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N
° 254

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME II

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

Diplomatie culturelle et d’influence

PAR M. François LONCLE

Député

——

Voir les numéro 251 (annexe 1) et 252 (tome 1).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UN DISPOSITIF AU SERVICE D’UNE AMBITION 7

A. Diplomatie culturelle et stratégies d’influence 7

1. Quelques éléments de comparaison internationale pour ouvrir le débat 7

2. La réforme de 2010 pour redynamiser un dispositif français essoufflé 10

B. Actualité du réseau aujourd'hui : retour sur un premier bilan 12

1. Un réseau que la RGPP a restructuré en profondeur 12

2. L'Institut français et la rationalisation du réseau 15

a. Un bilan d’activité à ce jour plutôt positif 15

b. L’expérimentation du rattachement en cours 18

3. La Fondation Alliance française et son réseau 20

a. La densité d’un réseau incomparable 20

b. Les préoccupations toujours exprimées de la Fondation Alliance française 21

4. Les instruments de l’enseignement et de l’attractivité 23

a. Problématiques de l'enseignement français et action de l’AEFE 23

b. Campus France 27

c. Une politique de bourses sans doute insuffisante quant à ses moyens 29

5. La politique d’influence en matière scientifique et universitaire 34

a. Les Instituts français de recherche à l’étranger, IFRE 34

b. La visibilité et influence de notre recherche universitaire en Pologne 35

II. LES CRÉDITS ET MOYENS DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE ET D’INFLUENCE POUR 2013 37

A. Un budget relativement épargné ? 37

1. Un aperçu d’ensemble 37

2. Problématique de l’autofinancement 39

B. Présentation des crédits demandés par action 41

1. Les crédits de l’animation du réseau 41

2. La coopération culturelle et la promotion du Français 42

3. La promotion des enjeux globaux 46

4. Les moyens consacrés à l’attractivité et à la recherche 46

5. L'Agence pour l’enseignement français à l’étranger 47

6. Les dépenses de personnel 48

CONCLUSION 51

EXAMEN EN COMMISSION 53

ANNEXES 87

Annexe 1 - Liste des personnalités rencontrées par votre rapporteur 89

Annexe 2 – Données Sénégal 90

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » est l’une des trois composantes, avec les programmes 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » et « Français à l’étranger et affaires consulaires » de la mission « Action extérieure de l’État ».

Le budget qui lui est consacré regroupe les dotations aux opérateurs de notre stratégie d’influence à l’étranger, ceux créés par loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’Etat, c'est-à-dire l'Institut français et Campus France. Tous deux participent de cette politique en agissant pour la promotion de la culture et de la langue françaises, tout comme le fait aussi le réseau des Alliances françaises. Ils contribuent par leur activité à renforcer la visibilité et l’attractivité de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire français. Le budget de ce programme dote également les instances qui concourent au dispositif d’enseignement français à l’étranger, l’AEFE en premier lieu.

Sur fond de mondialisation, le secteur dont il s’agit est d’une importance majeure. C’est précisément la raison pour laquelle tant la RGPP que la loi de 2010 se sont attachées à le réformer en profondeur dans un souci d’efficacité et d’efficience. A cet égard, une comparaison internationale a semblé opportune en ouverture de cet avis budgétaire, qui confirme toute l’importance de cette problématique à l’époque contemporaine, à en juger par l’attention qu’y leurs y portent de leur côté les principaux pays. A cet effet, votre Rapporteur, qui s’est rendu en Pologne ainsi qu’au Sénégal pour étudier sur place le dispositif de notre pays dans un pays d’avenir dans lequel la concurrence sur ce point est forte, vous donnera de nombreux éléments d’analyse. La politique d’influence et la diplomatie culturelle sont parties intégrantes de nos relations extérieures, au même titre que l’ensemble des autres instruments qui concourent à l’action de notre pays et elles contribuent à conforter son rôle dans la marche du monde. Ces questions sont de celles que la Commission des affaires étrangères suit avec attention depuis plusieurs années et votre Rapporteur vous propose un état des lieux de notre réseau culturel et d’influence aujourd'hui, deux ans après le vote de la loi.

Pour important qu’il soit, dans le contexte budgétaire actuel, ce secteur de l’activité diplomatique ne pouvait échapper aux règles strictes de cadrage définies par le Premier ministre. C'est la raison pour laquelle le projet de budget s’inscrit comme les autres dans l’effort de réduction des dépenses publiques, sur le rythme commun de - 7% en 2013, - 4 % en 2014 et - 4 % en 2015, soit dans la perspective d’une réduction globale cumulée de - 15 % à l’horizon 2015 par rapport à la LFI 2012. Pour autant, on ne peut que regretter que ce nouveau déclin budgétaire qui frappe notre dispositif continue une lente décroissance entamée en 1994 et non démentie depuis lors, si ce n’est en 1998 et en 1999 et que, à aucun moment, il ne soit tenu compte des efforts que ce ministère a fait de lui-même, anticipant avant tout autre la politique de la RGPP.

On verra toutefois que certains aspects, ceux touchant à l’éducation, bénéficient opportunément de la priorité décidée par le Président de la République. De telle sorte que l’ensemble du programme apparaît plus stabilisé qu’affecté et que, de l’avis de votre Rapporteur, notre politique d’influence ne devrait pas pâtir exagérément des mesures de réduction de déficits publics.

I. UN DISPOSITIF AU SERVICE D’UNE AMBITION

A. DIPLOMATIE CULTURELLE ET STRATÉGIES D’INFLUENCE

1. Quelques éléments de comparaison internationale pour ouvrir le débat

La diplomatie culturelle et d'influence est aujourd'hui aux premiers rangs des instruments de politique étrangère de nombre de pays. Partout, elle vise aux mêmes objectifs et partage les mêmes préoccupations. Quelques exemples suffiront pour illustrer ce fait.

Lancé par Pékin en 2004, qui a ouvert 6 établissements cette année-là, le réseau Confucius a connu depuis lors une croissance exponentielle qui ne s’est pas ralentie : 118 centres dès 2006, 249 en 2008, 358 l’an dernier, l’objectif étant de 500 instituts dans le monde (1). Les cinq continents sont concernés et en 2011, déjà 105 pays accueillaient au moins un établissement ; il y a en a aujourd'hui 14 en France. La croissance du nombre des apprenants, - ils étaient 360 000 en 2011 - suit une courbe parallèle, de même que le nombre de manifestations culturelles organisées dans le réseau - 8000 l’an dernier - qui ont attiré plus de 5 millions de participants (2). En complément de cette politique d’expansion de son réseau d'ores et déjà le plus visible, Pékin mène aussi une politique d’attractivité des étudiants étrangers et affiche de grandes ambitions sur ce plan, notamment vis-à-vis de ceux originaires des pays africains.

Un discours prononcé par le Président Hu Jintao en octobre 2011 dans lequel, mettant en garde contre l’occidentalisation de la Chine, il jugeait que « la puissance culturelle de notre pays et son influence ne correspondent pas encore à sa place internationale » (3), montre l’importance que le gouvernement chinois attache désormais à cette question, pour laquelle, avec une rapidité impressionnante, il développe un ensemble cohérent d’instruments d’action extérieure nécessaires à sa stratégie d’influence et disposant des moyens de la décliner au niveau mondial.

A une échelle moindre, c’est aussi le cas de l’Espagne qui définit la diplomatie culturelle et d'influence comme « l’ensemble des actions impulsées par l’Etat à l’extérieur pour promouvoir sa propre culture diffuser ses biens et services culturels en renforçant nos industries de la connaissance (langue et industries culturelles et créatives), coopérer et développer des échanges culturels avec les autres pays et promouvoir le développement culturel dans les pays en voie de développement. » Vingt après avoir créé l’Institut Cervantes en 1991 et organisé une Exposition Universelle à Séville en 1992, l’Espagne a défini en 2009 une « stratégie renforcée pour la promotion de la culture espagnole à l’extérieur » avant d’adopter en avril 2011 un « plan national d’action culturelle extérieure » (4), articulé autour de quatre axes jugés essentiels : la promotion du patrimoine et la diffusion des expressions culturelles espagnoles, l’internationalisation des industries culturelles et créatives, le dialogue interculturel et la coopération culturelle pour le développement. Les pays émergents sont une des principales cibles de cette politique, qui s’est notamment traduite par un renforcement de la relation culturelle avec la Chine. Loin d’être une initiative aux seules mains des administrations publiques concernées, affaires étrangères et culture, pour lesquelles la diplomatie culturelle est le fer de lance de l’action extérieure, le plan prévoit que la société civile, les entreprises et industries culturelles jouent également un rôle clef dans sa mise en œuvre, quand bien même l’Institut Cervantes garde le rôle de « navire amiral » de la présence espagnole à l’étranger.

La RFA et le Royaume-Uni sont eux aussi particulièrement actifs sur ce secteur. Depuis des décennies, ils ont chacun mis en place des institutions culturelles qui sont aujourd'hui des acteurs majeurs au niveau mondial. Le Goethe Institut et le British Council, quels que soient leurs statuts et modalités de financement, leur degré d’indépendance vis-à-vis de l’Etat, sont avant tout les instruments d’influence culturelle allemand et anglais vers l’extérieur et sont perçus comme tels.

C’est par exemple le cas du Goethe Institut. S’il agit de manière indépendante et prend ses décisions de manière autonome vis-à-vis de l’Auswärtiges Amt, le ministère allemand des affaires étrangères, il n’en représente pas moins culturellement l’Allemagne à l’extérieur. Il reçoit chaque année à cet effet une subvention du ministère, auquel il est lié par une convention quadri-annuelle qui définit notamment ses objectifs stratégiques. En d'autres termes, si une grande liberté d’action lui est laissée au quotidien, son action est encadrée à la fois par cet accord comme par les relations et consultations traditionnelles entretenues avec les ambassades qui n’interviennent cependant pas dans son action sur le terrain.

D’une manière plus générale, il convient de souligner que la politique culturelle est aujourd'hui considérée comme un élément clef de la diplomatie allemande. Le ministre fédéral des Affaires étrangères, Guido Wersterwelle, ne manque pas de rappeler que la politique culturelle et éducative à l’étranger est une composante majeure de la politique étrangère de l’Allemagne, guidée par les valeurs qui sont les siennes (5). En témoigne le budget considérable, toutes thématiques confondues, que le ministère y consacre, plus de 1,5 milliard d’euros en 2010, alors en augmentation (6). En témoigne aussi l’évolution des priorités de l’action qui se sont orientées ces dernières années vers les BRIC - en Inde, l’Allemagne soutient près d’une soixantaine d’écoles - auxquels se sont joints d’autres pays émergents, tels le Vietnam, la Colombie ou le Mexique. Depuis 2009, un secrétaire d’Etat auprès du ministre des affaires étrangères gère ce domaine spécifique qui a pris une place centrale et repose sur un ensemble d’instruments importants : quelque 150 Instituts Goethe de par le monde, dont 7 en France et 7 en Italie, 150 établissements scolaires à l’étranger que fréquentent plus de 80 000 élèves auxquels s’ajoutent plus de 1500 écoles partenaires dans lesquelles l’enseignement de l’allemand est renforcé ; 40 000 bourses sont par ailleurs destinées à des étudiants étrangers. Cet ensemble permet d'ores et déjà à l’Allemagne de toucher des centaines de milliers de jeunes dans le monde : il y a actuellement quelque 15 millions d’apprenants. Une première « Fête internationale de l’Education », à l’automne 2011, a permis de mettre en lumière les différents volets des priorités de la politique culturelle extérieure allemande, autour de la promotion de la langue et du système éducatif, du développement du réseau des écoles, et de l’attraction des futurs spécialistes étrangers vers les universités et entreprises allemandes. Le réseau culturel, dense et en croissance, reposant sur des institutions solides - le Goethe Institut, l’Office allemand d’échanges universitaires (DAAD), la Fondation Humboldt pour la promotion de la recherche scientifique, ou encore l’Office central pour l’enseignement allemand à l’étranger - est donc articulé avec le monde de l’entreprise. Il n’est pas indifférent de noter que, en parallèle, une politique de simplification et d’accélération des procédures d’obtention des visas est conduite depuis plusieurs années.

De son côté, fondé en 1934, le British Council n’appartient pas non plus au Foreign Office dont il est indépendant. Présent aujourd'hui dans 110 pays, il dispose d’un réseau de quelque 200 établissements dans lesquels près de 300 000 personnes suivent annuellement les cours de langue qu’il dispense. A l’instar du Goethe Institut, le British Council a une collaboration stratégique avec le gouvernement britannique, de la même manière que celui-ci en a avec la BBC par exemple. Le Foreign Office lui apporte encore aujourd'hui quelque 25 % de ses financements, soit l’équivalent de 200 millions d’euros sur un chiffre d’affaires global de 800 millions. Les ambassades britanniques n’ont pas dans leurs équipes de conseillers culturels et les bureaux locaux du British Council sont chargés de développer les relations et le dialogue culturels à l’étranger, sur la base d’un plan stratégique sur lequel l’ambassadeur donne son avis. Au niveau national, même si le British Council est indépendant, les priorités et lignes directrices de son action reprennent évidemment celles du Foreign Office, qui a souhaité ces dernières années réorienter son action vers les BRIC, l’Afrique subsaharienne, et plus récemment, les pays des printemps arabes au Proche et Moyen-Orient. De sorte qu’en 10 ans, les subventions aux bureaux européens ont ainsi été diminuées à trois reprises de 30 % cependant que les crédits ont été redéployés vers de nouvelles régions.

En d'autres termes, s’il en était encore besoin, ces quelques exemples étrangers montrent de manière très claire que la diplomatie culturelle est aujourd'hui tout sauf une incidente dans une politique étrangère moderne : les principaux pays développent aujourd'hui un volet culturel et d'influence comme composante déterminante de leur politique étrangère (7). C’est dans ce contexte global que ces dernières années, en regard, l’approche de la France pouvait sembler plus timorée, avec des moyens et instruments dédiés à ce volet de sa politique extérieure plus modestes et moins efficaces.

2. La réforme de 2010 pour redynamiser un dispositif français essoufflé

Certes, l’ambition de la diplomatie culturelle et d’influence de notre pays est également de contribuer à sa mesure à renforcer ses positions à l’étranger, tant économiques que politiques. Sans négliger les pays avec lesquels nous entretenons des relations anciennes et traditionnelles, on souligne qu’elle doit notamment contribuer à resserrer nos liens avec les émergents et avec ceux en voie de l’être prochainement, pour améliorer l’attractivité de la France, promouvoir ses savoir-faire, sa culture et ses créations. Aujourd'hui, comme le rappelle opportunément le PLF, dans le contexte actuel de mondialisation, « le rang d’un pays se mesure à la capacité d’influence que lui assurent sa langue, ses idées, et sa création ». Ces richesses et ces vecteurs, au demeurant liés à des intérêts économiques immédiats, concourent au développement du positionnement et de l’influence générale et durable de notre pays à l’étranger. En ce sens, ils sont une composante essentielle de notre politique étrangère et ce renforcement de notre influence passe par la promotion conjointe de nos intérêts politiques et économiques, par le soutien des échanges artistiques, et le développement de l’apprentissage du français et en français.

Pour autant, si la défense et la promotion de l’« exception culturelle » et de la francophonie n’ont jamais quitté le cœur du discours politique, chacun a en parallèle conscience de certaines insuffisances sur le terrain, quant à leur mise en œuvre. Au moment précis où d’autres, cf. la Chine, ont pris la pleine mesure de la problématique et agissent en conséquence, moyennant une stratégie dotée d’une puissance de feu considérable, le constat, unanime, a souvent été fait ces dernières années du recul généralisé de l’influence française sur le terrain culturel, du déclin de la francophonie, de l’étonnement des pays francophones à voir la France en retrait dans le combat pour la promotion de sa langue et de sa culture, cédant du terrain de manière continue voire presque sans réaction. De l’étranger ou de France, ce constat a été tant partagé qu’il n’est pas besoin de s’attarder sur le fait que la culture française est moins présente aujourd'hui sur la scène mondiale qu’il y a quelques décennies ; en cela comme en d’autres domaines, la position de la France se normalise continument, alors même que les observateurs ne cessent de confirmer un désir de France.

De fait, dans cette politique d’influence et de promotion de nos intérêts, la dimension culturelle, quelque forme qu’elle prenne, occupe une place cardinale : les exemples abondent de pays dans lesquels les élites politiques, économiques, intellectuelles ont très souvent fréquenté les institutions françaises, centres culturels, Alliances françaises, ou ont suivi une partie de leur cursus scolaire ou universitaire dans le système français, soit dans les lycées français, soit comme étudiant en France. Dans certains pays européens, cette réalité est une donnée majeure. La dimension culturelle des relations et échanges bilatéraux, dans ses aspects éducatifs, linguistiques, artistiques, audiovisuels, culturels, scientifiques ou universitaires, est essentielle, elle porte l’attractivité et la visibilité de notre pays et par son effet de levier, apporte sa pierre aux succès commerciaux, d’autant plus importante que la concurrence sur ce créneau est aujourd'hui particulièrement forte. Votre Rapporteur a montré ce qu’il en était effectivement.

Il y a quelques années, dans un rapport au Premier ministre, notre collègue Hervé Gaymard avait précisément proposé « un nouvel usage du monde » (8) et mis en avant le double impératif, dans le monde contemporain, de mieux connaître le monde et de mieux faire connaître la France, de développer des stratégies, notamment en matière d’enseignement supérieur, pour consolider nos atouts et améliorer la visibilité de l’offre française, en particulier vis-à-vis des pays émergents. Il regrettait notamment que, malgré certaines avancées introduites dans les années récentes, telle la réforme de l’offre en matière d’enseignement supérieur, la France ne soit pas encore à la hauteur des atouts dont elle dispose, par manque de visibilité et de lisibilité. Il importait de mettre en place une politique plus offensive.

Concluant dans le même sens, la RGPP avait de son côté tracé un chemin dans le domaine de l’action culturelle, scientifique et de l’enseignement français à l’étranger, tendant d’une part à améliorer la lisibilité et l’efficacité de la diplomatie d’influence en renforçant le rôle de coordination et de stratégie de l’administration centrale du ministère et en confiant la mise en œuvre à différents opérateurs ; à développer l’association du secteur privé, des acteurs de la formation supérieure et universitaire et du monde de la recherche, ainsi que des collectivités territoriales ; à réorganiser l’administration centrale du ministère afin de renforcer sa capacité à définir la stratégie et à exercer la tutelle sur les opérateurs. Il s’agissait d’autre part de favoriser le rayonnement culturel de la France à l’étranger grâce à la restructuration et la simplification de ses réseaux culturels sur le terrain, en fusionnant sous un label unique les services de coopération culturelle et les centres culturels au sein d’un seul établissement disposant de l’autonomie financière tout en élaborant un plan triennal (2011-2013) d’évolution du réseau culturel et de coopération privilégiant en particulier le rapprochement avec le réseau des Alliances françaises.

C’est l’esprit de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 sur l’action extérieure de l’Etat dont l’article 9 rappelle « l’ambition de la France de contribuer à l’étranger à la diversité culturelle et linguistique dans un esprit de partenariat avec les pays d’accueil », et qui a institué trois établissements publics contribuant à l’action extérieure ayant « pour mission de promouvoir la présence et l’influence de la France à l’étranger et de participer à l’action extérieure de l’Etat, notamment par la mise en œuvre à l’étranger d’actions culturelles, de coopération et de partenariat et par la gestion de moyens nécessaires à cette action », selon les termes de l’article 1er.

Trois objectifs ont présidé à l’élaboration de la nouvelle architecture du dispositif français : en premier lieu, la nécessité d’un réseau plus visible, doté partout d’une marque « Institut français », en complément de la marque « Alliance française » ; d’un réseau plus lisible et plus cohérent ensuite, d’où la création d’un dispositif unique ; enfin, d’un réseau plus souple à gérer, reposant sur l’autonomie financière. Dans le cadre de la réforme, les missions des établissements à autonomie financière à vocation pluridisciplinaire se sont vues élargies pour couvrir de façon intégrée les trois champs : la culture, la langue et l’attractivité. Leurs actions sont désormais orientées vers la promotion des études en France, l’accompagnement des partenariats universitaires et des échanges d’expertise, la diffusion du savoir scientifique et technologique français, l’apprentissage du français de spécialité, le débat d’idées, la promotion des industries culturelles et de la création contemporaine, en partenariat avec les institutions locales.

B. ACTUALITÉ DU RÉSEAU AUJOURD'HUI : RETOUR SUR UN PREMIER BILAN

Il y a quelques mois, notre collègue Hervé Gaymard présentait un rapport devant notre Commission dans lequel il dressait un premier bilan d’étape de l’application de la loi de 2010 (9). Il a semblé à votre Rapporteur opportun de prolonger son analyse dans le cadre de son premier avis budgétaire de la nouvelle législature après avoir dressé le tableau du réseau tel qu’il se présente aujourd'hui. Pour une vision exhaustive, il importe de ne pas se limiter à un examen des seuls objectifs de la loi de 2010 et à la mise en place des institutions qu’elle a créées, mais de prendre aussi en compte les réformes que la RGPP a lancées qui se traduisent par des changements en profondeur.

1. Un réseau que la RGPP a restructuré en profondeur

En 2012, le réseau français de coopération et d’action culturelle se compose de 161 services de coopération et d’action culturelle, SCAC ; 98 établissements à autonomie financière, EAF, pluridisciplinaires et 111 annexes dans 93 pays, dont 80 dispositifs fusionnés ; 27 EAF de recherche, IFRE ; 12 bureaux locaux de l’EPIC Institut Français ; 445 Alliances françaises recevant une dotation ou bénéficiant de personnel expatrié rémunéré par le Département.

La RGPP, tout d'abord, a conduit une restructuration profonde du réseau pour que sa lisibilité soit optimale. Elle ne sera achevée qu’en 2013 après qu’il ait été totalement mis fin à des concurrences entre institutions françaises. Cette restructuration vise à la rationalisation du réseau de coopération et d’action culturelle en fusionnant notamment les SCAC dans les EAF. 94 pays sont concernés dans lesquels le dispositif français verra un périmètre commun d’activités - culture, francophonie et attractivité, géré sous le régime de l’autonomie financière. Ce processus de fusion sera achevé au 1er janvier 2013, sauf dans cinq pays - Argentine, Brésil, Colombie, Etats-Unis, Japon – où il a été retardé à 2013 compte tenu de la complexité du réseau ou du statut local des établissements.

Le processus de fusion a eu un impact particulièrement important dans les pays à réseaux, notamment ceux où coexistaient un SCAC, un EAF dans la capitale du pays et un ou plusieurs EAF en province. Dans ces pays, la fusion SCAC/EAF a pris la forme d’un dispositif unique piloté par le COCAC-directeur, les directeurs des EAF de province devenant des directeurs adjoints. C’est par exemple le cas du réseau culturel français en Pologne, que votre Rapporteur a plus particulièrement étudié, dans lequel l'Institut français de Cracovie est désormais une antenne de l'« Institut français de Pologne », entité unique, dirigé par la Conseillère de coopération et d’action culturelle, dont le directeur du pôle de Cracovie est désormais le directeur-adjoint. Auparavant, les deux centres, Varsovie et Cracovie, agissaient en relative autonomie. Ce changement de gouvernance induit par les décisions de la RGPP, cette unification des pôles géographiques du dispositif invitent à la définition de stratégies communes, à d’autres exigences et ambitions, à plus de cohérence et à rechercher des synergies, ce dont deux instituts auparavant indépendants n’avaient pas spontanément le réflexe. Des choix d’opérations plus visibles en découlent, ainsi que des économies d’échelles, à mesure que le saupoudrage des financements disparaît. En d'autres termes, le premier bilan de la fusion intervenue le 1er janvier dernier apparaît comme positif : le budget unique permet de meilleurs arbitrages ; la responsabilisation des agents est renforcée, la circulation des idées, des projets, des compétences, améliorée.

D’une manière générale, selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteur quant aux bilans de ces restructurations, il apparaît que la mutualisation des moyens a effectivement des effets positifs en termes de programmation et de synergie des moyens existants. Le pilotage et la visibilité du dispositif sont améliorés, moyennant un site Internet et une charte graphique uniques, ou encore l’organisation conjointe d’opérations de dimension nationale. Le fonctionnement est également rationnalisé par la centralisation possible des services de gestion et l’harmonisation de la gestion du personnel. Le modèle économique est aussi viabilisé grâce à la mutualisation des risques financiers et des fonds de réserves, des équipements de gestion des cours, de la gestion des biens et des commandes.

Le tableau ci-dessous présente les ouvertures et fermetures d’établissements intervenues dans le réseau depuis 2008 ; il montre que depuis lors, les évolutions intervenues ont en premier lieu porté sur la carte des établissements à autonomie financière (EAF). Si la carte change en partie au gré des évolutions de notre stratégie de coopération, les exigences de rationalisation des implantations et des impératifs de viabilité financière des établissements jouent nettement le premier rôle depuis 2009 dans le processus de restructuration.

Enfin, pour mémoire, il n’est pas inutile de rappeler que le ministère des Affaires étrangères soutient depuis plusieurs années le principe d’une coopération dans ce domaine et étudie toutes les opportunités de création de structures ou d’implantations culturelles communes avec d’autres pays européens, voire la mise en place d'établissements culturels avec l’ensemble des partenaires de l'Union européenne. La collaboration avec les partenaires allemands de la France est notamment intéressante, qui s’est d'ores et déjà traduite par des structures, certes encore peu nombreuses mais d’une dimension néanmoins significative à Ramallah (centre culturel franco-allemand), à Palerme (co-localisation) et à Glasgow (Alliance française et centre culturel allemand).

 

Ouvertures

Fermetures

2008

Argentine : Buenos Aires (CEF)

Guinée : Conakry (CEF)

Irak : Erbil (annexe du centre culturel français de Bagdad)

Allemagne : Rostock

Nigéria : Lagos (remplacé par une Alliance française)

2009

Création des EAF uniques et changement d’appellation en Instituts français

Allemagne : Institut français d’Allemagne 

Sénégal : Institut français du Sénégal

Turquie : Institut français de Turquie

Allemagne : Brême, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Leipzig, Mayence, Munich, Stuttgart (transformés en annexes de l’Institut français d’Allemagne), Mission historique de Göttingen

Italie : Turin (fermeture du centre culturel/création Alliance française), Palerme (transformation en annexe du BCLA de Rome)

Sénégal : Saint Louis du Sénégal (transformé en annexe de l’Institut français du Sénégal)

Turquie : Istanbul, Izmir (transformés en annexes de l’Institut français de Turquie)

2010

Création des EAF uniques et changement d’appellation en Instituts français

Autriche, Bulgarie, Cap Vert, RD du Congo, Corée, Egypte, Mali, Slovénie, Djibouti, Macédoine, République Tchèque, Royaume-Uni, Rwanda, Slovaquie, Taiwan, Vietnam

Autriche : Innsbruck (transformé en annexe de l’Institut français d’Autriche)

Royaume-Uni : Edimbourg (transformé en annexe de l’Institut français du Royaume-Uni)

2011

Création des EAF uniques et changement d’appellation de la majorité des EAF en Instituts français.

