Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
° 256

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2013 (n° 235)

TOME I

ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION 

PAR Mme Daphna POZNANSKI-BENHAMOU

Députée

——

Voir le numéro : 251 (annexe 6).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION - 5 -

PREMIÈRE PARTIE : L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION POUR 2013 7

I. LE PROGRAMME 167 « LIENS ENTRE LA NATION ET SON ARMÉE » 7

A. L’organisation de la journée défense et citoyenneté 8

1. La réforme de la chaîne du service national achevée 8

2. Une journée rénovée et modernisée 8

B. La politique de mémoire 10

1. Un programme ambitieux 10

2. Un groupement d’intérêt public (GIP) pour la Grande Guerre 12

II. LE PROGRAMME 169 « RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT » 15

A. La retraite du combattant et les pensions militaires d’invalidité 15

1. La retraite du combattant 15

2. Les pensions militaires d’invalidité 17

B. La gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité et les actions de solidarité 19

1. L’évolution globale des crédits 19

2. L’action sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) 20

3. L’Institution nationale des Invalides (INI) à la croisée des chemins 22

C. La réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français 23

III. LE PROGRAMME 158 « INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE » 25

A. L’évolution globale des crédits 25

B. L’indemnisation des victimes de spoliation 26

C. L’indemnisation des orphelins 26

1. Les indemnisations des orphelins de parents victimes de persécutions antisémites 26

2. Les indemnisations des orphelins de parents victimes d’actes de barbarie 27

DEUXIÈME PARTIE : L’INDEMNISATION DES VICTIMES DE SPOLIATIONS INTERVENUES PENDANT L’OCCUPATION 29

I. LA CRÉATION DU DISPOSITIF D’INDEMNISATION 29

A. La mission Mattéoli et ses conclusions 29

1. La mission Mattéoli 29

2. Un dispositif complet d’indemnisation 30

B. la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) et son fonctionnement 31

1. Le déroulement des instructions 32

2. D’importantes actions de communication à l’étranger 33

II. UNE MISSION LARGEMENT ACCOMPLIE 35

A. Une activité qui décroît 35

B. Fixer une date de forclusion 36

CONCLUSION : RECOMMANDATIONS DE LA RAPPORTEURE 39

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I. AUDITION DE M. KADER ARIF, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE LA DÉFENSE, CHARGÉ DES ANCIENS COMBATTANTS 41

II. AUDITION DE REPRÉSENTANTS D’ASSOCIATIONS D’ANCIENS COMBATTANTS 59

III. EXAMEN DES CRÉDITS 75

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 81

ANNEXE : Auditions et déplacements de la Rapporteure 87

INTRODUCTION

Les crédits de la mission interministérielle « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont répartis en trois programmes : le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée », qui promeut l’esprit de défense et de citoyenneté au sein de la population et qui inclut sa dimension mémorielle, le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », qui témoigne de la reconnaissance de la Nation à l’égard des anciens combattants et des victimes de guerre, et le programme 158, « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Première annuité du budget triennal 2013-2015, le projet de loi de finances pour 2013 consolide l’ensemble des droits des anciens combattants et inaugure une séquence mémorielle intense, en dépit du contexte budgétaire contraint. Ce budget participe au nécessaire redressement des finances publiques, mais sans remise en cause de ses missions ni de ses objectifs.

La première partie de ce rapport est consacrée à l’analyse des crédits de la mission. La deuxième partie étudie un aspect plus particulier d’une des politiques financée par cette mission. Le choix de la Rapporteure s’est porté cette année sur l’étude du dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations pendant l’Occupation.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 21 septembre 2012. À cette date, 66 réponses étaient parvenues, soit un taux de 77 %.

Au 10 octobre 2012, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), 82 réponses étaient parvenues, soit un taux de 96 %.

PREMIÈRE PARTIE : L’ÉVOLUTION
DES CRÉDITS DE LA MISSION POUR 2013

La baisse des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est le corollaire, d’une part, de la diminution du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité et de la retraite du combattant et, d’autre part, de la diminution des effectifs de la direction du service national.

Toutefois, certains postes de dépenses progressent entre la loi de finances initiale pour 2012 et le projet de loi de finances pour 2013, tels que la majoration des rentes mutualistes, les prestations de sécurité sociale, l’action sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) et le plan de rénovation de l’Institution nationale des Invalides (INI).

I. LE PROGRAMME 167 « LIENS ENTRE LA NATION ET SON ARMÉE »

Ce programme finance l’organisation de la Journée défense et citoyenneté (JDC), qui sensibilise chaque année plus de 750 000 jeunes à l’esprit de défense, ainsi que la politique de mémoire des conflits, afin de renforcer le lien entre l’armée et la Nation. Il finance également les activités mémorielles de la direction du patrimoine, de la mémoire et des archives (DMPA) du ministère de la défense.

Ses crédits s’élèvent dans le présent projet de loi de finances (PLF) pour 2013 à 114 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 119 millions d’euros en crédits de paiement (CP), en baisse de 11,7 % en AE et en hausse de 0,8 % en CP par rapport aux AE et CP ouverts par la loi de finances initiale (LFI) pour 2012.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 167

(en millions d’euros)

   

LFI 2012

PLF 2013

Évolution

Numéro et intitulé
de l’action et du titre

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 1

Journée défense et citoyenneté

117

106

97

102

- 17 %

- 3,7 %

Action 2

Politique de mémoire

12

12

17

17

+ 42 %

+ 42 %

TOTAL

129

118

114

119

- 11,7 %

+ 0,8 %

Source : Projet annuel de performances pour 2013.

LFI 2012 : loi de finances initiale pour 2012.

PLF 2013 : projet de loi de finances pour 2013.

A. L’ORGANISATION DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ

Les crédits de l’action 1 Journée Défense et Citoyenneté s’établissent pour 2013 à 97 millions d’euros en AE et 102 millions d’euros en CP.

1. La réforme de la chaîne du service national achevée

Au 1er janvier 2013, la direction du service national (DSN) aura achevé sa réorganisation territoriale et administrative, qui se traduira, d’ici 2015, par une diminution d’environ la moitié de ses effectifs : de 2 893 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2007, ceux-ci ne seront plus que 1 370 en 2015. L’objectif de la réforme, décidée lors du premier conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), était de recentrer la DSN sur sa mission principale, l’organisation de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC).

Pour cela, la fonction « archives », après un processus de rationalisation, a été transférée au service historique de la défense, tandis que la fonction « soutien » est désormais assurée par les bases de défense. En métropole, la nouvelle organisation du service national repose à présent sur une administration centrale, implantée à Orléans en 2012 et cinq établissements du service national (ESN), situés à Bordeaux, Lyon, Nancy, Rennes et Versailles. Ces cinq établissements sont chargés du pilotage, de la gestion, du soutien et du contrôle des centres du service national (CSN) qui leur sont rattachés. Ce sont ces derniers qui mettent en œuvre directement la JDC.

La réforme a prévu de supprimer 845 emplois à la DSN entre 2009 et 2014 : 200 en 2009, 202 en 2010, 220 en 2011 et 223 en 2012. Cette dernière annuité étant lissée sur les années 2012 à 2014, 37 postes seront supprimés en 2013. Les crédits de rémunération du personnel s’élèveront par conséquent à 82 millions d’euros l’année prochaine, pensions comprises, soit une diminution de 4,6 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2012.

À ces suppressions il convient d’ajouter les transferts de postes vers les centres ministériels de gestion, la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information ou encore les groupements de soutien des bases de défense, soit un total de 144 postes depuis 2009.

Aujourd’hui, l’intégralité des effectifs de la DSN est chargée de concevoir, piloter, organiser et encadrer la JDC. Parmi eux, 1 106 personnes, soit 73 % des effectifs de la DSN sont au contact direct des jeunes qui participent à la JDC.

Les crédits de fonctionnement inscrits au PLF 2013 s’élèvent à 14 millions d’euros en AE et 20 millions d’euros en CP. Ces crédits ne supportent plus que les dépenses relatives au cœur de métier de la direction du service national, principalement les convocations et l’alimentation des jeunes, leur transport ainsi que celui des intervenants ou encore le coût du module de secourisme.

Du fait du recentrage de ses missions, les économies nettes en fonctionnement courant sont évaluées à 19 millions d’euros cumulés sur la période 2008-2015.

2. Une journée rénovée et modernisée

Parallèlement à la réforme de la direction du service national, la Journée d’appel et de préparation à la défense (JAPD) a vu son contenu remanié pour s’élargir à la sécurité nationale et à au civisme. Elle s’appelle la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) depuis le 1er janvier 2011. La Rapporteuse défend le maintien du rattachement de la JDC au budget des anciens combattants. Car, de manière symbolique, c'est inscrire un lien fort dans le budget même de la nation entre nos anciens combattants et nos jeunes.

Par rapport à sa devancière, la JAPD, la JDC s’est recentrée sur sa mission fondamentale de sensibilisation des jeunes aux nouveaux enjeux de la défense et la sécurité nationale. Dans cet esprit, la trame des trois modules (1. Vous êtes des citoyens ; 2. Vous devez faire face à un monde instable ; 3. Vous avez un rôle à jouer) présente une approche plus participative et des illustrations visuelles plus actuelles et attrayantes. Le support DVD a par ailleurs été remplacé par une clé USB plus aisément actualisable. À terme, les jeunes pourront en outre « prolonger » leur JDC en visitant un portail dédié sur le site Internet du ministère de la défense.

Deux évolutions ont été introduites dans la journée au cours du premier semestre 2011 : la présentation d’un film consacré au service civique, fourni par l’Agence du service civique, et, lorsqu’il n’est pas possible de visiter ou présenter des équipements militaires, une présentation des missions des sapeurs-pompiers volontaires, précédée d’un court film de présentation.

La direction du service national réfléchit actuellement aux évolutions de la JDC. Trois nouveaux partenariats sont à l’étude, avec la délégation à la circulation et à la sécurité routière, l’Agence de biomédecine et l’Établissement français du sang pour sensibiliser, lors de JDC exceptionnelles, les jeunes à la sécurité routière, au don d’organes et au don de sang.

Pour compléter les tests d’illettrisme déjà existants depuis ces dernières années, il est envisagé de mettre en place des tests de « numératie », c’est-à-dire de maîtrise des nombres. La Rapporteure déplore que ces tests soient toujours à l'étude au ministère de l'éducation nationale et qu'ils ne doivent pas voir le jour avant 2014. Il serait judicieux de faire vérifier si de tels tests ont été validés par d'autres pays de l'Union Européenne, voire au-delà, et dans l'affirmative, de s'en inspirer afin de combler notre retard. Par ailleurs, il apparaît que la pré-sensibilisation à la JDC qui devrait être effectuée dans le cadre de l'Education Nationale dans les classes de troisième et de première est peu réalisée. La Rapporteure souhaite la voir aboutir au que cette pré-sensibilisation devienne plus effective d'une manière générale. L'enseignement d'une morale laïque promise par M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, apparaît à la Rapporteure comme une opportunité et un cadre approprié pour ce faire.

La Journée Défense et Citoyenneté des citoyens résidant hors de France

Le caractère universel des obligations du service national a conduit le législateur à adopter un régime particulier applicable aux jeunes Français résidant à l’étranger. L’article L. 114-8 du Code du service national précise ainsi que : « Les Français établis hors de France âgés de moins de vingt-cinq ans participent, sous la responsabilité du chef de poste diplomatique ou consulaire accrédité, à la Journée défense et citoyenneté aménagée en fonction des contraintes de leur pays de résidence ».

Il existe en réalité deux cas de figure.

1. Dans les pays disposant de représentations diplomatiques importantes, les jeunes sont conviés à une JDC organisée par l’attaché de défense. Le déroulé de la journée est comparable à celles qui se passent sur le territoire national, les supports documentaires présentant les enjeux de la défense et le service civique étant identiques. Ces présentations sont complétées par une prise en compte des enjeux propres au pays ou à la région de résidence. Les forces prépositionnées ou les escales de la marine française sont naturellement mises à contribution lorsque cela est possible.

2. Il existe également une session « adaptée » dans les pays où il est impossible d’organiser un Journée. Dans ce cas, les jeunes reçoivent une documentation et un courrier les informant qu’ils sont en règles vis-à-vis de leurs obligations.

Chaque année, un peu plus de 25 000 jeunes sont recensés à l’étranger mais seulement 10 000 sont convoqués à participer à une JDC. Un peu moins de la moitié, 44 % en 2011, s’y rendent effectivement.

Ce taux de participation est très faible si on le compare à celui constaté en France – environ 97 %. Il s’explique principalement par la faible incitation que représente pour les jeunes Français la participation à cette journée : l’obligation d’être en règle pour passer leur permis de conduire ou des concours de la fonction publique française a moins d’importance lorsqu’on réside à l’étranger. Dans certains pays, les distances, sachant que les frais de déplacement et d’hébergement ne sont pas remboursés, contrairement à ce qui se passe en France, expliquent ces défections. Enfin, la France a passé des conventions avec de nombreux pays qui ont pour effet de dispenser ses ressortissants de cette obligation de participer à la JDC.

Aucun crédit n’est spécifiquement consacré à cette action, les dépenses y afférant étant prélevées sur les crédits de fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires.

B. LA POLITIQUE DE MÉMOIRE

Les crédits de l’action 2, Politique de mémoire, s’élèvent dans le projet de loi de finances pour 2013 à 17 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 42 % par rapport à la LFI de 2012.

1. Un programme ambitieux

L’augmentation spectaculaire des crédits de cette action vise en priorité à préparer les commémorations de l’année 2014 où seront célébrés le 70e anniversaire du débarquement – 2 millions d’euros de crédits de fonctionnement y sont consacrés – et le centenaire de la Première Guerre mondiale – 2 millions d’euros de crédits d’investissement sont versés au groupement d’intérêt public qui s’y consacre (cf. infra.).

Le programme commémoratif de l’année 2013 est en cours d’élaboration et devrait comporter au moins deux commémorations spécifiques :

— l’année 2013 sera marquée par un hommage à la Résistance intérieure, l’unification ayant commencé en 1943. La figure de Jean Moulin et, à travers lui, celle des grands chefs de mouvements et de réseaux, sera mise en exergue ;

— en 2013, année du trentième anniversaire de l’attentat du Drakkar contre les militaires français au Liban, une attention particulière sera également portée au thème des opérations extérieures (OPEX), dans la lignée du 11 novembre rénové, devenu « Journée d’hommage à tous les morts pour la France » (1), et à l’occasion de l’inauguration du mémorial national des morts en OPEX.

Un mémorial national onéreux et qui se fait attendre…

Conformément aux recommandations du groupe de travail présidé par le général Thorette, en septembre 2011, le ministère de la défense a en effet engagé la réalisation d’un monument d’hommage national aux morts en OPEX. Ce monument comportera le nom des 650 soldats tués en OPEX depuis 1962 et devait être accompagné d’un « monument virtuel » qui prendrait la forme d’un terminal permettant d’accéder à la biographie de ces soldats. Le site retenu est situé place Vauban, à Paris, derrière l’Hôtel national des Invalides. La consultation pour le choix du projet a été lancée en septembre dernier et l’inauguration du monument devrait avoir lieu en 2014 ; un million d’euros est prévu à cet effet dans le projet de budget pour 2013.

Si la Rapporteure se réjouit que la Nation rende l’hommage qu’ils méritent à ses soldats, elle s’étonne de l’importance de la somme consacrée à l’érection de ce monument et de la longueur de la procédure de réalisation – plus de deux ans entre la décision et l’inauguration. Cela est d’autant plus regrettable que Le Souvenir français avait proposé au ministre de la défense, dès février 2010, de faire du monument dédié à la mémoire des Français tombés dans les Balkans en 1991-93, Les Veilleurs de la Paix, situé à Haudainville, dans la Meuse, un monument national à la mémoire de tous les morts en OPEX. Le transfert à Paris de ce monument n’aurait coûté que 10 à 12 000 euros et celui-ci aurait pu être inauguré depuis longtemps…

Quelque 6,35 millions d’euros seront versés en 2013 à l’Office national des anciens combattants (ONAC-VG) pour, d’une part, l’entretien des nécropoles et des sépultures de guerre (1,7 million d’euros) et pour, d’autre part, les travaux de rénovation de ces monuments et des hauts lieux de mémoire (4,3 millions d’euros). Une priorité est accordée à la restauration des cimetières nationaux de la guerre 1914-1918 et leur remise en état se déroule selon un programme pluriannuel pour la période 2011-2018, en vue des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale.

L’entretien des lieux de mémoire hors de France

Les corps de 230 000 soldats « Morts pour la France » reposent dans un millier de lieux de sépulture répartis dans 78 pays, dont 234 cimetières importants. Les terrains nécessaires sont mis à la disposition de la France en application des conventions internationales. Ils sont principalement situés en Belgique, Italie, Serbie, Macédoine, Grèce, Turquie, Syrie, Libye, en Afrique du Nord et au Liban.

De même qu’en France, l’entretien et la rénovation du patrimoine mémoriel en Algérie, Maroc et Tunisie, qu’il s’agisse des sépultures ou des hauts lieux de mémoire, relève de l’ONAC-VG. Hors Afrique du Nord, la DMPA s’appuie sur les postes diplomatiques et leur transmet les crédits correspondants à la rémunération des agents recrutés localement, à l’entretien et à la rénovation des cimetières militaires, ainsi qu’aux cérémonies : 2,3 millions d’euros ont été prévus à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2013.

La DMPA assure également la sauvegarde des 141 « cimetières de garnison », regroupant les sépultures des militaires morts en service hors guerre, qui relevait auparavant de la direction centrale du service de santé des armées. Ces sépultures sont situées essentiellement dans les départements et collectivités d’outre-mer, ainsi que dans les anciennes colonies françaises.

En vue des commémorations du centenaire, est programmée la restauration des principaux cimetières de la Première Guerre mondiale : ceux du front d’Orient (Grèce, Macédoine), ainsi que ceux de Turquie, Italie et Belgique.

