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N° 255

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME I

ÉGALITÉ DES TERRITOIRES, LOGEMENT ET VILLE

PRÉVENTION DE L’EXCLUSION ET
INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES

Par M. Jean-Louis ROUMÉGAS,

Député.

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Voir les numéros : 235, 251 (annexe n° 23).

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 POUR 2013 7

A. UN EFFORT SIGNIFICATIF D’AUGMENTATION DES CRÉDITS GLOBAUX 7

1. Un mal chronique : l’insincérité budgétaire des crédits du programme 177 7

a) Un programme historiquement sous-doté en loi de finances initiale 7

b) Des politiques de lutte contre l’exclusion moins efficaces en raison de l’insincérité budgétaire 8

2. Un effort louable de rapprocher les crédits initiaux pour 2013 du niveau des dépenses effectivement constatées en 2011 9

a) Un exercice budgétaire 2012 encore chaotique 9

b) Des crédits prévus pour 2013 qui tendent vers la sincérité sur les coûts du programme 177, mais restent en deçà des besoins 10

B. DES CRÉDITS TOUJOURS MARQUÉS PAR LE POIDS DES DÉPENSES CONTRAINTES 11

1. Une consolidation des crédits de l’action 12 « Hébergement et logement adapté » 11

a) Un rebasage des crédits consacrés à la veille sociale 11

b) Des crédits pour les structures d’hébergement ne permettant pas l’ouverture de nouvelles places en quantité suffisante 12

c) Des crédits reconduits pour les dispositifs du « logement adapté » 13

2. Les crédits des autres actions 14

a) L’action 11 « Prévention de l’exclusion » : des dépenses contraintes insuffisamment dotées 14

b) L’action 14 « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale » 15

c) Les crédits de l’action 15 « Rapatriés » : des crédits évaluatifs habituellement insincères 15

II.- BILAN DE LA REFONDATION DU DISPOSITIF D’ACCUEIL, D’HÉBERGEMENT ET D’INSERTION DES PERSONNES SANS-ABRI OU MAL LOGÉES 17

A. MIEUX PILOTER LE DISPOSITIF D’ACCUEIL, D’HÉBERGEMENT ET D’INSERTION DES PERSONNES SANS-ABRI ET MAL LOGÉES 17

1. Une démarche interministérielle inaboutie 17

2. Un pilotage territorial perfectible 18

B. MIEUX ACCUEILLIR ET ORIENTER : LA RÉORGANISATION DE LA VEILLE SOCIALE 20

1. La mise en place d’une plate-forme unique d’accueil et d’orientation 20

2. Une connaissance des publics sans abri ou mal logés toujours insuffisante. 22

C. MIEUX HÉBERGER : ACCROÎTRE, HUMANISER ET HARMONISER L’OFFRE D’HÉBERGEMENT 23

1. Une augmentation sensible, mais insuffisante, du nombre de places d’hébergement 23

a) Une croissance significative du nombre de places 23

b) La saturation des structures d’hébergement d’urgence 23

c) La nécessité de mettre fin à la saisonnalité de l’hébergement 25

2. Des conditions d’hébergement améliorées grâce au plan d’humanisation des structures d’accueil 25

3. Une harmonisation des structures d’hébergement encore balbutiante 26

D. PRIVILÉGIER LE « LOGEMENT D’ABORD » 27

1. Les résultats encore limités de la politique visant à maintenir dans le logement les populations menacées d’expulsion 27

2. Un développement moins rapide qu’espéré des alternatives à l’hébergement, passerelles vers le logement de droit commun 29

a) La montée en puissance du « logement adapté » 29

b) L’accès au parc de logement privé facilité par le développement de l’intermédiation locative 30

3. Une volonté de renforcer et personnaliser l’accompagnement social afin de fluidifier le parcours vers le logement 31

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 33

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 35

INTRODUCTION

Depuis de nombreuses années, le programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » est insuffisamment doté en loi de finances initiale et fait systématiquement l’objet d’abondements significatifs de crédits en cours d’exercice. Cette insincérité budgétaire nuit à l’efficacité des politiques d’insertion car elle empêche les services déconcentrés de l’État et les associations du secteur de bénéficier d’une visibilité sur le niveau réel des crédits qui seront finalement accordés. Faute d’assurance sur le financement, c’est l’urgence, la sortie immédiate de la rue, qui continue de primer. Les dispositifs plus structurants et plus pérennes qui s’orientent prioritairement vers le logement, pourtant fortement mis en avant par le précédent gouvernement, continuent à servir de variable d’ajustement en fonction des crédits effectivement délégués.

Pour la première fois, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit d’allouer au programme 177 des crédits équivalents au niveau des dépenses constatées lors du dernier exercice connu. En effet, les crédits prévus pour 2013 au titre de ce programme atteignent 1,22 milliard d’euros, soit, à quelques millions d’euros près, les charges effectivement enregistrées en 2011 (en raisonnant à périmètre constant, plusieurs dispositifs ayant été transférés sur d’autres programmes à compter de 2013). On ne peut que se féliciter de cette évolution favorable.

Toutefois, les crédits ne sont pas encore à la hauteur des besoins réels. Le secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion des personnes sans-abri et mal logées est soumis à de fortes tensions. Il s’avère extrêmement difficile actuellement d’accéder à l’hébergement d’urgence. Dès le début du mois d’octobre 2012, les services « 115 » se sont trouvés saturés dans les zones tendues. Chaque nuit, plusieurs centaines de personnes, dont de nombreuses familles avec enfants, ne se voient pas proposer de solution et sont contraintes de rester à la rue ou de se réfugier aux urgences des hôpitaux, ce qui n’est pas plus satisfaisant. Parallèlement, il est de plus en plus difficile de sortir des dispositifs d’urgence. Ainsi, des personnes qui seraient prêtes à sortir des centres d’hébergements et des logements adaptés ne peuvent pas le faire par manque de logements disponibles à loyer accessible. Au total, le dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans-abri ou mal logées est engorgé.

Pourtant, une nouvelle stratégie de prise en charge des personnes sans-abri et mal-logées, appelée « refondation » du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion, a été lancée par le précédent gouvernement. La seconde partie du présent rapport en établit un premier bilan. Les objectifs de cette politique ont été très largement approuvés par les associations du secteur : coordination de la veille sociale, prévention de la mise à la rue, orientation prioritaire vers le logement, accueil inconditionnel et continuité de la prise en charge, fluidité du parcours afin de désengorger le dispositif … Des acquis sont indéniables : affirmation du droit à l’hébergement, création des services intégrés d’accueil et d’orientation chargés de coordonner la veille sociale, développement et humanisation des centres d’hébergement, montée en puissance du logement adapté… Mais les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs. Outre l’insuffisance des moyens déjà évoquée, la refondation a souffert d’un déficit de pilotage des réformes par les services de l’État, largement désorganisés par la révision générale des politiques publiques (RGPP). Surtout, la refondation n’est pas parvenue à une meilleure connaissance des publics à la rue, ce qui empêche une véritable adéquation de l’offre aux besoins. Enfin, des éléments exogènes cumulatifs ont créé un contexte défavorable à la mise en œuvre de la refondation : en premier lieu la crise économique, qui a fragilisé les populations, mais aussi la tension accrue sur le marché de l’immobilier, qui rend inaccessible le logement de droit commun dans les zones tendues, et enfin l’absence de réponse efficace à l’augmentation des flux migratoires, qui se traduit par un afflux de ces publics vers l’hébergement d’urgence de droit commun, faute de solutions adaptées.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 84,5 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.

I.- LES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 POUR 2013

A. UN EFFORT SIGNIFICATIF D’AUGMENTATION DES CRÉDITS GLOBAUX

1. Un mal chronique : l’insincérité budgétaire des crédits du programme 177

a) Un programme historiquement sous-doté en loi de finances initiale

Depuis de nombreuses années, les crédits alloués au programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » en loi de finances initiale s’avèrent insuffisants à couvrir les besoins constatés.

(en millions d’euros)

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »

2007

2008

2009

2010

2011

Crédits de paiement

Loi de finances initiale

1 045,41

994,55

1 118,78

1 101,74

1 204,17

Exécution*

1 195,22

1 241,51

1 295,23

1 285,15

1 260,8

Taux d’exécution

114,33 %

124,83 %

115,77 %

116,65 %

104,70 %

*Hors dépenses de « primes de noël » pour les personnes aux minima sociaux.

Chaque année, les crédits sont abondés dans l’urgence afin d’assurer les dépenses contraintes d’hébergement et d’aide sociale. Généralement, cette « rallonge », accordée au prix de vives tensions avec les associations du secteur, est présentée comme un abondement exceptionnel. Mais cette pratique s’est tellement systématisée que les acteurs l’ont intégrée comme un mode normal de financement.

L’exercice 2011 ne fait pas exception à la règle, en dépit d’une augmentation sensible des crédits en loi de finances initiale (1,20 milliard d’euros d’inscrits contre 1,10 milliard d’euros en 2010), puisque les dépenses effectives ont excédé de 4,7 % les crédits initiaux. Le précédent gouvernement a essayé d’éviter un abondement de crédits le plus longtemps possible, notamment en donnant, au printemps, des instructions de fermeture de places d’hébergement d’urgence. Ces fermetures « administratives » remettant du jour au lendemain des personnes à la rue ont été très vivement ressenties par les associations qui se sont fortement mobilisées. Dès la fin du mois de septembre, le Premier ministre s’est alors engagé à accorder des crédits supplémentaires pour couvrir les charges obligatoires de l’hiver 2011-2012. Cependant, c’est seulement à la fin du mois de novembre que le décret d’avances débloquant ces crédits est paru. Au total, 75 millions d’euros supplémentaires ont été débloqués en 2011, dont une partie (35 millions d’euros) a été reportée sur 2012 pour couvrir les premières dépenses de cet exercice.

b) Des politiques de lutte contre l’exclusion moins efficaces en raison de l’insincérité budgétaire

La sincérité budgétaire n’est pas une fin en soi, mais la pérennisation de l’insincérité nuit à l’efficacité des politiques en faveur de la prévention de l’exclusion et de l’insertion des personnes vulnérables.