Afghanistan, Azerbaïdjan, Benin, Birmanie, Bosnie Herzégovine, Burkina Faso, Burundi, Chine, Chypre, Congo, Cote d’Ivoire, Guinée, Guinée équatoriale, Haïti, Hongrie, Irak, Jordanie, Laos, Lettonie, Libye, Lituanie, Luxembourg, Madagascar, Maurice, Mauritanie, Monténégro, Nigéria, Norvège, Ouzbékistan, Pays Bas, Portugal, Qatar, Saint Siège, Suède, Syrie, Tchad, Togo, Turkménistan, Ukraine, Yémen.

Malawi : Centre culturel de Blantyre

Pologne : Centre de civilisation française et d’études francophones auprès de l’Université de Varsovie

Burkina : fermeture et transformation en antenne : Bobo-Dioulasso

Congo : idem : Pointe-Noire

2012

Création des EAF uniques et changement d’appellation en Instituts français

Afrique du Sud, Algérie, Cameroun, République Démocratique du Congo, Espagne, Indonésie, Israël, Italie, Jérusalem, Maroc, Pologne, Roumanie, Russie, Soudan.

Création, à titre expérimental, de 8 « bureaux locaux » de l’EPIC Institut français (ex-EAF) :

Cambodge, Chili, Danemark, Géorgie, Inde, Royaume-Uni, Sénégal, Serbie

Fermetures des EAF de province et transformation en antennes de l’EAF unique

Algérie : Annaba, Constantine, Oran, Tizi-Ouzou, Tlemcen

Cameroun : Douala

Espagne : Barcelone, Saragosse, Valence

Indonésie : Bandung, Surabaya, Yogyakarta

Israël : Haïfa et Nazareth

Italie : Florence, Milan, Naples

Jérusalem : Jérusalem ouest

Maroc : Agadir, Casablanca, Fès, Marrakech, Meknès, Oujda, Tanger.

Pologne : Cracovie

Roumanie : Cluj, Iasi, Timisoara

Russie : Saint Pétersbourg

2013

Création des EAF uniques et changement d’appellation en Instituts français

Argentine, Brésil, Colombie, Etats Unis, Japon

Fermetures des EAF de province et transformations en antennes de l’EAF unique

Brésil : Rio, Sao-Paulo

Japon : Kansai, Kyushu

2. L'Institut français et la rationalisation du réseau

a. Un bilan d’activité à ce jour plutôt positif

L'Institut français a repris les missions de l’association CulturesFrance, à laquelle il s’est substitué fin 2010, avec un périmètre d’action élargi à de nouvelles activités. L'Institut français œuvre à la promotion et l’accompagnement à l’étranger de la culture française, au développement des échanges avec les cultures européennes, francophones et étrangères, au soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud, ainsi qu’à leur promotion et à leur diffusion en France et à l’étranger, ou à la diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel et au soutien à la circulation des écrits, des œuvres et des auteurs, en particulier francophones que lui a confiés la loi de 2010. En outre, il intervient aussi sur la promotion des idées, des savoirs et de la culture scientifique et technologique française, la promotion et le soutien à l’enseignement de la langue française ainsi qu’en matière de conseil et de formation professionnelle des personnels du réseau culturel français à l’étranger. Toutes choses égales par ailleurs, l'Institut français apparaît dans ses missions comme dans ses relations avec le MAEE dans la même position que ses pairs étrangers : si la loi de 2010 avait indiqué que « l'Institut français concourt, en faisant appel au réseau culturel français à l’étranger, à la politique culturelle extérieure définie par le ministre des affaires étrangères (…) » (10), le décret d’application de la loi précise pour sa part que « l’établissement exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministre des affaires étrangères et le ministre chargé de la culture », qu’il « veille à répondre aux besoins exprimés par le réseau diplomatique » et « peut faire appel, dans l’exercice de ses missions, au réseau culturel français à l’étranger, placé sous l’autorité des ambassadeurs ». (11)

En février, le rapport d’étape de notre collègue Hervé Gaymard avait souligné le bon départ de l’Institut et notamment le fait que les craintes qui avaient pu être exprimées quant à la mise en place complexe d’un instrument ambitieux ne semblaient pas se révéler. Sans trop insister, pour autant qu’il puisse en juger quelques mois plus tard, votre Rapporteur partage ce sentiment. Sur un plan général, au niveau national, selon les informations qui lui ont été par ailleurs communiquées lors de ses auditions, le bilan de l’activité de l'Institut français peut en effet être considéré comme satisfaisant : l'Institut français a tout d'abord poursuivi les actions de formation et de professionnalisation engagées au profit du réseau culturel dans ses différents domaines d’intervention - langue française, gestion d’établissement et ingénierie culturelle, audiovisuel et cinéma, livre et promotion des savoirs, disciplines artistiques, thématiques transversales -, auxquelles il a consacré un budget de 1,4 M€. Après l’avoir fait en 2011 à Marseille, il a tenu ses « Ateliers » à Nantes en juillet 2012 avec la présence de quelque 450 agents du réseau et des représentants de ses principaux partenaires.

Sur le terrain, depuis le début de l’année 2012, de nombreuses manifestations ont été soutenues dans le monde, sur la liste desquelles il serait fastidieux de s’étendre (12), mais qui mettent en évidence que l'Institut français soutient et promeut des activités artistiques particulièrement diversifiées, dans le monde entier.

Lors de son déplacement en Pologne, votre Rapporteur a pu constater le fait que les choses se mettaient en place peu à peu, même s’il faut sans doute faire la part du poids des situations locales. Ainsi, à Varsovie, la mise en place du nouvel Institut français n’a semble-t-il pas été difficile. Son nom même y a sans doute posé moins de problème d’identification qu’ailleurs, la coopération culturelle française ayant toujours été identifiée sous ce nom. Surtout, l’approche globale de l'Institut français est vue comme un facteur de cohérence, et le fait pour l'Institut de disposer de plusieurs instruments dans un même lieu permet de renforcer l’attractivité des locaux qui ne se limitent pas à offrir quelques salles mais peuvent proposer une offre complète : la présentation de la culture française peut donc y être globale et variée. Cela est d’autant plus important que, hormis l'Institut français, la culture de notre pays est aujourd'hui d’accès singulièrement difficile en Pologne : ne subsistent par exemple que deux librairies françaises en Pologne, l’une à Varsovie, l’autre à Cracovie, et le marché du livre, largement monopolisé par un groupe, rend des plus difficile la diffusion de nouveaux auteurs. La communauté française de Varsovie dispose par conséquent, grâce à l'Institut français, d’un lieu de rencontre et d’échange unique, et la visibilité de notre présence vis-à-vis des publics polonais se trouvent renforcée.

Au Sénégal, les deux structures de l’Institut français (Dakar et Saint-Louis) et les trois Alliances françaises (Ziguinchor, Kaolack et Banjul en Gambie) travaillent en réseau et s’efforcent de mutualiser leurs évènements culturels. L’Institut français du Sénégal est l’un des 11 postes pilotes de l’expérimentation en cours qui fera l’objet d’une prochaine évaluation.

Votre Rapporteur a pu mesurer les capacités d’imagination et d’initiatives des dirigeants et personnels des centres de Dakar et de Saint-Louis, notamment pour mobiliser des financements innovants, restructurer et rationaliser les sites, ou encore s’ouvrir à l’extérieur en allant au-devant des publics locaux, en particulier vers la jeunesse. Donner une image plus moderne, plus attractive de notre pays et de sa culture est l’un des objectifs poursuivis. Mais, s’agissant des financements, il paraît illusoire et même dangereux, dans les pays en voie de développement, d’imaginer que le mécénat et le sponsoring puissent se substituer au financement d’Etat.

La concurrence de pays comme le Canada, la Suisse et même la Belgique, au sein de l’espace francophone, exige que l’on s’oriente vers une utilisation plus systématique des techniques nouvelles de communication, que l’on veille à la qualité et à la modernité des sites Internet. Cela suppose, pour le moins, de ne pas réduire les moyens. Nos interlocuteurs ont également suggéré un partenariat local plus étroit avec les structures équivalentes d’autres pays, qu’il s’agisse de l’Italie, de l’Allemagne ou de l’Espagne. Le « chacun dans son coin » doit laisser la place à plus d’Europe.

Les moyens financiers du poste au Sénégal (13)

Les instituts français de Dakar et de Saint-Louis sont une vitrine irremplaçable pour le rayonnement de notre pays. Il faut savoir, par exemple, que dans le chaos urbain qu’est devenu Dakar, il n’existe plus une seule salle de cinéma, à l’exception de celle de l’Institut français. Ce lieu, véritable havre de culture et de paix, doit s’ouvrir encore davantage à la population sénégalaise.

b. L’expérimentation du rattachement en cours

Comme on le sait, la loi du 27 juillet 2010 a prévu dans son article 11, la possibilité d’un rattachement du réseau culturel à l’Institut français à l’issue d’une période de trois ans durant laquelle les conditions de ce rattachement seront expérimentées dans un échantillon d’au moins 10 postes diplomatiques, représentatif de la diversité du réseau, en termes d’effectifs, de moyens et d’implantation géographique. L’objectif de l’expérimentation est d’éclairer les pouvoirs publics sur l’opportunité et les modalités précises d’un rattachement de l’ensemble du réseau à l'Institut français.

L’expérimentation est aujourd'hui en cours dans douze postes pilotes, après que la Syrie a été retirée de la liste : Cambodge, Chili, Danemark, Emirats arabes unis, Géorgie, Ghana, Inde, Koweït, Royaume-Uni, Sénégal, Serbie, Singapour. Depuis le 1er janvier dernier, ces postes constituent autant de « bureaux locaux » à l’étranger de l’établissement public. Dans le cadre de ce rattachement, les compétences et les crédits de ces postes correspondant aux missions culturelles, linguistiques et audiovisuelles ainsi qu’aux missions de coopération universitaire et scientifique (à l’exception de l’Inde et du Royaume-Uni qui disposent d’un service autonome pour la science et la technologie), ont été transférés à l’EPIC « Institut Français » à Paris. Des bureaux locaux de l’EPIC ont été créés au 1er janvier 2012, soit à partir de l’établissement à autonomie financière préexistant, c'est-à-dire dans neuf des pays retenus, soit par création ex nihilo dans les quatre pays qui n’en disposaient pas (Émirats arabes unis, Ghana, Koweït et Singapour). Chaque bureau local est dirigé par un directeur, ordonnateur secondaire de l’EPIC, qui, durant cette période d’expérimentation, conserve par ailleurs un rôle de conseiller de l’ambassadeur en matière de coopération et d’action culturelle. Les budgets sont intégrés à celui de l’EPIC et leur exécution est confiée à des agents comptables secondaires.

On l’imagine aisément, de multiples aspects - juridiques, statutaires, comptables, budgétaires, immobiliers et fiscaux, notamment, sur lesquels votre Rapporteur ne s’étendra pas ici - sont en jeu, qui rendent l’exercice des plus délicat. Ainsi, si le périmètre des missions des bureaux locaux est le même que celui des SCAC-EAF fusionnés - culture, langue, attractivité -, il ne coïncide pas exactement avec celui de l’EPIC « Institut Français » à Paris qui n’est pas compétent en matière de coopération universitaire et scientifique. De même, une grande variété a été observée dans les modalités de changement de statut, allant du simple avenant ou de la modification d’appellation de l’employeur à l’établissement d’un nouveau contrat, dans le respect des législations locales.

Cela étant, s’agissant du Sénégal, selon les indications qui lui ont été données, l’expérimentation s’est jusqu’à aujourd'hui particulièrement bien déroulée, notamment grâce à l’implication des personnels et à la très forte visibilité du dispositif de notre pays sur place et elle est considérée comme un succès. En outre, la forte implication de l’EPIC parisien dans ce processus est aussi un gage de succès.

D’une manière générale, il faut en effet souligner que l'Institut français parisien a conduit un très gros travail sur cette expérimentation. Un service interne est chargé du pilotage de l’opération qui suppose un travail de pédagogie important, la mise en place de procédures nouvelles de délégation, de décaissements, entre autres multiples aspects. Le ministère des Affaires étrangères s’est particulièrement impliqué dans le suivi de l’expérimentation, qu’il s’agisse de la ventilation des crédits de programmation délégués à l’IF au titre des postes expérimentateurs, du suivi des crédits ne relevant pas de l’Institut, de la mise en place d’un système d’analyse des données financières ou de l’élaboration d’un rapport annuel des résultats de l’expérimentation : un premier rapport a été établi en mars 2011, le deuxième, au titre de 2012, devra être rendu avant le 31 mars 2013 et le dernier avant le 31 octobre 2013. Les ambassadeurs président les Comités d’orientation stratégique locaux, et un dialogue permanent, moyennant réunions régulières, est maintenu avec les COCAC, devenus directeurs de bureau tout en conservant les fonctions de « conseiller de l’ambassadeur en matière de coopération et d’action culturelle ».

Des informations qu’il a obtenues, votre Rapporteur retire le sentiment que cette expérimentation, réversible, est, à ce jour, plutôt perçue comme positive. Mission a été confiée par le ministre des affaires étrangères au Secrétaire général du ministère, Pierre Sellal, d’en réaliser une évaluation afin de déterminer la valeur-ajoutée du rattachement. Consciente de l’importance de ce sujet, le Comité d’évaluation et de contrôles des politiques publiques de notre Assemblée vient en parallèle de décider de confier à la Cour des comptes une évaluation du réseau culturel de la France à l’étranger afin de mesurer l’efficacité des moyens alloués à la diplomatie culturelle et d'influence. Si les résultats du travail du Secrétariat général ne sont pas encore connus, les interlocuteurs de votre Rapporteur lui ont indiqué qu’aucun problème majeur n’avait jusqu’à présent été rencontré au cours de cette phase et que, dans cette mesure, il n’était pas improbable que l’on puisse s’acheminer vers une généralisation, sous réserve que le coût du rattachement de l’ensemble du réseau à l'Institut français ne soit pas exorbitant, le changement de statut des personnels induisant notamment une augmentation des charges, qui reste à valoriser.

Comme le soulignait Hervé Gaymard dans son rapport d’étape, « la mécanique administrative est d’une épouvantable complexité, du fait notamment du caractère réversible de l’expérimentation » (14), et il est à souhaiter que les conclusions de l’évaluation soient positives. Bien qu’il soit expressément prévu par la loi, un arrêt de l’expérimentation, dans l’hypothèse où elle ne serait pas concluante, traduirait un échec de la réforme et une forme de retour vers la situation antérieure.

3. La Fondation Alliance française et son réseau

a. La densité d’un réseau incomparable

Le réseau des Alliances françaises est particulièrement dense puisque ce sont aujourd'hui quelque 873 Alliances françaises qui existent, présentes sur les cinq continents et dans 137 pays, y compris la France, auxquelles sont associées 88 autres centres qui travaillent avec la Fondation Alliance française. 381 Alliances françaises, les plus importantes, sont conventionnées avec le MAEE, dont elles reçoivent des subventions et autres formes de soutien, notamment la mise à disposition de personnels, près de 330 à l’heure actuelle. Ce réseau mondial d’associations autonomes de droit local fonctionne surtout grâce aux 8000 bénévoles - personnalités de la société civile locale qui décident de créer une Alliance française et la dirigent de manière totalement décentralisée - qui composent les conseils d’administration, cependant que les quelque 12 000 salariés – professeurs inclus – sont employés sous contrat local.

Si la majorité des Alliances françaises se consacrent essentiellement aux cours de français, qu’elles dispensent à près de 500 000 étudiants par an, celles qui sont conventionnées avec le MAEE proposent en revanche toute la palette d’activités d’un centre culturel (cours de langue, programmation culturelle, médiathèque). En d'autres termes, aux côtés des Instituts français, les Alliances françaises font partie intégrante du réseau culturel français à l’étranger. Offrant un maillage territorial exceptionnel dans de nombreux pays, notamment les pays émergents, elles sont parfois, par exemple en Amérique latine, le principal opérateur culturel des postes. En d'autres termes, sans être à proprement parler un opérateur du ministère des Affaires étrangères, la Fondation Alliance française, organisme autonome, en est le principal partenaire culturel, tant l’action du mouvement Alliance française (constitué par la Fondation et les Alliances françaises dans le monde) est essentielle pour notre dispositif culturel à l’étranger.

b. Les préoccupations toujours exprimées de la Fondation Alliance française

La réforme de l’action culturelle extérieure de notre pays ne pouvait pas ne pas impliquer un rapprochement encore accru entre le réseau associatif des Alliances françaises et le dispositif public. C’est en ce sens qu’une convention triennale couvrant la période 2011-2013 s’est substituée aux précédentes conventions annuelles, pour préciser que les « deux dispositifs, placés au service d’un objectif commun, sont complémentaires. (…) La spécificité de ces dispositifs doit être maintenue en même temps que doit être renforcée l’unité du réseau dont ils sont les composantes. » Ce texte, signé ente le ministère des Affaires étrangères et la Fondation Alliance française, lui garantit un soutien pérenne de la part de l’Etat tout en établissant un principe de non concurrence entre les deux réseaux. Dans le même esprit, le Contrat d’objectifs et de moyens de l’Institut français précise qu’il doit « soutenir l’action du réseau culturel français à l’étranger dans sa double composante de réseau public des Instituts français et de réseau associatif des Alliances françaises ». Enfin, une convention de partenariat tripartite, a été signée entre la Fondation Alliance française, l’Institut français et le MAEE en juin dernier, pour préciser les relations et les champs de coopération respectifs. Elle prévoit que l’IF et la FAF travaillent en commun dans le secteur de la langue française, afin de renforcer la complémentarité et l’efficacité des outils et des dispositifs d’appui au réseau, ainsi que dans le domaine de la formation des personnels du réseau. L’ensemble des programmes et dispositifs de programmation de l'Institut français sont également ouverts aux Alliances françaises qui peuvent également bénéficier des plateformes numériques développées par l’Institut au profit du réseau (Culturethèque, IFcinéma, etc.). Enfin, en termes de communication, l’IF et la FAF ont décidé de rapprocher leurs logos au moyen d’une présentation double destinée à être utilisée lors d’opérations communes ou dans les très rares cas d’implantation dans un bâtiment commun, en sus de leurs logos respectifs.

Pour autant, la restructuration du réseau culturel n’a pas été sans susciter une certaine inquiétude au sein de celui des Alliances françaises. Il convient de s’y attarder, dans la mesure où votre Rapporteur a pu constater qu’elle n’était toujours pas apaisée.

Du point de vue du ministère, les réseaux public et associatif sont complémentaires dans la majorité des pays. Ils permettent un maillage territorial efficient, les EAF et les Alliances étant implantés dans des villes et sur des territoires distincts. C’est notamment le cas en Chine, au Brésil, aux Etats-Unis, en Russie, en Espagne, en Italie et en Roumanie. Inversement, dans les pays sans EAF, le réseau des Alliances constitue le relais de l’action linguistique et culturelle menée par les postes ; c’est par exemple le cas en Australie, au Venezuela, en Thaïlande, aux Philippines ou en Irlande. Dans d’autres pays, l’Alliance française agit comme opérateur du SCAC. C’est ainsi que, afin de rationaliser le dispositif, il est arrivé que le MAEE fasse le choix de transférer à une Alliance française les activités d’un centre ou d’un institut culturel, avec les crédits et postes correspondants. Plusieurs centres culturels français/Instituts français ont ainsi été fermés par le passé : fermeture de l’Institut français de Gênes, fin 2005, au profit de l’Alliance française de cette ville ; fusion/absorption du Centre culturel français à Nairobi et à Lagos au profit de l’Alliance française en 2006. Au Paraguay, ou encore en Equateur, l’Alliance française est l’opérateur du poste pour l’action linguistique depuis 2007, ce qui a permis la suppression des postes d’attachés de coopération pour le français, tout comme à Buenos Aires depuis 2008, où l’action linguistique du poste a été transférée à l’Alliance française. On peut encore signaler que dans d’autres pays comme le Pérou, la Bolivie ainsi qu’en Amérique centrale, des schémas comparables existent qui voient les Alliances assurer des fonctions jusqu’ici confiées aux attachés culturels. Elles assument aussi un rôle d’information sur les études en France, dépendant de l’opérateur Campus France. En d'autres termes, un principe de non-concurrence a prévalu et, lorsque de manière plus ponctuelle il est toutefois apparu que dans certaines capitales, - dix exactement : Djibouti, Kinshasa, Lisbonne, Madrid, Mexico, Nouakchott, Port Louis, Séoul, Tananarive et Zagreb – coexistaient une Alliance française et un EAF, le MAEE a pris la décision de les maintenir pour des raisons liées au contexte local, tout en renforçant son exigence de coopération, tant pour alléger les charges que pour renforcer la visibilité du dispositif.

Pour autant, la Fondation Alliance française reste aujourd'hui encore préoccupée par la réforme de 2010 et ce qu’elle continue de voir comme un risque d’affaiblissement de son propre réseau, de par la confusion et le brouillage d’images qu’elle perçoit sur le terrain, qui induisent une perte de visibilité et de cohérence, alors même que depuis plus d’un siècle parfois l’Alliance française était seule implantée et avait acquis une identité forte. La Fondation considère le choix qui a été fait comme dangereux. Au demeurant, le changement dans les modalités de gestion qui se traduit par une certaine unification avec une entité pilote dans les capitales et des antennes en province, rompt avec la logique totalement décentralisée des Alliances françaises, toutes locales et municipales. Même si elles sont rattachées, elles sont indépendantes quant à la mise en œuvre de leurs activités et autofinancées à 80 %, voire même plus dans certains cas, comme aux Etats-Unis. En d'autres termes, un second risque existe : que l'Institut français absorbe tout le dispositif et porte atteinte au sentiment très fort d’appropriation qu’ont les élites des sociétés civiles locales de leurs Alliances françaises dont elles ont seules l’initiative de la création et qu’elles gèrent en totale autonomie jusqu’à aujourd'hui et depuis toujours. A la différence du British Council, de profondes raisons historiques font qu’il apparaît difficile, et surtout risqué, aux yeux de la Fondation Alliance française, d’imposer une seule marque aujourd'hui.

4. Les instruments de l’enseignement et de l’attractivité

a. Problématiques de l'enseignement français et action de l’AEFE

L’enseignement français à l’étranger est l’un des instruments majeurs de la présence et de l’influence de la France dans le monde, ainsi que de la promotion de la langue française et de la francophonie.

La France possède aujourd’hui le premier réseau scolaire étranger, présent dans plus de 130 pays, fort de 485 établissements qui accueillent aujourd'hui plus de 306 000 élèves, 192 000 étrangers et 114 000 Français. Ce réseau permet de participer à la formation de nombreuses élites étrangères, d’assurer un service public d’éducation pour les communautés françaises. Il contribue aussi à soutenir la présence des entreprises françaises. Dans un monde où l’éducation est devenue un enjeu politique et économique majeur, cf. les propos du ministre allemand des affaires étrangères cités plus haut, où la concurrence entre les grandes nations dans ce domaine se développe, l’objectif de la France est bien de préserver l’avantage comparatif que représente sa présence scolaire et éducative historique, en se donnant les priorités géographiques et les instruments adaptés au nouveau contexte. A cet égard, il faut se féliciter de l’attractivité indéniable de cet enseignement auprès des familles françaises expatriées et des familles étrangères : la croissance de + 5 % par an des élèves depuis 2008 en est la preuve.

Pour satisfaisante qu’elle soit, cette croissance n’en est pas moins délicate à gérer : d’une part, les capacités d’accueil ne sont pas indéfiniment extensibles, et la problématique immobilière est aujourd'hui une donnée importante et complexe pour une agence qui ne peut emprunter. D’autre part, parce que si les personnels enseignants titulaires détachés sont garants de la qualité de l’enseignement dispensé et de l’attractivité du système (15), le ministère de l’éducation nationale, est aujourd'hui lui-même contraint par la conjoncture budgétaire et par conséquent moins à même d’y consentir pour ne pas démunir son propre réseau national.

A titre d’exemple, en Pologne, le Lycée René Goscinny accueille actuellement près de 750 enfants de 2 à 18 ans sur deux sites : 431 élèves en primaire et 317 de la 6e à la terminale. Les effectifs y sont également en hausse depuis plusieurs années, après quelques années de baisse préoccupante qui, un temps, ont fait craindre aux responsables de l'AEFE que l’établissement ne doive fermer. Si la majorité des élèves, près de 60 %, sont français, dont 20 % de binationaux, 27 % sont Polonais et 14 % ressortissants d’autres nationalités. Dans un système concurrentiel comme l’est le système polonais, au demeurant de qualité, cette croissance des effectifs de l’enseignement français traduit le souhait des nouvelles populations aisées, i.e. les nouvelles classes moyennes supérieures, de se tourner vers des modèles reconnus permettant une ouverture culturelle et surtout linguistique (16). Au demeurant, si l’enseignement français progresse, il n’est pas le seul, cf. le dynamisme des écoles américaine et britannique de Varsovie, qui oblige à un positionnement ainsi qu’à des investissements nécessaires à la compétitivité et à l’attractivité, ce qui est d’autant plus important dans une conjoncture de dénatalité (17) comme celle que connaît désormais ce pays.

Le tableau reproduit ci-dessous présente les dernières statistiques communiquées par le MAEE, concernant l’évolution générale des effectifs d’élèves scolarisés à l’étranger.

En d'autres termes, ce contexte très concurrentiel, dans lequel parfois, comme en Pologne, les effectifs d’enfants scolarisables diminuent, amène à conclure que rien ne doit pas être considéré comme définitivement acquis et que la situation, pour satisfaisante qu’elle soit aujourd'hui, reste néanmoins fragile.

L’éducation est devenue un marché mondial au sein duquel le modèle éducatif français en affronte d’autres, principalement anglo-saxons, en particulier auprès des familles étrangères des pays émergents et développés. Au demeurant, dans le monde entier, de nombreuses familles souhaitent désormais maintenir leurs enfants dans l’enseignement national de leur pays, tout en voulant bénéficier de nos performances pédagogiques. En d'autres termes, le défi du développement du réseau scolaire à l’étranger se résume à essayer de répondre aux demandes des familles, dans un contexte où la contrainte budgétaire et les priorités géopolitiques actuelles obligent l’État, plus que jamais, à doter sa politique scolaire d’instruments d’analyse, de coordination et de décision pour permettre de mieux la piloter et de mieux répondre aux nouvelles exigences de la diplomatie d’influence. Le développement de la présence éducative française ne peut se faire par le seul biais de l’enseignement homologué, même si celui-ci doit continuer à en être le « noyau dur ». Une adaptation de l’offre à la demande doit être envisagée. C’est l’AEFE qui assure l’unité de l’ensemble du réseau des établissements français à l’étranger dans le respect de la spécificité des autres acteurs tels que la Mission Laïque Française, liée par convention au MAEE. Dans un contexte marqué par la nécessité de développer l’autofinancement et par la croissance de l’enveloppe consacrée à l’aide aux familles, l’AEFE veille à ce que ce réseau demeure un outil central de notre diplomatie d’influence en matière linguistique, culturelle, économique et politique. Dans l’environnement actuel, ce rôle de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger est essentiel (18). Elle a mené à partir de 2008 une réflexion avec tous les partenaires concernés (parents d’élèves, personnels, parlementaires, entreprises, administrations etc.) qui a permis la préparation d’un plan de développement des établissements d’enseignement français à l’étranger répondant à trois grands objectifs : le renforcement des missions et des moyens du réseau actuel ; un meilleur pilotage de la politique scolaire française à l’étranger ; la création de nouveaux instruments de présence éducative française dans le monde.

