire de France Télévisions 

Ø M. Jean-Marie Cotteret, professeur de sciences politiques, ancien membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel en charge des campagnes électorales

Ø Canal + – M. Bertrand Méheut, président du directoire et M. Olivier Zegna-Rata, directeur des relations extérieures

Ø Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) – M. Pascal Rogard, directeur général, et M. Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles et européennes

Ø Société civile des auteurs, réalisateurs, producteurs (ARP)  Mme Florence Gastaud, déléguée générale

Ø Régie publicitaire de France Télévisions  M. Daniel Saada, directeur général, M. Martin Ajdari, directeur général délégué à la gestion, Mme Anne Grand d’Esnon, directrice des relations institutionnelles et M. Cyril Guinet, adjoint à la direction des relations institutionnelles

Ø Médiamétrie – M. Bruno Chetaille, président-directeur général et M. Charles Juster, directeur de la communication

Ø Radio France  M. Jean-Luc Hees, président-directeur général, et Mme Bérénice Ravache, secrétaire générale

Ø Mme Carole Petit Donnet, secrétaire générale du SNJ France télévisions, M. Antoine Chuzeville, M. Patrice Christophe, secrétaire général de la CFDT Médias France télévisions et M. Thierry Vildary

Ø Intersyndicale de l’Audiovisuel extérieur de la France :

 CFDT – Mme Manuela Bermudez (RFI), M. Ludovic Dunod (RFI), M. Adel Gastel (France 24), M. Rodolphe Paccard (France 24), Mme Imane Slimani (France 24), M. Marc Thiebault (RFI)

Ø Intersyndicale de l’Audiovisuel extérieur de la France :

 FO – M. Patrice Chevalier (RFI) et M. Denis Combiadji (MCD)

 FO-SNFORT – Mme Maria Afonso (RFI)

 SNJ – Mme Nina Desesquelle (RFI) et M. Hassane Tlili (MCD)

 SNJ-CGT – Mme Élisa Drago (RFI), M. Hassan El Husseini (MCD), Mme Sabine Mellet (France 24) et Mme Catherine Rolland (AEF-RFI)

 SUD – Mme Corinne Mandjou (RFI) et M. Abdlillah Salehi (MCD)

 SNRT- CGT – M. Michael Gonzalez (MCD)

Ø L’Équipe HD – M. François Morinière, directeur général du Groupe L’Équipe et M. Xavier Spender, président-directeur général de l’Equipe 24/24

Ø Agence nationale des fréquences (ANFR)  M. Gilles Brégant, directeur général, M. Jean-Pierre Le Pesteur, président du conseil d’administration et M. Jean-Marc Salmon, directeur général adjoint

Ø Mme Joëlle Toledano, professeur des universités et ancien membre du collège de l’Arcep

Ø Direction générale des médias et des industries culturelles  Mme Laurence Franceschini, directrice générale, et Mme Gabrielle Boeri-Charles, adjointe du sous-directeur

Ø Lagardère – M. Arnaud Decker, directeur des relations institutionnelles

Ø Cabinet de la Ministre de la culture et de la communication – M. Kim Pham, conseiller audiovisuel

Ø Direction de France Télévisions – M. Rémy Pflimlin, président-directeur général, M. Martin Ajdari, directeur général délégué à la gestion, M. Bruno Patino, directeur général délégué au développement, Mme Emmanuelle Guilbart, directrice générale des programmes et de France 4 et Mme Anne Grand d’Esnon, directrice des relations institutionnelles

Ø Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)  M. Michel Boyon, président et M. Michel Combot, directeur général adjoint

Ø Audiovisuel extérieur de la France (AEF)  M. Pierre Hanotaux, directeur général délégué

Ø Direction générale du budget, 8è sous-direction chargée des médias – M. Alexandre Grosse, sous-directeur chargé du secteur des médias, M. Alexandre Tisserant et M. Aymeric Mellet

Ø Fédération CFE-CGC des Médias  M. Jean-Jacques Cordival, président, accompagné de :

 Délégation CGC Médias – Mme Alexia Wodli, déléguée syndicale CGC Médias France 24, M. Maximilien de Libera, délégué syndical CGC Médias France 24 et délégué syndical central CGC de l’AEF et M. Christophe Allier, délégué du personnel CGC Médias France 24

– Délégation CFTC France 24 – Mme Aziza Naît Sibaha, déléguée syndicale CFTC France 24 et déléguée syndicale centrale CFTC de l'AEF et M. Tahar Hani, délégué du personnel

 Délégation SNJ France 24 – Mme Hend Ghoul, déléguée syndicale SNJ France 24 et Mme Marie Valla, élue SNJ du CE de France 24

Ø M. Hervé Bourges, ancien président du CSA

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