 La politique entendant privilégier le « logement d’abord » pâtit de l’insincérité budgétaire

Les crédits du programme 177 sont très fortement déconcentrés (plus de 90 % des dépenses ne sont pas ordonnancées au niveau central). Les services préfectoraux sont donc en première ligne pour l’exécution des budgets relatifs à l’hébergement et à l’insertion par le logement. Or, l’insuffisance de crédits initiaux se traduit par une absence de visibilité pour les services déconcentrés. Craignant de ne pas disposer de suffisamment de crédits pour couvrir les dépenses urgentes de mise à l’abri des personnes à la rue en période hivernale, ils sont amenés à ne pas engager immédiatement l’intégralité des crédits qui leur sont délégués. Les dispositifs orientés prioritairement vers le logement (logement accompagné, intermédiation locative, accompagnement social dans et vers le logement) pâtissent de cette pratique. En effet, les crédits du programme étant fongibles, les services préfectoraux tendent à privilégier l’urgence (centres d’hébergement, action sociale) au détriment des dispositifs de moyen et long terme plus structurants. Lorsque des crédits supplémentaires arrivent en cours ou en fin d’année, il est trop tard pour engager des conventions avec des associations du secteur « logement adapté ». Faute d’assurance sur la pérennité des subventions, des projets d’ouverture de places échouent ou sont reportés.

● L’insincérité budgétaire fragilise les associations.

Les associations financées sur le programme 177 manquent de visibilité sur leurs financements, ce qui les empêche d’inscrire leur action dans la durée. En dépit des efforts de l’administration centrale pour déléguer rapidement les crédits en début d’année (en 2012, 25 % des crédits votés en loi de finances ont été notifiés début janvier, le solde a été délégué mi-mars), les associations ne connaissent pas les subventions dont elles vont disposer avant le printemps, voire la rentrée de septembre. Outre les délais administratifs normaux, il a été constaté que plusieurs contrôleurs financiers déconcentrés ont refusé leur visa sur l’engagement des crédits au motif que le budget présenté est fixé à un niveau inférieur aux dépenses d’hébergement exécutées l’année précédente. Dans d’autres cas, c’est les services préfectoraux qui, par habitude de la pratique des décrets d’avance, attendent d’avoir l’intégralité de l’enveloppe de crédits allouée pour l’année avant de négocier avec les associations. Au total, les associations n’ont pas de visibilité sur leurs budgets annuels.

À moyen terme, la visibilité budgétaire est quasi-nulle pour les opérateurs du secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion des personnes sans-abri ou mal logées. Depuis plusieurs années, les circulaires budgétaires de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) mettent en avant la contractualisation avec les associations sur une base pluriannuelle, dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens. Or, à ce jour la contractualisation n’est pas encore généralisée. Au 31 décembre 2011, on dénombrait seulement 21 contrats d’objectifs et de moyens (CPOM) pour les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et un peu plus de 660 pour les autres structures d’hébergement (1). À titre d’exemple, une structure aussi importante que le Samu social de Paris n’a pas encore signé de contrat d’objectifs ce jour, alors qu’elle est demandeuse. Une certaine défiance des associations envers le précédent gouvernement a interféré avec le processus de contractualisation. Certaines associations ont refusé la contractualisation en 2012, car elles craignaient qu’on ne leur impose une tarification uniforme sans prise en compte des spécificités de chaque structure d’hébergement. Mais c’est surtout l’insincérité budgétaire qui empêche les services préfectoraux de proposer une contractualisation pluriannuelle. Or, les projets de moyen terme (ouverture d’une pension de famille, développement de l’intermédiation locative, embauche de professionnels pour l’accompagnement social…) ne peuvent aboutir que sans engagement sur un financement pérenne.

Le versement tardif des financements d’État génère également des problèmes de trésorerie. Les opérateurs du secteur sont souvent amenés à fonctionner avec leur trésorerie propre en attendant les financements de l’État. Ainsi, au printemps 2012, il a été demandé aux structures d’hébergement de ne pas fermer les places hivernales, jusqu’à ce que les personnes hébergées aient trouvé une solution alternative. Depuis cette date, des places d’hébergement d’urgence se trouvent de fait pérennisées sans que des financements complémentaires de l’État n’aient été versés. Les crédits annoncés par le Premier ministre en septembre 2012 (cf. supra) devraient débloquer la situation, mais dans l’intervalle les associations se sont trouvées financièrement fragilisées.

2. Un effort louable de rapprocher les crédits initiaux pour 2013 du niveau des dépenses effectivement constatées en 2011

a) Un exercice budgétaire 2012 encore chaotique

La loi de finances pour 2012 n’a fait que reconduire les crédits de la loi de finances initiale pour 2011, alors même que ceux-ci avaient dû être abondés en cours d’exercice. Dès le début de l’exercice 2012, des crédits supplémentaires sont venus compléter les crédits votés en loi de finances : il s’agit du report d’une partie des crédits débloqués par le décret d’avance de novembre 2011, soit 35 millions d’euros.

Dans un second temps, le nouveau gouvernement s’est engagé à la rentrée 2012 à débloquer 50 millions d’euros lors d’une rencontre du Premier ministre Jean-Marc Ayrault avec le Conseil national de lutte contre l’exclusion le 20 septembre 2012. Ces crédits supplémentaires doivent abonder le programme 177 pour la veille sociale et l’hébergement d’urgence à hauteur de 40 millions d’euros, le solde devant financer la prise en charge des demandeurs d’asile. Au total, le programme 177 devrait disposer de 75 millions supplémentaires en 2012 afin de faire face aux besoins à couvrir.

b) Des crédits prévus pour 2013 qui tendent vers la sincérité sur les coûts du programme 177, mais restent en deçà des besoins

Le périmètre du programme 177 a été modifié par rapport à l’exercice 2012 par transfert de plusieurs dispositifs vers la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Il s’agit principalement de l’intégralité des crédits inscrits sur l’action 13 « Aide alimentaire ». De même, les crédits de l’action 11 « Prévention de l’exclusion » cessent de financer les points d’accueil et d’écoute des jeunes (PAEJ) et le dispositif « qualification en travail social » n’est plus subventionné par l’action 14 « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale ». Ces trois postes représentaient au total 30,08 millions d’euros dans les crédits alloués au programme 177 en 2012 et 35,22 millions des dépenses réalisées sur ce même programme en 2011.

Le tableau ci-dessous permet de comparer les crédits et l’exécution du programme 177 sur la période 2009-2013 en tenant compte de son changement de périmètre dans le projet de loi de finances pour 2013.

(en millions d’euros)

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »

2009

2010

2011

2012

PLF2013

Variation 2012/2013

Crédits de paiement

Loi de finances initiale

1 118,78

1 101,74

1 204,17

1 206,25

1 220,87

+ 1,21 %

Loi de finances initiale retraitée (pour correspondre au périmètre du programme dans le PLF 2013)

1 090,15

1 075,04

1 172,08

1 176,17

1 220,87

+ 3,80%

 

2009

2010

2011

2012

PLF 2013

Variation 2011/2013

Exécution

1 295,23

1 285,15

1 260,8

1 285,82*

1 220,87

- 3,16 %

Exécution retraitée (pour correspondre au périmètre du programme dans le PLF 2013)

1 246,43

1 246,52

1 225,58

ND

1 220,87

- 0,38 %

* total des crédits de paiements prévus par la direction générale de la cohésion sociale

En neutralisant les changements de périmètre, les crédits prévus pour 2013 progressent de 3,8 % (+ 44,7 millions d’euros) par rapport à ceux alloués en loi de finances initiale pour 2012, ce qui constitue un effort sensible dans la situation actuelle des finances publiques. Néanmoins, les crédits prévus pour 2013 ne sont pas tout à fait à la hauteur des crédits effectivement consommés en 2011 (il manque près de 5 millions d’euros). De plus, une analyse plus fine des crédits (cf. infra) permet de dégager certains postes encore sensiblement sous-dotés.

B. DES CRÉDITS TOUJOURS MARQUÉS PAR LE POIDS DES DÉPENSES CONTRAINTES

En période de crise économique et de crise du logement, les crédits du programme 177 financent de plus en plus des dépenses contraintes sans réelle marge de manœuvre. La loi de finances pour 2012, qui était fortement insincère ne peut pas servir de point de comparaison pertinent pour évaluer les besoins à couvrir. Or, c’est précisément ce qui est pratiqué dans le projet annuel de performance. Sur la base des dépenses effectives de l’exercice 2011, référence objective, on constate que pour l’essentiel les crédits prévus pour 2013 sont, au mieux, un ajustement aux charges réelles.

1. Une consolidation des crédits de l’action 12 « Hébergement et logement adapté »

L’action 12, qui concentre l’essentiel des crédits du programme (près de 93 %), n’a pas changé de périmètre par rapport à 2012. Les crédits sont en augmentation sensible par rapport à la loi de finances pour 2012 (+ 3,24 %), mais il s’agit essentiellement d’un rattrapage. En effet, si on les compare aux dépenses constatées en 2011, les crédits apparaissent simplement consolidés (+ 0,57 %).