L’année 2012 a vu se poursuivre de nombreux travaux au Maroc, avec le regroupement à Ben M’Sick des sépultures provenant des carrés de Al Nif et Beni Mellal, des travaux paysagers dans le cimetière de Mers el Kebir ainsi que de gros travaux en Macédoine et au Liban. La restauration du cimetière de Tobrouk, en Libye, a été achevée fin mai pour les cérémonies commémoratives du 70e anniversaire de la bataille de Bir Hakeim.

À quelques exceptions près (monuments commémoratifs de Dien Biên Phủ, de Camerone…), le ministère de la défense n’entretient pas de monuments à l’étranger, hormis ceux situés dans les cimetières militaires français ou des monuments-ossuaires. Cependant, la DMPA peut apporter des soutiens à des projets mémoriels soutenus par les ambassades françaises.

À titre d’exemple, dans le cadre de la rénovation d’un cénotaphe érigé en hommage aux soldats « Morts pour la France » des deux conflits mondiaux à Manitoba (district de Toronto), une délégation de crédits de 2 854 euros a été accordée en 2011 à l’ambassade de France au Canada. Par ailleurs, au premier semestre 2012, une subvention d’un montant de 25 000 euros a été attribuée à l’association « Bomber Command Memorial Fund » pour soutenir la réalisation à Londres d’un monument dédié aux combattants du Bomber Command.

Concernant la rénovation des hauts lieux de mémoire, un important programme de travaux avait débuté avec la création du Centre européen du résistant déporté au Struthof, en 2005, et poursuivi avec l’achèvement en 2010 de la rénovation de la salle pédagogique du mémorial des guerres en Indochine à Fréjus et la réalisation des nouveaux aménagements muséographiques du Mont-Valérien. En 2011, a débuté la rénovation du Mémorial des Martyrs de la déportation, situé l’île de la Cité, à Paris.

Enfin, 1,3 million d’euros de crédits sont transférés aux collectivités partenaires (associations, fondations, œuvres artistiques et littéraires, etc.) pour la réalisation de cérémonies commémoratives et éducatives, de représentations théâtrales, d’expositions, de documents audiovisuels, d’ouvrages et de films se rapportant aux actions de mémoire.

2. Un groupement d’intérêt public (GIP) pour la Grande Guerre

L’année 2014 marquera le début du cycle du centenaire de la Première Guerre mondiale, événement culturel et mémorial planétaire qui sera commémoré durant plus de quatre années par près de cinquante pays.

Les enjeux liés à la commémoration de la Grande Guerre sont multiples. Ils sont, tout d’abord, pédagogiques et éducatifs. Alors que les derniers acteurs du conflit ont disparu, « l’imagination des élèves devra être stimulée pour les aider à comprendre l’expérience collective de la Grande Guerre, sa singularité et sa portée contemporaine. L’image, l’écrit, les voyages pédagogiques et l’Internet remplaceront ainsi pour la première fois la parole vivante ou la présence physique des Poilus » écrit ainsi Joseph Zimet dans son rapport au Président de la République (2). Les enjeux mémoriels et civiques sont aussi importants pour la société française, face à la mémoire « désunie » de la Seconde Guerre mondiale, la Grande Guerre est une mémoire unie, une mémoire qui rassemble plus qu’elle ne divise. Comme le précise encore Joseph Zimet, « la mémoire contemporaine conserve le souvenir d’un grand élan collectif qui caractérise moins la période de mobilisation, longtemps érigée, à tort, en mythe, que l’incroyable endurance de la société française face à une épreuve sans précédent, à laquelle rien ne la préparait ».

Afin d’organiser ce grand rendez-vous, une mission interministérielle a été mise en place par un arrêté du 5 avril 2012 sous la forme d’un groupement d’intérêt public, appelé « Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale 1914-2014 », chargé de concevoir et de mettre en œuvre, sous l’autorité du Gouvernement, le programme commémoratif du centenaire.

Constitué de 16 membres fondateurs parmi lesquels 7 ministères, 6 établissements publics, 2 associations nationales et une mutuelle privée (3), le groupement d’intérêt public (GIP) devrait être doté d’un budget prévisionnel de 30 millions d’euros, dont 10 millions de mécénat privé, pour la période 2012-2014. Le GIP est animé par une équipe de 12 agents, issus de 5 ministères et de 2 établissements publics. Le conseil d’administration est présidé par le général d’armée (2S) Elrick Irastorza, ancien chef d’état-major de l’armée de terre. La Mission est également appuyée par un conseil scientifique international de 35 membres présidé par l’historien Antoine Prost.

La Mission a prévu de coordonner et d’animer en 2014 une grande saison culturelle sur le thème de la Grande Guerre, d’accompagner les collectivités locales dans la mise en œuvre de leurs politiques de tourisme de mémoire, d’animer, en lien avec la communauté éducative, un important volet pédagogique, de préparer un rendez-vous civique rassembleur pour l’ensemble des Français mais aussi d’organiser de nombreuses manifestations internationales en France et de promouvoir le rayonnement culturel de la France à l’étranger.

Cet ambitieux programme a pris du retard suite à la volonté du Gouvernement d’inscrire ces commémorations dans un cadre plus large, pour y associer en 2014 la commémoration du 70e anniversaire du débarquement. À cette fin, une mission interministérielle, présidée par le ministre délégué aux anciens combattants, est en train d’être mise en place pour coordonner à la fois la commémoration de la Grande Guerre, assurée par le GIP, et la commémoration du débarquement, assurée par l’ONAC-VG.

Si la Rapporteure partage la volonté du Gouvernement d’établir un ambitieux programme de commémorations pour l’année 2014, elle regrette que l’installation de la nouvelle structure ait retardé la préparation de ce cycle commémoratif exceptionnel. Des choix, notamment sur la programmation des commémorations de l’année 2014 (rassemblement culturel européen à Sarajevo, du 21 au 28 juin 2014 ; fête nationale du 14 juillet ; commémoration de l’assassinat de Jean Jaurès, le 31 juillet ; ou encore entrée au Panthéon, le 11 novembre, d’un représentant de la génération 14) doivent être désormais opérés très vite par le Gouvernement. La belle dynamique enclenchée par la Mission du Centenaire ne doit pas être brisée.

Une fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie : pour quoi faire ?

L’article 3 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a prévu la création, avec le concours de l’État, de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc.

Cette fondation a été reconnue d’utilité publique par un décret en Conseil d’état du 3 août 2010. Afin de soutenir l’effort de réconciliation, elle a pour objet d’expliquer les événements et d’en transmettre la mémoire. L’article 1er de ses statuts précise qu’elle contribue, notamment « à la connaissance des éléments de tous ordres, notamment historiques » et « facilite et encourage les recherches pour la compréhension du déroulement et de l’enchaînement des événements ».

Elle dispose pour cela d’une dotation en capital de 7,2 millions d’euros, dont 2,5 millions d’euros versés par les Gueules cassées, 1,2 million par la Fédération André Maginot, 500 000 euros par le Souvenir français et 3 millions d’euros par l’État, par l’intermédiaire de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la défense. Elle dispose d’un budget de fonctionnement d’environ 200 000 euros et est hébergée à titre gracieux à l’Hôtel national des Invalides.

Après un peu plus de deux ans de fonctionnement, il semble que l’activité de cette fondation ne soit pas à la hauteur des enjeux et des espérances mises en elle par les pouvoirs publics. Elle a organisé, au cours des années 2011 et 2012, deux colloques, l’un sur les peuplements de l’Afrique du Nord et l’autre sur Abd el Kader. Elle a été particulièrement discrète en 2012, année de la commémoration du cinquantième anniversaire de l’indépendance.

Si la qualité de ses membres ne fait pas de doute, c’est l’existence même de cette Fondation qui soulève des interrogations. La DMPA, avec le soutien de l’ONAC-VG, accomplit d’elle-même de nombreux travaux pour préserver la mémoire de cette période. À l’inverse d’autres fondations, comme la Fondation de la France libre, la Fondation de la Résistance, la Fondation pour la mémoire de la Déportation ou la Fondation pour la mémoire de la Shoah, dotées elles aussi en capital par l’État, cette fondation n’a semble-t-il, pas su trouver sa place, comme en témoigne sa genèse difficile (cinq ans entre la loi qui la crée et le décret en Conseil d’État).

Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, la Rapporteure estime que les 3 millions versés à cette fondation pourraient être employés de manière plus utile par le ministère des anciens combattants, notamment en faveur des veuves.

II. LE PROGRAMME 169 « RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT »

Les crédits du programme 169 s’élèvent à 2,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP), en diminution de 75 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2012.

Évolution des crédits du programme 169

(en millions d’euros)

 
   

LFI 2012

PLF 2013

Évolution

   

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01

Administration de la dette viagère

2 397

2 397

2 313

2 313

- 3,5 %

- 3,5 %

02

Gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité

161

161

162

162

+ 0,7 %

+ 0,7 %

03

Solidarité

346

346

354

354

+ 2,3 %

+ 2,3 %

06

Réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français

10

10

10

10

0

0

TOTAL

2 915

2 915

2 839

2 839

- 2,7 %

- 2,7 %

Source : Projet annuel de performances pour 2013.

A. LA RETRAITE DU COMBATTANT ET LES PENSIONS MILITAIRES D’INVALIDITÉ

L’action 1, Administration de la dette viagère, représente l’essentiel des crédits du programme 169. Elle assure le paiement des pensions militaires d’invalidité (PMI) et de la retraite du combattant. Il s’agit là de deux dépenses de « guichet », c’est-à-dire du versement de prestations dont seul le montant est fixé à l’avance. Les évolutions constatées d’une année sur l’autre ne dépendent donc que de deux paramètres : le nombre de bénéficiaires et le montant des prestations.

Dans la lignée des budgets précédents, les crédits dédiés à la dette viagère sont en diminution cette année de 84 millions d’euros, soit de 3,5 %, pour tenir compte de l’évolution du nombre de bénéficiaires.

1. La retraite du combattant

Les titulaires de la carte du combattant âgés de 65 ans bénéficient, en application de l’article L. 256 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, de la retraite du combattant. Au 31 décembre 2011, le nombre de retraites du combattant en paiement était de 1,3 million.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE RETRAITES DU COMBATTANT

 

Effectifs au
1er janvier

Attributions
au cours de l’année

Extinctions
au cours de l’année

Effectifs
au 31 décembre

Solde

2007

1 499 211

48 761

60 877

1 487 095

- 12 116

2008

1 487 095

18 021

61 435

1 443 681

- 43 414

2009

1 443 681

14 298

64 778

1 393 201

- 50 480

2010

1 393 201

4 974

58 445

1 339 730

- 53 471

2011

1 339 730

10 686

63 028

1 287 388

- 52 342

Prévision 2012

1 287 388

12 500

55 800

1 244 088

- 43 300

Prévision 2013

1 244 088

12 300

55 500

1 200 888

- 43 200

Source : ministère délégué aux anciens combattants.

Pour 2012, les extinctions sont évaluées à 55 800 en référence aux années précédentes et les entrées dans le dispositif sont évaluées à 12 500.

Pour 2013, les diminutions de l’ordre de quelques centaines de personnes du nombre d’entrées et de sorties dans le dispositif ne modifient pas la diminution prévue à nouveau à environ 43 000 personnes (- 3,5 %). Malgré cette diminution des effectifs, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013 sont en hausse de 19 millions d’euros (+ 2,4 %) pour prendre en compte le coût, estimé à 54 millions d’euros, de l’extension en année pleine de l’augmentation de 4 points de l’indice de retraite entrée en vigueur au 1er juillet 2012, mesure dont le financement n’avait pas été budgétée par le précédent Gouvernement. Les crédits consacrés à la retraite du combattant s’élèveront par conséquent à 822 millions d’euros en 2013. Avec un indice de 48 points, le montant de la retraite du combattant s’élève à 665,76 euros.

Le décret du 12 novembre 2010, complété par les arrêtés des 10 et 23 décembre 2010, ont complété les critères d’attribution de la carte du combattant. Si ces textes ne modifient pas l’architecture globale du système de qualification des unités combattantes, ils permettent de prendre en compte les actions, qui sans être du combat, s’effectuent en situation de danger caractérisé (interventions sur explosif, contrôle de foule, action de renseignement, etc.). La gamme d’activités ainsi définie est donc accrue et permet de qualifier aussi bien des conflits de forte intensité (Afghanistan) que des missions d’interposition ou de maintien de la paix (Côte d’Ivoire).

La mise en œuvre rapide de ces dispositions par le service historique de la défense, habilité à publier les listes des unités combattantes et les relevés d’actions de feu et de combat, a déjà permis la publication de deux arrêtés pour l’armée de terre (ex-Yougoslavie opération Salamandre 1997-2004 et opération Trident 1999-2004) et d’un arrêté pour l’armée de l’air (Tchad – opération Épervier – 1988-2005). Par ailleurs, deux arrêtés sont en cours de préparation pour les opérations menées en Afghanistan. Un premier texte concernant la période 2001-2008 devrait être prochainement publié au journal officiel.

L’application de ces textes se traduit par une augmentation du nombre de cartes du combattant, mais sans incidence financière immédiate notable. L’impact budgétaire ne sera effectif que lorsque la population cible des personnes bénéficiaires de ces mesures fera valoir ses droits à la retraite du combattant, à partir de leur soixante-cinquième anniversaire.

La répartition par conflit des retraites du combattant versées au 31 décembre 2011 est présentée ci-dessous :

RÉPARTITION PAR CONFLIT DES RETRAITES DU COMBATTANT VERSÉES AU 31 DÉCEMBRE 2011

Conflit

Effectif

Guerre 14-18 (4)

1 665

Guerre 39-45 (5)

173 633

Algérie

1 023 977

Hors guerre (6)

31 102

Non déterminé (7)

57 011

TOTAL

1 287 388

Source : ministère délégué aux anciens combattants.

2. Les pensions militaires d’invalidité

Les crédits consacrés au paiement des pensions militaires d’invalidité diminueront en 2013 de 104 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2012. Cette évolution est la conséquence d’une baisse prévisionnelle des effectifs des pensionnés de 14 500, soit 5,2 %. Pour 2013, les crédits s’établiront à 1,49 milliard d’euros pour une population estimée à 265 323.

Au 31 décembre 2011, les pensions militaires d’invalidité étaient versées à 295 073 personnes. La répartition entre les invalides, les veuves, orphelins et ascendants est présentée dans le tableau ci-après.

RÉPARTITION DES PENSIONS MILITAIRES D’INVALIDITÉ EN PAIEMENT

 

INVALIDES

VEUVES ORPHELINS

ASCENDANTS

ANNÉE (8)

EFFECTIF

DÉPENSE

COÛT MOYEN

EFFECTIF

DÉPENSE

COÛT MOYEN

EFFECTIF

DÉPENSE

COÛT MOYEN

2009

231 079

1 033 606 842

4 473

99 970

658 420 864

6 586

5 223

14 940 003

2 860

2010

213 677

943 170 156

4 414

90 915

607 508 834

6 682

4 348

12 619 765

2 902

2011

204 503

884 501 535

4 325

86 451

578 931 237

6 697

4 119

11 988 110

2 910

Source : ministère délégué aux anciens combattants.

Les conjoints survivants de très grands invalides se trouvent fréquemment démunis lors du décès de l’ouvrant-droit, alors que le conjoint doit faire face seul aux frais du ménage et aux difficultés causées par le décès de l’invalide. Il existe en effet une disproportion considérable entre la pension que percevait l’invalide et celle qui est versée au conjoint survivant, 500 points au taux normal pour un soldat en application de l’article L. 50 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, majorée forfaitairement de 15 points depuis 2004. Cette disproportion est d’autant plus choquante que, dans presque tous les cas, le conjoint survivant a apporté ses soins à l’invalide, permettant souvent d’éviter une hospitalisation qui aurait été onéreuse pour la collectivité.

Les lois de finances pour 2011 et 2012 ont corrigé à la marge ce système en octroyant un complément de pension de 360 points aux veuves d’invalides bénéficiant de pensions de plus de 11 000 points. La Rapporteure estime qu’il est temps d’aller plus loin et de mettre en place un dispositif complet, qui prenne en considération le montant des pensions versées aux plus grands invalides pour la fixation du montant des pensions des veuves et éviter ainsi une trop grande disproportion entre les deux. Faute de disposer d’informations et de chiffrages suffisants, la Rapporteure a déposé un amendement demandant au Gouvernement de remettre au Parlement une étude complète sur ce sujet.

La refonte du Code des pensions militaires d’invalidité

Le Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) comprend divers dispositifs qui ont été élaborés après les grands conflits du XXe siècle, sans réelle unité d’ensemble. Principalement issue des lois du 31 mars 1919 sur les pensions militaires d’invalidité, et du 24 juin 1919 sur les pensions des victimes civiles, auxquelles sont venues s’ajouter de nombreuses dispositions liées à la Seconde Guerre mondiale (résistants, internés et déportés), sa codification s’est effectuée entre 1947 et 1953 par décret. Malgré diverses actualisations partielles intervenues depuis lors, ce code se caractérise par l’obsolescence de certaines dispositions, relatives par exemple à des conflits très anciens, comme des références à la guerre de 1870-1871. Par ailleurs, diverses dispositions relatives au droit à pension, à la délivrance de mentions, ou aux juridictions des pensions sont demeurées en dehors du code.

Le code actuel est en outre peu adapté à la professionnalisation des armées et aux conditions actuelles de l’engagement de nos forces, orientées principalement vers les opérations extérieures et la lutte contre le terrorisme.