Entre autres pistes explorées, après que le ministre des Affaires étrangères a présenté en juin 2011 en conseil des ministres un plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, le label « FrancÉducation » a été créé par un décret du 12 janvier 2012 qui en précise les critères de délivrance par le MAE, avec l’appui des postes diplomatiques et de l’AEFE. Il est proposé à des « établissements étrangers d’excellence » (publics et privés), c'est-à-dire des établissements étrangers à programmes nationaux proposant des contenus francophones de grande qualité qui souhaitent se donner une dimension internationale adossée au modèle français (19). En d'autres termes, il s’agit d’un nouvel outil permettant de diversifier l’offre d’une éducation « à la française », de développer notre présence éducative dans le monde, en offrant une réponse au besoin d’extension du réseau sans que celle-ci prenne toujours la forme de l’homologation. L’AEFE est chargée du suivi administratif et financier du projet de labellisation ainsi que de sa promotion. Deux campagnes de labellisation ont déjà eu lieu et, à ce jour, 17 établissements étrangers dont les candidatures ont été présentées à la commission interministérielle après audit par les postes et l’AEFE, l’ont obtenu, en Europe, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud et en Océanie (20). L’objectif est de constituer un réseau de 20 établissements d’excellence d’ici la fin 2012, 50 en 2013 et une centaine à l’horizon 2014-2015. Le développement de filières bilingues francophones, et de sections européennes et internationales implantées dans les systèmes éducatifs étrangers, la poursuite du développement du programme « Français langue maternelle » (FLAM) qui permet aux communautés françaises éloignées d’un lycée français de maintenir pour leurs enfants un lien avec l’éducation française, le recours plus systématique aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, à travers les ressources pédagogiques proposées par le Centre national d’enseignement à distance (CNED) et par TV5Monde (WebTVJeunesse) et l’appui au développement international du programme de rénovation des sciences à l’école « La Main à la pâte », en partenariat avec l’Académie des Sciences, sont d’autres priorités, au-delà de l’évolution du seul réseau.

Celle-ci est caractérisée par un renforcement des liens entre les établissements et l’Agence ainsi que par une plus grande déconcentration des moyens grâce à la mise en place de la mutualisation par zone et la mise en place d’accords de partenariat avec les établissements dits « uniquement homologués ». Depuis 2008, tout établissement « uniquement homologué » est désormais invité à contractualiser son partenariat avec l’AEFE directement ou via un accord de siège à siège pour les établissements de la Mission Laïque Française. Ce dispositif concerne 250 établissements. Le réseau se compose aujourd'hui de 75 établissements en gestion directe (EGD), qui sont des services déconcentrés de l’AEFE, de 156 établissements conventionnés, gérés par des associations de droit privé français ou étranger ayant passé avec l’AEFE un accord portant notamment sur les conditions d’affectation et de rémunération des agents titulaires, sur l’attribution de subventions et sur les relations avec l’Agence. Ces deux catégories d’établissements perçoivent des subventions versées par l’Agence qui assure également la rémunération des personnels titulaires détachés grâce, d’une part, à la subvention qui lui est allouée par l’Etat. L’Agence accompagne le développement du réseau en signant avec les établissements jusqu’ici « uniquement homologués » des accords de partenariat qui permettent un pilotage souple, diversifié et au plus proche de la situation particulière des établissements.

Dans l’ensemble, le réseau varie peu, et il est en phase de croissance sur la plupart des zones géographiques. Les fermetures d’établissements sont rares et peuvent intervenir pour des raisons variées : fermeture d’écoles d’entreprises,
dés-homologation de petites structures à leur demande pour des raisons de lourdeur de gestion ou de réorientation du projet éducatif local, situation de crise interne au pays. Les écoles de Sanaa, Kaboul, Islamabad sont fermées depuis plusieurs années. Celle d’Alep l’est aussi désormais, cependant que celle de Damas continue de fonctionner, avec des moyens uniquement nationaux et beaucoup moins d’élèves, quelque 250 contre 900 auparavant. Celle de Téhéran a rouvert avec 200 élèves, celles de Libye aussi, en septembre dernier, avec une centaine d’élèves, essentiellement Libyens. La reprise est très forte en Côte d’Ivoire.

b. Campus France

L’attractivité des élites, notamment des étudiants en provenance des pays émergents, est devenu un enjeu essentiel. Le marché du savoir et de la formation, fortement concurrentiel, est en pleine expansion. Des pays comme les Etats-Unis, qui accueillent quelque 660 000 étudiants étrangers, ou le Royaume-Uni, 370 000, sont aujourd'hui leaders sur ce plan. La France est aujourd'hui le quatrième pays d’accueil, derrière l’Australie, avec 288 000 étudiants étrangers, mais l’Allemagne est également un fort concurrent. A leur échelle surtout régionale, depuis quelques années, la République sud-africaine, le Brésil ou la Corée du sud, montent en puissance. L’intérêt national est donc fortement engagé, et l’accueil et l’assistance aux étudiants étrangers sont des points désormais cruciaux sur lesquels il importe de se positionner pour renforcer l’influence de la France dans le monde. Si la qualité de l’accueil est un facteur clef de l’attractivité, votre Rapporteur ne peut omettre de revenir sur les dégâts que la « circulaire Guéant » a causés. Elle a fort malencontreusement contribué à brouiller l’image de la France d’autant plus que, dans le même temps, d’autres pays se sont gardé de commettre ce genre d’impair.

Indépendamment de ce dernier aspect, un effort sur l’attractivité était d’autant plus important que le système français était et reste complexe, en ce qui concerne les montants de bourses attribuées, variables selon les niveaux de diplômes, en ce qui concerne la problématique du logement étudiant. Un travail de clarification et de simplification était nécessaire et est actuellement mené, sur lequel on reviendra plus loin.

Campus France a été créé à cette fin par décret du 30 décembre 2011 en application de la loi du 27 juillet 2010 et sa mise en place effective date du 1er mai dernier, consécutive aux dissolutions du GIP CampusFrance et de l’association Egide, fin avril, qui lui ont transmis leur patrimoine. Le président du conseil d’administration et le directeur général de l’établissement ont été nommés par décret le 25 avril 2012. Plus récemment, le 1er septembre, Campus France a aussi absorbé les activités internationales du CNOUS, dernière étape de sa phase de constitution.

Ce regroupement sous un statut unique d’EPIC de l’ensemble des moyens humains et financiers jusqu’alors dispersés entre plusieurs opérateurs concourant à un même objectif de valorisation de l’image et de l’influence de notre pays, se décline en quatre missions principales, confiées par la loi à Campus France que l’on peut rappeler ici : « 1° La valorisation et la promotion à l’étranger du système d’enseignement supérieur et de formation professionnelle français, y compris par le suivi régulier des ressortissants étrangers ayant accompli tout ou partie de leur cursus dans le système français d’enseignement ou le réseau d’enseignement français à l’étranger ; 2° L’accueil des étudiants et chercheurs étrangers, y compris l’aide à la délivrance des visas et l’hébergement, en appui aux universités, aux écoles et aux autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi qu’aux collectivités territoriales ; 3° La gestion de bourses, de stages et d’autres programmes de la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs ; 4° La promotion et le développement de l’enseignement supérieur dispensé au moyen des nouvelles technologies de l’information et de la communication. »(21)

En d'autres termes, c’est une meilleure visibilité de l’action de la France en la matière, un meilleur positionnement de notre pays en matière d’attractivité et un meilleur pilotage stratégique du dispositif qui sont attendus de la réforme. Des facteurs de complexité tant pour les postes que pour les gouvernements étrangers désirant recourir aux services d’institutions françaises pour la gestion de leurs programmes de bourses vers notre pays sont gommés, et le dispositif se voit rationnalisé et unifié grâce à la fusion des activités internationales du CNOUS dans l’EPIC. Sur le plan financier, la gestion des bourses du gouvernement (BGF) est améliorée et celle des moyens consacrés à la mobilité internationale est renforcée.

Dans son rapport d’évaluation, notre collègue Hervé Gaymard avait souligné les difficultés intervenues au lancement de l’EPIC, dont témoigne la mise en œuvre tardive. Il a fallu regrouper trois entités distinctes, transférer les moyens humains et financiers de gestion des bourses pour éviter un déficit et cela devait nécessairement prendre du temps. Selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteur, celles-ci sont surmontées aujourd'hui et les étapes initiales se sont finalement bien déroulées. Le premier bilan d’activité, en date du 1er septembre, confirme que l’établissement est désormais en marche. En plus de l’agence parisienne, Campus France est présent dans 110 pays, dispose de 175 espaces dans les ambassades, qui sont autant de lieux d’accueil et d’orientation et d’aides concrètes, à l’obtention des visas, à la préparation des séjours, dans une optique d’accompagnement des étudiants du début de leur démarche à la fin, avec en outre la volonté, conformément à l’esprit et à la lettre de la loi de 2010, d’un suivi ultérieur de la relation avec les anciens étudiants, afin de maintenir actif un réseau de francophonie et de francophilie, thème sur lequel on a longtemps critiqué la faiblesse de notre intérêt ou de notre savoir-faire, à la différence de nombre de pays étrangers. L’une des missions de Campus France est désormais précisément de travailler sur cet aspect, garant de notre influence sur le long terme.

On relèvera aussi que la cohérence du système est renforcée par les conventions que Campus France a signées avec l'AEFE, les élèves des lycées français étant en quelque sorte le « vivier naturel » des futurs étudiants étrangers désireux de venir en France pour leurs études supérieures. Ces accords permettent d’une part, d’assurer la promotion de Campus France dans les lycées et d’augmenter la proportion d’anciens élèves du réseau de l'AEFE étudiants en France, actuellement de 49 %, grâce à un programme d’excellence facilitant l’octroi de bourses aux plus méritants ; d’autre part de gérer le programme de mobilité de l'AEFE. Cet objectif n’est pas aisé, compte tenu de l’ouverture « naturelle » des Français expatriés sur l’étranger et de la forte attractivité des systèmes universitaires américains par exemple. Actuellement, c’est surtout au niveau des masters que l’on constate un retour vers le système français et une politique d’information et d’orientation sur le terrain devrait contribuer à améliorer ce positionnement. Quoi qu’il en soit, selon les indications qui ont été données, la coordination entre les deux institutions est aujourd'hui parfaite. Dans le même esprit, des partenariats sont recherchés et des relations institutionnelles fortes se nouent entre Campus France et des instituts de recherche et des entreprises, l’idée étant de travailler sur le long terme en liaison avec le programme de bourses d’entreprises du MAEE. En ce sens, les priorités géographiques de Campus France vont vers l’attraction vers la France d’étudiants en provenance de pays émergents et nouveaux émergents, ainsi que du Moyen-Orient, pays dans lesquels de forts contingents d’étudiants existent sur des thèmes dans lesquelles notre pays est bien positionné en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Ainsi en est-il aussi de pays comme la Bolivie ou le Pérou.

c. Une politique de bourses sans doute insuffisante quant à ses moyens

Comme il a été rappelé plus haut, c’est à Campus France que la loi de 2010 sur l’action extérieure de l’Etat a désormais confié la gestion des bourses au profit des étudiants étrangers. En d'autres termes, le dispositif a été simplifié et la France s’est dotée d’un opérateur unique chargé d’assurer la promotion des formations supérieures françaises à l’étranger, mais aussi de fournir des prestations aux bénéficiaires de programmes de mobilité internationale de l’Etat ou de ses partenaires, notamment des boursiers du gouvernement français. Le nouvel EPIC gère aujourd'hui l’intégralité des bourses du gouvernement français (BGF) mais aussi les bourses des gouvernements étrangers (BGE).

La politique des bourses du ministère des Affaires étrangères donne la priorité à l’excellence académique des étudiants, aux niveaux Master/Doctorat des filières scientifiques et sciences de l’ingénieur, d’économie, de gestion, de management, de droit et des sciences politiques, en mettant l’accent sur les co-tutelles de thèse. L’accueil des boursiers du gouvernement français s’inscrit depuis la rentrée de 2006 dans le cadre d’une charte de qualité, préparée en écho à la charte européenne de qualité pour la mobilité. Le renforcement de la sélectivité des procédures de recrutement est recherché, de même qu’une logique de partenariat. Les bourses doivent être attribuées selon des critères lisibles par des jurys constitués majoritairement d’universitaires des deux pays. Une meilleure communication en direction des futurs boursiers et des partenaires locaux, une systématisation du suivi des réseaux d’anciens étudiants et boursiers ainsi qu’une attention portée aux programmes d’excellence sur crédits centraux constitueront les axes principaux de cette politique. Par ailleurs, notre politique vise à accueillir plus d’étudiants issus des pays émergents.

Cela étant rappelé, quelques données sont à relever avant d’aborder ultérieurement le volet strictement budgétaire de la question. Force est en effet de constater que notre pays se révèle modeste dans sa politique d’attributions de bourses. Il a été indiqué à votre Rapporteur que le nombre total de boursiers BGF était en 2011 de 14687, auxquels s’ajoutent certes les nombreux étudiants bénéficiant d’aides à la mobilité financées par les postes diplomatiques au travers de subventions à des fondations ou agences locales en complément de l’effort du MAE en faveur de l’accompagnement des étudiants étrangers vers la France. Le nombre total de mensualités versées s’établit en 2011 à 76 465.

Pour autant, comme le montrent les tableaux reproduits ci-dessous, les courbes statistiques inquiètent un peu. Le premier tableau montre une tendance à la baisse du nombre de bourses attribuées sur les dernières années, non démentie. Le deuxième, que le nombre de mensualités servies ne cesse également de diminuer, même si la durée moyenne d'une bourse a légèrement progressé : 5,2 mois (contre 4,8 mois en 2007), traduisant l’effort entrepris pour augmenter le nombre de bourses d’études par rapport aux bourses de stage. Ensuite, que les crédits que le MAEE consacre à cette politique sont en forte diminution sur les dernières années. Enfin, que le nombre ne cesse lui-même de baisser pour un coût global sans cesse plus faible. En d'autres termes, quoi qu’on en dise, la politique française de bourses est de moins en moins en moins généreuse. A l’heure où la concurrence est ce qu’elle est, où l’attractivité a l’importance que l’on sait, cette réalité ne saurait être considérée comme satisfaisante.

Données générales boursiers

               

Années

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

nombre total de boursiers

20 109

18 629

18 393

16 912

15 590

15 380

14 687

dont bourses d'études

11 936

11 910

11 891

11 328

10 804

10 219

10 408

dont bourses de stages

8 173

6 719

6 502

5 584

4 786

5 161

4 279

nombre total de mensualités

92 866

92 402

89 461

86 297

80 572

78 348

76 465

nombre de mois par boursier

4,6

4,9

4,8

5,1

5,1

5,1

5,2

Coût total en M€

104

97,3

95

94,9

93,6

80,5

71,8

               

Il a été indiqué à votre Rapporteur que ces indications devaient être relativisées du fait de l’existence dans plusieurs pays de dispositifs de bourses non BGF, de collectivités territoriales ou d’institutions privées, qui ne prennent pas toujours la forme d’une bourse du format « BGF » ; du fait que certains gouvernements étrangers disposaient même de leur propre programme de bourses (Kazakhstan, Syrie, Gabon…). Il est cependant difficilement contestable que notre propre effort ne cesse de diminuer.

La répartition géographique des boursiers fait apparaître une domination des étudiants originaires des pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. Comme le montre le diagramme reproduit ci-dessous, - les étudiants originaires du continent africain restent en tête, mais ne représentent plus que 39,5 % de l’ensemble contre 46,3 % en 2000. Les pays d’Europe rassemblent 18,8 % des bourses. Ces chiffres sont à peu près identiques à ceux de 2000. Cette part relativement modeste s’explique par la montée en puissance en parallèle des boursiers pris en charge sur les crédits communautaires (au premier rang desquels Erasmus. Le continent asiatique représente 18,2 % des bourses, contre 13,8 % en 2000. Cette progression est conforme à l’action menée en direction de ces pays. Les pays du Proche et du Moyen-Orient totalisent 11,6 % des bourses contre 9 % en 2000. Enfin, le continent américain reçoit 12,1 % des bourses (8,3 % en 2000), dont 0,7 % seulement pour l’Amérique du Nord.

Bourses du Gouvernement français en 2011

 

Régions/Effectifs

2011

 
 

Effectif

%

 
 

Union Européenne (26 pays hors France)

1 271

8,7%

 
 

Autres pays d'Europe

1 484

10,1%

 
 

Maghreb

2 897

19,7%

 
 

Afrique sub-saharienne

2 906

19,8%

 
 

Proche et Moyen-Orient (dont Egypte)

1 697

11,6%

 
 

Asie du Sud et du sud-est

1 317

9,0%

 
 

Extrême orient et Pacifique

1 345

9,2%

 
 

Amérique du nord

97

0,7%

 
 

Amérique centrale et sud

1 673

11,4%

 
 

TOTAL

14 687

100

 

S’agissant de la Pologne, la France accueille environ 3500 étudiants polonais dans ses universités et se situe au 3e rang sur ce plan après l’Allemagne et le Royaume-Uni. Outre les bourses et les programmes Erasmus très prisés en Pologne (655 accords), les étudiants polonais peuvent aussi, pour un millier d’entre eux, bénéficier d’une formation en français ou en coopération avec la France, grâce aux 60 doubles diplômes franco-polonais, soutenus financièrement et matériellement par l’ambassade de France (notamment les Ecoles de droit français de Cracovie, Varsovie, Lodz et Wroclaw) et constituent un support à la francophonie dans les universités. Les BGF permettent de maintenir ou d’accroître l’attractivité de la France pour les jeunes générations d’étudiants et de chercheurs polonais. Près de 700 000 € y sont consacrés chaque année. La priorité est donnée aux sciences dures, puis, au sein des sciences humaines, aux sciences économiques et juridiques, alors que les candidatures en sciences humaines et sociales sont plus nombreuses. Près de 90 bourses annuelles, soit 560 mensualités, se répartissent entre 45 bourses de Master 2, de 25 à 30 bourses de séjour scientifique, d’un mois environ) et 15 nouvelles thèses en cotutelle financées sur 3 ans. Le maintien des réseaux d’anciens est aussi une priorité, comme il a été signalé et à ce sujet, il est intéressant de relever qu’un « Club France en Pologne », rassemble depuis 2010 les alumni polonais de l’enseignement supérieur français, les anciens boursiers du gouvernement français et les étudiants et diplômés des formations universitaires francophones en Pologne. En septembre dernier, ce club a été doté d’un portail Internet et d’un annuaire électronique visant à l’animation de ce réseau francophone et/ou francophile.

Coopération franco-polonaise sur crédits 2012 SCAC-IFP

Bourses du Gouvernement Français

Les moyens propres dont dispose le SCAC en matière de coopération scientifique et universitaire sont de 1.070.000 € en 2012, dont plus de 60 % pour les bourses du gouvernement français (BGF) : 665.000 € en 2012 et 653.000 € en 2011.

Les Bourses du Gouvernement Français (BGF), qui permettent de maintenir ou d’accroître l’attractivité de la France pour les jeunes générations d’étudiants et de chercheurs qui formeront l’élite polonaise de demain, constituent un objectif sanctuarisé qui fait l’objet de crédits constants voire en augmentation depuis trois ans (665.000 € en 2012). Selon les instructions du Département, la priorité est donnée aux sciences dures, puis, au sein des sciences humaines, aux sciences économiques et juridiques alors que les candidatures en sciences humaines et sociales sont plus nombreuses.

Ce budget de 665.000 € a été affecté, à la suite des différents jurys de mars et d’avril 2012, à 91 bourses (de l’ordre de 560 mensualités au total) réparties de la façon suivante :

- 50 bourses de master ou équivalent (fin de cycle ingénieur), d’une durée de 6 à 10 mois en fonction du stage associé, parmi lesquelles 3 bourses d’une durée de 12 mois en soutien au programme COPERNIC.

- 1 bourse de master cofinancée avec le Crédit Agricole (12 mois) ;

- 16 bourses de doctorat en cotutelle (5 mois par an en France, sur 3 ans) ;

- 23 bourses pour des séjours scientifiques de haut niveau (SSHN ; 1 à 1,5 mois).

- 1 bourse d’étude pour un élève dans le cycle international long de l’ENA (13 mois).

En stock comme en flux (les cotutelles durent trois ans) le nombre de boursiers polonais concernés est donc de l’ordre d’une centaine par an depuis 2010.

Il n’existe actuellement qu’un seul programme de bourses cofinancées avec des entreprises françaises, en l’occurrence avec le Crédit Agricole (1 bourse de 12.000 € versés pour l’année au boursier par le Crédit Agricole). Notre objectif est d’élargir ces programmes. Des entreprises comme Dalkia (bourses en cotutelle), Michelin ou EDF sont des partenaires préférentiels avec qui le SCAC a déjà eu des discussions sur la forme de futurs programmes de bourses cofinancées. Il faudra poursuivre ces contacts pour déboucher sur de nouveaux programmes de bourses cofinancées l’année universitaire 2013-2014.

Source : Ambassade de France en Pologne

5. La politique d’influence en matière scientifique et universitaire

a. Les Instituts français de recherche à l’étranger, IFRE

Parmi les instruments de la diplomatie culturelle et d'influence qui ont un impact de grande visibilité à l’étranger, mention doit être faite des Instituts français de recherche à l’étranger, IFRE, implantés dans 33 pays. Placés sous la double tutelle du MAEE et du CNRS, ils accueillent 18 Unités de service de recherche, USR, du CNRS, dont 4 Unités régionales. Pour la plupart, 25 sur 27, il s’agit d’Etablissements à Autonomie Financière, EAF, les deux derniers étant intégrés à un Institut français, à Johannesburg et Francfort.

Votre Rapporteur traitera dans la seconde partie de son rapport les aspects strictement budgétaires, mais il souhaite ici aborder la question sous l’angle de leur rôle. Les IFRE sont en effet tout d'abord fortement impliqués dans la formation des jeunes chercheurs français, et les 180 partenariats qu’ils ont avec les institutions scientifiques françaises et européennes illustrent leur vitalité. En 2011, ce sont ainsi plus de 240 doctorants et post doctorants français qui ont bénéficié d’une aide à la mobilité dans le réseau des UMIFRE, pour une moyenne de séjour de 5 mois ½. Ces mobilités, dans des structures de recherche pérennes, collaborant étroitement avec les institutions des pays d’accueil, contribuent au renforcement des compétences scientifiques françaises portant sur des régions du monde politiquement importantes pour notre pays.

Si la production d’une recherche d’excellence en sciences humaines et sociales dans des domaines scientifiques bien identifiés constitue la mission première des Instituts, ils contribuent également à la compréhension des enjeux globaux et régionaux : un Institut sur quatre est situé dans un pays à enjeux globaux et régionaux ou dans un pays du G8 suivant la typologie du MAEE. Un Institut sur deux est situé dans un pays en crise ou sortie de crise, un pays intermédiaire entretenant des relations privilégiées avec la France, ou un pays d’influence ou de solidarité. Les IFRE sont aussi fortement présents dans le monde arabo-musulman (7 Instituts, soit le quart du réseau et 64 chercheurs expatriés). Ils ont su adapter leur recherche pour prendre en compte les nouveaux enjeux et défis liés aux évolutions récentes dans ces pays, comme en témoignent les 16 programmes de recherche en cours, couvrant les thématiques du changement social et politique, des mobilités et migrations, de la communication numérique et des nouvelles pratiques de la démocratie, des crises nationales et régionales et des évolutions du religieux.

En d'autres termes, les recherches menées par les scientifiques relevant des IFRE ont une forte reconnaissance. Ils ont acquis une remarquable visibilité dans les grandes revues internationales, non seulement par la qualité des contenus mais aussi du fait de la diversité des langues (français, anglais, espagnol et arabe principalement) et de la place des co-publications associant chercheurs français, des pays hôtes et étrangers. Ainsi, en 2011, les chercheurs des IFRE ont publié près de 400 articles, dont une centaine en archéologie et les deux-tiers en co-publication.

b. La visibilité et influence de notre recherche universitaire en Pologne

Votre Rapporteur ne peut manquer de clore ces développements sans mentionner de nouveau l’exemple polonais et les projets de recherche bilatéraux sur lesquels il a eu l’occasion de se pencher lors de son déplacement, qui confirment le très vif intérêt que nos partenaires y attachent.

Existe en premier lieu un programme franco-polonais de recherche « POLONIUM », cofinancé par le MAEE et par le ministère de la science polonais (MNiSW) qui permet à des projets de recherche de 2 ans de bénéficier d’échanges de scientifiques entre les deux pays. Plus de 60 projets sont actuellement en cours, dans des domaines très variés, l’objectif étant la mobilité des chercheurs français et polonais et la recherche d’effet de levier vers des projets mieux dotés financièrement comme ceux du 7e Programme cadre de recherche et développement de l’Union européenne, PCRD.

La coopération universitaire française en Pologne soutient également de nombreuses manifestations scientifiques, en organise certaines en partenariat avec des universités polonaises ou avec le centre Copernic. Cette coopération scientifique bilatérale passe également par des programmes de recherche cofinancés par des organismes français (CNRS, INRA, Institut National du Cancer, CEA) et des centres de recherche (de l’Académie polonaise des Sciences notamment) ou des ministères polonais (MNiSW).

S’agissant de l’intérêt attaché à la recherche française, l’exemple du Centre de civilisation française et d’études francophones, CCFEF, hébergé sur le campus de l’université de Varsovie, retient tout particulièrement l’attention, même s’il n’a pas le statut d’IFRE. Fondé en 1958, le CCFEF, dont le premier directeur fut Michel Foucault, travaille dans une perspective pluridisciplinaire, dans le champ des sciences humaines et sociales, sur les grands enjeux européens et la prospective d’une part et les questions mémorielles et les narrations de l’histoire, d’autre part. Il collabore avec les principales institutions - universités, cercles de réflexions, fondations, institutions culturelles - polonaises, françaises et européennes, sur les quatre missions qu’il s’est données : la promotion du débat d’idées entre la Pologne et la France, le développement de projets de recherche, le soutien à la coopération universitaire franco-polonaise, la mise à disposition des étudiants et des chercheurs d’un fonds documentaire spécialisé en langue et civilisation françaises.

Ce rappel étant fait, il est remarquable de constater que l’université de Varsovie manifeste un intérêt particulièrement soutenu pour le Centre. En témoignent les efforts qu’il y consacre : le Centre est non seulement en train de déménager vers les nouveaux et remarquables locaux qui viennent de lui être offerts sur le campus, mais la direction de l’université souhaite aussi la création d’un institut interfacultaire en sciences sociales en collaboration avec l’université française, pour laquelle un partenariat est en phase de constitution avec Paris I. Cela traduit la très grande ouverture vers la recherche française des autorités universitaires polonaises à laquelle elles souhaitent s’associer, développer des synergies sur la longue durée. Il faut y voir la reconnaissance de la qualité de l’université française - cf. la renommée d’une institution comme l’EHESS en Pologne. Cette attractivité remarquable est d’autant plus à souligner que les moyens que notre pays consacre au Centre sont notablement inférieurs à ceux que la partie polonaise y consacre (22).

