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N° 255

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME II

SANTÉ

Par Mme Bernadette LACLAIS,

Députée.

___

Voir les numéros : 235, 251 (annexe n° 42).

INTRODUCTION 5

I.- LA PRÉSERVATION DES CRÉDITS DE LA SANTÉ DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT 6

A. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA PRÉVENTION, DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE ET DE L’OFFRE DE SOINS 7

1. La volonté d’un pilotage plus ferme de la politique de santé publique 7

2. La rationalisation des dépenses de prévention 7

a) Un effort d’efficience de la dépense consacrée à l’égal accès à la santé 8

b) Le maintien des moyens dédiés à la prévention des risques 8

c) Le soutien à la politique régionale de prévention 9

3. Les moyens consacrés aux urgences et à la sécurité sanitaires 10

a) L’optimisation de la gestion des urgences et des crises sanitaires 10

b) Les moyens en faveur de la sécurité des médicaments : une phase de transition ? 10

4. L’ajustement du soutien à la modernisation de l’offre de soins 11

B. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA PROTECTION MALADIE 11

1. Des mesures pour consolider l’accès à la protection maladie complémentaire 12

2. Une maîtrise des crédits consacrés à l’aide médicale de l’État, conjuguée à une amélioration de l’accès aux soins 12

3. La prise en compte des réserves importantes du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante 13

II.- LA MISE EN œUVRE DE LA RÉFORME DE L’AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ DU MÉDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTÉ 14

A. LE DIFFICILE CHANTIER DE LA RÉNOVATION 14

1. Une réorganisation profonde dans un calendrier serré 15

a) Le double objectif de la réorganisation : renforcer la sécurité des patients et garantir la transparence, l’indépendance et la cohérence des décisions 15

b) Un calendrier chargé 17

2. Un impact humain et matériel important 18

a) L’inquiétude des personnels 18

b) Les conséquences matérielles de la reconfiguration 20

3. Une poursuite de l’accomplissement des missions malgré tout 21

B. DES MESURES ÉNERGIQUES POUR RENFORCER L’AUTORITÉ DE L’AGENCE 22

1. Une gouvernance rénovée, reposant sur une expertise interne renforcée 22

a) Une gouvernance rénovée 22

b) La revalorisation de l’expertise interne 23

2. Des exigences sévères en matière de déontologie et de transparence 24

a) De nouvelles exigences à l’égard des experts externes, étendues aux experts internes 24

b) Des moyens renforcés spécifiquement consacrés à la déontologie 26

c) Un effort important de transparence et de communication 27

C. L’ADAPTATION DE LA STRATÉGIE AUX ENJEUX DE SANTÉ PUBLIQUE 28

1. La nécessité d’une tutelle plus affirmée 28

2. Un renforcement de la surveillance du marché qui suppose de définir des priorités 29

a) La réévaluation des médicaments déjà sur le marché 29

b) L’encadrement des utilisations hors autorisation de marché 30

c) Le renforcement de la pharmacovigilance 31

3. Un champ de compétences très étendu qui pose la question des moyens 32

4. Le soutien à une recherche indépendante 33

5. Une place dans l’Europe à conforter ? 34

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 37

ANNEXE 1 : ORGANIGRAMME DE L’ANSM 38

ANNEXE 2 : CHAMP DES INCOMPATIBILITÉS S’APPLIQUANT AUX EXPERTS DE L’ANSM 39

ANNEXE 3 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 40

INTRODUCTION

Les crédits de la mission « Santé » s’élèvent à près de 1,3 milliard d’euros. Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, leur légère régression par rapport à l’année 2012 répond principalement à un objectif d’efficience et de rationalisation de la dépense publique. Ciblée sur quelques marges, cette évolution ne devrait pas obérer les actions et le fonctionnement des structures concourant à la santé et la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

Après une brève présentation des principales orientations budgétaires retenues pour 2013, votre rapporteure pour avis a souhaité centrer ses travaux sur les conditions de mise en œuvre de la réforme de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). L’année 2010 a été marquée par l’affaire dite du Mediator. L’année 2011 a été consacrée à la réflexion sur la réforme du système de sécurité des produits de santé, ainsi qu’à l’adoption de cette réforme par le législateur, grâce notamment aux travaux de la commission des affaires sociales de notre Assemblée et l’engagement particulier de MM. Gérard Bapt, Jean-Pierre Door, Arnaud Robinet ainsi que de Mme Catherine Lemorton, qu’il convient de saluer. Il a semblé opportun, en cette fin d’année 2012, de faire le point sur les conditions pratiques de la mise en œuvre de cette réforme et d’établir un bilan d’étape.

Comment l’ancienne Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a-t-elle procédé à sa transformation ? Des difficultés ont-elles été rencontrées ? À quels enjeux cette instance essentielle pour la sécurité sanitaire de nos concitoyens devra-t-elle faire face à l’avenir ? Les diverses auditions auxquelles a procédé votre rapporteure pour avis permettent de dégager quelques réponses, qui ne prétendent pas être définitives compte tenu du caractère très récent de la « mise en ordre de bataille » de la nouvelle agence.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 73 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteure pour avis.

I.- LA PRÉSERVATION DES CRÉDITS DE LA SANTÉ DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT

Évolution des moyens dédiés à la mission « Santé »

(En milliers d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé du programme et de l’action

LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2013/2012

LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2013/2012

204 – Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

738 272

701 208

- 5 %

738 272

701 208

- 5 %

11 – Pilotage de la politique de santé publique

83 944

85 645

+ 2 %

83 944

85 630

+ 2 %

12 – Accès à la santé et éducation à la santé

30 721

25 910

- 15,7 %

30 721

26 080

- 15,1 %

13 – Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins

9 735

9 820

+ 0,9 %

9 735

9 820

+ 0,9 %

14 – Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

67 278

66 660

- 0,9 %

67 278

66 490

- 1,2 %

15 – Prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation

21 641

21 550

- 0,4 %

21 641

21 550

- 0,4 %

16 – Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires

27 263

20 370

- 25,3 %

27 263

20 370

- 25,3 %

17 – Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain

161 421

150 345

- 6,9 %

161 421

150 360

- 6,9 %

18 – Projets régionaux de santé

182 465

150 037

- 17,8 %

182 465

150 037

- 17,8 %

19 – Modernisation de l’offre de soins

153 804

170 871

+ 11,1 %

153 804

170 871

+ 11,1 %

183 – Protection maladie

638 003

588 000

- 7,8 %

638 003

588 000

- 7,8 %

01 – Accès à la protection maladie complémentaire

0

0

0

0

02 – Aide médicale de l’État

588 000

588 000

0 %

588 000

588 000

0 %

03 – Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

50 003

0

- 100 %

50 003

0

- 100 %

Total Mission Santé

1 376 275

1 289 208

- 6,3 %

1 376 275

1 289 208

- 6,3 %

Source : Projet annuel de performance de la mission « Santé », projet de loi de finances pour 2013.

A. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA PRÉVENTION, DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE ET DE L’OFFRE DE SOINS

Les crédits du programme n° 204 s’élèvent à 701,2 millions d’euros, soit, par rapport à 2012, une baisse de 5 % qui traduit l’effort consenti en termes de rationalisation de la dépense.

1. La volonté d’un pilotage plus ferme de la politique de santé publique

Les moyens dédiés à l’action n° 11 « Pilotage de la politique de santé publique » augmentent d’environ 2 % en crédits de paiement et autorisations d’engagement, pour atteindre 85,5 millions d’euros.

Cette progression, dans un cadre budgétaire contraint, traduit la volonté du Gouvernement de mettre en place un pilotage plus ferme de la politique de santé publique. Celle-ci, aujourd’hui caractérisée par un empilement, voire un enchevêtrement de plans thématiques, ne dégage pas de priorités claires, en nombre limité.

Le projet de loi de finances constitue la première étape de la construction d’une stratégie nationale de santé en 2013. Les moyens de l’action n° 11 sont, pour une large part, consacrés à la subvention pour charges de service public allouée à l’Institut de veille sanitaire (InVS), qui progresse sensiblement pour atteindre 55,6 millions d’euros contre 53,9 millions d’euros en loi de finances pour 2012. Cette augmentation correspond à l’essentiel de l’accroissement des moyens alloués à l’action. Celui-ci ne doit donc pas être interprété comme une reconcentration de moyens qui serait opérée au détriment des actions locales de santé publique. Il correspond, en réalité, au renforcement de la dotation allouée à un opérateur chargé de la surveillance de l’état de santé de la population, ce qui constitue un préalable essentiel à la définition des futures priorités de notre politique de santé publique.

La subvention pour charges de service public versée, au titre de l’action n° 11, à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) s’élève, pour sa part, à 10,6 millions d’euros, contre 11 millions d’euros en 2012. Cette quasi-reconduction des moyens devrait permettre à l’école de poursuivre la modernisation de sa gestion et conforter son offre de formation universitaire ainsi que ses activités de recherche en santé publique.

2. La rationalisation des dépenses de prévention

S’inscrivant dans le fil d’observations récentes de la Cour des comptes (1), le projet de loi de finances promeut une logique d’efficience des dépenses de prévention, tout en consacrant l’importance de ces dernières en période de crise.

a) Un effort d’efficience de la dépense consacrée à l’égal accès à la santé

Les moyens consacrés à la promotion de l’égal accès à la santé (action n° 12) sont, pour l’essentiel, constitués par la subvention pour charges de service public attribuée à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). D’un montant de 24,2 millions d’euros contre 29 millions d’euros en 2012, elle diminue de 16,5 %.

L’institut participe ainsi à l’effort de maîtrise des dépenses des opérateurs de l’État, mais il convient de le mettre en perspective. Le niveau du fonds de roulement prévisionnel de l’institut au 31 décembre 2012 s’élève à près de 25 millions d’euros, soit l’équivalent de trois mois de dépenses de fonctionnement. En outre, la gestion administrative et financière de l’institut était perfectible car caractérisée par une sous-exécution budgétaire.

La dotation prévue s’inscrit dans les orientations stratégiques définies par le contrat d’objectifs et de performance de l’établissement pour la période 2012-2014, en particulier le renforcement de son efficience. Cela passe par une optimisation de sa fonction d’achat, un affinement de sa politique de subvention, des évolutions organisationnelles et la mutualisation de ses moyens logistiques avec ceux d’autres agences sanitaires.

b) Le maintien des moyens dédiés à la prévention des risques

Les crédits consacrés à la prévention des risques sanitaires sont regroupés dans les actions n°s 13, 14 et 15 du programme n° 204. Leur montant est globalement reconduit : ils passent de 98,6 millions d’euros en 2012 à 98 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2013. Ce maintien mérite d’être salué. En effet, en période budgétaire tendue, la facilité aurait consisté à réduire fortement des dépenses dont l’impact n’est souvent visible qu’à moyen terme. Leur sacrifice peut toutefois avoir des conséquences lourdes en termes de santé publique (recrudescence de maladies contagieuses et chroniques notamment). C’est donc un choix courageux et responsable qui a été fait.