Pour toutes ces raisons, le Conseil d’État a demandé au Gouvernement, à l’occasion de l’élaboration des textes de 2009 réformant l’administration du monde combattant, d’entreprendre la refonte du CPMIVG, conformément aux exigences constitutionnelles d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Cette refonte doit se faire, en suivant les pratiques habituelles en matière de codification, au moyen d’une loi d’habilitation permettant de procéder par ordonnance aux modifications touchant la partie législative du code, avec simultanément l’élaboration au niveau gouvernemental de la partie réglementaire (décrets en Conseil d’État et décrets simples). Elle devra se faire à droit constant, c’est-à-dire de façon à éliminer les dispositions du code irrégulières ou obsolètes et à simplifier sa présentation générale, mais sans qu’il soit touché, en aucune manière, aux droits des anciens combattants.

La procédure de codification suppose la saisie de la Commission supérieure de codification (CSC), organisme placé sous l’autorité du Premier ministre et chargé en particulier de veiller à la qualité juridique des projets de code élaborés par les ministères concernés. L’avis conforme de cette commission est requis sur le plan du projet de code et la définition de son périmètre par rapport à d’autres codes, tels le Code de la défense, le Code de la sécurité sociale, le Code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire, avant l’examen par le Conseil d’État du projet de texte. La Commission a été officiellement saisie le 7 juillet 2011 et a tenu deux réunions de travail à ce jour.

Le processus de refonte devrait demander encore quelques années de travail.

La CSC devrait émettre son avis sur le plan du code refondu, ce qu’elle fera après avoir statué définitivement sur son périmètre, à partir du mois de septembre 2012. Bien qu’aucune décision ne soit encore arrêtée à cet égard, il semble que le CPMIVG pourrait, dans un but de simplification et de clarification, passer de cinq à trois livres : la reconnaissance de la Nation (titres et cartes, mentions, décorations, etc.), la réparation de l’invalidité (les pensions militaires d’invalidité, les prestations accessoires et les droits annexes comme les soins gratuits) et les organismes spécialisés (ONAC-VG, INI et juridictions des pensions). Dans une phase ultérieure, probablement en 2013, la CSC abordera l’examen du contenu de l’ensemble des articles.

La Rapporteure insiste sur la nécessité d’associer le plus étroitement possible les associations d’anciens combattants à ces travaux.

B. LA GESTION DES DROITS LIÉS AUX PENSIONS MILITAIRES D’INVALIDITÉ ET LES ACTIONS DE SOLIDARITÉ

1. L’évolution globale des crédits

Les crédits pour 2013 de l’action 2, Gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité, sont globalement stables par rapport à la loi de finances pour 2012 (+ 0,7 %). La dotation relative aux soins médicaux gratuits et appareillage des mutilés diminue de 8,5 millions d’euros, soit - 14,2 %, justifiée par la baisse des effectifs des bénéficiaires.

Le remboursement de frais de transport à la SNCF, c’est-à-dire les réductions tarifaires de 50 à 75 % pour les pensionnés ont le taux est d’au moins 25 % et la gratuité pour l’accompagnateur des plus grands invalides, diminue de 1,3 million d’euros, soit 28,3 %, du fait également de la baisse des effectifs des bénéficiaires. Les crédits relatifs aux remboursements des prestations de sécurité sociale aux invalides augmentent en revanche de 11 millions d’euros, soit de 12 %.

L’action 3, Solidarité, finance les prestations et avantages particuliers ouverts au titre de la solidarité aux pensionnés ou aux titulaires d’un titre d’ancien combattant ou de victime de guerre. Elle connaît une hausse globale de 8 millions d’euros, soit 2,3 %, par rapport à la LFI pour 2012.

Cette évolution intègre notamment une hausse de 8 millions d’euros pour la majoration des rentes mutualistes du combattant. Le plafond annuel majorable des rentes mutualistes est déterminé depuis 1998 par référence à un indice de point de pension militaire d’invalidité (PMI), fixé par la loi de finances initiale pour 2007 à 125 points de PMI. La valeur de ce point était au 1er janvier 2011 de 13,86 euros, portant le montant du plafond majorable à 1 732,50 euros à cette date. Le nombre de bénéficiaires et le montant des remboursements sont présentés dans le tableau ci-après :

NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES ET MONTANT DES REMBOURSEMENTS DE LA RENTE MUTUALISTE

Année

Montant des remboursements des majorations légales (M€)

Montant des remboursements des majorations spécifiques (M€)

Total

(M€)

Nombre de bénéficiaires

(au 1er janvier année en cours)

Montant moyen annuel des majorations remboursées

2008

97,98

133,15

231,13

425 614

543,05 €

2009

102,31

136,06

238,38

423 356

563,07 €

2010

105,66

137,69

243,35

418 164

581,95 €

2011

108,79

138,74

247,53

410 827

602,52 €

20121

111,71

139,07

250,78

403 650

621,28 €

Source : ministère délégué aux anciens combattants.

Compte tenu de l’importance de la dépense associée à ce dispositif et du contexte particulièrement contraint, la Rapporteure n’estime pas nécessaire de relever le plafond majorable de la rente mutualiste cette année. Un relèvement ne concernerait en outre que très peu de personnes, car seuls 56 532 bénéficiaires, soit 13,6 % du total, ont atteint le plafond.

2. L’action sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG)

Les crédits dédiés à l’action sociale de l’ONAC-VG sont en augmentation de 500 000 euros, soit de 2,4 %, pour s’établir à 20,6 millions d’euros pour 2013. Bénéficiant à plus de 50 000 personnes chaque année, les interventions financières de l’ONAC-VG prennent différentes formes :

— secours dit « d’urgence », disponibles sans délai pour apporter une réponse financière immédiate à une situation exceptionnelle (aide alimentaire, nuit d’hébergement, transport…) ;

— aides mobilisables à moyen terme pour une difficulté financière ponctuelle (dette locative, facture impayée…), une aide pour frais médicaux ou encore une aide pour frais d’obsèques ;

— participations financières pour les ressortissants les plus âgés ou en perte d’autonomie : prise en charge de frais d’aide-ménagère, participation aux frais de maintien à domicile ou encore aide à l’adaptation du logement.

En 2011, les crédits de cette action sociale avaient bénéficié, pour 5 millions d’euros aux anciens combattants, pour 6,8 millions d’euros aux veuves et pour 4,6 millions d’euros aux conjoints survivants, dans le cadre de l’aide différentielle en faveur des conjoints survivants (ADCS).

L’ADCS a été instituée en août 2007, à la suite des conclusions d’un groupe de travail réunissant des parlementaires, des associations d’anciens combattants et des représentants de l’administration, pour répondre aux difficultés financières des veuves des anciens combattants. Elle a pour objectif d’assurer à ses bénéficiaires un montant plafond de ressources mensuelles. Fixé initialement à 550 euros, ce plafond de ressources a été progressivement augmenté pour être porté à 900 euros depuis le 1er avril dernier.

4 682 veuves ont bénéficié de cette aide en 2011, pour un montant total de 4,6 millions d’euros. Il ressort des dossiers instruits par l’ONAC-VG que la moyenne d’âge des bénéficiaires est de 76 ans et que le montant moyen de l’aide s’élève à 104 euros. Les 60-64 ans représentent 12 % des bénéficiaires et leur montant mensuel d’ADCS s’élève à 194 euros. Les 65 ans et plus perçoivent quant à eux une moyenne de 91,60 euros par mois.

L’augmentation du plafond à 900 euros au 1er avril 2012 – contre 834 euros en 2011 – devrait faire entrer de nouvelles catégories de personnes dans le dispositif. L’objectif est de porter progressivement ce plafond à 964 euros, soit le seuil de pauvreté européen.

L’aide sociale pour les ressortissants résidants hors de France

Les interventions sociales de l’ONAC-VG en faveur des ressortissants de l’étranger se sont traduites en 2011 par l’octroi de 8 815 aides financières diligentées dans 41 pays pour un montant total d’1 million d’euros.

L’ONAC-VG intervient par l’intermédiaire des ambassades et consulats de France, pour les États qui comptent un nombre significatif de ressortissants, des offices des anciens combattants conventionnés de 11 États africains et malgache et de l’Office des anciens combattants de Pondichéry, auquel l’ONAC-VG accorde une subvention d’action sociale et de fonctionnement (27 000 euros en 2011).

Dans ces pays, sous la double recommandation du ministère des affaires étrangères et du ministère des finances, une commission associant fonctionnaires des postes consulaires - consul, attaché de défense, trésorier-payeur – représentants des groupements d’anciens combattants et conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger, est chargée de statuer annuellement sur les demandes d’aides financières formulées par les ressortissants indépendamment de leur nationalité.

La nature et le montant des aides allouées sont variables et adaptés d’un État à l’autre ; elles sont fonction de la situation individuelle des ressortissants concernés ainsi que du niveau de vie moyen et de l’environnement local dans chaque État concerné. Les aides allouées peuvent assurer la couverture de frais de maladie, inexistante au niveau local, ou encore l’approvisionnement des ressortissants en denrées alimentaires dans les États les plus défavorisés.

En 2011, 653 497 euros ont été versés, à travers 7 134 aides, dans 18 pays africains, 123 178 euros en Europe avec 120 aides, 113 9 955 euros en Asie ou encore 33 950 euros en Amérique du Nord et centrale.

La Rapporteure regrette que les résidents à l’étranger soient exclus du bénéfice de l’aide différentielle en faveur des conjoints survivants (ADCS). L’argument avancé par le Gouvernement selon lequel l’inexistence de minima sociaux dans de nombreux pays rendrait impossible le calcul de cette aide n’est pas pertinent. En effet, les Missions économiques près les ambassades de France procèdent chaque année, dans tous les pays, à une évaluation des niveaux de vie qu’elles notifient aux consulats pour aider les Comités consulaires d’aide et de protection sociale (CCPAS) à attribuer des aides aux Français en situation d’extrême précarité.

Si l’obstacle technique ne tient pas, reste l’argument budgétaire. En l’absence d’investigations précises, le coût d’une telle aide est difficile à évaluer. C’est pourquoi la Rapporteure souhaite que le Gouvernement procède à une étude complète sur la situation des veuves des anciens combattants résidant à l’étranger et a déposé un amendement en ce sens.

3. L’Institution nationale des Invalides (INI) à la croisée des chemins

Qualifiée par l’article L. 529 du Code des pensions militaires d’invalidité de « maison des combattants âgés, malades ou blessés au service de la patrie », l’Institution nationale des invalides (INI) assure une triple mission :

— accueillir dans un centre de pensionnaires, à titre permanent ou temporaire, les invalides bénéficiaires du Code des pensions militaires d’invalidité satisfaisant aux conditions fixées par le décret visé à l’article L. 537 ;

— dispenser dans un centre médico-chirurgical des soins en hospitalisation ou en consultation, en vue de la réadaptation fonctionnelle, professionnelle et sociale des patients, et délivrer aux assurés sociaux les soins qui incombent aux établissements de santé ;

— participer aux études et à la recherche sur l’appareillage des handicapés conduites par le ministre délégué aux anciens combattants.

Placé sous la tutelle du ministère de la défense, l’INI a signé le 8 décembre 2010 avec celui-ci et le ministère chargé de la santé un contrat d’objectifs et de performance qui précise jusqu’au 31 décembre 2013 ses orientations stratégiques.

Le projet d’établissement de l’INI pour la période 2009-2013 s’appuie sur trois orientations stratégiques : renforcer et structurer les réseaux internes et externes de prise en charge des pensionnaires et patients du centre médico-chirurgical, déployer un projet d’enseignement et de recherche sur l’appareillage suite à l’intégration du Centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés (CERAH) et, enfin, améliorer la qualité et la gestion des risques, moderniser le management, élaborer un schéma directeur d’infrastructure.

Ainsi que l’avait remarqué la Cour des comptes dans son rapport public de 2005, le centre médico-chirurgical devrait être ouvert plus largement aux consultations externes pour ne pas être en sous-activité et faire ainsi profiter plus largement de son savoir-faire important dans la chirurgie orthopédique et celles des escarres. Sans remettre en péril ces spécificités, la Rapporteure estime que l’INI ne devrait pas rester à l’écart du processus de rationalisation de l’offre de soins supervisée par les agences régionales de santé (ARS).

L’année 2013 devrait être de ce point de vue décisive, suite à la décision du Premier ministre de diligenter un audit interministériel sur le financement de l’Institution avec le contrôle général des armées, l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales. Des résultats de cet audit dépendra le montant de la dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé – 11,5 millions d’euros en 2011.

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une baisse de 0,27 million d’euros (- 2,2 %), de la subvention versée par le ministère de la défense, qui s’élèvera à 12,4 millions d’euros.

La baisse des effectifs amorcée depuis 2009 se poursuivra en 2013, avec la diminution du plafond d’emploi de 5 ETPT, portant le total à 454 ETPT. Dans le même temps, les dépenses de fonctionnement et d’investissement augmenteront fortement du fait de l’augmentation des dépenses liées au surcroît prévu d’activité médicale et la mise en œuvre des schémas directeurs de l’Institution.

C. LA RÉPARATION DES CONSÉQUENCES SANITAIRES DES ESSAIS NUCLÉAIRES FRANÇAIS

Depuis 2010, le dispositif de reconnaissance et d’indemnisation des victimes des essais nucléaires bénéficie d’un budget dédié de 10 millions d’euros. Créé par l’article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 et par le décret d’application n° 2010-653 du 11 juin 2010, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a été mis en place par arrêté du 3 août 2010.

Le CIVEN s’est réuni trente fois entre la date de sa première réunion, le 20 septembre 2010, et le 6 septembre 2012. Durant cette période, 772 dossiers ont été reçus et seules 7 indemnisations ont été accordées pour un montant total de 290 000 euros. Le montant relatif à l’action subrogatoire des caisses de sécurité sociale s’élève à 35 213 euros. Trois autres indemnisations, après décision du ministre, sont en cours de proposition aux intéressés.

Compte tenu du faible succès du dispositif, le Gouvernement a assoupli les critères d’attribution de l’indemnisation par le décret n° 2012-604 du 30 avril 2012. Celui-ci étend, d’une part, le périmètre géographique des zones de l’atoll de Hao et de celles de l’île de Tahiti, dans lesquelles le demandeur doit avoir résidé ou séjourné pour pouvoir bénéficier du régime d’indemnisation et élargit, d’autre part la liste des dix-huit maladies radio-induites au cancer du sein chez l’homme, ainsi qu’à trois nouvelles pathologies (lymphomes, myélomes et myélodysplasies).

En application de ce décret, cinquante-trois dossiers, ayant déjà fait l’objet d’une décision ministérielle de rejet, seront d’ores et déjà réexaminés par le CIVEN et donneront lieu à une nouvelle décision. De nouveaux dossiers, correspondant à ces critères assouplis, devraient être déposés dans les mois qui viennent.

La provision de 10 millions d’euros est par conséquent inchangée dans le projet de loi de finances pour 2013.

III. LE PROGRAMME 158 « INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE »

Le programme 158 assure le financement des dispositifs d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait de législations antisémites (décret n° 99-778 du 10 septembre 1999), des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites (décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000) et des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie (décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004).

L’instruction des dossiers est réalisée :

— soit par la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), pour les spoliations (article 1er du décret du 10 septembre 1999). Cette commission est rattachée au programme 158 relevant du Premier ministre ;

— soit par les services du ministère de la défense et des anciens combattants (article 3 du décret du 13 juillet 2000 et article 4 du décret du 27 juillet 2004), pour l’aide aux orphelins.

Les décisions accordant ou refusant des mesures de réparation financière sont prises par le Premier ministre. La mise en paiement est confiée, par les trois décrets, à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG).

A. L’ÉVOLUTION GLOBALE DES CRÉDITS

Les dotations inscrites au titre de 2013 sur le programme 158 tiennent compte du ralentissement constaté de l’activité de la CIVS ainsi que des charges prévisibles au titre des dispositifs d’indemnisation résultant des décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004. Cette évolution conduit à une baisse tendancielle des crédits de 5,38 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 158

(en millions d’euros)

   

LFI 2012

PLF 2013

Évolution

Numéro et intitulé de l’action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01

Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation

60

60

56

56

- 6,66 %

- 7,66 %

02

Indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale

56

56

54

54

- 3,57 %

- 3,57 %

TOTAL

116

116

110

110

- 5,17 %

- 5,17 %

Source : Projet annuel de performances pour 2013.

La répartition par titre est présentée dans le tableau ci-après.

Les dépenses de titre 2 intègrent en 2013 une diminution du plafond d’emploi de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), 32 équivalents temps plein travaillés (ETPT), qui apparaît structurellement surcalibré par rapport à la consommation réelle, 23,6 en 31 juillet 2012. La diminution est de 4 ETPT ce qui ramène le plafond autorisé à 28 ETPT. Les crédits sont ajustés en conséquence.

Les crédits de titre 3 sont destinés au fonctionnement de la CIVS à hauteur de 523 124 euros en autorisations d’engagement (AE) et à 823 124 euros en crédits de paiement (CP). La différence entre les AE et les CP correspond au montant du loyer des locaux de la commission au titre de l’année 2013. Le montant des AE consommés était supérieur aux CP en 2012 du fait de l’engagement d’un nouveau bail de trois ans.

Les frais de gestion des dossiers d’indemnisation par l’ONAC-VG s’élèvent à 223 924 euros en AE et CP. Ils correspondent aux frais de traitement des dossiers d’indemnisation des victimes de spoliations et des orphelins de victimes de persécutions antisémites. S’y ajoutent 302 512 euros au titre des frais de traitement des dossiers d’indemnisation des orphelins de victimes d’acte de barbarie.

Enfin, les crédits de titre 6 sont calculés à partir de l’évolution attendue du nombre de bénéficiaires des trois dispositifs (cf. infra.)

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 158 PAR TITRE

(en millions d’euros)

   

LFI 2012

PLF 2013

Évolution

Numéro et intitulé de l’action
et du titre

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Titre 2

Dépenses de personnel

2

2

1,8

1,8

-11 %

-11%

Titre 3

Dépenses de fonctionnement

1

1

1

1

0

0

Titre 6

Dépenses d’intervention

113

113

107

107

-5,3%

-5,3%

TOTAL

116

116

110

110

- 5,17 %

- 5,17 %

Source : Projet annuel de performances pour 2013.

