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N
° 253

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2013
(n° 235),

TOME XVII

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

PAR M. Philippe KEMEL,

Député.

——

Voir le numéro : 251 (annexe 45)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— AU COURS DE LA PÉRIODE RÉCENTE LE SECTEUR DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (ESS) A VU SON POIDS S’ACCROÎTRE ET A NOTAMMENT EXERCÉ UN RÔLE D’AMORTISSEUR CONJONCTUREL DE LA CRISE 7

A.— LE PÉRIMÈTRE DU SECTEUR DE L’ESS REGROUPE DES ORGANISATIONS ET DES ENTREPRISES DOTÉES DE STATUTS JURIDIQUES DISTINCTS, EXERÇANT DES ACTIVITÉS DIVERSES MAIS FÉDÉRÉES PAR DES VALEURS ET DES PRINCIPES COMMUNS 7

1. Secteurs, branches, activités 7

2. À propos de la labellisation et de la reconnaissance européenne 9

B.— LE POIDS ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DU SECTEUR DE L’ESS EST TRÈS SIGNIFICATIF 11

C.— LE SECTEUR DE L'ESS, NOTAMMENT LE SECTEUR ASSOCIATIF, EXERCE DE PLUS EN PLUS DIFFICILEMENT SON RÔLE D’AMORTISSEUR CONJONCTUREL DE LA CRISE 14

II.— LE SECTEUR DE L'ESS VOIT AUJOURD’HUI SON RÔLE RECONNU DANS TOUTE SA PLÉNITUDE PAR LES POUVOIRS PUBLICS AVEC UNE TRADUCTION BUDGÉTAIRE TOUTEFOIS LIMITÉE 17

A.— LE RÔLE DU SECTEUR DE L’ESS EST DÉSORMAIS RECONNU DANS TOUTE SA PLÉNITUDE 17

B.— LA TRADUCTION BUDGÉTAIRE DE LA RECONNAISSANCE DU RÔLE DU SECTEUR DE L’ESS RESTE TOUTEFOIS LIMITÉE DANS LE PROJET DE BUDGET POUR 2013 19

III.— TROIS ENJEUX D’ORDRE STRUCTUREL PRÉSENTENT AUJOURD’HUI UNE IMPORTANCE PARTICULIÈRE : LA DÉFINITION LÉGALE DU PÉRIMÈTRE DU SECTEUR DE L’ESS, LA GOUVERNANCE ET LES RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ET LE SECTEUR ASSOCIATIF 27

A.— LA DÉFINITION LÉGALE DU PÉRIMÈTRE DU SECTEUR DE L’ESS EST UN ENJEU MAJEUR DU DÉBAT SUR LE PROJET DE LOI CADRE EN COURS D’ÉLABORATION 27

B.— LA RECONNAISSANCE LÉGALE DU SECTEUR DE L’ESS DOIT S’ACCOMPAGNER D’UNE RÉFLEXION SUR L’ORGANISATION DES INSTANCES DE GOUVERNANCE ET DE REPRÉSENTATION DE CE SECTEUR 29

1. La gouvernance de la politique concernant le secteur de l’ESS 30

2. La représentation des acteurs de l’ESS 32

C.— LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DES RELATIONS FINANCIÈRES ET JURIDIQUES ENTRE LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ET LE SECTEUR ASSOCIATIF DONT L’UNE DES CLÉS POURRAIT ÊTRE L’APPEL À PROJETS DANS LE CADRE DE L’INNOVATION SOCIALE 33

1. Le problème des excédents de gestion 34

2. Le recours croissant des collectivités publiques aux marchés publics au détriment des subventions 35

CONCLUSION 37

EXAMEN EN COMMISSION 39

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION 41

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 43

MESDAMES, MESSIEURS,

La crise que traverse notre pays, notamment depuis l’automne 2008, démontre plus nettement que jamais la nécessité d’un puissant secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS).

Ce secteur développe en effet une pratique inspirée de valeurs qui tranchent avec « les exigences démesurées de profits » évoquées récemment par M. Claude Alphandéry, président du Labo de l’Économie sociale et solidaire, pour décrire l’une des sources principales de la crise économique et financière la plus grave depuis les années trente.

Il fait également preuve d’une capacité d’innovation dans les domaines les plus divers, en particulier dans ceux où l’évolution de notre société implique précisément des réponses nouvelles et fortes. C’est par exemple le cas de l’action sociale ou de l’aide à domicile compte tenu du vieillissement démographique. C’est aussi celui de l’environnement dont la dégradation est désormais clairement perçue comme une menace pesant à court terme sur l’avenir de notre planète : les secteurs de l’écoconstruction ou du recyclage sont ainsi largement portés par les organisations de l’économie sociale et solidaire.

De même, les pratiques des acteurs de la finance solidaire – ou «patiente » – diffèrent sensiblement de celles qui continuent de caractériser encore aujourd’hui une trop grande partie du monde de la finance malgré la catastrophe qu’elles ont entraînée en particulier à partir de 2008.

Enfin, le secteur de l’ESS a pour particularité, très précieuse à l’époque actuelle, de créer des entreprises et des emplois non « délocalisables » et de bénéficier d’un solide ancrage territorial.

La reconnaissance de ce secteur a d’ailleurs été plus rapide au niveau des collectivités territoriales qu’à celui de l’État. L’attitude des premières, généralement ouverte et innovante, a souvent contrasté avec certaines réticences du second, comme ce fut par exemple le cas entre 2002 et 2012.

Votre Rapporteur rappellera en premier lieu que les caractéristiques spécifiques des organisations de l’ESS ont favorisé au cours de ces dernières années l’accroissement de leur poids économique et social et leur rôle d’amortisseur conjoncturel de la crise. Mais il relèvera également que ces organisations, en particulier les associations, n’en ressentent pas moins les effets de cette dernière, notamment la baisse des financements publics, qui ont été sensibles depuis la fin de l’année 2010.

En deuxième lieu, il soulignera que, dans ce contexte devenu plus difficile, la pleine reconnaissance du secteur de l’ESS voulue par le Président de la République et mise en œuvre par le Gouvernement doit être fortement approuvée en dépit de sa traduction budgétaire relativement limitée dans le projet de loi de finances pour 2013. Cette politique va notamment se traduire par le dépôt d’un projet de loi-cadre attendu de longue date dont le Parlement devrait être saisi au printemps prochain et sur lequel le Gouvernement a d’ores et déjà engagé une concertation approfondie avec les représentants des organisations du secteur de l’ESS.

À la lumière notamment des remarques formulées sur les orientations de le ce texte par les représentants des organisations du secteur de l’ESS lors des auditions auxquelles il a procédé, votre Rapporteur examinera enfin plusieurs enjeux structurels importants pour l’avenir de ce secteur de l’ESS : la définition légale de son périmètre ; la gouvernance ; la clarification juridique des relations entre les collectivités publiques et les associations, clarification dont l’une des clés pourrait notamment se situer dans la procédure d’appels à projets pour la réalisation d’un objectif d’innovation sociale.

I.— AU COURS DE LA PÉRIODE RÉCENTE LE SECTEUR DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (ESS) A VU SON POIDS S’ACCROÎTRE ET A NOTAMMENT EXERCÉ UN RÔLE D’AMORTISSEUR CONJONCTUREL DE LA CRISE

Dans l’attente d’une définition légale du secteur de l’économie sociale et solidaire, le Conseil national des chambres régionales de l’ESS, l’INSEE et l’ancienne délégation interministérielle à l’innovation, à l’expérimentation sociale et à l’économie sociale se sont accordés en 2008 sur la délimitation d’un périmètre statistique normalisé qui regroupe des organisations et des entreprises dotées de statuts juridiques distincts mais fédérées par des valeurs et des principes communs.

Votre Rapporteur analysera en premier lieu ce périmètre et notamment les valeurs et les principes communs aux organisations et aux entreprises qui y sont incluses.

Puis il soulignera le poids économique et social croissant du secteur de l’ESS, notamment depuis une dizaine d’années, et son rôle d’« amortisseur conjoncturel » de la crise dont la période très récente marque toutefois les limites

A.— LE PÉRIMÈTRE DU SECTEUR DE L’ESS REGROUPE DES ORGANISATIONS ET DES ENTREPRISES DOTÉES DE STATUTS JURIDIQUES DISTINCTS, EXERÇANT DES ACTIVITÉS DIVERSES MAIS FÉDÉRÉES PAR DES VALEURS ET DES PRINCIPES COMMUNS

1. Secteurs, branches, activités

Tout en ayant une finalité essentiellement statistique, ce périmètre est constitué de codes juridiques répartis en quatre « familles » : les associations, les coopératives, les mutuelles et les fondations. En sont exclus les organismes de l’administration publique et de la défense, ceux de la sécurité sociale obligatoire, les organisations patronales et consulaires, les syndicats de salariés ainsi que les organisations religieuses et politiques.

Le secteur ainsi délimité se caractérise par sa grande diversité qui ne concerne pas uniquement – loin s’en faut – les statuts juridiques. C’est ainsi qu’il comprend à la fois des services d’intérêt général ayant traditionnellement une faible valeur marchande, par exemple la protection sociale, et d’autres activités fortement insérées dans l’univers concurrentiel telles que les activités bancaires (on nommera ces différentes catégories « branches de l’ESS » au sein du secteur).

On peut également relever une grande diversité de tailles et donc de préoccupations susceptibles de se manifester au sein d’une même « famille » du secteur de l’ESS. Il y a ainsi peu de points communs entre une association de quartier et une grande association caritative exerçant des activités dont le nombre et l’ampleur rendent impossible le recours au seul bénévolat et nécessitent le recrutement d’un nombre parfois élevé de salariés.

Autre source de diversité : le degré de dépendance à l’égard des financements publics. Certains acteurs du secteur comme les associations œuvrant dans le domaine sanitaire, social et médico-social sont dans la dépendance étroite de ces financements, ce qui n’est bien entendu pas le cas, par exemple, d’une coopérative dont les ressources proviennent pour l’essentiel de biens produits et vendus sur le marché.