 En matière de prévention des risques infectieux, l’enveloppe de 7,44 millions d’euros attribuée en 2012, en autorisations d’engagement et crédits de paiement, à la lutte contre le virus de l’immuno-déficience humaine (VIH), les infections sexuellement transmissibles et les hépatites est reconduite. La lutte anti-vectorielle, qui revêt une importance particulière pour les collectivités ultra-marines, disposera d’environ 1 million d’euros pour mener des actions de surveillance et de recherche. Un montant similaire sera consacré à la prévention de la tuberculose, maladie dont la progression chez les populations les plus défavorisées est préoccupante, ainsi qu’aux actions accompagnant le programme national d’amélioration de la politique vaccinale.

 Les moyens en faveur de la prévention des maladies chroniques et la qualité de vie des malades sont, pour l’essentiel, consacrés à la subvention pour charges de service public de l’Institut national du cancer (INCa). Son maintien, à hauteur de 55,7 millions d’euros, devrait permettre à l’établissement de participer à la dernière année de mise en œuvre du plan cancer pour la période 2009-2013 et d’évaluer les actions entreprises, en vue de la définition d’une nouvelle stratégie de lutte contre le cancer.

 La prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation est dotée de 21,5 millions d’euros, soit une quasi-reconduction des crédits alloués en loi de finances pour 2012. Près des deux tiers sont dédiés à la subvention pour charges de service public de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), à hauteur de 13,7 millions d’euros.

La dotation de l’agence au titre du programme n° 204 est ainsi reconduite (2), ce qui témoigne de l’importance accordée par le Gouvernement aux problématiques de santé environnementale et de veille sanitaire. Elle disposera en outre d’effectifs renforcés : 1 332 emplois seront rémunérés par l’opérateur en 2013, contre 1 323 en 2012. Cette évolution favorable permettra à l’agence de travailler sur des problématiques particulièrement complexes et sensibles, trop souvent sources de polémiques, qui nécessitent de disposer d’une expertise scientifique solide et incontestable pour éclairer les pouvoirs publics.

c) Le soutien à la politique régionale de prévention

La création du Fonds d’intervention régional (FIR), entré en vigueur le 1er mars 2012, permet désormais de regrouper en son sein les crédits d’intervention du programme n° 204 relevant de la prévention, la promotion de la santé, la veille et la sécurité sanitaires alloués aux agences régionales de santé. Celles-ci reçoivent également, par l’intermédiaire du FIR, la contribution des trois régimes d’assurance maladie au titre de leurs fonds de prévention.

Les crédits d’intervention attribués aux agences régionales de santé s’élèvent, dans l’action n° 18 « Projets régionaux de santé », à 150 millions d’euros, contre 182,5 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2012, soit une baisse de 17,8 %.

Cette réduction ne doit pas laisser croire que les actions de prévention menées localement seraient sacrifiées. Elle s’explique, plus prosaïquement, par une opération de « débasage » des crédits du FIR. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoit en effet qu’une partie des nouvelles ressources fiscales à vocation « comportementale » (droits sur les tabacs et les bières) sera affectée à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Ces nouvelles ressources devraient permettre de financer les actions de prévention soutenues par les agences régionales de santé, à hauteur de 35,6 millions d’euros. Il conviendra évidemment d’être vigilant quant à l’effectivité de ce financement.

3. Les moyens consacrés aux urgences et à la sécurité sanitaires

a) L’optimisation de la gestion des urgences et des crises sanitaires

L’essentiel des crédits de l’action n° 16 est constitué de la subvention pour charges de service public de l’Établissement public de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). Elle s’élève à 19,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, contre 26,3 millions d’euros en loi de finances pour 2012, soit une baisse de 26 %.

Cette diminution ne traduit pas un désengagement de l’État de la gestion des urgences sanitaires. Elle prend simplement acte du plan rationalisé de renouvellement des stocks stratégiques de produits de santé de l’établissement. Ce plan repose sur un programme d’achats pluriannuel lissant les acquisitions sur plusieurs exercices, par un étalement des commandes sur la période de validité maximale des produits, afin de fractionner dans le temps les dates de péremption et garantir à tout moment la disponibilité de produits valides.

Les prévisions de dépenses de l’établissement liées aux produits de santé, pour 2013, s’élèvent à 26,5 millions d’euros. La contribution des régimes obligatoires d’assurance maladie étant fixée à 22,2 millions d’euros par l’article 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, l’établissement devrait disposer des moyens nécessaires pour mener à bien ses missions.

b) Les moyens en faveur de la sécurité des médicaments : une phase de transition ?

La seconde partie du présent rapport portant sur les conditions de mise en œuvre de la réforme de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, la question des moyens de cet établissement ne sera que brièvement évoquée ici. Le projet de loi de finances porte sa subvention pour charges de service public à 128,5 millions d’euros, contre 134,9 millions d’euros en 2012. Son plafond d’emplois est maintenu à 1 003 équivalents temps plein, mais le nombre d’emplois hors plafond passe de 16 en loi de finances pour 2012 à 6 dans le projet de loi de finances pour 2013.

L’agence ne doit certes pas s’exonérer des efforts demandés en matière de régulation de la dépense publique et de maîtrise des effectifs, mais la réduction de ses moyens intervient alors qu’elle doit assurer la montée en charge des missions qui lui ont été attribuées en application des nouvelles règles européennes de pharmacovigilance (3) et par la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. L’agence, comme on le verra plus loin, traverse une phase de transition. Ses moyens semblent suivre la même voie, dans l’attente de la consolidation de sa réorganisation qui devrait lui permettre de gagner en efficience.

4. L’ajustement du soutien à la modernisation de l’offre de soins

Les moyens de l’action n° 19 progressent nettement, de plus de 11 % en autorisations d’engagement et crédits de paiement, pour s’établir à près de 171 millions d’euros. Cette augmentation est largement imputable à une modification du périmètre de l’action car les crédits alloués à l’agence de santé de Wallis-et-Futuna y sont désormais intégrés, pour près de 26 millions d’euros. À périmètre constant, les crédits consacrés à la modernisation de l’offre de soins diminuent de près de 5,8 %.

Cette évolution tient à plusieurs facteurs. Le premier d’entre eux est la révision, à la baisse, des crédits d’intervention destinés aux agences régionales de santé pour contribuer à la formation médicale initiale. Ils devraient néanmoins permettre de financer davantage de stages que l’année précédente : 12 000, contre 10 000 en 2012, comme le montre le projet annuel de performances qui souligne que la dotation prévue tient compte de l’évolution du numerus clausus établi pour les études médicales. L’ajustement des moyens s’explique en grande partie par une montée en puissance du dispositif plus progressive que prévu lors des années précédentes en raison, notamment, du manque de maîtres de stage.

Les crédits consacrés à la modernisation de l’offre de soins recouvrent, par ailleurs, diverses subventions pour charges de service public. Celle accordée à la Haute Autorité de santé (HAS) s’élève à 7,2 millions d’euros. Elle régresse ainsi légèrement par rapport à celle prévue pour 2012, mais le montant des taxes affectées à la Haute Autorité avait été réévalué en loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. La subvention allouée à l’Agence technique de l’information et de l’hospitalisation (ATIH), d’un montant de 3,4 millions d’euros, est quasiment reconduite. Celle prévue pour le Centre national de gestion (CNG) diminue pour s’établir à 3,4 millions d’euros, mais on doit rappeler que la subvention de l’État représente moins de 10 % des ressources du centre qui est majoritairement financé par une dotation de l’assurance maladie et une contribution des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux.

B. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA PROTECTION MALADIE

Les moyens dédiés au programme « Protection maladie » diminuent de 7,8 % par rapport à ceux prévus en loi de finances pour 2012. Cette évolution tient, d’une part, à la maîtrise des dépenses consacrées à l’aide médicale de l’État et, d’autre part, à l’absence de dotation du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA).

1. Des mesures pour consolider l’accès à la protection maladie complémentaire

Comme dans les précédents projets de loi de finances, l’action n° 1 « Accès à la protection maladie complémentaire » n’est pas dotée dans le présent projet de budget. On est pourtant loin d’une reconduction de l’existant : il convient de dépasser une lecture rapide des crédits de la mission « Santé » pour mesurer l’effort consenti en vue d’assurer un accès large tant à la couverture maladie universelle complémentaire (CMUc) qu’à l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire de santé (ACS), financées par le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (Fonds CMU).

Rappelons que dans le système actuel, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), gestionnaire principale de la CMU complémentaire, est remboursée par le Fonds CMU sur la base d’un forfait et non sur celle des dépenses réellement engagées. Il en résulte un reste à charge important : 311 millions d’euros en 2012, soit le double de celui constaté en 2009. Il est prévu qu’il atteigne 372 millions d’euros en 2013. Les mesures déjà prises pour tenter de réduire ce reste à charge se sont révélées insuffisantes. L’affectation des réserves du fonds a permis d’alléger la charge pesant sur la CNAMTS, sans pour autant la supprimer.

Au vu de cette situation dégradée, l’article 38 du projet de loi de finances vise à consolider le financement de la CMU complémentaire et de l’ACS en prévoyant que seront désormais également affectés au Fonds CMU les produits des taxes perçues sur les boissons à sucre ajouté et celles contenant des édulcorants, soit environ 367 millions d’euros en 2013. Cette mesure est complétée par l’article 21 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 qui améliore les modalités de remboursement de la CNAMTS par le Fonds CMU. Le financement de la CMU complémentaire devrait ainsi être sécurisé, et l’accès à ce dispositif essentiel en matière d’accès à la santé, garanti.

2. Une maîtrise des crédits consacrés à l’aide médicale de l’État, conjuguée à une amélioration de l’accès aux soins

La précédente majorité a pris un certain nombre de mesures destinées tant à restreindre le champ des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME), qu’à réduire le panier de soins auquel elle ouvre droit. L’opposition de l’époque avait fait valoir qu’elles se révéleraient aussi néfastes, en termes de santé publique, qu’elles étaient injustes sur le plan des principes. L’expérience a montré la justesse de cette analyse. Alors que les effectifs des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État ont très nettement diminué en 2011 (de 8,4 %), les dépenses ont, pour leur part, augmenté de 4,9 %, en raison notamment de reports de soins qui se sont traduits par une aggravation des pathologies et donc du coût des soins.

