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N
° 254

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME V

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET AMÉNAGEMENT DURABLES

PAR M. Jean-Marie LE GUEN

Député

——

Voir le numéro 251 (annexe n° 13).

.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE STRATÉGIE NATIONALE, DÉFINIE PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, QUI S’INSCRIT DANS UN AGENDA EUROPÉEN ET UN AGENDA INTERNATIONAL AMBITIEUX 9

A. Le projet global présenté lors de la conférence environnementale 9

B. Une stratégie communautaire complète et au succès déjà constaté en ce qui concerne le changement climatique 10

1. Les actions en cours 10

2. Des résultats déjà tangibles en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, avec notamment le paquet énergie-climat 12

a. Le paquet énergie climat et les textes associés 12

b. Une réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne constatée sur 20 ans grâce au développement des énergies renouvelables 14

C. Des négociations internationales de long terme et parfois difficiles, mais dont la réussite est indispensable 17

1. Le processus de Rio 17

2. La lutte contre le réchauffement climatique : les résultats de la conférence de Durban 19

a. Les résultats de la conférence 19

b. Le caractère opératoire du Fonds vert et de REDD+ 20

3. La préservation de la biodiversité 21

II. TROIS ENJEUX MAJEURS QUI MÉRITENT UNE MENTION PARTICULIÈRE, CETTE ANNÉE 23

A. La conférence sur le climat de 2015, pour l’accueil de laquelle la France a indiqué sa disponibilité 23

1. Une première échéance immédiate : régler lors de la conférence de Doha, en novembre et décembre prochains, l’après-Kyoto 23

a. Définir des modalités pour la deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto, seul outil juridique contraignant pour la réduction des gaz à effet de serre 23

b. Renforcer le régime pour la période allant jusqu’en 2020 25

c. Lancer les travaux en vue d’un accord global d’ici 2015, pour l’après 2020 25

2. Une deuxième échéance essentielle : la conférence de 2015 qui doit définir l’accord global pour l’après 2020 26

3. La proposition du Président de la République : la disponibilité de la France pour organiser à Paris la conférence de 2015 28

a. Les éléments indiqués lors de la conférence environnementale 28

b. Un impératif de réussite qui aura des incidences budgétaires qu’il convient d’ores et déjà de prévoir 28

4. Le mécanisme d’inclusion carbone : un instrument à envisager au niveau européen en parallèle à la négociation climatique 29

B. La création d’une communauté européenne de l’énergie en s’appuyant sur le rôle clef de la France et de l’Allemagne 31

1. Une dimension non seulement industrielle, mais aussi économique : définir l’économie décarbonée du futur 31

2. A l’arrière-plan, l’impératif de la sécurité énergétique de l’Europe 33

C. Le règlement de la question des difficultés actuelles du système d’échange de quotas de carbone 36

1. La difficile régulation du marché 36

2. La question de l’application au secteur du transport aérien du système de quota d’émission et de son articulation avec un instrument international ad hoc dans le cadre de l’OACI 39

3. Un principe assez largement partagé 40

EXAMEN EN COMMISSION 43

ANNEXE - Liste des personnalités rencontrées par le rapporteur 47

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Aucune activité humaine n’est neutre. Chacune d’entre elles affecte d’une manière plus ou moins forte les différents éléments de l’environnement : l’eau, l’air, la terre, sol et sous-sol, la faune et la flore.

Après un siècle et demi de progrès économique et social aussi spectaculaire qu’inédit, le monde a peu à peu été atteint, à partir des années 1970, par le doute quant à son avenir.

Les conséquences de l’utilisation intensive des ressources naturelles et du développement des activités polluantes sont apparues comme potentiellement irréversibles et donc irrémédiablement dommageables. La question de la viabilité du futur a été posée. Certaines questions ponctuelles ont paru solubles, comme l’élimination des CRFC menaçant la couche d’ozone. D’autres, comme le rôle du gaz carbonique et des autres gaz à effet de serre dans la variation de la température et le changement climatique, sont apparues éminemment plus difficiles à contenir.

Même si les prédictions les plus pessimistes du rapport Meadows, intitulé Halte à la croissance, publié en 1970 sous le parrainage du Club de Rome, ne se sont pas réalisées, les alertes ont été suffisamment précises pour que, progressivement, le consensus se fasse sur l’exigence d’un développement durable, selon la notion officiellement définie en 1987 dans le cadre du rapport Bruntland, de manière à combiner et concilier de manière harmonieuse les volets économiques, sociaux et environnementaux du développement.

Il est très vite apparu que les enjeux environnementaux exigeaient une coordination internationale qui s’est naturellement inscrite dans le cadre de l’ONU. Aucun Etat ne peut agir seul d’une manière efficace. C’est la logique de ce que les économistes appellent les biens collectifs qui exigent pour leur protection une action elle aussi collective.

Le premier sommet de la terre a ainsi été organisé à Stockholm en 1972. C’est à cette occasion qu’a été créé le programme des Nations Unies pour l’environnement (PNU). Par la suite, la question environnementale n’a cessé d’être inscrite à l’Agenda international, comme en témoignent la conclusion des plusieurs grandes conventions internationales et l’organisation à Nairobi du second sommet, mais la cadence s’est considérablement accélérée à partir de la Conférence de Rio de 1992, qui a lancé la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et dont les Etats signataires se rencontrent chaque année depuis 1995.

L’année 2012 est particulièrement marquante, avec l’organisation du 20 au 22 juin de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (CNUDD) conférence dite Rio + 20, ainsi qu’avec la conférence d’Hyderabad sur la biodiversité qui vient de s’achever et la perspective très proche de la conférence de Doha sur le changement climatique qui s’achèvera le mois prochain.

Comme chaque année, l’examen du projet de loi de finances permet au rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, sur la mission écologie, aménagement et développement durables d’évoquer les questions les plus actuelles d’un agenda international chargé.

Le projet de loi de finances pour 2013 ne donne pas l’occasion de déroger à ce principe de concentration sur les questions internationales immédiates, si ce n’est que l’annonce le 14 septembre, lors de la Conférence environnementale, par le président de la République du projet d’accueillir en France, en 2015, la conférence de l’ONU sur le climat comme l’affirmation de la place de la transition écologique dans le quinquennat impose de mettre l’accent cette année sur ces deux éléments, notamment sur la dimension énergétique du second.

Laissant par conséquent aux rapporteurs spéciaux de la Commission des finances le soin de faire l’analyse financière et technique de l’évolution des masses budgétaires et de leurs répartition, le rapporteur pour avis se limitera à constater que, les circonstances économiques l’imposant, les dotations de l’ensemble de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » diminuent passant de 8,777 milliards d’euros ouverts en loi de finances initiale pour 2012 à 8,385 demandés pour 2013 en autorisations d’engagement (-4,4%), et de 8,704 à 8,379 en crédits de paiement (-3,76%). Selon le périmètre un peu différent de la programmation prévisionnelle pluriannuelle, elles diminuent de 4,42% en crédits de paiement, le plafond passant de 7,995 milliards d’euros ouverts en loi de finances initiale pour 2012 à 7,641 milliards d’euros prévus pour 2013. L’essentiel de l’effort porte sur les dépenses de personnel du titre 2 (206 millions d’euros) et celles d’intervention du titre 6 (340 millions d’euros en autorisations d’engagement et 323 en crédits de paiement).

Pour ce qui concerne plus particulièrement l’écologie et le développement durable à proprement parler :

– les dotations du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », dont l’essentiel est constitué de l’action n° 07 « gestion des milieux et biodiversité », diminuent en autorisations d’engagement, passant de 293 à 280,5 millions d’euros, mais sont presque stables en crédit de paiement, passant de 279,95 millions à 279,2 millions d’euros ; cependant, compte tenu de l’individualisation du Fonds d’investissement pour la biodiversité et la restauration écologique, créé le 20 octobre 2011 et qui fait l’objet de l’action n° 08, il y a augmentation des crédits de paiement qui passent de 268,8 millions d’euros à 268,99 millions d’euros. C’est sur l’action n° 01 « sites, paysages, publicité » que porte l’ajustement ;

– le programme 174 « Energie, climat et après mines » a pour priorité en 2013 d’amorcer la transition énergétique, de garantir les droits collectifs des mineurs et la gestion économique et sociale de l’après-mines, et d’amplifier la lutte contre le changement climatique. Ses dotations augmentent de 671,9 millions d’euros à 681,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 680,1 millions d’euros à 687,8 millions d’euros en crédits de paiement, avec une forte augmentation de l’action n° 05 « lutte contre le changement climatique », qui passent de 29,4 millions d’euros à 85 millions avec notamment, d’une part, une augmentation de 5,6 millions d’euros des crédits destinés à l’amélioration de la qualité de l’air, ce qui comme l’a indiqué M. Marc Gaoua, député, rapporteur spécial de la Commission des finances est d’autant plus appréciable qu’une procédure est en cours devant la Cour de Justice, contre la France, pour non-respect des valeurs limites, et, d’autre part, pour la première fois, des crédits à hauteur de 50 millions d’euros destinés à couvrir le déséquilibre du bonus-malus automobile ;

– c’est indéniablement sur le programme 217 « conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement durable et de la mer » que porte l’effort d’ajustement avec une réduction de 2,719 milliards d’euros à 2,496 milliards d’euros des crédits d’engagement, soit 9,9%, et de 2,723 milliards à 2,547 milliards des crédits de paiement, avec une réduction de 400.000 euros de l’action n° 06 « action européenne et internationale », qui passe en prévisionnel de 9,4 à 9 millions d’euros en autorisations de programme comme en crédits de paiement. La majeure partie de l’ajustement porte cependant sur les personnels œuvrant sur les questions de transport qui sont dans le champ de la mission, mais hors champ du rapport.

I. UNE STRATÉGIE NATIONALE, DÉFINIE PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, QUI S’INSCRIT DANS UN AGENDA EUROPÉEN ET UN AGENDA INTERNATIONAL AMBITIEUX

A. LE PROJET GLOBAL PRÉSENTÉ LORS DE LA CONFÉRENCE ENVIRONNEMENTALE

Annoncée par le Premier ministre le 3 juillet dernier lors de la déclaration de politique générale du Gouvernement, la Conférence environnementale s’est déroulée à Paris les 14 et 15 septembre dernier, au siège du Conseil économique, social et environnemental.

Elle a été pour le Président de la République l’occasion d’exposer la stratégie du Gouvernement en la matière.

L’objectif est de faire entrer la France dans la transition écologique, pour que celle-ci soit en mesure d’adopter un nouveau mode de développement reposant sur l’excellence environnementale, dont notre pays doit être la Nation.

Cette stratégie repose sur un ensemble d’actions, au-delà de l’annonce du caractère annuel, et non exceptionnel, de la conférence.

Une première catégorie d’actions relève de l’efficacité énergétique, avec un effort particulier sur le logement. L’objectif de la mise aux normes thermiques d’un million de logements a été fixé, pour que les 4 millions de logements qui sont le plus consommateur d’énergie (les « passoires thermiques ») soient rénovés. Outre la mobilisation des opérateurs (l’ADEME et l’ANAH), des financements sont prévus avec le doublement des plafonds du livret A et du livret de développement durable, ainsi que, pour les propriétaires les plus modestes, le produit de la mise aux enchères de quotas de carbone.

C’est dans la même perspective que s’inscrit la volonté d’appliquer une tarification progressive de l’énergie et d’une extension des mécanismes de bonus et malus actuellement prévus pour certains produits.

Un deuxième groupe a trait à la modification du bouquet ou mix énergétique, avec la volonté d’une diversification des sources de production fondée sur deux éléments : réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité, de 75% actuellement à 50% à l’horizon 2025, qui débute avec la fermeture de la centrale de Fessenheim en 2016 ; recours accru aux énergies renouvelables, par une relance des filières éolienne et photovoltaïque. En complément, un soutien à l’innovation est prévu dans le cadre de la Banque publique d’investissement (BPI).

En revanche, la filière des gaz de schiste a fait l’objet d’une « fermeture », compte tenu de l’état actuel des techniques, avec l’annonce du refus des sept demandes de permis déposées auprès de l’Etat. Seule la fracture hydraulique connue pour ses risques lourds pour la santé comme pour l’environnement est en effet aujourd’hui connue et pratiquée.

Un troisième groupe d’actions porte sur la protection de l’environnement ainsi que sur le sujet, nouveau, des risques sanitaires environnementaux. Il s’agit notamment mais pas uniquement de la déclinaison des stratégies mises en œuvre au niveau européen et au niveau international. L’accent est notamment mis sur la protection de la biodiversité avec la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain au détriment des espaces agricoles et la promotion d’un modèle de production agricole plus respectueux de l’environnement et assurant la protection des ressources en eau. S’agissant de la biodiversité marine, les objectifs de la France sont la protection des océans comme les avancées du droit de la haute mer.

Quatre sujets ont des implications européennes et internationales précises qui seront ultérieurement développées par le rapporteur :

– la régulation du marché européen d’échange des quotas de carbone, avec un soutien aux propositions de la Commission européenne ;

– la mise en place aux frontières de l’Europe, d’un mécanisme d’inclusion carbone destiné à éviter les importations de produits fabriqués dans les pays tiers et dont la compétitivité repose sur le dumping environnemental, parmi d’autres facteurs ;

– la création d’une communauté européenne de l’énergie, dans laquelle la France et l’Allemagne pourraient constituer une avant-garde ;

– la volonté d’aller au-delà des engagements européens du paquet énergie-climat à l’horizon 2020 (réduire de 20% des émissions de gaz à effet de serre, porter à 20% la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie et réduire la consommation d’énergie de 20% grâce à l’efficacité énergétique), avec l’objectif d’une réduction de 40% à l’horizon 2030 et 60% à l’horizon 2040 des émissions de gaz à effet de serre.