(en millions d’euros)

Crédits de paiement

LFI 2011

Exécuté 2011

LFI 2012

PLF 2013

Action 12 « Hébergement et logement adapté »

1 087,15

1 124,85

1 095,67

1 131,21

a) Un rebasage des crédits consacrés à la veille sociale

Les dispositifs de veille sociale constituent le premier échelon de prise en charge des personnes sans-abri ou mal logées. Ils assurent le repérage (maraudes), l’accueil et l’orientation des personnes à la rue vers un hébergement ou un autre dispositif du secteur accueil, hébergement et insertion des personnes sans-abri. Sont financés au titre de la veille sociale les équipes mobiles, les Samu sociaux, les services d’accueil et d’orientation (SAO), les accueils de jour ainsi que les plates-formes d’accueil et d’orientation : services « 115 » (numéro vert pour les sans-abri), et, depuis 2010, services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), plate-forme centralisée pour les professionnels du secteur.

Ces dispositifs se voient allouer 85,89 millions d’euros, soit un niveau équivalent aux dépenses enregistrées en 2011 (85,38 millions d’euros). Aucun moyen supplémentaire n’est donc programmé, alors que le projet annuel de performance prévoit de nouveaux postes de dépenses : déploiement d’une application informatique dans tous les SIAO, renforcement des moyens des SIAO-insertion, développement d’une base de données d’observation sociale, création d’accueils de jours spécifiquement dédiées aux femmes victimes de violence (pour ce seul poste, le financement est évalué à 890 000 euros). Sauf à renoncer à ces projets, les crédits prévus seront vraisemblablement insuffisants.

b) Des crédits pour les structures d’hébergement ne permettant pas l’ouverture de nouvelles places en quantité suffisante

Principal poste de dépense du programme 177, les structures d’hébergement (hébergements d’urgence et centres d’hébergement et de réinsertion sociale) représentent plus des trois quarts (78 %) des crédits alloués à l’action 12, soit au total 885 millions d’euros.

 L’hébergement d’urgence

L’hébergement d’urgence, qui se caractérise par une prise en charge immédiate de toute personne en vertu du principe d’inconditionnalité de l’accueil, se voit allouer 275 millions d’euros de crédits dans le projet de loi de finances pour 2013. Le parc d’hébergement d’urgence comprend les centres d’hébergement d’urgence, de stabilisation et d’insertion (19 766 places au 31 décembre 2011) et les chambres en hôtel (16 235 places à la même date). Des places supplémentaires en période hivernale (environ 9 500 pour l’hiver 2011-2012) sont également financées. Par ailleurs, il est prévu de pérenniser certaines places ouvertes en 2012 et d’en créer 500 nouvelles. Cet engagement de création de places est particulièrement flou, ce que déplorent toutes les associations du secteur, et s’avère très éloigné de l’engagement du Président de la République de créer 15 000 places sur cinq ans. Surtout, ces éventuelles créations ne paraissent pas financées. En effet, le poste « hébergement d’urgence » a déjà coûté 273,1 millions d’euros en 2011, soit un niveau comparable aux crédits prévisionnels pour 2013, ce qui ne permettra pas de dégager les sommes nécessaires à l’ouverture de nouvelles places en quantité suffisante pour faire face aux besoins.

 Les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

Les CHRS sont des établissements sociaux autorisés au sens du code de l’action sociale et des familles Il s’agit d’une structure généraliste qui revêt des formes diversifiées (dortoir, chambres, appartements) et qui accueille, héberge, assure un accompagnement social (y compris pour des personnes qui ne sont pas hébergées) et favorise l’adaptation à la vie active et l’insertion sociale et professionnelle. Ils bénéficient du versement mensuel d’une dotation globale de fonctionnement (les autres structures d’hébergement sont financées par versement de subventions). Il est regrettable que le nombre de places ait légèrement diminué entre fin 2010 et fin 2011 et que le projet annuel de performance envisage à nouveau une suppression de places en 2013. Or, les CHRS sont beaucoup plus structurants que les autres formes d’hébergement d’urgence, en particulier des nuitées d’hôtels. Les crédits prévus pour 2013 (610 millions d’euros) sont inférieurs aux dépenses enregistrées en 2011 (615,6 millions d’euros). Au-delà des économies de gestion attendues par l’harmonisation des structures et la diffusion des bonnes pratiques, cette baisse traduit une volonté de réduire sensiblement le nombre de places, ce qui est paradoxal au vu de l’actuel engorgement des structures et des engagements gouvernementaux d’ouverture de places.

c) Des crédits reconduits pour les dispositifs du « logement adapté »

Le « logement adapté » regroupe un ensemble de dispositifs intermédiaires entre l’hébergement et le logement de droit commun. Les budgets alloués à ces dispositifs ont globalement augmenté sous la précédente législature, car ils entrent dans la stratégie visant à privilégier le « logement d’abord ». Ainsi, en 2012, 158,6 millions d’euros ont été globalement fléchés vers ces dispositifs et il est prévu de les doter à hauteur de 160,3 millions d’euros en 2013. Toutefois, en exécution, les crédits apparaissent inégalement utilisés. La consommation globale des crédits en 2011 (147 millions d’euros) apparaît sensiblement inférieure aux prévisions 2013, mais cette sous-consommation ne concerne pas tous les dispositifs. Il n’est pas aisé d’évaluer si les sommes prévues pour chacun des dispositifs sont en ligne avec les besoins, car le projet annuel de performance pour 2013 ne ventile pas les crédits inscrits au titre du « logement adapté », ce qui constitue un recul par rapport aux exercices précédents.

Les prévisions pour 2011 au titre des pensions de famille ont fortement excédé les dépenses réelles (de 8,3 millions d’euros). Ces pensions qui proposent un logement, sans condition de durée, à des personnes trop désocialisées ou aux ressources trop faibles pour accéder au logement ordinaire ont fait l’objet d’ambitieux objectifs de développement. Mais le programme de construction est bien moins rapide qu’anticipé d’où des crédits non consommés.

À l’inverse, les sommes allouées aux résidences sociales via l’aide à la gestion locative sociale (AGLS) apparaissent régulièrement sous-évaluées. Cette aide, qui finance le projet social des résidences, excède en 2011 de près de 2 millions d’euros les prévisions budgétaires à 11,93 millions d’euros. Pourtant, dans le projet de loi de finances pour 2013, seuls 11 millions d’euros sont prévus à ce titre. Les besoins sont importants et les associations sont unanimes à déplorer que de nombreuses résidences sociales qui pourraient prétendre à cette aide se la voient refuser par manque de crédits. Il convient par ailleurs de rappeler que depuis sa date de création (en 2000) cette aide n’a jamais été réévaluée.

Les aides de l’État à l’intermédiation locative ont été correctement calibrées en 2011 à 30 millions d’euros pour une consommation réelle de 28,16 millions d’euros. Il en est de même pour les crédits d’aide au logement temporaire (ALT) qui permettent de financer le logement de personnes ne pouvant prétendre au versement de l’aide personnalisée au logement (pour un réalisé de 37,5 millions d’euros en 2011).

Enfin, les crédits d’accompagnement social vers et dans le logement apparaissent difficiles à évaluer car c’est un dispositif récent (2010) qui monte en puissance (son coût a atteint 14,75 millions d’euros en 2011).

2. Les crédits des autres actions

a) L’action 11 « Prévention de l’exclusion » : des dépenses contraintes insuffisamment dotées

L’action 11 change de périmètre en 2013, puisqu’elle ne comprend plus les crédits alloués aux points d’accueil et d’écoute des jeunes (PAEJ), qui s’élevaient à 5 millions d’euros dans la loi de finances pour 2012. D’un montant global de 57,08 millions d’euros, cette action finance désormais deux types de dépenses : les aides sociales pour l’hébergement des personnes âgées et handicapées sans ressources et les actions en faveur des gens du voyage.

 L’aide sociale aux personnes âgées et handicapées

Les allocations d’aide sociale versées par l’État aux personnes âgées et aux personnes handicapées particulièrement démunies, constituent des dépenses obligatoires. Restées à la charge de l’État en dépit des compétences attribuées aux départements en matière d’aide sociale, elles sont versées sous la forme d’allocations individuelles, notamment pour la prise en charge de frais d’hébergement dans des établissements et des services médico-sociaux d’accueil pour personnes âgées ou handicapées. Ces dépenses sont fortement contraintes. Un effort louable de rebasage des crédits au niveau des dépenses constatées en 2011 conduit à une prévision budgétaire de 42 millions d’euros pour 2013 (contre 37 millions d’euros en 2012).

Néanmoins, les dotations pourraient s’avérer insuffisantes pour résorber les dettes accumulées sur ces dispositifs. En effet, les crédits étant strictement alignés sur l’exécuté 2011, il n’y aura vraisemblablement pas de marge de manœuvre pour apurer le passif des années antérieures.

 Les actions en faveur des gens du voyage

Les aides en faveur des gens du voyage consistent essentiellement en la participation de l’État au financement de la gestion des aires d’accueil dédiées à ce public (appelée « crédits ALT 2 »). Cette participation a été prévue par la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens des voyages. C’est une aide forfaitaire par places, cofinancée à parité par l’État et par la branche famille de la sécurité sociale. Depuis plusieurs années les prévisions budgétaires sont insincères pour ce dispositif. À compter de 2012, le mode de calcul de la participation ne doit plus prendre en compte les places qui ne sont pas effectivement occupées, ce qui devrait diminuer le coût du dispositif. Il est trop tôt pour savoir si les crédits prévus pour 2013 (12,4 millions d’euros) seront suffisants compte tenu de ce nouveau mode de calcul. Pour mémoire, les dépenses enregistrées au titre de cette participation ont été de 16,8 millions d’euros en 2010 et de 16,7 millions d’euros en 2011.