En d'autres termes, votre Rapporteur retire de ce constat l’idée que la coopération scientifique et universitaire doit rester l’un des vecteurs principaux de notre diplomatie culturelle et d'influence, et qu’il est essentiel ne pas perdre de vue l’atout que représente l’excellence de l’image de l’université et de la recherche françaises. Il importe que les problématiques budgétaires n’obèrent pas cet aspect majeur de notre politique.

II. LES CRÉDITS ET MOYENS DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE ET D’INFLUENCE POUR 2013

A. UN BUDGET RELATIVEMENT ÉPARGNÉ ?

1. Un aperçu d’ensemble

On ne s’en étonnera pas : le budget que le MAEE propose pour la diplomatie culturelle et d'influence n’échappe pas aux règles de cadrage définies par le Premier ministre à l’été. En d'autres termes, la construction du budget pluriannuel 2013-2015 du ministère s’est inscrite, hors politiques prioritaires, dans l’effort de réduction des dépenses publiques, de fonctionnement et d’interventions pilotables, selon le rythme commun de - 7% en 2013, - 4 % en 2014 et - 4 % en 2015, soit une réduction globale cumulée de - 15 % à l’horizon 2015 par rapport à la LFI 2012, et de stabilisation en valeur des dépenses d’intervention obligatoires, notamment de la masse salariale.

En ce qui concerne le Programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », pour l’année 2013 et hors dépenses de personnel, le projet de budget s’élève à 665 M€ en AE=CP à structure courante, ce qui représente une diminution de 0,54 % par rapport à 2012. Les crédits dédiés à l’animation du réseau, - financement de la communication, des missions d’évaluation, de l’informatique, de la formation des agents, frais de missions et de représentation en administration centrale - perdent 6,4 % ; les crédits de soutien au réseau culturel - frais de missions, de tournée et de représentation des postes- diminuent de 5,6 %. En ce qui concerne le réseau des instituts culturels, EAF, les crédits exceptionnels de restructuration du réseau ouverts en 2012 sont en baisse de 50 % à 3 M€ en 2013, en raison de l’achèvement de la fusion entre les SCAC et les EAF. La baisse des dotations de fonctionnement aux EAF est de 4 %, à 38,7 M€, soit une diminution de 7 % sur le fonctionnement et 2,5 % sur la masse salariale. Les dotations pour opérations des EAF, d’un montant de 12,6 M€, et les subventions aux Alliances françaises diminuent de 7 %, compte tenu des perspectives d’autofinancement ou de cofinancements qui garantissent leur soutenabilité financière. Votre Rapporteur reviendra dans le détail de ces aspects plus loin.

Cela étant, s’agissant du programme 185, le MAEE a défini un certain nombre de priorités, pour lesquelles il a souhaité préserver voire même augmenter ses crédits, cependant que des économies ont été présentées par ailleurs. En d'autres termes, les normes gouvernementales ont été appliquées de façon différenciée en fonction de la nature des dotations et de la capacité des différentes composantes du réseau culturel à augmenter leurs ressources propres. Certains instruments de la diplomatie d’influence sont préservés, conformément aux priorités et orientations gouvernementales. C’est en premier lieu le cas du secteur de l’enseignement, qui se décline dans le monde à travers le réseau de l’AEFE. Pour 2013 et sur la durée du triennal, l’agence bénéficie d’une stabilisation de ses emplois expatriés et résidents. En outre, sa subvention est augmentée de 5,5 M€ en 2013 au titre de l’évolution de sa masse salariale, qui intègre une hausse des taux de cotisation au CAS pensions. Selon les indications données, l’agence rémunère près de 11 000 ETP dans son réseau, (10 819 exactement), dont 10,8 % d’expatriés, 51 % de résidents et 38,2 % de recrutés locaux. Les emplois locaux hors plafond augmenteront dans la limite de 95 en 2013 pour accompagner le développement de l’activité de l’agence.

Ensuite, les bourses de mobilité des étudiants étrangers en France constituent le cœur du dispositif d’influence et d’attractivité de la France et du Français. La dotation qui est consacrée à ce dispositif reste stable, cela est opportun, pendant la durée du triennal, soit 70,5 M€, et même en légère hausse de 1,2 % en 2013 du fait de la réintégration des crédits destinée à la Syrie. Une grande partie de cette enveloppe est attribuée par les postes diplomatiques et gérée par Campus France, sur des critères privilégiant le niveau académique des étudiants, les disciplines prioritaires et, sur un plan géographique, les pays émergents. Dans le même esprit, on verra que les programmes de bourses d’excellence sont maintenus : programme « Eiffel » (futurs cadres économiques et administratifs), programme « Excellence major » (meilleurs élèves étrangers issus des lycées français), programme « Quai d’Orsay-entreprises ».

Les crédits pour les échanges d’expertise et scientifiques sont également maintenus à leur niveau de 2012, soit 16 M€. Ils permettent d’assurer le financement des missions d’experts à l’étranger et d’invitations en France dans le cadre de l’organisation de conférences et de séminaires. Il s’agit d’un vecteur de coopération essentiel à la mobilité des jeunes chercheurs et au positionnement des laboratoires français.

En revanche, les autres instruments de la diplomatie culturelle et d’influence participent à l’effort collectif de réduction de la dépense publique. La baisse est appliquée aux dépenses de fonctionnement, à savoir aux crédits dédiés à l’animation du réseau et aux dépenses de soutien. Les crédits dédiés à l’animation du réseau, qui financent notamment la communication, les missions d’évaluation, l’informatique, la formation des agents, les frais de mission et de représentation en administration centrale, diminuent de 6,4 %. Les crédits de soutien au réseau culturel - frais de missions, de tournée et de représentation des postes - perdent 5,6 %.

La règle s’applique également aux structures du réseau culturel capables de mobiliser des cofinancements, notamment par le biais du mécénat, à savoir l’Institut français, les Alliances françaises et les EAF, qui reçoivent des dotations pour opérations. Votre Rapporteur analysera plus loin la problématique de l’autofinancement, après avoir indiqué que, s’agissant du réseau des instituts culturels, EAF, les crédits exceptionnels de restructuration du réseau diminuent de moitié, à 3 M€ en 2013, en raison de l’achèvement de la fusion entre les SCAC et les EAF. La diminution des dotations de fonctionnement aux EAF s’établit à 4 %, soit 38,7 M€ au total à périmètre constant, ce qui correspond à une diminution de 7 % sur le fonctionnement et de 2,5 % sur la masse salariale. Les dotations pour opérations des EAF, 12,6 M€, et les subventions aux alliances françaises, 7,3 M€, diminuent chacune de 7 %, étant entendu que l’on considère que leur dynamisme leur permet de préserver leur soutenabilité financière, grâce à l’autofinancement ou au montage de projets cofinancés.

En ce qui concerne les opérateurs, la subvention à l’Institut français est diminuée de 7 %, à 43 M€, en application de la norme gouvernementale ; l’Institut devra par conséquent développer ses opérations en cofinancement, conformément au contrat d’objectifs qu’il a signé avec l’Etat. En revanche, le montant de la subvention à Campus France est stable en 2013, à 1,8 M€, elle tient compte de sa montée en puissance plus tardive : comme votre Rapporteur l’a indiqué, ce n’est par exemple qu’au 1er septembre 2012 qu’il a repris les activités internationales du CNOUS. Nécessaires à l’équilibre financier de l’EPIC, la modernisation et la simplification des bourses interviendront courant 2013.

2. Problématique de l’autofinancement

Cette présentation très globale faite, des développements sont nécessaires sur la question spécifique de l’autofinancement des opérateurs.

Comme le présentent les documents budgétaires, « les ambitions de notre pays dans le domaine de la coopération culturelle, scientifique et universitaire nécessitent d’adapter nos modes d’intervention aux nouveaux enjeux de la mondialisation. Pour renforcer l’efficience dans la gestion des crédits et améliorer le pilotage des actions, il convient notamment de dynamiser les ressources externes, de favoriser les partenariats et de renforcer la tutelle sur les opérateurs, tout en généralisant la culture de l’évaluation des résultats. » (23) En ce sens, la recherche de financements complémentaires est devenue un indicateur de gestion et de performance. D'ores et déjà le taux atteint pour certaines institutions 60 %, les prévisions sont de 62 % pour 2012, alors que le taux moyen était de 58 % en 2011. Cela traduit un réel dynamisme de la part des EAF et reflète aussi, d’une certaine manière, l’attractivité de l’action culturelle à laquelle des partenaires extérieurs se joignent. En 2011, le montant total des cofinancements s’est élevé à 174,6 M€, supérieur à la cible fixée à 140 M€ dans le projet annuel de performance, ce qui représentait une augmentation de 7% par rapport à 2010.

Cela étant, de fortes disparités existent entre les EAF. Elles opposent les EAF pluridisciplinaires, i.e. les Instituts français aux centres de recherche, IFRE, lesquels ont un taux d’autofinancement nettement inférieur à 60 %, restant fortement dépendants de l’aide de l’Etat. Pour faire face à la réduction de l’aide publique, le MAEE et le CNRS encouragent fortement les Instituts à développer les financements sur appels à projets, notamment avec l’Agence nationale de la Recherche ou l’Espace Européen de la Recherche, en leur nom propre ou en association avec des organisations scientifiques françaises et européennes. La mise en place de projets de recherche conjoints avec les écoles françaises à l’étranger est une orientation porteuse, avec des résultats encourageants (autour de 80 000 € obtenus par les IFRE en 2012). La réduction des budgets de fonctionnement, en particulier de la masse salariale est aussi encouragée. En témoigne la part croissante des personnels d’étude et de recherche étrangers employés par les IFRE en 2012 (12 % des 465 personnels des IFRE, dont 319 agents de droit local et 146 expatriés, au détriment des personnels administratifs locaux, celle des chercheurs et étudiants des pays hôtes associés aux programmes des IFRE (1/3 en 2011).

De même constate-t-on des disparités entre les EAF pluridisciplinaires eux-mêmes, dont certains n’ont pas, ou peu, de recettes propres et rencontrent des difficultés à conclure des partenariats financiers en raison de contextes locaux parfois complexes, que ce soit pour des aspects économiques ou des contraintes juridiques. Dans ce dernier cas, l’autofinancement reste aussi nettement inférieur à 60 %.

L’objectif d’autofinancement de 60 % hors expatriés a pu être atteint grâce à la capacité des établissements à mobiliser des financements extérieurs, dans le cadre de partenariats, à la recherche de leur équilibre financier par l’augmentation de leurs recettes propres, notamment par l’amélioration de la rentabilité des cours de langue. Celle-ci a été favorisée par la redéfinition de l’offre, sur la base d’études de marché en ce qui concerne les publics cibles et leurs attentes, et l’association plus étroite des nouvelles technologies aux méthodes d’enseignement. A titre d’exemple, l'Institut français de Varsovie investit actuellement dans l’équipement de ses salles de cours en tableaux muraux interactifs, pour renforcer l’attractivité de ses enseignements. Il suit en cela le Goethe Institute, entre autres, qui a d'ores et déjà réalisé cet investissement.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS
DU PROGRAMME « DIPLOMATIE CULTURELLE ET D’INFLUENCE »

(en millions d’euros)

Actions et sous-actions

Ouverts LFI 2012

Demandés PLF 2013

Variation 2012/2013

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 185

751,69

751,69

747,60

747,60

- 0,54

- 0,54

Titre 2, Dépenses de personnel

83,97

83,97

82,17

82,17

- 2,14

- 2,14

Hors titre 2

667,72

667,72

665,43

665,43

- 0,34

- 0,34

Action 1 – Animation du réseau

48,62

48,62

47,57

47,57

- 2,16

- 2,16

Action 2 - Coopération culturelle et promotion du français

84,44

84,44

77,31

77,31

- 8,44

- 8,44

Action 3 – Enjeux globaux

9,71

9,71

9,38

9,38

- 3,39

- 3,39

Action 4 – Attractivité et recherche

104,81

104,81

106,17

106,17

+ 1,30

+ 1,30

Action 5 –AEFE

420,14

420,14

425,00

425,00

+ 1,16

+ 1,16

Source : Données du ministère des Affaires étrangères et européennes, Projet annuel de performances, PLF 2013.

B. PRÉSENTATION DES CRÉDITS DEMANDÉS PAR ACTION

1. Les crédits de l’animation du réseau

Ainsi qu’il a été dit, la réforme du réseau culturel vise tout d'abord à une meilleure visibilité, grâce à une « marque » unique, celle de l'Institut français, en complément de celle de l’Alliance française. Une meilleure lisibilité du réseau est également recherchée par la fusion en cours des diverses instances du dispositif extérieur, SCAC, EAF, etc., en un seul et unique acteur, dirigé par le conseiller de coopération et d’action culturelle, faisant office depuis le 1er janvier dernier, de directeur de l’EAF « Institut français » dans chaque pays. Ce processus sera achevé au 1er janvier prochain, sauf pour quelques pays où la complexité du réseau a justifié un report de sa mise en œuvre. En parallèle, l'Institut français parisien mène dans 12 pays l’expérimentation de rattachement qui lui a été demandée par la loi.

L’action « animation du réseau » reçoit un total de 47,57 M€, en AE=CP ; elle représente 6,4 % de l’enveloppe globale du programme 185. Par rapport à la LFI 2012, dans laquelle 48,62 M€ avaient été votés à ce titre, la diminution est de – 2 %.

Les dépenses de fonctionnement prévues pour cette action, d’un montant de 46,16 M€ en AE=CP, se répartissent en deux sous-actions. Une première sous-action, elle-même dénommée « animation du réseau » est créditée de 3,87 M€ (AE=CP) ; elle perd 7 % par rapport à 2012, où 4,16 M€ lui étaient consacrés. La moitié des crédits prévus cette année, soit 1,93 M€, est consacrée aux frais de mission et de représentation en administration centrale, engagés à l’occasion de séminaires internationaux, de sessions de formation régionale, d’universités d’été ou de manifestations similaires, dans lesquelles la participation d’experts français est requise. Les crédits restants sont utilisés pour la mise en œuvre et à la maintenance d’applications informatiques de la DGM, à des dépenses de communication, de formation ainsi qu’au financement du programme d’évaluations stratégiques lancé en 2010 en coordination avec le Trésor et l'AFD ; 817 000 euros y sont consacrés. La diminution de 7 % a été appliquée uniformément à chacun de ces postes de dépenses.

En revanche, l’essentiel de la dépense de cette action, soit 43,70 M€, consacrés à la sous-action « appui général au réseau », n’est affectée que d’une baisse de 2 %. Il faut saluer le fait que ce faible pourcentage n’est dû qu’à la diminution de 50 % des crédits consacrés à la restructuration du réseau, qui ne sont plus cette année que de 3 M€ contre 6 M€ l’an passé. Cela est logique dans la mesure où ce processus sera pour l’essentiel achevé à la fin de l’année, sauf en ce qui concerne les cinq postes dont la fusion du dispositif a été reportée à 2013 pour cause de complexité particulière, ainsi que votre Rapporteur l’a indiqué plus haut. Les dotations de fonctionnement aux EAF culturels reçoivent en 2013 36,96 M€ contre 34,54 M€ votés en loi de finances 2012. Cela représente une hausse de 7 %, mais qui tient compte des transferts dus au changement de périmètre. A périmètre constant, la baisse est de 4 %, comme indiqué. Les crédits consacrés aux frais de tournées et de représentation dans les postes diminuent de 5 % et passent à 2,32 M€ contre 2,46 M€ en 2012.

Dans le même temps, la subvention à la Fondation Alliance française et à ses délégations régionales diminue assez modestement, de 3 % précisément, à 1,41 M€ contre 1,46 M€. Cette baisse fait suite à une première intervenue en 2012, qui était également de 3 %. La Fondation montre une certaine inquiétude devant cette nouvelle diminution de la subvention de l’Etat, d’autant qu’elle s’accompagne de la perte programmée de 100 ETP mis à disposition sur le triennum.

2. La coopération culturelle et la promotion du Français

Cette action, qui représente 10,3 % de l’enveloppe totale du programme, perd cette année 8,4 % par rapport à 2012 : 77,31 M€ lui sont consacrés, contre 84,44 M€ votés l’an dernier. Il s’agit des crédits destinés à conforter et à valoriser la position du Français dans le monde ainsi qu’à la promotion de la culture française dans les pays étrangers. L’essentiel des crédits, soit 43,71 M€ en AE=CP, est consacré à des dépenses de fonctionnement, lesquelles en quasi-totalité représentent la subvention de 42 M€ à l'Institut français, dans le cadre de la sous-action « Coopération et diffusion culturelles », destinée à couvrir ses charges de service public. Le reliquat, soit environ 1,7 M€, sert au financement du soutien à des actions de coopération, soutien logistique pour l’organisation d’événements culturels.

Cette dotation à l'Institut français est en diminution de 7 % par rapport aux crédits votés en 2012, qui se montaient à 46,76 M€. Votre Rapporteur ne peut manquer de soulever que les responsables de l'Institut français qu’il a rencontrés sont montrés inquiets de cette diminution décidée de la subvention, arguant notamment du fait que l'Institut est encore en phase de décollage ; restreindre ses moyens à ce stade serait contreproductif et clairement problématique : cette baisse intervient après une précédente de 1 % décidée l’été dernier. L’application stricte de la règle triennale qui après – 7 % en 2013 annonce deux fois – 4 % en 2014 et en 2015, suppose de la part de l’opérateur un effort qui ne peut que se traduire par une réduction de son activité. Les recettes obtenues du mécénat ne sont au demeurant pas aussi importantes que celles initialement escomptées, même si des partenariats importants pourraient se concrétiser : le président de l'Institut français indiquait à votre Rapporteur que ces recettes ne dépasseraient pas 1,5 M€ en 2012, contre des prévisions de 2,7 M€, compte tenu d’un contexte peu favorable.


Les financements de l’Etat à l'Institut français (source MAEE, PAP)

Cela pour indiquer que, du point de vue de votre Rapporteur, s’agissant d’un opérateur en phase de croissance, sur lequel repose la responsabilité majeure qui lui a été confiée par la loi d’être la principale vitrine et le premier acteur de notre diplomatie culturelle et d'influence, peut-être serait-il opportun d’appliquer les mesures d’économie avec prudence, afin de ne pas faire courir de risque à un instrument potentiellement remarquable.

Votre Rapporteur a entamé son étude par une approche comparatiste et il souhaite également porter un regard sur la situation budgétaire des principales institutions culturelles qu’il a présentées, du point de vue de leurs ressources publiques. Il apparaît en effet que si des efforts conséquents sont demandés à l'Institut français pour développer ses partenariats et son autofinancement, ses pairs sont pour la plupart dans le même cas, parfois dans une perspective bien plus critique. A cet égard, il convient de rappeler que l’un des objectifs de la réforme est précisément d’augmenter la part de l’autofinancement qui, d'ores et déjà, est en moyenne de 60 % voire même plus : dans certains pays, les Instituts français s’autofinancent à 100 %, comme à Milan ou à Tokyo, selon les indications fournies à votre Rapporteur. Au sein de l'Institut français parisien, une cellule est chargée de la recherche de mécénat, elle monte en puissance et ses résultats sont bons dans certains pays ou sur certains types d’opérations, telles les saisons culturelles. Les entreprises françaises implantées en Chine apportent une aide conséquente chaque année à la diffusion de la création française et l’on essaie d’associer systématiquement les entreprises aux événements importants, voire même sur la modernisation des équipements, dans le secteur de l’enseignement, notamment supérieur, par exemple.

Un nouveau regard vers l’étranger permet de mettre les choses en perspectives. Ainsi, les coupes budgétaires que l’Institut Cervantes devra supporter l’an prochain sont d’une ampleur sans commune mesure avec l’effort demandé à l'Institut français, situation financière de l’Espagne oblige. Selon la présentation qu’en a fait le directeur de l’Institut devant la Commission des relations extérieures du Congrès des députés le 8 octobre dernier (24), les dotations publiques diminueront de 37,32 % par rapport à celles de 2012. Le réseau Cervantes ne recevra plus que 50,3 M€, et son budget se verra ainsi amputé de quelque 30 millions. Au total, le budget de l’Institut, tous modes de financement confondus, s’élèvera à 83,7 M€, en repli de 13,9 %. Un plan de redimensionnement du réseau est d'ores et déjà décidé, qui se traduira par la fermeture de trois établissements au moins, dont deux au Brésil, pays pourtant stratégique pour l’Espagne, ainsi que par la cession de certains bâtiments à l’étranger appartenant à l’Etat espagnol. En d'autres termes, alors même que le réseau voit son audience croître d’année en année, (+ 7 % d’inscrits aux cours de langue en 2012 par rapport à 2011), ce volet clef de la politique extérieure de l’Espagne subit de plein fouet les effets de la crise budgétaire de la Péninsule.

Toutes choses égales par ailleurs, les subventions publiques que reçoivent le British Council et le Goethe Institut de la part des ministères des affaires étrangères britannique et allemand, sont également aujourd'hui revues à la baisse, dans des proportions qui, pour être moins brutales que celles décidées à Madrid, n’en sont pas moins conséquentes. Le gouvernement de David Cameron a ainsi programmé une diminution régulière des subventions versées au British Council, lesquelles ne représenteront plus que 15 % de son chiffre d’affaires à l’horizon 2015, contre 25 % encore aujourd'hui, soit l’équivalent de quelque 150 M€ contre 200 aujourd'hui.

Pour être un peu moins sévère, la situation du Goethe Institut suit une tendance comparable, orientée à la baisse : le directeur du bureau de Varsovie que votre Rapporteur a rencontré lors de son déplacement en Pologne lui indiquait que, dans la plupart des postes, sauf dans les pays aujourd'hui cibles prioritaires du gouvernement, les budgets étaient désormais au mieux stabilisés en volume, ce qui se traduit concrètement par une diminution régulière des budgets opérationnels, à mesure que les coûts de fonctionnement augmentent. Pour sa part, logé depuis près de 10 ans dans de remarquables locaux particulièrement bien situés dans le centre de Varsovie, le Goethe Institute de Pologne devra déménager d’ici un an, au prochain renouvellement de son bail, faute de pouvoir faire face à l’augmentation annoncée de son loyer. Son directeur recherche d'ores et déjà un nouvel emplacement qui sera nécessairement moins intéressant, tant en termes de visibilité que de fonctionnalité. Pour de semblables raisons de coûts, le British Council de Varsovie a de son côté délocalisé ses services administratifs en banlieue, ne laissant en ville que ses espaces dédiés aux cours.

S’agissant des recherches d’autofinancement, les situations sont également fort comparables. Selon les informations recueillies, il apparaît que l’autofinancement des activités culturelles extérieures est aujourd'hui une nécessité partagée par tous les acteurs. Cette pratique est même parfois ancienne. C’est le cas en ce qui concerne le British Council dont les recettes, provenant essentiellement des cours qu’il dispense et des examens qu’il fait passer, représentent, au niveau mondial la moitié de son chiffre d’affaires, soit l’équivalent de quelque 400 M€. C’est le gouvernement de Margaret Thatcher qui a initié cette politique, tendant à réduire les subventions publiques et à inciter le British Council à développer une orientation entrepreneuriale en augmentant ses recettes commerciales. Orientation jamais démentie depuis lors, quel que soit le gouvernement en place, et les plus récentes décisions prises par celui de David Cameron ne peuvent que l’accentuer, avec la réduction drastique des subventions publiques dans le chiffre d’affaires. On a vu plus haut que ce sont donc 50 M€ que le British Council devra financer de son propre chef d’ici à deux ans. Il en est de même en Allemagne où le Goethe Institute tire également une part importante de ses moyens des recettes que lui procurent les cours de langue.

En d'autres termes, on constate aujourd'hui que les conditions budgétaires ont partout un impact, certes plus ou moins fort selon les pays, mais indéniable, quand bien même la diplomatie culturelle et d'influence est-elle considérée comme une priorité forte de l’action extérieure des gouvernements.

Cette parenthèse internationale refermée, les dépenses d’intervention de l’action « coopération culturelle et promotion du Français », quelque 20 M€, AE=CP, reviennent à la sous-action « langue française et diversité linguistique ». Ils se répartissent dans le financement de bourses, 4,1 M€, essentiellement destinées à des études de Français langue étrangère, pour des étudiants étrangers, futurs enseignants de Français, d’un montant identique à celui de l’an dernier. 1,3 M€ financent des missions d’échanges d’expertise, également sans changement, et 2,6 M€ sont dédiés aux dotations pour opérations des EAF, dans le cadre de la stratégie d’influence, pour l’apprentissage du Français, la promotion des études en France, ou des industries culturelles, entre autres aspects. Le cumul des dotations aux EAF, fonctionnement et interventions confondus, fait apparaître comme évoqué plus haut, une diminution de 4 %, pour un total de 38,7 M€. Les Alliances françaises locales se partagent un total de 5,92 M€ en AE=CP ; ces subventions sont versées aux SCAC qui soutiennent les activités culturelles et linguistique du réseau. Cette ligne est en diminution de 8 % : elle avait été dotée de 6,43 M€ en 2012. Enfin, 6,17 M€ sont attribués à divers autres moyens bilatéraux d’influence, tel l’Office franco-allemand de la jeunesse. Les crédits prévus sont inférieurs de 5 % à ce qu’ils étaient en 2012, 6,53 M€.

Les dépenses d’intervention de la sous-action « coopération et diffusion culturelles » reçoivent 13,53 M€, répartis entre des financement de bourses de stage dans les domaines artistiques ou d’études, tels que des programmes de résidence pour des artistes étrangers. 1,47 M€ leurs sont consacrés. Les crédits pour les missions d’échanges d’expertise sont dotées de 2,41 M€, les dotations pour opérations aux EAF de 5,4 M€. Enfin, 4,2 M€ sont répartis entre les postes et l’administration centrale sous forme de subventions en appui à la politique culturelle du MAEE, versées par exemple à Unifrance Film, TV France international ou encore Marseille Provence 2013. Si les bourses et les moyens des échanges d’expertise sont stabilisés par rapport à 2012, en revanche, les autres rubriques subissent des baisses de 5 à 6 %.

3. La promotion des enjeux globaux

Cette troisième action du programme 185 voit sa dotation diminuer de 3 % : il est prévu 9,38 M€ pour 2013, contre 9,71 M€ votés en loi de finances 2012. Ces crédits représentent 1,3 % du programme ; ils sont destinés à contribuer au renforcement de la coordination internationale dans le cadre des débats dans lesquels la France et l’UE sont porteuses d’idées qu’elles entendent continuer à promouvoir, comme en matière de gouvernance internationale de l’environnement. Sujet connexe, la promotion de la vision française et européenne d’une mondialisation mieux régulée figure au titre des dépenses que cette action supporte.

L’essentiel de cette enveloppe est consacrée à des dépenses d’intervention, notamment de bourses et d’échanges d’expertise, pour respectivement 2,96 M€ et 1,2 M€. A l’instar de ceux consacrés à ce type de soutien dans les autres actions, ces crédits sont stabilisés. En revanche, les « autres moyens bilatéraux d’influence », dotés pour 2013 de 4,47 M€, sont en diminution de 6 %, de même que quelques dotations, faibles, de l’ordre de 0,7 M€ en tout, destinées au soutien d’actions de coopération et à des opérations d’EAF, qui diminuent de 7 %.