Sur le plan énergétique, l’année 2013 sera marquée par le débat national sur la transition énergétique organisé selon cinq grandes questions annoncées par la feuille de route : les modalités de l’efficacité et de la sobriété énergétique, la trajectoire pour atteindre le bouquet énergétique annoncé en 2025, les scénarios à plus long terme (2030 et 2050), le choix en matière d’énergie renouvelable et la stratégie industrielle et commerciale, les coûts de la transition énergétique et leur financement.

B. UNE STRATÉGIE COMMUNAUTAIRE COMPLÈTE ET AU SUCCÈS DÉJÀ CONSTATÉ EN CE QUI CONCERNE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

1. Les actions en cours

Instaurée en 1972, la politique européenne en matière d'environnement est régie par le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (articles 191, 192 et 193), qui prévoit que la politique environnementale européenne repose sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe d’une correction « par priorité à la source » des atteintes à l'environnement, et sur le principe du «pollueur-payeur». La compétence juridique de l'Union Européenne s'étend à tous les domaines de la politique environnementale, sous réserve du principe de subsidiarité et de l'unanimité au Conseil dans certains domaines (fiscalité, gestion des ressources aquatiques ou choix des sources d'énergie et de la structure de l'approvisionnement en énergie).

Le développement durable est devenu un objectif explicite dans le traité d'Amsterdam de 1997. Il en est de même de la lutte contre le réchauffement climatique depuis le traité de Lisbonne.

Le cadre et les grands objectifs de la politique européenne en matière de développement durable sont fixés par la stratégie de l'Union européenne en faveur du développement durable (UE-SDD), laquelle a été adoptée par le Conseil européen des 15 et 16 juin 2006.

Elle repose sur la combinaison des dimensions interne et internationale du développement durable : changement climatique et énergie propre, transport durable, production et consommation durables, conservation et gestion des ressources naturelles, santé publique, inclusion sociale, démographie et migration, pauvreté mondiale et défis en matière de développement durable.

Par ailleurs, un volet environnemental a été inséré dans la stratégie de développement de l’Union européenne. Remplaçant la stratégie de Lisbonne, la stratégie Europe 2020 (UE 2020), adoptée en janvier 2010, vise à atteindre une croissance plus durable. Dans cette perspective, la Commission européenne a publié en 2011 une Feuille de route pour une Europe efficace dans l'utilisation des ressources et une Feuille de route pour parvenir à une économie compétitive à faible intensité de carbone à l'horizon 2050.

De manière plus directement opératoire, le dernier Programme d'Actions pour l'Environnement (PAE) relatif à la période 2002 – 2012, porte principalement sur quatre questions prioritaires : le changement climatique (programme européen sur le changement climatique), la biodiversité (plan d'action pour la biodiversité), l'environnement et la santé, les ressources naturelles et les déchets. Il vise notamment à : améliorer la mise en œuvre de la législation en vigueur, intégrer l'environnement dans d'autres politiques, collaborer plus étroitement avec le marché, responsabiliser les citoyens à titre individuel et tenir compte de l'environnement dans les décisions relatives à l'aménagement et à la gestion du territoire. Il a aussi donné lieu à la publication de sept stratégies thématiques : la pollution atmosphérique, la prévention et le recyclage des déchets, la protection et la conservation du milieu marin, la protection des sols, l'utilisation durable des pesticides, l'utilisation durable des ressources naturelles et le milieu urbain.

Parmi les principales réalisations dans le domaine de l'environnement, au cours des dix dernières années, figurent l'extension du réseau Natura 2000 qui couvre désormais près de 18 % du territoire de l'Union européenne, l'instauration d'une politique d'ensemble à l'égard des substances chimiques et des mesures contre le changement climatique. Les points jugés faibles résident dans la mise en œuvre des objectifs et des règles arrêtés à l'échelle de l'Union, ainsi que dans l'amélioration de la protection de la biodiversité, des sols et de la qualité de l'eau.

Les principaux projets en matière d'environnement et de développement durable à l’Agenda de l’Union européenne sont actuellement les suivants :

– la lutte contre le changement climatique, avec la préparation de la conférence sur le changement climatique de décembre 2012 à Doha, et les négociations en cours sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (décision dite LULUCF), le mécanisme de surveillance et de déclaration des émissions de GES (règlement dit MMR), ainsi que la révision des règlements sur les émissions de CO2 des véhicules particuliers et utilitaires légers. Les principaux projets de textes prochainement en négociation dans ce domaine porteront sur l’étiquetage des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers ; la stratégie de l’UE en matière d’adaptation au changement climatique ; la révision du système d’échange de quotas d’émissions de GES (directive dite ETS) et la réflexion sur le prix du carbone ; l’impact du changement indirect d’affectation des sols lors de la production de biocarburants sur les émissions de GES (directive dite ILUC) ; ainsi que l’amélioration et l’extension du système d’échange de quotas d’émissions (SEQE) de GES (fonds de réserve pour les nouveaux entrants, dit NER300) ;

– l’eau, avec un bilan de santé de la politique européenne au regard des objectifs fixés qui sera publié par la Commission en décembre 2012 (Water Blueprint). Les négociations en cours concernant la liste des substances prioritaires à surveiller et à limiter dans l’eau se poursuivent encore ;

– la préservation de la biodiversité, avec une proposition législative sur les espèces exotiques envahissantes en préparation. Le protocole d'accès aux ressources et partage des avantages titrés de la biodiversité (ABS), adopté en 2010 à Nagoya, devrait également faire l’objet d’un projet de règlement, selon les éléments communiqués ;

– par ailleurs, les textes législatifs sur les organismes génétiquement modifiés (possibilité pour les Etats membres de restreindre ou d’interdire leur culture sur tout ou partie de leur territoire) et sur le recyclage des navires (transposition des règles de l’Organisation Maritime Internationale) sont toujours en cours de négociation ;

– enfin, en termes de perspectives, la Commission européenne a lancé en 2012 une revue du règlement européen REACH relatif à l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation, la restriction des produits chimiques, qui permet d'encadrer leur mise sur le marché : une consultation des parties prenantes sera lancée à la fin de l'année 2012 sur ce sujet.

La Commission européenne devrait également proposer en octobre 2013 une révision de la directive relative à la qualité de l'air, qui fixe des objectifs pour les concentrations dans l'air de certaines substances, établit des méthodes de mesure et d'évaluation, et encadre l'information du public. Une consultation du public sera organisée sur ce sujet fin 2012 ou début 2013.

2. Des résultats déjà tangibles en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, avec notamment le paquet énergie-climat

a. Le paquet énergie climat et les textes associés

Lors de la signature du protocole de Kyoto en 1998, la Communauté européenne s’est engagée à une diminution de 8% de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, à l’horizon 2012.

Afin de se positionner comme l’économie développée la plus respectueuse de l’environnement, l'Union européenne a en effet souhaité aller plus loin que les objectifs internationaux, mettant en œuvre une politique globale jouant sur une large gamme de leviers.

L’Union européenne est en la matière communément considérée comme « le bon élève ».

Son vecteur principal est le Paquet Énergie-Climat (PEC) qui permet de lier politiques climatiques et énergétiques. L'objectif central de la politique climatique est la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de -20% d'ici 2020 et de -80 à -95% d'ici 2050 par rapport à 1990. La « Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l'horizon 2050 » en cours de discussion est une nouvelle étape permettant de définir une trajectoire optimale vers nos objectifs de réduction à long terme.

De manière concrète, la stratégie européenne passe par une panoplie d'instruments dont les principaux sont : a) le système communautaire de quotas carbone, b) l'obligation pour les États membres de réduire les émissions pour les secteurs hors quotas, c) le développement des énergies renouvelables, couplé à un verdissement des carburants et à une réduction des émissions unitaires des véhicules, d) une politique d'efficacité énergétique, en cours de renforcement, e) un cadre pour l'adaptation au changement climatique, f) une politique d'innovation et de recherche, g) un cadre communautaire pour le stockage géologique du carbone, h) une approche qui cherche à s'élargir à travers la Feuille de route « pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources ».

Plus précisément, le Paquet Energie-Climat s’est traduit par la présentation par la Commission européenne, en janvier 2007, d’une série d’objectifs, retenus en mars 2007 par le Conseil européen pour mettre en œuvre l’ambition affichée de limiter l’augmentation globale de la température terrestre à 2 degrés Celsius d’ici 2100 et de s’en donner déjà les premiers moyens à l’horizon 2020 grâce aux « 3 fois 20 » : augmentation de 20% de l’efficacité énergétique ; réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre (pour les secteurs industriels, car c’est 10% pour les secteurs non industriels), et même de 30% en cas d'accord international ; 20% d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique contre 8% à l’origine.

Une série de propositions de directives a ensuite été présentée en janvier 2008 : l’une visant à améliorer et à étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission, une autre imposant des réductions d’émission de gaz à effet de serres aux secteurs économiques qui ne sont pas couverts par le SEQE, une autre sur la promotion des énergies renouvelables et une dernière précisant le cadre juridique pour le développement du captage et le stockage du carbone.

Ensuite, en 2011, la Commission européenne a présenté sa proposition de directive sur l’efficacité énergétique. Avec son adoption en septembre dernier par le Parlement européen, le dernier pilier de la stratégie européenne de lutte contre le réchauffement climatique a été validé. Ce texte impose en effet aux Etats membres de se fixer, dès mars 2013, des objectifs nationaux d’efficacité énergétique. Elle prévoit également, ce qui est controversé, l’obligation pour les compagnies énergétiques de réaliser chaque année des économies d’énergie correspondant à 1,5 % de leurs ventes.

On peut également mentionner, en complément, la proposition de directive, en cours d’examen – mais dont les perspectives d’adoption sont très minces en raison du maintien de l’unanimité du Conseil en matière fiscale – visant à modifier la directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité. Son objet est de supprimer le mode de taxation actuelle avec des minima européens fondés sur des niveaux historiques de taxation dans les Etats membres, par un dispositif rigoureux prévoyant deux composantes : la quantité d’énergie consommée ; les émissions de gaz carbonique. Il s’agit de mettre en place une taxe carbone intérieure. Pour les secteurs d’activités économiques, l’objectif est également d’obtenir un dispositif cohérent avec soit l’éligibilité au système du SEQE, soit la taxation des produits énergétiques, en éliminant tant les lacunes que les zones de recouvrement éventuelles.

Au niveau international, l’Union Européenne a fait de la lutte contre le changement climatique une priorité de son agenda, souhaitant se positionner comme « chef de file international dans le domaine du changement climatique ».

b. Une réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne constatée sur 20 ans grâce au développement des énergies renouvelables

L’Union européenne présente de manière générale, même si les résultats varient fortement d’un pays à l’autre, un bouquet ou mix énergétique dont la part d’énergies renouvelables est plus importante que pour les autres pays développés ou que les pays émergents.  5% pour l’ensemble de l’Union européenne contre 1 ou 2% dans les autres grandes économies développées et émergentes, elle marque son avance. Avec 8% en Allemagne en 2011 et 9% en Espagne, elle comprend, parmi les grandes économies, les deux pays en pointe.

Des pays de plus petite taille ont davantage recours aux sources d’énergie renouvelables. Selon les statistiques d’Eurostat pour l’année 2010, qui incluent l’hydraulique dans cette définition, la consommation finale d’énergie provenait de sources renouvelables pour 47,9% en Suède, 32,2 % en Finlande, 32,6% en Lettonie, 30,1% en Autriche et 22,2% au Danemark, notamment.

La part des sources d’énergie fossiles en voie d’épuisement à plus ou moins longue échéance et émettrices de gaz à effet de serre (Pétrole, gaz naturel et charbon) est en Europe de 79%, contre 93% en Chine, à raison de 70% pour le charbon, 87% aux Etats-Unis, 89% en Russie et 92% en Inde et 86% au Japon.

Hormis pour la Pologne (58% du bouquet énergétique) et l’Allemagne (25%), la part du charbon est résiduelle dans les grands pays de l’Union européenne.

Le tableau suivant récapitule l’essentiel de ces éléments.

Pour ce qui concerne les émissions, les données de l'Agence internationale de l’énergie (AIE), établies sur les seules émissions de CO2 issues de la consommation énergétique montrent que, depuis 2005, la Chine est devenue le premier émetteur mondial de CO2 (23,7% en 2009), devant les Etats-Unis (17,9%), ces deux pays représentant ainsi plus de 40% des émissions mondiales.

L'Union européenne représente 12,3% des émissions, devant l'Inde (5,5%), la Russie, le Japon, l'Iran, le Canada, la Corée du Sud. La France représente 1,2% des émissions mondiales, se plaçant au 18ième rang mondial.

Les pays développés ne représentent plus que 45% de ces émissions en 2009, alors qu'ils en représentaient les deux tiers en 1990.

Cette évolution est due à une croissance très forte des émissions dans les émergents (les émissions ont triplé en Chine et en Inde), ainsi qu’aux Etats-Unis (9,9%).