B. L’INDEMNISATION DES VICTIMES DE SPOLIATION

Le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999, modifié par le décret n° 2000-932 du 25 septembre 2000, a mis en place un dispositif d’indemnisation à destination des personnes, ou descendants de personnes, ayant été victimes de spoliations matérielles ou bancaires intervenues du fait des législations antisémites en vigueur en France durant la période de l’Occupation (1940-1944).

La deuxième partie de ce rapport est consacrée à l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues pendant l’Occupation.

Les crédits d’intervention prévus par le projet de loi de finances s’élèvent pour 2013, à 17 millions d’euros, contre 20,7 millions en 2012, compte tenu de l’évolution attendue des dossiers.

C. L’INDEMNISATION DES ORPHELINS

1. Les indemnisations des orphelins de parents victimes de persécutions antisémites

Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a institué une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. La mesure de réparation concerne toute personne dont le père ou la mère, déporté(e) de France en raison des persécutions antisémites alors qu’elle avait moins de vingt-et-un ans, est décédé(e) ou disparu(e) en déportation.

Contrairement aux indemnisations versées aux victimes de spoliations, les montants versés aux orphelins de parents victimes de persécutions antisémites – ainsi qu’aux orphelins de parents victimes d’actes de barbarie – sont déterminés par des dispositions réglementaires. Ils s’élèvent à 27 440,82 euros pour un capital et 492,51 euros pour la rente mensuelle en 2011, revalorisée à 504,83 euros en 2012.

D’octobre 2000, début de la campagne d’indemnisation, au 31 août 2012, le service instructeur a enregistré 17 573 demandes, 13 534 décisions d’indemnisation ont été prises qui accordent, selon les vœux des bénéficiaires, l’aide financière demandée sous la forme d’un capital pour 6 564 bénéficiaires (48,5 %) ou sous la forme d’une rente mensuelle pour 6 970 bénéficiaires (51,5 %). 680 rejets ont été notifiés.

Les crédits d’intervention prévus par le projet de loi de finances s’élèvent à 36,4 millions d’euros pour 2013, après 36,9 millions en 2012, correspondants à 5 858 crédirentiers attendus au 31 décembre 2012. Aucun dossier nouveau n’est prévu pour l’exercice 2013 au cours duquel les entrées potentielles devraient être couvertes par les sorties du dispositif.

2. Les indemnisations des orphelins de parents victimes d’actes de barbarie

Le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 a institué une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Le bénéfice de cette aide financière est accordé aux orphelins de déportés résistants et politiques morts en déportation, aux orphelins de personnes arrêtées et exécutées dans les conditions définies aux articles L. 274 et L. 290 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, ainsi qu’aux personnes dont le père ou la mère a été déporté à partir du territoire national, durant l’Occupation et dans des conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286.

Depuis la date de publication du décret et jusqu’au 31 août 2012, 33 212 demandes ont été enregistrées, 22 299 décisions d’indemnisation sont intervenues et 2 010 rejets ont été notifiés aux demandeurs. Sur l’ensemble des bénéficiaires, 13 613 ont demandé à recevoir l’aide financière prévue sous la forme d’un capital (61 %) et 8 686 sous la forme d’une rente mensuelle (39 %).

Les crédits d’intervention prévus par le projet de loi de finances s’élèvent en 2013 à 53,6 millions d’euros correspondant à une hypothèse de 8 174 crédirentiers attendus au 31 décembre 2012 ainsi qu’à une hypothèse de 154 nouveaux dossiers.

DEUXIÈME PARTIE : L’INDEMNISATION DES VICTIMES DE SPOLIATIONS INTERVENUES PENDANT L’OCCUPATION

Treize ans après sa création par le Gouvernement Jospin, la Rapporteure a souhaité dresser un bilan du dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues pendant l’Occupation. Alors que plus de 477 millions d’euros ont été versés depuis sa création, la Rapporteure estime que, près de soixante-dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, il est temps de mettre fin à un dispositif qui ne bénéfice plus aujourd’hui à des personnes directement touchées par ces spoliations.

I. LA CRÉATION DU DISPOSITIF D’INDEMNISATION

A. LA MISSION MATTÉOLI ET SES CONCLUSIONS

1. La mission Mattéoli

En 1997, le Premier ministre, Alain Juppé, a confié à Jean Mattéoli la présidence d’une mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France de 1940 à 1944, à laquelle ont participé Serge Klarsfeld et Annette Wieviorka, rejoints en 1998 par les historiens, Claire Andrieu et Antoine Prost. Il s’agissait de déterminer à partir de l’examen des différents fonds d’archives, les conditions dans lesquelles les spoliations organisées dans le cadre de la législation de Vichy ont eu lieu et ce qui a pu être restitué depuis la Libération.

La mission Mattéoli a travaillé en particulier sur :

— l’« aryanisation » des entreprises appartenant à des Juifs ;

— les banques où les Juifs ont déposé des numéraires et des valeurs mobilières ou dans lesquelles ils détenaient des coffres contenant parfois des objets d’art, dont la confiscation ne doit pas être confondue avec le pillage systématique perpétré par les Allemands ;

— le dossier des contrats d’assurances souscrits par les familles juives ;

— les biens des Juifs internés dans les camps de Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande qui ont été transférés à la Caisse des dépôts et consignations ;

— le dossier de la SACEM et des droits d’auteurs-compositeurs juifs.

Le 17 avril 2000, Jean Mattéoli a présenté au Premier ministre, Lionel Jospin, les conclusions des travaux de cette mission d’étude, contenues dans un rapport général, des rapports sectoriels et des recommandations (9).

Ces rapports ont mis en lumière l’ampleur de la spoliation qui a frappé la population juive en France, estimée à environ 330 000 personnes en 1940, une spoliation « lancée par les Allemands en zone Nord dès le début de l’Occupation, assumée par Vichy et étendue par lui à l’ensemble du territoire national à partir de juillet 1941 » (10). Ils révèlent la multiplicité et la complexité des mécanismes de la spoliation qui a touché tous les secteurs de l’économie à l’exception du secteur primaire, toutes les branches de la fonction publique, de l’industrie, du commerce et des services, secteur public et secteur privé confondus :

— 80 000 comptes bancaires et environ 6 000 coffres bloqués ;

— 50 000 procédures d’« aryanisation » engagées ;

— plus de 100 000 objets d’art ainsi que plusieurs millions de livres pillés ;

— 38 000 appartements vidés.

Ils démontrent que la restitution effectuée après la Seconde Guerre mondiale a été importante, mais incomplète, que l’administration des Domaines a procédé de façon un peu trop hâtive à la vente d’objets divers appartenant à des Juifs, et que les musées de France n’ont pas mené avec suffisamment de détermination la recherche en propriété concernant les œuvres et objets d’art qui leur ont été confiés. Au total, le montant de la spoliation comptabilisable, concernant les ventes ou liquidations d’entreprises et de biens immobiliers, ainsi que les ventes de valeurs mobilières et les prélèvements sur les comptes et livrets, peut être estimé à un peu plus de 5 milliards de francs de l’époque, correspondant à près de 9 milliards de 2000, soit 1,4 milliard d’euros.

Selon Annette Wieviorka, la spoliation des Juifs ne s’est pas limitée à un acte de dépossession : « elle fait partie de toute une politique d’exclusion qui est une des étapes de la Solution finale ». Quant aux restitutions effectuées à la Libération, elles ont surtout bénéficié aux grandes entreprises, tandis que « les tailleurs, brocanteurs et petits commerçants ont été purement et simplement rayés des registres du commerce et des métiers » (11). Pour Antoine Prost, « il ne s’agissait pas seulement d’éliminer toute influence "juive" dans l’économie nationale et de réunir des milliards. Il s’agissait aussi, très concrètement, de priver de leurs moyens d’existence des milliers de petites gens et de leur rendre la vie matériellement impossible, de les faire littéralement disparaître du paysage. Par là, ce fut une persécution quotidienne et une préface au génocide » (12).

2. Un dispositif complet d’indemnisation

La mission Mattéoli a constaté que 90 % des biens juifs spoliés en valeur ont été restitués ou indemnisés après la Seconde Guerre mondiale et que la partie d’entre eux qui restait à indemniser correspondait à un montant d’environ 1,5 milliard de francs de 2000, soit 228 millions d’euros. Elle a recommandé la création d’une commission chargée de cette indemnisation, ce qui fut fait par le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 modifié par le décret n° 2000-932 du 25 septembre 2000 instituant la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS).

En outre, à la demande de Serge Klarsfeld, président de l’association Fils et filles de déportés juifs de France, la Mission d’étude a proposé qu’un dispositif d’indemnisation des enfants de déportés juifs de France soit mis en place sous la forme d’une indemnité viagère : le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 répond à cette attente (cf. supra.)

Enfin, dans le cas où les ayants droit auraient tous disparu, la Mission d’étude a proposé que les fonds en déshérence, soit 393 millions d’euros, soient versés à la Fondation pour la mémoire des victimes de la Shoah, créée à cet effet en 2000. Le professeur Ady Steg, vice-président de la Mission d’étude, avait exposé ses objectifs en ces termes : « Elle aura une triple vocation, historique, éducative et de solidarité avec les victimes de la Shoah dans le besoin. Son objectif est de mettre en place une pédagogie sur Auschwitz. Cette pédagogie consiste à étudier pourquoi ce qui était inconcevable a été conçu. » Avec les produits financiers de cette dotation, la Fondation subventionne, d’une part, le Mémorial de la Shoah, d’autre part, des projets qui permettent d’élargir les connaissances sur la Shoah, de venir en aide aux survivants en difficulté, et de transmettre l’héritage de la culture juive. Depuis sa création, la Fondation a financé plus de 2 200 projets. En 2011, plus de 8,3 millions d’euros ont été attribués à 217 projets.

B. LA COMMISSION POUR L’INDEMNISATION DES VICTIMES DE SPOLIATIONS (CIVS) ET SON FONCTIONNEMENT

La CIVS examine les demandes individuelles présentées par les victimes directes ou leurs ayants droit afin d’obtenir réparation des préjudices consécutifs aux spoliations matérielles et bancaires intervenues du fait des législations antisémites en vigueur en France pendant l’Occupation. Elle étudie et propose des mesures équitables de réparation, restitution ou indemnisation et émet à cette fin des recommandations.

La Commission : composition et moyens

L’article 3 du décret du 10 septembre 1999 précise que la Commission est composée de :

1° Deux magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, en activité ou honoraires ;

2° Deux conseillers d’État, en activité ou honoraires ;

3° Deux conseillers maîtres à la Cour des comptes, en activité ou honoraires ;

4° Deux professeurs d’université ;

5° Deux personnalités qualifiées.

Le même article précise que « le président de la commission est choisi parmi les membres mentionnés au 1° » que « le président, le vice-président et les membres de la commission sont désignés par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans » et qu’un « un rapporteur général et des rapporteurs sont nommés auprès de la commission par arrêté du ministre de la justice parmi les magistrats de l’ordre judiciaire et les membres des juridictions administratives. »

L’article 3-1 précise qu’un « commissaire du Gouvernement, nommé par arrêté du Premier ministre, est placé auprès de la commission. » Il « reçoit copie des rapports établis par les rapporteurs à l’issue de l’instruction des dossiers. Il peut formuler des observations écrites ou orales. Il assiste aux séances au cours desquelles les rapports sont examinés. Il assiste aux séances de la formation plénière et des formations restreintes de la commission et peut présenter des observations, écrites ou orales, sur les demandes que ces formations examinent. »

Jusqu’au 29 février 2012, 18 magistrats-rapporteurs ont contribué à l’activité de la Commission. Ils sont au nombre de 17 depuis le 1er mars 2012.

Un peu moins d’une trentaine de personnes assure le fonctionnement des services. Le plafond des ETPT avait été fixé à 32 en 2012 mais a été revu à 28 pour l’année 2013 afin d’être ajusté à l’activité. Outre son siège parisien, la CIVS dispose d’une antenne à Berlin qui emploie 3 collaborateurs engagés sous contrat de droit local.

Les crédits de fonctionnement de la CIVS à Paris s’élèvent à 235 000 euros et à 64 000 euros pour son antenne berlinoise.

1. Le déroulement des instructions

Toute personne, ou descendant de personne, ayant été victime de spoliations matérielles ou bancaires intervenues du fait des législations antisémites en vigueur en France durant la période de l’Occupation (1940-1944) peut s’adresser à la Commission, quel que soit son pays de résidence actuel. Le demandeur peut agir à titre personnel et/ou en qualité de mandataire d’autres ayants droit.

La cellule administrative enregistre les demandes individuelles, leur attribue un numéro de requête et envoie un accusé de réception accompagné d’un formulaire (questionnaire, procuration (13) et pouvoir aux fins de représentation) aux demandeurs, retourné par ces derniers à la Commission.

Les requêtes sont ensuite transmises au réseau de contrôle et d’investigation qui coordonne l’interrogation des différents centres d’archives en fonction des spoliations matérielles décrites dans les questionnaires (Archives nationales, Archives de Paris, Archives de Berlin, etc.). En ce qui concerne les spoliations bancaires, l’antenne bancaire interroge directement le CD-Rom « Banques » recensant les fichiers informatiques des comptes bloqués au 20 décembre 1941.

Après l’obtention des résultats des recherches, les dossiers sont remis pour instruction aux magistrats-rapporteurs qui rédigent des rapports destinés aux membres du Collège délibérant précisant les circonstances, la nature et l’ampleur des spoliations et formulant des propositions chiffrées d’indemnisation. Les membres du collège délibérant sont issus du Conseil d’État, de la Cour des comptes, de la Cour de Cassation, du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, du Mémorial de la Shoah ainsi que de différents établissements français d’enseignement supérieur et de recherche.

Les dossiers sont inscrits à l’ordre du jour par le secrétariat des séances et examinés par le commissaire du Gouvernement qui peut émettre des observations. Ils sont ensuite soumis par les rapporteurs à la Commission réunie en formation restreinte (trois membres du Collège délibérant) ou plénière (au moins six membres). Lors du délibéré, la Commission formule des recommandations d’indemnisation à la charge de l’État et des banques, qui sont communiquées aux requérants dans un délai de dix à quinze jours après l’examen de leur dossier.

Certains dossiers sont examinés par le Président de la CIVS dans le cadre de la procédure accélérée dite du « Président statuant seul ». Ils concernent notamment les levées de parts réservées, les demandes de nouvel examen et d’indemnisation des frais de passeur liés au franchissement de la Ligne de démarcation ainsi qu’une part importante des dossiers d’indemnisation bancaire en application de l’Accord de Washington.

Les services du Premier ministre ordonnancent les décisions d’indemnisation mises à la charge de l’État, le paiement étant effectué par l’ONAC-VG.

L’indemnisation des spoliations bancaires est soumise à un régime particulier dans le cadre de l’accord franco-américain signé à Washington le 18 janvier 2001. L’accord de Washington a constitué deux fonds distincts (A et B) approvisionnés par les banques sur des comptes ouverts à la Caisse des dépôts et consignations. Le Fonds social juif unifié (FSJU) est désigné pour ordonnancer les paiements imputés aux Fonds A ou B auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Le Fonds A est destiné à indemniser les victimes dont les comptes ont été identifiés. Le Fonds B assure une indemnisation forfaitaire des victimes à partir d’éléments de preuve suffisamment crédibles ou de la signature d’une déclaration sous serment souscrite avant le 2 février 2005. Ce Fonds permet également de compléter les indemnités allouées au titre du Fonds A afin de garantir l’égalité de traitement entre les requérants.

L’accord de Washington initial a fait l’objet de modifications par la signature, le 21 février 2006, d’un échange de lettres diplomatiques. De nouvelles mesures ont été prises afin d’augmenter significativement la consommation des disponibilités financières attachées aux Fonds A et B. Elles ont conduit à l’épuisement du Fonds B. Le Fonds A assure désormais la totalité de l’indemnisation des sommes imputées initialement au Fonds B.

2. D’importantes actions de communication à l’étranger

Depuis 2003, dans le souci d’approfondir son action de rapprochement avec les requérants étrangers, six délégations se sont rendues en Israël (Tel-Aviv et Jérusalem) et quatre aux États-Unis (New York). 28 % des dossiers des requérants vivants en Israël ont ainsi été examinés directement dans leur pays et 20 % pour les dossiers de requérants américains.

Au total, ces dix missions ont permis d’étudier 738 affaires, les trois quarts des requérants assistant aux séances. Ce taux de participation est plus important que celui constaté lors des séances organisées en France. Ceci s’explique par le fait qu’il s’agit souvent pour les requérants vivant à l’étranger d’une première rencontre avec la Commission, tandis que les requérants en France ont un contact suivi avec le rapporteur chargé d’instruire leur affaire, ce que ne facilitent ni l’éloignement, ni l’emploi pour certains d’une langue étrangère. Cette attitude démontre aussi combien les requérants étrangers sont sensibles à l’effort que fait la France pour venir les rencontrer. Sur l’ensemble de ces missions, la CIVS a recommandé un montant total de 20,6 millions d’euros.

DÉPLACEMENTS À L’ÉTRANGER DE LA CIVIS

Les missions

Nombre de dossiers

Présence des requérants

Présence des requérants

(%)

Sommes recommandées

(en euros)

4 missions aux États-Unis

289

177

60

8 807 057

6 missions en Israël

449

371

83

11 787 501

Total pour les 10 missions à l’étranger

738

548

74

20 594 558

Source : Secrétariat général du Gouvernement.