Par ailleurs, le programme 177 finance diverses initiatives d’action sociale en faveur des gens du voyage : scolarisation, domiciliation, accès aux droits, accompagnement social… Sont subventionnées à ce titre des associations locales ainsi que les têtes de réseaux associatifs nationales. Ces actions sont dotées de 2,7 millions d’euros de crédits.

b) L’action 14 « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale »

Le dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion se caractérise par une multiplicité d’acteurs tant au niveau national, qu’au niveau local. Il est donc nécessaire de financer des actions pour mobiliser l’ensemble de ces acteurs et animer les politiques d’inclusion par le logement.

Les têtes de réseaux, soit environ 80 associations et fédérations, se voient allouer 6,4 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2013. Elles représentent et accompagnent les autres associations du secteur et jouent à ce titre un rôle essentiel dans l’animation et la conduite du changement. Ces têtes de réseaux ont été fortement impliquées dans la refondation de la politique envers les personnes sans-abri et mal logées, dont elles ont soutenu la plupart des orientations.

Par ailleurs, le programme 177 finance des postes de personnels permanents destinés à conforter le projet social des structures bénéficiaires dans le cadre du dispositif interministériel du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP). Les crédits prévus pour 2013 (4,7 millions d’euros) sont en ligne avec le réalisé de l’exercice 2011 (4,66 millions d’euros). On peut néanmoins regretter un désengagement sensible du programme 177 de ce dispositif, puisqu’avant 2011 les crédits consommés au titre du FONJEP étaient deux fois supérieurs à leur niveau actuel (9,24 millions d’euros en 2010).

c) Les crédits de l’action 15 « Rapatriés » : des crédits évaluatifs habituellement insincères

 L’allocation de reconnaissance

L’allocation de reconnaissance, régie par la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, constitue l’essentiel des dépenses en faveur des rapatriés. La loi de 2005 a fortement revalorisé cette allocation tout en en modifiant les modalités de versement, en offrant trois options aux bénéficiaires :

– dès 2005, la revalorisation de 50 % de l’allocation perçue (2 800 euros/an contre 1 857,50 euros) ;

– le maintien de l’allocation à 1 857,50 euros associée au versement d’un capital unique de 20 000 euros ;

– le versement d’un capital de 30 000 euros avec abandon de l’allocation.

L’essentiel des sorties en capital ont déjà été versées et, normalement, seules les allocations devraient subsister. Toutefois, depuis 2005, la date limite de dépôt des dossiers est toujours repoussée et les sorties en capital continuent à coûter plus cher que prévu. Par ailleurs, la décision du Conseil Constitutionnel du 4 février 2011, qui a supprimé la condition de nationalité des critères d’éligibilité pour bénéficier de l’allocation de reconnaissance, a conduit au réexamen des dossiers et devrait se traduire par des dépenses nouvelles. Au total, 17,5 millions d’euros sont prévus au titre de cette allocation en 2013, alors qu’elle a coûté 18 millions d’euros en 2011. Ce montant pourrait s’avérer insuffisant compte tenu des dépenses nouvelles induites par la décision du Conseil Constitutionnel.

 Le plan « harkis »

Diverses mesures en faveur des anciens supplétifs et de leur famille ont coûté 1,8 million d’euros en 2011. Une allocation spécifique est versée, sous conditions de ressources, au conjoint survivant. Un complément de bourses scolaires est accordé aux descendants d’anciens supplétifs éligibles aux bourses de l’éducation nationale. Enfin, des aides à la formation professionnelle et à l’accompagnement vers l’emploi sont également accordées pour les enfants de supplétifs. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit 0,9 million d’euros pour l’ensemble de ces mesures. Cette prévision paraît très optimiste dans la mesure où le versement des allocations pour les veuves et des compléments de bourses ont atteint 0,84 million d’euros en 2011. Sauf à abandonner les mesures en faveur de l’emploi, ce que n’envisage pas le projet annuel de performance, les crédits seront insuffisants.

 Le désendettement et l’aide à l’installation

D’autres aides sont en voie d’extinction : mesures mises en œuvre au titre du désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession salariée (décret n° 99-469 du 4 juin 1999) et secours exceptionnels destinés à la sauvegarde du toit familial (décret du 23 mars 2007). Le projet de loi de finances pour 2013 ne prévoit pas de crédits pour ces mesures résiduelles, qui ont néanmoins coûté 1,5 million d’euros en 2011.

L’ensemble des mesures en faveur des rapatriés se sont élevées à 21,6 millions d’euros en 2011. Les crédits qui leur sont alloués atteignent 18,4 millions d’euros en 2013, mais il est vraisemblable qu’ils ne seront pas suffisants.

II.- BILAN DE LA REFONDATION DU DISPOSITIF D’ACCUEIL, D’HÉBERGEMENT ET D’INSERTION DES PERSONNES SANS-ABRI OU MAL LOGÉES

Lancée au second semestre 2009 par le précédent gouvernement, la refondation du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion repose sur deux principes directeurs : d’une part, la mise en place d’un service public de l’hébergement et de l’accès au logement ; d’autre part la priorité accordée à l’accès au logement y compris pour les personnes les plus désocialisées, stratégie dite du « logement d’abord ».

Cette politique s’est inscrite dans le cadre du « grand chantier prioritaire national 2008-2012 pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées » (circulaire du Premier ministre du 22 février 2008). Elle prolonge ainsi les actions mises en œuvre suite aux préconisations du rapport d’Étienne Pinte de septembre 2008 : renforcer le pilotage de l’État et la planification territoriale, affiner la connaissance des publics, professionnaliser la veille sociale, développer le parc d’hébergement et l’humaniser, développer les alternatives à l’hébergement, renforcer l’accompagnement social et assurer des financements pérennes aux opérateurs du dispositif.

Le processus de refondation, qui a permis d’élaborer une nouvelle « stratégie nationale » de prise en charge des personnes sans-abri ou mal logées, est le fruit d’une concertation avec les associations du secteur dans le cadre de différents groupes de travail et a débouché sur une liste de vingt propositions partagées.

A. MIEUX PILOTER LE DISPOSITIF D’ACCUEIL, D’HÉBERGEMENT ET D’INSERTION DES PERSONNES SANS-ABRI ET MAL LOGÉES

1. Une démarche interministérielle inaboutie

Afin d’améliorer l’efficacité des politiques de lutte contre l’exclusion des personnes sans-abri et mal logées, la refondation entend s’appuyer sur un pilotage de l’État renforcé au niveau interministériel. Le caractère transversal de ces politiques, qui concernent les secteurs du logement, du social et de la santé, mais aussi de l’intérieur (demandeurs d’asile), de la justice (prévention des expulsions locatives, prise en charge des sortants de prison), rend indispensable la prise en compte d’une dimension interministérielle. Au niveau central, le pilotage est conduit à la fois par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) en charge de la politique du logement et par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), en charge des politiques d’inclusion sociale. Cette double « tutelle » n’apparaît pas la plus optimale car la DHUP, qui est chargée de la définition des politiques en faveur du logement et de l’hébergement, dispose de peu de pouvoirs en matière budgétaire, la gestion du programme 177 étant du ressort de la DGCS. Il semblerait souhaitable qu’une autre structure transversale coordonne ces deux directions afin de renforcer le pilotage des politiques.

Ce pilotage interministériel a été confié dès 2008 à un « délégué général pour la coordination de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées », rattaché au Premier ministre, nommé pour piloter le « grand chantier national prioritaire 2008-2012 » consacré à l’hébergement et au logement. Ce délégué voit ses missions élargies en 2010 et devient « délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées ». Les associations considèrent dans leur ensemble que la délégation interministérielle a permis d’améliorer le dialogue et a joué un rôle non négligeable dans l’animation des politiques. Elle a aussi fortement contribué à la définition de la stratégie nationale de prise en charge des sans-abri et des personnes mal logées, dans le cadre de la refondation. Récemment, le délégué interministériel s’est vu confier deux nouvelles missions par le nouveau gouvernement : la définition d’un plan quinquennal pour le logement et l’hébergement et une mission sur l’accompagnement des Roms. Toutefois, à ce jour, les pouvoirs du délégué interministériel restent limités. Rattaché au Premier ministre, il ne dispose d’aucune administration sur laquelle s’appuyer pour piloter la politique du logement et de l’hébergement. Par ailleurs, il se trouve exclu des décisions budgétaires.

Pour renforcer le pilotage interministériel, il serait envisageable de s’inspirer de ce qui a été mis en place en Île-de-France avec la création en 2010 de la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL). Cette direction déconcentrée, qui est compétente à la fois pour le logement et pour l’hébergement sur l’ensemble de la région, s’avère être, de l’avis de l’ensemble des acteurs du secteur, une réussite en terme de coordination.

En dehors de l’Île-de-France, les services déconcentrés ont été réorganisés en 2008, mais la politique de l’hébergement et celle du logement continuent à être pilotées par deux services différents sous l’égide du préfet, l’un dépendant de la DHUP, l’autre rattaché à la DGCS. Cette dichotomie ne favorise pas une politique globale allant de l’hébergement au logement. Par ailleurs, la création des agences régionales de santé en 2009 a encore complexifié la coordination des politiques d’insertion au niveau local, en faisant intervenir un nouvel acteur. Or la plupart des personnes à la rue ou mal logées rencontrent des problèmes de santé, physiques ou psychiques, qui participent à des degrés divers à leur exclusion.