Mais cette diversité, aussi évidente et multiple soit-elle, n’interdit pas l’unité autour d’un certain nombre de valeurs et de principes qui font l’objet d’un très large consensus. La charte de l’économie sociale élaborée en 1995 par le comité national de liaison des activités mutualistes, coopératives et mutualistes (CNCLAMCA), devenu depuis lors le conseil des entreprises et groupements de l’économie sociales (CEGES), a ainsi énuméré et défini ces valeurs et principes :

– l’utilité collective ou sociale, une structure de l’ESS étant nécessairement au service d’un projet collectif : ce « collectif » peut être un territoire, un groupe social, un collectif de travail ou encore une idée ; la notion d’utilité sociale se réfère, quant à elle, à une démarche participative ;

– la liberté d’adhésion, nul ne pouvant être contraint d’adhérer à une structure de l’économie sociale ou d’en demeurer adhérent ; ce principe est bien entendu un élément essentiel de la vie associative, mais il a également une conséquence importante dans le secteur coopératif dont les entreprises sont nécessairement des sociétés à capital variable puisque leurs salariés, qui sont aussi des associés, doivent pouvoir librement leur vendre leurs parts s’ils veulent les quitter ;

– la « non-lucrativité », principe qui n’interdit pas la constitution d’excédents financiers mais en proscrit l’appropriation individuelle ; cette règle est absolue dans les associations et relative dans les coopératives où les salariés peuvent recevoir individuellement une part du bénéfice réalisé mais à condition qu’elles ne puissent pas être vendues et que le fruit de la vente ne puisse pas être partagé entre les coopérateurs ;

– la gestion démocratique, les décisions stratégiques se prenant en assemblée générale selon le principe « une personne = une voix » ;

– la mixité et la « non-unicité » des ressources, celles des coopératives et des mutuelles étant privées tandis que celles des associations sont mixtes.

Au regard des principes et des valeurs qui viennent d’être rappelés, le périmètre du secteur de l’ESS précédemment rappelé suscite des débats d’une certaine vivacité.

2. À propos de la labellisation et de la reconnaissance européenne

Ce périmètre est considéré à certains égards comme empreint d’un certain laxisme dans la mesure où il apparaît que certaines organisations ont acquis et conservé un statut juridique permettant de les y inclure alors que, dans les faits, elles ont cessé de respecter véritablement les valeurs et les principes de l’économie sociale et solidaire. Comme l’écrit Mme Danièle Demoustier dans une récente étude intitulée « L’économie sociale et solidaire au cœur des mutations socio-économiques », « les statuts ne sont pas « magiques » ; en période de fortes mutations les organisations (de l’ESS) se transforment en lien avec leur environnement et peuvent alors à chercher à contourner ce qui leur semble limitatif dans leurs statuts.

En outre, ajoute la même auteure, « les cadres juridiques, historiquement constitués pour formaliser la finalité et le mode de relation entre les membres, ne donnent pas d’indications sur la nature et le périmètre de l’activité elle-même. Mme Demoustier cite comme sources de cette incertitude « l’entrée en économie » de certaines associations ou encore les conditions dans lesquelles les filiales de coopératives et certaines fondations exercent leurs activités.

À l’inverse, le même périmètre fait l’objet de critiques liées à son caractère jugé trop formaliste. Ces critiques sont liées à l’émergence de nouvelles entreprises à finalité sociale qui choisissent de ne pas adopter l’un des statuts permettant de les y inclure « automatiquement ».

Dans son étude précitée, Mme Demoustier cite comme exemple le secteur de l’insertion par l’activité économique « au sein duquel la société de capitaux tend à s’imposer du fait des objectifs de réinsertion sur le marché du travail ordinaire et des relations étroites, commerciales et professionnelles, avec les autres entreprises. » Elle cite également «  le cas du commerce équitable, pour lequel l’objectif de diffusion maximum de produits « équitables » induit des relations croissantes avec les entreprises de la grande distribution ».

Il n’est certes pas question de remettre en cause la grande utilité du périmètre statistique normalisé défini en 2008, qui a mérité d’offrir une lecture cohérente et harmonisée, géographiquement comme chronologiquement, de statistiques relatives à un secteur caractérisé par sa grande diversité.

Mais la question se pose de longue date de donner une assise juridique à ce périmètre et elle figure désormais parmi les préoccupations centrales du Ministre délégué chargé de l’ESS après avoir été abordé de manière approfondie dans les récents travaux parlementaires concernant ce secteur.

À cet égard, on citera en particulier le rapport présenté le 25 juillet dernier au nom de la commission des Affaires économiques du Sénat par Mme Marie-Noëlle Lienemann, rapporteure du groupe de travail de cette Assemblée sur l’économie sociale et solidaire, rapport intitulé : « Les coopératives en France : un atout pour le redressement économique, un pilier de l’économie sociale et solidaire », document qui consacre d’intéressants développements à la question du périmètre juridique de l’ESS.

Ce rapport a donné lieu au Sénat, le 2 octobre dernier, à un débat en séance publique. Au cours de ce débat, M. Benoît Hamon est intervenu sur cette question en déclarant notamment : « La reconnaissance de l’ESS passera par la loi. Mon approche est très inclusive : il n’y a pas de querelle des anciens et des modernes, entre statut et finalité, entre mutualité et entrepreneuriat social (…). Pourquoi un label de l’entreprise sociale et solidaire ? Il vise à permettre aux acteurs de financement de l’ESS de reconnaître une entreprise de ce secteur. Nous devons pouvoir orienter la commande publique vers l’ESS, ce qui suppose que les donneurs d’ordre, tout comme le législateur, puissent reconnaître une entreprise par un label. Le but de la législation n’est pas d’exclure mais de fixer le périmètre légal de l’ESS autour de principes : non-lucrativité ou lucrativité limitée, principe d’un homme pour une voix, gouvernance démocratique, partage du pouvoir et ancrage territorial.

Le Gouvernement et le Parlement sont d’autant plus fondés à se saisir rapidement de la question que les instances européennes, en premier lieu la Commission, longtemps indifférentes aux aspects éminemment positifs d’un renforcement de ce secteur, en ont désormais mesuré l’importance économique et sociale, vraisemblablement sous l’effet de la crise. Dans sa communication du 13 avril 2011 relative à l’Acte pour le marché unique, elle a ainsi fait de ce qu’elle appelle « l’entrepreneuriat social » l’un des douze leviers de la croissance en Europe. Puis elle a mis en place un programme de travail, rendu public en octobre 2011, qui tend à favoriser le développement de l’entrepreneuriat social par de meilleurs accès aux financements et par l’amélioration de l’environnement juridique.

Si cette prise en compte, au niveau européen, d’un secteur économique à finalité sociale mérite d’être saluée, elle n’en soulève pas moins des interrogations notamment liées à l’écart très important entre la mesure statistique française du secteur de l’ESS et celle des institutions européennes. Ces dernières évaluent à 3,1 % le poids de l’entrepreneuriat social dans l’économie française, pourcentage très inférieur par conséquent à celui d’environ 10 % sur lequel il existe un très large consensus dans notre pays.

Au total, il paraît urgent de mettre fin à l’incertitude entourant la définition juridique du périmètre du secteur de l’ESS et il convient de se féliciter que notre Assemblée puisse se saisir prochainement de ce problème lors de l’examen du projet de loi-cadre en cours d’élaboration. Il s’agit là d’un enjeu structurel pour l’avenir de ce secteur que votre Rapporteur abordera dans la troisième partie du rapport en examinant notamment la question de la « labellisation » évoquée par M. Benoît Hamon le 2 octobre dernier devant le Sénat. Lors des auditions des représentants des organisations du secteur de l’ESS auxquelles il a procédé, il a en effet constaté que cette perspective soulevait de sérieuses interrogations chez ses interlocuteurs.

B.— LE POIDS ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DU SECTEUR DE L’ESS EST TRÈS SIGNIFICATIF

Le tableau ci-après contient quelques données globales faisant apparaître le poids économique et social du secteur de l’ESS.

POIDS ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DE L’ESS

 

ESS

Privé hors ESS

Public

Totaux

Volume ou montant

% ESS

Effectifs salariés

2 259 656

14 723 663

5 815 777

22 799 096

9,91

Établissements

214 994

1 951 959

180 452

2 347 405

9,16

Rémunérations brutes (1)

53,1

449,8

153,0

656,0

8,09

Chiffre d’affaires

366,6
(1) (2)

-

-

1 932,8
(1)
(3)

ns

(1) En milliards d’euros

(2) Les données consolidées relatives au chiffre d’affaires des associations n’étant pas disponibles, ce montant et, par conséquent, la part du secteur de l’ESS dans le produit intérieur brut total, ne sont pas réellement significatifs. Une étude parue en 2009 dans la Revue internationale de l’économie sociale a évalué cette part à un pourcentage compris entre 6 et 7 %.

(3) Produit intérieur brut

Source : Atlas commenté de l’économie sociale et solidaire – Observatoire national de l’ESS – 2012 – Données au 31 décembre 2008

Le secteur de l’économie sociale et solidaire apporte une contribution importante, et croissante, à la vie économique et sociale de notre pays. En 2011, il représentait 2 350 000 salariés (soit un emploi privé sur huit et 10 % du nombre total des salariés) et une masse salariale de 53,4 milliards d’euros.

S’agissant des effectifs, ce sont les associations qui occupent une place très largement dominante au sein de l’ensemble du secteur (1 804 000 emplois ; 77 % des effectifs totaux). Si l’on examine la part de l’emploi associatif dans l’ensemble du secteur privé, on constate qu’il est, à lui seul, plus important que ceux des secteurs de la construction et des transports (9,2 % de l’ensemble de l’emploi privé contre 7,2 % pour la construction et 7,8 % pour les transports).

La proportion des effectifs des coopératives par rapport à ceux de l’ensemble du secteur de l’ESS est de 13,7 % tandis qu’elle est de 6,5 % pour les mutuelles et de 2,9 % pour les fondations.

Conformément aux valeurs et aux principes dont doit s’inspirer le secteur de l’ESS, l’écart des rémunérations dans les associations, les coopératives et les mutuelles est globalement plus faible que dans le reste du secteur privé. Une récente étude de l’INSEE fait ainsi ressortir qu’en 2009 le rapport entre la moyenne des rémunérations les plus basses et celle des rémunérations les plus élevées est de 1 à 2,7 alors qu’il est de 1 à 3,1 hors secteur de l’ESS.