4. Les moyens consacrés à l’attractivité et à la recherche

Les moyens consacrés par le programme 185 à l’attractivité et à la recherche, action n° 4, sont d’une tout autre ampleur : 106,17 M€. Ils sont en augmentation de 1,3 % et représentent 14,2 % des crédits du programme.

Les objectifs de cette action visent tout d'abord à renforcer l’attractivité universitaire du territoire français, dont on a vu l’importance, moyennant des actions tendant à promouvoir l’enseignement supérieur français et à améliorer l’information des étudiants étrangers sur l’offre de notre pays, rôle confié à Campus France. Il s’agit aussi d’apporter un soutien direct à la mobilité entrante par l’attribution de bourses d’études et de stages, de renforcer les réseaux universitaires bilatéraux, de soutenir les formations supérieures délocalisées, d’appuyer la création, le fonctionnement et le développement des pôles d’excellence dans les pays partenaires et d’aider à la projection internationale de consortiums scientifiques régionaux. Il s’agit ensuite d’insérer la recherche française dans les réseaux internationaux de pointe, moyennant un certain nombre d’instruments de partenariats, l’animation du réseau des centres de recherche en sciences humaines et sociales, le soutien à diverses actions de veille et valorisation de la science française et enfin de renforcer la présence française dans les grandes enceintes scientifiques.

En termes de dépenses de fonctionnement, 4,21 M€ représentent la subvention pour charges de service public de Campus France. Cette enveloppe, considérablement plus élevée que celle de l’an passé, s’explique par le transfert à l’EPIC des activités internationales du CNOUS et n’appelle pas de commentaire particulier. Un crédit de 5,49 M€ représente la dotation de fonctionnement aux IFRE que votre Rapporteur a présentés plus haut. Cette dotation est inférieure de quelque 4 % à ce qu’elle était en 2012, où elle représentait 5,7 M€.

Les dépenses d’intervention de cette action s’élèvent à 96 M€. 67,6 M€ sont destinés à la sous-action « attractivité et enseignement supérieur ». C’est essentiellement de dépenses de transferts aux ménages, sous formes de bourses, dont il s’agit ici, pour un montant de 55,88 M€, en légère hausse, de 1 %, par rapport à 2012, en conformité avec la tendance générale des crédits réservés aux bourses cette année. Les crédits pour les changes d’expertise sont également en légère augmentation,  + 2 %, à 2,09 M€. Les dotations pour opérations aux EAF à ce titre, ainsi qu’aux établissements de recherche se montent à 2,37 M€, en diminution de 6 % et les crédits destinés à renforcer l’attractivité universitaire de la France moyennant des canaux bilatéraux s’élèvent à 7,26 M€, en diminution de 4 %.

La sous-action « recherche scientifique » perd également de ses moyens. 28,40 M€ y sont consacrés et, si les bourses, crédits d’échange d’expertise et programmes d’échanges scientifiques, tel le partenariat Hubert Curien, sont stabilisés à 6,14 M€, 2,25 M€ et 6,79 M€ respectivement, les autres postes subissent des baisses de l’ordre de 6 à 7 %. Il en est ainsi des dotations pour opérations aux établissements de recherche, - 7 % à 1,85 M€, ou des autres moyens bilatéraux d’influence, qui financent des partenariats locaux et des échanges scientifiques, - 6 % à 11,32 M€, contre 11,99 M€ précédemment.

5. L'Agence pour l’enseignement français à l’étranger

56,8 % des crédits du programme 185 sont consacrés à cette cinquième action, qui concerne exclusivement la dotation à l'AEFE. Une enveloppe totale de 425 M€ lui est attribuée pour 2013, ce qui représente une hausse de 1 % par rapport à l’an dernier, où les crédits votés se montaient à 419,5 M€. Cette augmentation est la traduction de la priorité donnée par le Président de la République à l’enseignement. Elle sera maintenue au long du triennum. Elle est opportune car elle permet à l’agence de sortir de difficultés budgétaires dans lesquelles elle était, puisque le coût lié à l’augmentation des taux de pensions civiles des personnels qui lui sont détachés n’avait pas été totalement compensé et avait dû être couvert sur fonds propres. Les 5 M€ sont donc bienvenus, le besoin de financement sur cette ligne augmentant de + 1,4 M€ en 2013 par rapport à 2012, après les augmentations des années précédentes. L'AEFE ne voit pas non plus ses ETP diminuer, ni en expatriés, ni en résidents, au contraire : elle pourra même recruter 100 ETP hors plafond, de droit local, ce qui constitue une « soupape » lui permettant de mieux faire face à l’extension de son réseau. La stabilité des emplois de l’agence est également garantie sur le triennum.

Le tableau suivant récapitule l’ensemble des dotations que reçoit l’opérateur, également doté de la part du programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires ». Ces subventions lui permettent d’assurer les missions de service public qui lui sont confiées, relatives à l’éducation en faveur des enfants de nationalité française résidant à l’étranger, de contribuer au renforcement des relations de coopération entre les systèmes éducatifs français et étrangers au bénéfice des élèves scolarisés dans les établissements du réseau, de contribuer au rayonnement de la langue et de la culture françaises, par l’accueil des enfants étrangers, notamment, d’aider les familles à supporter les frais de scolarité et enfin d’accorder des bourses.


Les financements de l’Etat à l’AEFE (Source MAEE, PAP)

6. Les dépenses de personnel

Enfin, l’action n° 6 regroupe les dépenses de personnel du programme 185.

Dans la mesure où ce programme n’est pas épargné et doit participer à l’instar des autres à la réduction du déficit budgétaire, ce n’est pas d’une manière harmonieuse et identique pour toutes les actions que l’effort est réparti. Le ministre Laurent Fabius tenté de concilier ces contraintes avec les priorités politiques de l’action extérieure. C'est la raison pour laquelle certaines actions ou opérateurs, telle l’AEFE, voient leurs crédits sanctuarisés, voire même augmentés dans certains cas. En conséquence, plus que sur les crédits, c’est sur les effectifs que l’effort est engagé sur le triennum 2013-2015 et cette diminution aura notamment des incidences sur l'Institut français et le réseau des Alliances françaises. Il a été indiqué à votre Rapporteur qu’une dizaine d'Instituts français devront être fermés sur la période sans que les arbitrages soient encore rendus et sachant que des solutions de remplacement devront être trouvées, qui reposeront très probablement sur le réseau des Alliances françaises.

Concrètement, sur l’ensemble du triennum l’objectif est fixé à 600 suppressions d’emplois pour l’ensemble du ministère, soit un effort d’environ 1,3 % par an qui tient compte des suppressions déjà réalisées depuis 2006. Cette réduction suppose des mesures de réorganisation et d’adaptation du réseau, touchant plusieurs secteurs de son activité. Il est indiqué que le plafond d’emplois du ministère s’établira à 14.798 ETPT en 2013, sur la base d’un schéma d’emploi au titre de l’année 2013 de 184 suppressions nettes. Pour l’essentiel, celles-ci résulteront de l’achèvement de l’évolution du réseau culturel et de coopération. Elles porteront en conséquence sur les programmes 185 et 209 à hauteur de 135 ETP, dont 74 ETP correspondant aux emplois transférés aux EAF au titre de la fin de la fusion avec les SCAC.


Evolution des emplois, programme 185 (source : MAEE, PAP)

S’agissant des opérateurs du programme 185, les plafonds sont les suivants : 6 353 pour l’AEFE, 243 pour Campus France, 182 pour l’Institut français. En d'autres termes, l’Institut français voit son plafond baisser de 14 ETP, diminution qui se répartit entre, d’une part, la participation de l'Institut français à l’effort d’économie, à raison de 8 ETP et, d’autre part, le retrait de la Syrie du champ de l’expérimentation, ce qui correspond à 6 ETP. En revanche, Campus France, en phase de consolidation, comme il a été souligné, voit son plafond d’emplois revalorisé de 25 ETP en provenance du CNOUS dont on rappelle qu’il a absorbé les activités internationales au 1er septembre dernier. Dans le même esprit, les emplois hors plafond de Campus France passent de 3 à 43 ETP, afin d’assurer la reprise de la gestion des bourses des gouvernements étrangers. Enfin, le plafond de l’AEFE est stabilisé à 6353 ETP. Ses emplois hors plafond progressent de 95 ETP, soit un total pour 2013 de 4561 ETP financés par les établissements eux-mêmes.

CONCLUSION

Pour important qu’il puisse paraître à certains, l’effort demandé au programme 185, dont il ne pouvait s’exonérer, est équilibré et mesuré. Surtout, il respecte les principales priorités définies par le Président de la République et le gouvernement, notamment en matière d’éducation et l’on ne peut conclure qu’il est de nature à compromettre l’essentiel.

Dans la conjoncture budgétaire, fortement contrainte, votre Rapporteur ne juge pas non plus que les choix proposés soient de nature à casser le remarquable dynamisme dont l’ensemble des opérateurs et acteurs de notre réseau fait preuve, dans toutes ses composantes. Il tient toutefois à signifier de la manière la plus nette, comme il n’a cessé, avec d’autres, de le dire au cours des années antérieures : notre outil diplomatique ne peut continuer impunément à être l’objet de réductions budgétaires. Il est soumis depuis maintenant plus de 15 ans à une cure d’austérité dont on n’a pas mesuré les incidences qu’elle fait courir à notre capacité d’influence. Si, s’agissant de la diplomatie culturelle et d'influence, l’essentiel n’est pour le moment pas compromis, chacun conviendra qu’il importe de veiller à ce que les ambitions de la réforme que le législateur a portée en 2010 ne risquent d’être réduites à néant par des considérations simplement budgétaires.

Pour l’heure, si les contraintes auxquelles notre réseau culturel doit aujourd'hui faire face sont évidemment fortes, le budget qui lui est consacré doit néanmoins encore lui permettre de continuer d’affronter la concurrence dont les opérateurs subissent de leur côté des coupes parfois autrement plus drastiques. Son dynamisme est la garantie de la qualité et de la visibilité de notre action en matière de diplomatie culturelle et d'influence, autant que les subventions qu’il reçoit.

Au terme de son étude, votre Rapporteur ne peut donc que vous inviter à adopter les crédits proposés pour le programme 185, diplomatie culturelle et d'influence.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, au cours de sa séance du mercredi 24 octobre 2012.

M. Jean Launay, président. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je suis heureux de vous accueillir avec Élisabeth Guigou, présidente de la Commission des affaires étrangères et Patrick Bloche, président de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Gilles Carrez, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, qui m’a demandé de présider cette séance à sa place.

Cette commission élargie est réunie pour vous entendre présenter les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

M. Jérôme Lambert, rapporteur spécial. Le budget de l’action extérieure de l’État s’élèvera à 1 270 millions d’euros en 2013, ce qui représente une hausse de 2,3 % par rapport à 2012. Cependant, 184 postes seront supprimés tandis que 25 autres seront créés dans les consulats, postes qui seront autofinancés par la délivrance de visas.

Ce budget réaliste, qui s’inscrit dans l’effort de redressement des finances publiques, permettra de financer les priorités du ministère : les contributions internationales obligatoires, la préservation de l’enseignement du français à l’étranger, la stabilité des moyens alloués aux bourses et aux échanges scientifiques, ainsi que l’universalité du réseau diplomatique français dont la sécurité des postes les plus exposés continuera à être renforcée.

Ce budget s’inscrit à la suite de nombreuses années d’effort qui ont anticipé la RGPP, puisque le nombre d’agents du Quai d’Orsay a commencé à baisser dès 2006. En sept ans, ce ministère a perdu près de 1 500 emplois, soit 8,7 % de ses effectifs. C’est dire si, à la suite du changement de majorité, l’attente des fonctionnaires, ainsi que de ceux qui sont attentifs à la diplomatie française, est grande.

Monsieur le ministre, je vous poserai trois questions.

La première porte sur la répartition des moyens accordés à nos représentations diplomatiques.

La répartition des moyens financiers et humains entre nos représentations diplomatiques laisse parfois songeur. En analysant les effectifs de nos représentations par pays, je me suis rendu compte que la France compte des ambassades dites « au format d’exception » – ce sont les plus grandes – dans neuf pays différents. On ne s’étonnera pas de retrouver dans cette liste les États-Unis ou l’Allemagne. En revanche, on peut être plus surpris d’y compter des pays comme le Sénégal, le Maroc ou encore Madagascar.

Aucune trace, en revanche, de la Chine, de l’Inde, de la Russie, du Brésil, du Japon, de la Corée du Sud, qui sont les locomotives de la mondialisation et du développement du commerce international. Nos ambassades dans ces pays sont classées dans la deuxième catégorie, celle des Postes à missions élargies.

Ainsi, nos services disposent en Chine de 303 fonctionnaires et contractuels – ce qui n’est quand même pas rien –, soit 56 de moins qu’au Maroc, alors que notre pays importe 40 milliards d’euros de produits chinois par an, avec un déficit annuel de 30 milliards d’euros contre un commerce dix fois moindre avec le Maroc.

Et malgré nos 12 milliards d’euros d’importations russes – dont 6 milliards d’euros de déficit –, nous ne comptons que 222 agents dans ce pays contre 253 au Sénégal, pays avec lequel nous échangeons à peine quelques centaines de millions d’euros par an.

Dernier exemple : notre représentation en Corée du Sud ne compte que 51 personnes – agents de droit local compris – pour un commerce en pleine expansion, évalué à 6,4 milliards d’euros par an. Ce pays nous a déjà acheté des TGV, réceptionne en ce moment ses premiers Airbus A380 ; il produit sur son sol des hélicoptères sous licence d’Eurocopter, etc. En revanche, nos services diplomatiques disposent de quatre fois plus d’agents à Madagascar pour des échanges commerciaux qui ne sont évidemment pas comparables.

L’absolue nécessité de rééquilibrer le solde des échanges extérieurs de la France implique un redéploiement de nos moyens humains et matériels vers les marchés émergents et dynamiques, même si la proximité historique et culturelle avec des territoires qui étaient sous notre domination coloniale, ainsi peut-être que l’amicale pression de leurs dirigeants, rendent ce mouvement délicat, j’en conviens. Comptez-vous, monsieur le ministre, rééquilibrer la répartition des moyens de nos représentations ?

Ma deuxième question portera sur l’évolution des services fournis à nos compatriotes vivant dans l’étranger proche.

Les Français qui vivent à l’étranger sont de plus en plus nombreux : 1,6 million étaient officiellement inscrits dans nos consulats au 30 juin 2012, ce qui représente une augmentation de 6 % par rapport à 2011 ! C’est le signe d’une ouverture sur le monde et cela peut constituer une formidable opportunité pour l’ensemble de nos échanges, y compris économiques. En même temps, c’est aussi une charge pour nos consulats qui doivent leur fournir de nombreux services administratifs

Or, il faut savoir que les pays qui accueillent le plus grand nombre de nos compatriotes sont aussi nos voisins : la Suisse, la Belgique, le Royaume-Uni, l’Allemagne. C’est ainsi que j’ai appris que le consulat le plus important de notre réseau mondial était celui de Genève, où sont enregistrés 130 000 de nos concitoyens.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que pour certains de ces pays limitrophes, membres de l’espace Schengen et souvent francophones, votre ministère pourrait inciter nos compatriotes à s’adresser, pour les démarches les plus courantes, soit aux autorités locales, soit aux préfectures ou sous-préfectures les plus proches dans les départements limitrophes ? Pour reprendre l’exemple de Genève, la sous-préfecture de Saint-Julien-en-Genevois, dans le département de l’Ain, se trouve à seulement huit kilomètres du consulat ; les services préfectoraux de Lille ou de Valenciennes se trouvent à une heure de route de Bruxelles où sont immatriculés 110 000 Français. Je pourrais multiplier les exemples...

Réduire l’activité de ces consulats, si proches de nos frontières, permettrait de redéployer les personnels vers des pays plus éloignés et de mieux quadriller le territoire de certaines puissances émergentes où la présence consulaire française est encore trop éparse.

Ma dernière question portera sur la délivrance des visas.

Les touristes en provenance des pays émergents sont de plus en plus nombreux à vouloir voyager et c’est une chance pour notre pays qui est l’un des plus prisés sur le plan touristique. Ces flux de vacanciers représentent d’importantes rentrées de devises pour les transporteurs, les hôteliers et les restaurateurs.

Des visas sont demandés aux ressortissants de ces pays – je pense notamment à la Chine ou à la Russie, pays où la demande explose. À Moscou, par exemple, le consulat délivre près de 350 000 visas par an – 1 000 par jour – et la demande augmente de 20 % par an ; le cap des 400 000 pourrait être atteint cette année.

Des mesures ont été prises pour faciliter les démarches. Dans de nombreux pays, votre ministère recourt aux services de prestataires extérieurs pour le dépôt et l’instruction des dossiers et se réserve évidemment les tâches de vérification et de délivrance des visas. Cette organisation a réduit les files d’attentes.

Toutefois, devant la hausse continue de la demande, nous savons que les agences de voyage en Chine, en Russie, en Inde, font jouer la concurrence entre les consulats, puisqu’un visa délivré par un pays de l’espace Schengen permet l’accès à la quasi-totalité des pays européens. Or, lorsqu’un visa est délivré par un pays autre que la France, ce sont d’abord des droits de visa qui nous échappent, mais c’est aussi le risque de voir les touristes arriver en Europe par un autre point d’entrée ; le danger de les voir ainsi utiliser la compagnie aérienne d’un autre pays et de réduire la durée de leur séjour dans le nôtre existe.

D’où une double question :

Ne pensez-vous pas que certains pays de l’espace Schengen se livrent parfois à une forme de concurrence en matière de délivrance de visas de manière à attirer un maximum de touristes ? Certains éléments m’incitent à le penser et je vous demande si vous disposez des mêmes ? Des contrôles sont-ils réalisés ?

Quelles mesures comptez-vous prendre pour faciliter les démarches des touristes issus de pays émergents en matière de visas pour les inciter à visiter, en priorité, notre pays ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Les enjeux liés aux moyens affectés à notre diplomatie sont trop souvent sous-estimés. Or, disposer de diplomates compétents en nombre suffisant pour animer le troisième réseau du monde est la garantie de pouvoir peser dans les affaires internationales et d’être capable de présenter, dans les enceintes internationales, des initiatives crédibles et bien construites pour résoudre les crises et les grandes questions. Il s’agit d’un point d’appui indispensable pour le ministre qui donne l’impulsion politique. Avec des moyens modestes, le ministère des affaires étrangères joue un rôle essentiel. Toutes les administrations doivent contribuer au nécessaire effort de maîtrise des dépenses publiques. Les crédits du programme 105 financent l’action de notre diplomatie au sens le plus général – notamment, monsieur le ministre, votre administration centrale, les ambassades, les contributions aux organisations internationales – et sont en nette augmentation par rapport à la loi de finances initiale de 2012. Il convient cependant de souligner que cette évolution est surtout due à l’estimation du taux de change qui a été établie, l’euro s’étant déprécié par rapport au dollar depuis un an. Hors effet de change, les crédits de ce programme sont reconduits, ce qui est un résultat appréciable dans le contexte budgétaire présent puisque la plupart des ministères voient leurs moyens réduits. Vous avez réussi à dégager quelques financements supplémentaires pour vos priorités, en particulier la sécurité de nos ambassades. Il s’agit, en effet, d’une préoccupation importante après les attaques que celles-ci ont subies à la suite de la diffusion du film américain islamophobe.

La diplomatie économique constitue l’une des principales priorités de votre action et de celle du Gouvernement. Quels sont vos projets dans ce domaine ? Comment comptez-vous insuffler, dans les pratiques quotidiennes de notre diplomatie, le souci de la promotion de l’économie et des entreprises françaises ?

M. Philippe Baumel, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour l’action de la France en Europe et dans le monde et pour les Français à l’étranger et les affaires consulaires. Dans un contexte financier et budgétaire contraint appelant des efforts partagés, je souhaitais tout d’abord saluer un budget qui me paraît responsable et équilibré.

Tout en participant à l’action générale de réduction du déficit public – il faut noter les efforts importants consentis sur l’immobilier –, ce budget marque une rupture avec la précédente législature en redéfinissant des priorités pour l’action extérieure de l’Etat et un cap pour notre diplomatie.

Je note ainsi qu’en dépit d’une baisse de certains crédits, le programme 105 « Action extérieure de l’Etat en Europe et dans le monde » augmente cette année de 4,6 %, s’établissant dorénavant à l,7 milliard d’euros.

Nous pouvons nous féliciter de cette augmentation qui permettra de dégager les moyens nécessaires à la sécurisation de nos ambassades, des agents et des Français expatriés ainsi que de notre réseau consulaire, dans une période où, vous venez de le rappeler, madame la présidente, les représentations diplomatiques font l’objet d’attaques violentes ou de menaces.

Par ailleurs, j’observe que l’augmentation des crédits de ce programme permettra également de sécuriser nos moyens informatiques et les échanges d’informations au sein de notre réseau consulaire.

Je voudrais également saluer la création de 25 postes supplémentaires dans les services consulaires, afin de rendre un meilleur service aux Français de l’étranger ainsi qu’aux étrangers qui veulent se rendre en France.

Je voudrais, monsieur le ministre, vous solliciter sur plusieurs points afin que vous puissiez nous apporter des éclairages et des précisions.

La première interrogation porte sur nos contributions aux organisations internationales. Compte tenu de l’émergence de nouvelles économies, il semblerait que notre quote-part au financement de l’ONU doive baisser à partir de 2013. Dans quelle mesure le principe de cette baisse est-il acquis ? Est-elle anticipée dans le projet de budget ? Que pouvons-nous en attendre budgétairement, sachant que le calcul de la quote-part ONU détermine aussi les quotes-parts aux autres organisations onusiennes, comme l’UNESCO ou l’OMS, ainsi qu’aux opérations de maintien de la paix ?

Ma seconde série de questions concerne l’évolution de l’effectif des agents du ministère. Il est prévu que celui-ci perde 184 équivalents temps plein, malgré la création de 25 emplois dans le secteur des visas.

Comment allez-vous répartir cet effort – je pense à l’équilibre entre l’administration centrale et les réseaux, mais aussi à celui entre les différentes catégories de personnels, titulaires, contractuels à durée indéterminée, contractuels à durée déterminée et agents de droit local ? Peut-on s’attendre, dans les années à venir, à d’autres diminutions du nombre des personnels ou à sa stabilisation ?

Dans le prolongement de la question des effectifs, je souhaiterais évoquer la gestion des visas dans le réseau consulaire. Il semblerait que la situation se détende depuis quelques semaines pour les procédures de délivrance. Cependant, je voudrais vous interroger sur l’externalisation des tâches administratives liées à la délivrance des visas, politique qui a été développée activement ces dernières années et qui concerne maintenant une soixantaine de postes. Allez-vous poursuivre ce mouvement ? Quels en sont les limites et les risques – je pense notamment aux affaires de trafics de visas dont on entend parfois parler ? Est-il exclu d’étendre cette mesure à d’autres pays ?

Plus généralement, que pouvez-vous nous dire, dans le respect de la solidarité gouvernementale – puisqu’il s’agit d’un sujet interministériel –, de l’évolution de la politique nationale des visas ? Dans quel sens voudriez-vous la voir réformée dans les mois ou les années à venir ?

Je voudrais également vous interroger sur la politique immobilière du ministère. Le financement de la politique immobilière de l’État repose maintenant sur le produit de la cession des biens dont il peut se passer. La contribution du ministère des affaires étrangères est considérable s’agissant de ces cessions : 38 millions d’euros en 2010, 122 millions en 2011, au moins une centaine de millions encore en 2012 et 2013. En contrepartie, les moyens affectés au ministère pour sa politique immobilière sont-ils satisfaisants ? Et je pense non seulement aux acquisitions et constructions nouvelles, mais aussi aux opérations d’entretien dont le financement a fait l’objet de critiques.

Un mot, enfin, sur les aides à la scolarité. Je crois que la suppression de la PEC, c’est-à-dire la prise en charge des frais de scolarité des élèves français des lycées français à l’étranger, est un choix incontestable. Pouvez-vous nous donner des éléments, monsieur le ministre, sur cette réforme ? En particulier, quelles sont les échéances et quel montant avez-vous provisionné, dans le budget 2013, pour appliquer cette réforme dès la rentrée scolaire de septembre prochain ?

Les crédits des bourses scolaires sont annoncés comme augmentant de 16,7 millions d’euros, c’est le coût de la mise en œuvre, dès la rentrée 2013, de la réforme sur les bourses scolaires. L’engagement de M. François Hollande lors de la campagne électorale était clair, il s’agissait de retrouver l’enveloppe de la prise en charge très injuste mise en place par M. Nicolas Sarkozy. Pourtant, et cela malgré la hausse substantielle annoncée, les crédits qui seront disponibles en 2013 semblent ne pas couvrir tous les besoins. Au-delà, le nouveau système risque de mettre en cause la couverture à 100 % des élèves issus des milieux les plus modestes. Ainsi, outre la hausse des crédits prévue, peut-on envisager un dispositif « tampon » pour pallier les difficultés qui risquent de se faire jour à la rentrée 2013 et pour permettre d’apporter des réponses adaptées aux situations les plus délicates ?

Pour approfondir par la suite cette réforme des bourses scolaires, est-il envisagé que les associations de Français de l’étranger, les députés, les sénateurs, les représentants – au sens large – des Français de l’étranger puissent, en lien avec vos services, réfléchir à un dispositif plus équitable qui calculerait la participation des familles aux frais de scolarité de façon beaucoup plus adaptée qu’aujourd’hui, c’est-à-dire en fonction de leurs revenus ?

M. François Loncle, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour la diplomatie culturelle et d’influence. Je voudrais faire deux remarques préliminaires qui nous permettraient, pour l’exercice 2014, d’aborder le débat budgétaire avec un peu plus d’efficacité et de sérénité. Je souhaite, d’une part, que soient améliorées les conditions de préparation de ces rapports, notamment en terme de temps disponible ; d’autre part, que ne soient pas asséchés davantage les moyens de l’Assemblée nationale et, en particulier, ceux des commissions. Je le dis d’autant plus volontiers que j’adresse mes compliments et mes remerciements aux fonctionnaires du Quai d’Orsay, qui nous ont fait parvenir les informations que nous attendions dans des délais parfaitement raisonnables, et aux administrateurs de la Commission des affaires étrangères qui ont accompli un excellent travail. Faire un travail approfondi, c’est disposer d’un délai raisonnable qui permette la réalisation d’investigations sur le terrain.

Sur le fond, le budget du ministère des affaires étrangères est responsable et il contribue à l’effort de redressement des finances publiques.

Le programme 185 est conforme à ce que l’on pouvait attendre dans une période contrainte, mais il préserve les grandes priorités de la diplomatie culturelle et d’influence. Il accorde notamment une grande importance à l’éducation qui est une priorité du Gouvernement.

Cependant, il convient de regretter la baisse des moyens des instituts culturels, de 15 % entre 2012 et 2015 – moins 7 % en 2013, moins 4 % en 2014, ainsi qu’en 2015. Cette diminution pourrait être compréhensible, voire admissible, si ce n’est qu’elle poursuit une tendance lourde qui a commencé non pas en 2006, cher Jérôme Lambert, mais en 1994 et n’a cessé depuis lors – hormis en 1998 et 1999. Je souhaite que les efforts d’économie portent plus sur l’Institut français à Paris que sur les centres culturels de notre réseau. Il n’y a pas de diplomatie d’influence sans action culturelle forte.