2. Un pilotage territorial perfectible

 Une pluralité d’outils de programmation incomplets

Actuellement, plusieurs outils de programmation des politiques en faveur du logement des personnes à la rue ou mal logées coexistent. Rendus obligatoires par la loi du 31 mai 1990, les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) sont élaborés conjointement par le préfet de département et le président du conseil général, en association avec les partenaires du logement et de l’action sociale. À côté de ces plans, il a été demandé en 2010 aux services préfectoraux départementaux d’élaborer, en commun avec les acteurs locaux (associations, usagers, collectivités locales, bailleurs sociaux…), un plan départemental d’accueil d’hébergement et d’insertion des personnes sans domicile ou mal logées (PDAHI). En Île-de-France, ce plan est établi au niveau régional. Prévus par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion (« MOLLE »), ces plans doivent constituer un état des lieux ainsi qu’une programmation pluriannuelle de l’offre. À compétence moins large que les PDALPD, les PDAHI, qui ne concernent que l’hébergement, avaient vocation à s’insérer dans les PDALPD.

Dans les faits, les PDAHI ont été élaborés très rapidement (au cours du premier semestre 2010), ce qui n’a pas toujours permis de développer une concertation suffisante au niveau local. Ils n’ont pas été intégrés au PDALPD et constituent un outil de plus. Les acteurs du secteur constatent que les plans sont très hétérogènes en fonction des départements et que dans bien des cas ils n’ont pas permis une rationalisation de l’offre au plan départemental. Les plans ont majoritairement conclu qu’il est nécessaire d’ouvrir de nouvelles places d’hébergement.

 Une nécessaire clarification des rôles respectifs de l’État et des collectivités locales.

La politique d’insertion des personnes à la rue et mal logées est la dernière politique sociale qui soit restée de la compétence de l’État. Toutefois, les conseils généraux se voient confier par la loi l’accueil des femmes enceintes et des femmes avec enfants de moins de 3 ans, dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance, et sont compétents en matière d’accompagnement social, via le fonds de solidarité logement (FSL). Par ailleurs, les collectivités locales peuvent participer, à titre volontaire, au financement des structures d’hébergement et de logement adapté. Selon la Cour des comptes (2), les structures d’hébergement seraient financées pour plus d’un quart par les collectivités locales, ce qui est loin d’être négligeable.

De fait, les compétences restent largement imbriquées, ce qui n’est pas sans poser des difficultés. La prise en charge des femmes ayant un enfant de moins de 3 ans semble poser problème dès lors qu’elles ont par ailleurs d’autres enfants plus âgés. Les acteurs de la veille sociale déplorent que dans ce cas de figure les femmes à la rue sont trop souvent renvoyées d’un service à un autre, chacun s’estimant incompétent. En ce qui concerne l’accompagnement social dans et vers le logement, l’État a débloqué depuis 2009 des crédits spécifiques sur le programme 177 pour cette politique qui relève, en principe, des conseils généraux. À en croire ces derniers, les fonds de solidarité logement départementaux seraient trop sollicités au titre des impayés de loyer pour pouvoir financer l’accompagnement social dans et vers le logement à hauteur des besoins. Or, il n’existe à ce jour aucune étude sur ces fonds et sur leur utilisation et il est légitime de se demander si les crédits d’État pour l’accompagnement social ne font pas doublon avec ceux des fonds départementaux.

La participation à titre volontaire des collectivités locales pose également question en termes de financement des associations du secteur. L’État doit-il financer les budgets associatifs, en prenant en compte, dans un souci d’équité, les éventuels compléments des collectivités locales ou au contraire doit-il subventionner de manière uniforme, au risque de décourager les cofinancements des collectivités locales ?

Il convient donc de clarifier les rôles respectifs de l’État et des collectivités locales en matière de politique d’hébergement et de logement des personnes sans-abri ou mal logées, afin d’éviter que des personnes ne soient pas prises en charge ou, au contraire, que des dispositifs fassent doublon.

B. MIEUX ACCUEILLIR ET ORIENTER : LA RÉORGANISATION DE LA VEILLE SOCIALE

1. La mise en place d’une plate-forme unique d’accueil et d’orientation

La refondation du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion entend fortement réformer l’accueil et l’orientation des personnes sans abri ou mal logées. L’objectif est de coordonner et centraliser les demandes au niveau local et d’orienter vers la structure la plus susceptible de répondre aux besoins de la personne accueillie. Cette mission implique de connaître à tout moment le nombre de places disponibles au sein des différentes structures sur le territoire concerné. Par ailleurs, la personnalisation des parcours au sein du dispositif devait être encouragée avec la mise en place d’un référent unique chargé de suivre la personne accueillie à chaque étape de prise en charge jusqu’à la sortie vers le logement.

Prévue aux articles 71 et 72 de la loi « MOLLE », la mise en place dans chaque département (ou au niveau régional en Île-de-France) d’une structure unique chargée de la centralisation de la veille sociale s’est concrétisée avec la création des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) à partir du second semestre de l’année 2010. Ces services intégrés, dont les principes de fonctionnement ont été fixés dans deux circulaires du 8 avril et du 7 juillet 2010, se voient confier un rôle central au sein du dispositif afin d’éviter que la segmentation des acteurs ne nuise à la prise en charge des personnes en difficultés. En tant que plate-forme unique, ils doivent recevoir l’intégralité des demandes de prise en charge, connaître les places disponibles, procéder à une première évaluation et orienter les personnes sans-abri vers la solution la plus adaptée. Pour assurer leurs missions, les SIAO doivent s’imposer auprès des opérateurs locaux afin d’assurer la coordination des acteurs de l’hébergement et du logement. Il est de surcroît prévu que ces nouveaux services intégrés assurent la continuité de la prise en charge tout au long du parcours de la personne accueillie. L’objectif lors de la création des services intégrés était d’avoir une plate-forme unique sur l’ensemble du département, devant couvrir à la fois les structures d’urgence et celles d’insertion, afin de faciliter la fluidité du parcours vers le logement.

Leur mise en place effective s’est faite à marche forcée à compter de la fin 2010. Il a fallu cependant attendre le second semestre 2011 pour que l’intégralité des départements en soit dotée. Les associations auditionnées dans le cadre de ce rapport ont déploré la trop faible implication des services de l’État dans la création des nouveaux services intégrés. Les opérateurs qui se sont trouvés portés à leur tête ont parfois eu du mal à s’imposer et à trancher des différents relatifs à l’organisation du service intégré.

Les données statistiques fournies par la direction générale de la cohésion sociale indiquent que, contrairement à ce qui avait été envisagé, de nombreux départements (plus du tiers) ont opté pour une pluralité de SIAO soit en séparant les places d’urgence et celles d’insertion, soit en créant des services intégrés à compétence infra-départementale. Les départements du Nord et du Pas-de-Calais, qui ont respectivement créé six et sept SIAO illustrent à l’extrême l’émiettement qui a parfois prévalu, dans une région où les enjeux en termes d’hébergement sont importants. De même, en Île-de-France, il n’a pas été possible d’installer un service intégré unique au niveau régional (14 SIAO ont été créés). Cette fragmentation des services intégrés nuit à l’objectif d’une plate-forme unique chargé de la veille sociale et à la fluidité des parcours entre les dispositifs qui relèvent de l’urgence et ceux qui sont tournés vers l’accès au logement. Pour pallier cet émiettement local en termes d’harmonisation des pratiques et de mutualisation des places, il a été mis en place de nouvelles structures de coordination. Ainsi, en Île-de-France, un comité régional de coordination des SIAO se réunit tous les deux mois. La ministre de l’égalité des territoires et du logement a annoncé vouloir aller plus loin en créant une conférence régionale des SIAO franciliens afin de les faire travailler en réseau. Cet empilement de structures est un frein à l’efficacité du dispositif. La solution de la pluralité des SIAO ne peut se concevoir que comme une étape vers une plate-forme unique et il faut impérativement inciter à la fusion des services en un SIAO unique au niveau départemental, ou régional en Île-de-France.

Il n’est pas aisé de savoir si les SIAO qui ont été mis en place remplissent pleinement leurs fonctions de centralisation des places. Une enquête réalisée par l’Inspection générale des affaires sociales (3)à la fin de l’année 2011 indique qu’à cette date environ 80 % des places d’urgence étaient régulées par les services intégrés, tandis que moins de 60 % des places d’insertion étaient effectivement centralisées. La même enquête constate que moins du quart des SIAO en charge des places d’insertion avaient initié une collaboration avec les bailleurs sociaux. Au-delà des chiffres, il apparaît clairement qu’une part significative des places n’est pas encore centralisée par les SIAO, ce qui nuit à l’efficacité du dispositif. Certains opérateurs ne jouent pas pleinement le jeu de la centralisation des places afin de conserver une marge de manœuvre dans la sélection des publics accueillis. Les associations constatent par ailleurs de très grandes disparités entre les départements, ce qui pose un problème d’égalité d’accès au service public. Néanmoins, la mise en place des services intégrés a d’ores et déjà amélioré la coordination des acteurs au niveau local.

2. Une connaissance des publics sans abri ou mal logés toujours insuffisante.

La connaissance des personnes à la rue ou mal logées est fragmentaire et très insuffisante pour ajuster l’offre aux besoins des usagers. La dernière enquête nationale de l’INSEE sur les sans-abri date de 2001. Depuis plusieurs années, tous les rapports sur le sujet déplorent cette méconnaissance des publics susceptibles de recourir au dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion.