De même, les rémunérations les plus hautes dans ce secteur sont moins élevées qu’en dehors de ce dernier : 10 % des salariés y percevaient en 2009 une rémunération horaire brute de plus de 24,20 euros alors que dans le reste du secteur privé la même proportion de salariés percevait une rémunération horaire brute s’élevant à plus de 29,20 euros. Cette situation se vérifie plus, cependant, dans les associations que dans les mutuelles ou les coopératives où les plus hautes rémunérations sont comparables à celles de l’ensemble du secteur privé.

Par ailleurs, les faibles rémunérations sont moins élevées dans le secteur de l’ESS : 10 % des salariés y percevaient en 2009 une rémunération horaire brute inférieure à 8,80 euros, alors qu’une même proportion de salariés percevait une rémunération de plus de 9,60 euros dans le reste du secteur privé. Cette situation s’explique essentiellement par celle qui caractérise les associations dont les salariés perçoivent des rémunérations inférieures en moyenne de 22 % à celles du secteur privé et de 13 % à celles du secteur public.

Il convient d’observer que le Gouvernement s’est inspiré de la situation qui prévaut dans le secteur de l’ESS en matière d’écarts de rémunérations pour définir de nouvelles règles applicables au secteur public, un décret du 26 juillet 2012 ayant plafonné à un montant annuel brut de 450 000 euros la rémunération des dirigeants mandataires sociaux des entreprises de ce secteur.

Le nombre des établissements s’élevait à 198 480 au total en 2011. Les associations représentaient 83 % des établissements employeurs contre 12,8 % pour les coopératives, 3,6 % pour les mutuelles et 0,6 % pour les fondations. La taille moyenne des établissements associatifs (11,0 salariés) est supérieure à celle des établissements de l’ensemble du secteur privé (9,4 salariés) bien que près de 54 % des établissements associatifs employeurs soient de petites structures comptant moins de trois salariés. Plus globalement, les organisations et entreprises de l’ESS représentent 18 % des entreprises privées de plus de 250 salariés. Les « micro-entreprises » ne concentrent que 19 % des emplois contre 22 % dans le secteur privé hors ESS. Les plus grosses organisations de l’ESS exercent leurs activités dans les secteurs financier, bancaire et d’assurance, du commerce de détail et de l’action sociale.

L’ancrage territorial est une caractéristique spécifique du secteur de l’ESS dont la répartition spatiale reflète une économie nettement plus territorialisée que le reste de l’économie privée et peut être considérée comme plus satisfaisante au regard de l’équilibre démographique national. À titre d’exemple, 75 % des plus grandes coopératives ont leur siège en région alors que 91 % des plus grandes sociétés de capitaux ont leur siège en Île-de-France.

L’Atlas commenté de l’économie sociale et solidaire souligne que, de manière plus générale, « l’ESS épouse assez étroitement la géographie sociale du pays, comme en témoignent les faibles écarts entre les régions en termes d’emploi, signes d’une meilleure répartition territoriale du tissu d’entreprises. »

Il existe une forte diversité des situations régionales. L’ESS est ainsi plus puissante dans les régions denses et urbanisées, mais ses taux d’emploi n’y sont pas très élevés, et elle joue un rôle économique et social plus important dans les régions de faible densité et plus rurales.

En ce qui concerne le poids économique, les données les plus récentes fournies par l’Observatoire national de l’économie sociale et solidaire font ressortir que les structures coopératives réalisent 260 milliards de chiffre d’affaires, soit plus des deux tiers du total de l’ensemble du secteur.

Les associations viennent en deuxième position et, selon l’INSEE, réalisent 16,2 % du chiffre d’affaires de l’ESS (soit 40 milliards d’euros).

Les mutuelles d’assurances et les mutuelles complémentaires de santé réalisent, quant à elles, des chiffres d’affaires respectifs de 22,4 milliards d’euros et de 19,9 milliards d’euros.

S’agissant des secteurs d’activité, le champ de l’action sociale se situe au premier rang puisqu’il représente 38 % du total de ses effectifs salariés et 63 % des emplois du secteur. 90 % des établissements pour personnes handicapées sont gérés par des associations. 90% des services à la personne et 50 % des maisons de retraite sont gérés par une entreprise ou organisation de l’ESS qui est également le premier employeur dans le secteur des activités sportives et de loisirs (57 % des emplois). 60 % des organismes de complémentaire santé sont gérés par des mutuelles

Dans des secteurs bien différents, ceux des activités financières, bancaires et d’assurance, les organisations et entreprises de l’ESS occupent le deuxième rang avec 30 % des emplois. 60 % des dépôts bancaires sont effectués dans les banques de ce secteur

Elles détiennent la même position dans les secteurs de la culture, des arts et des spectacles (30 % des emplois) et de l’enseignement (20 % des emplois).

Par ailleurs, 80 % des agriculteurs sont des coopérateurs et le marché agro-alimentaire est géré en coopératives à hauteur de 30 %.

En ce qui concerne les dépenses et les ressources, plus de 60 % de ces dernières sont consacrées par les organisations de l’ESS à la rémunération de leurs salariés Ces ressources proviennent de sources diverses : contrepartie de prestations de services, cotisations des adhérents, donateurs particuliers ou entreprises, collectivités publiques.

Le caractère prédominant de l’une ou l’autre de ces sources de financement est principalement déterminé par le statut juridique et/ou l’activité de la structure.

Pour ce qui est des associations, les cotisations représentent en moyenne 12 % de leurs ressources. Il ressort des récentes données fournies par l’Observatoire national de l’ESS, que les financements publics (subventions, vente de prestations, prix de journée et financements contractuels) représentent plus de la moitié du budget des associations, les associations employeuses percevant la majorité de ces financements. La part du financement public dans le budget des associations, bien que majoritaire, diminue sensiblement par rapport au financement privé et aux recettes d’activité. Les recettes d’activité privées représentent désormais le tiers des ressources de l’ensemble des associations, les recettes publiques d’activité plus de 15 %.

S’agissant des coopératives, les ventes de produits représentent la quasi-totalité de leurs ressources en raison du caractère essentiellement marchand de leur activité. Cette situation ne connaît d’exception que pour les sociétés coopératives d’intérêt collectif dont la moitié des ressources seulement provient de la vente de leurs produits.

L’essentiel des ressources des mutuelles est constitué par les cotisations dont le montant s’est élevé, selon la Mutualité française, à 17 milliards d’euros en 2009.

Enfin, les fondations reconnues d’utilité publique ayant une fonction d’employeurs disposent de ressources propres à hauteur de 60 % de leurs budgets. 14 % proviennent de subventions publiques et 1 % de dons privés.

C.— LE SECTEUR DE L’ESS, NOTAMMENT LE SECTEUR ASSOCIATIF, EXERCE DE PLUS EN PLUS DIFFICILEMENT SON RÔLE D’AMORTISSEUR CONJONCTUREL DE LA CRISE

Selon des données statistiques convergentes, la croissance des organisations de l’ESS a été plus rapide que celle du reste du secteur privé entre 2006 et 2008. Cette évolution, sensible depuis 2000, s’est prolongée en 2009 et 2010, années marquées par une forte augmentation du chômage.

Entre 2006 et 2008 le nombre des organisations et entreprises de l’ESS s’est accru de + 1,6 % contre + 1,3 % pour l’ensemble du secteur privé.

Entre les deux mêmes années, le pourcentage d’augmentation du nombre d’établissements s’est élevé à + 2,4 % pour les organisations et entreprises de l’ESS alors qu’il n’était que de + 1,9 % pour l’ensemble du secteur privé.

En ce qui concerne les effectifs, le pourcentage d’augmentation a été, au cours de la même période, de + 2,4 % pour les organisations et entreprises de l’ESS tandis qu’il n’était que de + 1,8 % pour l’ensemble du secteur privé.

Au cours de l’année 2009, qui a marqué une aggravation de la crise, l’emploi a continué d’augmenter dans le secteur de l’ESS qui comptait au 31 décembre 2 298 835 salariés contre 2 259 656 au 31 décembre 2008. Le nombre des établissements de l’ESS a également continué d’augmenter pour atteindre 217 225 au 31 décembre 2009 contre 214 994 au 31 décembre 2008.

Sur une plus longue période (entre 2000 et 2010), le nombre des salariés du secteur de l’ESS s’est accru de + 22,6 % contre + 7,5 % dans l’ensemble du secteur privé.

Cette évolution satisfaisante est toutefois remise en cause depuis la fin de l’année 2010. Au cours de l’année 2011, l’effectif des salariés du secteur de l’ESS s’est seulement maintenu (+ 0,1 %) contre une hausse globale de + 1,3 % dans l’ensemble du secteur privé. La situation est sensiblement différente de celle qui prévalait en 2010 où la progression des emplois du secteur de l’ESS était de + 2 % tandis que l’ensemble du secteur privé affichait une diminution de – 0,7 %.

La stagnation globale de l’emploi dans le secteur de l’ESS n’est toutefois due qu’à un recul de l’emploi dans les associations (- 0,5 %) alors que la situation s’est améliorée dans les coopérations, les mutuelles et les fondations. Les difficultés du secteur associatif se sont donc manifestées avec un certain décalage par rapport à celles du secteur privé dont les effectifs avaient commencé à reculer à partir du deuxième trimestre 2008.

Une enquête a été récemment conduite auprès des responsables associatifs par la conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) et France active afin de les interroger sur la nature des problèmes de financement auxquels ils se heurtent.

La lettre d’information de la CPCA a analysé les résultats de cette enquête.

Celle-ci fait en premier lieu apparaître une baisse des financements publics entre 2009 et 2010. 69 % des associations interrogées ont indiqué qu’au moins l’un de leurs financeurs publics a diminué sa contribution de manière significative entre les deux exercices considérés. L’enquête fait notamment ressortir que cette baisse a plus concerné l’État que les régions des départements, des communes et intercommunalités dont les financements se sont caractérisés par une relative stabilité. Au cours des mêmes exercices on a également constaté un recentrage des financements publics vers certains secteurs d’activité en fonction des priorités et des domaines de compétences de chaque niveau de collectivités publiques. Ce recentrage s’est effectué au détriment de certains secteurs comme la solidarité intercommunale, la culture ou encore la défense des droits.