Fort heureusement, l’actuelle majorité a abrogé ces dispositions, tout aussi inutiles que contreproductives sur le plan de la santé publique, dans le cadre de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Il n’est pas pour autant attendu « d’explosion » de la dépense au titre de l’aide médicale de l’État. L’action n° 2 qui y est consacrée est dotée de 588 millions d’euros, soit le même montant qu’en loi de finances pour 2012. La maîtrise de la dépense est notamment liée à la modification du mode de tarification des séjours à l’hôpital public des bénéficiaires de l’aide : cette mesure devrait permettre une économie de plus de 100 millions d’euros. Le présent projet de loi de finances est donc la démonstration qu’il est possible de maîtriser la dépense publique, tout en garantissant l’accès aux soins des plus démunis.

3. La prise en compte des réserves importantes du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

L’action n° 3 « Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante » n’est pas dotée dans le projet de loi de finances, en raison des réserves importantes du fonds. Celles-ci devraient en effet s’élever à 337 millions d’euros à la fin de l’année 2012. Le fonds devrait en outre disposer, en application de l’article 69 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, d’une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de 115 millions d’euros. Les autres produits du fonds devraient s’élever à 80 millions d’euros. Compte tenu des prévisions de dépenses du fonds pour 2013 (390 millions d’euros), son résultat cumulé à la fin de l’année 2013 devrait s’établir à 142 millions d’euros.

Le fonds devrait donc disposer de moyens suffisants pour mener à bien ses missions.

II.- LA MISE EN œUVRE DE LA RÉFORME DE L’AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ DU MÉDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTÉ

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vit aujourd’hui une période de transition, près d’un an après l’adoption, dans un contexte de crise, de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Elle s’est engagée dans une réorganisation d’ampleur et a entrepris de modifier en profondeur son mode de fonctionnement et de gouvernance. Votre rapporteure pour avis est consciente que les constats qu’elle dresse sont sans doute, pour l’essentiel, temporaires. Il est néanmoins instructif de se pencher sur les modalités de mise en œuvre de cette réforme, ne serait-ce que pour éclairer notre Assemblée sur les conséquences concrètes d’une réforme qu’elle a récemment adoptée.

Pour éclairer ses travaux, votre rapporteure pour avis a entendu de multiples acteurs du système de santé concernés par la réforme de l’agence : représentants des associations de patients et des industries pharmaceutiques, ordres des professions de santé, ministère chargé de la santé, présidente du conseil scientifique et, bien évidemment, membres de l’agence. Elle souhaite tout particulièrement remercier le professeur Dominique Maraninchi, directeur général de l’agence, ainsi que les membres de son personnel – directeurs, personnels d’encadrement et représentants syndicaux – pour la disponibilité dont ils ont fait preuve lors de leurs auditions respectives, dans une période très chargée, marquée par le déménagement de près de 700 personnes et la prise de leurs nouvelles fonctions par les agents.

A. LE DIFFICILE CHANTIER DE LA RÉNOVATION

C’est au mois de février 2011 que le professeur Dominique Maraninchi a été nommé directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Il lui est donc revenu de conduire la transformation de celle-ci, qui traversait une véritable crise, en Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Cette transformation n’a été juridiquement effective qu’avec la publication du décret n° 2012-597 du 27 avril 2012 relatif à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Mais la rénovation de l’agence a été engagée plus tôt, avant même l’adoption de la loi du 29 décembre 2011 précitée. Il fallait, en effet, tirer les conséquences des dysfonctionnements constatés et rétablir, au plus vite, la confiance dans cette structure fortement ébranlée par l’affaire dite du Mediator. Une réforme, longue et difficile, a alors été menée pour aboutir très récemment, le 3 octobre dernier, à la mise en place de la nouvelle organisation de l’agence.

1. Une réorganisation profonde dans un calendrier serré

a) Le double objectif de la réorganisation : renforcer la sécurité des patients et garantir la transparence, l’indépendance et la cohérence des décisions

 Les dysfonctionnements constatés

Comme l’a indiqué le professeur Dominique Maraninchi à votre rapporteure pour avis, le premier diagnostic porté sur l’agence laissait penser que l’essentiel de ses dysfonctionnements concernait sa direction de l’évaluation des médicaments et des produits biologiques. Le problème était en réalité plus large. À la fin de l’année 2011, l’affaire Poly Implant Prothèse (PIP) a, selon le directeur général de l’agence, permis de mettre en évidence un problème, plus large et structurel, de mauvais partage de l’information. Il convenait d’en tirer les conséquences en recherchant une articulation plus étroite entre évaluation, inspections et contrôles et en décloisonnant les services de l’agence.

L’agence devait également rétablir la confiance dans son processus décisionnel. Celui-ci était considéré comme opaque et son indépendance posait question. Le professeur Dominique Maraninchi a rapidement énoncé un principe directeur destiné à orienter ses décisions : préserver la sécurité des patients en garantissant l’indépendance et la transparence du processus de prise de décision, soutenu par une expertise renforcée. En l’absence de feuille de route établie par le législateur, l’agence a donc travaillé, de mars à décembre 2011, selon ce principe. Le besoin était pressant d’illustrer la volonté d’indépendance et de transparence des décisions, d’où des mesures comme la publicité des réunions de la commission d’autorisation de mise sur le marché avec diffusion des verbatim sur internet, ou encore l’entreprise de réévaluation du rapport bénéfices/risques des médicaments déjà sur le marché.

Les défaillances constatées en matière de pharmacovigilance ont conduit à envisager un renforcement de la surveillance des produits de santé sur le marché. Il semblait en effet indispensable de connaître la totalité de la vie des produits, des premiers essais cliniques à leur utilisation « en vie réelle », sur de larges populations.

Il fallait enfin garantir la cohérence des 80 000 décisions de police sanitaire prises chaque année, reposant sur la mise en œuvre de multiples compétences. Le cloisonnement qui prévalait était susceptible de créer des risques. L’agence devait disposer de tous les leviers et de toutes les informations disponibles pour prendre les décisions les plus efficaces.

Ces constats ont conduit à une profonde réorganisation de l’ANSM qui a abouti le 3 octobre dernier, avec pour objectif d’améliorer son efficacité dans l’accomplissement de ses deux missions : l’accès à l’innovation et la sécurité sanitaire au service des patients.

 Le choix d’une organisation matricielle

Il a été opté pour une organisation matricielle (voir annexe I), destinée à assurer un suivi transversal et partagé des dossiers et une gestion optimisée des ressources. Elle repose sur cinq directions « métiers » déclinées en pôles thématiques et huit directions « produits » qui fourniront un travail multidisciplinaire. Travailleront ainsi conjointement, sur les mêmes classes de produits, tout au long de leur cycle de vie, notamment des médecins, des pharmaciens et des juristes. La direction chargée de la qualité, des flux et des référentiels constituera la porte d’entrée unique de tous les documents et assurera le suivi du traitement de tous les dossiers.

Le professeur Dominique Maraninchi a reconnu que plusieurs mois seraient sans doute nécessaires pour optimiser le fonctionnement de cette nouvelle organisation. Il s’est néanmoins déclaré convaincu qu’en s’appuyant sur les métiers et compétences dont l’agence dispose, elle permettrait au processus décisionnel de gagner en efficacité et de renforcer la sécurité des produits. Il a ainsi attiré l’attention sur la création d’une direction de la surveillance à effectifs renforcés, totalement transversale, qui surveillera aussi bien les médicaments que les dispositifs médicaux ou les produits sanguins. L’agence a par ailleurs créé un pôle d’épidémiologie des produits de santé qui devrait lui permettre de mener des études de pharmaco-épidémiologie sans faire appel à une expertise externe ou à l’industrie pharmaceutique. La montée en puissance de cette activité sera probablement longue, mais il s’agit d’un investissement à long terme.

 Un choix qui suscite des réactions contrastées

Les personnes entendues par votre rapporteure pour avis ont émis des avis contrastés quant à la pertinence du choix d’une organisation matricielle. Mme Annick Alpérovitch, nouvelle présidente du conseil scientifique de l’agence, a jugé le schéma retenu rationnel et séduisant, de même que Mme Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens.

Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), ainsi que Les Entreprises du Médicament (LEEM) se sont montrés plus dubitatifs, en faisant remarquer que les organisations matricielles n’avaient pas, pour l’heure, fait la preuve de leur efficacité dans les structures où elles avaient été mises en œuvre. Ils ont néanmoins noté qu’il était peut-être utile d’adopter un tel schéma pour rompre avec le mode de fonctionnement antérieur.

Les plus grandes réserves ont été émises par les représentants syndicaux du personnel qui ont douté que l’organisation retenue soit adaptée à une structure exerçant une activité scientifique et investie d’un pouvoir de police sanitaire. Soulignant que les personnels n’avaient jamais été opposés à une réforme interne de l’agence et que des problèmes existaient effectivement en matière d’évaluation et de surveillance, ils ont estimé que la réforme était allée beaucoup trop loin en prévoyant une réorganisation totale de l’agence.

L’opportunité d’une réforme de l’activité de contrôle de l’agence et des fonctions support, comme celle de la création, au sein des directions, de pôles thématiques, n’ont pas été comprises. Des inquiétudes quant à la définition des métiers et des produits, jugée trop floue, ont été émises. La crainte d’un fonctionnement trop complexe et d’un défaut de coordination a aussi été exprimée.

En réponse à ces observations, le professeur Dominique Maraninchi a fait valoir qu’il existerait forcément des « zones de frottement » dans l’organisation matricielle entre directions métiers et directions produits, mais que celles-ci se révéleraient, en pratique, sources de synergies et, in fine, de solutions : le visa d’une autorisation d’essai clinique par le service juridique devrait, par exemple, éviter des contentieux ultérieurs.

Enfin, le positionnement des laboratoires de contrôle dans la nouvelle organisation semble poser question. Le directeur général a insisté sur leur caractère indispensable pour mener des contrôles indépendants. Alors qu’ils exerçaient une fonction de « laboratoires de service public » auxquels pouvaient recourir d’autres administrations, ils travailleront désormais de manière intégrée sur les produits suivis par l’agence, en fonction d’un programme de travail. Cela suppose un nouveau mode de fonctionnement qui a pu être mal accepté.

b) Un calendrier chargé

Des impatiences ont pu apparaître, certaines personnes auditionnées ayant souligné que cela faisait maintenant plus d’un an qu’on attendait la « mise en état de marche » de l’ANSM. Le LEEM a ainsi déploré un manque de visibilité : à la date de son audition, le 10 octobre dernier, le nouveau conseil d’administration de l’agence ne s’était toujours pas réuni et certains postes, comme celui de directeur de l’évaluation, n’étaient toujours pas pourvus. Le CISS a également regretté la lenteur de la mise en place de la nouvelle agence.