A l’opposé, les émissions ont reculé en Russie, qui est un cas est très particulier
(-29,7%), et dans l’Union européenne avec -11,7%.

Le graphique suivant confirme ces éléments.


Pour ce qui concerne les Etats membres de l’Union européenne, tous ont réduit leurs émissions, à l’exception de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne, de Malte et de Chypre, comme l’indique le diagramme suivant.


Ce même constat d’une certaine exemplarité de l’Union européenne concerne également les émissions non plus globales, mais par habitant.

Selon ces critères, les pays du Golfe sont les plus grands émetteurs avec plus de 30 tonnes CO2 par habitant et par an (tCO2/hab/an). L'Australie, les États-Unis et le Canada suivent avec respectivement 18, 16,9 et 15,4 tCO2/hab/an, soit près de 4 fois la moyenne mondiale (4,3 tCO2/hab/an). Ces valeurs sont relativement stables depuis 1990, voire ont tendance à décroître légèrement. Si la Russie, le Japon, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Corée occupent à peu près la même place dans le classement que pour leurs émissions en termes absolus (entre 10,8 et 7,5 tCO2/hab/an), les pays émergents très peuplés comme la Chine (5,1) et surtout l'Inde (1,4) se retrouvent en fin de classement, avec toutefois une forte croissance depuis 1990. Pour l’Union européenne dans son ensemble, on est autour de 8 tonnes par habitant et par an. Malgré ces évolutions (doublement des émissions par tête en Inde et en Chine), les émissions par tête dans les pays développés restent en moyenne près de 4 fois plus élevées que celles des pays en développement. Il faut observer cependant que la Chine (5,1) se rapproche du niveau de la France (5,5). Globalement les émissions par tête ont légèrement augmenté au niveau mondial depuis 1990 (+7,8%), leur taux de croissance dans les pays en développement (+73%) compensant les réductions observées dans les pays développés (-14% globalement, et -9% pour la France).

Comme l’indique le graphique suivant, les émissions par tête sont en diminution pour l’Union européenne.

Source : Banque Mondiale

C. DES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES DE LONG TERME ET PARFOIS DIFFICILES, MAIS DONT LA RÉUSSITE EST INDISPENSABLE

1. Le processus de Rio

La Conférence des Nations unies sur le Développement durable (CNUDD), dite Rio+20, s’est déroulée du 13 juin au 22 juin 2012 au Brésil, vingt ans après la Conférence de Rio de 1992. Un document politique visant à orienter l’action de la communauté internationale a été adopté, avec notamment le lancement d’un processus intergouvernemental pour élaborer des Objectifs de développement durable mondiaux et le renforcement du Programme des Nations Unies pour l’Environnement en tant qu’autorité mondiale reconnue en matière d’environnement.

Plus précisément, la Conférence s’est constituée de trois segments : un comité préparatoire (13-15 juin), des journées de dialogue avec la société civile et un segment de haut-niveau où étaient présents une centaine de chefs d’État et de gouvernement.

La déclaration finale, officiellement adoptée par les chefs d’État le 22 juin puis par l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) le 27 juillet 2012, introduit des avancées et pose des jalons dans de nombreux domaines tout en rappelant la souveraineté nationale. Quatre principaux processus ont vu le jour et constituent la feuille de route de l’après Rio :

- la gouvernance internationale de l’environnement (GIE) : adoption d’une résolution à la 67e AGNU visant au renforcement du Programme des Nations unies pour l’Environnement sur la base des conclusions adoptées à Rio. Ce renforcement comprend notamment le passage à un conseil d’administration universel, le renforcement de la place de la société civile, la promotion de la relation science-politique, le renforcement des financements stables émanant à la fois des contributions volontaires et du budget général des Nations unies.

- la gouvernance internationale du développement durable (GIDD) : il a été décidé à Rio du lancement d’un processus intergouvernemental « ouvert, transparent et inclusif » pour définir le format et la nature organisationnelle du futur « forum politique de haut niveau pour le développement durable » qui doit remplacer l’actuelle commission du développement durable. Ce nouveau forum est censé tenir sa première réunion au début de la 68e AGNU, à l'automne 2013 ;

- les objectifs du développement durable (ODD) : établissement d’un processus intergouvernemental « ouvert » à la 67e AGNU. Il comprendra la constitution d’un groupe de trente représentants des groupes régionaux des Nations unies sur la base d’une représentation géographique « juste, équitable et équilibrée ». La France suivra ce dossier avec beaucoup d’intérêt. Ce groupe doit remettre son rapport à la 68e session de l’AGNU. Il travaillera sur la base d’une contribution du Secrétariat général des Nations unies, en concertation avec les gouvernements nationaux. Un travail de collaboration avec le panel de haut niveau sur l'agenda du développement post-2015 sera nécessaire ;

les moyens de mise en œuvre/stratégie de financement du développement durable : Un groupe de trente représentants des groupes régionaux des Nations unies doit être institué à la 67e AGNU. Ses travaux doivent être finalisés en 2014. Le groupe doit évaluer les besoins et l’efficacité des instruments actuels de financement du développement durable et proposer des initiatives nouvelles.

Par ailleurs, quatre autres processus, pour lesquels la France est particulièrement investie, sont également lancés :

- PNB+ : la commission statistique des Nations unies, en concertation avec les autres entités pertinentes des Nations unies, doit mettre sur pied un programme de travail pour réfléchir, sur la base des travaux déjà existants, à des indicateurs au-delà du seul Produit National Brut.

- Océans : une décision sur le lancement d’un instrument de protection de la diversité biologique en haute mer dans le cadre de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, doit être prise avant la fin de la 69e AGNU (2014).

- Production et consommation durables : la 67e AGNU doit désigner un organe de l’un des États membres des Nations unies pour pleinement mettre en œuvre le 10e programme de travail décennal sur la consommation et la production durables. Ce cadre décennal comprend plusieurs programmes sectoriels pour lesquels la France pourra valoriser des actions qu’elle soutient comme la promotion de l’affichage environnemental ou la promotion du tourisme durable.

- Petites îles en développement : la 67e AGNU doit fixer les modalités de la 3conférence internationale sur les petites îles en développement, prévue en 2014.

En revanche, la Conférence de Rio + 20, en dépit d’une certaine avancée, n’est pas parvenue comme on l’a vu à l’amélioration substantielle de la gouvernance mondiale en matière environnementale que l’on est en droit d’attendre.

En effet, la transformation du programme des Nations unies pour l’environnement en agence spécialisée des Nations unies pour les questions environnementales, axe fort des positions françaises depuis dix ans, n’a pas été décidée.

On s’est arrêté à la reconnaissance du PNUE comme « autorité mondiale de l’environnement », à l’universalisation de son conseil d’administration (jusque-là limité à 58 membres), au principe du recours à des ressources plus stables et élargies, et à une consolidation progressive de ses fonctions au siège de Nairobi et à un renforcement de sa présence régionale. Autant de demandes de l’Union européenne et de l’Union africaine.

En revanche, la demande africaine d’introduire un changement de nom dans la déclaration finale n’a pas été reprise par la présidence brésilienne.

Pour le futur, le processus est cependant ouvert avec la prévision d’une résolution de l’Assemblée générale mettant en œuvre un « renforcement et un rehaussement » du PNUE.

2. La lutte contre le réchauffement climatique : les résultats de la conférence de Durban

a. Les résultats de la conférence

La 17e Conférence des Parties (COP 17) à la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements climatiques (CCNUCC) a abouti à l'adoption de décisions ouvrant la voie à un renforcement considérable du régime multilatéral de lutte contre le changement climatique. Ces décisions, largement inspirées par les propositions européennes, permettent de renforcer le cadre esquissé à Copenhague puis à Cancun (décembre 2010) avec l'établissement des institutions et la mise en œuvre d'un certain nombre de décisions, tout en relançant la recherche d'un accord ambitieux engageant l'ensemble des pays.

Les pays se sont en effet accordés sur la création d'une plate-forme de négociation d'un accord global (« plate-forme de Durban ») devant aboutir en 2015, pour une entrée en vigueur d'ici 2020. Il s'agit d'une évolution importante, permettant d'envisager un certain décloisonnement, et donc l'engagement de l'ensemble des pays – pays développés et en développement - dans un instrument juridiquement contraignant. Cette évolution, esquissée à Cancun sur la base d'engagements volontaires, qui se sont jusqu'à présent révélés insuffisants pour espérer limiter le réchauffement climatique à 2°C, est ici redéfinie dans un cadre plus global, plus à même d'assurer la cohérence des engagements avec les préconisations des scientifiques.

La transition vers le nouveau régime de l’après 2020 sera accompagnée, d'une part, par un renforcement des institutions et obligations actuelles, et notamment une transparence accrue, et, d'autre part, par le prolongement du Protocole de Kyoto et de ses mécanismes, plusieurs pays développés, et en particulier de l’Union européenne, s'étant prononcés en faveur d'une deuxième période d'engagement à partir du 1er janvier 2013. Le Protocole de Kyoto n’est en effet valide que jusqu’au 31 décembre 2012.

En parallèle, face au manque actuel d'ambition des objectifs et actions d'atténuation pour 2020 mis en avant par les Parties, le lancement d'un programme de travail visant à relever le niveau d’ambition à court et à moyen terme a été décidé.

La France a favorablement accueilli les résultats obtenus à Durban, qui s'appuient largement sur les propositions européennes, et sont le résultat d'un travail que l'Union européenne a su mener avec ses partenaires pour parvenir à un consensus autour de propositions ambitieuses.

Durban a constitué une étape importante dans les engagements internationaux en faveur du climat, et permet de réenclencher une dynamique positive, ouvrant la voie à un possible renforcement du régime multilatéral de lutte contre le changement climatique qui doit maintenant être concrétisé dans les années à venir.

b. Le caractère opératoire du Fonds vert et de REDD+

Élément clé de l’accord de Durban, le Fonds vert pour le climat, officiellement créé à Cancun, est désormais mis en place et en voie d’être opérationnel. Les décisions prises à Durban mettent en place les arrangements pratiques nécessaires au lancement du Fonds vert début 2012 (procédure de nomination du Conseil du Fonds, établissement du secrétariat intérimaire, appel à contributions volontaires pour couvrir les coûts administratifs), lancent les procédures nécessaires à l’établissement permanent du Fonds vert (sélection du pays d’accueil qui dotera le Fonds de la capacité juridique, établissement du secrétariat et de l’administrateur fiduciaire permanents) et adoptent l’instrument du Fonds vert développé par le Comité transitoire (qui inclut les grands principes, les règles de gouvernance et les modalités opérationnelles du fonds).

Le calendrier défini à Durban prévoyait un démarrage rapide qui n'a pu être tenu : les 24 membres du Conseil du Fonds (12 pour les pays développés, 12 pour le pays en développement) devaient initialement être nommés avant le 31 mars 2012 et la première réunion du Conseil du Fonds devait être organisée avant le 30 avril 2012 en Suisse. Compte tenu du retard pris par plusieurs groupes régionaux dans la nomination de leurs membres, la réunion , reportée à trois reprises, s’est finalement tenue du 22 au 25 août 2012 à Genève et s’est principalement attachée à régler les questions d'organisation immédiates et à définir le processus de sélection du pays hôte. Six pays se sont portés candidats : Allemagne, Corée du Sud, Mexique, Namibie, Pologne, Suisse. Le secrétariat de la CCNUCC et le Fonds de l’environnement mondial (FEM), qui avaient été invités à organiser le secrétariat intérimaire, ont mis en place depuis le début de l'année une équipe dédiée. Le Conseil a décidé de prolonger les arrangements intérimaires existants en attendant le recrutement d’un secrétaire permanent, qui ne pourra intervenir qu’une fois le pays hôte sélectionné. La prochaine réunion de Conseil à Songdo en Corée du Sud abordera la question de l’évolution des ressources du secrétariat intérimaire et du processus de recrutement du secrétaire permanent.

Si le comité transitoire a pu définir l’instrument dans ses grandes lignes, il reste au Conseil du Fonds vert à opérer un travail important, incluant la clarification du modèle économique du Fonds et l’adoption de plusieurs documents-cadre, dont les règles de fonctionnement et d’allocation des ressources, les règles d’accréditation des agences d’exécution, les standards (fiduciaires, sociaux et environnementaux) applicables au Fonds et à ses entités de mise en œuvre, le recrutement du futur Secrétaire du Fonds, mais aussi le lancement d’un processus ouvert et transparent de sélection du pays hôte par le Conseil, en vue de l’endossement, par la conférence de Doha, de ce choix.

Par ailleurs, la question du financement du Fonds se posera dès cette année, bien que le retard pris dans la nomination du Conseil du fonds limite les attentes. La couverture des frais administratifs sur les deux prochaines années devrait pouvoir être réglée, plusieurs pays ayant déjà annoncé leur volonté de contribuer aux frais de lancement du Fonds vert. En ce qui concerne l’abondement du Fonds, la pression sera forte pour que le Conseil donne de la visibilité sur le processus d'abondement du fonds d'ici Doha. Une conférence des donateurs devrait être organisée en 2013, une fois que le Conseil aura suffisamment avancé dans la pleine opérationnalisation du fonds pour pouvoir donner une plus grande confiance dans l'instrument aux donateurs et à leurs parlements.