Lors des derniers déplacements aux États-Unis et en Israël, un important programme de rencontres a été organisé avec les principales institutions et associations juives ainsi qu’avec les médias. La CIVS s’emploie à toujours mieux faire connaître ses travaux - notamment à l’occasion de symposiums qui se sont déroulés au Museum of Jewish Heritage de New York et à l’Institut français de Tel-Aviv – et les nombreux articles de presse parus récemment en témoignent et y contribuent. La CIVS a pris également l’attache de plus de 400 organisations juives avec lesquelles elle s’est mise en relation et continue d’en découvrir de nouvelles pouvant relayer l’information concernant sa mission.

Répondant à l’invitation des organisateurs, la CIVS a participé au symposium de Berlin sur les œuvres d’art spoliées en décembre 2008 et à la Conférence internationale sur les biens spoliés pendant la Shoah à Prague au mois de juin 2009. Sa présence lors de tels événements s’avère indispensable pour échanger avec toutes les personnes intéressées par le règlement des questions en matière de restitution et d’indemnisation.

Un partenariat a par ailleurs été engagé avec le Mémorial de la Shoah de Washington – United States Holocaust Memorial Museum (USHMM). En août 2009, la CIVS a envoyé une lettre d’information à plus de 2 000 requérants concernés par un programme développé par l’USHMM, appelé « Le Registre des Survivants ». En juin 2010, le Mémorial de Washington a envoyé un courrier à près de 2 000 personnes inscrites dans sa base de données qui résidaient en France pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le premier semestre 2012 a été marqué par le déplacement en Israël de son Rapporteur général, Pierre-Alain Weill. Celui-ci a rencontré plusieurs membres des chancelleries (ambassade, consulat) ainsi que la vice-présidente de l’Assemblée des Français de l’étranger et des représentants de la communauté juive. En outre, du 20 au 22 juin 2012, le nouveau président de la Commission, Michel Jeannoutot, le vice-président François Bernard, le directeur Jean-Pierre Le Ridant, le rapporteur général M. Pierre-Alain Weill et plusieurs membres de la CIVS se sont rendus à Berlin afin de s’entretenir avec les responsables des deux centres d’archives allemands consultés par les membres de l’antenne de la CIVS de Berlin : le BADV (Office fédéral des services centraux et des questions de spoliations non résolues) ; les Archives du land de Berlin.

II. UNE MISSION LARGEMENT ACCOMPLIE

A. UNE ACTIVITÉ QUI DÉCROÎT

Depuis le début de ses travaux jusqu’au 31 juillet 2012, la Commission a reçu 23 473 requêtes. Ce chiffre correspond à la création de 28 059 dossiers, dont 18 658 concernant des spoliations matérielles et 9 401 des spoliations bancaires (14).

Après le pic atteint en 2002, le nombre de requêtes déposées est en baisse depuis 2003. En effet, 104 requêtes ont été reçues en moyenne chaque mois en 2004, 93 en 2005, 95 en 2006, 84 en 2007, 74 en 2008, 70 en 2009, 70 en 2010 et 46 en 2011.

Depuis le début de l’année 2012, 258 requêtes ont été déposées, soit une moyenne de 37 par mois. Par ailleurs, 2 nouveaux dossiers sont enregistrés en moyenne mensuellement du fait de la « création interne » de dossiers bancaires constitués suite à la découverte, dans les Archives nationales, de comptes d’entreprises placées sous administration provisoire.

Au 31 juillet 2012, la CIVS a formulé 31 980 recommandations, dont 20 132 recommandations matérielles et 11 848 recommandations bancaires (15).

Entre 8 à 10 dossiers en moyenne par séance restreinte, tous préjudices confondus, sont examinés par le collège délibérant à raison de deux réunions par semaine. Les formations plénières privilégient l’examen des dossiers les plus complexes et à fort enjeu financier ainsi que les demandes de réexamen selon une fréquence de 2 à 3 séances par mois. Du 1er janvier au 31 juillet 2012, la CIVS a organisé 51 séances restreintes et 19 séances plénières.

NOMBRE DE REQUÊTES DÉPOSÉES ET DE RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

 

1999-2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Au 31/07/2012

Total

Requêtes déposées

18 094

1 169

983

882

846

772

469

258

23 473

« Créations internes »

-

201

305

310

175

69

63

16

1 139

Recommandations

adoptées (16)

17 054

3 991

3 650

2 212

1 735

1 262

1 189

887

31 980

Source : Secrétariat général du Gouvernement.

Le montant total des indemnisations recommandées par la Commission depuis le début de ses travaux jusqu’au 31 juillet 2012 s’élève à plus de 477 millions d’euros. Ce montant comprend, en plus des sommes mises à la charge de l’État, les premier et second tours des indemnisations bancaires relevant de l’accord de Washington.

Depuis janvier 2012, le montant des sommes recommandées à la charge de l’État s’élève à 7,2 millions d’euros. Ce montant s’élève à 7,4 millions d’euros si l’on inclut le montant des sommes recommandées mises à la charge des fonds bancaires A et B.

MONTANT DES SOMMES RECOMMANDÉES EN EUROS TOUS PRÉJUDICES CONFONDUS

(en millions d’euros)

1999-2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Au

31/07/2012

Total

243

69

60

38

27

17

16

7

477

Source : Secrétariat général du Gouvernement.

Sur les douze années de campagne, le coût moyen alloué par recommandation s’élève à 21 713 euros et le coût moyen alloué par bénéficiaire s’élève à 9 986 euros.

On constate une exceptionnelle disparité entre les montants minima et maxima alloués, selon que l’on indemnise, par exemple, quelques pièces de monnaie confisquées à l’entrée d’un camp ou un important patrimoine professionnel, immobilier et/ou culturel spolié :

— par recommandation : d’1 euro à 5,4 millions d’euros

— par bénéficiaire : de 0,10 euro à 2,2 millions d’euros.

Les délais moyens de traitement sont de 4,5 mois pour les résidents sur le territoire national et de 5,5 mois pour les non-résidents.

Au 31 juillet 2012, le montant total des indemnités allouées (17) au titre des spoliations bancaires (Fonds A et Fonds B) s’élève à plus de 41 millions d’euros, soit un peu plus de 50 millions de dollars (18).

B. FIXER UNE DATE DE FORCLUSION

Après douze années de travaux, la CIVS a en grande partie rempli sa mission. Sauf exception, pratiquement plus aucun dossier ne concerne directement une personne spoliée à l’âge adulte et très peu concernent désormais des enfants victimes de la Shoah ou des survivants de la Shoah. Beaucoup de demandes nouvelles concernent des requérants qui n’ont pas connu les personnes spoliées et qui n’ont avec elles qu’une parenté lointaine.

Par ailleurs, l’ensemble des États européens qui avaient ouvert une procédure similaire, a d’ores et déjà clôturé définitivement les opérations d’indemnisation (Autriche, Hongrie, Belgique, Bulgarie).

La Rapporteure estime qu’il est temps de fixer une date de forclusion au dispositif. La fixation d’une date n’emportera pas la fin immédiate des indemnisations pour ne pas priver les bénéficiaires potentiels de la possibilité de faire valoir leurs droits.

Compte tenu de la dispersion géographique des bénéficiaires, un délai suffisamment long doit être prévu pour permettre le dépôt d’ultimes requêtes et l’instruction des requêtes en cours. C’est pourquoi la Rapporteure a proposé un amendement fixant la date de forclusion au 31 décembre 2014. L’annonce du dispositif de forclusion devra s’accompagner d’une campagne d’information sur le plan national et international.

Les moyens mis à la disposition de la Commission pour achever ses travaux devront être adaptés au volume d’affaires attendu, pour lequel la prévision est aujourd’hui difficile, compte tenu de l’impossibilité de prévoir l’impact d’une campagne d’information sur le dépôt de demandes nouvelles.

Comme l’a indiqué Serge Klarsfeld à la Rapporteure lors de son entretien, on peut envisager la mise à disposition de la Fondation pour la mémoire des victimes de la Shoah de quelques agents de la Commission après la date de forclusion, le temps que l’activité s’éteigne.

Parallèlement, une autre démarche devra être entreprise pour prononcer la forclusion du dispositif d’indemnisation des spoliations bancaires, tel que prévu aux termes des accords de Washington, ce qui suppose une renégociation des accords diplomatiques signés entre les gouvernements américains et français, à laquelle devront être associés les différents acteurs du secteur bancaire, ainsi que le FSJU et la Caisse des dépôts et consignations.

CONCLUSION : RECOMMANDATIONS DE LA RAPPORTEURE

En conclusion, ce projet de budget préserve l’essentiel, les droits du monde combattant étant maintenus. Dans un contexte particulièrement difficile, il n’a pas été une « variable d’ajustement » et un effort important y est consacré à la mémoire et à la solidarité. Plusieurs sujets mériteront une attention particulière dans les prochains mois.

1. Concernant la Journée Défense et Citoyenneté (JDC), la Rapporteuse souhaite que les tests de « numératie » soient mis en œuvre le plus tôt possible. Elle souhaite également que la présensibilisation à la JDC dans les classes de troisième et première soit réellement effectuée.

2. Au sujet du programme de commémoration pour l’année 2014, la Rapporteure regrette que l’installation de la nouvelle structure ait retardé la programmation de ce cycle commémoratif exceptionnel. Des choix sur la programmation des commémorations de l’année 1914 doivent être opérés très vite par le Gouvernement.

3. La Rapporteure estime que les 3 millions d’euros versés à la Fondation pour la mémoire de la Ggerre d’Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie pourraient être employés de manière plus utile par le ministère des anciens combattants, notamment en faveur des veuves.

4. La Rapporteure insiste sur la nécessité d’associer le plus étroitement possible les associations d’anciens combattants aux travaux de refonte du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.

5. La Rapporteure souhaite que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport d’information sur la situation des veuves des plus grands invalides de guerre.

6. La Rapporteure regrette que les conjoints survivants des anciens combattants résidant à l’étranger soient exclus du bénéfice de l’aide différentielle. Elle demande un étude au Gouvernement sur leur situation.

7. La Rapporteure estime que l’Institution nationale des Invalides ne devrait pas rester à l’écart du processus de rationalisation de l’offre de soins supervisée par l’agences régionale de santé d’Île-de-France.

8. La Rapporteure estime qu’il est temps de fixer une date de forclusion au dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations pendant l’Occupation. En accord avec Me Serge Klarsfeld, président de l’Association des fils et filles de déportés juifs de France, elle propose la date du 31 décembre 2014. L’annonce du dispositif de forclusion devra s’accompagner d’une campagne d’information sur le plan national et international.

9. Dans le cadre d’une prochaine forclusion, la Rapporteure propose de renégocier l’accord franco-américain de Washington pour pouvoir prononcer également la forclusion du dispositif d’indemnisation des spoliations bancaires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. KADER ARIF, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE LA DÉFENSE, CHARGÉ DES ANCIENS COMBATTANTS

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense chargé des anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2013 (n° 235), au cours de sa réunion du mercredi 3 octobre 2012.

Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le ministre, nous n’avions malheureusement pas pu vous auditionner en juillet dernier, en raison d’une incompatibilité d’agenda, mais je suis sûre que le premier échange que nous aurons aujourd’hui permettra de rattraper ce retard.

Outre la présentation du projet de loi de finances pour 2013, je souhaiterais que vous évoquiez devant nous les principaux dossiers relatifs aux anciens combattants.

En matière de droit à réparation et de solidarité – qui est une question d’actualité, notamment vis-à-vis des militaires revenant blessés d’opérations extérieures (OPEX) –, les attentes du monde combattant sont nombreuses, qu’il s’agisse de la revalorisation de la retraite du combattant, de l’attribution de la carte du combattant après le 2 juillet 1962 ou de l’augmentation de l’aide différentielle en faveur des conjoints survivants.

Concernant la politique de mémoire, vous nous parlerez notamment de la reconnaissance de la journée du 19 mars comme date officielle de commémoration de la guerre d’Algérie ou de la préparation du programme de commémoration du centenaire de la guerre de 14-18.

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Je suis d’autant plus heureux d’être aujourd’hui parmi vous, que je n’avais en effet malheureusement pu répondre positivement à votre invitation au mois de juillet – ce dont je tenais à m’excuser. Sachez que, même si les rencontres sont parfois difficiles du fait de nos contraintes respectives, je suis avec mon cabinet pleinement à votre écoute. Une relation de confiance entre membres du Gouvernement et parlementaires, qu’ils soient députés ou sénateurs, est le gage d’une collaboration sereine et constructive sur le long terme. Nous en avons besoin car les défis sont nombreux.

Je sais le travail qui est le vôtre, et je suis respectueux de votre engagement au sein de cette commission, qui occupe une place tout à fait centrale, non seulement dans le cadre du débat budgétaire qui nous réunit aujourd’hui, mais, bien au-delà, dans la politique gouvernementale qui sera engagée sur les mois et années à venir. Je sais que je pourrai compter, dans la mise en œuvre des priorités que je souhaite défendre et que je vais vous exposer, sur des députés particulièrement compétents, qui connaissent déjà parfaitement le monde combattant et les politiques qui y sont liées. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre de l’examen en séance publique du projet de loi de finances qui aura lieu le 5 novembre prochain.

S’agissant du projet de loi de finances pour 2013, vous avez auditionné hier le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian : dans la continuité de cette première rencontre, je me réjouis de pouvoir à mon tour engager ce dialogue avec vous, d’autant que le lien qui m’unit au ministère de la défense nous a permis de travailler ensemble sur la préparation du budget, d’inclure dans le Livre blanc la question du lien armée-nation, mais aussi d’être à la hauteur des attentes du monde combattant, qui souhaitait depuis longtemps avoir un ministre dédié.

Ce budget fixe le cap du redressement de notre pays et prévoit un retour à 3 % de déficit dès la fin de l’année 2013. Les économies à réaliser, à hauteur de 10 milliards d’euros, se déclineront dans tous les ministères.

Dans ce contexte difficile, je me félicite de pouvoir vous présenter un budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » préservant totalement les droits des anciens combattants. Il s’agissait là de l’une de mes priorités, car je connais la situation dans laquelle vivent ceux-ci ainsi que leurs ayants droit : j’ai déjà rencontré de nombreux représentants d’associations et j’ai pu mesurer leurs attentes. Je sais également ce que la nation leur doit.

Ma demande de préservation des droits a donc été entendue et respectée : alors que le budget dont j’assure la gestion aurait mécaniquement dû baisser de 4,4 % par la diminution du nombre de pensionnés et retraités, les mesures nouvelles que je suis parvenu à inscrire limitent la baisse à 2,4 %.

Le portefeuille ministériel que je dirige se veut pérenne. Telle était la volonté du Président de la République François Hollande et du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Le monde combattant, et au-delà celui des harkis et rapatriés, mais aussi celui des acteurs de mémoire et des défenseurs du lien armée-nation, méritent d’avoir un ministre en permanence à son écoute, capable de répondre à ses besoins. Je m’inscris dans un travail porté sur l’avenir pour faire face aux nouveaux défis et engager une politique volontariste, que traduit ce budget.

Celui-ci a plusieurs objets : donner aux anciens combattants et à leurs ayants droit la reconnaissance qu’ils méritent ; réaffirmer la priorité donnée à la jeunesse, en cohérence avec la priorité nationale fixée par le Président de la République ; consacrer le rôle des opérateurs dédiés au monde combattant ; soutenir une véritable politique pour les harkis et les rapatriés ; et impulser une politique de mémoire dynamique et ambitieuse renforçant le lien armée-nation.

Ce budget, je le répète, préserve entièrement les droits des anciens combattants et de leurs ayants droit : il s’agit là de réaffirmer la solidarité de la nation à l’égard de ceux qui ont combattu au nom de la France, qu’il s’agisse des anciens combattants eux-mêmes, de leur famille ou des orphelins de guerre et pupilles de la nation. Nous devons être à la hauteur des attentes légitimes de ces hommes et femmes si intimement liés à l’histoire de notre pays.

Cela se traduit en premier lieu par l’augmentation de 4 points de la retraite du combattant, passée le 1er juillet dernier de 44 à 48 points. Cette avancée aura des répercussions réelles et concrètes pour les anciens combattants, dont vous vous êtes fait les porte-voix. Alors que le principe général d’une diminution de 7 % des dépenses d’intervention dans tous les ministères avait été annoncé, j’ai rappelé que les anciens combattants ne sont pas des citoyens comme les autres et ai ainsi obtenu non seulement que cette contrainte ne s’applique pas à eux, mais surtout que des fonds supplémentaires leur soient consacrés. Cette mesure représente un effort de 54 millions d’euros : l’année 2013 sera la première année pleine à assumer le coût global de l’augmentation de la retraite du combattant. Nous avons dû trouver les fonds nécessaires car cette année pleine n’avait pas été budgétée avant mon arrivée !

L’aide différentielle au conjoint survivant représente le second volet de l’action en faveur des anciens combattants et de leur famille. Ce dispositif est essentiel pour garantir un niveau de ressources minimum à celles et ceux dont le conjoint, ayant servi pour la France, les a quittés.

Créée en 2007 sur la base d’un montant de 500 euros, l’aide différentielle a successivement été portée à 800 euros en 2010, 834 euros en 2011 et 900 euros au 1er avril 2012. Cela représente une augmentation de 64 % depuis 2008, soit une hausse notable dans la période de contrainte budgétaire actuelle.

Il revient au conseil d’administration de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) de décider du niveau de ce plafond et de verser l’allocation différentielle. Pour autant, dans la mesure où mon portefeuille ministériel subventionne l’ONAC-VG et que je suis particulièrement sensible aux situations de détresse financière et sociale qui peuvent frapper les familles d’anciens combattants, j’accorde à ce dossier un suivi particulier. Ainsi, les crédits dédiés aux dépenses sociales de l’ONAC-VG, qui couvrent l’allocation différentielle, mais pas seulement, seront augmentés de 500 000 euros chaque année, de manière cumulative, ce qui porte l’effort budgétaire à 3 millions d’euros sur trois ans.