Si l’on peut comprendre cette impatience, peut-être due aussi à une perte de repères, on ne doit pas minimiser le travail qu’a représenté la réorganisation complète de l’agence, à la suite d’une succession de décisions dans un calendrier très contraint. Il est même assez spectaculaire qu’un tel changement ait pu être mené dans un temps aussi bref. Il n’est qu’à entendre à la fois la direction générale et les représentants syndicaux des personnels pour mesurer l’effort qui a dû être consenti par chacun pour mener cette opération à son terme.

Le calendrier de la réorganisation a en effet été plus que chargé. Au printemps 2011, trois chantiers internes ont été lancés pour travailler sur les principes devant guider la réorganisation, l’identification des activités de l’agence et l’information interne de ses agents. Le 19 octobre 2011, le conseil d’administration a approuvé le schéma matriciel proposé. Le 14 décembre 2011, il a établi les critères de recrutement des cadres dirigeants, au premier rang desquels l’absence de conflits d’intérêts. Les appels à candidatures, internes et externes, pour les postes de direction ont été émis en décembre 2011, puis a été organisé un autre appel à candidatures pour pourvoir les postes de chefs de pôles. Peu après, à la fin du mois de mars 2012, était créé, après délibération du conseil d’administration, un service de déontologie de l’expertise directement rattaché à la direction générale.

La préparation de la réorganisation a été assurée par un groupe constitué des futurs directeurs et des responsables des différents chantiers pour définir plus finement les périmètres des directions et le mode de fonctionnement de la nouvelle organisation.

Au mois d’avril 2012, un « kit » d’information a été remis à chaque agent pour présenter le futur organigramme. Enfin, au mois de mai, près de 800 agents ont été sollicités pour émettre leurs souhaits de positionnement dans la nouvelle organisation. Les affectations définitives ont été établies au début du mois de juillet.

Il s’agissait d’une véritable gageure, eu égard à la lourdeur d’une telle opération. Cela supposait que tous les agents puissent se projeter dans la nouvelle organisation, ce qui, comme on le verra plus loin, ne semble pas avoir toujours été le cas. Trois vœux pouvaient être émis par les personnels. Selon les informations fournies par la direction générale, dans 70 % des cas, le premier vœu a été satisfait ; dans 80 % des cas, l’un des trois vœux a été satisfait. On compte environ trente recours et cinq situations personnelles n’ont pu faire l’objet d’une affectation correspondant aux vœux initialement émis.

Il convient de noter qu’un effort important a été fourni pour garantir l’objectivité de la procédure de réaffectation du personnel, puisqu’une fois les directeurs nommés, les réponses à l’appel à candidatures ont toutes été rendues anonymes en vue de leur traitement. Le repositionnement de 800 personnes en fonction de leurs compétences a évidemment exigé un travail très lourd, de même que toutes les phases antérieures de la réorganisation qui a été menée « tambour battant ». On doit donc relativiser les impatiences qui ont pu s’exprimer à l’égard d’un chantier d’une telle ampleur, à l’impact humain et matériel conséquent.

2. Un impact humain et matériel important

a) L’inquiétude des personnels

L’audition des représentants syndicaux du personnel de l’agence a permis de mettre en évidence une véritable inquiétude chez les agents de l’ANSM. Votre rapporteure pour avis a établi certains constats qu’elle espère objectifs.

Le premier d’entre eux est l’attachement des personnels à la mission de sécurité sanitaire de l’agence : les attaques dont celle-ci a été l’objet après la crise du Mediator les ont indiscutablement marqués, alors qu’ils ont tous une haute conception de ce que doit être le rôle d’une agence chargée de la sécurité des produits de santé. C’est à cette lumière que doivent être considérés les doutes qu’ils ont émis quant à la pertinence d’une réorganisation matricielle. Le présent rapport constitue donc l’occasion de rappeler que les agents de l’AFSSAPS, puis de l’ANSM, ont donné beaucoup d’eux-mêmes, avec peu de moyens, dans une période de crise profonde, ce qu’a d’ailleurs souligné le professeur Dominique Maraninchi qui en a loué le sérieux, la rigueur et les compétences.

Le deuxième constat est celui d’une perte de repères. L’encadrement a été profondément renouvelé et certains départs ont, à l’évidence, été mal acceptés et considérés comme une perte de mémoire collective et de compétences scientifiques. Le recrutement d’un personnel d’encadrement sur le critère principal de ses compétences managériales a beaucoup troublé, les agents instruisant les dossiers souhaitant, pour leur part, une validation scientifique de leur travail pour garantir la sécurité sanitaire.

Le troisième constat est celui de l’incertitude quant aux modalités de fonctionnement de l’agence dans sa nouvelle configuration. Des inquiétudes ont été émises concernant la capacité de l’agence à recruter des experts internes seniors. Les interrogations ont été nombreuses sur la définition des responsabilités, les processus décisionnels, la coordination des décisions et le circuit de diffusion des informations.

Le quatrième et dernier constat est celui d’un climat social détérioré et d’un dialogue difficile. La procédure de repositionnement des agents qui reposait, dans un souci d’objectivité, sur un système anonyme, a été ressentie comme opaque et secrète, tandis que l’absence de réunion du conseil d’administration depuis le mois de mars a été très mal comprise, d’autant que des décisions stratégiques étaient prises durant cette même période.

Le professeur Dominique Maraninchi s’est déclaré conscient de la souffrance et de l’épuisement des personnels, ainsi que du caractère dégradé du climat social, alors même qu’il avait toujours considéré que la réforme devait être menée en associant les agents dont les compétences devaient être valorisées. Soulignant sa volonté de permettre à chacun de s’exprimer et de promouvoir une démarche participative, il a indiqué avoir tenu de nombreuses réunions d’informations et avoir recouru, autant que possible, au volontariat.

Il a également rappelé que la réorganisation avait eu lieu dans un contexte difficile. Le personnel a perdu de nombreux repères avec le départ de certaines figures historiques de l’agence. La réorganisation, en donnant lieu à une grande mobilité, a pu aussi susciter des appréhensions. Un accompagnement par tutorat et une formation interne devraient d’ailleurs être mis en œuvre au cours des trois prochains mois.

Enfin, l’absence de réunion du conseil d’administration depuis six mois a pu heurter le personnel pour lequel cette instance constituait un élément de continuité. Même si cette situation était largement imputable au calendrier électoral – le nouveau conseil d’administration devait notamment comprendre des parlementaires –, il est évident qu’une réunion de cette instance a manqué pour accompagner la réorganisation.

Après avoir entendu direction générale et représentants syndicaux, votre rapporteure pour avis est convaincue que chacun, dans ses analyses, est de bonne foi et que tous ont la volonté d’améliorer le fonctionnement de l’agence. Mais, pour reprendre une expression utilisée au cours des auditions, il faut aujourd’hui « mettre de l’huile dans les rouages ». Après une période très difficile, il est désormais temps d’apaiser les inquiétudes, de rassurer sur les partages de responsabilités et de compétences, et de parvenir à un fonctionnement sinon consensuel, du moins partagé dans ses objectifs.

b) Les conséquences matérielles de la reconfiguration

La reconfiguration de l’agence a eu un impact matériel indéniable, au sein duquel il convient de distinguer les coûts imputables à la réorganisation elle-même et ceux, indépendants de cette réorganisation, liés à la modernisation et la mise en œuvre des nouvelles missions de l’agence.

D’après les informations fournies à votre rapporteure pour avis, ce sont ces derniers qui sont les plus importants puisqu’ils représentent plus des trois quarts des dépenses engagées par l’agence. Sur un total de 15,863 millions d’euros, 10,5 millions d’euros, soit les deux tiers, ont été affectés à la mise en œuvre des nouvelles missions de l’agence, notamment pour renforcer les réseaux de vigilance, développer une stratégie d’appui à la recherche et assurer la transparence des travaux des commissions. Les dépenses de modernisation, indépendantes de la réorganisation, se sont élevées à 1,722 million d’euros pour financer, notamment, une opération importante d’archivage menée dans un délai très bref (huit kilomètres de linéaires ont été constitués en deux mois).

Le coût de la réorganisation elle-même se révèle nettement inférieur aux dépenses structurelles et de modernisation. Il recouvre des dépenses qui n’ont pas vocation à être reconduites ; leur montant s’est élevé à 3,641 millions d’euros. Parmi celles-ci, les dépenses de communication institutionnelle et de signalétique, liées à la création de la nouvelle entité ANSM, se sont établies à 0,141 million d’euros. S’il a été possible de ne pas recourir à un conseil externe pour l’analyse de l’existant, compte tenu des nombreux travaux et rapports qui existaient sur ce sujet, l’agence a dû, par la suite, faire appel à un consultant spécialisé en ingénierie pour accompagner la réorganisation, reconfigurer des locaux et mener des actions de communication interne. Ce poste de dépenses s’est élevé à 2,150 millions d’euros.

Enfin, l’effort de formation des cadres et des agents avait été anticipé par une croissance de plus de 50 % du budget de formation en 2011, mais a dû être poursuivi pour répondre au besoin de formation au management de cadres au profil surtout scientifique. Le recrutement d’experts internes a, lui aussi, pesé sur le budget de l’agence. Celle-ci estime à 1,350 million d’euros le coût associé aux mesures de mobilisation des ressources humaines.

La reconfiguration de l’agence a donc eu un coût, mais on attend d’elle, à terme, des gains de productivité, donc d’efficience. Cela étant, il est probable que ces gains ne seront pas immédiats. Tout ne pourra pas venir d’une optimisation de l’utilisation des ressources de l’agence, même si cette approche doit évidemment être favorisée dans le contexte actuel. L’ANSM avait certes bénéficié, en 2012, d’une augmentation de son plafond d’emplois, désormais établi à 1 003 équivalents temps plein, mais elle doit assumer des missions au périmètre élargi et disposera d’un moindre effectif hors plafond d’emplois. Elle devra aussi se doter de systèmes d’information adaptés à sa nouvelle organisation et à ses nouvelles missions. L’agence a su poursuivre et assumer sa tâche en période de profonde réorganisation, dans des conditions très tendues. Il paraît difficile d’exiger d’elle qu’elle reproduise cette performance année après année.

3. Une poursuite de l’accomplissement des missions malgré tout

Dans un contexte de quasi-rupture par rapport au mode de fonctionnement antérieur, l’agence a poursuivi et même, amplifié, au cours de l’année qui vient de s’écouler, son travail de sécurité sanitaire.

De juillet 2011 à juillet 2012, elle a continué à exercer ses responsabilités dans une période de transition, en définissant un programme d’actions ciblées pour maintenir le cap et s’est donc concentrée sur son cœur de métier. Comme l’a indiqué le professeur Dominique Maraninchi, « le travail a été fait ». L’agence a ainsi pris quatre fois plus de décisions de sécurité sanitaire que les années précédentes, en engageant en particulier une démarche de réévaluation du rapport bénéfices/risques des médicaments mis sur le marché avant 2005. Aucun dossier de sécurité sanitaire n’a été laissé pendant.