Une autre difficulté de financement auquel se heurtent les associations tient au recours de plus en plus fréquent des financeurs publics à l’une des procédures prévues par le code des marchés publics, cette procédure se substituant à l’attribution de subventions. Cette évolution, liée à une interprétation inexacte ou, à tout le moins exagérément restrictive, de la réglementation européenne relative à l’attribution de subventions publiques a été de nature à freiner l’initiative des associations. Une circulaire du Premier ministre en date du 18 janvier 2010 a eu notamment pour objet de préciser l’état du droit en ce domaine. Elle ne parait pas avoir eu à ce jour l’effet de clarification attendu et M. Benoit Hamon a récemment annoncé son intention de demander au Premier ministre de lui apporter des compléments.

Dernière source de difficulté de financement pour les associations mise en évidence par l’enquête de la CPCA et de France active : les problèmes de trésorerie et les relations avec les banques. 45 % des associations interrogées ont indiqué subir des problèmes de trésorerie auxquelles elles ne répondent que très rarement par des solutions pérennes telles que les apports en fonds propres. Pour assurer son avenir, une association a besoin d’investir et de recourir à l’emprunt bancaire afin de ne pas dégrader sa trésorerie. Or, 71 % des associations déclarent que, pour financer leurs investissements, elles recourent en premier lieu à leurs ressources propres puis à des solutions de subventions d’investissement publiques ou privées.

Ce sont bien entendu les petites associations qui ont le plus de difficultés d’accès aux emprunts en raison, selon les auteurs de l’enquête, de la « frilosité » des banquiers et des « freins culturels » des dirigeants. En revanche, les relations sont de meilleure qualité entre les associations plus importantes et leur banquier. Elles peuvent plus aisément accéder aux emprunts à moyen et long terme pour la réalisation d’un investissement, étant toutefois observé que seules les associations très importantes, disposant d’un budget au moins égal à 2 millions d’euros, bénéficient de crédits à long terme notamment en vue de réaliser des investissements dans le secteur immobilier.

La clarification des relations entre les collectivités publiques et les associations constitue un enjeu structurel important pour l’avenir du secteur de l’ESS et sera donc analysée dans la troisième partie du présent rapport.

II.— LE SECTEUR DE L’ESS VOIT AUJOURD’HUI SON RÔLE RECONNU DANS TOUTE SA PLÉNITUDE PAR LES POUVOIRS PUBLICS AVEC UNE TRADUCTION BUDGÉTAIRE TOUTEFOIS LIMITÉE

A. — LE RÔLE DU SECTEUR DE L’ESS EST DÉSORMAIS RECONNU DANS TOUTE SA PLÉNITUDE

Dans le droit fil des engagements qu’il avait pris au cours de sa campagne électorale, le Président de la République a immédiatement manifesté sa volonté de donner un nouvel élan à la politique concernant le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Cette volonté s’est tout d’abord traduite par la création d’un ministère délégué dont le domaine de compétences comprend explicitement la politique relative à ce secteur. Il ne s’agit pas d’une innovation totale puisque le Gouvernement de M. Lionel Jospin avait compté en son sein, à partir de mars 2000, un secrétaire d’État chargé de l’économie sociale et solidaire mais qui exerçait cette fonction auprès du ministre de l’emploi et de la solidarité.

Or, de manière également très significative, le Président de la République et le Premier ministre ont choisi de rattacher le nouveau ministère délégué au ministère de l’économie et des finances. Cette innovation souligne que le secteur de l’ESS ne saurait voir son rôle réduit à celui de «réparation sociale» mais que sa contribution au fonctionnement de notre économie doit être fortement prise en compte.

Dans la même logique, les problèmes spécifiques à ce secteur ont été pour la première fois inscrits en tant que tels à l’ordre du jour d’une grande conférence sociale, celle qui s’est tenue les 9 et 10 juillet derniers. Deux représentants de l’Union des syndicats et des groupements d’employeurs de l’économie sociale (USGERES) ont été conviés à participer à deux tables rondes de cette conférence.

Par ailleurs, le Gouvernement a expressément indiqué, en annonçant le dépôt d’un projet de loi instituant des emplois d’avenir, que la création de ces emplois bénéficierait notamment aux organisations de l’ESS exerçant une activité non lucrative.

Il a également précisé que ces organisations participeraient à la mise en œuvre des futurs contrats de génération.

D’autre part, l’amplification des moyens de financement du secteur de l’économie sociale et solidaire a été très rapidement annoncée par le Gouvernement. Celui-ci a notamment indiqué que 500 millions d’euros au minimum devraient être dégagés en sa faveur par la future Banque publique d’investissement.

Enfin, M. Benoît Hamon, Ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire, a annoncé dès le mois de juillet le dépôt d’un projet de loi définissant un cadre législatif global relatif au secteur de l’ESS. Ce projet de loi ne constituera pas une loi de programmation au sens de l’article 34 de la Constitution mais il aura pour objectif, de définir juridiquement le périmètre de ce secteur et de le doter des moyens concourant à sa consolidation et conditionnant son développement.

De manière plus précise, ce texte, que le Parlement devrait examiner au printemps 2013, devrait comporter les dispositions suivantes :

– la reconnaissance légale de l’ESS, de ses acteurs, de la singularité de leurs finalités et de leur apport à l’économie nationale. Le périmètre qui sera retenu par la loi devra être suffisamment large pour embrasser toute la diversité du secteur. Il précisera quelles sont les entreprises qui, en contrepartie d’obligations légales, pourront bénéficier de soutiens particuliers. Ces organismes devront répondre à des exigences spécifiques par exemple en matière de gouvernance interne, d’échelle de rémunérations, d’ancrage dans les territoires, de contributions aux politiques publiques de cohésion sociale, d’insertion socio-professionnelle ou de développement durable ;

– la définition des outils par lesquels l’État et les collectivités territoriales soutiennent et intègrent l’ESS dans leurs politiques publiques par la création d’instruments nationaux et régionaux de planification pluriannuels, déclinant leur engagement stratégique dans le développement du secteur de l’ESS, par des politiques d’aide à l’investissement ou des politiques d’achats publics ;

– la modernisation des dispositions législatives régissant le statut des coopératives, pour adapter cette forme d’entreprise aux enjeux économiques actuels, l’évolution des règles entourant l’activité des mutuelles ainsi que de celles régissant le financement des associations (titres associatifs et participatifs notamment) ;

– le renforcement du cadre juridique des institutions contribuant à la conduite de cette politique publique, en particulier le Conseil supérieur de l’ESS (CSESS), ainsi que l’inscription dans le paysage institutionnel local des chambres régionales de l’ESS ;

– compte tenu du caractère interministériel de cette politique publique et de la volonté du Gouvernement de l’inscrire dans le long terme, la convocation régulière d’une Conférence nationale de l’ESS, afin de repérer les obstacles au développement de l’ESS, d’observer les pratiques des entreprises du secteur et leur impact social, et d’évaluer des actions engagées et les orientations des pouvoirs publics.

B.— LA TRADUCTION BUDGÉTAIRE DE LA RECONNAISSANCE DU RÔLE DU SECTEUR DE L’ESS RESTE TOUTEFOIS LIMITÉE DANS LE PROJET DE BUDGET POUR 2013

Malgré le rattachement du ministère délégué de l’économie sociale et solidaire à celui de l’économie et des finances, les crédits affectés spécifiquement à l’ESS continuent d’être inscrits parmi les dotations de l’un des quatre programmes de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Ce programme est le programme 304 intitulé « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », rattaché comme les trois autres au ministère des affaires sociales et de la santé.

Cette situation, en apparence paradoxale, est liée au fait que la principale structure administrative mise à la disposition du ministre délégué est la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et plus précisément la mission « Innovation, expérimentation sociale et économie sociale » du ministère des affaires sociales et de la santé qui a repris les attributions de la délégation interministérielle supprimée en 2010.

Tout en regrettant que la présentation budgétaire des crédits alloués au secteur de l’économie sociale et solidaire n’ait pas évolué sous cet aspect essentiel, de nature à le cantonner dans son rôle traditionnel de « réparation sociale », votre Rapporteur tient en revanche à saluer une modification importante apportée à cette présentation. Une nouvelle action 12 a été créée au sein du programme 304 sous l’intitulé « Économie sociale et solidaire » et retrace exclusivement les dotations de ce secteur jusqu’alors regroupées avec certains crédits destinés à la lutte contre la pauvreté.

Indépendamment du manque de lisibilité liée à ce regroupement, celui-ci a permis de « masquer » une diminution significative des moyens de financement spécifiques dont dispose la Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances» pour le soutien du secteur de l’ESS. Selon les éléments d’information fournis à votre Rapporteur, la dotation correspondante s’élevait à 10 millions d’euros en 2010 et a été réduite à 5 millions en 2011 puis, en exécution, à 3,3 millions en 2012.

La dotation de cinq millions d’euros prévue pour 2013 en faveur de la nouvelle action 12 est donc en augmentation de près de 50 % par rapport à celle du budget pour 2012 mais il s’agit en fait du rétablissement de la dotation allouée au secteur de l’ESS en 2011.

Toutefois, selon les éléments d’information fournis à votre Rapporteur en réponse à son questionnaire budgétaire, la dotation du programme 304 ne retrace pas tous les moyens budgétaires affectés à l’ESS. On doit y ajouter une dotation inscrite dans le programme 163 : « Développement de la vie associative ». Or, pour 2013, cette dotation s’élève à 12,7 millions d’euros et elle est en légère diminution par rapport à celle de 2012 (13,2 millions d’euros).

La dotation de cinq millions mentionnée ci-dessus se répartit entre dépenses de fonctionnement, à hauteur de 175 000 euros, et dépenses d’intervention, à hauteur de 4 825 000 euros.

Les crédits de fonctionnement financent les dépenses exposées par le réseau des correspondants régionaux de l’ESS au titre de leurs déplacements, de l’animation et de la communication.