La perspective et la logique dans laquelle nous nous plaçons sont donc bien celles d’un renforcement des droits sociaux des anciens combattants et de leurs ayants droit. Si le budget de l’ONAC-VG dispose en fin d’année d’un reliquat, je ferai étudier la possibilité de l’attribuer à l’aide différentielle pour tendre davantage vers l’objectif de 964 euros de revenus, en conformité avec le seuil de pauvreté – puisque cet objectif est défendu par les associations et relayé par plusieurs d’entre vous. Il s’agit pour moi d’une priorité.

Autre point dans ce premier chapitre relatif à la préservation des droits des anciens combattants : le rapport constant. Si certaines associations souhaiteraient revoir le mode de calcul de la valeur du point des pensions militaires d’invalidité (PMI), aligné sur l’évolution des traitements des fonctionnaires, je tiens à rappeler que le dispositif actuel a été mis en place en concertation avec elles, et qu’il n’existe pas à l’heure actuelle d’autre indice de l’INSEE permettant de suivre de manière précise l’évolution du traitement des fonctionnaires, primes comprises. Toute élaboration d’un nouvel outil statistique se heurterait à d’importantes difficultés de réalisation.

Par contre, je me préoccupe des retards observés dans la publication des décrets prenant acte de l’augmentation de la valeur du point PMI. Le système ayant été créé précisément pour suivre au plus près l’évolution des salaires dans la fonction publique, il n’est pas acceptable que cette publication tarde parfois pendant plus d’une année, surtout lorsqu’il s’agit de sommes très modiques. C’est pourquoi j’ai signé sans attendre le décret entérinant la hausse du point PMI l’année dernière. Je m’engage à garantir une réactivité égale à l’avenir.

Je tiens également à insister sur la reconnaissance que nous devons à l’égard de nos soldats actuels ou passés engagés en OPEX. La quatrième génération du feu mérite un hommage appuyé et des dispositifs spécifiques.

Cela doit se traduire notamment par deux éléments. Le premier est la facilitation de l’octroi de la carte du combattant. Les textes ont dû être adaptés à de multiples reprises pour assurer la prise en compte de la nature particulière des missions dans lesquelles sont engagés ces soldats – les critères utilisés pour qualifier les actions combattantes des conflits passés étaient à l’évidence inadaptés. C’est ainsi qu’ont pu être reconnues, dans un premier temps, des missions telles que le contrôle de zone, l’intervention sur engin explosif ou l’évacuation de personnes.

Dans un second temps – parce que cette évolution était insuffisante –, nous avons adopté dès le 28 juin 2012 un décret modifiant la liste des OPEX ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant. De nouveaux théâtres d’opération sont ainsi intégrés, pour couvrir notamment les missions MONUSCO au Congo, AMISOM en Somalie, MINUSTAH en Haïti, MINUL au Libéria et bientôt l’opération Harmattan en Libye. Ces nouveaux critères devraient permettre d’augmenter de 25 à 50 % le nombre de cartes du combattant attribuées au titre des OPEX.

Mais parce que la reconnaissance est aussi symbolique, je serai heureux de poser en 2013 la première pierre du monument pour les morts en OPEX, grâce au million d’euros budgété pour réaliser cet ouvrage qui sera situé à Paris, place Vauban. 600 noms y seront dans un premier temps inscrits et, à chaque nouveau décès d’un soldat, son nom sera ajouté.

Ces éléments seront intégrés dans la refonte en cours du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, conformément aux recommandations du Conseil d’État. L’objectif est d’aboutir à la rédaction d’un document clair, à jour, complet, juridiquement sûr et permettant ainsi de rendre à ses utilisateurs l’ensemble des services qu’ils sont en droit d’attendre. Les associations seront pleinement associées à ce travail.

D’autres sujets concernent la guerre d’Algérie. Le premier a trait à l’attribution de la carte du combattant au-delà de la date du 2 juillet 1962.

Le Code des pensions militaires d’invalidité prévoit actuellement que les militaires et les civils de nationalité française ayant pris part aux opérations militaires en Afrique du Nord peuvent obtenir cette carte dès lors qu’ils justifient d’une durée uniforme de quatre mois de présence en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 2 juillet 1962.

Cependant, certains de nos soldats ayant stationné dans ce pays pendant au moins quatre mois, mais parfois au-delà de la date du 2 juillet 1962, souhaiteraient pouvoir prétendre, comme leurs compagnons d’armes, à cette carte.

Ces militaires ne sont pas oubliés par notre institution, puisque le Code des pensions militaires d’invalidité prévoit que pour une présence jusqu’en 1964, ils peuvent solliciter le titre de reconnaissance de la nation, qui ouvre droit au port de la médaille de reconnaissance de la nation ainsi qu’à la souscription d’une rente mutualiste, et les rend ressortissants de l’ONAC-VG.

Cela dit, j’entends les demandes relatives à la carte du combattant ; je suis particulièrement attentif à ce dossier : même si une évolution n’est pas à l’ordre du jour pour le budget 2013, j’ai demandé à mon administration de se pencher sur le sujet pour m’en fournir tous les tenants et aboutissants. Le cas échéant, sur la base des éléments qui me seront fournis, je ne manquerai pas d’explorer pleinement toute possibilité de modification du dispositif actuel, sachant qu’il faudra faire preuve de sagesse.

Autre sujet qu’il me tient à cœur d’évoquer : notre politique à l’égard des harkis et rapatriés, puisque le 25 septembre dernier, avait lieu la journée nationale d’hommage aux harkis, au cours de laquelle j’ai lu un message du Président de la République. Le drame qu’ils ont vécu, qu’il s’agisse de leur abandon au moment du retrait des troupes françaises d’Algérie ou du traitement réservé aux rapatriés dans les camps français par la suite, mérite d’être reconnu. C’était tout le sens du message du Président de la République, qui tient à ce que ce moment de notre histoire commune sorte de l’oubli et qu’il soit notamment pleinement intégré aux chapitres consacrés à la guerre d’Algérie dans les livres scolaires.

Parallèlement, le fonctionnement de la mission interministérielle aux rapatriés (MIR) doit être revu et l’ensemble des dispositifs sociaux et professionnels permettant l’insertion des harkis et de leurs descendants dans la société doivent être renforcés.

Ce travail s’inscrit plus largement dans la politique de mémoire, qui est une priorité du Gouvernement.

Comme je l’ai rappelé ce matin en Conseil des ministres, je tiens à mettre en valeur le calendrier commémoratif à venir dans sa richesse et sa diversité. Il va de la commémoration, l’année prochaine, du 70e anniversaire de l’année 1943 – grande année de la résistance intérieure – à l’anniversaire du débarquement en Normandie et de la Libération l’année suivante, sans oublier le débarquement en Provence, la libération de la Corse, dès 1943, ni bien sûr le centenaire de la Première Guerre mondiale.

Nous avons pour objectif de faire de la mémoire un élément fondamental de la citoyenneté et un vecteur d’appartenance à la nation, pour retisser le lien intergénérationnel et rapprocher les Français de toutes origines.

Malgré les contraintes budgétaires actuelles, nous avons su traduire financièrement cet objectif : le budget correspondant, qui passe de 12 à 17 millions d’euros de 2012 à 2013, enregistre une augmentation de plus de 50 % des crédits affectés à la politique de mémoire. Il inclut un effort particulier sur la rénovation des nécropoles de la Première Guerre mondiale, avec une enveloppe dédiée de 5 millions d’euros.

J’ai également annoncé en Conseil des ministres la création d’une mission interministérielle pour piloter le travail en cours et impulser de nouvelles orientations. C’est grâce à ce nouvel outil, que j’aurai l’honneur de présider, que je mènerai une politique de mémoire ambitieuse, capable d’honorer la mémoire des anciens combattants et à la hauteur des attentes des Français.

Le tourisme de mémoire constitue un autre volet, moins connu mais novateur et extrêmement important à mes yeux, de la politique mémorielle que je souhaite mettre en œuvre. Il s’agit de promouvoir les sites mémoriels en France et à l’étranger, de développer des formations sur la valorisation touristique des lieux de mémoire, notamment par la création d’un label dédié, de favoriser la mise en réseau de ces lieux et d’œuvrer conjointement au développement d’une politique événementielle autour des commémorations. Le chiffre d’affaires lié en 2011 au tourisme de mémoire – hors hébergement et restauration, donc limité au paiement des tickets d’accès aux sites mémoriels – s’élevait à 45 millions d’euros : il révèle à lui seul le potentiel d’évolution à l’avenir, par la mise en valeur de notre patrimoine – avec des retombées économiques notables pour les régions concernées.

Dernier volet : le renforcement du lien armée-nation, en particulier de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Moment privilégié, parfois unique, de rencontre entre une jeunesse et son armée, celle-ci constitue l’une des priorités du Gouvernement. Le Président François Hollande souhaite, comme il l’a rappelé dans son discours du 11 mars dernier, la recentrer sur sa fonction première qu’est la transmission de l’esprit de défense. La programmation prévoit donc de stabiliser les crédits de fonctionnement pour 2013, soit à 20 millions d’euros, et de préparer les réformes à mettre en œuvre pour les années à venir. Je souhaite que de nouvelles perspectives soient définies pour cette JDC, tendant notamment à allonger sa durée.

Mme Daphna Poznanski-Benhamou, rapporteure pour avis. Pouvez-vous faire le point sur le financement de l’Institution nationale des Invalides (INI) ? Je l’ai visitée le mois dernier : on constate des incertitudes sur la pérennité de la dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé. Qu’en est-il réellement ? Comment envisagez-vous l’avenir de l’INI, à la fois en tant que centre de soins et maison des invalides ? Par ailleurs, pas moins de 48 associations « squattent » les locaux de l’Hôtel national des Invalides : ne serait-il pas opportun de faire vérifier le bien-fondé de cette occupation ?

S’agissant des harkis, le Président de la République s’est engagé à faire un geste en leur faveur : comment entendez-vous concrètement traduire cet engagement ?

Troisièmement, un rapport du Gouvernement, remis au Parlement en septembre 2011, concernant l’éventuelle création d’une aide différentielle en faveur des anciens combattants résidant à l’étranger, a souligné que, pour ces personnes, l’inexistence de minima sociaux dans de nombreux pays rendait difficilement évaluable le coût de cette aide. Or nos missions économiques établissent année après année, pays par pays, de tels minima, sur la base desquels les consulats octroient des allocations à nos ressortissants en situation de précarité. Pouvons-nous dès lors espérer une avancée sur ce supposé problème de minima sociaux ?

Enfin, différentes fondations bénéficient d’une dotation de votre ministère. Pourtant, en ces temps de contrainte budgétaire, leur activité ne justifie pas toujours cette participation de l’État. Ainsi, la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie bénéficie d’une dotation initiale de 7,2 millions d’euros, répartie de la manière suivante : 2,5 millions d’euros versés par « Les Gueules cassées », 1,2 million d’euros par la Fédération nationale André Maginot, 500 000 euros par le Souvenir français et 3 millions d’euros par l’État. En 20l2, son budget de fonctionnement était de 206 500 euros. Selon une convention signée le 31 mars 2011, la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) a dû lui octroyer une subvention de 130 000 euros imputée dans le programme 167, laquelle a servi à financer deux colloques – l’un sur le peuplement de l’Afrique du Nord, l’autre sur « Abd El Kader, sa vie, son œuvre » – ainsi qu’à acheter du mobilier. Cette fondation, qui emploie deux salariés et est hébergée à l’Hôtel national des Invalides, coûte cher et fait doublon avec la DPMA : n’est-il pas temps de se pencher sur ce type d’organismes qui mobilisent d’importants fonds publics ?

M. le ministre délégué. J’ai moi-même découvert cette fondation et ai rencontré les deux associations qui participent à son financement : son fonctionnement est assuré par les seuls intérêts du capital de ces dernières et de celui octroyé par l’État. J’estime qu’elle n’est pas à la hauteur des espoirs qu’elle a pu susciter. Se pose la question de savoir comment redéfinir ses missions si l’État et ces deux associations restent engagés, ainsi que celle, dans ce cadre, d’une meilleure reconnaissance à l’égard des harkis.

Concernant les harkis, j’ai rencontré avant le 25 septembre dernier un grand nombre d’associations, qui expriment une volonté de reconnaissance et de responsabilité. Je ne suis pas en faveur d’une loi mémorielle – laquelle ne fait d’ailleurs pas l’objet d’une demande majoritaire parmi elles – : multiplier ce type de loi ne va pas nécessairement dans le bon sens. Pour autant, on doit répondre à cette volonté. Des mesures spécifiques existent depuis longtemps comme le plan emploi, mais celui-ci ne donne pas les résultats attendus, ni dans l’administration de l’État – qui comporte 6 % d’emplois réservés – ni des collectivités territoriales : il faut redéfinir le nombre de postes que l’on peut créer pour les enfants de harkis dans les deux fonctions publiques concernées. Les directeurs départementaux de l’ONAC-VG pourraient recevoir les intéressés : je les réunirai avec l’Association des régions de France (ARF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’Association des maires de France (AMF) pour voir comment les collectivités territoriales pourraient – quelle que soit leur sensibilité politique – mieux participer à ce plan. Un même effort doit être entrepris par l’administration de l’État : nous y réfléchissons.

La MIR mérite aujourd’hui d’être entièrement revue. J’ai demandé une étude sur ce sujet pour voir comment redéfinir sa mission et la rendre plus efficace.

Il ne faut pas oublier que les descendants de harkis, quelle que soit la génération à laquelle ils appartiennent, sont français, nés de parents français, et non des enfants issus de l’immigration. Il faut donc voir comment s’appuyer sur le droit commun – comme le nouveau dispositif des emplois d’avenir ou celui des contrats de génération – pour faciliter leur émergence dans la société, sans faire pour autant de la discrimination positive. Je suis preneur de toutes les idées permettant de favoriser leur insertion professionnelle et sociale.

Sur les minima sociaux, la première demande des associations est de porter l’aide différentielle à 964 euros, correspondant au seuil de pauvreté défini à l’échelle européenne. Je suis prêt à examiner la question – sachant que je ne sais pas, à ce stade, quels seraient le reliquat et le coût budgétaire à prévoir.

Concernant l’INI, le budget est relativement stable, passant de 12,63 à 12,36 millions d’euros de 2012 à 2013. Je ne suis pas informé des engagements du ministère de la santé sur sa subvention, même si je connais les inquiétudes à ce sujet : le Premier ministre a lancé un audit interministériel sur le financement de l’institution avec le contrôle général des armées, l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales. Je défendrai un budget à la hauteur des ambitions de l’INI, où le Président de la République doit d’ailleurs se rendre prochainement.

Cet organisme dispose d’un véritable savoir-faire, en particulier en matière d’appareillage, qu’il convient de renforcer. Il ne faut pas oublier non plus que les travaux de rénovation aux Invalides portent sur des bâtiments classés, ce qui les rend plus compliqués et onéreux. En tout état de cause, je m’engage à préserver l’avenir de l’INI.

Quant aux associations logées à l’Hôtel national des Invalides comme la Société des membres de la Légion d’honneur, l’Association nationale des membres de l’Ordre national du mérite ou le Bleuet de France, le terme de squat ne me paraît pas approprié et je pense qu’il est normal de les y accueillir.

M. Francis Hillmeyer. Le traitement réservé aux combattants arrivés en Algérie moins de 120 jours avant la date du 2 juillet 1962 alors que certains sont restés encore deux ans sur place et que 500 d’entre eux y ont même perdu la vie, est inéquitable, d’autant que la même date est retenue pour les combattants de Tunisie et du Maroc, soit six ans après les conflits auxquels ils ont pris part. Quelles mesures comptez-vous prendre pour y remédier ?

M. Jean-Jacques Candelier. Êtes-vous favorable à la reconnaissance de la journée du 19 mars comme date officielle de commémoration de la guerre d’Algérie ? Une forte majorité des anciens combattants y est favorable et, en 2004, François Hollande, alors premier secrétaire du Parti socialiste, s’était exprimé en ce sens.

En ce qui concerne le budget pour 2013, il améliore trop timidement les droits du monde combattant, qui représente aujourd’hui plus de trois millions d’ayants droit. Les crédits prévus sont d’ailleurs en baisse de 75 millions d’euros, après une réduction de plus de 100 millions l’an dernier, alors que ce budget devrait être considéré comme prioritaire. La moyenne d’âge des anciens combattants dépasse les 75 ans : va-t-on attendre encore 20 ans pour répondre à leurs légitimes revendications ?

À budget constant, vu les 60 000 disparitions enregistrées chaque année, on pourrait leur donner satisfaction sur de nombreux points, comme le rattrapage de la valeur du point, le relèvement de 130 points d’indice du plafond majorable des rentes mutualistes, la fixation de l’allocation différentielle en faveur des veuves des anciens combattants, l’égalité de traitement en termes de bonification de campagne ou l’indemnisation des victimes des essais nucléaires.

M. le ministre délégué. Merci d’avoir souligné l’effort consenti en faveur de ce budget. Nous devons aussi agir en faveur de la justice sociale, en nous concentrant sur l’aide différentielle aux conjoints survivants et les aides sociales de l’ONAC-VG, lequel consacre à celles-ci 15 millions d’euros par an, en plus de l’ADCS. Je ne suis pas d’accord, en revanche, sur la rente mutualiste, qui est une retraite par capitalisation : s’il est bien qu’elle existe, l’augmentation du plafond qui est réclamée ne concerne que 14 % des anciens combattants, certains pouvant verser plus que d’autres.

S’agissant de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, 10 millions d’euros sont provisionnés, plus de 700 dossiers ont été reçus et seulement 4 d’entre eux ont fait l’objet d’une réponse positive, pour en moyenne un montant de 65 000 euros par dossier. Compte tenu des 150 000 personnes qui pourraient être concernées, la provision prévue devrait suffire. Il s’agit pour moi d’une priorité : le Gouvernement cherchera à accélérer le processus d’indemnisation et répondra à toutes les demandes.