Certes, des réserves ont été émises : le LEEM souligne que le délai moyen d’instruction des dossiers d’autorisation de mise sur le marché se serait détérioré. Selon le projet annuel de performance, il devrait s’établir, en 2012, à 140 jours pour les autorisations de mise sur le marché nationales (contre une prévision initiale de 120 jours) et à 160 jours pour les autorisations européennes (contre 110 prévus initialement). Mais en 2010, ces délais moyens s’élevaient respectivement à 138 et 129 jours. Compte tenu de la profonde réorganisation que vient de connaître l’agence, la détérioration reste limitée. Il est en outre prévu qu’en 2013, l’ANSM améliore ses performances pour atteindre un délai moyen d’instruction de 130 jours pour chacune des catégories d’autorisation de mise sur le marché.

Le premier objectif doit donc être, désormais, celui de la stabilisation de l’organisation de l’agence. Un travail intense de préfiguration a été mené. Les trois mois qui viennent devront être consacrés aux ajustements nécessaires pour permettre à l’ANSM d’exercer efficacement ses missions.

B. DES MESURES ÉNERGIQUES POUR RENFORCER L’AUTORITÉ DE L’AGENCE

Une partie des mesures mises en œuvre par l’agence pour renforcer son autorité et donc restaurer la confiance en ses décisions est issue de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé : révision de la composition du conseil d’administration, règles de publicité et de transparence de ses travaux, ou encore exigences déontologiques s’imposant à l’expertise sanitaire. La direction générale de l’agence a accompagné ce mouvement et l’a même, sur certains points, anticipé et complété.

1. Une gouvernance rénovée, reposant sur une expertise interne renforcée

a) Une gouvernance rénovée

La loi du 29 décembre 2011 précitée a introduit dans la gouvernance de l’agence des changements profonds. Ainsi en a-t-il été de la composition du conseil d’administration, modifiée pour que n’y siègent plus des industriels du médicament au titre des personnalités qualifiées ; il en est d’ailleurs de même dans les commissions d’expertise. La transparence est désormais introduite auprès du conseil d’administration : le directeur général répond désormais devant lui de ses orientations, de l’organisation des groupes de travail et de celle des commissions, ou encore du recours à un groupe scientifique temporaire. La première réunion du nouveau conseil, le 26 octobre, a d’ailleurs été consacrée à la présentation du processus de décision, aux modalités de recours à l’expertise et au rôle des commissions. Dès la délibération du conseil d’administration, les anciennes commissions de l’agence ont donc disparu.

La composition du conseil scientifique a également été revue : n’y siègent notamment plus de représentants du personnel ou de la tutelle. On notera, comme Mme Annick Alpérovitch, présidente de ce conseil, que celui-ci a pour mission de mener une véritable appréciation des travaux scientifiques de l’agence ; il est donc logique qu’il soit exclusivement composé de scientifiques.

La tâche de ce nouveau conseil ne devrait donc pas se résumer à émettre de rares avis, requis pour respecter des procédures administratives. La mise en place de la nouvelle agence étant récente, il faudra sans doute du temps avant que le conseil puisse apprécier son activité. Mais il pourrait utilement aider à définir les priorités de son programme de travail, l’agenda des divers départements de l’agence étant assez vertigineux.

À terme, il pourrait même être envisagé, comme l’a suggéré Mme Annick Alpérovitch, que le conseil scientifique soit informé en détail de l’activité de ces départements pour émettre des recommandations, comme cela a pu être le cas dans d’autres agences sanitaires, tel l’Institut de veille sanitaire (InVS). Une telle démarche ne pourra sans doute pas être menée au cours du premier mandat du conseil, car elle suppose que les diverses instances de l’agence soient bien installées. Mais elle pourrait utilement être mise en œuvre à moyen terme, pour asseoir encore plus l’autorité scientifique de l’agence.

b) La revalorisation de l’expertise interne

Alors que l’agence comptait plus de 100 instances de travail internes et faisait appel à près de 2 000 experts externes, ce qui en rendait la gestion difficile, un intense travail de rationalisation a été mené, pour ce qui concerne tant les groupes de travail que les commissions de l’agence dont la création relève désormais non plus du code de la santé publique mais de décisions du directeur général, soumises au conseil d’administration. Pour éviter les dysfonctionnements du passé, il a en outre été veillé à ce qu’une commission n’ait pas à se prononcer sur les délibérations d’une autre des commissions de l’agence.

Le principe retenu a été celui d’un fonctionnement reposant, en premier lieu, sur l’expertise interne de l’agence. L’instruction des dossiers sera donc principalement effectuée par ses directions opérationnelles. Comme l’a souligné le professeur Dominique Maraninchi, la question est de savoir comment on recourt à l’expertise externe, et pourquoi. Des règles ont été définies pour y répondre.

Il sera recouru à l’expertise externe de 36 groupes de travail créés pour une période de trois ans, renouvelable une fois, lorsqu’il sera nécessaire de disposer d’un regard de spécialistes sur des questions bien précises, c’est-à-dire pour des produits dont l’évaluation présente des incertitudes et qui rendent nécessaire une expertise contradictoire à l’expertise interne. Lorsqu’une problématique nécessitera d’être étudiée plus avant, des comités scientifiques temporaires pourront être constitués pour rendre un rapport sur la question dont ils auront été saisis. Il pourra enfin être recouru à une expertise ponctuelle extrêmement spécialisée ; dans ce cas, des liens d’intérêts pourront exister, mais ces experts ne participeront pas à l’arbitrage final.

Le directeur général pourra également avoir recours à l’une des quatre commissions créées par lui-même, après avis du conseil scientifique (rendu le 4 juillet dernier) et du conseil d’administration (en date du 26 octobre). Il s’agira de la commission d’évaluation initiale du rapport entre les bénéfices et les risques des produits de santé, la commission de suivi du rapport entre les bénéfices et les risques des produits de santé, la commission des stupéfiants et psychotropes et la commission de prévention des risques liés à l’utilisation de catégories de produits de santé. Elles seront saisies chaque fois que l’instruction d’un dossier nécessitera un avis collégial complémentaire à une évaluation interne sur une question spécifique relative au rapport bénéfices/risques des produits de santé. Le choix des dossiers présentés en commission devrait en outre reposer sur des critères objectifs, validés par le conseil d’administration, afin de garantir l’harmonisation de l’évaluation et un traitement équitable des dossiers.

D’après les informations fournies à votre rapporteure pour avis, il est prévu que ces commissions soient composées de 14 à 16 membres. Elles comprendront des utilisateurs de produits de santé (médecins généralistes, pharmaciens et représentants d’associations de patients), quatre experts spécialisés dans le bénéfice et quatre experts spécialisés dans le risque des produits de santé. Les débats au sein de ces commissions seront enregistrés et rendus publics au moyen de vidéos.

Cette nouvelle gouvernance constitue, indubitablement, un progrès par rapport à l’architecture antérieure et témoigne, par ailleurs, de la confiance de la direction générale dans les compétences des personnels de l’agence. Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) a certes fait part de réserves, notant que la constitution des nouvelles commissions avait donné lieu à appels à candidatures sans que l’on connaisse de manière précise, à ce stade, leur périmètre et sans que le nouveau conseil d’administration n’ait eu à en connaître. Il a également craint que la réduction du nombre de commissions de l’agence emporte un risque d’opacité de ses travaux, car elles ne seront pas saisies de tous les dossiers. Cela étant, on doit reconnaître la nécessité de concilier transparence et efficacité : ce sont près de 80 000 décisions que l’agence doit prendre chaque année.

2. Des exigences sévères en matière de déontologie et de transparence

La refonte du dispositif d’expertise de l’agence ne se limite pas à revoir les modalités de recours à l’expertise externe. Elle repose également sur des exigences sévères en matière de déontologie et de transparence de l’expertise.

a) De nouvelles exigences à l’égard des experts externes, étendues aux experts internes

 Un dispositif rénové de prévention et de gestion des conflits d’intérêts

Le professeur Dominique Maraninchi a évoqué, pour présenter les nouvelles obligations s’imposant aux experts de l’agence, une véritable « révolution culturelle ». Le terme n’est pas trop fort au vu des nouvelles règles déontologiques mises en place. Restaurer la confiance dans l’agence supposait, en premier lieu, d’assurer l’effectivité des processus de prévention et de gestion des conflits d’intérêts.

Conformément à ce qu’avait prévu le législateur, cela passe par l’établissement obligatoire d’une déclaration d’intérêts faisant état des liens de toute nature, directs ou par personne interposée, des experts. Diffusée sur le site internet de l’agence, cette déclaration doit être remplie non seulement par les membres des instances collégiales (conseils, commissions et groupes de travail) et les experts externes consultés ponctuellement, mais aussi par les personnels de direction, les personnels d’encadrement et les autres agents dont les missions le justifient. Depuis le mois de septembre 2011, les déclarations d’intérêts des experts externes sont désormais actualisées chaque trimestre. Seront également rendus publics les curriculum vitae et les publications scientifiques de ces experts, ce qui permettra de justifier leur choix par l’agence.

Les déclarations d’intérêts des personnels de direction de l’agence ont été publiées le 12 juillet 2012. Celles des personnels d’encadrement devraient l’être dans le courant de l’automne, et celles des autres personnels à la fin de l’année 2012. Conformément à une décision du directeur général en date du 6 juillet 2012, seront concernés les agents travaillant dans les domaines de l’évaluation, de l’inspection, du contrôle et des affaires juridiques, soit environ 400 personnes.

Enfin, afin de limiter les risques de conflits d’intérêts, l’agence a introduit des critères d’incompatibilité à prendre en considération lors de la sélection des experts, mis en ligne sur le site de l’agence au début du mois d’août 2012 (voir annexe 2). Ils s’appliqueront pendant toute la durée de leur mandat.

 Des interrogations sur la sévérité des règles établies

Les auditions menées par votre rapporteure pour avis ont permis de constater qu’il existait de nombreuses interrogations quant aux exigences déontologiques imposées. Les représentants du LEEM, du Collectif interassociatif sur la santé, du Conseil national de l’ordre des médecins et du Conseil national de l’ordre des pharmaciens ont tous estimé que dans certains domaines innovants, où les experts sont peu nombreux, ceux-ci auront nécessairement travaillé avec des firmes pharmaceutiques. Il faudrait alors se résoudre à recourir à des personnes moins compétentes et se priver d’une expertise externe qui constituait, jusqu’à présent, un « avantage compétitif » de l’agence. Les exigences déontologiques étant jugées trop sévères, il a souvent été suggéré d’opter plutôt pour un système de transparence totale permettant d’être dûment informé de l’ensemble des liens d’intérêts des intervenants, les liens d’intérêts n’étant pas forcément constitutifs de conflits d’intérêts.