D’autres puissances manifestent un esprit de conquête. Ainsi, la Chine dispose, au sein du réseau Confucius, de 358 instituts culturels dans le monde.

J’ai comparé l’action culturelle et éducative de différents pays que l’on pourrait qualifier de concurrents : l’Espagne avec les instituts Cervantes, l’Allemagne avec les instituts Goethe et la Grande-Bretagne avec le British Council. J’ai bien entendu placé notre analyse dans le cadre de la réforme de 2010 qui tend à rendre le réseau français plus cohérent, plus visible et plus efficace. A mi-parcours de cette réforme, il convient de s’interroger sur ses effets qui ne me semblent pas a priori négatifs. Je note cependant une inquiétude du réseau des alliances françaises.

Ma première question concerne le réseau scolaire.

La France possède le premier réseau scolaire étranger – 485 établissements implantés dans 130 pays accueillent 306 000 élèves dont près de deux tiers d’étrangers. Quelles sont les perspectives de développement des filières bilingues francophones et des sections européennes ? La France envisage-t-elle d’intensifier le recours aux technologies de l’information et de la communication via le Centre national d’enseignement à distance – le CNED – et TV5Monde ?

Ma deuxième interrogation a trait à l’attractivité universitaire de la France.

Sur le marché international du savoir et de la formation, la France accuse un retard certain. Elle subit la concurrence non seulement des États-Unis, mais aussi de la Grande-Bretagne où les frais universitaires sont pourtant très élevés, de l’Allemagne, de l’Australie et de la Chine. Or, il s’agit d’un enjeu essentiel. Le budget répond en partie à ce défi en augmentant légèrement les crédits de mobilité des étudiants étrangers, en maintenant les programmes de bourses d’excellence et en stabilisant le volume dévolu aux missions d’experts et aux échanges scientifiques. Comment améliorer encore notre politique d’attribution de bourses pour les étudiants étrangers, le nombre total de bourses ayant diminué d’un quart depuis 2005 ?

Ma troisième question concerne l’unification du réseau.

La loi de 2010 prévoit à terme la possibilité du rattachement de l’ensemble du réseau culturel à l’Institut français. Où en est-on ? Comment sera financée cette opération dans la mesure où le changement de statut des personnels devrait induire une augmentation des charges ?

Il me restait deux questions sur les alliances françaises – j’ai soulevé l’inquiétude que ce sujet m’inspirait – et sur les centres culturels communs. Il existe déjà quelques structures communes à plusieurs pays, dont le nôtre, situées à Ramallah, à Glasgow ou à Palerme. Ne faut-il pas amplifier ce mouvement qui est intéressant, même si sa généralisation est impossible ?

M. Jean Launay, président. Je vous remercie, monsieur le rapporteur pour avis, et transmettrai au président de la Commission des finances vos remarques relatives aux moyens de la commission.

M. le président Patrick Bloche. Je remercie et félicite tout particulièrement les membres de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation pour leur présence ce soir. Nous n’en sommes en effet qu’à la troisième réunion de commission de la journée ! Notre présence est cependant cohérente tant les enjeux culturels et éducatifs sont au cœur de notre diplomatie d’influence. C’est d’ailleurs une caractéristique séculaire. Nous sommes donc très directement concernés par les crédits du programme 185.

Dans un contexte de contrainte budgétaire, je me réjouis tout particulièrement du fait que les crédits consacrés à l’AEFE de même que les bourses de mobilité des étudiants en France ou encore les échanges d’expertise et échanges scientifiques aient été préservés.

Concernant l’AEFE, il est logique que l’effort accompli sur le territoire national se poursuive aussi au niveau international – ce que traduit notamment la stabilisation des emplois expatriés et résidents.

Conformément aux engagements du Président de la République, l’action 2, relative à l’aide à la scolarité versée aux élèves du réseau de l’enseignement français à l’étranger, ne comporte plus que les crédits destinés aux bourses scolaires. Nous nous réjouissons de l’augmentation de leur volume et du souci de mixité sociale qui les caractérise.

Notre commission a désigné Mme Claudine Schmid comme rapporteure pour avis sur ce budget : au-delà de l’examen des crédits, elle a centré ses travaux sur la valorisation à l’étranger du modèle français de l’enseignement supérieur. Je la félicite de cet excellent choix et m’exprime avec nostalgie, ayant été pendant de très longues années à sa place.

Enfin, j’informe les membres de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation que nous examinerons l’avis de notre rapporteure et que nous nous prononcerons sur les crédits correspondants non pas à l’issue de la présente séance de commission élargie, mais lors de notre réunion du mardi 6 novembre prochain.

Mme Claudine Schmid, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour la diplomatie culturelle et d’influence. Je conçois que le budget de notre mission d’influence soit difficile à établir tant l’influence est peu aisée à quantifier. Cependant, certaines lignes sont plus comptables que d’autres et c’est sur trois d’entre elles que je souhaiterais avoir des précisions :les bourses du gouvernement français aux étudiants étrangers, Campus France et la réaffectation des crédits de la prise en charge. Je terminerai par une question plus générale sur le projet « Erasmus pour tous ».

L’un des axes stratégique de l’orientation du programme 185 réside dans la mise en œuvre d’une politique d’attractivité de qualité à l’attention des élites étrangères. L’annexe au PLF pour 2013 mentionne qu’un effort particulier sera poursuivi en faveur de la politique française d’allocation de bourses. Conformément aux recommandations émises depuis plusieurs années, la gestion des bourses accordées par la France aux étudiants étrangers est désormais confiée à un opérateur unique issu de la fusion d’Egide et du CNOUS. Qu’en est-il de la modernisation et de la simplification du dispositif d’octroi, également attendues ? Il semble qu’une réflexion soit en cours entre votre ministère et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pourriez-vous nous indiquer plus précisément quelles hypothèses de travail ont été retenues et quelles orientations semblent se dégager ?

Ma deuxième interrogation porte sur l’établissement public à caractère industriel et commercial Campus France opérateur, dont la mise en place a eu lieu le 1er mai 2012 et qui a repris, depuis le 1er septembre dernier, les activités internationales du CNOUS. Conformément à la loi du 27 juillet 2010, une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens est en cours d’élaboration entre l’établissement et l’État. Pourriez-vous d’ores et déjà nous indiquer quelles sont les grandes lignes de ce texte et l’échéance à laquelle il sera soumis aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ?

Ma troisième question porte sur le programme 151 et a trait à l’accès des élèves français au réseau de l’Agence de l’enseignement français à l’étranger. La dotation allouée à la prise en charge n’a pas été entièrement reversée au budget de l’action 2 de ce programme auquel manquent 15 millions d’euros. Où cette somme a-t-elle été réaffectée ?

Enfin, de quelle manière la politique d’attractivité menée par votre ministère au sein de l’espace méditerranéen s’articule-t-elle avec les programmes de la Commission européenne, et notamment le nouveau programme « Erasmus pour tous » qui entrera en vigueur en 2014 et sera éventuellement ouvert à des étudiants non européens, comme le programme Eramus a été ouvert aujourd’hui aux étudiants syriens ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, pour l’analyse remarquable qui a été faite de ce budget et les questions posées qui sont extrêmement pertinentes.

S’agissant de la répartition de nos moyens diplomatiques, M. Jérôme Lambert a pris des exemples frappants. Par contraste, il a notamment cité Madagascar, pays en grande difficulté pour lequel nous avons certes beaucoup d’amitié et où la France est traditionnellement très présente, mais qui, sauf évolution imprévue, ne présente pas la même importance que la Chine. Il a cité les échanges commerciaux à l’appui de son raisonnement. Si ce n’est pas le seul critère à prendre en compte, je partage cependant sa remarque quant à la nécessité d’un rééquilibrage. J’ai d’ailleurs confié cette tâche à Yves Édouard Saint-Geours, ancien ambassadeur au Brésil, désormais directeur de l’administration, et lui ai demandé de me faire des propositions ambitieuses d’ici à la fin de l’année. Dès l’année prochaine, nous pourrons discuter de ces propositions avec les organisations et avec vous-mêmes, si vous le souhaitez.

La deuxième observation de Jérôme Lambert concerne essentiellement les consulats dont il nous faudra en effet réexaminer la distribution et le rôle – tâche que j’ai confiée à M. Daniel Lequertier. Il devra, lui aussi, me fournir un rapport à la fin de l’année sur le sujet.

Une troisième question portait sur la délivrance des visas. J’ai moi-même été saisi en plein été d’un télégramme dans lequel notre représentant à Shanghai m’expliquait son obligation de refuser plusieurs milliers de demandes de visa, compte tenu des postes qui lui avaient été affectés. Il m’a notamment fourni un exemple chiffré en multipliant la dépense touristique moyenne d’un Chinois par le nombre de visas refusés : ce chiffre était considérable. Nous avons donc obtenu des créations d’emplois pour le traitement de ces demandes, mais cela me paraît encore insuffisant. Peut-être faudra-t-il recourir à d’autres méthodes. Cependant, le visa étant un document officiel, il ne peut être délivré de manière bâclée. J’ai demandé la création d’un groupe de travail commun aux ministères des affaires étrangères et de l’intérieur afin que des décisions soient prises très rapidement dans ce domaine. Le Président de la République a d’ailleurs souhaité l’instauration de procédures accélérées pour les chercheurs, les étudiants et les créateurs. J’espère donc que nous aurons significativement progressé en la matière lorsque je me présenterai à nouveau devant vous l’an prochain. Il est certes normal d’avoir une politique de contrôle de l’immigration, mais il faut être sensible à certaines données économiques, éducatives et culturelles. Je vous rejoins totalement, monsieur Lambert.

À l’instar des autres intervenants, la présidente Élisabeth Guigou a eu la gentillesse de porter une appréciation positive sur ce budget. Il est en effet normal que dans un contexte contraint, le ministère des affaires étrangères participe à l’effort général. Les arbitrages rendus à cet égard me paraissent d’ailleurs raisonnables puisqu’ils tiennent compte des efforts budgétaires importants déjà consentis par le ministère des affaires étrangères au cours des dernières années et du fait qu’ il se trouvait en conséquence dans une situation fort difficile en matière d’emplois. En outre, certaines priorités doivent se voir accorder un traitement particulier. Les organisations syndicales elles-mêmes ont bien compris dans quel esprit nous avons élaboré ce budget.

La situation extérieure de notre pays étant difficile et compte tenu de mon expérience en la matière, j’ai souhaité que la diplomatie économique soit au centre de notre programme d’action. Celui-ci s’enrichira d’ailleurs au fur et à mesure que de nouvelles idées jailliront. Je souhaiterais cependant vous en fournir quelques exemples requérant non pas des moyens supplémentaires, mais plutôt une organisation différente.

Si le territoire métropolitain est doté d’une série d’agences et de services chargés de développer notre commerce extérieur, à l’étranger, c’est à l’ambassadeur qu’il revient de jouer ce rôle. Or, si celui-ci a juridiquement la tutelle sur ses services, nous lui fournirons les moyens humains de réunir auprès de lui un petit conseil d’entrepreneurs et d’autres personnalités pouvant l’aider sur le plan économique. Une certaine coordination sera ainsi assurée.

En métropole, j’ai été surpris de constater que nous ne disposons d’aucune direction des entreprises au sein du ministère. Cela dit, les entrepreneurs tiennent des propos très positifs sur les ambassadeurs, sans doute parce que ceux-ci les accueillent très bien. Une direction spécialisée verra donc le jour au mois de novembre et si son titulaire est issu du Quai d’Orsay, il a cependant passé dix années dans le secteur privé. Je renforcerai en outre cette direction pour que l’interface avec les entreprises soit mieux prise en compte.

La question des normes élaborée aux différents niveaux est tout aussi importante, car elle détermine le sort de nos entreprises. Ces dernières devraient donc pouvoir s’exprimer en amont sur les problèmes que posent ces normes. Il faudra également tenir compte de cette dimension économique dans la formation de nos diplomates et dans les éléments de promotion. Ainsi les stages en entreprise seront-ils plus systématiques dans le corps diplomatique. De même, nous allons organiser au ministère, lors du premier semestre de l’année prochaine, une journée portes ouvertes pour les entreprises. Enfin, nos ambassadeurs accueillent excellemment les entreprises, mais aucun effort systématique n’est fait pour favoriser les investissements étrangers en France, qui permettraient pourtant de développer l’emploi dans notre pays.

La diplomatie économique est un donc un sillon indispensable que nous allons tracer, mais c’est plus une question d’organisation, d’état d’esprit, que de crédits. Et tant les milieux économiques que le personnel diplomatique ont bien accueilli la création d’une nouvelle direction en la matière.

Je remercie Philippe Baumel pour ses réflexions et ses questions. S’agissant de la révision du barème des quotes-parts au budget de l’ONU, l’Union européenne contribue à ce budget dans une proportion de 39 % alors qu’elle ne pèse que pour 30 % dans l’ONU. Le maintien des méthodes actuelles de calcul ne serait pas nécessairement défavorable à la France étant donné la diminution de notre part du PIB dans la richesse mondiale : en effet, si l’on reprenait ce critère, notre taux de contribution passerait de 6,123 % à 5,593 %, soit une économie de 10 millions d’euros. Il nous semble néanmoins nécessaire d’aller plus loin pour que soit mieux prise en compte la place des grands pays émergents. La révision des barèmes relève de la responsabilité à l’égard du système des Nations unies, et les pays émergents devraient accepter cette responsabilité. Certains États plaident pour un plafonnement des hausses de contribution et d’autres ont formulé des propositions différentes. Quant à nous, nous préférerions une révision de la méthode visant à un meilleur partage du fardeau du financement de l’ONU.

En effet, le barème des quotes-parts à l’ONU est fondé sur le principe de la « capacité de payer », principe qui est corrigé par des considérations sociales telles que le PIB par tête et, pour les pays en développement, le niveau d’endettement. Or cette méthode favorise considérablement les grands pays émergents que sont l’Inde, la Chine, le Brésil et l’Indonésie. De fait, les ajustements censés alléger la charge des pays aux plus faibles revenus sont reportés sur les pays développés, mais pas sur les pays émergents. Or, comme les Etats-Unis bénéficient du plafond des cotisations fixé à 22 % du budget, c’est l’Union européenne qui paie l’essentiel de cette compensation. La France et l’Union européenne doivent donc convaincre les pays émergents de prendre davantage leur part, et les États du Sud du caractère inéquitable de la méthodologie en vigueur. Pour autant, si le système est injuste, en changer exige un gros travail.

Quant aux effectifs, en 2013, les emplois du ministère s’élèvent à 14 798, soit 185 emplois de moins qu’en 2012. Cela correspond à une diminution d’1,5 %, au lieu des 2,5 % prévus par le cadrage. Ces emplois correspondent à 6 000 titulaires, 3 000 contractuels, 5 000 recrutés locaux et 700 militaires. La masse salariale est de 1,092 milliard d’euros, dont 168 millions de pensions et de retraites.

Sa progression, de 2,9 %, est principalement liée à l’effet change-prix et à la progression des cotisations patronales. Les suppressions d’emplois devraient se répartir ainsi : 35 ETP en administration centrale, 14 dans le réseau consulaire et 135 dans le réseau culturel et de coopération. La répartition par catégorie d’emplois serait la suivante : 44 titulaires, dont 9 à l’étranger, 105 contractuels et volontaires internationaux, 40 agents de recrutement local et 5 militaires. Plus de la moitié des suppressions concernerait ainsi des postes de contractuels, ce qui est lié d’une part à la réforme du réseau culturel en cours et, d’autre part, à la suppression d’emplois nécessaires au bon déroulement des élections.

Vingt-cinq ETP sont créés dans le secteur des visas, domaine où il y a beaucoup à faire et qui est une dimension très importante de notre diplomatie.

Des mesures particulières sont prévues pour les 5 000 agents de recrutement local, dont nous parlons peu mais qui jouent un rôle important. Au lieu d’une progression de 2,5 % de la masse salariale, nous avons obtenu une augmentation de 3,5 %. Il faut notamment faire face au renforcement de la protection sociale, à la rénovation des grilles et à une meilleure prise en charge du coût de la vie.

Vous m’avez également interrogé, monsieur Baumel, sur le financement de notre politique immobilière en France et à l’étranger. Depuis 2010, le ministère des affaires étrangères ne dispose plus de crédits d’investissement inscrits à son budget. Les opérations immobilières en France et à l’étranger sont donc financées quasi exclusivement par les produits de cession recueillis par un compte d’affectation spéciale – CAS. Le ministère bénéficie d’un retour de 65 % pour les cessions en France, et – par dérogation jusqu’en 2014 – de 100 % pour les cessions réalisées à l’étranger. Pour certaines opérations d’entretien lourd, d’autres ressources – très limitées – peuvent être mobilisées. Il existe un programme interministériel d’entretien des bâtiments de l’État, mais il ne représente que 3,5 millions de dotations annuelles. En loi de finances initiale 2012, 1,5 million a été inscrit pour l’entretien lourd à l’étranger.

Depuis 2006, une politique de rationalisation immobilière et de cession d’actifs a été engagée en France et à l’étranger. Des immeubles ont été vendus à Paris ; les implantations du ministère se concentrent désormais sur trois sites, auxquels s’ajoute le bâtiment des archives diplomatiques de La Courneuve. Compte tenu de la crise, nous avons peu vendu à l’étranger, mais le montant net des recettes du CAS a tout de même représenté près de 100 millions en 2011. Des encaissements de l’ordre de 70 millions sont attendus en 2012. La reprise de ce programme de cessions a permis de lancer plusieurs opérations de reconstruction et de constructions nouvelles à Port-au-Prince, Tripoli, Bangkok ou Djakarta, de mise en sécurité à Kaboul, Bagdad et dans les pays du Sahel, ou de rénovation lourde à Washington et à Moscou.

La volonté de réformer la gestion du parc immobilier de l’État nous conduit à une certaine rationalisation de nos implantations, à l’étranger comme en France. Des locations sont envisagées là où cette solution se révèle plus économique que l’acquisition. En cas de cession, nous procédons systématiquement à une étude d’impact et à une étude des solutions de remplacement.

Les relocalisations exigent des engagements financiers importants. Nous allons poursuivre ce programme, en restant attentifs au marché immobilier, afin de procéder aux cessions au moment le plus opportun. Compte tenu de la conjoncture, j’ai notamment décidé de céder l’immeuble de la rue Huysmans, dans le sixième arrondissement de Paris. Je vous informe également qu’un peu plus de 2 000 mètres carrés sont disponibles dans le bâtiment du ministère situé côté pair de la rue de l’Université, dans le prolongement de l’entrée de l’Hôtel de Lassay. Ce bâtiment abritait autrefois les archives. Le précédent gouvernement avait prévu des crédits pour sa réaffectation, mais ceux-ci ont finalement été prélevés au profit d’une autre opération. Le bâtiment étant contigu à l’Assemblée nationale, je me suis rapproché de la questure et de la présidence : nous pourrions envisager une location ou un bail emphytéotique aux termes duquel l’Assemblée effectuerait les travaux et occuperait une partie du bâtiment, tandis que l’autre resterait occupée par le ministère. La questure et M. Bartolone sont saisis de cette proposition, qui recevra, je l’espère, une suite favorable.

J’en viens à la question des bourses scolaires et de la PEC. Le Président de la République avait pris l’engagement de supprimer la PEC, considérée comme injuste, et de redéployer les moyens correspondants vers les bourses scolaires. Cet engagement a été tenu. Des mesures exceptionnelles ont néanmoins été mises en place à la rentrée 2012 pour soutenir les familles que la suppression de la PEC mettrait en difficulté. Les consulats ont reçu pour mission de les contacter afin qu’elles puissent déposer une demande de bourse lors des secondes commissions locales. Nous travaillons avec l’AEFE à la mise en place d’un nouveau système d’aide à la scolarité plus équitable et plus lisible, qui puisse bénéficier à un plus grand nombre tout en restant soutenable pour notre budget – ce qui n’était pas le cas du précédent. Des réflexions ont été présentées à la Commission nationale des bourses les 10 et 22 octobre, et une nouvelle réunion se tiendra le 29 octobre. Le principe de la réforme est de se fonder sur la notion de quotient, qui prend en compte le revenu des familles et leur composition une fois retirés les frais de scolarité. Il n’y a plus de points de charge. Ce système était injuste, puisque quel que soit son montant, le logement constituait un point de charge qui n’était pas pondéré, ouvrant ainsi la quotité maximale à des familles qui n’en avaient pas nécessairement besoin. Désormais, seules les familles qui en ont le plus besoin bénéficieront de bourses à 100 %. Mais le débat porte moins sur le principe que sur les montants inscrits au budget et la réaffectation des économies réalisées. Plusieurs d’entre vous s’interrogent ainsi sur le rythme et les modalités du redéploiement des moyens de la PEC vers les bourses. La dotation inscrite au PLF tient compte du fait que nous appliquons la réforme à la rentrée 2013 pour le rythme nord, et que nous n’avons donc pas besoin de la totalité des crédits dès 2013. En commençant le dernier quadrimestre, nous avons besoin d’un tiers des crédits. Si nous consommions la totalité des crédits en 2013, les besoins pour 2014 et 2015 s’établiraient bien au-delà de la dotation consolidée, qui s’élève à 125,5 millions d’euros. Outre que ce n’est pas nécessaire, nous aboutirions à une explosion sur le plan budgétaire.

Un mot sur le rôle des commissions locales. Il est difficile – voire impossible – de concevoir un modèle mathématique permettant de prendre toutes les situations en considération. Les commissions locales sont composées de représentants des communautés françaises ; elles connaissent parfaitement les situations individuelles. Il est pertinent d’avoir un cadre, mais il faut pouvoir l’adapter aux cas particuliers.

Plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, je me suis engagé à ne pas faire d’économies sur ce dispositif. Celui-ci doit néanmoins être soutenable sur le plan budgétaire, et seul le rythme nord est pour le moment concerné. J’ai cru comprendre qu’un amendement vise à faire un certain nombre de choses dès 2013. Je propose d’expérimenter ce dont je vous ai parlé en 2013. Nous aurons ainsi à la fois une certaine souplesse et un dispositif transitoire pour les familles perdant des quotités de bourse, les commissions locales ayant la faculté d’ajuster le dispositif. En gestion 2013, des marges d’ajustement vont s’ajouter à ces mesures. Sans compter les crédits de rémunération, nous disposons d’une réserve légale d’environ 9 millions d’euros. Nous pourrons donc faire face aux cas spécifiques. La réforme entrera pleinement en application pour le PLF 2014. Entre-temps, la Commission nationale des bourses du printemps nous aura permis de tirer le bilan de l’application des nouveaux paramètres, fondée sur les situations réelles. Nous procéderons alors aux ajustements nécessaires. J’ai demandé à Mme Conway d’engager une réflexion sur la problématique des frais de scolarité. Vous y serez associés au moment de l’élaboration du nouveau plan de développement de l’enseignement du français à l’étranger. Au total, nous ne ferons pas d’économies sur les bourses, mais nous ne nous engagerons pas dans un système qui nous conduirait à inscrire une somme bien supérieure à celle que nous pouvons engager. Ce système pragmatique devrait nous permettre de répondre aux situations difficiles que vous évoquiez.

M. Loncle a principalement évoqué le programme 185. Tout en qualifiant ce budget de responsable, il regrette la diminution des crédits culturels, notamment en comparaison des moyens qu’y consacrent certains pays d’Europe ou la Chine. Il a également soulevé les questions du réseau scolaire, de l’attractivité universitaire de la France et de l’unification du réseau culturel autour de l’Institut français.

S’agissant des crédits culturels, la norme de réduction pour le budget triennal était de 7 % dès 2013. Le programme 185 est présenté en quasi-stabilité, puisque les crédits ne diminuent que de 0,33 %. Certes, une hausse est toujours préférable, mais cela ne serait pas nécessairement cohérent. Nous avons intégré plusieurs données : la sauvegarde des crédits de l’AEFE, le maintien de nos instruments de mobilité étudiante, et la diminution du cadrage des crédits culturels. Nous avons cherché à voir où nous pouvions agir sans nuire à nos capacités d’intervention. Or, c’est le réseau culturel qui dispose des capacités de financement alternatives les plus manifestes : ses performances d’autofinancement sont de 62 % pour les interventions, et il lève 140 millions d’euros de cofinancements. Il faut bien sûr s’en féliciter, mais compte tenu de l’évolution des mentalités et des pratiques, c’est le domaine où il est le moins malaisé de trouver des financements.

Les crédits de fonctionnement de nos instituts diminuent de 3,7 % – au lieu de 7 % – pour tenir compte de la fusion opérée et du transfert d’emplois qui en découle. S’agissant des interventions, une norme de réduction de 7 % a été appliquée. Cela concerne les instituts français, même si la baisse est modulée en fonction du contexte local. Contrairement à ce que j’ai cru entendre, la situation de l’Institut français n’est pas facile. J’ai reçu son président l’autre jour ; il m’a fait part de ses inquiétudes sur ses capacités d’intervention. Des mesures de gestion doivent donc être prises. Nous avons également décidé de renforcer ce qui était prévu pour les programmations culturelles. En intégrant les 3 500 agents qui travaillent dans les établissements à autonomie financière, la baisse des effectifs s’établit à 0,8 %.

Un mot de l’expérimentation du rattachement du réseau culturel à l’Institut français conduite dans douze pays depuis le 1er janvier. Concrètement, il y a un bureau local de l’Institut français, dont le directeur est en même temps le conseiller de coopération du poste et est ordonnateur secondaire. Les 42 agents de droit local des anciens services de coopération et d’action culturelle – SCAC – bénéficient de conditions de rémunération et de travail proches de ce qu’elles étaient précédemment. Le périmètre des missions des bureaux locaux est le même que celui des SCAC et des établissements culturels dotés de l’autonomie financière – EAF –, qui ont été fusionnés – culture, langue, attractivité. En revanche, l’Institut français n’est pas compétent en matière de coopération universitaire et scientifique, dont les crédits demeurent gérés par le ministère, ce qui peut être source de complexité.

Lorsque cette expérimentation a été décidée, il s’agissait d’éclairer la décision à prendre sur l’opportunité et les modalités d’un éventuel rattachement de l’ensemble du réseau à l’Institut français. La question posée est celle de la plus-value qu’apporterait ce rattachement par rapport à l’organisation actuelle, qui est aussi en cours de réforme. J’ai confié à M. Sellal, secrétaire général du ministère, le soin de conduire une étude sur l’opportunité et la faisabilité d’un éventuel rattachement du réseau culturel français à l’Institut français, ses coûts éventuels et les garanties de protection diplomatique. Cette étude permettra de nourrir notre réflexion et celle du Parlement. Le ministère devra également rendre compte de cette expérimentation par un rapport annuel. Le deuxième doit être rendu avant le 31 mars 2013.

Je crois vous avoir répondu en ce qui concerne l’attractivité.

Je rends hommage aux Alliances françaises, qui constituent un réseau dynamique s’autofinançant à hauteur de 185 millions d’euros. Il faut cependant rappeler que ce réseau est soutenu par le ministère, via une subvention de 8 millions d’euros et 321 ETP dans 445 Alliances. Après des débuts incertains, le dialogue entre l’Institut et l’Alliance fonctionne bien. Enfin, il a été mis fin aux doublons.