Pour sa part, le mécanisme concernant « la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts ; et le rôle de la conservation, de la gestion durable des forêts et de l'augmentation des stocks de carbone forestier dans les pays en développement» (REDD+) a fait l'objet d'une décision formelle lors de la Conférence de Cancun en décembre 2010. Ce mécanisme vise à réduire les émissions dans un secteur qui représente environ 13% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, un chiffre comparable à celui de l'ensemble du secteur des transports au niveau mondial. Outre cet objectif principal « carbone », REDD+ doit permettre d'engendrer des bénéfices et avantages collatéraux en termes d'adaptation aux changements climatiques, de préservation de la biodiversité ou de lutte contre la pauvreté.

Depuis la Conférence de Cancun qui a défini le contour général de REDD+, les négociations se poursuivent sous la CCNUCC pour préciser les caractéristiques de ce mécanisme. Ces négociations avancent de manière régulière avec des décisions adoptées lors de la Conférence de Durban en décembre 2011, et des décisions prévues pour la Conférence de Doha en décembre 2012.

En parallèle des négociations sous la CCNUCC, la mise en œuvre de REDD+ a déjà débuté dans de nombreux pays en développement, grâce à des financements bilatéraux, l'Agence française de développement (AFD) et Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM), côté français, et multilatéraux (un certain nombre d'initiatives ont été lancées par la Banque mondiale et les Nations Unies). A la suite de la Conférence de Copenhague en 2009 et au cours de l'année 2010, plus de 4 milliards de dollars de financements précoces destinés à REDD+ ont été promis par plusieurs pays développés, en particulier la Norvège, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, le Japon et la France.

La France est en effet un contributeur important de ce mécanisme avec 250 millions d'euros de financements précoces promis sur la période 2010-2012. Ces 250 millions d'euros devraient avoir été engagés d'ici à la fin de l'année au travers de projets et de prêts de l'AFD, de projets financés par le FFEM et d'une contribution au programme REDD+ du Fonds pour l'environnement mondial (FEM).

Avec une vingtaine de pays à un stade avancé de la mise en œuvre du mécanisme, une trentaine d'autres qui l'initient, ainsi que des négociations sous la CCNUCC qui progressent de manière régulière, REDD+ est un sujet actuellement moteur au niveau international, prometteur en terme de réduction des émissions et de préservation de la biodiversité, dont il convient de maintenir la dynamique. Dans cette optique, la poursuite du soutien financier à ce mécanisme, et pour la phase de mise en œuvre des politiques de conservation qui s'ouvre, la montée en puissance de ce soutien, apparaissent essentiels pour ne pas décevoir les espoirs des pays en développement qui s'y sont engagés.

3. La préservation de la biodiversité

La protection de la biodiversité est l’un des enjeux internationaux depuis que la conférence de Rio en 1992 a débouché sur la convention sur la diversité biologique avec trois objectifs : la conservation de la biodiversité ; l’utilisation durable de ses éléments ; le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques. Les réunions régulières de la Conférence des parties ont donné des résultats concrets.

Est en jeu l’utilisation des végétaux notamment tropicaux à des fins industrielles et commerciales dans les domaines pharmaceutique, agro-alimentaire, cosmétique et horticole.

Lors de la conférence de Nagoya, en octobre 2010, trois décisions essentielles sont intervenues : le protocole « sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation», qui doit permettre d’éviter la «biopiraterie», à savoir le pillage des ressources naturelles du Sud à des fins industrielles dans les pays du Nord ; le plan stratégique pour la biodiversité mondiale 2011-2020 ; la stratégie de mobilisation des ressources en faveur de la biodiversité.

L’objectif du Protocole est donc de régler précisément les questions de l’accès aux ressources, du partage des avantages, selon des modalités pécuniaires ou non pécuniaires, ainsi que de la propriété intellectuelle.

En harmonie avec les efforts de la France depuis plusieurs années, la Conférence de Panama en avril 2012, à laquelle 88 Etats ont participé, a décidé la création de la Plate-forme intergouvernementale de science/politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. (IPBES selon le sigle anglais). Il s’agit de l’homologue du GIEC, de manière à disposer d’un instrument d’évaluation, ce qui manque actuellement, en la matière.

La 11e conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique vient de s’achever Hyderabad (Inde). L’objectif était notamment d’assurer un suivi de la mise en œuvre des décisions de 2010 relatives à la mobilisation des ressources pour la lutte contre la perte de biodiversité.

Deux avancées sont intervenues : d’une part, l’annonce d’un doublement d’ici 2015 des aides en faveur de la protection de la biodiversité dans les pays en développement, soit un renforcement significatif de l'effort international en faveur de la biodiversité ; d’autre part, la création d'un inventaire de zones marines d’intérêt écologique et biologique, incluant notamment la Méditerranée constitue aussi une avancée importante pour la protection de la biodiversité marine.

Pour l’avenir, il faut s’attacher à la mise en œuvre du protocole de Nagoya : comment assurer que les pays fournisseurs de ressources génétiques seront équitablement rétribués? Quels financements pourront être mobilisés? La question des ressources, «qui constituait le point d’accord le plus précaire à Nagoya, fragilise aujourd’hui l’ensemble du deal initial dans un contexte de crise qui ne fait que renforcer les tensions sur un sujet toujours sensible», estime l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri)

La mise en œuvre du plan stratégique adopté à Nagoya est également délicate. Il doit en effet, d’ici à 2020, permettre de «guider les efforts nationaux et internationaux de protection de la biodiversité». Avec ses vingt objectifs, dont la protection de 17% des zones terrestres et de 10% des zones marines et côtières, il doit maintenant se décliner en plans d’action concrets. D’après le WWF, seulement quatorze pays sur 193 ont pris en compte le plan défini à Nagoya dans leurs politiques nationales. On estime qu’à l’heure actuelle, seulement 12,7% des zones terrestres et 1,6% des zones marines sont protégées.

Mais là encore, l’aspect financier est très délicat : «La mise en œuvre nécessaire à l'atteinte du Plan stratégique de Nagoya dans les pays en développement nécessiterait entre 74 et 191 milliards par an», estime encore l’Iddri.

Par ailleurs, pour 2013, la 16e conférence des parties à la convention sur le commerce international des espèces de faune et flore en danger d’extinction (CITES) concernera certaines espèces emblématiques telles que le thon rouge, à fort intérêt commercial, ainsi que les espèces sensibles telles que le requin, le rhinocéros et l’éléphant.

II. TROIS ENJEUX MAJEURS QUI MÉRITENT UNE MENTION PARTICULIÈRE, CETTE ANNÉE

A. LA CONFÉRENCE SUR LE CLIMAT DE 2015, POUR L’ACCUEIL DE LAQUELLE LA FRANCE A INDIQUÉ SA DISPONIBILITÉ

1. Une première échéance immédiate : régler lors de la conférence de Doha, en novembre et décembre prochains, l’après-Kyoto

La 18e Conférence des Parties à la CCNUCC et 8e Conférence des Parties siégeant en tant que Réunion des Parties au Protocole de Kyoto aura lieu du 26 novembre au 7 décembre prochains à Doha, au Qatar.

Elle sera présidée par Abdullah Bin Hamad Al-Attiyah, Vice-Premier Ministre du Qatar, selon les éléments communiqués. Il s’agit d’une étape importante pour concrétiser les avancées obtenues à Durban en décembre 2011 vers un renforcement du régime multilatéral de lutte contre le changement climatique, selon trois axes principaux.

a. Définir des modalités pour la deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto, seul outil juridique contraignant pour la réduction des gaz à effet de serre

Adopté en 1997, le Protocole de Kyoto est entré en vigueur le 16 février 2005, après réception le 18 novembre 2004 des instruments de ratification de la Fédération de Russie. La ratification de l’Irak et du Tchad en 2009 a porté à 192 le nombre des parties. Seuls les Etats-Unis, qui l’ont pourtant signé, Andorre et l’Afghanistan, qui ne l’ont pas signé, ne l’ont pas ratifié. L’engagement porte sur une réduction de 5% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, sur la période 2008-2012, appelée période d’engagement.

Les pays développés Parties au Protocole de Kyoto se sont ainsi engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5% par rapport à 1990 sur la période 2008-2012. Selon les inventaires effectués en 2009, ces derniers sont déjà parvenus à réduire collectivement leurs émissions de 21% à cette date, les pays en difficulté pour remplir leur objectif respectif étant alors le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Islande et le Liechtenstein. L'Union européenne, liée par un objectif de réduction commun de - 8% dans le cadre de la bulle européenne (1), surpasse son objectif en réduisant de 12% ses émissions. Engagée à stabiliser ses émissions sur la première période, la France parvient à 8,1% de réduction en 2009, ses émissions étant égales à 517 millions de tonnes équivalent CO2.

Malgré un nombre limité de pays engagés ne permettant pas d'atteindre les réductions nécessaires pour parvenir à limiter le réchauffement climatique, la poursuite du Protocole de Kyoto est apparue essentielle.

La période d’engagement 2008-2012 venant à échéance le 31 décembre prochain, il a été décidé lors de la conférence de Durban de reconduire le Protocole de Kyoto pour une deuxième période d’engagement, à partir de 2013.

Ce sont les modalités de cette deuxième période qu’il convient de définir et de finaliser à Doha en vue d'adopter formellement un amendement ratifiable.

Si la reconduction du protocole de Kyoto pour une deuxième période a été décidée à Durban, il reste à en finaliser les modalités précises.

En effet, la décision adoptée à Durban concernant la deuxième période du protocole de Kyoto renvoie la résolution de plusieurs questions à la conférence de Doha, telles que la durée de la période d’engagement (5 ou 8 ans), le report de l’excédent des quotas d’émissions issus de la première période (appelé aussi la « question de l'air chaud ») et la fixation des objectifs de réduction (dits quantified emission limiation and reduction objectives ou QELRO) - que les Parties ont soumis au Secrétariat de la CCNUCC courant mai.

La négociation s’annonce cependant difficile. L'Union européenne s’est engagée, aux côtés de la Norvège et de la Suisse, à participer à la seconde période d’engagement du protocole de Kyoto à partir du 1er janvier 2013. Quant aux autres pays développés Parties au Protocole de Kyoto, leurs intentions demeurent incertaines. Si le Japon et la Russie ont formellement confirmé leur refus d'inscrire des objectifs de réduction pour la deuxième période, et le Canada son retrait du Protocole, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont quant à eux maintenu depuis Durban un certain doute sur leur pleine participation à une deuxième période d’engagement.

Il faut en effet rappeler que le Canada a décidé en décembre dernier de sortir du protocole, le Gouvernement invoquant que celui-ci ne fonctionnait pas. Le Canada a en effet vu ses émissions augmenter et non se réduire, et le coût d’une mise en conformité avec les engagements, notamment en termes d’activité et d’emploi, a été jugé excessif. La réprobation internationale a cependant été générale.

Au total, le retrait de la Russie, du Japon et du Canada représente 40% des émissions des pays qui s’étaient engagés.

Pour ce qui concerne plus précisément l’Union européenne, les conclusions du Conseil Environnement du 9 mars 2012 ont permis d’apporter à cet égard certaines réponses avec :

– l'annonce par l'Union européenne de sa préférence pour une deuxième période d'engagement de 8 ans (2013-2020) plutôt que 5 ans, mais à condition qu'elle s'accompagne d'une revue de l'ambition à mi-période dans l'objectif de la rehausser. Cette durée de 8 ans garantirait une meilleure cohérence avec le Paquet Énergie-Climat, régissant les émissions européennes sur la période 2013-2020, et faciliterait la convergence vers un régime global devant entrer en vigueur au plus tard en 2020 ;

– le choix retenu pour le calcul de l’objectif de réduction européen d'un chiffre global (les États membres étant solidaires dans le cadre d'une « bulle européenne) traduisant les engagements du Paquet Energie-Climat. Ces orientations ont permis de finaliser la soumission de l'Union européenne, qui présente donc un calcul basé sur l'objectif actuel (-20% de réduction des émissions en 2020 par rapport au niveau de 1990). En plus de cet engagement de 20%, l'Union européenne dans sa soumission confirme son offre conditionnelle pour passer à une réduction de 30% en 2020 en cas d'accord global.

Des décisions restent cependant à prendre au niveau de l’Union européenne concernant le traitement de « l'air de chaud » de la première période (l'excédent de quotas d'émission attribués aux pays et non utilisés).

L’engagement des pays développés a un effet d’entraînement essentiel. Il représente un gage de leur crédibilité et les pays en développement ont par conséquent fait de ce réengagement une condition préalable à la poursuite des travaux sur leurs propres actions dans le cadre de la Convention. Aussi, au-delà de la simple fixation d’objectifs de réduction, le Protocole de Kyoto consiste également en un ensemble d’instruments et de règles dont il convient de préserver les acquis en vue de l’élaboration du futur régime.

En tout état de cause, un accord est indispensable à Doha. Même s’il intervenait, un vide juridique au 1er janvier 2013 est désormais inévitable et les États devront également s’entendre sur les options envisageables pour appliquer provisoirement les amendements au Protocole dans l’attente de leur entrée en vigueur.