 Des craintes à dissiper

Certes, le renforcement de l’expertise interne de l’agence suppose des recrutements, notamment d’experts seniors, et pose la question des moyens qui sont attribués à l’agence. Il faut sans doute envisager de mieux valoriser, dans le parcours hospitalo-universitaire, la fonction d’expert auprès des agences sanitaires, afin que celle-ci soit suffisamment attractive pour assurer un turn-over de l’expertise qui ne doit plus être exercée « à vie ». Il est également vrai que dans certains domaines comme la pharmaco-épidémiologie, dont la montée en puissance est souhaitée, le vivier de compétences peut être rare. On ne peut exclure, enfin, que certains experts soient réticents à rejoindre une structure en période de bouleversement organisationnel.

Mais quelques points doivent aussi être rappelés. En premier lieu, l’agence ne semble pas confondre liens et conflits d’intérêts. Les règles établies sont indispensables pour garantir la sécurité juridique de ses décisions. Elle a adopté une politique proportionnée : certains liens d’intérêts sont effectivement incompatibles avec la fonction d’expert, mais il est toujours possible d’y renoncer. Il reste possible au directeur général de consulter, ponctuellement, des experts très spécialisés présentant d’éventuels liens d’intérêts pour être éclairé sur une question technique ; ils ne pourront simplement pas participer aux décisions.

En deuxième lieu, les experts traversent aujourd’hui une crise profonde. Les commissions de l’agence sont en voie de disparition et il ne sera peut-être plus recouru aux services de certains de leurs membres. Les critiques adressées au nouveau système peuvent, pour certaines d’entre elles, traduire un désarroi face à l’édification d’une architecture ne reposant plus sur des figures « historiques » de l’évaluation.

En troisième lieu, le volume des réponses à l’appel à candidatures émis le 29 juin 2012 afin de constituer les futures instances consultatives d’expertise permet d’être raisonnablement optimiste quant à la capacité de l’agence à recruter des experts. Les critères d’incompatibilité ont été publiés en août. Même après cette publication, les candidatures ont continué à parvenir à l’agence. Au début du mois d’octobre, elle en avait recueilli environ 640, à comparer à environ 550 candidatures reçues en 2009 pour le renouvellement de ses instances. Ce volume devrait permettre de constituer des commissions de qualité. L’incertitude pèse peut-être davantage sur les groupes de travail, mais comme l’a noté le professeur Dominique Maraninchi, le recours à une expertise externe complémentaire à l’expertise interne constitue un élément d’attractivité : les groupes de travail auront à traiter des dossiers les plus incertains, donc les plus intéressants sur un plan scientifique, ce qui rendra le travail intellectuellement très enrichissant. Être recruté comme expert de l’agence constituera en outre une reconnaissance des compétences.

Enfin, les règles adoptées par l’agence sont largement similaires à celles dont s’est dotée l’Agence européenne du médicament en avril 2012, après que son indépendance eut été fortement contestée, le Parlement européen ayant même refusé de lui donner quitus de sa gestion. Elle applique désormais les règles de transparence initiées en France, notamment en matière d’accès aux déclarations publiques d’intérêts, ainsi que des règles strictes d’incompatibilité pour expertise. On voit donc mal comment l’agence française pourrait, aujourd’hui, adopter des règles déontologiques en retrait de celles édictées au niveau européen.

b) Des moyens renforcés spécifiquement consacrés à la déontologie

L’agence s’est dotée de moyens importants pour garantir l’effectivité des règles déontologiques qu’elle a établies. Ils reposent sur deux structures.

Un service de déontologie de l’expertise, créé après délibération du conseil d’administration de l’agence en date du 28 mars 2012, a été installé auprès de son directeur général en avril 2012. Il joue un rôle essentiel d’appui et de conseil en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts et assure le suivi et l’audit des procédures mises en place au sein de l’agence pour assurer le respect des règles déontologiques.

L’agence dispose également d’un comité de déontologie de l’expertise (4), créé par une décision du directeur général en date du 4 mai 2012. Il lui revient d’émettre des avis au directeur général sur les situations les plus sensibles ou les plus complexes. Il peut être consulté lors des processus de recrutement, de nomination, de changement de fonction, de promotion et de départ des personnels de l’agence, ainsi que lors des processus de sélection et de nomination des experts externes. Il formule des recommandations pour améliorer les règles déontologiques applicables au personnel de l’agence et aux experts externes. Ce comité s’est réuni quatre fois depuis sa création. Avant sa constitution, dans le cadre du recrutement des personnels de direction et d’encadrement, a été mis en place un comité de déontologie ad hoc dès le mois de janvier 2012. Celui-ci a tenu six séances, jusqu’en mai 2012.

c) Un effort important de transparence et de communication

L’agence s’est résolument engagée dans une entreprise de transparence et de publicité de ses travaux, anticipant même sur certaines dispositions de la loi du 29 décembre 2011 précitée. Elle a également adopté une démarche active de communication, qui a d’ailleurs été saluée par le docteur François Rousselot, s’exprimant au nom du Conseil national de l’ordre des médecins.

L’action en faveur de la transparence passe tout d’abord par la publicité des travaux de l’agence. Depuis le mois d’avril 2011, les ordres du jour des réunions de la commission d’autorisation de mise sur le marché sont accessibles en ligne, de même que des vidéos et l’intégralité des verbatim de ces réunions, ce qui garantit l’expression publique des opinions minoritaires.

Par ailleurs, l’agence a intensifié la production d’informations en direction des professionnels de santé sur son site internet : décisions prises sur les produits de santé, recommandations et mises en garde, bilans de connaissances sur des produits de santé ou des classes thérapeutiques. Soixante points d’information ont été diffusés en 2011, dont quarante concernaient des médicaments. Cinquante-cinq ont été diffusés depuis janvier 2012, dont quarante-trois relatifs à des médicaments, à comparer aux quatorze points d’information publiés en 2010. L’agence a également entrepris de publier des rapports d’expertise, qu’elle souhaite systématiser.

La communication a été renforcée en direction des organismes professionnels et sociétés savantes pour relayer les informations de l’agence, de même qu’a été amplifiée la diffusion de lettres directes aux professionnels de santé sur la sécurité d’emploi des médicaments. Une convention a été signée avec le Conseil national de l’ordre des pharmaciens pour permettre, en quelques heures, d’informer toutes les officines du territoire et, si nécessaire, de bloquer la délivrance d’un lot de médicaments. Enfin, les mises en garde directes des professionnels de santé sur les risques pressentis d’un médicament se sont révélées efficaces, comme l’a montré le cas du médicament Actos : la mise en garde de l’agence a entraîné une baisse de 60 % de sa consommation en trois semaines, plusieurs semaines avant la décision finale de suspension du produit.

La première version d’une base de données publique sur les médicaments, accessible gratuitement, sera mise en œuvre par l’agence et devrait être disponible au printemps de l’année 2013. Elle devrait comporter, dans un premier temps, les informations de la base de données actuelle de l’ANSM, ainsi que des informations sur le taux de remboursement des médicaments, leur prix, leur service médical rendu et son amélioration.

Enfin, on pourra noter que la communication de l’agence s’étend désormais au débat public, comme en témoigne l’intervention salutaire du professeur Dominique Maraninchi en réponse à un récent ouvrage, fort médiatisé, qui avait jeté la suspicion sur l’ensemble des médicaments.

C. L’ADAPTATION DE LA STRATÉGIE AUX ENJEUX DE SANTÉ PUBLIQUE

La réorganisation de l’agence constituait un préalable indispensable pour tirer les leçons des dysfonctionnements passés. Mais la rénovation doit être poursuivie, pour adapter la stratégie de sécurité des produits de santé à de nouveaux enjeux.

1. La nécessité d’une tutelle plus affirmée

Lors des auditions qu’elle a menées, votre rapporteure pour avis a eu le sentiment que la tutelle exercée par le ministère chargé de la santé sur l’agence était assez en retrait. Cela, du reste, n’est sans doute pas dénué de lien avec l’éparpillement des agences sanitaires qui explique que l’État puisse être parfois démuni face à ses opérateurs.

Il est vrai que l’agence est dotée de pouvoirs de police sanitaire importants et qu’elle doit assumer une lourde tâche qui ne pourrait, en l’état de ses moyens, être assumée par l’administration centrale du ministère chargé de la santé. Dans une période de profonde rénovation, on peut aussi concevoir qu’il soit nécessaire de laisser le temps à l’agence de se réorganiser.

Pour autant, la tutelle doit-elle se borner à valider des choix organisationnels et des modes de fonctionnement ? Sans prétendre reconstituer une administration centrale du médicament et tout en reconnaissant à l’actuel directeur général la volonté que l’agence assume pleinement et efficacement sa mission de sécurité sanitaire, on doit reconnaître qu’il ne serait pas illégitime que l’État, qui assure désormais le financement de l’agence, soit plus présent dans la définition de ses orientations stratégiques et lui assigne une « feuille de route » claire. Cela paraît d’autant plus nécessaire que l’agence doit assurer un nombre croissant de missions qui rend nécessaire de définir des priorités et un programme de travail hiérarchisé. Il est souhaitable que la tutelle y contribue désormais activement.

2. Un renforcement de la surveillance du marché qui suppose de définir des priorités

Les affaires dites du Mediator et des prothèses PIP ont mis en évidence la nécessité d’assurer une surveillance plus active du marché des produits de santé ; cette prise de conscience, partagée au niveau européen, conduit l’agence à renforcer son action dans ce domaine, sans que soient pour autant négligées ses autres missions.

a) La réévaluation des médicaments déjà sur le marché

L’agence s’est engagée dans une démarche, certes lourde, de réexamen du rapport bénéfices/risques des médicaments titulaires d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) nationale antérieure à 2005, pour tenir compte de l’évolution des connaissances et des progrès de la thérapeutique. Il est aujourd’hui acquis que la pharmacovigilance, à elle seule, ne suffit pas à garantir la sécurité des produits de santé : il est également nécessaire de surveiller le marché de ces produits. C’est ainsi que depuis la crise du Mediator, l’agence a entrepris, sur une courte période, l’équivalent de 30 % des réévaluations qu’elle avait menées au cours des quinze années précédentes.