Les SIAO se sont vus confier la mission d’affiner la connaissance des publics en participant à la mise en place d’observatoires au niveau local permettant d’ajuster au fur et à mesure l’offre aux besoins et en constituant une base d’observation sociale. Cette base doit être élaborée à partir des données saisies dans le système d’information de chaque SIAO au moment de la prise en charge de la personne accueillie. Ces données doivent ensuite être collectées par la direction générale de la cohésion sociale afin de produire un fichier consolidé au niveau national. Ce chantier a pris beaucoup de retard et les données actuellement centralisées au niveau national sont très parcellaires. L’État n’a pas pu imposer aux SIAO un logiciel unique pour saisir les informations relatives aux publics accueillis. Plusieurs opérateurs porteurs d’un service intégré disposaient déjà d’un système d’information jugé plus complet que celui mis à leur disposition par les services de l’État et ont obtenu de le conserver. Cette concurrence entre logiciels incompatibles n’a pas été de nature à faciliter la centralisation des données. La direction générale de la cohésion sociale indique qu’à compter de l’automne 2012, la base d’observation sociale devrait être en mesure en mesure de recueillir non seulement les données du logiciel mis en place par l’État, mais aussi celles de son principal concurrent (le logiciel proGdis). Toutefois, aucune des associations auditionnées dans le cadre de ce rapport ne fait actuellement remonter les informations au niveau national. En 2013, il est prévu de faire converger les différents logiciels afin d’obtenir des informations homogènes, ce qui devrait significativement améliorer la connaissance des personnes prises en charge par les SIAO. Toutefois, il semblerait que plusieurs associations soient réticentes à saisir des informations trop précises sur la situation des publics accueillis, en raison d’inquiétudes relatives à la confidentialité des données. Enfin, cette base de données issues des SIAO ne pourra jamais couvrir tout le champ des publics à la rue ou mal logés, car les personnes qui ne font pas appel au dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion en sont de fait exclues.

C. MIEUX HÉBERGER : ACCROÎTRE, HUMANISER ET HARMONISER L’OFFRE D’HÉBERGEMENT

1. Une augmentation sensible, mais insuffisante, du nombre de places d’hébergement

a) Une croissance significative du nombre de places

Le parc d’hébergement d’urgence s’est sensiblement accru sur la période 2008-2011. Il a notablement bénéficié de crédits du plan de relance en 2009.

(en millions d’euros)

Nombre de places

Fin 2007

Fin 2008

Fin 2009

Fin 2010

Fin 2011

Variation depuis fin 2007

Centres d’hébergement d’urgence et centres de stabilisation (hors centres d’hébergement et de réinsertion sociale)

14 689

15 911

17 535

18 919

19 665

33,88 %

Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

36 184

38 159

39 442

39 540

38 567

6,59 %

Hôtels

9 198

10 377

13 025

15 016

15 498

68,49 %

Total

60 071

64 447

70 002

73 475

73 730

22,74 %

Source : rapports annuels de performance

Il est toutefois à déplorer que les nuitées en hôtels soient le type d’hébergement qui a le plus fortement progressé (+ 68,5 %) sur la période. À l’inverse, le nombre de places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale a relativement peu progressé (+ 6,6 %). Facilement mobilisable dans l’urgence, la nuitée d’hôtel est proposée aux familles, faute de mieux, alors qu’elle est inadaptée à ce public. Quand elle est mobilisée sur une longue période, elle devient très coûteuse. Surtout, les familles hébergées en hôtel ne bénéficient d’aucun accompagnement social. Plutôt que recourir à l’hôtel, il serait plus pertinent de renforcer les autres structures d’hébergement et de les adapter aux familles. Il serait également souhaitable de subventionner les associations qui voudraient gérer pour leur compte des appartements pour loger des familles en situation d’urgence. Enfin, il conviendrait de promouvoir les résidences hôtelières à vocation sociale.

b) La saturation des structures d’hébergement d’urgence

En dépit de l’augmentation du nombre de places ouvertes, l’hébergement d’urgence ne peut pas faire face aux besoins.

Ceux-ci ne sont pas aisés à déterminer en absence de véritable outil permettant de connaître les publics sans-abri ou mal logés (cf. supra). Tous les acteurs du secteur s’accordent néanmoins sur le même constat : la demande a fortement augmenté sur une période récente. Les enquêtes flash menés en 2012 par l’Observatoire national du « 115 » (sur un échantillon de 37 départements) indiquent que plus de 50 % des demandes d’hébergement auprès des « 115 » sont laissées sans solution en hiver. Par ailleurs, les acteurs du secteur constatent que les hébergements proposés sont la plupart du temps de courte durée (quelques nuits au mieux). Ces chiffres déjà parlants ne prennent bien évidemment pas en compte les personnes en détresse qui ne font pas appel aux « 115 » soit par méconnaissance, soit par démotivation. Le plan régional d’accueil, d’hébergement et d’insertion de l’Île-de-France établi en 2010 a estimé que 13 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires devraient être créées dans la région pour faire face aux besoins.

Le secteur de l’hébergement se trouve confronté à trois phénomènes cumulatifs qui participent à son embolie. La crise économique depuis 2008 fait clairement apparaître un nouveau public qui n’a plus les moyens d’accéder au logement ordinaire ou s’en fait expulser : travailleurs pauvres, jeunes sans emploi, familles avec faibles revenus. De plus, la crise du logement dans les zones tendues accentue les effets de la crise économique. Enfin, les structures d’hébergement d’urgence doivent faire face à des flux migratoires insuffisamment régulés. En effet, les places d’hébergements financés sur le programme 303 « Immigration et asile », centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ou centres d’hébergement d’urgence dédiés à ce public, sont notoirement insuffisantes. En 2011, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a enregistré 57 113 demandes, dont 80 % de premières demandes. Pour la même année, les places en centre d’accueil et établissements assimilés s’établissent à 21 650 places, auxquelles il faut ajouter environ 21 000 places en hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (essentiellement en hôtels). Les délais d’instruction cumulés de l’OFPRA et de la cour nationale du droit d’asile atteignant près de quinze mois en 2011, une part non négligeable des demandeurs d’asile se tournent vers le dispositif d’hébergement d’urgence de droit commun financé par le programme 177. À ces demandeurs d’asile dont le dossier est en cours d’instruction, viennent s’ajouter ceux qui n’ont pas encore pu déposer de dossiers (ce qui prend plusieurs mois actuellement) et les déboutés qui n’ont pas quitté le territoire. Au total, la direction générale de la cohésion sociale estime qu’environ 20 % des places d’urgence financées par le programme 177 sont occupées par des demandeurs d’asile ou des déboutés. Les associations reconnaissent que la majorité des personnes qui sont actuellement hébergées durablement en hôtels sont des familles migrantes déboutées. Par ailleurs, l’hébergement d’urgence inconditionnel fait actuellement face à un nouveau public : les migrants disposant d’un titre de séjour d’un pays européen du sud de l’Europe, qui se déplacent à l’intérieur de l’espace Schengen, faute de travail dans les pays qui leur ont accordé un droit de séjour. Pour désengorger les centres d’hébergement de droit commun, il convient, d’une part, d’augmenter le nombre de places d’hébergements dédiés aux demandeurs d’asile financées sur le programme 303. D’autre part, on ne peut pas faire l’économie d’une réflexion sur le bien-fondé d’une politique qui maintient durablement dans la précarité des populations déboutées ou sans-papiers. Une grande partie d’entre eux n’étant pas expulsable, une régularisation rapide pourrait permettre de sortir des structures d’urgence des publics qui n’ont pas d’autre alternative actuellement.

c) La nécessité de mettre fin à la saisonnalité de l’hébergement

La loi « MOLLE » a consacré le principe de droit à l’hébergement opposable. Ce principe n’est malheureusement pas entré dans les faits. Outre le manque de places pérennes, l’hébergement d’urgence reste marqué par une forte saisonnalité. En effet, un nombre important de places supplémentaires sont ouvertes pendant la « campagne hivernale » pour environ cinq mois. Ainsi, 9 446 places en moyenne ont été mobilisées par soir du 24 octobre 2011 au 31mars 2012. Il s’agit essentiellement de places d’urgence en centre d’hébergement d’urgence et en hôtels (79 % du total) et de mises à l’abri d’extrême urgence (17 % du total), tandis que les CHRS sont peu mobilisés (4 % du total).

Or, les données fournies par l’Observatoire national du « 115 » (collectées pendant l’été 2012) indiquent que les demandes d’hébergement en été ne sont pas inférieures à celles constatées en hiver. Cette saisonnalité nuit à la continuité de la prise en charge, qui est pourtant l’un des objectifs assignés à la refondation. La plupart des personnes remises à la rue au printemps, qui se trouvent en dehors des dispositifs d’accueil pendant plusieurs mois, perdent le bénéfice de l’accompagnement social qui a pu être mis en place durant leur séjour en structure d’hébergement. Les places supplémentaires ouvertes en hiver, qui correspondent à un réel besoin, doivent être pérennisées.

2. Des conditions d’hébergement améliorées grâce au plan d’humanisation des structures d’accueil

Suite aux conclusions du rapport d’Étienne Pinte, un plan d’humanisation des structures d’hébergement d’urgence a été mis en œuvre à compter de 2008. Ce chantier a bénéficié d’importants crédits dans le cadre du plan de relance de l’économie en 2009, ce qui a permis d’en amplifier les effets. L’objectif du plan était de moderniser les structures pour les rapprocher du niveau de qualité des logements foyer afin d’accueillir plus dignement les personnes hébergées et favoriser leur insertion. L’humanisation devait notamment conduire à la disparition progressive des dortoirs au profit des chambres individuelles ou familiales. Les subventions de l’État ont financé à fois des projets de rénovation de structures existantes et des créations de nouveaux bâtiments, afin de compenser le nombre de places perdues en raison de la suppression des dortoirs.

Ce plan a eu des effets bénéfiques reconnus par les associations du secteur en améliorant sensiblement la qualité d’accueil dans les centres d’hébergement d’urgence. Au total, l’État a consacré entre 2008 et 2011, 191 millions d’euros à la rénovation de plus de 12 000 places d’hébergement et à la création de plus de 4 000 places nouvelles (4).