A la conférence de Doha enfin, une question qui n’est pas périphérique, sera examinée. Il s’agit des financements internationaux pour la période 2013-2019, avec les attentes des pays en développement d’une montée en régime pour atteindre 100 milliards de dollars par an.

b. Renforcer le régime pour la période allant jusqu’en 2020

Le renforcement du régime pour la période allant jusqu’à 2020 repose sur la mise en œuvre et l’application des décisions de Cancun et Durban. Il s'agit notamment de faire vivre les institutions nouvellement créées, en particulier le Fonds vert, de s'assurer du bon fonctionnement du système de suivi et de contrôle des engagements et actions (MRV), de finaliser les modalités nécessaires au lancement de la revue 2013-2015, et de faire avancer plusieurs sujets clés tels que l'agriculture pour laquelle les Etats parties négocient un programme de travail ou encore la création d'un nouveau mécanisme de marché. Ces sujets représentent un enjeu important à la fois à court terme et à plus long terme, car ils pourraient contribuer au façonnement du futur régime post-2020.

Des travaux sur les financements des actions climat devront y être couplés : il est nécessaire d’avancer sur les financements de long terme, et d’assurer une montée en puissance des financements climat d'ici 2020.

c. Lancer les travaux en vue d’un accord global d’ici 2015, pour l’après 2020

Comme on l’a vu, la Plate-forme de Durban prévoit un accord global d’ici 2015. La négociation commence d’ores et déjà.

On estime qu’il faudra lors de la conférence de Doha développer une vision des grandes étapes pour les trois années de négociations à venir, associée à un calendrier, ainsi qu'une réflexion sur les grands principes qui sous-tendront le futur accord.

Il ne reste en effet d’ici la conférence de 2015 que deux conférences des parties, l’une en 2013 qui doit être organisée dans l’un des pays d’Europe centrale ou orientale, ce qui concerne l’ex-URSS au sens des différents groupes d’Etats définis par l’ONU, et l’autre en 2014 qui doit être organisée en Amérique latine.

En l’état, plusieurs réunions informelles ont déjà eu lieu sous différents formats (Dialogue de Carthagène, Forum des Économies Majeures, Dialogue de Petersberg...) au cours de l'année et ont permis de partager une satisfaction assez large des résultats de Durban et une volonté de s'engager dans les travaux futurs. Une première session de négociation s'est déroulée à Bonn (14-25 mai). Elle s’est achevée sur un résultat mitigé, avec des avancées au niveau technique dans la mise en œuvre des décisions de Cancun et de Durban, d’une part, mais des blocages à un niveau politique, d'autre part, notamment au sein du groupe de travail nouvellement créé consacré à la négociation du futur accord qui a débuté ses travaux dans un contexte marqué par des débats de procédure, et non de fond.

Une deuxième réunion de préparation de niveau technique a eu lieu à Bangkok du 31 août au 5 septembre et différentes réunions informelles à l'automne, et en particulier la « pré-COP » des 22-23 octobre en Corée du Sud, soit autant d’opportunités pour identifier les divergences et rechercher les points de convergence avec nos partenaires.

L’accord pour l’après 2020 devra être en mesure d'engager tous les pays sur une trajectoire de développement sobre en carbone permettant de limiter le réchauffement à 2°. Au-delà de la définition d'objectifs de stabilisation et de réduction à moyen et long termes des émissions mondiales de gaz à effet de serre (avec des engagements contraignants pour l'ensemble des pays, mais qui pourraient être de nature et niveau différenciés pour prendre en compte les niveaux de développement respectifs), le débat devra porter sur les choix sous-jacents de développement qui devront permettre la transformation fondamentale de nos économies et de nos sociétés et ainsi détermineront les trajectoires futures des émissions.

C’est pour la conférence de l’accord global, à l’automne 2015, que la France a indiqué sa disponibilité.

2. Une deuxième échéance essentielle : la conférence de 2015 qui doit définir l’accord global pour l’après 2020

En cas de succès à Doha, la question d’un instrument de lutte contre le réchauffement climatique ne sera pas pour autant réglée.

D’une part, comme on l’a vu, le protocole de Kyoto ne concerne que certains pays développés.

D’autre part, la deuxième période d’engagement s’achèvera soit en 2018 soit en 2020, comme le souhaite l’Union européenne.

Par conséquent, la négociation en vue d’un accord global applicable à partir de 2020 au plus tard est difficile.

Le futur accord doit en effet être en mesure d’engager tous les pays, et non plus certains d’entre eux, sur la trajectoire d’un développement sobre en carbone permettant de limiter à +2° Celsius l’ampleur du changement climatique.

Le débat est non seulement technique, sur les objectifs de stabilisation et de réduction à moyen et à long terme des émissions de gaz à effet de serre, mais également politique, car il s’agit de faire collectivement un choix de transition économique.

Au chapitre des éléments favorables, on observe cependant une convergence partielle des axes politiques des grands pays émetteurs. On peut en effet noter qu'il y a une proximité accrue entre l'Union européenne et les pays autres grands émetteurs, sur le besoin d'agir et sur les moyens de réussir le changement. Ainsi, selon les éléments communiqués :

– la majorité des pays affichent désormais une volonté d'agir sur le plan intérieur. On peut par exemple citer la loi climat adoptée par le Mexique récemment, les progrès réalisés en Afrique du Sud dans la mise en œuvre de leur politique climat ambitieuse, ou encore les plans d'action nationaux indiens, mais aussi les plans quinquennaux chinois ou l'adoption d'un système de permis d'émission en Australie et bientôt en Corée du Sud. Néanmoins, il est vrai que - parmi les pays développés - les États-Unis et le Canada restent des exceptions par leur difficulté à traiter de la question de la transition énergétique au niveau fédéral, comme l'illustre le retrait canadien du protocole de Kyoto. La nouvelle donne énergétique américaine, combinée avec les quelques réglementations qu'a réussi à passer l'administration Obama (sur les normes d'émissions des centrales électriques et des véhicules) vont cependant dans le bon sens, selon les éléments communiqués ;

– un certain consensus existe entre grands pays sur les politiques à mettre en place pour réduire les émissions. L'importance de donner un prix au carbone (système de quotas et taxes), le rôle nécessaire des politiques publiques, l'importance de l'efficacité énergétique, ou le rôle à donner à l'innovation sont autant d'éléments largement reconnus. On retrouve aussi une grande proximité en matière de recours à l'électricité propre, de développement de la voiture électrique ou du rôle attendu du stockage de carbone dans les approches bas-carbone de ces pays ;

– sur le plan international, à la suite de la conférence de Copenhague, la communauté internationale a réussi à s'entendre autour de la définition d'un régime international pragmatique (approche « de bas en haut »), qui s'appuie sur un objectif général partagé (hausse de moins de 2°C), des engagements volontaires de réduction soumis à revue internationale, tout en reconnaissant le besoin d'aider à l'adaptation des plus vulnérables et en prévoyant des transferts financiers et technologiques pour les aider.

L’Union européenne n’est donc pas seule et a des alliés, notamment les Etats insulaires les plus vulnérables aux effets du changement climatique sur le niveau océanique.

Pour autant, au chapitre des éléments négatifs, il reste des divergences parfois marquées entre pays, qui expliquent les difficultés à avancer vers un accord international. Les plus notables concernent les points suivants.

Sur le besoin d'agir, certains pays doivent encore faire face à des courants politiques influents qui ne sont pas fermement convaincus du besoin d'agir (notamment les Etats Unis, l'Australie, la Russie), rendant complexe leur positionnement interne et leur politique étrangère. De plus, le changement climatique reste souvent une motivation secondaire aux actions entreprises. Le cas le plus connu est celui des Etats-Unis, qui ont clairement placé la création d’emplois et la recherche de l’autonomie énergétique avant les efforts climatiques dans l’échelle de leurs priorités. Cet élément pourrait se renforcer avec le contexte économique actuel et les perspectives avancées par certaines de rétablissement de la balance énergétique et de la balance commerciale grâce au gaz de schiste et à la relocalisation de certaines industries. La Russie agit pour sa part pour combler son retard compétitif en matière d'intensité énergétique. Les pays émergents veillent à ne pas brider leur croissance par des contraintes carbone trop fortes, d’autant qu’ils s’estiment peu responsables des émissions passées.

Par ailleurs, les plus grands des pays émergents et les pays développés ont des visions différentes de l'équité, ce qui conduit à freiner les négociations. En schématisant, on observe d'un côté des pays émergents pour lesquels les contraintes juridiques de réduction des émissions doivent porter uniquement sur les pays développés afin d'honorer leur « dette carbone » passée, et de l'autre, des pays comme la Russie, le Canada ou les États-Unis, demandant aux émergents de s'engager juridiquement comme les pays développés et à hauteur de leur poids dans les émissions actuelles et à venir.

Pour ce qui concerne enfin le poids à donner au régime international, l’Union européenne, ses Etats membres et les pays les plus allants (les pays les plus vulnérables et une partie importante de l’Amérique latine) défendent un système international contraignant permettant de garantir des réductions mondiales d'émissions plus importantes que celles annoncées. Mais certains pays, dont les États-Unis, imaginent plutôt un régime international souple, apportant entre les pays la transparence nécessaire sur les actions individuelles entreprises et favorisant les échanges et la coopération.

Au niveau communautaire, et même si les États membres parviennent à trouver des compromis sur les outils à mettre en place à court terme comme avec la directive sur l'efficacité énergétique récemment adoptée, les fortes réticences de la Pologne à avancer sur la feuille de route vers une économie bas-carbone à l'horizon 2050 illustre des divergences de vues quant au rythme et à la manière de poursuivre la transition bas-carbone.

3. La proposition du Président de la République : la disponibilité de la France pour organiser à Paris la conférence de 2015

a. Les éléments indiqués lors de la conférence environnementale

Lors de la conférence environnementale, le 14 septembre dernier, le Président de la République a annoncé que la France proposerait d’accueillir la Conférence des Parties sur le changement climatique.

Après les conférences des parties de 2013 et 2014, la première devant être organisée dans un pays d’Europe d’orientale, selon le découpage régional de l’ONU, et la deuxième se tenant en Amérique latine ou aux Caraïbes, ce sera au tour de l’un des pays du bloc Europe de l’Ouest et autres Etats (Canada, Etats-Unis, Australie et Nouvelle-Zélande) d’être pays hôte en 2015. Ensuite, en 2016, la mission incombera à l’un des pays d’Afrique.

Il s’agit d’un rendez-vous essentiel. C’est en 2015 qu’il est prévu qu’intervienne l’accord global prévu par la plate-forme de négociation de Durban et qui devrait entrer en vigueur après 2020.

Ce sera le point d’aboutissement de l’actuel processus esquissé en 2009 lors de la conférence de Copenhague, renforcé un an plus tard par celle de Cancun et qui a pris corps avec les décisions de Durban, il y a un an.

Les engagements volontaires, selon une démarche de bas en haut, pris à Cancun se sont en effet révélés insuffisants au regard des considérations scientifiques pour espérer limiter à 2% l’augmentation moyenne de la température.

b. Un impératif de réussite qui aura des incidences budgétaires qu’il convient d’ores et déjà de prévoir

Une conférence du format de celle que la France se propose d’organiser en 2015 se doit d’être une conférence de la décision, celle à laquelle des avancées décisives devront soit être actées, soit intervenir.

Elle exige un travail de long terme et a ainsi un impact budgétaire qui ne se limite pas à l’année au cours de laquelle elle se réunit.

Elle implique par conséquent de notre part la nécessité de s’y préparer de façon à anticiper l’idée que notre candidature pourrait être acceptée.

La négociation s’annonce en effet difficile, comme on l’a vu. Chacun a en mémoire l’échec de la conférence de Copenhague. Il faut construire des problématiques de diplomatie.

D’une part, les questions relatives au changement climatique se règlent par consensus et le travail de fond effectué en amont par des instances d’expertise indépendantes est essentiel. Comme il l’a été indiqué au rapporteur lors des auditions, le paysage est encore largement dominé par les think tanks étrangers, notamment anglo-saxons et pour ce qui concerne l’Europe, allemands, anglais ou encore suédois.

L’expertise est cependant elle aussi présente en France, comme a pu le constater votre rapporteur dans le cadre de ses auditions, notamment au sein de l’IDDRI comme de CDC Climat, mais il convient de structurer pour préparer la conférence de 2015 avec une véritable task force.

D’autre part, la complexité du sujet, sa sensibilité et sa technicité exigent d’importantes prises de contact avec les différentes parties prenantes, très en amont.

C’est d’autant plus indispensable que, comme on l’a vu, les conférences de parties ont eu dans les années récentes des résultats de nature et d’ampleur variables.

Enfin, pour ce qui concerne la France, comme pour chacun de ces partenaires, il est nécessaire de bien coordonner en amont les positions nationales et la position européenne de façon à pouvoir exercer sur la négociation proprement dite, pendant la conférence, l’influence la plus large et la plus efficace possible.

Telles sont à ce stade les conditions dont la réalisation apparaît nécessaire pour que la conférence de 2015 soit un succès.

Aussi paraît-il indispensable au rapporteur de prévoir le plus en amont possible dans le cadre de loi de finances pour 2013, un début de traduction budgétaire de l’annonce du président de la République, sachant naturellement que si la disponibilité de la France est agréée, l’essentiel de l’impact budgétaire interviendra sur l’année 2015.

4. Le mécanisme d’inclusion carbone : un instrument à envisager au niveau européen en parallèle à la négociation climatique

L’Union européenne est, comme on l’a vu, le « bon élève » en matière de lutte contre le changement climatique.