Monsieur Hillmeyer, je ne suis pas fermé à la demande concernant l’attribution de la carte du combattant pour les combattants arrivés en Algérie entre le 1er juillet 1962 et 1964 ou 1967. L’extension à 1964 impliquerait de traiter quelque 8 000 dossiers : il faut y réfléchir avec soin, car la question est complexe, et ne pas méconnaître le coût d’une telle mesure.

Quant à la question de la reconnaissance de la journée du 19 mars comme date officielle de commémoration de la guerre d’Algérie, je n’y répondrai pas aujourd’hui, car je préfère que le Parlement en débatte au préalable. En tout état de cause, aucun projet de loi n’est prévu sur ce point.

M. Gérard Terrier, rapporteur spécial de la commission des finances. Un décret a donné à certains combattants de la campagne de Russie, incorporés de force et internés dans les camps soviétiques, accès à des droits à réparation, mais la ligne de Curzon datant de la guerre de 14-18 en excluait certains alors qu’ils avaient subi les mêmes conditions de détention. Le précédent gouvernement avait dit qu’il fallait y réfléchir : entendez-vous poursuivre cette réflexion ? Quelle est votre position sur ce point ?

M. le ministre délégué. Je viens de signer un courrier demandant aux services de résoudre cette question : les demandes qui ont été formulées ont été prises en compte.

M. Joaquim Pueyo. Le devoir de mémoire est difficile à accomplir en raison des nombreuses manifestations auxquelles il donne lieu, celles-ci regroupant en général peu de monde : ne pourrait-on regrouper les commémorations autour de deux ou trois dates, qui rassembleraient davantage de public ? Comment est mise en œuvre la loi du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France ?

Mme Émilienne Poumirol. La JDC est très appréciée et beaucoup de Français regrettent encore le service militaire : quelles perspectives envisagez-vous pour cette journée ? Pourrait-elle donner lieu à la pérennisation de la formation au secourisme ? Pourrait-on y englober un volet santé ? Quel rôle pourrait-elle jouer en matière d’emploi, sachant que 20 % des jeunes posent à cette occasion des questions sur les emplois pouvant être créés dans l’armée ?

M. le ministre délégué. On réglera les questions de mémoire, qui sont complexes – on peut parfois se demander, à écouter certains, si la guerre d’Algérie ne vient pas de se terminer… –, le jour où l’on saura les regarder sans repentance et avec transparence et responsabilité. Si, par exemple, la mémoire des États-Unis est parfois conflictuelle, ils osent créer les conditions du débat public et, sur cette base, définir une politique déterminée.

Je suis un peu inquiet du délitement de l’idée républicaine d’appartenance à la nation : on n’appartient à celle-ci que si l’on appartient à la mémoire collective, qui doit être renforcée, notamment vis-à-vis des jeunes.

On ne pourra supprimer les dates commémoratives existantes : le précédent Président de la République souhaitait un Memorial Day à l’américaine, et on a maintenu et le 11 novembre et les autres dates ! Celle du 27 mai relative au Conseil national de la Résistance (CNR) me paraît par exemple importante. Nous verrons le 11 novembre prochain comment s’appliquera la loi du 28 février 2012.

Pour ce devoir de mémoire, nous devons étroitement travailler avec le monde de l’éducation et les associations, qui prennent beaucoup d’initiatives. Nous devons aussi avoir des débats libres et donner toute leur place à des commémorations comme le centenaire de la guerre de 14-18, qui va nous mobiliser pendant cinq ans. Le travail ne fait que commencer.

Madame Poumirol, si le service militaire était en effet un véritable creuset républicain, permettant à chacun de découvrir son propre pays, nous souhaitons renforcer la JDC, que certains voulaient voir disparaître, et la prolonger. 750 000 jeunes filles et garçons y sont présents : il pourrait être utile d’y faire un bilan de santé publique et d’y conforter le lien avec l’armée ; elle peut aussi servir à d’autres fins, comme passer le permis de conduire ou s’inscrire à l’université. Si la situation budgétaire de notre pays s’améliore, il faudra réfléchir à un service civique obligatoire et mixte, car il serait important pour nos jeunes de servir leur pays avant d’entrer dans une vie professionnelle.

M. Nicolas Dhuicq. J’espère que nous continuerons, au sein de la Commission, de défendre le monde combattant, comme nous l’avons fait en juillet dernier face au ministère de l’économie et des finances.

Je souhaite aussi que le ministère apporte un appui aux projets concernant la mémoire vivante dans tous ces musées, souvent méconnus, qui émaillent notre territoire.

Par ailleurs, je me souviens que Michèle Alliot-Marie avait demandé que la France commémore le 2 décembre 1805, date de la victoire d’Austerlitz, au lieu de quoi on envoya la flotte pour la commémoration de Trafalgar ! J’espère que vous n’oublierez pas non plus, avant août 1914, nos aînés qui se sont battus lors de la première campagne de France de 1814, laquelle est enseignée dans toutes les grandes universités militaires. La France est multiséculaire et n’est pas née il y a seulement deux siècles !

M. Damien Meslot. Je suis un peu déçu par votre budget. Vous avez présenté les chiffres avec habileté en mettant en rapport la baisse de 2,4 % de celui-ci avec celle de 4,4 % des pensionnés, mais si vous rajoutez l’inflation, vous arrivez aux 4,4 % de baisse !

Je rappelle que l’augmentation de quatre points de la retraite du combattant du 1er juillet dernier a été décidée par le gouvernement précédent, qui n’avait pas à budgéter une année pleine, celle-ci ne commençant qu’en 2013.

Cependant, je me réjouis de votre annonce en faveur des veuves, même si l’on pouvait espérer plus : les 3 millions d’euros cumulés sur trois ans vont dans le bon sens. Sur la carte du combattant, nous attendons de voir vos propositions.

Enfin, le groupement d’intérêt public (GIP) pour les commémorations du centenaire de la guerre de 14-18 pourra-t-il soutenir les commémorations locales prévues dans nos départements ? Selon quelles modalités ?

M. le ministre délégué. Monsieur Meslot, je ne fais pas œuvre d’habileté : la baisse demandée dans les autres ministères était de 7 % ; obtenir une réduction de seulement 2,4 % constitue donc un réel effort !

S’agissant de l’augmentation de 4 points de la retraite du combattant, il est toujours plus habile pour un gouvernement de la présenter en milieu d’année, le coût étant moindre : il n’empêche que j’ai dû trouver pour 2013 les fonds correspondant à une année pleine.

Par ailleurs, si nous avions appliqué une réduction de 4,4 %, nous aurions enregistré une baisse de 133 millions d’euros du budget, contre 73 millions actuellement.

S’agissant du GIP pour les commémorations du centenaire de la guerre de 14-18, il a été mis en place et est présidé par le général Iraztorza. Nous avons créé une mission interministérielle auprès du ministre de la défense regroupant six ou sept ministères, que j’aurai l’honneur de présider : elle prendra les décisions et le GIP constituera l’outil opérationnel. Celui-ci travaillera avec les collectivités concernées, dont certaines ont déjà lancé des projets. Si toutes les demandes de celles-ci sont légitimes, nous devrons être cohérents dans les choix que nous ferons.

Il faut que le centenaire soit une réussite nationale : j’ai d’ailleurs rencontré mes homologues britannique, canadien, australien, néo-zélandais et américain pour voir comment les associer à la fois à cet événement et aux commémorations relatives à la Seconde Guerre mondiale.

M. Damien Meslot. Où est installé le GIP ?

M. le ministre délégué. La mission devrait être localisée rue de Bellechasse, et le GIP boulevard Malesherbes

M. François André. Si nous disposons du dispositif législatif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires et des moyens budgétaires correspondants, les dispositions réglementaires d’application conduisent à limiter fortement l’accès à cette indemnisation. Un décret d’avril dernier a certes « déverrouillé » quelque peu le système en étendant la zone géographique concernée et en élargissant la liste des maladies éligibles, mais il ne règle pas la question de la charge de la preuve – c’est-à-dire le moyen d’établir le lien de causalité entre la pathologie des personnes et leur exposition à la radioactivité. Que comptez-vous faire pour permettre une juste indemnisation des personnes touchées ?

M. Gilbert Le Bris. Les veuves et ayants droit des soldats tombés en Kapisa ou dans la lutte contre les orpailleurs clandestins en Guyane ne sont pas traités de la même façon, de même que les soldats de l’armée de terre, les gendarmes ou les pompiers militaires participant ensemble à ce dernier type d’opérations. L’Assemblée des Français de l’étranger a d’ailleurs montré qu’il y avait une incohérence du Code des pensions civiles et militaires de retraite à cet égard : envisagez-vous une modification rapide de la législation pour y remédier ?

M. le ministre délégué. Monsieur André, la loi Morin du 5 janvier 2010 permet une interprétation plus ou moins large. Compte tenu de l’augmentation du nombre de demandes, il serait sage d’attendre quelques mois pour voir l’effet des mesures prises en avril dernier : si le nombre de dossiers traités restait faible, on pourrait alors revoir le dispositif par décret.

Monsieur Le Bris, l’inégalité de traitement que vous évoquez ne relève pas de mon ministère, mais de celui de la défense, qui est en train d’étudier la question. J’ai cependant reçu, avec le ministre de la défense, les familles des soldats touchés dans les confrontations avec les orpailleurs.

D’après les premiers travaux réalisés, il n’y a pas de différence de traitement en matière de pension de retraite et d’invalidité entre le militaire tué sur le territoire national et celui tué en mission à l’étranger. La différence principale tient au fait que, lorsqu’il s’agit d’un décès en OPEX, l’imputabilité au service est automatique, alors que s’il s’agit d’un décès sur le territoire national, elle doit être spécifiquement identifiée, comme cela a été le cas en Guyane. En l’espèce, les circonstances du drame ont d’ailleurs justifié l’imputabilité au service. Au-delà de ce cas, le ministère de la défense est en train de s’assurer que l’ensemble du dispositif ne comporte pas de lacunes.

Pour d’autres situations, nous regardons comment améliorer le régime actuel, notamment l’article L.50 du Code des pensions civiles et militaires de retraite, sachant que l’approche du ministère de l’intérieur peut différer de la nôtre.

Je précise à cet égard que j’ai reçu la mère du premier militaire abattu par M. Merah à Toulouse, qui a souhaité qu’il soit considéré comme mort pour la France : je lui ai expliqué que, compte tenu des circonstances, ce n’était pas possible.

M. Jean-Pierre Barbier. Je suis heureux, monsieur le ministre, de voir votre engagement auprès du monde combattant. Au cours des dernières années, de nombreuses avancées ont été constatées dans ce domaine et les revendications tendent d’ailleurs à décroître.

J’ai participé récemment à une assemblée générale de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA), dont les revendications portent sur l’allocation différentielle pour les veuves, la carte du combattant, la rente mutualiste et la reconnaissance de la date du 19 mars 1962 : vous auriez signifié à ses représentants votre accord sur tous ces points. Est-ce exact ? Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur la date du 19 mars sans que nous n’ayons à la découvrir dans la presse ?

M. Philippe Vitel. Monsieur le ministre, je vous ai posé une question écrite sur la revalorisation du plafond des rentes mutualistes, à laquelle je souhaite que vous répondiez.

En ce qui concerne les pensions, que nous avons portées de 37 à 48 points, quelle est votre ambition pour les cinq ans à venir ?

Enfin, malgré tous les efforts de la MIR en matière de désendettement, nous arrivons à un noyau dur de personnes, souvent de plus de 80 ans, qui font l’objet d’expulsions, ce qui pose un problème moral et social majeur. Nous avons demandé un moratoire dans ce domaine, mais la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur ce point n’a pas permis d’apporter une solution. Quelle est votre position à cet égard ? Quels services peut-on continuer à rendre à ces personnes, qui sont pour la plupart vertueuses ?

M. Daniel Boisserie. Vous engagez des travaux importants à l’Hôtel national des Invalides : pouvons-nous aller les voir ? Je souhaite à cet égard que disparaisse rapidement le « champignon » qui a poussé à cette occasion.

Par ailleurs, quelles aides envisagez-vous à l’égard des veuves des grands invalides les plus déshéritées ?

S’agissant de la promotion des lieux de mémoire, je me suis rendu cette année à Rivesaltes en même temps qu’une famille d’un harki décédé : j’ai eu honte, en tant que représentant de la République, de l’état d’abandon dans lequel était l’endroit. À Oradour, je réclame qu’on prête plus d’attention aux murailles, qui sont en train de s’écrouler et, de ce fait, dangereuses : ce site est propriété de l’État mais sa sécurité est de la responsabilité du maire. Il convient de voir avec le ministère de la culture les mesures d’urgence à prendre.

M. le ministre délégué. Monsieur Barbier, je n’ai fait aucune déclaration dans la presse sur la date du 19 mars et ne me suis jamais exprimé sur ce point depuis ma prise de fonctions, où que ce soit ! Encore une fois, je ne souhaite pas le faire tant que le Parlement n’en a pas débattu.

Quant à la rente mutualiste, je rappelle qu’elle coûte 255 millions d’euros cette année, que peu de personnes arrivent au plafond – qui est actuellement de 1 733,75 euros par an – et que la participation de l’État est très forte : je n’irai donc pas plus loin sur ce point.

Monsieur Vitel, l’augmentation de la retraite du combattant a été permise grâce à une large volonté politique et parlementaire. Mais il est difficile de fixer aujourd’hui un objectif pour les cinq ans à venir. Nous devons y réfléchir.

S’agissant de la MIR, 14 millions d’euros ont été inscrits en 2012 et 3 145 demandes déposées dans le cadre du décret de juin 1999. 727 d’entre elles ont été reconnues éligibles par la Commission nationale de désendettement et les intéressés ont été invités par les préfets à déposer un plan d’apurement de leurs dettes. Au terme de ce processus, 400 dossiers ont reçu un avis favorable. Depuis ce réexamen, 59 % des dossiers déclarés éligibles ont reçu une issue positive pour un montant global de près de 27 millions d’euros. Je suis en faveur d’un moratoire d’au moins un an pour les personnes très endettées, afin de leur permettre de trouver une solution, et d’un examen au cas par cas des dossiers qui en ont vraiment besoin – mais je serai intransigeant sur ceux qui n’ont rien à voir avec la solidarité nationale.

Sur les veuves des grands invalides, les pensions les plus importantes sont versées aux plus grands de nos invalides – certaines peuvent avoisiner 15 000 euros par mois. Si certains souhaitent que ces veuves bénéficient du pourcentage de réversion le plus important possible en raison du niveau élevé de certaines pensions, l’effort doit néanmoins porter plutôt vers ceux qui bénéficient des plus petites pensions – certaines pensions de réversion se limitant à à peine une centaine d’euros. Cela serait socialement plus juste.

Quant à Oradour, je suis prêt à accompagner une démarche auprès du ministère de la culture. Plus largement, il serait utile, dans le cadre de la préparation du centenaire de la guerre de 14-18 et des 70 ans des années 1940 d’intégrer ce site dans les lieux de mémoire.

M. Michel Voisin. Je regrette que nous n’ayons pas les documents budgétaires, comme c’était le cas les années précédentes, ce qui nous prive de certains éléments chiffrés. Quel est notamment le montant prévu pour l’indemnisation des orphelins des déportés et des victimes des actes antisémites et de barbarie nazie ?

Où en est le dossier des sépultures de nos soldats morts notamment dans les camps à Cao Bang ou le long de la RC4 ?

Par ailleurs, où en sommes-nous du transfert des cendres du général Bigeard ?

M. Christophe Guilloteau. Monsieur le ministre, si les questions sont nombreuses, elles sont en proportion avec le temps que vous avez mis pour venir vous exprimer devant notre commission !

L’augmentation de 30 % enregistrée de la retraite du combattant au cours des dernières années va-t-elle se poursuivre au cours de cette législature ?

La reconnaissance de la date du 19 mars, à laquelle je suis personnellement favorable, est demandée par la plus importante des associations concernées mais suscite la réticence d’une autre : il n’en demeure pas moins qu’à l’époque où Lionel Jospin était Premier ministre, un texte de loi a été voté en ce sens par l’Assemblée nationale, lequel n’a pas été transmis au Sénat. Quelle position allez-vous exprimer devant la FNACA le 14 octobre prochain à ce sujet ?

Enfin, certaines veuves, avec l’aide différentielle et la pension de réversion perçoivent davantage que certains anciens combattants : le directeur de l’ONAC-VG avait dit qu’il remédierait à cette incongruité, mais il ne l’a pas fait…

M. le ministre délégué. Les cendres du général Bigeard seront le 20 novembre prochain à Fréjus à la demande de la famille : sa fille a d’ailleurs écrit au ministre de la défense une lettre de remerciement à cet égard. Je serai présent sur place aux côtés de celui-ci pour la cérémonie prévue à cet effet.

Monsieur Voisin, les corps de la majorité des combattants tombés en Indochine ont été rapatriés à Fréjus. Je prends l’engagement de me rapprocher des autorités vietnamiennes pour étudier cette question : le 60e anniversaire de Dien Bien Phu en 2014 sera le moment pour la régler.

L’indemnisation des orphelins recouvre deux situations : celle des orphelins dont le père ou la mère a été déporté depuis la France dans le cadre des persécutions antisémites et raciales, régie par le décret du 13 juillet 2000 – volet doté de 60 millions d’euros – ; celle des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale et sont décédés en déportation alors qu’ils étaient mineurs, régie par le décret du 27 juillet 2004 – donnant lieu à une dotation de 56 millions d’euros.

Depuis plusieurs années, les associations demandent une modification de ces textes afin d’étendre le bénéfice du dispositif à tous les orphelins de guerre et pupilles de la nation : il me paraît impossible de prendre un tel engagement aujourd’hui, qui couvrirait des millions de personnes et coûterait 2 milliards d’euros – sans tenir compte de la guerre d’Algérie et des OPEX qui ont suivi.

M. Michel Voisin. Le problème tient aussi au nombre de dossiers enregistrés par rapport aux estimations. Il y a eu d’importantes erreurs d’appréciation.