Les crédits d’intervention retracent le soutien apporté par l’État au renforcement de l’ingénierie déployée par les grands réseaux à l’égard des structures adhérentes et à favoriser la structuration des acteurs aux niveaux national et local. Ce soutien s’inscrit dans le cadre d’une politique de conventionnement renforcée avec les régions.

Plus précisément, ces crédits se répartissent entre les subventions aux chambres régionales de l’ESS, pour 1,025 million d’euros, et les subventions aux organismes nationaux et locaux du secteur, pour 3,8 millions d’euros.

Les subventions accordées par l’État aux chambres régionales de l’ESS sont destinées à soutenir, sous la forme de conventions prévisionnelles d’objectifs, le rôle central des chambres régionales de l’ESS dans le développement territorial du secteur et leur appui dans l’agrégation des données sur le secteur ainsi que la mise en place et l’évaluation d’expérimentations sociales portées par les acteurs de l’ESS. Les crédits affectés à ces subventions sont en augmentation de + 8 %.

En premier lieu, les conventionnements prévisionnels d’objectifs viseront à apporter un soutien aux têtes de réseaux nationaux dans leur rôle d’animation, de structuration et d’accompagnement des entreprises de l’ESS. Certains partenariats structurants seront également renforcés.

En deuxième lieu, la dotation prévue pour 2013 permettra de soutenir la mobilisation des acteurs de l’ESS dans le cadre des politiques de développement des emplois d’avenir et des contrats de génération. Il s’agira de garantir la mise en œuvre concertée des dispositifs dont le secteur non lucratif qui en sera l’un des principaux bénéficiaires ainsi qu’une territorialisation de l’action. Cela se traduira par la signature d’un certain nombre d’accords cadre et de plans de soutien en appui à des dispositifs d’accompagnement spécifiques.

L’identification des opportunités de développement du secteur sera également encouragée avec la mise en place d’un programme de recherche et par le soutien à l’observation de l’ESS. La pérennisation des travaux statistiques sur les besoins de main-d’œuvre et les métiers de l’ESS participe de cette action. Un soutien aux orientations du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire sera apporté par le financement d’études spécifiques.

Un appel à projet pour l’accompagnement des structures de développement et d’accompagnement des entreprises sociales viendra compléter le programme d’études.

Enfin, l’État poursuivra une politique d’expérimentation et de soutien aux innovations du secteur et d’évaluation de ces actions.

S’il approuve ces orientations, en particulier celles qui concernent la mise en œuvre du programme des emplois d’avenir et des futurs contrats de génération, votre Rapporteur tient à insister sur une utilisation prioritaire de moyens budgétaires qui demeurent somme toute limités en faveur de l’innovation sociale. Répondant à l’observation qu’il formulait sur ce point lors de l’examen par la Commission élargie des crédits de la Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2013, Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, lui a précisé qu’une dotation de 980 000 euros permettrait de poursuivre ou d’engager des actions d’expérimentation en faveur de l’innovation sociale. Votre Rapporteur se félicite de ce choix budgétaire.

S’agissant des emplois d’avenir, il est indispensable que l’idée magnifique qui préside à ce programme, sans équivalent sans doute dans le monde, soit mise en œuvre selon des modalités conformes à leur finalité prioritaire : conduire (ou ramener des jeunes) vers une activité utile à la collectivité, socialement encadrée, qu’ils n’ont jamais eu (ou ont perdu) l’espoir d’exercer, absence d’espoir qui les conduit à la marginalisation et, dans le pire des cas, à des comportements délictueux.

Il ne saurait en aucun cas être question de « stages-parkings » ayant pour objectif essentiel la l’amélioration des statistiques du chômage. La loi relative aux emplois d’avenir comporte certes des dispositions précises visant à parer à ce risque. Mais de telles déviations ne peuvent être évitées sans un soutien vigilant des pouvoirs publics nationaux et locaux au secteur de l’ESS, notamment aux associations, qui paraissent prêtes à assurer le succès du programme.

Si le niveau des crédits alloués au secteur de l’ESS peut être considéré comme globalement satisfaisant dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, celui-ci ne paraît pas réellement justifier la stagnation des moyens en personnels de la mission « Innovation, expérimentation sociale et économie sociale » de la direction générale de la cohésion sociale.

Cette mission s’est vue confier par le décret du 25 janvier 2010 les tâches antérieurement dévolues à la délégation interministérielle à l’innovation, à l’expérimentation sociale et à l’économie sociale que le même décret supprimait en créant simultanément la direction générale de la cohésion sociale.

Comme l’a souligné M. Benoît Hamon le 3 juillet dernier devant les fonctionnaires de cette direction, « cette réorganisation s’est traduite par une très sévère diminution des moyens humains dédiés au pilotage interministériel de l’ESS puisqu’ils ont été divisés par trois ». Certes, le budget de 2013 met fin à cette véritable hémorragie en maintenant l’effectif actuel (sept emplois équivalent temps plein) mais un renforcement de cet effectif, même limité, aurait été souhaitable et logique au moment où un nouvel élan est donné à la politique concernant l’ESS. Il aurait en outre répondu à l’attente des acteurs de ce secteur.

Indépendamment des moyens budgétaires qui viennent d’être retracés le secteur de l’économie sociale et solidaire dispose de ressources extrabudgétaires d’un montant nettement plus élevé. De ce point de vue également le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé des mesures importantes comme celle, précédemment mentionnée, prévoyant que 500 millions d’euros au moins seraient dégagés en faveur de l’ESS par la Banque publique d’investissement en cours de création.

À l’heure actuelle, les principaux financements extrabudgétaires de l’État destinés à l’ESS sont les suivants :

– le financement en fonds propres et quasi-fonds propres à travers la participation de l’État au sein de l’Institut de développement de l’économie sociale et solidaire (IDES) ; au 31 décembre 2011, l’État détenait 26,35 % du capital qui atteignait, après plusieurs augmentations successives, plus de 47 millions d’euros en 2011 ;

– le micro-crédit personnel et professionnel, à travers l’activité du fonds de cohésion sociale et le suivi du micro-crédit professionnel : l’État apporte sa garantie au développement de ces activités notamment en participant au comité d’orientation et de suivi des fonds du Fonds de cohésion sociale ; ce Fonds  a pour rôle de garantir des prêts de microcrédit personnels et professionnels accordés par des établissements bancaires et financiers en faveur notamment de l’insertion et de la création d’emplois.

L’État siège également au comité d’orientation et d’évaluation de France Active Garantie qui gère plusieurs fonds de garantie destinés au développement d’activités  ayant une finalité identique.

– des dépenses fiscales : certaines catégories de structures de l’ESS bénéficient en effet d’avantages fiscaux au titre de l’exonération de TVA et du non assujettissement à l’impôt sur les sociétés ; le Comité d’évaluation des dépenses fiscales évalue dans son rapport de juin 2011 le montant total de ces dépenses à 880 millions d’euros environ, la dépense de loin la plus importante (700 millions) étant liée à l’exonération de TVA accordée aux associations de services à la personne.

Par ailleurs, il convient de mentionner deux sources significatives de dépense fiscale en faveur des structures de l’ESS :

– d’une part l’obligation de proposer aux salariés bénéficiant de plans d’épargne salariale des fonds solidaires qui bénéficient d’un régime fiscal attractif ;

– d’autre part, les ressources collectées par les acteurs de l’ESS au titre des dispositifs fiscaux d’exonération d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune.

En complément de ces ressources permanentes, le Gouvernement de M. François Fillon a décidé de réserver une dotation de 100 millions d’euros dans le cadre du programme d’investissements d’avenir de 35 milliards levés par le « grand emprunt » de 2010. Toutefois, la procédure d’attribution des fonds correspondants paraît avoir, notamment à l’origine, soulevé d’importantes difficultés. M. Benoît Hamon a ainsi évoqué le 4 juillet dernier « un manque de connexion à la réalité et aux besoins des territoires ainsi qu’aux orientations économiques des régions » tandis que M. Claude Alphandéry, Président du Labo de l’ESS n’a pas hésité à évoquer une « usine à gaz ».

Ces difficultés expliquent une « montée en charge » de ce dispositif plus lente que prévu (5 millions d’euros ayant été attribués en 2010 pour une prévision de 14,25 millions et 13,5 millions en 2011 pour une prévision de 23,75 millions d’euros).

Le Ministère considère que le programme est désormais en accord avec ses objectifs notamment sur le plan du rythme d’engagement ». Il indique également que les financements accordés correspondent à la diversité des champs d’intervention de l’ESS, l’insertion représentant toutefois près de la moitié des projets. Les premières analyses des projets nationaux font état de 1 300 emplois créés ou consolidés.

Le Gouvernement a par ailleurs indiqué qu’une réflexion sera engagée afin de définir les modalités de sortie du programme en 2014 et son articulation avec la mise en place de la Banque publique d’investissement qui doit comporter une « enveloppe » dédiée à l’ESS à hauteur de 500 millions d’euros au minimum.

En tout état de cause, M. Benoît Hamon a indiqué à plusieurs reprises que l’une de ses préoccupations principales était de permettre à l’ESS de bénéficier de ce nouveau financement selon des procédures tenant compte, en particulier, des difficultés d’attribution de la dotation du programme d’investissements d’avenir, difficultés que les représentants des organisations de l’ESS ont été unanimes à déplorer vivement lors de leur audition par votre Rapporteur.

Celui-ci a interrogé le Ministre délégué sur les modalités d’intervention de la BPI envisagées par le Gouvernement en ce qui concerne les organisations de l’ESS. Il lui a été indiqué que la doctrine d’intervention de la future Banque serait adaptée à leurs spécificités pour l’ensemble de la gamme des instruments de soutien auxquels elles seront éligibles : fonds propres et quasi fonds propres, prêts et garanties bancaires ; soutien à l’innovation sous forme d’avances remboursables. Il convient de formuler le vœu que l’innovation sociale soit soutenue dans ce nouveau cadre, ce qui n’est pas le cas avec Oséo qui réserve en principe ses interventions à l’innovation technologique.