Cette avance sur les autres pays membres a cependant une contrepartie dont les circonstances actuelles montrent qu’elle est particulièrement lourde : les économies de ses Etats membres les plus fragiles font difficilement face, dans le contexte de la mondialisation, à la concurrence des pays émergents qui n’ont pas les mêmes contraintes environnementales ou même, qui pratiquent le dumping environnemental.

Par conséquent, en l’absence d’accord global, de mécanisme global, l’Union européenne, se prévalant de son exemplarité, serait parfaitement fondée à introduire dans son arsenal juridique un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, pour contrer les effets du dumping environnemental des pays qui ne voudraient pas s’engager, mais aussi pour éviter les fuites de carbone, c'est-à-dire le transfert vers les pays tiers d’activité émettrices

Il est en outre parfaitement légitime d’arriver dans les négociations diplomatiques futures avec la volonté réelle d’aboutir à un accord global, mais en même temps de se préparer aussi aux conséquences éventuelles d’une non coopération d’un certain nombre de pays. En effet, soit les négociations climatiques aboutissent d’une manière équitable, et le MIC est inutile, soit elles n’aboutissent pas, et il est indispensable.

Au demeurant, on constate aisément que faute d’un tel mécanisme compensateur, l’objectif des instruments de la lutte contre le réchauffement climatique pourrait n’être pas atteint.

D’une part, les efforts européens ont sur le plan mondial une efficacité limitée : l’Union européenne ne représente que 11% des émissions de gaz à effet de serre.

D’autre part, le risque de fuite de carbone, c'est-à-dire de transfert d’activités vers les pays tiers, est avéré. Selon une étude du Commissariat général au développement durable (CGDD), alors que les émissions par tête diminuaient de 15% entre 1990 et 2007, l'empreinte carbone de la consommation des Français aurait augmenté de 5% sur cette même période, dû à un accroissement des émissions imputables aux produits importés. C’est bien l’effet des fuites de carbone.

En effet, bon nombre d'entreprises européennes, soumises aux exigences de réduire leurs émissions de CO2, risquent de se retrouver en situation de distorsion de concurrence par rapport aux entreprises émanant de pays tiers et non soumises, elles, à de semblables contraintes. Certes, la directive prévoit l’allocation de quotas gratuits aux secteurs exposés au risque de fuites de carbone. Toutefois, cette allocation sera réalisée à hauteur des émissions de CO2 correspondant à la performance moyenne des 10 % d’installations les plus efficaces d’un secteur ou sous-secteur en Europe. Cette allocation n’épuise donc pas le risque de fuites de carbone dès lors qu’elle ne couvrira en moyenne qu’une partie des émissions effectives et conduira donc les industriels à acheter une part significative de quotas pour couvrir leurs besoins.

C’est dans cet esprit que le mécanisme d’inclusion carbone (MIC), selon ce qu’a proposé le Président de la République à l’occasion de la conférence environnementale.

La Feuille de route issue de la Conférence dispose en effet que le Gouvernement « s’engage à promouvoir, dans le cadre de la révision de la directive sur la fiscalité de l’énergie, une fiscalité carbone européenne sur les secteurs hors quotas d’émission, ainsi qu’un mécanisme d’ajustement aux frontières de l’Union européenne dont la mise en œuvre expérimentale pourrait être proposée pour certains secteurs d’activité ».

Selon les éléments communiqués, le MIC consisterait à inclure les importateurs dans l'ETS européen (les produits des pays tiers seraient soumis à l'ETS en entrant sur le marché intérieur) ; cela pourrait être une des solutions (cette option est prévue dans le paquet énergie-climat). Les importateurs seraient ainsi mis sur un pied d’égalité avec les producteurs européens. Plus précisément, les importateurs devraient restituer un volume de quotas correspondant à ce qu’un producteur européen moyen aurait dû acquérir sur le marché de quotas pour assurer sa conformité.

L'objectif est que le MIC vienne compléter le dispositif d'allocations gratuites dans les secteurs pour lesquels le risque de délocalisation lié à l'obligation d'acheter des quotas est réel, au lieu de se superposer au dispositif existant. Cette évolution permettrait de réduire la part de quotas alloués gratuitement et d’augmenter le volume de quotas vendus aux enchères par les Etats membres. Il est toutefois à noter que ce mécanisme peut faire face à quelques difficultés techniques pour certaines filières, en particulier sur la localisation en Europe des étapes de transformation (du produit de base au produit semi-fini et fini). En revanche, le MIC serait un outil bien adapté pour certains secteurs, dont le ciment et les engrais, qui sont particulièrement exposés au risque de « fuites de carbone ».

Les propositions de mécanismes d'inclusion carbone se sont heurtées dans le passé à certaines réticences de nos partenaires européens. La Commission européenne, en particulier, a jugé ces dispositifs excessivement compliqués et comportant des risques au regard des règles de l'OMC (non discrimination notamment). Cependant, la Commission reste ouverte à une initiative pilote et le Parlement européen est favorable à un tel dispositif.

En outre, le secrétariat exécutif de l'OMC avait déclaré à ce sujet en juillet 2009 qu'un tel mécanisme, correctement mis en place, ne serait pas contraire aux règles du libre-échange.

B. LA CRÉATION D’UNE COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE DE L’ÉNERGIE EN S’APPUYANT SUR LE RÔLE CLEF DE LA FRANCE ET DE L’ALLEMAGNE

1. Une dimension non seulement industrielle, mais aussi économique : définir l’économie décarbonée du futur

Le 14 septembre, dans le cadre de la conférence environnementale, le président de la République a affiché l’ambition d’un développement de la coopération européenne en matière énergétique, grâce à la création d’une véritable communauté européenne de l’énergie. Il est en effet indispensable d’aller au-delà des contraintes du traité de Lisbonne, même si celui-ci a eu le mérite d’introduire l’énergie dans le champ des politiques européennes.

L’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne, a certes introduit la capacité pour l’Union européenne d’agir dans le domaine énergétique, ce qui représente un progrès, mais il est assorti d’importantes restrictions.

Il prévoit ainsi que les actions de l’Union en la matière visent à :

– assurer le bon fonctionnement du marché intérieur de l’énergie,

– assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union,

– promouvoir l'efficacité énergétique et les économies d'énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables,

– promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques, ce qui est complémentaire avec la compétence de l’Union sur les réseaux transeuropéens.

Cependant, les limitations prévues, qui rendent d’ailleurs le dispositif partiellement contradictoire, sont cependant significatives :

– d’abord, elles ne concernent pas le bouquet ou le mix énergétique des Etats membres, à savoir la répartition de leur production selon les différentes sources d’énergie. Elles n'affectent, en effet, ni le droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, ni son choix entre différentes sources d'énergie ni la structure générale de son approvisionnement énergétique ;

– ensuite, pour ce qui concerne les mesures à caractère fiscal, c’est la nature fiscale qui prime et les décisions interviennent donc à l’unanimité du Conseil et non selon la procédure de codécision avec majorité qualifiée au Conseil.

Il s’agit donc d’une compétence de type marché intérieur, pour l’essentiel.

Comme le rappelle dans son éditorial du 9 octobre dernier M. Ferdinando Riccardi, la question d’un traité européen spécifique a été lancée mais reste sur la place.

Néanmoins, la rédaction du traité de Lisbonne n’interdit pas, et c’est là l’essentiel, une coopération entre Etats membres en la matière énergétique.

D’abord, même si c’est limité et ponctuel, des progrès interviennent. Vient ainsi d’être adopté par le Conseil une décision visant à renforcer la coordination en matière d’accord avec les pays tiers.

Certes ces accords restent nationaux, mais la décision prévoit un mécanisme d’information de la Commission européenne et d’examen de compatibilité de ces accords avec les règles de l’Union, essentiellement le marché intérieur et la concurrence. La teneur de ces accords, contenu intégral ou résumé, sera portée à la connaissance de tous les Etats membres.

Ensuite, l’enjeu commun ne peut échapper à aucun Etat membre. L’Union européenne importe 4% de son PIB en produits énergétiques, soit près de 500 milliards d’euros chaque année. L’absence de coopération autre qu’une coordination favorise clairement les comportements de rivalité ou les stratégies qui sont comprises comme telles par certains Etats membres, mais en même temps l’allègement du fardeau ne peut bénéficier qu’à l’ensemble.

Enfin, et de manière liée, les pays européens ont tous le même objectif, qui est de trouver la combinaison énergétique qui leur assure une production de qualité et à un coût acceptable.

La création d’une telle communauté autour du couple franco-allemand repose pour l’essentiel dans la présentation du Président de la République, sur la coopération des entreprises engagées dans la transition énergétique.

C’est tout à fait légitime.

D’abord, il y a clairement une demande côté allemand pour éviter que l’Europe ne substitue une nouvelle dépendance à celle qu’elle vise à surmonter vis-à-vis des approvisionnements pétroliers des pays tiers.

En écho, en effet, au projet du président de la République, le ministre allemand de l’environnement, de le protection de la nature et de la sûreté nucléaire, a indiqué, dans un entretien au journal Le Monde daté du 21 septembre, qu’il était nécessaire d’avoir un acteur européen sur la photovoltaïque, un « Airbus » du photovoltaïque, compte tenu du futur de la technique en Asie et en Afrique. Cette proposition intervient il est vrai peu de temps après la faillite de plusieurs producteurs de panneaux solaires en Allemagne, dont Sovello en août dernier, après Solon, Solarhybrid et Solar Millenium. L’industrie allemande étant en difficulté, les conditions favorables à une mobilisation du niveau européen sont donc réunies.

En même temps, les fabricants chinois détiennent 80% du marché européen qui lui-même représente les deux tiers du marché mondial.

Il s’agit donc d’un enjeu essentiel.

Ensuite, au-delà de ses avantages intrinsèques en termes de transition énergétique et de transition de l’actuel modèle économique vers celui du futur, une politique européenne de l’énergie représente pour les Etats membres de l’Union européenne deux atouts majeurs.

Le premier est d’ordre économique. L’histoire économique montre l’importance de cycles liés aux nouveaux produits. L’économie contemporaine n’échappe pas à la règle. Le dernier cycle de croissance européen a reposé sur le développement de l’Internet. Pour l’avenir, comme l’a souligné le Président de la République lors de la Conférence environnementale, l’avenir économique, l’avenir productif appartient aux Nations qui auront compris les termes de l’exigence environnementale.

L’économie verte, les écotechnologies, l’énergie, dont le développement repose sur des compétences déjà considérables en France, est facteur d’activité future et d’emploi.

Le second concerne la politique étrangère et fait l’objet du développement suivant.

Enfin, sur le plan historique, l’énergie a été à l’origine de la construction européenne, avec la CECA, mais aussi Euratom, il est temps de renouer avec l’histoire en relançant des projets structurants.

2. A l’arrière-plan, l’impératif de la sécurité énergétique de l’Europe

Pour certains acteurs globaux du monde multipolaire, les produits énergétiques, et plus largement les matières premières dont ils sont exportateurs, constituent un élément essentiel de la conception d’ensemble qui préside à la conduite de leurs relations extérieures en raison de la dépendance structurelle des pays importateurs.

Pour s’en tenir à l’ensemble eurasiatique, c’est le cas pour la Russie, dont le pétrole, et surtout le gaz, sont un outil de politique étrangère. La proposition de rabais à l’Ukraine sur le prix du gaz en contrepartie de l’adhésion à l'union douanière constituée en janvier 2010 entre le Kazakhstan, la Biélorussie et la Russie, le rappelle.

Il ne peut être question que l’Union européenne qui constitue en tout état de cause un acteur global, fasse abstraction de cette dimension et ne se donne pas les moyens d’un dialogue efficace avec ses principaux partenaires, qu’ils soient fournisseurs, clients ou concurrents.

En ce sens, l’impératif de la sécurité énergétique s’impose à elle. Comme l’indique le tableau suivant, l’Union européenne, à l’exception du Royaume-Uni et la Pologne parmi ses principales économies, partage avec le Japon une très grande dépendance pour ses approvisionnements énergétiques.

L’un de premiers enjeux des coopérations actuelles est de diversifier les approvisionnements en gaz de l’Europe.

La réalisation du « Corridor sud gazier » doit ainsi permettre l’acheminement vers l’Europe des ressources gazières de la région Caspienne à partir de 2018 (la principale source actuellement identifiée étant le gisement gazier offshore de Shah Deniz 2, en Azerbaïdjan), contribuant ainsi à la diversification des sources d’approvisionnement gazier de l’UE. Le projet de corridor sud a, dans un premier temps, été assimilé au gazoduc Nabucco, dont l’ambition originelle a depuis dû être révisée à la baisse, en sorte que l’acception « corridor sud » a été élargie aux projets de gazoducs concurrents sur la partie européenne. Ainsi, l’appellation générique « Corridor sud » regroupe à présent deux zones géographiques, situées respectivement en Turquie-Géorgie-Azerbaïdjan et en Europe du sud-est. Plusieurs projets de gazoducs sont en concurrence dans le cadre d’un processus de sélection mené par le « Shah Deniz consortium » (SDC), regroupant notamment BP, Total et Statoil, qui débouchera au plus tard d’ici juin 2013 sur le choix d’un seul projet pour la partie européenne. S’agissant de la zone Turquie-Géorgie-Azerbaïdjan, le gaz devrait être acheminé d’abord à travers le gazoduc South Caucasus Pipeline, puis à travers le gazoduc trans-anatolien (TANAP), une nouvelle infrastructure dédiée d’environ 2 000 km, jusqu’à la frontière de l’UE.