Cette entreprise a reçu un accueil favorable du Conseil national de l’ordre des pharmaciens qui l’a jugée utile, mais plus réservé du LEEM qui, la qualifiant de « titanesque », a émis la crainte qu’il n’en résulte un risque de disparition des médicaments pour la « vie de tous les jours », en raison du coût, dissuasif pour les industriels, d’études d’efficacité actualisées portant sur des produits génériqués. Cette inquiétude peut paraître excessive au vu des décisions prises en la matière par l’agence, qui s’est prononcée, par exemple, sur des antimigraineux ou des sirops antitussifs et non pas sur l’aspirine ou le paracétamol…

Plusieurs intervenants se sont interrogés sur les éventuels critères et priorités guidant la démarche de réévaluation. Ceux-ci existent bien. Les critères utilisés pour déterminer les médicaments concernés sont les suivants : leur voie d’administration présente un potentiel systémique ; ils sont inscrits sur une liste de substances vénéneuses ; leur usage n’est pas réservé aux spécialistes ou à la prescription hospitalière. Quant à l’ordre d’examen des produits, il répond à une hiérarchisation de critères quantitatifs (ancienneté, service médical rendu faible ou insuffisant, ventes particulièrement faibles ou très importantes) et de critères qualitatifs (signaux de pharmacovigilance, classe thérapeutique à risque particulier, population à risque, bénéfice thérapeutique des médicaments dans leur contexte thérapeutique actuel, ou encore nécessité d’une mise à jour substantielle de leur résumé des caractéristiques du produit).

b) L’encadrement des utilisations hors autorisation de marché

La loi du 29 décembre 2011 a profondément innové en prévoyant un dispositif original destiné à mieux encadrer les prescriptions de médicaments hors des indications prévues par leur autorisation de mise sur le marché (AMM) : les recommandations temporaires d’utilisation (RTU). Rappelons que celles-ci pourront être émises par l’ANSM en cas de présomption d’un rapport bénéfices/risques favorable et en l’absence d’alternative thérapeutique. D’une durée de trois ans, elles permettront aux patients d’accéder aux innovations thérapeutiques. Les firmes devront demander une extension d’autorisation de mise sur le marché au cours de cette période, faute de quoi l’utilisation du produit dans l’indication concernée ne sera plus possible à l’expiration des trois ans. Les produits faisant l’objet de telles recommandations pourront être inscrits au remboursement.

Cette innovation a provoqué des réactions assez mitigées chez les personnes entendues par votre rapporteure pour avis. Le Collectif interassociatif sur la santé s’est montré particulièrement défiant. Il a, en particulier, craint que les experts de la commission d’évaluation initiale du rapport entre les bénéfices et les risques des produits de santé fassent preuve du même niveau d’exigence, en matière de preuves scientifiques, pour les recommandations temporaires d’utilisation que pour les autorisations de mise sur le marché, et soient donc réticents à émettre de telles recommandations. Évoquant le risque d’un engorgement des services de l’agence pour traiter les demandes de recommandations, il s’est inquiété qu’un nombre important de patients, en l’absence d’alternative thérapeutique, ne dispose pas d’un traitement approprié. Le CISS a donc suggéré un système « inversé » donnant la possibilité à l’agence de s’opposer à certaines utilisations de médicaments hors autorisation de mise sur le marché. En contrepartie, les professionnels de santé devraient obligatoirement déclarer auprès de l’agence leurs prescriptions hors AMM. Une telle solution semble, en pratique, difficilement envisageable, tant le travail de vérification qu’elle supposerait pour l’agence serait considérable.

Le professeur Dominique Maraninchi a pour sa part jugé infondées les craintes d’une restriction de l’accès aux thérapies innovantes. Il a en particulier relevé qu’à ce stade, l’agence n’avait pas été saisie de demande de recommandation par des associations de patients, alors même que cette possibilité leur est ouverte. On doit en outre noter que les recommandations temporaires d’utilisation ne s’opposent pas à ce que des produits qui n’en font pas l’objet soient prescrits en dehors de leur autorisation de mise sur le marché. Les médecins conservent leur liberté de prescription, sous réserve que celle-ci soit étayée par la littérature scientifique.

Les firmes pharmaceutiques semblent, elles aussi, troublées par les recommandations temporaires d’utilisation dont elles ont souligné la complexité. Les choses sont pourtant assez simples, comme en témoigne un récent guide publié par l’agence. La présomption d’efficacité sera établie à partir de données que la firme concernée devra obligatoirement fournir. Si l’entreprise est d’accord avec la recommandation, elle signera une convention pour s’engager à assurer le suivi de son application. En cas de refus, le financement de ce suivi pourra lui être imposé.

Une dernière question a été soulevée par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens qui s’interrogeait sur la compatibilité des recommandations temporaires d’utilisation avec le dispositif des autorisations de mise sur le marché centralisées européennes. Sur ce point, l’agence a été particulièrement soucieuse de faire connaître sa démarche, puisqu’elle a publié, dans le New England Journal of Medicine, un article (5) afin d’informer l’ensemble des pays et centres de décision des firmes de cette disposition nationale, article qui semble d’ailleurs avoir suscité un vif intérêt de la part de ses homologues européennes.

c) Le renforcement de la pharmacovigilance

Tant la loi du 29 décembre 2011 précitée que la réglementation européenne (6) ont prévu un net renforcement des dispositifs de pharmacovigilance. L’agence a d’ailleurs accordé une place importante à cette mission dans sa nouvelle organisation et son directeur général a exprimé la volonté très nette d’améliorer le recueil des données et le traitement des signaux. Il a ainsi souligné la nécessité de procéder à une surveillance active, en « allant chercher » les signaux, et de répondre aux signaux faibles qui ne seraient pas détectés par le circuit de pharmacovigilance. Cela implique de tenir compte de signalements non statistiquement significatifs et donc, éventuellement, d’inspecter des sites ou de rencontrer les médecins ayant notifié des effets indésirables.

Les attentes en la matière sont importantes. Toutes les personnes entendues par votre rapporteure pour avis ont déploré la lourdeur et la complexité de la procédure de déclaration des effets indésirables. Certes, depuis le mois de juin 2011, une rubrique spécifique du site internet de l’agence offre aux patients la possibilité de procéder à une telle notification, mais elle se borne à donner accès à des formulaires qui doivent ensuite être remplis par voie manuscrite et transmis au centre régional de pharmacovigilance dont relève le déclarant. La demande est donc unanime pour que soit mis en place un dispositif simplifié, tant pour les patients que pour les professionnels de santé, permettant de télédéclarer, rapidement, tout effet indésirable par voie électronique.

Cela nécessite de mener une réflexion sur l’harmonisation des systèmes de vigilance. Comme l’a souligné la direction générale de l’agence, on compte de nombreux circuits de vigilance réglementée et obligatoire, selon des formats parfois différents. La création, au sein de l’agence, de la direction de la surveillance a répondu à la volonté de mutualiser toutes les vigilances afin de détecter tous les signaux. Il n’en reste pas moins qu’il faudrait sans doute rationaliser et harmoniser le système actuel, ce qui suppose, dans certains cas, des modifications réglementaires, en prenant garde à ne pas tomber dans le travers d’une simplification à outrance. La réflexion en cours sur l’harmonisation des systèmes de vigilance devra en outre trancher une question délicate, celle de savoir s’il faut créer un portail des vigilances propre à l’agence, ou bien un portail national de toutes les vigilances relevant du ministère de la santé.

Enfin, comme l’a souligné l’ordre des pharmaciens, la mise en place d’un suivi des déclarations d’effets indésirables constituerait une véritable avancée car, pour l’instant, les professionnels de santé ne savent pas si leurs déclarations sont prises en compte ou classées. Une réflexion est en cours sur ce point.

3. Un champ de compétences très étendu qui pose la question des moyens

Au fil du temps, l’agence a vu ses prérogatives et compétences largement accrues. Comme l’a indiqué le professeur Dominique Maraninchi, son directeur général est désormais responsable de la sécurité de produits très différents : le médicament, très encadré ; des produits en libre circulation qui ne font pas l’objet d’une évaluation préalable de leur rapport bénéfices/risques, comme les cosmétiques ; les dispositifs médicaux, soumis à un système d’enregistrement très différent de celui du médicament, mais qui va sous peu évoluer dans le sens d’une harmonisation par le haut ; des produits biologiques ; d’autres produits de santé, comme les biocides.

Cet empilement de responsabilités a été souligné par de nombreuses personnes auditionnées par votre rapporteure pour avis. Les personnels se sont ainsi inquiétés de la capacité de l’agence, à moyens constants, d’assumer correctement ses missions en matière de surveillance des dispositifs médicaux et des produits cosmétiques, de contrôle a priori des publicités à destination des professionnels de santé (plus de 8 000 nouveaux dossiers par an), ainsi que de réévaluation des autorisations de mise sur le marché existantes. Le LEEM a jugé que la multiplicité des missions de l’agence posait la question de l’optimisation de ses moyens et craint que le contrôle a priori des publicités soit difficilement assumé et donne lieu à de trop nombreuses approbations tacites. La question de la capacité de l’agence à assumer correctement sa mission d’inspection de sites et de prévention des ruptures de stocks a été soulevée par Mme Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens.

Toutes ces inquiétudes montrent la nécessité d’une optimisation de l’utilisation des moyens de l’agence. Mais on peut pousser la réflexion plus loin. Comme l’a noté le professeur Dominique Maraninchi, l’agence est dotée de pouvoirs de police sanitaire importants en matière de cosmétologie, qui vont plus loin que les pouvoirs de police sanitaire en matière alimentaire. Faut-il maintenir un tel niveau d’intervention ? À l’étranger, les agences chargées de la sécurité des médicaments à usage humain sont également compétentes en matière de médicaments vétérinaires qui présentent des similarités importantes. En France, cette mission revient à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), par ailleurs elle aussi chargée de la surveillance de certains produits biocides.

De toute évidence, un travail doit être mené pour éviter les redondances, optimiser et mutualiser les moyens, dans le souci d’accroître l’efficience de la sécurité sanitaire. Il devrait s’inscrire dans la réflexion, plus large, à engager pour rationaliser le paysage des agences sanitaires.

4. Le soutien à une recherche indépendante

La nécessité de disposer d’une recherche indépendante de l’industrie pharmaceutique a été abondamment soulignée lors des travaux parlementaires qui ont fait suite à l’affaire du Mediator. C’est désormais chose faite, puisque l’ANSM dispose d’un fonds de 15 millions d’euros qui lui permet d’émettre des appels à projets de recherches et d’études, hors partenariat industriel, sur les produits de santé et leur impact sur la santé publique.

Le premier appel à projets a été émis en janvier 2012. Son premier axe, à thématique libre, avait pour objectif de laisser l’initiative à la communauté scientifique. Les thématiques des autres axes étaient prédéfinies et portaient sur le renforcement de la vigilance, l’analyse de l’utilisation des médicaments hors autorisation de mise sur le marché, le contrôle de la qualité et la caractérisation des dangers des produits, la balance bénéfices/risques des produits de santé dans des populations spécifiques (personnes âgées, jeunes) et le comportement et l’exposition des populations vis-à-vis des produits.