Mme Schmid m’a interrogé sur Campus France, établissement public industriel et commercial mis en place depuis le 1er septembre. La rentrée 2012 s’est bien passée. Le contrat d’objectifs et de moyens sera présenté au Parlement avant la fin de l’année. Campus France a repris les conventions passées avec les États étrangers, à l’exception de la Libye. L’administration a pris la bonne décision d’octroyer une bourse sociale aux étudiants syriens depuis l’interruption des paiements par leur gouvernement. La mobilité étudiante en Méditerranée est assurée par les programmes européens et les programmes français de bourses. D’autres initiatives existent, comme l’Office méditerranéen de la jeunesse, lancé par la France et ses partenaires du sud.

M. Jean Launay, président. Nous vous remercions, monsieur le ministre, pour vos réponses, qui étaient particulièrement attendues en ce qui concerne les frais de scolarité. L’élection de représentants des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale a sans doute contribué à attirer l’attention sur ce sujet.

M. Pouria Amirshahi. Ce budget s’inscrit dans un contexte particulier. Outre l’héritage, cette année est marquée par les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques et par la concertation. En effet, on ne « chamboule » pas une administration comme le Quai d’Orsay en quatre mois : les engagements qui ont été pris sur chacun des chantiers évoqués par les uns et les autres méritent une concertation approfondie. François Loncle a notamment rappelé la nécessité de respecter le temps du travail législatif, afin que le Parlement puisse être associé à tous ces chantiers.

L’augmentation de 1,5 % du budget est plutôt une bonne nouvelle. Dans le contexte mondial actuel, on peut se réjouir de la préservation des moyens de votre administration. Il y aura sans doute des inconnues qui feront bouger les lignes – peut-être pas de crédits, mais en tout cas d’appréciation. Je pense au Sahel, dont nous avons parlé tout à l’heure en Commission des affaires étrangères, à la situation en Syrie, et à bien d’autres paramètres qui nous conduiront à évoquer de nouveau notre capacité d’intervention à l’extérieur, même si ces sujets concernent aussi le ministère de la défense.

Permettez-moi de mettre en perspective les chantiers qui ont été évoqués, afin que nous puissions nous y préparer au mieux, dans un rapport sain et un dialogue constructif avec le Gouvernement.

Trois donnes sont à mes yeux importantes. En premier lieu, les printemps arabes ont des conséquences capitales, en particulier sur le bassin méditerranéen. Il faut distinguer, d’une part, les bouleversements que constituent les mouvements de société et les révolutions politiques en phase de construction, et d’autre part, au Machrek, les zones plus conflictuelles. En deuxième lieu, des évolutions se font jour en Afrique de l’Ouest. Je parle ici non pas du Sahel, mais du déplacement présidentiel à Dakar, qui accompagne un processus d’intégration économique régionale, de consolidation de la paix et de développement de la démocratie déterminant pour notre pays. Beaucoup de nos ressortissants sont issus de ces pays, et nous avons nous-mêmes un intérêt évident à maintenir des relations diplomatiques, culturelles et économiques renforcées avec eux. Je pense, en troisième lieu, aux pays émergents, dont Jérôme Lambert a parlé tout à l’heure. Ces évolutions posent des questions stratégiques qui exigeront, le moment venu, des engagements budgétaires.

En ce qui concerne le bassin méditerranéen, nous devons « mettre en musique » la « Méditerranée de projet » évoquée par le Président de la République lors de la vingtième Conférence des ambassadeurs. Celle-ci ne saurait rester un vain mot. Elle doit se construire autour de quelques idées structurantes telles que des industries communes dans le domaine énergétique, en particulier celui des énergies renouvelables, et le domaine culturel, voire des partenariats stratégiques industriels et commerciaux nouveaux, qui donnent tout leur sens à ce que vous avez appelé la diplomatie économique, mais qui ont des incidences concrètes sur la façon dont nous façonnons ce nouveau paysage avec nos partenaires méditerranéens.

La diplomatie culturelle a évidemment toute son importance et c’est bien pourquoi nous devons maintenir et défendre ce réseau. La défense de la francophonie prend en ce moment de l’histoire une dimension particulière. Bien entendu, il s’agit non pas seulement de défendre la langue française dans les instances internationales face à l’anglais dominant, mais de faire de la langue française – patrimoine commun que nous avons en partage et non illustration d’une quelconque arrogance – le vecteur de ces coopérations. Ainsi, les Marocains déploient déjà une stratégie économique en Afrique sub-saharienne, zone d’influence française traditionnelle dans laquelle nous avons aussi des intérêts évidents. Il nous incombe de construire des stratégies de convergence avec tous nos partenaires d’Afrique de l’Ouest.

S’engager dans ces nouveaux partenariats stratégiques suppose aussi une révision de notre doctrine en matière de visas Si nous voulons donner du sens à la nouvelle ambition française à l’étranger - dont je suis heureux qu’elle ait été plusieurs fois affirmée ces derniers mois –, nous devons, en partenariat avec les pays francophones et les pays émergents, garantir la mobilité des chefs d’entreprise, des scientifiques, des chercheurs et des artistes qui, tous, contribuent à renforcer la position internationale de la France et à favoriser un dialogue fécond et pérenne entre des sociétés qui tendront sinon à se replier sur elles-mêmes. Ce repli est lourd de dangers ; il convient donc de changer radicalement de cap et nous aurons sans nul doute l’occasion d’en débattre à nouveau.

Nous nous devons aussi de prendre en compte les Français de l’étranger. Une nouvelle donne se dessine : les Français établis hors de France étaient certes connus de l’administration, mais l’on s’avise que les 2,5 millions de personnes qui composent la diaspora française constituent une force extraordinaire pour notre pays. Nos compatriotes expatriés doivent bénéficier d’un accompagnement tout au long de leur vie, et en particulier d’une aide sociale quand elle est nécessaire, notamment pour les retraités. Quelles sont les perspectives à cet égard au sein de la Caisse des Français de l’étranger ? Quant à la révision du système des bourses, elle doit permettre aux familles expatriées des classes modestes et des classes moyennes de faire face à des frais de scolarité grandissants. Enfin, si la qualité des services consulaires se traduit pour partie par la dématérialisation, il faudra tenir compte des différences dans l’accès à l’Internet à haut débit selon les pays considérés : chacun conviendra que la dématérialisation ne peut se faire exactement de la même manière selon que l’on est à New York ou à Dakar.

Je ne conclurai pas sans évoquer le personnel consulaire, dont le travail est remarquable. Son effectif est pour les deux tiers – soit quelque 5 200 personnes – constitué de salariés sous contrat de droit local. Si ceux d’entre eux qui sont Français ne peuvent prétendre à une titularisation, sauf par voie de concours, ils pourraient néanmoins voir leur statut amélioré par des droits à formation et à congés et par la prise en compte de leur ancienneté. Nous reconnaîtrions ainsi qu’ils assistent utilement nos compatriotes dans leurs démarches d’état civil et qu’ils aident les ressortissants des pays d’accueil lesquels, pour beaucoup, voient dans nos consulats la première vitrine de la France.

M. Thierry Mariani. Le groupe UMP considère que notre poids politique diplomatique et moral – en résumé, notre influence –, est directement lié aux moyens de notre politique extérieure. Or, nous pouvons aujourd’hui nous interroger sur la politique internationale qui sera mise en œuvre pendant les cinq années à venir, car la politique menée depuis quelques mois est inquiétante. En défiant Angela Merkel, François Hollande a mis à mal le couple franco-allemand pourtant est essentiel à la pérennité de l’Europe. Notre politique illisible en Syrie et au Mali, où nous sommes incapables de mobiliser la communauté internationale, ne renforce pas non plus le rôle de la France. Alors que la capacité d’un État à s’ouvrir au monde a toujours été un ressort essentiel de son rayonnement, vous nous annoncez une diminution de 15 % sur trois ans des dépenses sur les crédits de coopération, de sécurité et de défense, et des dépenses de communication, de protocole et de l’état-major. Vous comprendrez donc aisément, monsieur le ministre, que le groupe UMP votera contre ce budget.

Votre politique est inquiétante, aussi, à l’égard des Français de l’étranger. Quelle que soit la manière dont vous présentez les choses, 15 millions d’euros manquent pour les bourses allouées aux étudiants français à l’étranger. Comme il l’avait annoncé, le Gouvernement a supprimé la prise en charge des frais de scolarité – soit. Mais la gauche avait aussi annoncé que le montant ainsi récupéré serait intégralement affecté aux bourses. Mes collègues s’en souviennent certainement, ayant par trois fois interrogé le ministre à ce sujet lors de l’examen de la loi de finances rectificative, je me suis finalement entendu répondre que le budget global de la mission serait maintenu à l’identique et que les crédits dégagés seraient consacrés aux bourses. Je constate aujourd’hui qu’en dépit des promesses ministérielles, la moitié des crédits précédemment consacrés à la prise en charge des frais de scolarité manquent à l’appel. La Commission des bourses, dont je suis membre, répartit les sommes qui lui sont allouées ; elle ne peut faire qu’avec ce qu’elle a ! Les craintes que j’avais exprimées en séance plénière étaient, hélas, fondées.

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, vouloir faire de la diplomatie économique une priorité. Sur ce plan, on ne peut que vous soutenir, mais comment cela se traduira-t-il en pratique ? Il est bon de créer une direction spécialisée au Quai d’Orsay mais, pour m’occuper depuis dix ans des Français de l’étranger au sein de mon mouvement politique, je pense qu’il faudrait en profiter pour revoir la répartition des conseillers économiques dans nos ambassades et la rendre plus cohérente. Pour ne donner qu’un exemple, est-il raisonnable qu’une seule personne soit chargée du développement économique pour l’ensemble des pays du Sud Caucase ? Comment peut-elle couvrir à elle seule une région à la fois si étendue et d’une telle importance stratégique ? Vous nous trouverez à vos côtés si vous révisez la carte de ce réseau.

J’approuve sans réserves les propos de M. Jérôme Lambert relatifs au redéploiement des moyens. Si l’on mesure les moyens diplomatiques consacrés à la Russie, à l’Inde et à la Chine d’une part et, d’autre part, ceux que nous allouons à des pays auxquels un attachement réel nous lie mais qui n’ont pas le même poids économique – tels le Sénégal, le Maroc ou Madagascar – on réalise la nécessité d’un redéploiement.

J’aimerais aussi savoir, monsieur le ministre, si vous envisagez la fermeture de postes diplomatiques au cours des cinq ans à venir. J’espère qu’il n’en sera rien, mais les craintes sont vives. Je sais par exemple, pour m’être rendu récemment en Moldavie et en Bélarus, que l’inquiétude règne dans ces représentations diplomatiques à l’annonce de baisses d’effectif. Pouvez-vous nous rassurer ?

Je tiens enfin à rendre hommage à l’ensemble de notre corps diplomatique, qui accomplit en général un travail remarquable, ne compte pas ses heures et fait preuve d’un dévouement sans faille pour pallier, parfois, un certain manque de moyens. J’associe à cet hommage le réseau culturel et en particulier celui de l’Alliance française, qui doit continuer d’être encouragé dans son effort exemplaire en faveur du rayonnement de la France.

M. Philippe Folliot. Au nom du groupe UDI, je rends à mon tour un hommage appuyé à tous nos diplomates et à tous nos agents qui, de par le monde, oeuvrent avec constance au rayonnement de notre pays et de la langue française.

Nous ne devons cesser de soutenir le réseau des établissements scolaires français à l’étranger qui, comme les Français de l’étranger eux-mêmes, sont des vecteurs majeurs d’image et d’influence pour notre pays ; les élites de nombreux pays ont fait leurs classes dans ces établissements.

Vous avez, monsieur le ministre, décidé de supprimer la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l’étranger . Nous nous en félicitons. Le groupe centriste, par la voix de M. François Rochebloine, s’était élevé contre cette mesure au coût élevé lorsqu’elle avait été instituée. Le dispositif sera désormais plus sélectif car fondé sur l’attribution de bourses ; certes, une petite perte en ligne peut être constatée à ce sujet, mais l’honnêteté commande de reconnaître que ce budget a été élaboré dans un contexte particulièrement contraint.

J’insisterai sur les points qui nous importent particulièrement. En premier lieu, je reprends à mon compte ce qui a été dit sur l’importance cruciale pour notre pays, et par leur nombre et par la qualité de leur investissement personnel, des Français installés à l’étranger. Comme je l’ai constaté moi-même à Madagascar, quelques-uns se trouvent dans un situation difficile, qui mériterait un accompagnement social. Quels moyens comptez-vous allouer à cette fin ?

Si l’on souhaite renforcer l’attractivité de notre pays, la diplomatie économique doit jouer dans les deux sens : nos industriels doivent pouvoir travailler à l’étranger, et nos partenaires économiques étrangers doivent pouvoir venir en France dans de bonnes conditions. Or les difficultés en ce domaine sont parfois réelles. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

Je reviens un instant sur les établissements français à l’étranger et sur les investissements qu’ils supposent. Il est choquant que les règlements communautaires interdisent à l’Union européenne – qui intervient en tant que telle dans nombre de pays, avec des moyens évidemment infiniment supérieurs aux nôtres pour l’aide au développement – de financer la rénovation ou la construction de nouveaux établissements scolaires, qu’il s’agisse de l’Alliance française, du British Council ou du Goethe-Institut. Interviendrez-vous, monsieur le ministre, pour que le budget européen serve aussi à renforcer l’influence des pays membres de l’Union par le biais de l’excellence éducative ?

Dans un autre domaine, je puis vous proposer une solution simple pour résoudre le problème que vous avez évoqué des visas à Shanghai. Les interventions de l’Agence française de développement sont multiples dans les pays émergents, la Chine en particulier. Ainsi près de 35 millions d’euros ont-ils été versés à ce pays au titre du développement des capacités de « carbone rural » dans les provinces du Yunnan et du Sichuan. Au regard de la situation des droits de l’homme en Chine, de la puissance économique de ce pays et de l’arrogance dont les Chinois font preuve en Afrique, cette intervention française est-elle si nécessaire ?

Nous devons en revanche poursuivre les contrats de désendettement et de développement, éléments moteur pour de nombreux pays africains.

Pour ce qui est du redéploiement des moyens, je ne partage pas entièrement l’idée selon laquelle il faudrait comprimer notre représentation diplomatique dans les pays avec lesquels nous avons des liens historiques. Les affaires communautaires n’étant plus vraiment des affaires étrangères, il conviendrait plutôt de réduire les effectifs dans les pays membres de l’Union européenne et de redéployer les ressources ainsi dégagées dans les pays émergents ; peut-être nos postes de Londres, Berlin et Rome sont-ils surdimensionnés par rapport à ceux de Moscou, Shanghai et Rio, qui seraient sous-dimensionnés.

Le temps me manque pour évoquer les financements innovants destinés aux travaux concernant nos représentations diplomatiques, mais le nouveau bâtiment de notre ambassade au Japon est un exemple très intéressant de ce qui peut être fait.

Mme Isabelle Attard. Je prends la parole au nom du groupe écologiste, mais c’est aussi en ma qualité d’ancienne expatriée de longue durée que je joins ma voix à celle de Philippe Folliot pour féliciter les services de l’État à l’étranger, qui facilitent l’installation, l’insertion professionnelle et les opérations électorales, car voter depuis l’étranger n’est pas toujours une mince affaire.

Le budget du ministère des affaires étrangères, qui recouvre la mission « Action extérieure de l’État » et une partie de la mission « Aide publique au développement », s’élève à 4,9 milliards d’euros en 2013, en diminution de 2,7 % par rapport aux crédits 2012 reconstitués sur la base du périmètre 2013. Ce budget respecte les priorités du Président de la République et du Gouvernement contribuant à défendre les intérêts de la France et des Français dans un cadre budgétaire très contraint, crise oblige.

Dans ce cadre, nous nous réjouissons des priorités affichées : l’augmentation des moyens consacrés à l’enseignement du français à l’étranger et à la préservation d’instruments d’attractivité fondamentaux comme les bourses d’études et les missions d’expertises ; la préservation des crédits d’aide sociale pour les familles et les Français de l’étranger en difficulté ; la réforme du système d’aide à la scolarité, dans un souci affirmé de justice sociale – et nous serons avec vous si vous étendez le système de bourses à un plus grand nombre de familles modestes ou de classes moyennes

Nous avons toutefois relevé certaines injonctions contradictoires dans les objectifs et indicateurs de performance du programme 105. Ainsi, dans l’objectif 2 « Renforcer la sécurité internationale et la sécurité des Français », il est indiqué avec justesse au paragraphe 2.2 de l’axe 2 que, dans le domaine nucléaire, il s’agit de « renforcer les moyens internationaux de lutte contre la prolifération et son financement (...) en aidant les pays à mettre en place des législations nationales permettant de lutter efficacement contre la prolifération ». Mais la dernière phrase du même paragraphe énonce qu’il s’agit également de « promouvoir le développement responsable de l’énergie nucléaire civile, dans le respect des plus hauts standards de sûreté, de sécurité, de respect de l’environnement et de non-prolifération ».

Or, il n’est plus à démontrer que l’incitation au développement du nucléaire civil dans le monde accentue le risque de prolifération – l’Iran est un cas emblématique. Au 1er avril 2012, 436 réacteurs de puissance fonctionnaient dans 28 pays, et 61 sont en construction. Le danger nucléaire n’a jamais été aussi grand. Si le message politique que la France entend adresser au monde est celui de la paix et de la justice, nous devons plutôt montrer l’exemple et ne pas continuer indéfiniment à promouvoir le développement de l’énergie nucléaire civile, qu’il soit ou non responsable ou présumé « respectueux de l’environnement », alors qu’il est acquis que le nucléaire « propre » n’existe pas.

Les écologistes que nous sommes sont particulièrement attachés à la dimension européenne, notamment en matière d’action extérieure de la France. Dans un contexte budgétaire français extrêmement contraignant, les économies d’échelle et la rationalisation des dépenses sont nécessaires. Aussi, eu égard au développement du Service européen d’action extérieure, nous souhaiterions vous entendre préciser les perspectives de rationalisation du réseau diplomatique français. Au delà de l’évaluation du progrès des intérêts français au sein des instances européennes, notamment par le nombre de Français dans l’encadrement de l’Union européenne et par l’usage du français dans ses institutions, il nous apparaît nécessaire de penser davantage « européen » en matière d’action extérieure. Dans cet esprit, nous continuons de défendre l’idée d’un siège européen, à terme, au Conseil de sécurité de l’ONU.

Nous nous interrogeons aussi sur la place des femmes au sein du réseau diplomatique français, particulièrement aux postes les plus élevés. Combien de Françaises sont ambassadeurs et non femmes d’ambassadeurs ? Quels instruments sont prévus pour favoriser la parité dans une diplomatie qui a longtemps été chasse gardée pour les hommes ?

M. Jerôme Lambert voit dans les départs de Français à l’étranger un signe d’ouverture. J’espère que ces départs n’ont pas lieu pour d’autres raisons, et il serait intéressant de savoir ce qui les motive. Je sais, par exemple, que beaucoup de nos compatriotes s’établissent dans les pays scandinaves, et notamment en Suède, parce que les conditions de vie des personnes souffrant de handicaps y sont bien meilleures qu’en France.

Enfin, je ne suis pas persuadée que les difficultés d’obtention de visas fassent véritablement obstacle au développement du tourisme en France. Je pense en revanche que nous augmenterions l’attrait de notre pays si nous renforcions notre capacité collective à parler l’anglais.

Mme Annick Girardin. Comme tous les ministères non prioritaires, le ministère des affaires étrangères devra, en 2013, réduire de manière substantielle ses dépenses de fonctionnement et d’intervention, les crédits de ses trois programmes, hors politiques prioritaires, baissant de 7 %. Comme l’a souligné François Loncle, on ne peut que s’inquiéter des conséquences de ces coupes budgétaires pour le rayonnement de la culture et de la langue françaises, et donc pour l’influence de la diplomatie française. Déjà, le réseau diplomatique français n’est plus que le troisième au monde, la Chine lui ayant ravi la deuxième place.

Notre inquiétude pour l’avenir de notre réseau diplomatique et culturel à l’étranger est d’autant plus grande que la diminution de ses moyens est renouvelée depuis de trop nombreuses années. Plus que tout autre peut-être, le ministère des affaires étrangères a subi des réformes profondes et des coupes budgétaires depuis le milieu des années 90 ; celles-ci ne sont pas sans impact sur l’efficacité et le rôle de notre diplomatie, en dépit du travail et de la grande disponibilité de nos agents.

En particulier, on ne peut que regretter la diminution des subventions allouées à notre réseau culturel. Ainsi, les subventions à l’Institut français et aux Alliances françaises baisseront de 7 % pour la seule année 2013. Dès lors, comment s’étonner que l’usage de la langue française soit en recul dans le monde ? Et ce, alors que d’autres pays consolident leur propre réseau culturel à l’étranger et renforcent leur diplomatie culturelle et d’influence.

Le projet de loi de finances pour 2013 met certes en avant la possibilité, pour ces organismes, de trouver des financements complémentaires pour compenser ces pertes de recettes. Mais en cette période de crise économique mondiale, cette hypothèse est contestable. Alors que la France diminue fortement son soutien aux organismes qui concourent à son rayonnement, il n’y a pas lieu de croire que d’autres se substitueront à l’État. De plus, contrairement à ce que laisse transparaître le texte, on ne peut imaginer que la capacité de ces organismes à trouver des financements autonomes soit identique : elle dépend assurément de la nature de leurs activités et de leur situation géographique.

Au sein de la mission « Action extérieure de la France », les réductions de dépenses sont appliquées de manière différenciée. Si cela suppose de plus grands efforts dans certains secteurs, cela permet d’en favoriser d’autres, et plusieurs priorités essentielles ont ainsi été définies par le ministère : la sécurité internationale et la sécurité des Français à l’étranger, la construction européenne, la diplomatie économique.

On se réjouira également que l’enseignement français à l’étranger soit préservé ; la cohérence avec les priorités du Gouvernement en faveur de l’éducation est ainsi respectée. Dans ce domaine, la stabilisation des emplois expatriés et résidents est assurée, malgré l’évolution de la masse salariale. De même, la dotation consacrée aux bourses de mobilité des étudiants étrangers reste stable. L’enseignement français à l’étranger, qui contribue fortement à l’attractivité de la France et de la langue française, doit être considéré comme un domaine prioritaire au même titre que l’éducation en France,

Le groupe RRDP votera ce budget.

M. François Asensi. Vous avez, monsieur le ministre, amplement répondu aux questions posées, mais quelques interrogations demeurent. Le budget du ministère progresse, ce qui est une bonne chose dans le présent contexte, et certaines mesures sont positives. Ainsi de la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l’étranger, dont le groupe GDR avait souligné l’injustice l’an dernier puisque la mesure conduisait en réalité à aider ceux de nos compatriotes expatriés qui disposaient des revenus les plus élevés et qui pouvaient déjà accompagner la scolarité de leurs enfants. Il est bon, aussi, que soit examinée au cas par cas la situation des familles en difficulté. Nous nous félicitons encore de l’augmentation de 2 millions d’euros des crédits affectés à l’action « Attractivité et recherche » et de l’accroissement du budget alloué à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

Il reste que votre département ministériel a souffert au cours des dernières années, la RGPP ayant tranché de manière un peu aveugle dans les moyens de notre diplomatie. MM. Juppé et Védrine avaient du reste publié dans Le Monde une excellente tribune commune pour alerter les pouvoirs publics et le Parlement sur le risque d’un ministère « en friche ». Las, les effets de la RGPP sont encore bien présents, avec la disparition de 185 ETP et, si le budget triennal est exécuté, la suppression de 450 emplois d’ici à 2015.

Notre groupe a consulté plusieurs organisations syndicales qui s’inquiètent du risque de fermeture de plusieurs consulats et ambassades ; selon certains, leur disparition serait d’ores et déjà planifiée. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

Concernant la diplomatie culturelle d’influence, force est de constater des reculs de crédits dans divers domaines, ce que nous ne pouvons que déplorer.

J’en viens à la diplomatie économique. Si, partout dans le monde, nos diplomates doivent bien connaître les questions économiques et de commerce, il ne saurait être question, monsieur le ministre, de les transformer en commis voyageurs ou en représentants de commerce – professions d’ailleurs très honorables –, car la force de la culture doit continuer de l’emporter sur le primat des marchands. Cela participe du discours universel porté par la France et il est essentiel que nous conservions un rayonnement culturel important partout dans le monde.

En conclusion, nous ne voterons pas contre ce budget, mais nous nous abstiendrons.

M. Philip Cordery. Ma question porte sur l’organisation du système éducatif à l’étranger, tellement essentielle pour les Français de l’étranger. D’emblée, je me félicite de la rupture avec la politique de la majorité précédente. Nous sortons enfin d’un système des plus injustes, fondé sur la gratuité de la scolarité au lycée mais pas avant. Il fallait donc avoir eu les moyens d’assumer tous les frais de scolarité jusque-là. La contrepartie de la prise en charge sans conditions de ressource aura été une hausse drastique des frais de scolarité, très lourde pour les familles modestes. On voit bien qui bénéficiait de l’ancien dispositif et qui en pâtissait.

La réforme est donc bienvenue et elle confirme la priorité donnée à l’éducation par le Gouvernement actuel, y compris à l’étranger. Au sein de la Commission nationale des bourses, nous sommes en train d’élaborer un nouveau système, conforme à l’engagement du Président de la République de supprimer la prise en charge et de reverser aux boursiers les montants correspondants. Il est donc mis fin à la prime aux trains de vie élevés et nous avançons dans la voie de la justice. Monsieur le ministre, j’appelle cependant votre attention sur le fait que ce ne sont pas les familles les plus modestes qui doivent être le plus frappées par la réforme. Pour elles, en deçà d’un seuil de prise en charge de 35 à 40 %, de graves problèmes sociaux seraient en effet à redouter.

C’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à mettre en évidence l’intérêt pour les familles de bénéficier des crédits précédemment alloués à la PEC et je vous remercie, monsieur le ministre, pour les précisions que vous avez apportées à ce sujet à notre collègue rapporteur Philippe Baumel. La moitié des crédits de la PEC se trouve allouée sur un quadrimestre et j’ai bien noté que vous aviez parlé d’une réserve de 9 millions d’euros pour faire face aux difficultés de certaines familles.

J’ai aussi noté – et sans doute est-ce le plus important – le rendez-vous que vous nous avez fixé en 2013 pour préparer 2014, première année pleine du nouveau système. Vous pouvez compter sur notre présence et sur notre vigilance. Le reversement progressif aux familles des crédits de la PEC est socialement juste et il constitue une marque de respect à l’endroit des Français de l’étranger. Il nous faudra aborder la question cruciale de la hausse des frais de scolarité, qui doit être réglée par une nouvelle politique immobilière et de pensions civiles, par la diversification des solutions éducatives à l’étranger et par l’instauration d’une véritable progressivité des montants dus en fonction du revenu. Si certaines familles ne peuvent pas payer, d’autres peuvent payer plus et il y a là une piste de réflexion qui ne doit pas être négligée.