Le projet de gazoduc South Stream porté par Gazprom depuis juin 2010, qui a pour objet d’acheminer jusqu’à 63 Gm3/an de gaz russe en contournant l’Ukraine à partir de début 2016, n’est pas considéré comme faisant partie du Corridor sud. Ce gazoduc devrait, s'il était réalisé, offrir une voie d'acheminement supplémentaire de gaz. Il permettra d’accroître la sécurité d'approvisionnement de l'UE, ainsi que cela a été le cas pour le gazoduc Nord Stream qui relie la Russie à l’Allemagne sous la mer Baltique, entré en service fin 2011 et dont la capacité devrait être doublée d’ici la fin 2012.

Un autre enjeu est l’interconnexion des réseaux électriques.

Cette interconnexion des réseaux électriques n’atteindra cependant son but que si l’Union européenne ne substitue pas une dépendance à une autre en important non plus le produit énergétique, l’électricité, mais l’essentiel de l’équipement qui la produit : le panneau solaire.

La sécurité du système électrique européen dans son ensemble est un objectif essentiel de la politique européenne en matière énergétique. Elle passe notamment :

– à moyen et à long terme, par un développement cohérent et adapté aux besoins au niveau européen des infrastructures de transport d’électricité par les gestionnaires de réseaux (GRT) et notamment des liaisons d’interconnexions, qui permettent la mutualisation de mix de production diversifiés et complémentaires. Ce développement sera d’autant plus important que certains moyens de production comme l’éolien ou le photovoltaïque, par nature intermittents et difficilement prévisibles, occupent une place croissante dans le mix électrique européen ;

– à court terme, par une bonne coordination des GRT européens dans l’exploitation des réseaux, dans la prévention de situations potentiellement critiques, et dans les mesures prises en cas d’incidents.

La directive européenne 2009/72/CE et le règlement (CE) n° 2009/714 ont réaffirmé la place centrale qu’occupent les gestionnaires de réseaux en termes de sécurité du système électrique et ont mis en place plusieurs outils :

– l’établissement d’un plan de développement des réseaux de transport à 10 ans et à l’échelle de l’Union, avec lequel les différents plans nationaux doivent être cohérents. Ce plan permet en particulier l’identification des besoins en matière d’infrastructures à moyen et long terme et assure un développement coordonné des liaisons d’interconnexion ;

– la création d’ENTSOE, associant l’ensemble des GRT européens, et qui réalise deux fois par an des exercices de prévisions de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité au niveau européen (passage de l’été et passage de l’hiver) ;

– l’établissement de codes de réseaux prévus par le règlement (CE) n° 2009/714 visant notamment à une harmonisation au niveau européen des règles d’exploitation des réseaux par les GRT, des règles relatives à l’ajustement en temps réel de l’offre à la demande et la constitution des réserves de sécurité. Ces codes sont en cours d’élaboration et devraient être adoptés en 2014.

Ce dispositif a été complété par la mise en place, à la suite de la décision de l’Allemagne de fermer plusieurs de ses centrales nucléaires, du groupe de coordination de l’électricité par la Commission européenne. Ce groupe, qui réunit Etats-Membres, gestionnaires de réseaux et régulateurs, a pour objectif de renforcer la coordination entre Etats-Membres et de favoriser l’échange d’information, notamment en ce qui concerne l’évolution des bouquets ou mix énergétiques. Il est accompagné d’une cellule de veille opérationnelle et d’alerte en cas d’incident.

A ce panel d’instruments s’ajoutent les actions menées à l’initiative des gestionnaires de réseaux, comme par exemple le centre de coordination régional (Coreso), impliquant 5 GRT (RTE en France, Elia en Belgique, National Grid en Grande-Bretagne, Terna en Italie, et 50Hertz en Allemagne), et qui a permis la mise en service d’un outil de surveillance des réseaux et de prévention des situations potentiellement critiques.

Enfin, l’Europe s’est également rapprochée des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, de façon à construire avec eux des partenariats dans le domaine énergétique. Ce rapprochement se traduit par la mise en place de projets comme Desertec et par la création de l’Union pour la Méditerranée :

– le projet Desertec a pour buts de développer les capacités de production des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, notamment grâce à l’énergie issue du soleil, et de couvrir jusqu’à 15% des besoins d’électricité européens ;

– l’Union pour la Méditerranée (UpM), créée en 2008 et composée de 43 Etats d’Europe et de la Méditerranée, vise notamment à développer de grands projets de dimension régionale répondant aux besoins des populations. Elle devrait contribuer à augmenter la coopération entre les Etats membres sur plusieurs thématiques et notamment l’environnement et l’énergie.

De tels projets ne prennent cependant toute leur dimension que si les équipements producteurs d’énergie également sont au moins partiellement fabriqués en Europe.

Or comme on l’a vu, actuellement, selon les chiffres communément admis, les importations de panneaux photovoltaïques représentent 80% des équipements installés dans l’Union européenne, et le secteur a été sinistré, notamment en Allemagne.

L’enjeu du nouveau modèle de développement est donc essentiel avec un double dividende :

– elle apporte une solution à la question énergétique qui rend l’Europe vulnérable depuis les années 1950, comme la France et le Royaume-Uni l’ont perçu en 1956 lors de la crise de Suez ;

– ensuite, elle ouvre la perspective d’un certain retour de la croissance fondé non pas sur des éléments uniquement macroéconomiques, mais au contraire fondé sur le développement d’une filière structurante.

L’Union européenne peut tout à fait organiser une coopération en la matière avec des instruments simples tels qu’une coordination des prix de rachat au producteur de l’électricité d’origine renouvelable.

C. LE RÈGLEMENT DE LA QUESTION DES DIFFICULTÉS ACTUELLES DU SYSTÈME D’ÉCHANGE DE QUOTAS DE CARBONE

1. La difficile régulation du marché

Prévu par la directive 2003/87/CE, le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SEQE) a commencé à être mis en place en 2005. Il fait l’objet de trois phases : la première (2005-2007) est révolue. La deuxième (2008-2012) est en cours d’achèvement et la troisième doit commencer le 1er janvier 2003 et s’achever en 2020.

L’objectif du SEQE est de soumettre à plafond d’émission l’ensemble des 11 000 sites industriels européens appartenant aux secteurs les plus émetteurs et ayant une certaine taille. Les secteurs concernés sont la production d’énergie (électricité, chaleur et raffinage), les industries minérales (ciment, chaux, verre, céramique), la métallurgie (acier, fer) et le papier.

Chaque site dispose d’un certain nombre de quotas, sachant qu’un quota correspond à 1 tonne de CO2.

La troisième phase correspond à celle du passage des allocations gratuite de quotas, avec systèmes d’échange des crédits non utilisés, à des allocations payantes, sauf pour les secteurs exposés à la concurrence internationale. Les quotas correspondants doivent être mis aux enchères.

L’objectif est de fixer par le marché un prix de l’émission, de manière à réguler et diminuer les émissions par la mise en œuvre du principe économique du pollueur-payeur.

Les principales modifications qui affectent le fonctionnement du SEQE en phase III (2013-2020) par rapport aux phases précédentes (2005-2007 et 2008-2012) sont les suivantes :

- le périmètre du système s’élargit à de nouveaux secteurs (aviation à partir du 1er janvier 2012, production d’aluminium, production d’acide nitrique et adipique…) et de nouveaux gaz à effets de serre (protoxyde d’azote, perfluorocarbones etc.) ;

- les modalités d’allocation des quotas changent de façon radicale : environ 50% des quotas seront vendus aux enchères alors que jusqu’à présent la part de quotas payants était limitée à 10% et les quotas gratuits seront distribués non plus par les Etats dans le cadre de plans nationaux d’affectation des quotas (PNAQ) mais par la Commission européenne, sur la base de référentiels harmonisés par produits (benchmarks) ;

- la vente aux enchères des quotas débutera pour la phase III dès la fin de l’année 2012, pour un volume de 120 millions de tonnes de quotas européens et 30 millions de tonnes de quotas aériens. La France participera comme 24 autres Etats européens (tous les 27 sauf l’Allemagne et le Royaume-Uni) à une plate-forme d’enchères provisoire commune. C’est la bourse allemande EEX, basée à Leipzig, qui a été retenue en août 2012 pour conduire les opérations d’enchères. Un nouveau marché public sera organisé au 1er semestre 2013 pour sélectionner l’opérateur qui sera responsable des ventes aux enchères jusqu’à 2020 (« la plate-forme définitive »).

Par ailleurs, des travaux sont en cours pour renforcer la régulation et la surveillance des places d’échanges qui admettent des quotas de CO2 et leurs dérivés à la négociation. La France a été pionnière sur ce sujet, depuis le rapport de la mission Prada en 2010. Des premières dispositions légales ont été prises en France pour placer le principal marché, Bluenext SA, sous la supervision de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et pour établir une coopération dans la surveillance du marché entre l’AMF et la CRE (Commission de régulation de l’énergie). Des négociations se tiennent actuellement au niveau européen pour définir les modalités d’intégration des quotas de CO2 dans les directives MiFiD (marchés d’instruments financiers) et MAD (abus de marché) en cours de révision.

Le dispositif ne fonctionne cependant pas de manière satisfaisante. Le SEQE est en effet confronté à un déséquilibre structurel, et donc permanent, entre l’offre et la demande, de l’ordre de 10% : un important surplus non utilisé a été accumulé et le prix de la tonne de CO2 qui s’est établi à 35 dollars en 2008 et était encore de 15 dollars au début de 2011 s’est effondré jusqu’à 6-8 dollars cette année (5,99 euros la tonne, point le plus bas en avril 2012 et 7,4 euros la tonne sur la bourse française Bluenext, le 25 septembre dernier).

Deux facteurs sont à l’origine de cette situation. Le premier est d’ordre conjoncturel. Il s’agit des conséquences industrielles de la crise économique. Le second est d’ordre structurel et pérenne : les mesures de renforcement de l’efficacité énergétique entraîne un excédent permanent de quotas, ce qui réduit du même coup les incitations à une augmentation de l’efficacité énergétique, comme l’a expliqué dans le cadre d’un entretien à Europolitique, M. Nicolas Berghmans, chargé de recherche à CDC Climat.

Un prix de 25 à 30 euros la tonne est en effet estimé comme permettant aux stratégies d’investissement dans les filières sobres en carbone d’atteindre leur équilibre. Or, on peut actuellement craindre d’après les projections de Thomson Reuters Point Carbon 12 euros par tonne à l’horizon 2020 et une moyenne de 7 euros par tonne d’ici cette échéance.

De même, peut tout à fait servir de référence, le niveau de la taxation minimale de la tonne de CO2 émise prévue par la proposition de directive visant à réviser la directive 2003/96/CE relative à la taxation des produits énergétiques et de l’électricité, et dont le dispositif repose sur la décomposition de la taxation en deux parts : l’une au titre des émissions de CO2 ; l’autre au titre de la quantité effective d’énergie consommée.

Il n’est plus à ces niveaux là depuis deux ans comme l’indique le graphique suivant :

Evolution du prix des actifs carbone utilisables sur le marché européen du CO2
(EU ETS)

Source : CDC Climat

Par conséquent, c’est l’échec du modèle de transition économique fondé sur le double dividende : le passage à des modes de production vertueux grâce à une régulation par les prix et la faculté de procéder par le réinvestissement des revenus provenant des mises aux enchères de quotas.

Pour corriger cette situation, la Commission européenne a présenté plusieurs mesures, mais son analyse sur les réformes structurelles nécessaires à moyen terme n'a pas encore été publiée.

En ouverture de la Conférence environnementale organisée à Paris les 14 et 15 septembre, le président de la République a indiqué que la France soutenait les initiatives de la Commission européenne en vue d'améliorer la régulation du marché européen d'échange de quotas carbone.

De manière plus précise, la proposition de règlement présentée le 23 juillet modifie le calendrier 2013-2020 de mise aux enchères des quotas d’émission au titre du SEQE. Avec pour objectif de normaliser ce marché et de relever les prix des droits, il consiste à réduire, au cours des trois premières années de la 3e période de mise en œuvre du SEQE (2013-2015), le volume des quotas mis aux enchères, sans pour autant modifier le volume de quotas total prévu d’ici 2015 (3,5 milliards) sur les 8,5 milliards de quotas prévus pour 2013-2020. En termes de volume de quotas non mis en vente (ou « gelés »), la Commission propose 400 millions, 900 millions ou 1200 millions de quotas.

Les représentants des entreprises sont opposés à la mesure. Dans une lettre du 1er octobre dernier, le président de Businesseurope, M. Philippe de Buck, a indiqué la nécessité d’éviter des mesures de court terme, facteur d’incertitude pour les entreprises, en se disant favorable à un débat sur l’après 2020. D’un point de vue sectoriel, seul le secteur de la production d’énergie s’est montré favorable aux propositions de la Commission européenne.

Pour leur part, les ONG Greenpeace et WWF ont indiqué souhaiter des mesures structurelles pour réformer le marché du carbone, telles qu’un retrait permanent de quotas ou le relèvement de l’objectif de réduction des émissions.