3. Une harmonisation des structures d’hébergement encore balbutiante

La refondation du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion vise notamment à rationaliser l’offre d’hébergement, qui apparaît trop hétérogène et segmentée pour répondre efficacement aux besoins. L’objectif est de professionnaliser les structures afin de mettre en place un véritable service public de l’hébergement. Ainsi, parmi les vingt « mesures partagées » de la refondation engagée en 2009, figure l’harmonisation des prestations et des coûts dans les structures à travers l’élaboration d’un référentiel des prestations et des coûts qui doit constituer un outil d’adaptation de l’offre aux besoins.

La partie « prestations » du référentiel a été élaborée en premier et publiée dès juillet 2010. Elle se compose de deux parties. La première identifie toutes les prestations délivrées par le secteur d’accueil, d’hébergement et d’insertion ainsi que trois prestations « support » contribuant aux prestations précédentes ; la seconde, décrit les modalités de délivrance de ces prestations (normes et dispositions juridiques existantes, mesures qualitatives, éléments relatifs aux compétences et qualifications des intervenants …). Ce référentiel est plutôt bien accepté par les intervenants du secteur qui en font la promotion. Ainsi, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) et la Croix-Rouge ont élaboré en commun en mai 2012 un guide d’utilisation du référentiel national des prestations.

La partie « coûts » du référentiel national n’est pas encore totalement achevée. Dans un premier temps, une étude nationale des coûts a été lancée en 2011 afin d’objectiver les coûts et d’en identifier les déterminants, de dégager des groupes homogènes d’activité et de missions comparables et d’élaborer des repères communs aux acteurs pour les situer les uns par rapport aux autres. Pour analyser l’activité des établissements, l’étude nationale s’appuie sur les prestations identifiées dans la partie « prestations » du référentiel. Cette étude a vocation à s’appliquer à l’ensemble des opérateurs quel que soit leur statut ou leur mode de financement, mais pour le moment elle est limitée aux structures proposant de l’hébergement. À compter de 2012, une seconde phase doit rattacher l’ensemble des structures à un des groupes homogènes identifiés sur la base de questionnaires envoyés aux opérateurs.

Les associations ne remettent pas en cause le principe de l’étude nationale des coûts, les têtes de réseaux associatifs ayant participé à son élaboration. Mais les intervenants du secteur déplorent qu’en 2011 les crédits d’hébergement d’urgence aient été drastiquement réduits en loi de finances initiale, alors même que cette étude avait à peine débuté. Cette précipitation a été contre-productive car elle a conduit au rejet du processus même de la refondation par de nombreux opérateurs du secteur.

Le référentiel des coûts est en cours d’appropriation pas les opérateurs du dispositif. Pour se faire, il a été mis en place un plan d’accompagnement des acteurs (auxquels 70 % des interlocuteurs concernés ont participé) incluant des cellules régionales d’appui et la diffusion d’outils pédagogiques. Pour le moment, l’étude nationale n’a pas encore débouché sur des conséquences concrètes puisque les modalités du passage d’un outil de connaissance des coûts complets à un outil de tarification des établissements restent encore à examiner. Il est donc trop tôt pour en faire le bilan.

D. PRIVILÉGIER LE « LOGEMENT D’ABORD »

En privilégiant le « logement d’abord », la refondation entend éviter, à chaque fois que cela est possible, le recours aux dispositifs d’hébergement. Au-delà d’un slogan réducteur, les intervenants du secteur souscrivent à l’objectif d’une orientation prioritaire vers le logement.

1. Les résultats encore limités de la politique visant à maintenir dans le logement les populations menacées d’expulsion

La politique du « logement d’abord » passe en amont par une prévention renforcée du risque d’expulsion locative. La nouvelle stratégie nationale pour la prise en charge des personnes sans-abri ou mal logées propose de mobiliser l’ensemble des acteurs concernés et de renforcer la coordination de leurs actions, de prévenir les expulsions par des dispositifs d’intermédiation locative et de sécuriser la relation bailleur/locataire.

 Afin de coordonner et mobiliser les acteurs participant à la prévention des expulsions locatives, les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) ont été rendues obligatoires dans chaque département en application de la loi « MOLLE ». Ces commissions, instituées de manière facultative dans la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, ont pour mission de rapprocher toutes les instances susceptibles de venir en aide au locataire risquant d’être expulsé de son logement (conseils généraux, caisses d’allocations familiales, services de l’État, commissions de surendettement…) de manière à traiter globalement la problématique des impayés. Avant 2010, aucune CCAPEX n’avait pu être créée car cette instance implique un accord entre l’État et les conseils généraux. Rendues obligatoires par la loi, les commissions se sont progressivement mises en place à compter de 2010. Une étude de l’Agence nationale d’information sur le logement (ANIL(5)conclut à la très forte hétérogénéité des commissions en fonction des départements. Certaines ne sont de fait que des « observatoires » de l’expulsion, sans que les dossiers individuels ne soient traités au fond. Quand ils le sont, les pratiques sont très variables, mais la grande majorité des commissions départementales du panel de l’enquête n’étudient qu’un nombre extrêmement limité de dossiers. Ces structures apparaissent donc pour le moment comme des commissions administratives qui ne sont pas organisées pour agir au plus près du locataire en difficulté et gèrent, au mieux, des dossiers d’impayés sans en assurer le suivi.

 L’intermédiation locative a été fortement développée depuis quelques années (cf. infra), mais essentiellement dans l’objectif de reloger les personnes, pas de prévenir les expulsions. Un dispositif est actuellement expérimenté en Seine-Saint-Denis, à une très petite échelle (70 logements).

 Afin de sécuriser les relations entre le locataire et le bailleur, l’accent a été mis sur la garantie des risques locatifs (GRL). Un premier dispositif de garantie contre les dégradations et les impayés locatifs a été créé en 2006, puis inscrit dans la loi en 2007. La loi « MOLLE » a confirmé le principe du dispositif de garantie des risques locatifs et en a fait l’une des catégories d’emploi des crédits d’Action Logement (1 % logement). Afin de toucher davantage de locataires, le dispositif financé par l’État ou par Action logement a été réformé en 2010 en abaissant fortement les critères d’accessibilité financière des locataires candidats et en supprimant leurs cautions. Le bilan dressé par l’association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL) montre que le nouveau dispositif, opérationnel depuis le 1er janvier 2010 a permis de couvrir plus de 300 000 baux à la fin 2011. Ce dispositif n’est pas très coûteux pour l’État puisque les 10 millions d’euros avancés début 2010 pour financer le fonds « GRL » n’ont pas été intégralement consommés à la fin de l’année 2011. En effet, moins de 5 % des baux couverts par la garantie ont connu un sinistre en 2010 et 2011.

Au total, à l’exception de la garantie des risques locatifs, les avancées en matière de prévention des expulsions semblent limitées. La forte croissance du nombre de procédures d’expulsion et de celui des expulsions effectives traduit un relatif échec des politiques de prévention mises en œuvre.

Nombre de

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Décisions de justice prononçant l’expulsion pour impayés ou défaut d’assurance

81 080

84 138

94 743

103 285

99 768

102 967

105 838

105 150

106 488

109 160

Décisions accordant le concours de la force publique

16 844

20 087

23 227

18 751

23 054

25 302

26 741

25 652

23 995

26 502

Source : Fondation Abbé Pierre, l’état du mal logement en France 2012

Le chantier de la prévention des expulsions est encore loin d’être achevé. On peut s’interroger sur la pertinence de la réglementation actuelle des expulsions locatives, en comparant leur coût social en termes d’hébergement et de désocialisation à celui des impayés de loyer.

2. Un développement moins rapide qu’espéré des alternatives à l’hébergement, passerelles vers le logement de droit commun

Afin de mieux répondre aux besoins des différents publics et de sortir de la logique de l’urgence, le développement des solutions intermédiaires a été promu par le précédent gouvernement.

a) La montée en puissance du « logement adapté »

Les solutions de « logement adapté » sont des logements qui diffèrent du logement social de droit commun en raison du public accueilli (personnes trop désocialisées ou aux ressources trop faibles) et des durées d’occupation (il s’agit généralement de logements temporaires). Les résidences sociales, qui procurent des logements individuels au sein de structures semi-collectives comportant des parties communes où peuvent se retrouver les résidents, offrent environ 90 000 logements à la fin de l’année 2011. Si l’on prend en compte les foyers de travailleurs migrants et les foyers de jeunes travailleurs qui n’ont pas opté pour le statut de résidence sociale, le logement adapté représente plus de 200 000 logements.

Les résidences sociales « classiques » qui proposent des logements temporaires, sont principalement financées par les redevances versées par les résidents, par les aides au logement et pas les subventions des collectivités locales. L’État participe au financement de l’investissement (sur le programme 135 « Développement et amélioration de l’offre de logement ») et peut être amené à subventionner le projet social de la résidence, via l’aide à la gestion locative sociale ou les crédits du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP).

Les pensions de famille (ou maisons-relais) sont des résidences sociales atypiques dont la particularité principale est l’absence de condition de durée de séjour pour le résident. Plus récentes (elles ont été généralisées en 2002), elles sont constituées le plus souvent de petites structures offrant un habitat durable à des populations diverses (désocialisation, faibles ressources, troubles psychologiques …) et ont vocation à assurer une mixité sociale. Toutefois, certaines d’entre elles, les résidences-accueil, ont été dédiées spécifiquement aux personnes souffrant de troubles psychiques et bénéficient d’un accompagnement social et sanitaire renforcé. Dans le cas des pensions de famille, l’État subventionne en partie les charges de personnel sur la base d’un montant forfaitaire par places. Toutes les pensions de famille s’appuient sur la présence en permanence d’un hôte (ou d’un couple d’hôtes) qui assure au quotidien l’accueil, l’animation et la gestion de la structure.