Comme l’a souligné Mme Annick Alpérovitch, présidente du conseil scientifique, cet appel à projets a été un succès. Ont été déposés 116 dossiers ; 23 ont été sélectionnés et bénéficieront d’un financement d’un montant de 10,6 millions d’euros. Compte tenu de l’intérêt manifesté par la communauté scientifique, il a été possible de procéder à une véritable sélection.

L’un des enjeux de la recherche sera sans doute, pour l’avenir, d’établir une méthodologie permettant d’exploiter au mieux les données disponibles, notamment celles de la CNAMTS qui sont, comme l’a souligné Mme Annick Alpérovitch, particulièrement riches. Il est en effet indispensable de disposer, enfin, de systèmes d’analyse capables d’extraire des signaux, y compris faibles, des recueils de données.

5. Une place dans l’Europe à conforter ?

La question de la place de l’agence française dans le système européen de sécurité des produits de santé a été évoquée notamment par le LEEM, qui s’est inquiété qu’elle ne soit quasiment plus choisie comme rapporteure ou co-rapporteure pour instruire des dossiers d’autorisation de mise sur le marché européenne. Les industriels pharmaceutiques ont ainsi craint que l’agence française n’ait plus de stratégie européenne et que la France ne soit plus un grand pays de l’évaluation.

L’audition de la direction générale de l’agence n’a pas laissé ce sentiment à votre rapporteure pour avis. Certes, les années 2011 et 2012, marquées par la réorganisation en profondeur de l’ANSM, auront donné lieu à des délais relativement longs d’instruction des dossiers d’autorisation de mise sur le marché en procédures de reconnaissance mutuelle et décentralisées : 176 jours en moyenne en 2011, une prévision de 160 jours pour 2012, contre 129 jours en 2010. Cette dégradation, largement imputable à une situation conjoncturelle, a sans doute pu conduire le Comité des produits de santé à usage humain (CHMP) de l’Agence européenne du médicament à attribuer moins de dossiers à l’agence française. Mais la réorganisation de celle-ci devrait se traduire par des gains d’efficience. La situation actuelle ne devrait donc pas être un sujet d’inquiétude majeur.

Quant à la crainte d’une éventuelle marginalisation de l’agence dans le système européen, elle doit, elle aussi, être relativisée. L’ANSM a pu être considérée, à une époque, comme très originale dans sa démarche de réorganisation et de réorientation de son activité. Mais rappelons que quasiment six mois après, l’Agence européenne du médicament, secouée par la révélation de graves conflits d’intérêts, a suivi son exemple. Elle a procédé à un renouvellement d’ampleur de ses dirigeants, établi des règles strictes de prévention et de gestion des conflits d’intérêts, amélioré la publicité de ses travaux et considérablement accru son activité de surveillance du marché. En juillet 2012, s’est tenue la première réunion du nouveau Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC). L’agence française devrait y être particulièrement présente car, comme l’a souligné le professeur Dominique Maraninchi, de même que les autorisations de mise sur le marché sont désormais majoritairement délivrées au niveau européen, il est probable que l’activité de surveillance des produits de santé relèvera bientôt, pour une grande partie, de ce même niveau.

On peut donc espérer que la voix de l’agence française devienne de plus en plus entendue dans les instances européennes. Il lui revient maintenant de saisir l’opportunité de la réorganisation de l’Agence européenne du médicament pour conforter sa place d’instance de sécurité sanitaire de référence.

*

*     *

Au vu de ce bilan d’étape, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a entamé, au cours de l’année qui vient de s’écouler, une rénovation profonde qui a pu, légitimement, susciter des interrogations tant le chantier était important. Mais cette transformation, qui répond aux préoccupations du législateur en 2011, correspond aussi à un mouvement de fond, engagé au niveau européen, visant à améliorer la transparence et l’indépendance des décisions en matière de sécurité des produits de santé.

Il convient maintenant de permettre à la nouvelle organisation de se mettre en œuvre et de procéder aux ajustements jugés nécessaires, ce qui n’exclut pas de mener, en parallèle, une réflexion visant à optimiser notre système de sécurité sanitaire.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé (7), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2013 de la mission « Santé ».

Article 46 : État B – Mission « Santé ».

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je demande l’avis de notre rapporteure pour avis sur les crédits pour 2013.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure pour avis. Je donne un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Santé », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 46.

ANNEXE 1 :
ORGANIGRAMME DE L’ANSM






















Directions Métiers

Médicaments en oncologie, hématologie, immunologie, néphrologie

Médicaments en cardiologie, endocrinologie, gynécologie, urologie

Médicaments en cardiologie, endocrinologie, gynécologie, urologie

Médicaments anti-infectieux, en hépato-gastroentérologie, en dermatologie, et des maladies métaboliques rares

Médicaments génériques, homéopathiques, à base de plantes et de préparations

Thérapies innovantes, produits issus du corps humain et vaccins

Dispositifs médicaux de diagnostics et plateaux techniques

Dispositifs médicaux thérapeutiques et cosmétiques

Affaires juridiques et réglementaires

               

Évaluation

               

Surveillance

               

Inspection

               

Contrôles

               












Source : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

ANNEXE 2 :
CHAMP DES INCOMPATIBILITÉS S’APPLIQUANT
AUX EXPERTS DE L’ANSM

Intérêts dont les experts doivent se défaire et ne pouvant pas être contractés pendant la durée de leur mandat

Intérêts actuels que les experts peuvent conserver ou contracter pendant la durée de leur mandat

Emploi dans une entreprise du secteur des produits de santé et cosmétiques ou organisme de conseil du secteur.

Participations financières directes supérieures à 5 000 euros ou 5 % du capital dans une entreprise du secteur des produits de santé et cosmétiques ou société de conseil.

Participations financières directes inférieures à 5 000 euros ou 5 % du capital dans une entreprise du secteur des produits de santé et cosmétiques ou société de conseil.

Participation personnelle, rémunérée ou non, à une instance décisionnelle d’une entreprise du secteur des produits de santé et cosmétiques ou société de conseil.

Activité personnelle de consultant, de conseil ou d’expertise, rémunérée ou non, pour le compte d’une entreprise du secteur des produits de santé et cosmétiques ou société de conseil.

Travaux scientifiques et études, rémunérés ou non, réalisés pour le compte d’une entreprise du secteur des produits de santé et cosmétiques ou société de conseil.

Investigateur principal d’essais cliniques ou expérimentateur principal d’essais précliniques industriels, rémunérés ou non.

– Investigateur principal d’essais cliniques ou expérimentateur principal d’essais précliniques académiques, rémunérés ou non.

– Investigateur non principal d’essais cliniques ou expérimentateur d’essais cliniques institutionnels ou industriels, rémunérés ou non.

Rédaction d’articles, rémunérée ou non, pour le compte d’une entreprise du secteur des produits de santé et cosmétiques ou société de conseil.

Interventions rémunérées dans des colloques ou formations organisés ou soutenus financièrement par des entreprises ou organismes privés.

Interventions non rémunérées dans des colloques ou formations organisés ou soutenus financièrement par des entreprises.

Responsabilité dans une structure financée par un organisme à but lucratif (subventions, contrats pour études ou recherches) avec rémunération personnelle.

Responsabilité dans une structure financée par un organisme à but lucratif (subventions, contrats pour études ou recherches) non rémunérée ou avec rémunération institutionnelle.

Détention ou invention d’un brevet, rémunérée ou non, invention d’un procédé ou toute autre forme de propriété intellectuelle non brevetée, en relation avec un médicament ou procédé du domaine des produits de santé et cosmétiques.

L’existence de liens familiaux dans une entreprise du secteur des produits de santé et cosmétiques ou sociétés de conseil est susceptible de créer des situations de conflits d’intérêts qui seront gérées au cas par cas.

Source : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

ANNEXE 3 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Collectif interassociatif sur la santé (CISS) – Mme Claude Rambaud, vice-présidente du CISS et présidente de l’association Le Lien (lutte contre les infections nosocomiales), et M. Christophe Duguet, administrateur du CISS et directeur des actions revendicatives de l’Association française contre les myopathies

Ø Les entreprises du médicament (LEEM) – M. Philippe Lamoureux, directeur général, M. Claude Bougé, directeur général adjoint, Mme Muriel Carroll, directrice des affaires publiques, et Dr Catherine Lassale, directrice des affaires scientifiques

Ø Conseil national de l’ordre des pharmaciens – Mme Isabelle Adenot, présidente, M. Jean-Charles Rochard, secrétaire général, et M. Olivier Gross, directeur de l’exercice professionnel

Ø Conseil national de l’ordre des médecins – Dr François Rousselot, président de la commission « Relations médecins-industrie »

Ø Direction générale de la santé – Mme Catherine Choma, sous-directrice de la politique des pratiques et des produits de santé, et Mme Emmanuelle Jean, chargée de mission

Ø Représentants syndicaux du personnel de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – Mme M’na Al Laham et Mme Rachel Petermann (Sud Travail), M. Franck Bressan et
Melle Anne-Valérie Mondy (
Confédération générale du travail – CGT), M. Jacques Vincent et Mme Anne Deccol (Syndicat autonome AFSSAPS), Dr. Ophélie Broca et M. Pedro Machado (Syndicat professionnel de l’agence des produits de santé – SPAPS), M. Yves Cortez et Mme Josette Courtois (Intersyndicale CFDT-FO)

Ø Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – Professeur Dominique Maraninchi, directeur général, M. François Hebert, directeur général adjoint chargé des opérations, Mme Béatrice Guéneau-Castilla, directrice générale adjointe chargée des ressources, Mme Elisabeth Herail, chef du service de déontologie de l’expertise, et M. David Morelle, chef de l’unité coordination des autorisations de mise sur le marché et exportation

Ø Conseil scientifique de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – Mme Annick Alpérovitch, présidente

© Assemblée nationale

1 () Cour des comptes, La prévention sanitaire – Enquête demandée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, octobre 2011.

2 () Rappelons que l’agence est également financée par des dotations inscrites sur d’autres programmes, en particulier le programme n° 206 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » qui participe à hauteur de 63,4 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2013.

3 () Directive 2010/84/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2010, modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

4 () Ce comité est composé du directeur général, d’un directeur de l’agence, du responsable du service de déontologie de l’expertise, d’une personne chargée de la coordination de la politique de prévention des conflits d’intérêts auprès de la direction de la délégation aux affaires juridiques des ministères sociaux, du président du conseil d’administration et du président du conseil scientifique.

5 () France’s new framework for regulating off-label drug use, New England Journal of Medicine, 2012, 367: 1279-1281.

6 () Directive 2010/84/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2010, modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

7 () Cf. compte-rendu de la commission élargie du 6 novembre 2012 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2013/commissions_elargies/cr/