Le projet de loi relatif à la création de la BPI,  que notre Assemblée doit prochainement examiner, comporte, en ce qui concerne la gouvernance de la future Banque, des dispositions manifestent le souci du Gouvernement de prendre en compte les spécificités du secteur de l’ESS. Ce texte prévoit en effet la présence d’au moins une personnalité choisie en raison de sa compétence dans le domaine de l’ESS au sein du comité national d’orientation de la société anonyme BPI-groupe chargé d’exprimer un avis sur les orientations stratégiques, la doctrine d’intervention et les modalités d’exercice par la société et ses filiales de ses missions d’intérêt général.

Est également prévue la présence d’au moins une personnalité choisie en raison de sa compétence dans le domaine de l’ESS au sein du comité d’orientation créée dans chaque région pour formuler un avis sur les modalités d’exercice par la société anonyme BPI-Groupe et ses filiales de ses missions au niveau régional et sur la cohérence de ses orientations avec la stratégie régionale de développement économique.

On doit enfin relever une proposition du rapport récemment remis par M. Pierre Duquesne au Ministre de l’économie et des finances visant à ce qu’une partie de l’épargne réglementée (livret A et livret de développement durable) soit orientée vers le secteur de l’ESS. M. Benoît Hamon s’est immédiatement déclaré très favorable à la mise en œuvre de cette proposition. Votre Rapporteur y souscrit également et formule le vœu que le Gouvernement lui donne suite dans les meilleurs délais.

Il tient également à se faire l’écho des préoccupations exprimées auprès de lui par des représentants des organisations de l’ESS pour que l’examen du futur projet de loi-cadre conduise à l’adoption de dispositions de nature à rendre plus efficaces des instruments de financement existants tels que les certificats mutualistes, les titres participatifs et les titres associatifs.

Le tableau ci-après rappelle brièvement les sources de financement de l’ESS existantes ou en cours de création au niveau de l’État qui viennent d’être décrites :

TABLEAU DES SOURCES DE FINANCEMENT DE L’ESS
AU NIVEAU DE L’ÉTAT

I. Financements budgétaires

a. Programme 304 de la mission «Solidarité, insertion et égalité des chances » (action 12 : économie sociale et solidaire) ; 5 millions d’euros

b. Programme 163 de la mission «Jeunesse et vie associative (action 01 : Développement de la vie associative) : 12,7 millions d’euros

II. Financements extrabudgétaires

1. Financements existants de caractère permanent :

- participation de l’État au capital de l’Institut de développement de l’économie sociale et solidaire (26,35 % du capital qui s’élève à 47 milliards d’euros)

- activités de microcrédit personnel ou professionnel (participations de l’État au comité d’orientation de suivi de l’emploi des fonds du Fonds de cohésion sociale (géré par la Caisse des dépôts) et au comité d’orientation et d’évaluation de France Active Garantie

2. Dépenses fiscales (montant total évalué à 880 millions d’euros en juin 2011)

3. Financement existant de caractère temporaire : programme Investissements d’avenir (100 millions d’euros à répartir par appel à projet jusqu’en 2014 ; 24 millions engagés au 1/9/2012)

4.  Financements en cours de création (ou envisagés) :

- interventions de la future Banque publique d’investissement à hauteur de 500 millions d’euros,

- éventuelle attribution d’une fraction de l’épargne réglementée (livret A et livret de développement durable)

III.— TROIS ENJEUX D’ORDRE STRUCTUREL PRÉSENTENT AUJOURD’HUI UNE IMPORTANCE PARTICULIÈRE :
LA DÉFINITION LÉGALE DU PÉRIMÈTRE DU SECTEUR DE L’ESS,
LA GOUVERNANCE ET LES RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ET LE SECTEUR ASSOCIATIF

Au-delà des évolutions récentes du secteur de l’économie sociale et solidaire et de la politique gouvernementale la concernant, votre Rapporteur estime que, parmi beaucoup d’autres, plusieurs enjeux de caractère structurel doivent appeler, dans toute la mesure du possible, des réponses rapides et efficaces: la définition légale du périmètre du secteur de l’ESS, les conditions d’une meilleure organisation des instances de gouvernance et de représentation de ce secteur et, enfin, la clarification des relations juridiques et financières entre les collectivités publiques et secteur associatif dont l’une des clés pourrait être l’appel à projet dans le cadre de l’innovation sociale.

A.— LA DÉFINITION LÉGALE DU PÉRIMÈTRE DU SECTEUR DE L’ESS EST UN ENJEU MAJEUR DU DÉBAT SUR LE PROJET DE LOI CADRE EN COURS D’ÉLABORATION

Conformément aux orientations qu’il a formulées sur ce sujet devant le Sénat, le 2 octobre dernier, qui ont été précédemment rappelées, M. Benoît Hamon a soumis aux représentants des organisations de l’ESS un avant projet de loi faisant appel, en premier lieu, pour cette définition, aux principes et aux valeurs « traditionnels » de l’ESS concernant en particulier la gouvernance, l’absence de « lucrativité » ou la lucrativité limitée.

S’agissant du statut juridique des organisations et entreprises appartenant au secteur de l’ESS, il paraît être envisagé de retenir les coopératives, les mutuelles et les associations mais de ne pas mentionner explicitement les fondations, celles-ci étant néanmoins susceptibles toutefois d’être incluses parmi les « autres personnes morales de droit privé » obéissant à ces principes et valeurs, personnes morales auxquelles il semble devoir être projeté de faire expressément référence.

Dans la même logique, l’avant-projet de loi comporterait un dispositif d’inclusion dans le périmètre de l’ESS non seulement des entreprises répondant aux critères qui viennent d’être énumérés mais aussi d’autres catégories d’entreprises, par exemple celles qui participent à la mise en œuvre des politiques publiques d’action sociale et médico-sociale, de santé publique, d’emploi, d’insertion par l’activité économique et de développement durable.

Les critères et indicateurs à partir desquels une entreprise se verrait légalement reconnaître comme entreprise sociale et solidaire seraient fixés par un décret qui les hiérarchiserait et les pondérerait. Cette reconnaissance prendrait la forme du label également évoqué le 2 octobre dernier par M. Benoît Hamon lequel serait attribué selon des modalités à propos desquelles seules des pistes de réflexion sont actuellement en cours.

Les représentants des organisations de l’ESS auditionnés par votre Rapporteur lui ont fait part de sérieuses interrogations concernant ce processus de «labellisation» qui leur paraît notamment susceptible de créer une confusion entre les « véritables » entreprises de l’ESS et des entreprises « classiques » développant des démarches apparemment inspirées par les principes et les valeurs de ce secteur mais qui, en réalité, font de ceux-ci un outil de marketing social de leur branche d’activité

Un autre écueil lié à ce processus pourrait être, aux yeux des mêmes interlocuteurs, le comportement de certaines entreprises ayant obtenu le label en respectant les conditions de son attribution mais adoptant ensuite, sans le perdre, les démarches d’une entreprise classique. Cet écueil n’est sans doute pas le plus sérieux, car il serait tout à fait possible d’instaurer une procédure contraignant les entreprises « labellisées » à fournir régulièrement un « bilan sociétal. » Ce bilan, qui devrait être systématiquement déposé avec les états financiers, permettrait de déterminer si elles maintiennent la démarche leur ayant valu l’obtention du label.

Nettement plus complexe, en revanche, paraît être, en première analyse, la question de modalités de délivrance du label. Attribuer ce pouvoir à une autorité administrative risquerait de conduire à une sorte de tutelle de l’Administration sur des organisations de l’ESS. L’attribuer à des organismes chargés d’assurer la représentation du secteur de l’ESS tels que les Chambres régionales de l’économie sociale et solidaire pourrait créer un doute quant à l’impartialité de leurs décisions. Le choix le meilleur serait celui d’un organisme indépendant mais qu’il n’est pas a priori facile de déterminer.

Ce débat conduit à souligner que l’on peut rattacher les acteurs du secteur de l’ESS à trois courants distincts.

Le premier est l’héritier d’une tradition que l’on pourrait qualifier de proudhonienne et qui se caractérise surtout par son souci de préserver dans toute la mesure du possible son indépendance par rapport aux pouvoirs publics nationaux et locaux. Les acteurs de l’ESS s’inscrivant dans cette tradition expriment spontanément une réaction négative à l’égard tout comportement de l’État et des collectivités publiques qui leur paraît s’apparenter à une ingérence dans leurs activités.

Un deuxième courant est lui aussi l’héritier d’une tradition historique : celle du christianisme social. Ses interventions obéissent prioritairement à une logique de «réparation sociale» en faveur d’une population relativement marginale composée des « laissés pour compte de la croissance ». Cette conception était bien adaptée à un contexte économique apparu au lendemain de la seconde guerre mondiale, lequel a été profondément remis en cause par la crise du « fordisme » survenue il y a environ trente ans dans notre pays comme dans l’ensemble des pays occidentaux.

L’ère « post-fordienne » dans laquelle ces pays sont entrés à la suite de cette crise est marquée par une faible croissance et surtout par un chômage de masse persistant qui ont pour effet d’éloigner du marché du travail une partie relativement importante, et croissante, de la population. Cette situation a entraîné l’apparition d’un troisième courant parmi les acteurs de l’ESS : celui de l’entrepreneuriat social dont le champ d’intervention privilégié vise à l’insertion par l’activité économique de personnes marginalisées ou en voie de l’être s’inscrit donc dans une perspective de « bien commun ». Mais le modèle de l’entreprise marchande tend à s’imposer pour la mise en œuvre de ce type d’intervention, compte tenu notamment de l’objectif de réinsertion sur le marché du travail « ordinaire » auquel il répond.

Les acteurs de l’ESS se rattachant au premier des trois courants ainsi caractérisés perçoivent a priori toute « labellisation » comme une menace sur leur indépendance.

Pour ceux qui se rattachent au deuxième courant, elle apparaît comme dépourvue d’une réelle utilité car leur appartenance au secteur de l’ESS est suffisamment ancienne et leur attachement à ses valeurs suffisamment évident pour ne nécessiter aucune reconnaissance officielle.

En ce qui concerne les acteurs de l’ESS se rattachant au courant de l’entrepreneuriat social, votre Rapporteur n’est pas loin de partager l’opinion exprimée par certains représentants de ce secteur, opinion dont il s’est fait précédemment l’écho, selon laquelle ils perçoivent la labellisation avant tout comme un outil de marketing social de leur branche d’activité.