Le développement des résidences sociales, notamment des pensions de famille a été fortement mis en avant par la refondation. Des objectifs ambitieux ont été fixés pour créer des logements. Ainsi le plan d’action renforcé en faveur des sans-abri (PARSA) de 2007 prévoyait la création de 12 000 places de pensions de famille. Cet objectif a été porté à 15 000 places en 2009. L’offre a significativement augmenté. Les résidences sociales classiques sont passées de 51 000 logements fin 2004 à environ 80 000 logements à la fin 2011. Les pensions de famille offraient 10 350 places à la fin de l’année 2011, contre 3 800 places fin 2007.

 

Fin 2007

Fin 2008

Fin 2009

Fin 2010

Fin 2011

Nombre de places en maisons-relais / pensions de famille

3 799

6 249

7 909

9 212

10 348

Source : rapports annuels de performance

Toutefois les objectifs ne sont pas encore atteints. Les associations font part de difficultés à boucler les dossiers de financement en investissement. Outre le coût du foncier, elles soulignent que les subventions PLAI (prêts locatifs aidés d’intervention) ne financent pas suffisamment les parties communes des résidences sociales. Surtout, les acteurs du secteur font part de difficultés à couvrir les charges de fonctionnement des résidences. Les incertitudes sur la pérennité des financements de l’État seraient également un frein au développement de nouveaux projets.

b) L’accès au parc de logement privé facilité par le développement de l’intermédiation locative

Afin de mobiliser toutes les solutions de logement, l’intermédiation locative permet à des personnes qui ne pourraient pas assumer un loyer au prix du marché de bénéficier d’un « tarif social ». Depuis plusieurs années, des formes d’intermédiation locative ont été mises en place à l’initiative des associations (notamment dans le cadre des agences immobilières à vocation sociale), mais celles-ci s’avèrent difficiles à financer et très risquées pour les opérateurs en cas d’impayés. La Ville de Paris a été la première à vouloir sécuriser financièrement l’intermédiation grâce à l’opération « Louez solidaire ». L’État s’est largement inspiré de cette opération pour mettre en place le dispositif « Solibail » à compter de 2008. Avec ce dispositif, les frais de prospection immobilière, les charges de gestion locative, l’accompagnement social des occupants et, en cas de sous-location, le différentiel de loyer sont pris en charge par l’État ce qui sécurise les associations. Initié en Île-de-France, « Solibail » a été étendu à tout le territoire en 2011.

Les résultats du dispositif « Solibail » sont contrastés. Fin 2011, près de 6 000 logements étaient financés au titre de ce dispositif, ce qui constitue une réussite. On peut néanmoins déplorer que l’essentiel des logements gérés en « Solibail » le soient sous la forme juridique de la sous-location. Cette solution est la plus avantageuse pour le propriétaire, mais elle n’offre qu’une solution à court terme (trois mois renouvelables avec une durée maximale ne pouvant excéder dix-huit mois). Les associations, à qui revient la charge de reloger les occupants à la fin du bail, constatent qu’à l’issue des dix-huit mois, il est difficile de sortir du dispositif, faute d’alternative. Il conviendrait de davantage inciter financièrement à l’utilisation de la formule du « mandat de gestion », qui sécurise le locataire pour trois ans au minimum, en lui faisant bénéficier d’un contrat de location de droit commun. Enfin, l’intermédiation locative ne concerne pour le moment que le parc de logements privés. Il serait nécessaire d’élargir son périmètre aux bailleurs sociaux.

3. Une volonté de renforcer et personnaliser l’accompagnement social afin de fluidifier le parcours vers le logement

La refondation entend favoriser la fluidité tout au long du parcours des personnes prises en charge dans le dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion. Pour atteindre cet objectif, l’accent a été mis sur l’accompagnement social dans et vers le logement.

● Le renforcement de l’accompagnement social

À compter de 2009, ont été financées sur le programme 177 des mesures d’accompagnement social dans et vers le logement qui ne relèvent pas des compétences obligatoires de l’État. En effet, cet accompagnement a été confié aux conseils généraux lors de la décentralisation de la gestion des crédits du fonds de solidarité logement en 1990. Trois objectifs guident l’action de l’État dans la mise en œuvre de ces mesures :

– accompagner vers le logement les ménages fragiles dans la recherche d’un logement adapté à leur situation ;

– accompagner lors du relogement en facilitant l’installation dans le logement et son environnement et en assurant également le suivi des démarches administratives (assurance, compteur, ouverture des droits à l’aide personnalisée au logement) ;

– accompagner dans le logement pour prévenir ou gérer les incidents de parcours, qui peuvent apparaître (retard de paiement de loyer et/ou de charges liées au logement afin d’éviter la spirale de l’endettement, troubles de voisinage…).

Les mesures d’accompagnement ont coûté 14,75 millions d’euros en 2011, pour un coût moyen par famille de 1 600 euros. Renforcer l’accompagnement social est une nécessité, mais en dépit des questions écrites posées à la ministre, il n’est pas possible d’appréhender les prestations d’accompagnement social effectivement financées (nature, publics, structures concernées). Les associations déplorent une certaine opacité sur ces crédits, qui financeraient des prestations très hétérogènes en fonction des départements, sans lien avec les mesures par ailleurs proposées par les conseils généraux.

● Une fluidité qui se heurte à la difficulté de sortir vers le logement

Dans le contexte actuel, la sortie des centres d’hébergement ou des logements adaptés n’est pas aisée face à la pénurie de logements très sociaux dans les zones tendues. L’indicateur de performance qui indique le taux de sortie vers un logement (y compris vers un logement adapté) des personnes hébergées en CHRS ne s’est malheureusement pas amélioré en 2011 à 48,8 % (49,2 % en 2010, 63,3 % en 2009).

Pour les familles à faibles revenus, le coût du logement social reste actuellement trop élevé. Les associations soulignent que le parc social neuf, même pour les logements très sociaux, n’est pas accessible financièrement aux travailleurs « pauvres ». Quel que soit le rythme de construction des logements sociaux, les effets sur les publics en hébergement ou logement adapté resteront marginaux. Pour ces publics il faut essentiellement s’orienter sur le parc existant en essayant de diminuer le reste à charge. Les associations ne prônent pas une hausse de l’aide personnalisée au logement (APL), car elles craignent un effet inflationniste sur les loyers. Toutefois, elles considèrent que cette aide devrait prendre davantage en compte les charges locatives qui pèsent lourd sur les budgets des plus fragiles. Par ailleurs, il serait souhaitable que l’APL soit « sanctuarisée », c’est-à-dire qu’elle ne puisse plus être saisie pour récupérer des indus d’autres prestations versées par les caisses d’allocations familiales, comme c’était la règle avant 2010. Dans le parc de logements sociaux, une différenciation accrue des loyers en fonction des revenus serait souhaitable, pour permettre un accès des plus démunis à un logement de droit commun.

Face aux tensions actuelles, il faut répondre à l’urgence en créant des places d’hébergement, notamment en pérennisant les places supplémentaires ouvertes pendant l’hiver. Malheureusement, le projet de loi de finances pour 2013, en s’ajustant sur les dépenses constatées en 2011, ne dégage pas de marge de manœuvre pour financer un accroissement de l’offre. Mais l’augmentation de l’offre de places d’hébergement ne suffit pas. Pour désengorger le dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans-abri et mal logées, une augmentation du nombre de sorties vers le logement est également indispensable. Or, les ménages hébergés ou en logement adapté, qui cherchent à accéder à un logement de droit commun, se trouvent de plus en plus « en concurrence » avec les publics relevant du droit au logement opposable. Il convient donc de mobiliser tous les logements disponibles et de construire de nouveaux logements sociaux. Les engagements du Président de la République de créer 15 000 places d’hébergement sur cinq ans et 150 000 logements sociaux par an doivent donc être tenus.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement et de M. François Lamy ministre délégué chargé de la ville (6), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2013 du programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » sur le rapport de M. Jean-Louis Roumégas.

Article 46 : État B – Mission « Égalité des territoires, logement et ville »

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. Je demande l’avis du rapporteur pour avis sur les crédits du programme 177 pour 2013.

M.  Jean-Louis Roumégas, rapporteur pour avis. Je donne un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 177 de la mission « Égalité des territoires, logement et ville », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 46.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) – M. Jacques Dupoyet, président, et M. Gilles Desrumaux, délégué général,

Ø Emmaüs France – M. Bruno Morel, directeur général Emmaüs Solidarité – Mme Marie-Hélène Le Nedic, directrice-adjointe du pôle social, Emmaüs Alternatives,

Ø Samu social de Paris – M. Éric Molinié, président, et Mme Stefania Parigi, directrice générale,

Ø Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) – Mme Jeanne Dietrich, conseillère technique emploi / logement, pôle lutte contre les exclusions, Mme Juliette Laganier, déléguée nationale Croix-rouge française pour la lutte contre les exclusions, M. Pascal Turpin, délégué général de la fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement (FAPIL),

Ø Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées – M. Alain Régnier, préfet, délégué interministériel,

Ø Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) – M. Gilles Pierre, vice-président, M. François Bregou, responsable du service stratégie et analyse des politiques publiques et Mme Marion Lignac, chargée de mission « analyse juridique »,

Ø Direction générale de la cohésion sociale – Mme Sabine Fourcade, directrice générale.

© Assemblée nationale

1 () Source : Direction générale de la cohésion sociale.

2 () Rapport d’évaluation de la politique de l’hébergement des personnes sans domicile, décembre 2011.

3 () Rapport sur le bilan de la mise en œuvre des services intégrés d’accueil et d’orientation, février 2012

4 () Source : Direction générale de la cohésion sociale.

5 () La construction d’une instance nouvelle de prévention des expulsions : la mise en place des CCAPEX, 25 janvier 2012

6 () Cf. compte-rendu de la commission élargie du 24 octobre 2012 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2013/commissions_elargies/cr/