2. La question de l’application au secteur du transport aérien du système de quota d’émission et de son articulation avec un instrument international ad hoc dans le cadre de l’OACI

La question de l’intégration des activités de transport aérien dans le SEQE a été réglée de manière spécifique, par la directive 2008/101/CE modifiant la directive 2003/87/CE dite directive ETS selon le sigle anglais désignant le SEQE.

Cette spécificité du secteur est également reconnue au niveau international : le transport maritime comme le transport aérien ne sont pas couverts par le protocole de Kyoto.

Le système de 2009 est assez complexe et a été ainsi décrit dans les éléments communiqués au rapporteur :

« Les grands principes de fonctionnement de l’ETS s’appliquent aux compagnies aériennes comme pour les autres secteurs (industrie, production d’énergie) qui y participent depuis 2005, avec toutefois plusieurs spécificités propres au secteur de l’aviation.

« Chaque année, au plus tard le 28 février, les exploitants d’aéronefs reçoivent des quotas gratuits, à hauteur de 82% de l’enveloppe de quotas qui leur est attribuée, 15% étant mis aux enchères et les 3% restants étant placés dans une réserve spéciale pour les nouveaux entrants. Au 30 avril de l’année suivante, les exploitants d’aéronefs concernés doivent avoir restitué un nombre de quotas équivalent à leurs émissions vérifiées de gaz à effet de serre au titre de l’année précédente, sous peine de sanctions (amende non libératoire de 100 euros par quota manquant).

« L’enveloppe de quotas attribuée aux compagnies aériennes incluses dans l’ETS est calculée pour ne pas dépasser en 2012 97% des émissions historiques de l’aviation, et 95% pour les années suivantes (2013-2020). Le volume de quotas correspondant a été établi le 20 juillet 2011 par la Commission européenne à 214,7 millions de tonnes de CO2 (MtCO2) en 2012 et 210,8 MteCO2 par an pour la période 2013-2020, pour les 30 Etats participants à l’ETS, soit environ 10% des émissions totales couvertes par le système.

« La part de quotas gratuits est répartie entre compagnies sur la base de référentiels (« benchmarks ») exprimés en tonnes de CO2 pour 1000 tonnes-kilomètres.

« Les quotas reçus par les compagnies aériennes sont appelés en anglais les EUAA ou European Union Aviation Allowances. Ils peuvent être librement échangés sur les marchés du carbone, mais les installations industrielles et énergétiques n’ont pas la possibilité de les utiliser pour assurer leur conformité réglementaire, alors que les compagnies peuvent indifféremment restituer des EUAA ou des quotas « normaux » (EUA – European Union Allowances). Des EUAA sont d’ores et déjà négociées sur les marchés, mais les volumes restent très faibles. Les premières ventes aux enchères d’EUAA devraient commencer d’ici à la fin de l’année 2012, pour un volume total de 30 Mt. »

Ce n’est cependant pas la technicité de la matière, qui pose problème, mais la contestation du principe même de l’assujettissement de leurs transporteurs par les pays tiers.

Il s’agit d’une contestation générale. Celle-ci a pris une forme juridique avec le recours en annulation intenté, en 2010, devant la Cour de Justice, par l’association américaine du transport aérien (ATAA). Ce recours a été rejeté le 21 décembre 2011 (affaire C-366/10, Air transport association of america c/ Secretary of State for Energy and Climate Change, le contentieux ayant été engagé au Royaume-Uni.

Elle a surtout pris une très forte dimension politique avec la déclaration de Moscou, par laquelle 26 pays, dont, outre la Russie, la Chine, le Japon, les Etats-Unis, l’Inde et la Corée, ont demandé le report de l’entrée en vigueur ou l’abrogation de la directive de 2008, jugée illégale et discriminatoire.

En avril dernier, l’Inde a donné instruction à ses compagnies aériennes de ne pas transmettre leurs émissions de CO2 pour 2011, en dépit de l’obligation prévue. Des démarches similaires sont intervenues aux Etats-Unis, avec la résolution du Sénat, adoptée à l’unanimité, et autorisant le secrétaire aux transports à empêcher les compagnies de se conformer à l’obligation européenne.

Pour sa part, la Chine a évoqué la question sous l’angle de la réciprocité d’ordre commercial avec en contrepoint les commandes d’Airbus.

Une perspective de déblocage a été esquissée lors du sommet mondial du transport aérien et de la 68ème réunion de l’IATA, à Pékin, en juin dernier. L’Association, qui regroupe 240 compagnies de transport et 85% du trafic mondial, a renouvelé son souhait d’un accord négocié au sein de l’OACI sur la question des émissions.

Cet espoir d’une première étape au niveau international justifie que l’Union européenne se mette en position d’attente vis-à-vis de l’application de ses propres règles. Dans l’intervalle, le mécanisme de sanction prévu par la directive, c'est-à-dire l’application de la directive, serait suspendu afin de faciliter toute possibilité d’accord.

3. Un principe assez largement partagé

Le mécanisme de quotas d’émission et de mise sur le marché est assez largement diffusé dans le monde.

Comme le montre la carte suivante, établie par la CDC Climat, uniquement en anglais, malheureusement, il est présent dans l’essentiel des pays développés et des grands émergents.

C’est ainsi non à une mise en cause des mécanismes de quotas que l’on assiste, mais plutôt à des ajustements sur leurs modalités de fonctionnement.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine les crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2013 au cours de sa réunion du mercredi 24 octobre 2012.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Je voudrais ajouter un mot sur la communauté européenne de l’énergie. Toutes ces questions renvoient à la problématique des politiques convergentes, sur les emplois d’avenir, l’écologie et l’unification de l’action extérieure de l’Union européenne. Tout est en ordre assez dispersé actuellement et il faudrait renouer avec l’histoire en relançant des projets structurants.

M. Lionnel Luca. Je regrette la baisse des crédits de l’environnement, ce n’est pas un bon affichage d’une volonté politique. Le bilan en ce qui concerne les gaz à effet de serre est en baisse au sein de l’Union européenne. On annonce une diminution du nucléaire en France et dans d’autres pays européens. Avec la problématique du gaz de schiste, qui risque aussi de changer la donne, n’avez-vous pas d’inquiétude sur le fait que l’on risque d’avoir des effets contraires à ce qui est recherché ?

Mme Marie-Louise Fort. Je souhaiterais des précisions sur la coopération entre la France et l’Allemagne en ce qui concerne les panneaux solaires. La Chine s’est emparée du marché avec des prix très bas. Qu’y a-t-il de nouveau quant à la volonté de renouer entre la France et l’Allemagne sur cette question ?

M. Jean-Jacques Guillet. Je remercie le rapporteur pour sa présentation d’un tableau dense et complet. Je voudrais rappeler que l’environnement est l’un des volets de notre diplomatie et j’ai le sentiment qu’on est en recul depuis quelques années, depuis Rio, Johannesburg, où l’idée de Jacques Chirac de transformer le PNUE en Organisation mondiale de l’environnement avait été défendue, pour avoir un dispositif complémentaire à celui de l’OMC. Cela était porté par la France et soutenu par l’UE ; on a patiné et c’est dommage.

En ce qui concerne la politique européenne de l’énergie, je suis d’accord avec Mme Elisabeth Guigou : on perd de vue que l’Europe s’est au départ construite sur l’énergie et il n’y a plus de politique cohérente. Il est regrettable que l’Allemagne ait décidé de sortir du nucléaire de manière unilatérale, sans concertation aucune, alors que tout est lié. C'est la même chose pour le marché européen des quotas d’émission. Les prix sont très faibles et la décision de l’Allemagne risque de provoquer un retour sur les productions thermiques, le charbon, voire même le lignite, fortement émettrices de gaz à effet de serre. Tout cela va à l’encontre de la politique européenne de l’énergie alors qu’il faudrait davantage de concertation.

Mme Chantal Guittet. Ma question porte sur la mise en œuvre du processus de Nagoya. Il y a de bonnes intentions, mais qu’en est-il des stratégies de financement ? C’est la même chose pour le climat. On a parlé de fond vert pour le climat. Le Canada, les Etats-Unis, le Brésil ne sont cependant pas parties prenantes à cette politique contre le réchauffement climatique. C’est inquiétant pour les pays pauvres et pour l’agriculture africaine qui risquent de souffrir du manque de volonté politique.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur pour avis. On doit effectivement faire le constat que le sujet qui avait progressé au niveau international fait aujourd'hui l’objet d’une certaine régression. Il faut entendre ce que l’on dit aujourd'hui aux Etats-Unis, en Russie et dans d’autres pays : la problématique du réchauffement climatique disparaît et l’on parle d’un retour aux sources d’énergie fossiles, on fait un dumping par le bas sur la question des coûts pour relancer la croissance mondiale, et les Etats-Unis, où l’exploitation du gaz de schiste est très fortement soutenue, se voient comme un futur exportateur énergétique. Il y a un décalage très fort aujourd'hui entre notre approche européenne et celle d’autres régions, qui pèsera très lourd dans les négociations internationales.

On n’a effectivement pas avancé beaucoup sur la transformation du PNUE en OME et il faut reconnaître que ce n’est plus aujourd'hui une préoccupation partagée. On a même un changement de regard international sur cette problématique, qui est considérable.

La construction d’une position européenne qui ne soit pas uniquement diplomatique et normative est d’autant plus importante. La conférence de Paris sera une opportunité à saisir. Il faut davantage d’ambition sur les thématiques de la transition énergétique, et avoir une ambition industrielle et des outils industriels européens, à savoir des politiques cohérentes sur l’ensemble du territoire. C’est vrai qu’en ce sens, la décision de l’Allemagne pose la question de sa durabilité en termes de coûts et de sa sincérité. Sur le long terme, se pose la question des équipements producteurs et des modes de distribution. Quant à la sincérité de la proposition, elle est aussi marquée par la contrepartie d’un certain sacrifice de la problématique du CO2 et du réchauffement, voire de l’externalisation vers des pays comme la Tchéquie, la Pologne, ou la France avec sa fourniture d’énergie d’origine nucléaire. Il nous faut un débat à la fois technologique et politique et l’on ne peut accepter d’impasse sur la solidarité. Que la France soit mobilisée sur la fourniture énergétique, pourquoi pas, mais il faut que ce soit assumé.

Qu’en est-il de la stratégie nucléaire de notre pays ? Pendant la campagne électorale, François Hollande s’était prononcé pour une baisse de la part de l’énergie d’origine nucléaire et pour une réduction du parc, à compenser par l’augmentation des énergies renouvelables. L’une des interrogations porte sur la capacité de ces dernières à relever le défi de la substitution au nucléaire. Il ne faut pas avoir une vision figée des questions technologiques, mais s’assurer de la faisabilité des orientations stratégiques pour réussir l’articulation entre les ambitions en matière de productiion électriques et les capacités d’investissements.

L’exemple des panneaux solaires montre qu’il n’y a pas de politique intégrée. Malgré les intentions, on n’a pas de suivi industriel. Cela est un très mauvais exemple. J’ai été frappé par les propos du ministre allemand de l’environnement sur le projet solaire franco-allemand. Les industriels allemands ont lancé une action à Bruxelles sur le dumping chinois mais Angela Merckel s’est empressée de rassurer Pékin sur le fait que la plainte n’aurait pas de suite importante. Il faut davantage de cohérence.

Sur le plan diplomatique, notre capacité à être moteur va se voir sur le Fonds vert notamment. L’Union européenne doit mobiliser les plus fragiles et les pays en développement sur ces propositions pour faire évoluer le rapport de forces mondial, car il y aura beaucoup de freins de la part de beaucoup de monde. Si la Chine défend ses intérêts, elle est aussi sensibilisée sur ces questions ; en revanche, les plus grands producteurs énergétiques, le Moyen-Orient, la Russie, les Etats-Unis, le Canada, ont, semble-t-il, d'ores et déjà déserté le terrain.

En ce qui concerne la biodiversité, une réglementation européenne est en cours d’élaboration, mais Mme Auroi pourrait vous en parler mieux que moi. Elle fera bientôt une communication sur ce sujet.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Il me semble que nous subissons non seulement les conséquences de la crise mondiale, mais aussi celles de l’affaiblissement de l’Union européenne. Après le paquet énergie-climat, qui est la seule réalisation vraiment innovante et porteuse au plan politique, industriel et écologique depuis une dizaine d’années, le fiasco de Copenhague a montré à quel point l’affaiblissement politique de l’Union pouvait compromettre les meilleurs projets dans ce domaine.

Suivant les conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Ecologie, développement et aménagement durables du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235).

ANNEXE

Liste des personnalités rencontrées par le rapporteur

– Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

– Mme Laurence Tubiana, directeur de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

– M. Raymond Cointe, directeur des affaires européennes et internationales au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, accompagné de M. Benoit Piguet, conseiller du directeur du cabinet du secrétariat général du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

– M. Pierre Ducret, président-directeur général de CDC climat, accompagné de Mme Maria Scolan, responsable de la communication, et de M. Romain Morel, chargé de recherche financement et nouveaux mécanismes internationaux

– Mme Claire Thuaudet, chargée des questions environnementale au cabinet du ministre des affaires étrangères, accompagnée de Mme Sandrine de Guio, directrice de cabinet adjointe du ministre chargé du développement.

© Assemblée nationale

1 () Seuls les 15 États étant membres de l'Union européenne lors de l'adoption du Protocole de Kyoto sont regroupés sous la « bulle européenne ».