On mesure ainsi les grandes difficultés auxquelles se heurte la définition du périmètre juridique du secteur de l’ESS. Cette définition n’en est pas moins indispensable car l’incertitude qui prévaut à l’heure actuelle est préjudiciable à ce secteur, compte tenu notamment du contexte européen rappelé ci-dessus et des obstacles qu’elle est susceptible de créer pour l’obtention de financements spécifiques.

B.— LA RECONNAISSANCE LÉGALE DU SECTEUR DE L’ESS DOIT S’ACCOMPAGNER D’UNE RÉFLEXION SUR L’ORGANISATION DES INSTANCES DE GOUVERNANCE ET DE REPRÉSENTATION DE CE SECTEUR

Au moment où s’engage un grand débat sur l’avenir du secteur de l’ESS, il ne paraît pas inutile de rappeler, au moins dans ses grandes lignes, le système de gouvernance et de représentation de ce secteur tant au niveau de l’État et des collectivités territoriales qui impulsent la politique concernant ce secteur qu’à celui de ses acteurs eux-mêmes.

1. La gouvernance de la politique concernant le secteur de l’ESS

Au niveau de l’État, la formation du Gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault s’est traduite par une importante et heureuse innovation soulignée dès l’introduction du présent rapport: la nomination, auprès du Ministre de l’économie et des finances, d’un Ministre délégué dont les compétences incluent expressément le secteur de l’ESS et dont le décret du 12 juin 2012 fixant ses attributions précise que son rôle ne se limite pas à la mise en œuvre de la politique spécifiquement relative à ce secteur mais comprend l’association aux politiques, nombreuses et diverses, susceptibles de le concerner.

Pour l’exercice de ses attributions, le Ministre dispose principalement de la Mission « Innovation, expérimentation sociale et économie sociale » de la direction générale de la cohésion sociale. Cette structure a repris les attributions de la délégation interministérielle supprimée par le décret du 25 janvier 2010 qui a créé cette direction générale. Elle dispose de moyens en personnel dont votre Rapporteur a précédemment souligné le caractère limité auquel le budget pour 2013 ne remédie pas.

Parmi les autres du Ministre délégué figure la présidence du conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS), instance consultative créée en 2006 et réorganisée par un décret du 20 octobre 2010.

Ce conseil est chargé d’assurer la concertation entre les pouvoirs publics et les différents secteurs de l’ESS dont il suit l’ensemble des questions le concernant. Il peut être consulté sur les projets de textes législatifs et réglementaires susceptibles d’avoir un impact sur les organismes de l’ESS aux niveaux national, européen et international. Il comporte trois commissions chargées respectivement du développement économique, des questions européennes et de l’étude de la gouvernance et des mutations du secteur dont il propose également les mesures destinées à favoriser le développement.

Le CSESS comprend, outre son président, 45 membres (19 représentant les acteurs de l’ESS, 5 représentant les élus, 12 personnalités qualifiées et 9 représentants des administrations principalement concernées par le développement du secteur).

Par ailleurs, le Ministre délégué peut présider le Conseil supérieur de la coopération qui a pour mission d’étudier et de suivre l’ensemble des questions intéressant la coopération, de donner son avis sur les projets de textes législatifs ou réglementaires qui lui sont soumis, de proposer les mesures propres à favoriser son développement et d’établir une liaison permanente entre les familles coopératives.

Enfin, il existe dans les régions un réseau de correspondants placés pour la plupart d’entre eux auprès des secrétariats généraux pour les affaires régionales qui développent des relations avec les acteurs de l’ESS en particulier les chambres régionales de l’ESS.

Le dispositif de gouvernance qui vient d’être brièvement décrit met en évidence le caractère interministériel de la politique de l’ESS, ce qui conduit une nouvelle fois votre Rapporteur à déplorer la suppression, en 2010, de la structure administrative qui avait précisément ce caractère. Le contexte budgétaire particulièrement contraint dans lequel le Gouvernement inscrit sa politique de redressement des finances publiques rend peu probable, au moins à court terme, le rétablissement de cette structure et l’attribution à la Mission qui lui a été substituée des moyens en personnel supplémentaires significatifs.

La réaffirmation concrète du caractère interministériel peut plus rapidement passer par d’autres mesures que le Gouvernement semble d’ailleurs envisager d’inscrire dans son futur projet de loi :

– le renforcement du CSESS dont l’existence serait reconnue au niveau législatif et le rôle étendu à la consultation sur le rapport triennal préparant une conférence nationale triennale ;

– comme votre Rapporteur l’a déjà indiqué, le Gouvernement envisage en effet de prévoir la tenue obligatoire, tous les trois ans, une conférence nationale de l’ESS permettant de repérer les obstacles à son développement, d’observer les pratiques des entreprises du secteur, d’évaluer les actions engagées par les pouvoirs publics locaux et nationaux, d’exposer les orientations et les moyens qui lui sont consacrés par l’État et les régions et, enfin, d’associer des représentants d’autres organismes consultatifs nationaux représentants des acteurs de l’ESS (Conseil supérieur de la mutualité, Conseil supérieur de la coopération, Haut conseil de la vie associative).

Pour ce qui est des collectivités territoriales, il existe une forte implication des communes, des départements et, plus récemment, des régions dans la définition et la mise en œuvre des politiques concernant le secteur de l’ESS. Cette implication, plus ancienne que celle de l’État, est liée à l’une des caractéristiques spécifiques et anciennes du secteur de l’ESS précédemment rappelées : l’ancrage dans les territoires y compris dans les zones rurales délaissées ou les quartiers urbains défavorisés Cet ancrage a été récemment souligné par M. Benoît Hamon dans un entretien accordé au « Courrier des maires et des élus locaux » où le Ministre délégué fait valoir que ce degré de présence dans de telles zones est exceptionnel pour des organisations ou entreprises de droit privé.

L’implication de nombreuses collectivités territoriales dans la politique de soutien à l’ESS ne s’est pas seulement traduite, au niveau de la gouvernance, par la création de structures dédiées à cette politique, tous les conseils régionaux comptant ainsi en leur sein un vice-président chargé de la définition et de la mise en œuvre de cette politique. Elle a également débouché sur la mise en place de dispositifs de dialogue et de coordination entre collectivités territoriales et acteurs de l’ESS tels que le réseau des territoires pour une économie solidaire (RTES) qui réunit des collectivités s’étant engagés autour d’une charte pour le développement de l’économie sociale et solidaire.

Les travaux de ce réseau, menées en liaison avec les acteurs de l’ESS et des instances de réflexion tels que le Labo de l’ESS ont en particulier favorisé la mise en place et le développement rapide des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) que l’on peut définir comme le regroupement, sur un territoire donné, d’entreprises et de réseaux de l’ESS associés à des petites et moyennes entreprises socialement responsables, à des collectivités locales, à des centres de recherche et à des organismes de formation.

Ce regroupement met en œuvre une stratégie commune et continue de coopération et de mutualisation au service de projets économiques innovants de développement local durable. La création et le succès de ces pôles constituent un enjeu majeur pour l’avenir du secteur de l’ESS : celui des mutualisations et des coopérations, d’une part, avec des entreprises ou organismes qui lui sont extérieurs et, d’autre part, entre organisations de l’ESS elles-mêmes.

À la lumière de cet exemple, on mesure l’intérêt pour le Gouvernement et le Parlement de favoriser, bien entendu dans le respect de leur autonomie, les initiatives des collectivités territoriales en faveur du développement de l’ESS. À ce titre, il pourrait être utile que le futur projet de loi-cadre précise et complète la législation en vigueur sur deux points :

– l’introduction de la promotion et du développement de l’ESS comme objectif à mettre en œuvre dans le cadre des schémas régionaux de développement économique ;

– l’introduction de la possibilité de conclure des contrats locaux de promotion et de développement de l’ESS entre collectivités territoriales et acteurs locaux.

2. La représentation des acteurs de l’ESS

Cette représentation est assurée au niveau régional par les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRES(S). Ces chambres sont des associations transversales qui réunissent les acteurs de l’ESS de leur région : associations, coopératives, mutuelles, fondations d’entreprise de l’ESS, syndicats employeurs de ce secteur et, dans la plupart des régions, réseaux d’économie solidaire et de développement local.

Les CRES(S) orientent leurs actions autour de trois grands objectifs :

– structurer et représenter l’ESS ;

– accompagner le développement des entreprises et filières de ce secteur ;

– faire connaître l’ESS.

Le Conseil national des chambres régionales de l’ESS (CNCRES), créé en juin 2004 à l’initiative des CRES(S), a pour mission d’animer, de promouvoir, de défendre et de représenter celles-ci , notamment au sein du CSESS et du conseil des entreprises, employeurs et groupements de l’économie sociale (CEGES) . Les actions du CNCRES s’orientent autour de cinq axes :

– consolider la représentation des CRES(S) au niveau national ;

– contribuer à la structuration de l’ESS ;

– soutenir la mutualisation entre CRES(S) et la mutualisation de ces chambres ;

– connaître, faire connaître et reconnaître l’ESS.

– favoriser le développement de l’action au service de l’innovation sociale.

Dans ce cadre, le CNCRES a créé en 2008 l’Observatoire national de l’ESS en articulation avec le réseau des observatoires régionaux créés par les CRES(S) qui constitue un dispositif d’orientation partenarial et territorial de l’ESS. Le réseau de ces observatoires, qui sont conçus comme lieux de convergence de la mesure et de l’observation de ce secteur, a pour missions d’observer au plus près le dynamisme atypique des entreprises de l’ESS, de définir et de mesurer les richesses engendrées par ce secteur à l’aide d’indicateurs spécifiques et d’en améliorer les conditions d’observation quantitative et qualitative.

Enfin, le Conseil des entreprises, employeurs et groupements de l’économie sociale (CEGES) regroupe les entreprises, employeurs et organisations de l’ESS. Il a pour rôle de fédérer les acteurs de l’ESS, de les représenter dans le dialogue avec les pouvoirs publics, les partenaires sociaux et la société civile et de promouvoir leur modèle entrepreneurial.