Merci, monsieur le ministre, de nous confirmer votre détermination à régler le problème des frais de scolarité. Au vu de vos réponses, je ne doute pas que nous serons amenés à retirer notre amendement.

M. Nicolas Dhuicq. La puissance de la France dépend de sa défense, de sa culture et de son économie. Au moment où sévit une guerre économique sans merci, je suis frappé par le fait que tout chef d’entreprise américain qui part à l’étranger est formé par la CIA, voire par l’agence nationale de sécurité, la NSA. Or vous avez évoqué le projet d’accélérer les possibilités d’entrée sur notre territoire d’étudiants chinois. Permettez-moi de m’en inquiéter compte tenu des pillages de brevet opérés par cette puissance internationale. En matière d’intelligence et de guerre économiques, malgré les efforts entrepris au cours des dernières années, nous continuons d’accuser un certain retard. Dès lors, votre budget en général et le programme 105 en particulier comportent-ils des crédits en faveur de l’intelligence économique, à la fois pour recueillir des renseignements et pour faire en sorte que nos chefs d’entreprise et nos ressortissants extérieurs n’en livrent pas ?

M. Pascal Cherki. À la suite de plusieurs de mes collègues, je souhaite m’inquiéter des réductions de crédit assez conséquentes auxquelles nous sommes contraints au détriment des instituts français et des établissements de coopération culturelle. Cela concerne 7 500 artistes et 2 500 projets dans 134 pays. Si vous avez déclaré à juste titre, monsieur le ministre, que leurs capacités d’autofinancement pouvaient justifier que leur soit demandé un effort plus important qu’à d’autres départements de votre ministère, j’appelle cependant l’attention sur le fait que la crise économique majeure qui frappe l’Europe entraîne une diminution sensible des cofinancements privés. Ce qui était vrai hier ne le sera pas forcément demain et je souhaite que cette politique soit évaluée de manière objective, à partir des informations transmises par les ambassades.

J’en profite pour rappeler la force de notre réseau culturel : plus de 1 000 centres culturels à l’étranger, dont 226 instituts français et 400 alliances françaises, dont l’une des fonctions principales est de promouvoir la diffusion de la langue française. Il s’agit bien entendu d’un enjeu essentiel et je voudrais prendre l’exemple très concret du Portugal.

Sur une population de 10 millions d’habitants, 220 000 portugais parlent le français, qui est la deuxième langue parlée dans le pays. Malgré l’inclusion dans la péninsule ibérique, seulement 75 000 personnes étudient l’espagnol et l’allemand n’est appris que par 6 000 personnes. Compte tenu de la crise actuelle, le taux d’engagement du Portugal dans son budget éducatif ne dépasse pas 3,8 % du PIB, ce qui constitue l’un des plus bas niveaux de l’Union européenne. Il y a donc une politique de regroupement des classes de langues vivantes qui porte un risque de perte d’influence du français et le gouvernement portugais a beau jeu de nous faire observer que la France elle-même a réduit son effort. Nous héritons d’une situation défavorable, puisque, en cinq ans, nous sommes passés de cinq attachés de coopération culturelle présents au Portugal à un et les crédits ont diminué de plus de 40 %. Le résultat de cette politique ne s’est pas fait attendre puisque le nombre de personnes apprenant le français au Portugal a cruellement chuté.

Parallèlement, en France, aucun poste au CAPES ou à l’agrégation de portugais n’est ouvert depuis deux ans et je n’ai pas connaissance qu’il soit prévu que cela change en 2013. Or, après l’anglais et l’espagnol et devant le français, le portugais est devenu la troisième langue européenne parlée dans le monde, avec 234 millions de locuteurs. L’enjeu est encore renforcé par l’émergence du Brésil et par l’accord de coopération orthographique signé par tous les pays lusophones.

Dans ces conditions, si la France ne reprend pas rapidement la main, nous risquons de perdre un acquis qui pourrait devenir déterminant. D’où ma proposition que le Gouvernement suscite une rencontre de haut niveau sur cette question ou, à défaut, qu’un accord de coopération linguistique entre la France et le Portugal – auquel je sais que travaillent déjà vos services – puisse aboutir. Il en va des intérêts bien compris de nos deux pays.

M. Hervé Féron. Dans le contexte actuel de maîtrise des finances publiques, le maintien des outils d’influence de la France partout dans le monde constitue une véritable gageure. Le Gouvernement en est du reste parfaitement conscient, et c’est pourquoi il a tenu à limiter la contraction des crédits.

La dotation du programme 185 ne diminue, à périmètre constant, que de 1 % et atteint 747 millions d’euros, grâce notamment à la stabilité de la dotation de l’AEFE qui représente 57 % du programme. Les moyens alloués aux différents acteurs que sont les instituts français, les alliances françaises et les établissements à autonomie financière sont ajustés dans la limite de la baisse de 7 % des crédits de fonctionnement décidée par le Gouvernement. Toutefois, les crédits culturels exceptionnels de 14 millions d’euros dévolus au siège de l’institut français depuis 2011 sont maintenus, et les baisses de dotation résultant de la dynamique engagée par le précédent Gouvernement sont atténuées par des cofinancements ou par des autofinancements à progression rapide. Il s’agit de recettes propres, de mécénat, de partenariats avec les collectivités territoriales ou de fonds européens.

Au-delà, la rationalisation des modalités d’intervention du programme 185 doit se poursuivre. L’enjeu est de passer d’une culture de type associatif à une culture d’EPIC, laquelle requiert des règles rigoureuses de gestion, dans le respect des capacités d’influence. Par ailleurs, la mise en réseau des mécènes constitue une hypothèse de réflexion que nous souhaitons vous soumettre. Le mécénat est désormais très impliqué dans notre réseau culturel à l’étranger. En effet, on a pu constater que là où s’implantaient des instituts français, des EPIC associés ou des lycées français, les entreprises s’installaient avec une plus grande facilité compte tenu du dynamisme et du creuset que représente le réseau français. Une mise en réseau formalisée des mécènes permettrait à ces derniers d’intervenir avec une plus grande lisibilité dans les différentes zones du monde et contribuerait au poids stratégique comme au rayonnement de notre pays.

S’agissant de l’action 4 « Attractivité et recherche », dont on a peut-être trop peu parlé ce soir mais pour laquelle le niveau des bourses a été maintenu, j’ai plaisir à remarquer que la France est le quatrième pays d’accueil des étudiants internationaux et je me réjouis de l’abrogation, par la circulaire du 31 mai 2012, de la « circulaire Guéant », un an après sa diffusion. Se trouve ainsi réaffirmée l’importance accordée à la possibilité de compléter une formation en France par une première expérience professionnelle dans notre pays. Cela valorise l’apport intellectuel, économique et scientifique des étudiants étrangers et je ne puis que m’en féliciter.

S’agissant de l’enseignement du français à l’étranger, le maintien de la subvention de l’AEFE à hauteur de 425 millions d’euros, dont 5,5 millions supplémentaires destinés à compenser la part patronale de contribution aux pensions civiles des personnels, constitue, dans les circonstances actuelles, un motif de satisfaction et marque la volonté du Gouvernement de faire de l’éducation une priorité. Toutefois, l’AEFE fait face à une forte demande de scolarisation et elle est confrontée à des charges récurrentes, liées notamment à la rénovation du parc immobilier.

Pendant cinq ans, on a distribué de l’argent sans conditions de ressource sur la prise en charge au détriment d’autres lignes budgétaires de l’AEFE et je me réjouis, au travers de l’action 2 du programme 151, de la suppression de la prise en charge des frais de scolarité. Je ne reviens pas sur les effets pervers de cette mesure décidée par le président Sarkozy. Ils sont en effet largement développés dans le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle à laquelle j’avais participé. Entré en vigueur à la rentrée, le dispositif que vous avez retenu constitue la première pierre d’une réforme plus large et plus juste de l’aide à la scolarité, qui devra être conduite dès 2013. Le redéploiement budgétaire n’a pas encore été affecté aux bourses dans son intégralité alors que l’augmentation des droits d’écolage découlant de la PEC le justifierait. Mais vous venez de nous donner, monsieur le ministre, des informations rassurantes à ce sujet : souplesse, rôle des commissions locales, réserve de 9 millions d’euros éventuellement mobilisable, ajustement dans le projet de loi de finances pour 2014. Soyez sûr que les députés des Français de l’étranger sont très sensibles au fait d’être associés à cette réflexion.

Enfin, nous aurons beaucoup à nous dire à propos de l’AEFE pour que ce bel outil puisse être promis à l’avenir qu’il mérite. En 2009, j’avais consacré un rapport à l’AEFE dans lequel je ne faisais pas que soulever les incohérences et les dégâts collatéraux de la PEC puisque je proposais, entre autre, que soient développées des initiatives alternatives pour l’enseignement en français, comme pour l’enseignement du français à l’étranger. J’avais donné l’exemple du programme d’enseignement bilingue de consolidation du français langue maternelle – FLAM – qui ne coûtait que 300 000 euros à l’AEFE.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Je remercie M. Amirshahi de son appréciation générale et, pour répondre aussi à M. Folliot, je souhaite vous livrer quelques éléments sur l’aide sociale. Il y a 205 comités consulaires, qui ont versé des aides mensuelles à 5 077 bénéficiaires. Ce chiffre est en augmentation constante et il a été décidé de ne plus verser d’allocations non contributives au sein de l’Union européenne, mais de demander aux Français de s’adresser aux systèmes locaux. Nous avons cependant mis en place une prestation adaptée, conforme à la législation européenne. Le montant de la caisse des Français de l’étranger est maintenu à hauteur de 498 000 euros. Au-delà de ces chiffres, qui sont malheureusement un peu « secs », tout le monde s’accorde sur la nécessité de maintenir des crédits d’aide sociale car, si les situations sont d’une grande diversité, certains de nos compatriotes installés à l’étranger vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Il est conforme à la tradition française et aux orientations qui sont les nôtres de maintenir l’aide sociale.

M. Mariani s’est montré assez sévère sur les orientations de notre politique étrangère, mais il a eu l’amabilité d’être assez rapide ! Au reste, j’attribue à son sens de l’humour bien connu ses propos sur le dossier très grave du Mali, lorsqu’il déclare qu’au Mali, la France s’est montrée particulièrement incapable de mobiliser la communauté internationale.

S’agissant des 15 millions « disparus » qu’il a évoqués, je vous ai déjà expliqué le mécanisme. J’y reviens car le sujet est d’importance. Lorsqu’on aura fait la sommation sur trois ans, puisque le budget court sur trois exercices, l’ensemble des fonds anciennement destinés à la PEC sera reversé aux bourses. Rien ne reviendra dans les caisses de l’Etat, la totalité étant redistribuée. Je constate que M. Mariani m’approuve du regard et je l’en remercie.

Comme d’autres orateurs, vous avez souhaité que soit mieux réparti le réseau économique et je partage votre point de vue.

S’agissant d’éventuelles fermetures de postes diplomatiques, ambassades et consulats, il faut distinguer l’uniformité du réseau et son exhaustivité. Nous n’avons pas de projet arrêté, mais un poste qui ne compte plus que trois ou quatre agents ne peut pas fonctionner. Par conséquent, des adaptations sont nécessaires et, pour des raisons technologiques, la fonction des consulats va évoluer dans certains cas. La Moldavie et le Belarus ont été cités mais ils ne sont pas concernés. Cela dit, il peut y avoir ici ou là, et je l’assumerai tout à fait, tel ou tel poste trop petit pour rester ouvert et dont il faudra répartir ailleurs les missions. C’est une exigence de bonne gestion. Le réseau doit être uniforme, mais cela ne passe pas forcément par notre présence dans 193 pays.

J’ai été sensible aux hommages que nombre d’entre vous ont bien voulu rendre aux personnels du ministère, qu’ils travaillent en France ou à l’étranger. Ils en seront touchés et je vous en remercie, car ce sont des gens biens.

M. Folliot a abordé toute une série de sujets. Il a notamment émis l’idée – qui ne s’est pas réalisée pour le moment mais pourquoi pas ? – que l’Union européenne puisse contribuer davantage et il a cité le cas de l’AFD et de la Chine. C’est une remarque que j’ai faite à M. Pascal Canfin, qui suit particulièrement ces questions auprès de moi. Je lui ai demandé – et il comprendra le style diplomatique que j’utilise – de veiller à ce que les prêts pour le développement soient réservés aux pays qui se trouvent réellement en situation de développement plutôt qu’à ceux qui ont déjà émergé. Je ne sache pas que l’on puisse comparer la situation financière de la Chine à celle du Pérou ou de la Bolivie. Les décisions nécessaires seront prises, dans le respect des travaux de l’AFD. Comme vous, j’avais été frappé par certaines situations.

Je constate avec plaisir que vous êtes tous favorables au redéploiement et je souhaite que vous mettiez le même enthousiasme à le soutenir lorsqu’il sera opéré, sur la base des conclusions de M. le directeur Saint-Geours. Au reste, je partage tout à fait le point de vue de M. Folliot sur la nécessité de certains redéploiements au sein de l’Union européenne. Nous vivons en effet sur des schémas anciens et les postes n’ont pas tous la même vocation.

En revanche, il n’est pas exact de dire que la Russie manque de personnel ; la Chine, certainement, l’Inde, peut-être.

Je remercie Mme Attard de son appréciation générale. S’agissant du siège européen unique au Conseil de sécurité des Nations Unies, je ne rouvrirai pas le débat qui a eu lieu au cours de la campagne présidentielle. Nous sommes bien entendu favorables à l’intégration solidaire européenne, mais si – ce qu’à Dieu ne plaise ! – la France perdait son statut de membre permanent au Conseil de sécurité, cela changerait tout de même pas mal de choses. Nous proposons une réforme pour permettre à l’Allemagne de disposer d’un siège permanent, de sorte que les trois principaux pays européens soient représentés. Il conviendrait aussi que le Japon puisse siéger de façon permanente et vous connaissez notre position à ce sujet. En tout état de cause, il est essentiel que la France conserve son influence et il ne pourrait y avoir de siège unique pour l’Union européenne que si celle-ci était capable de conduire une vraie politique extérieure commune. Or on en est loin !

À votre question sur la place des femmes dans le réseau diplomatique, je répondrai par deux chiffres : il y a 15 % de femmes parmi les ambassadeurs – une proportion qu’il faut améliorer – ; et, depuis le mois de juin 2012, j’ai obtenu du nouveau Gouvernement, je vous l’apprends sans doute, que 40 % des nouveaux ambassadeurs soient des femmes. Il faut que ce mouvement continue, bien que ce ne soit pas toujours facile. Selon les règles en vigueur au Quai d’Orsay, ne peut être nommée qu’une personne ayant exercé des fonctions d’encadrement. D’ailleurs, depuis mon arrivée, deux nominations décidées antérieurement ont été annulées pour ce motif. Et si la personne vient de l’extérieur, les problèmes sont autres. Cela veut dire qu’il faut augmenter le vivier en amont. Nous nous sommes donc fixé comme objectif – un objectif qui mériterait d’être mieux connu – d’arriver d’ici à 2018 à 40 % des nominations au stade inférieur, pour pouvoir ensuite progresser petit à petit. Pour arriver au résultat, il m’a fallu tordre la réalité et je dois continuer pour nommer davantage de femmes. Encore faut-il que je le puisse.

Madame Attard, vous avez une conception très extrême du développement du tourisme. Vous avez invité nos compatriotes à parler anglais. C’est très bien, même si le défenseur du français que je suis souffre toujours de voir tel ou tel représentant de la France, y compris devant des assemblées francophones, s’exprimer en anglais – mal, en général. Le ridicule atteint alors des sommets. Je souhaite que l’apprentissage des langues se développe, mais les touristes ont besoin de visas. Les deux sont nécessaires.

Je remercie Mme Girardin pour ses propos équilibrés et pour son soutien.

M. Asensi a dressé un bilan contrasté de mon action et je lui ai répondu par avance à propos des ambassades et des consulats. S’agissant de la diplomatie économique et la culture, je suis d’accord avec lui. Il faut mettre l’accent sur l’économie – qui n’est pas forcément synonyme de marché. La France est un tout, c’est à la fois la culture, l’économie, les droits de la personne, le rayonnement de la langue… Je vous invite volontiers au Quai d’Orsay, où vous trouverez au rez-de-chaussée de ce beau bâtiment aux murs recouverts de tapisseries et décorés de tableaux, une réplique de la fusée Ariane dans la première salle, un modèle réduit d’Airbus dans la deuxième salle, et un modèle de la voiture Zoé dans la troisième. Il faut que nos visiteurs sachent que la France et sa diplomatie, c’est aussi bien la culture, les écrivains, les créateurs, que l’industrie, l’économie, l’innovation,… La symbolique que nous utilisons doit se traduire dans le réel.

M. Cordery a tenu, comme toujours, des propos très pertinents. Oui, nous suivrons la question des frais de scolarité qui est très compliquée. Il a bien expliqué les enjeux de la suppression de la PEC. Je le remercie de ses commentaires et me réjouis qu’il ait bien voulu retirer son amendement au bénéfice des explications que j’ai données et aux engagements que j’ai pris.

Monsieur Dhuicq, les crédits correspondant à l’intelligence économique figurent dans le budget de la défense et dans celui de l’intérieur. Je conviens tout à fait qu’il faille se méfier des contrefaçons et du pillage, mais je n’en déduis pas pour autant que nous devrions cesser d’accueillir des étudiants chinois. Nous devons continuer, mais avec discernement. Notre gouvernement voit dans l’afflux d’étudiants étrangers, qu’ils soient chinois ou autres, une richesse. Outre l’ouverture qu’ils nous procurent, ils peuvent devenir d’excellents ambassadeurs.

M. Cherki m’a demandé de suivre particulièrement la question du français au Portugal. Je vais le faire. Ses statistiques sont justes, mais elles doivent s’apprécier en termes dynamiques. Le français est une langue d’avenir. On estime aujourd’hui à 220 millions le nombre de locuteurs francophones mais, grâce à l’Afrique, ils devraient être plus de 700 millions dans une trentaine d’années. Je ne crois pas que, d’ici là, le rattrapage du Brésil soit d’une telle ampleur. Cela étant, vous avez raison, il faut être présent, au Portugal et chez les lusophones. En tout cas, la francophonie a de l’avenir et il faut absolument la défendre.

M. Féron a parlé avec compétence, comme il sait le faire, des bourses de recherche, des moyens culturels, des ressources de l’AEFE, et nous serons très attentifs à ce qu’il nous a dit.

*

A l’issue de la commission élargie, la commission des affaires étrangères procède au vote sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » du projet de loi de finances pour 2013.

Suivant les conclusions des rapporteurs pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

ANNEXES

Annexe 1 - Liste des personnalités rencontrées par votre rapporteur

1) À Paris

M. Jean-Baptiste Mattei, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats, Mme Delphine Borione, directrice de la direction de la politique culturelle et du français et M. Vincent Dalmais, chef de la mission et des programmes, MAEE (mardi 18 septembre 2012)

M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française (mardi 18 septembre 2012)

M. Cyrille Pierre, directeur général de France Expertise Internationale (mardi 18 septembre 2012)

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et Mme Raphaëlle Dutertre, chef de cabinet (AEFE) (mardi 25 septembre 2012)

M. Laurent Garnier, directeur des affaires financières au ministère des affaires étrangères, Mme Agnès Cukierman, sous-directrice du budget et Mme Claire Bodonyi, conseillère budget et administration au cabinet du ministre (mercredi 26 septembre 2012)

Mme Anne Gazeau-Secret, conseillère d’Etat (mercredi 26 septembre 2012)

M. Antoine Grassin, directeur général de CampusFrance (jeudi 27 septembre 2012)

M. Xavier Darcos, président de l’Institut français et Mme Sylviane Tarsot-Gillery, directrice déléguée (jeudi 27 septembre 2012)

M. François Saint-Paul, directeur des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, ministère des affaires étrangères, M. Olivier Nicolas, sous-directeur de l'expatriation, de la scolarisation et de l'action sociale, M. Raymond Quereilhac, chef de mission de gestion administrative et financière, Mme Odile Soupison, directrice-adjointe et M. Grégory Hamon, responsable de la cellule budgétaire au sein de la Mission de gestion administrative et financière (MGP) de la DFAE (jeudi 27 septembre 2012)

M. Chris Hickey, directeur du British Council (mardi 16 octobre 2012)

2) À Varsovie (les 14 et 15 octobre 2012)

Son Exc. M. Pierre Buhler, ambassadeur de France

Mme Fabienne Drout-Lozinski, conseillère de coopération et d’action culturelle, directrice de l’Institut Français de Pologne

M. Benoît Delattre, secrétaire général de l'Institut français

M. Dominique Le Masne, attaché de coopération scientifique et universitaire ire général

M. Pascal Plouchart, proviseur du Lycée René Goscinny

M. Alain Marchou, directeur de l’école primaire

M. Georg Blochmann, directeur du Goethe Institut

M. Paul Gradvohl, directeur du Centre de civilisation française et d’études francophones

3) À Dakar (du 11 au 13 septembre2012)

M. Denis Schaeffer, trésorier auprès de l’Ambassade de France au Sénégal

M. Thierry Vergon, secrétaire général de l’Institut français de Dakar

M. Alban Corbier-Labasse, directeur de l’Institut français de Dakar

Mme Eléonora Rossi, directrice de l’Institut français de Saint-Louis du Sénégal

Annexe 2 – Données Sénégal

Source : Campus France

Source : Campus France

© Assemblée nationale

1 () http://www.chine-informations.com/guide/institut-confucius_1842.html

2 () Il n’est pas indifférent que relever que, pour ne pas être en reste et distancée dans sa compétition avec la République populaire, à son tour, Taïwan a investi depuis peu le créneau de la diplomatie culturelle et a commencé d’ouvrir les « Instituts de Taïwan », qui mêlent écoles de langues et centres culturels.

3 () In « Pékin dénonce les “forces hostiles” de l’Occident qui menacent sa culture » François Bougon, Le Monde, 6 janvier 2012, page 4.

4 () Plan Nacional de Acción Cultural Exterior, PACE, 6 avril 2011; http://www.aecid.es/es/que-hacemos/cultura-ciencia/pace/Inicio/

5 () Sur ces questions, voir les informations disponibles sur le site du Centre d’information sur l’Allemagne, CIDAL, www.allemagne.diplo.de

6 () On soulignera à cet égard que, comme en France, ce budget représente le quart de celui du ministère ; les montants sont toutefois quelque peu différents puisque les crédits du Programme 185 sont inférieurs de moitié.

7 () Cela étant, le fait que cette composante soit déterminante n’empêche pas qu’en ces temps de difficultés budgétaires, elle doive fréquemment réduire ses ambitions et souffrir, comme d’autres volets, de réductions de crédits. Votre Rapporteur abordera ce sujet plus loin.

8 () Editions Mille et une nuits, coll. « Les Petits libres », n° 67, mars 2007.

9 () « L’application de la loi relative à l’action extérieure de l’Etat », Rapport d’information n° 4356 du 15 février 2012.

10 () Article 9.

11 () Décret n° 2010-1695 du 30 décembre 2010, relatif à l'Institut français, articles 2- II et 2-III.

12 () Entre autres : rétrospectives Olivier Assayas et Sandrine Bonnaire (janvier) ; « Expolangues : la langue française à l’honneur » (février) ; « L’émoi du design », Madrid (mars-mai) ; Agnès Varda à Pékin-Wuhan-Shanghai (mars-avril) ; lancement des plateformes numériques IFverso et Culturethèque, Salon du livre (mars) ; parution de la monographie « Patrick Chamoiseau », avec tournée internationale de l’écrivain (mars) ; forum tuniso-français de la société civile (avril) ; pavillon des « Cinémas du monde », Cannes (mai) ; lancement du projet « Textes électroniques multilingues » (mai) ; « Nuit de la philosophie », Londres (juin) ; présence française à la Documenta de Kassel ; expositions organisées dans le cadre des JO de Londres ; festival « Vis-à-vis »,Los Angeles (juin) ; lancement du « Tandem Paris Berlin » (juillet) ; lancement de la saison française en Afrique du Sud (juillet) ; Congrès des professeurs de français, Afrique du sud, (juillet) ; biennale d’architecture de Venise. Plus récemment, l'Institut français était présent à la « Paris Design Week » (septembre), au lancement de la saison « Croatie la Voici » (septembre), aux rencontres « French Theory » à New York en septembre, ainsi qu’à l’ « Open Book Festival » au Cap, (septembre), de même qu’à l’exposition « Paris-Los Angeles », ou au Business forum de Johannesburg (octobre). D’ici la fin de l’année, il participera aux activités de la Manufacture de Sèvres à New-York (novembre), à la Biennale « Regards Bénin », en novembre, à l’exposition « Les 100 ans de Gallimard » à Moscou, en décembre, sans que cette liste soit exhaustive.

13 () Source : Institut français.

14 () Page 9.

15 () La présence d’enseignants titulaires détachés est l’une des conditions de l’homologation des établissements français à l’étranger.

16 () A cet égard, il convient de rappeler que la Pologne est le seul pays européen à avoir enregistré un taux de croissance positif en 2009 et celui qui a connu le taux de croissance le plus élevé de l’UE en 2011. Son vaste marché intérieur, le dynamisme de sa population en font un partenaire majeur en Europe. La France y occupe des positions d'ores et déjà importantes : nos grandes entreprises y sont présentes, en pointe dans leur secteur (téléphonie, grande distribution, énergie, équipementiers automobiles) ; la France, troisième investisseur étranger, est à l’origine de 200 000 emplois directs ; nos entreprises participent aux privatisations, et ont réalisé des acquisitions parmi les plus conséquentes du marché polonais (télécommunications, avec TP SA).

17 () Selon les données communiquées par le MAEE à votre Rapporteur, le nombre total d'élèves à la rentrée 2007 était de près de 5,7 millions, de 5,3millions à la rentrée 2008 et de 5,1 millions à la rentrée 2009. En d'autres termes, sur ces années, la baisse a été de – 351 000 élèves scolarisés entre 2007 et 2008 et de – 188 000 entre 2008 et 2009.

18 () Un simple rappel sur les moyens que lui donne l’Etat suffit à s’en convaincre : en termes de budget, l’AEFE est le 10e opérateur de l’Etat sur les quelque 500 agences existantes. En d'autres termes, il s’agit d’un outil particulièrement puissant.

19 () Parmi les critères, les établissements locaux doivent proposer au moins un tiers de leur enseignement en français, au moins deux disciplines non linguistiques enseignées en français, garantir la présence d’enseignants titulaires français, une validation DELF/DALF, dans un environnement favorisant la francophonie.

20 () 1 en Australie, 1 au Chili, 9 aux Etats-Unis, 1 en Finlande, 1 en Nouvelle-Zélande, 4 en République Tchèque.

21 () Loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’Etat, article 6-II.

22 () Pour ne pas mentionner ceux dont dispose le DAAD pour la promotion de la recherche scientifique et de l’université allemandes en Pologne.

23 () PLF 2013, Projet annuel de performances, Action extérieure de l’Etat, page 94.

24 () “Proyecto de presupuesto del Instituto Cervantes para el año 2013, Comisión de Asuntos exteriores del Congreso de los Diputados, comparecencia del director del Instituto Cervantes, Víctor García de la Concha”; 8 octobre 2012; www.cervantes.es ; Voir aussi www.elpais.com, du 8 au 11 octobre 2012 notamment.