Selon les éléments d’information obtenus par votre Rapporteur, il ne paraît pas exclu que le futur projet de loi-cadre reconnaisse sur le plan législatif l’existence des CRES(S) en identifiant leurs membres constituants et en définissant leurs missions et prérogatives, notamment celle de contracter avec l’État et la région et d’être représentées au sein d’organismes consultatifs locaux concourant aux politiques d’insertion et de développement économique.

C.— LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DES RELATIONS FINANCIÈRES ET JURIDIQUES ENTRE LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ET LE SECTEUR ASSOCIATIF DONT L’UNE DES CLÉS POURRAIT ÊTRE L’APPEL À PROJETS DANS LE CADRE DE L’INNOVATION SOCIALE

Comme votre Rapporteur l’a précédemment indiqué, la situation financière des associations a globalement connu une évolution préoccupante depuis la fin de l’année 2010, ce qui s’est notamment traduit par une diminution de l’emploi associatif contrastant avec une évolution favorable au cours de la période récente.

Cette dégradation est bien entendu imputable en premier lieu à la baisse des financements publics, tout d’abord ceux de l’État mais ceux des collectivités locales confrontés aux effets de la crise sur le niveau de leurs moyens financiers.

Il est à noter que les associations continuent également à rencontre des difficultés d’accès au Fonds social européen auxquels elles recourent pour intervenir en faveur de la cohésion sociale et de l’emploi. Cette situation est particulièrement regrettable à l’heure actuelle car les moyens financiers qui leur sont accordés par ce Fonds leur offrent l’opportunité d’intervenir dans des domaines où les financements nationaux sont fréquemment faibles ou insuffisants.

Dans ce contexte, il paraît nécessaire de s’attacher à résoudre les problèmes structurels concernant les relations entre les collectivités publiques et les associations dans les domaines financier et juridique.

Votre Rapporteur deux d’entre eux, qu’il juge particulièrement importants :

– celui des excédents de gestion ;

– celui du recours croissant des collectivités publiques aux marchés publics au détriment des subventions

1. Le problème des excédents de gestion

Les associations rencontrent fréquemment des difficultés liées à la faiblesse de leurs fonds propres, ce qui retarde la mise en œuvre de projets techniquement prêts, fragilise l’emploi et leur impose de recourir à des r impose de recourir à emprunts susceptibles d’être onéreux.

Les associations qui constatent en fin d’exercice des résultats positifs ont certes la faculté de les comptabiliser en réserve et ainsi de renforcer leurs fonds propres. Mais, pour une association qui perçoit des subventions d’une collectivité publique, un tel constat conduit le plus fréquemment cette dernière à considérer que l’association n’a pas besoin de se constituer des excédents. En conséquence, elle décide généralement soit de réduire le montant de la subvention pour l’année suivante, soit de réclamer le remboursement de la fraction de la subvention correspondant à la réserve, considérée comme « non utilisée. »

Ce comportement des collectivités publiques est en contradiction avec l’évolution actuelle des règles de gestion des finances publiques, notamment de celles de l’État, qui tend en particulier à remettre en cause le caractère intangible du principe de l’annualité budgétaire. D’autre part, et surtout, il a pour effet de priver les associations d’un précieux instrument de gestion à moyen terme qui s’impose en particulier pour la mise en œuvre d’opérations d’intérêt général.

C’est pourquoi, il serait très souhaitable que le gouvernement adresse aux ordonnateurs et aux comptables publics une circulaire précisant qu’au moins jusqu’à concurrence d’un certain ratio les fonds propres dégagés par les associations grâce à des excédents tirés de leur activité (n’incluant pas ceux qui résulteraient d’un placement financier) ne doivent pas donner lieu à restitution ou de traduire l’année suivante par une réduction de subvention. Il convient d’observer qu’un tel dispositif ne serait pas en contradiction avec le régime juridique des associations qui ne proscrit pas les excédents mais seulement leur appropriation individuelle.

2. Le recours croissant des collectivités publiques aux marchés publics au détriment des subventions

Il s’agit à l’évidence de la question la plus cruciale et la plus complexe de celles qui se posent dans les relations entre les collectivités publiques et les associations que votre Rapporteur a d’ailleurs évoquée précédemment.

Votre Rapporteur souscrit globalement aux critiques récemment formulées par la conférence permanente des coordinations associatives selon lesquelles cette évolution n’est bénéfique ni aux collectivités publiques ni aux associations.

Pour les premières, la baisse des coûts fréquemment invoquée ne se vérifie pas concrètement, la CPCA considérant que la convention de subvention serait un mode de contractualisation moins onéreux que le marché public dans une proportion de l’ordre de 15 à 20 %.

Pour les associations, divers inconvénients sont liés à cette évolution : elle freine leur capacité d’innovation sociale ; elle entraîne une mise en concurrence entre les associations elles-mêmes et avec le secteur lucratif : cette mise en concurrence est, certes, prioritairement défavorable aux plus petites d’entre elles mais elle engendre aussi, pour l’ensemble des associations, un modèle concurrentiel préjudiciable à la réalisation de l’intérêt collectif dont leur projet est en principe porteur.

Pour autant, il est impératif de sécuriser sur ce point décisif la situation juridique des associations comme des collectivités publiques au regard notamment de la réglementation européenne. La circulaire du Premier ministre en date du 18 janvier 2010 n’a constitué qu’une première étape en ce sens, semble-t-il insuffisante, et il est possible que le Parlement soit appelé à débattre de ce sujet lors de l’examen du futur projet de loi-cadre sur le secteur de l’ESS.

Un point paraît néanmoins acquis à la lecture de cette circulaire : pour prétendre au bénéfice d’une subvention sans contrevenir à la réglementation européenne, une association doit être à l’initiative du projet qu’elle porte, ce qui recouvre deux hypothèses:

– le projet émane de l’association et ne donne pas lieu à contrepartie directe pour la collectivité publique ;

– le projet développé par l’association s’inscrit dans le cadre d’un appel à projets lancé par une collectivité publique ; un tel appel permet à celle-ci de mettre en avant un certain nombre d’objectifs lui paraissant présenter un intérêt particulier ; il s’agit de définir un cadre général, une thématique et les associations sont invitées à présenter des projets s’inscrivant dans ce cadre ; mais ce sont bien elles qui prennent l’initiative de ces projets et en définissent le contenu ; dans ce cadre, la collectivité publique a identifié une problématique mais n’a pas défini la solution attendue.

L’appel à projets paraît donc constituer une formule juridique satisfaisante au regard du maintien du droit à subvention pour les associations et trouve un champ d’application particulièrement adapté dans un domaine où de nombreuses associations du secteur de l’ESS ont un savoir-faire particulier : celui de l’innovation sociale.

Dans l’attente d’une éventuelle définition législative, ce concept peut être caractérisé en reprenant la définition proposée en décembre 2011 par le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire : « L’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et des usagers. Ces innovations concernent aussi bien le produit ou service, que le mode d’organisation, de distribution, dans des domaines comme le vieillissement, la petite enfance, le logement, la santé, la lutte contre la pauvreté, l’exclusion, les discriminations… Elles passent par un processus en plusieurs démarches : émergence, expérimentation, diffusion, évaluation ».

Il est donc permis de faire preuve d’un certain optimisme quant à la capacité du maintien du droit à subvention pour les associations répondant à un appel à projets fondé notamment sur un objectif d’innovation sociale.

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* *

CONCLUSION

Tout en déplorant le caractère trop limité de l’évolution des moyens financiers et en personnels accordés pour 2013 à la politique concernant le secteur de l’économie sociale et solidaire, votre Rapporteur invite bien entendu votre commission des Affaires économiques à donner un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 304 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » qui lui sont consacrés : les orientations tracées et les premières mesures prises par le Gouvernement en ce domaine lui paraissent aller dans le sens de la politique globale et innovante attendue de longue en faveur du développement d’un secteur dont les caractéristiques spécifiques constituent un atout précieux pour permettre à notre pays de surmonter la grave crise économique et sociale à laquelle il est aujourd’hui confronté.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Philippe Kemel, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 6 novembre 2012, sur le site internet de l’Assemblée nationale).

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À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Elle a adopté l’amendement n° CE 10 de M. Philippe Kemel tendant à modifier l’intitulé du programme 304 pour le compléter par une référence expresse à l’économie sociale et solidaire.

Conformément à l’avis de M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l’adoption des crédits de l’action 12 (Économie sociale et solidaire) du programme 304 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2013.

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

Amendement CE 10 présenté par M. Philippe Kemel, rapporteur :

Article 46

État B

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Substituer à l’intitulé du programme 304 : « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », l’intitulé : « Lutte contre la pauvreté (revenu de solidarité active et expérimentations sociales) et économie sociale et solidaire ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

– M. Jérôme Faure, Chef de la mission « Innovation, expérimentation sociale et économie sociale » de la direction générale de la cohésion sociale du ministère des Affaires sociales et de la Santé

– M. Jean-Louis Cabrespines, Président du Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire et du Conseil des entreprises, employeurs et groupements de l’économie sociale

– M. Thierry Jeantet, Directeur général d’Euresa, Président du Forum international des dirigeants de l’économie sociale

– M. Zin Din Boukhenaîssi, Délégué général du Comité national de liaison des Régies de quartier

– M. Régis Delattre, Président de la Régie de quartier intercommunale de Carvin, Libercourt et Oignies « Impulsion »

– M. Michel Gate, Secrétaire général du Comité national de coordination et d’évaluation des Groupements d’employeurs pour l’Insertion et la Qualification (GEIQ)

– M. Pierre Lobry, Président du GEIQ Bâtiment et Travaux publics du Nord Pas-de-Calais

– Mme Catherine Torterat, Déléguée nationale de l’Union des couveuses d’entreprises

– M. Laurent Bonnet, membre du conseil d’administration de l’Union des couveuses d’entreprises

– Mme Béatrice Delpech, Déléguée générale de la Confédération permanente des coordinations associatives

– Mme Isabelle Millet-Caurier, Directrice des affaires publiques de la Fédération nationale de la Mutualité française

– Mme Caroline Naett, Secrétaire générale de Coop-FR

– M. Jean-Philippe Poulnot, Président de l’Association des fondations de l’économie sociale

– M. Christian Sautter, Président de France Active

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