M. le ministre délégué. J’examinerai cette question.

Monsieur Guilloteau, s’agissant de la date du 19 mars, je ne veux pas que mon expression vienne polluer le débat entre les pouvoirs exécutif et législatif.

De même, je ne peux m’engager de façon responsable sur l’évolution de la retraite du combattant dans les cinq ans qui viennent : je m’inscris dans la continuité de ce qui a été fait en examinant tant la valeur du point de pension que l’évolution du nombre de points.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, dans le contexte budgétaire actuel, vous avez globalement su préserver votre budget.

Mais je ne suis pas sûr que le nombre important de commémorations actuelles, qui attirent peu de personnes, généralement âgées, nous permettra de transmettre la mémoire. Un effort doit être fait à l’égard des jeunes en faveur du 11 novembre comme journée du souvenir.

2012 est aussi le 70e anniversaire de la bataille de Bir Hakeim, qui est passée quasiment inaperçu. À côté des grands monuments ou commémorations, on a tendance à oublier les plus petits, pour lesquels œuvrent de nombreuses associations partout en France comme à l’étranger : avez-vous des crédits pour les y aider ?

M. Guy Chambefort. Au moment où nous allons procéder à la commémoration du centenaire de la guerre de 14-18, ne faut-il pas procéder à la réhabilitation des fusillés pour l’exemple ?

M. le ministre délégué. Un travail doit être fait, dans le domaine de la mémoire, vis-à-vis du monde éducatif, des associations et des actions locales. Il faut aussi favoriser la mémoire de chair, au travers du témoignage de nos anciens, et non, seulement, la mémoire de pierre. Il convient à cet égard de se nourrir du travail de certains pays anglo-saxons, comme l’Australie, la Nouvelle Zélande ou les États-Unis, qui ont su créer un lien fort entre leur histoire et leur jeunesse. J’ai regretté à ce propos qu’on ait supprimé l’histoire en filière scientifique et me réjouis que Vincent Peillon se soit engagé à revenir sur cette décision.

Il revient aussi aux élus de se mobiliser en faisant en sorte, par exemple, que les correspondants défense dans les collectivités territoriales soient de véritables liens de mémoire. Je suis ouvert à toutes les propositions dans ce domaine.

Monsieur Folliot, je serai présent en octobre à El-Alamein et je représenterai le gouvernement français auprès des ministres de la défense ou de mes homologues étrangers d’ici quelques jours.

Quant au soutien aux initiatives locales rencontrant des difficultés financières pour conserver les lieux mémoriels en bon état, il constitue pour moi une priorité.

En ce qui concerne les fusillés pour l’exemple, des avancées ont eu lieu en 1998 et en 2008 : je m’inscris dans la continuité de cette action et essayerai de régler cette question aussi vite que possible.

M. Régis Juanico, membre de la commission des finances. S’agissant de la date du 19 mars 1962, je trouve, monsieur le ministre, votre position à la fois claire et sage.

S’agissant de l’extension de l’aide différentielle au conjoint survivant aux anciens combattants nécessiteux, une étude de l’ONAC-VG de 2011 commandée par le Gouvernement concluait que cette mesure concernait très peu de bénéficiaires résidant en France. Mais l’ancien secrétaire d’État aux anciens combattants, Marc Laffineur, avait dit craindre l’an dernier qu’elle ne déclenche un phénomène de décristallisation pour les anciens combattants résidant à l’étranger et qu’elle ne soit pas soutenable financièrement.

La commission juridique et sociale de la FNACA a notamment voulu saisir le Conseil d’État pour savoir si cette extension relevait de l’aide sociale de l’ONAC-VG – auquel cas la condition de résidence en France prévaudrait – ou d’un droit à réparation, avec un risque de décristallisation. La haute juridiction s’est déclarée incompétente pour lui répondre mais a indiqué que le Gouvernement pouvait la saisir pour avis : êtes-vous disposé à le faire ?

M. Jacques Lamblin. Le lien armée-nation me paraît menacé aujourd’hui de façon mécanique : le fait d’avoir suspendu – et non supprimé – le service militaire en 1995 a pour conséquence qu’aujourd’hui, il n’y a presque plus de Français de moins de quarante ans ayant une culture militaire. La place de la défense est donc peu présente chez nos jeunes. Si je souscris à l’idée d’augmenter le nombre de jours au titre de la JDC, il ne faut pas tomber dans le piège d’en faire un fourre-tout, mais plutôt rester centré sur la défense, qui est une valeur importante de la République.

M. Patrice Prat, membre de la commission des affaires économiques. Mes questions concernent la communauté harkie. L’emploi et l’insertion professionnelle sont déterminants pour elle : il convient d’élargir l’action menée dans ce domaine au champ associatif mais aussi au secteur marchand. Les problèmes de qualification des jeunes justifient la création de dispositifs souples et réactifs.

Par ailleurs, cette communauté souhaite la réforme le Haut conseil des rapatriés et de la MIR : dans quel délai pensez-vous obtenir les conclusions de l’étude lancée sur ce point ? Quel pourrait être le contenu de cette réforme ?

En outre, il est important de réhabiliter l’histoire de cette communauté dans notre enseignement : quelles initiatives comptez-vous prendre en la matière ?

Sur ma commune, se trouve le camp de Saint-Maurice-l’Ardoise, situé sur des parcelles appartenant aux armées. Or il existe une forte demande de la part des collectivités territoriales voisines pour créer sur place un lieu mémoriel : pourriez-vous nous aider à cet effet ?

Enfin, je pense, moi aussi, monsieur le ministre, que, dans le contexte de tension budgétaire que nous connaissons, vous avez bien préservé votre budget, et j’espère que vous continuerez à faire de même pour 2014.

M. le ministre délégué. Monsieur Juanico, je n’exclus pas de saisir le Conseil d’État sur l’extension de l’aide différentielle aux anciens combattants les plus démunis, mais je souhaiterais connaître plus précisément vos intentions à ce sujet.

Monsieur Lamblin, la JDC doit en effet être tournée vers la défense, dans le cadre du lien armée-nation, même si la préservation de la santé publique, qui existait aussi dans le cadre du service militaire, peut aussi utilement être prise en compte. On peut se demander à cet égard si l’on ne pourrait pas former certains de nos jeunes dans les réserves.

Monsieur Prat, je n’ai pas de recette miracle pour l’emploi et l’insertion des jeunes de la communauté harkie. Je souhaite que le plan emploi fonctionne mieux : 300 emplois ont été trouvés dans ce cadre l’an passé, ce qui est insuffisant ; si on peut l’élargir au monde associatif, c’est plus compliqué pour le secteur marchand. Je ne suis pas en faveur de la discrimination positive mais pour des mesures permettant aux personnes en difficulté d’avoir plus de facilité d’accès à tel ou tel secteur dans lequel elles ont des compétences : on peut donc réfléchir au développement des contrats d’avenir dans le monde associatif ou éducatif et des contrats de génération dans le secteur marchand. Le plan lancé par François Lamy pour inciter les entreprises à recourir aux jeunes des quartiers difficiles moyennant un allègement de charges va également dans le bon sens.

Je n’ai pas encore d’idée précise sur la réforme de la MIR : nous verrons à partir du premier trimestre 2013 le contenu qu’elle pourra avoir pour mieux aider harkis et rapatriés.

Sur le projet relatif au camp de Saint-Maurice-l’Ardoise, je vous suggère de me transmettre le dossier pour que je l’examine.

Quant à la réhabilitation de la communauté harkie dans notre enseignement, le discours du Président de la République du 25 septembre allait tout à fait dans ce sens. Il s’agit pour moi d’une priorité.

M. Christophe Léonard. Dans la synthèse que nous avons reçue sur le projet de loi de finances pour 2013, il est indiqué que la Commission sur le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale devra se saisir de la question du lien armée-nation et formuler des propositions. La JDC fait partie de cette problématique. Ne serait-il pas pertinent d’éveiller très tôt les jeunes générations à cette question sous la forme d’un parcours de plusieurs étapes au long de leur cursus éducatif, plutôt que de se limiter à une journée, même rénovée, qui vient souvent trop tard ?

Si les crédits budgétaires sont essentiels à cet égard, je ne doute pas qu’on puisse trouver des solutions de manière interministérielle ou en partenariat avec les collectivités territoriales.

Mme Catherine Coutelle. Un récent numéro de la revue Armée et nation rend compte d’une enquête auprès des jeunes faisant état d’une image de l’armée beaucoup plus positive que du temps de la conscription ou du service militaire.

Je rappelle que la mission d’information sur les questions mémorielles présidée par Bernard Accoyer, à laquelle j’ai participé, avait largement réfléchi à la question des commémorations. À cet égard, j’ai constaté, lors d’un séjour en Angleterre un 11 novembre, une réelle sensibilisation de nos jeunes, mais ce jour n’était pas férié et les enseignants en ont profité pour informer les élèves sur le sens de cette date et en discuter avec eux.

Je souhaite que l’enseignement de l’histoire de France n’occulte aucune des pages de celle-ci.

Lors de la journée de commémoration des camps d’internement, j’avais regretté, dans le discours que vous avez tenu, un passage un peu rapide sur les Tziganes.

Or, le camp de Montreuil-Bellay, où des Tziganes ont été internés jusqu’en 1947, est réduit pour l’instant à un champ d’herbe folle : nous n’arrivons pas à faire avancer le projet tendant à consacrer ce lieu de mémoire. Je rappelle, pour l’anecdote, qu’à la demande d’une veuve demandant au préfet de pouvoir quitter le camp, celui-ci lui avait répondu qu’il le lui permettrait quand elle aurait communiqué l’adresse fixe où elle demeurait et le métier qu’elle exerçait ! Cette communauté a elle aussi droit à des lieux de mémoire dignes.

M. le ministre délégué. Madame Coutelle, j’ai essayé de n’oublier personne dans le discours auquel vous faites allusion. Concernant le lieu que vous évoquez, nous allons examiner le dossier avec l’ONAC-VG.

Je suis d’accord avec vous pour ne rien occulter dans nos livres d’histoire. Je ne suis pas pour une mémoire officielle : certains s’y sont risqués, mais elle n’est généralement pas le fait de grandes démocraties ! Il faut rechercher plutôt une mémoire apaisée, éloignée des conflits pouvant opposer les uns aux autres, si l’on veut la transmettre aux jeunes dans les meilleures conditions.

Monsieur Léonard, je ne peux que redire l’importance que j’accorde au lien armée-nation et combien je suis ouvert aux idées qui pourraient m’être proposées.

En conclusion, je tiens à attirer votre attention sur le retour de la quatrième génération du feu et des derniers combattants en poste en Afghanistan. Il s’agira aussi pour moi d’une priorité car nous allons être confrontées dans les mois qui viennent à des personnes ayant subi des chocs ou en difficulté, notamment en termes d’emploi et d’insertion professionnelle. Il faudra dégager des moyens, trouver des idées et faire preuve de solidarité et de reconnaissance. Peut-être s’ouvrira-t-il alors une « fenêtre » médiatique, qui nous donnera la possibilité de nous exprimer.

Mon souhait est de faire en sorte que mon ministère ne soit pas seulement un ministère du passé, mais aussi du présent et de l’avenir, et je vous demande de bien vouloir m’aider pour cela.

Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le ministre, je vous remercie.

II. AUDITION DE REPRÉSENTANTS
D’ASSOCIATIONS D’ANCIENS COMBATTANTS

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu des représentants d’associations d’anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2013 (n° 235), au cours de sa réunion du mercredi 17 octobre 2012.

M. Philippe Nauche, président. Messieurs, mes chers collègues, je tiens d'abord à excuser la Présidente Patricia Adam, retenue toute cette journée pour les travaux de la commission chargée de préparer le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

J'ai le très grand plaisir d'accueillir en son nom et au nom de tous les commissaires les représentants des associations d'anciens combattants, à qui je souhaite la bienvenue.

Ce rendez-vous annuel est l'occasion pour nous tous de rappeler l'attachement des représentants de la nation à ceux qui l'ont servie, et d'avoir avec eux des échanges toujours passionnants, voire passionnés !

Les attentes du monde combattant sont, nous le savons tous, nombreuses. Le ministre délégué nous a présenté, il y a dix jours, le projet de budget pour 2013, qui poursuit, conformément à la programmation triennale et à la volonté de redresser les comptes publics, sa trajectoire de baisse, pour tenir compte de la baisse du nombre de pensionnés et de retraités. Je tiens à souligner que cette baisse, de 2,4 % par rapport à 2012, ne suit pas mécaniquement la baisse des effectifs, qui est de 4,4 %.

Vous êtes ici, messieurs, pour nous exposer vos avis sur les mesures phares du budget pour 2013 mais aussi pour nous faire part, plus généralement, de vos principales préoccupations.

M. Jacques Goujat, président de l’Union des associations de combattants et victimes de guerre (UFAC). Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous vous remercions de maintenir la tradition de l’audition par la Commission de la défense de la représentation du monde combattant.

Du point de vue des anciens combattants, il s’agit d’un budget de reconduction – ce qui est apprécié dans les circonstances actuelles – sans autre mesure nouvelle que l’abondement des crédits sociaux ordinaires de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre – ONAC-VG. Il faut savoir que les problèmes liés au monde combattant, compte tenu notamment de l’âge atteint par les intéressés, doivent être traités en urgence.

Je n’évoquerai que la demande unanime du monde combattant visant à améliorer les conditions d’attribution de la carte du combattant aux anciens de l’Afrique française du Nord – AFN. C’est en ma double qualité de président de l’UFAC et de président de la commission nationale de la carte du combattant que je développerai ce point. Toutes les instances concernées, y compris le Parlement – seul Bercy fait exception –, ont rendu depuis quatre à cinq ans un avis positif sur le fait d’accorder la carte du combattant aux anciens d’AFN arrivés en Algérie avant le 2 juillet 1962 et qui ont comptabilisé quatre mois de présence, même à cheval sur cette date. Le coût de la mesure, évaluée unilatéralement à 4,5 millions, nous a été opposé. Or il est de tradition qu’un amendement enrichisse le projet de budget initial des anciens combattants.

M. Alain Clerc, président de la commission des droits de la Fédération nationale André Maginot (FNAM). La Fédération nationale André-Maginot prend acte et se félicite de la fixation, à 48 points d'indice de la pension militaire d'invalidité – PMI –, de la retraite du combattant, du maintien des exonérations fiscales qui matérialisent la reconnaissance de la nation envers les anciens combattants et de la proclamation du 11-Novembre comme « journée nationale d'hommage à tous les morts pour la France ».

Elle regrette en revanche que la loi qui va probablement instituer le 19 mars comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie ravive des divisions anciennes entre les Français et jette le trouble dans les consciences.

Si le nombre des ressortissants de l'ONAC-VG diminue, la FNAM constate l'augmentation de leurs besoins, liée au vieillissement de cette population, à la faiblesse des ressources dont disposent les veuves et au coût de l'appareillage pour les mutilés. C’est pourquoi elle s'inquiète de la faiblesse des moyens dévolus à l'ONAC-VG et à ses structures départementales, ainsi que des conséquences de la baisse du plafond d'emplois à l'Institution nationale des Invalides.

La FNAM note également la diminution de plus de 100 millions d'euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2013 par rapport à 2012, regrettant que la disparition inéluctable des pensionnés pour invalidité et des anciens combattants de la seconde guerre mondiale ne soit pas mise à profit pour revaloriser de manière significative la valeur du point d'indice des PMI, ce qui améliorerait mécaniquement le sort des plus pauvres des ressortissants de l'ONAC-VG, des invalides de guerre et des conjoints qui leur survivent et augmenterait le montant du plafond de la retraite mutualiste du combattant.

La FNAM est attentive au respect du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de l'imprescriptibilité du droit à réparation.

Enfin, la FNAM souhaite, pour une plus grande reconnaissance de la nation envers les combattants des missions et opérations extérieures, la simplification des critères d'obtention de la carte du combattant et de la campagne double, et demande, au nom de l'équité et de l'égalité de traitement entre toutes les générations de combattants, l'appui de la Commission de la défense et des forces armées, afin que, par l'adaptation des décrets en vigueur aux conditions de recrutement et d'emploi de nos unités, les engagés volontaires actuels puissent, comme leurs aînés d'Indochine, de Corée et d'Afrique du Nord, se voir décerner la croix du combattant volontaire.

L'attribution de cette décoration ministérielle, qui ne concerne pas les personnels de carrière, n'ouvre aucun droit nouveau et n'a aucun coût pour l'État.

M. Bernard Chopin, vice-président du Souvenir français. Mesdames et messieurs les députés, je représente le M. Gérard Delbauffe, président général du Souvenir français, lequel n’est pas une association d’anciens combattants mais une association patriotique.

Depuis la fin de la guerre d’Algérie, plus de 500 militaires français ont fait le sacrifice de leur vie dans différents théâtres d’opérations extérieures. Une première stèle à la mémoire des morts tombés au Liban a été installée à Pau, et un monument, Les quatre Veilleurs de Paix, a été dédié aux morts en ex-Yougoslavie sur la commune d’Haudainville dans la Meuse. Afin de regrouper tous les morts en OPEX dans une mémoire commune, il est proposé de déplacer à Paris Les Quatre Veilleurs de la paix, qui regardent vers les quatre points cardinaux. Le monument pourrait être installé sur la place Vauban.

Le coût du transfert de ce monument d’Haudainville à Paris serait minime, de l’ordre de 10 000 euros, alors que l’érection d’un nouveau monument serait bien plus onéreuse – de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’euros –, puisqu’il ferait notamment l’objet d’appels d’offre et de la décision d’un jury. Il serait bien que cette proposition, qui a été examinée par les autorités politiques et militaires, aboutisse bientôt.

Par ailleurs, la subvention accordée par l’État pour l’entretien des tombes a fait l’objet d’une convention il y a trente et un ans. Elle avait été fixée en 1981 à 8 francs, transformés en 1,22 euro. Actuellement, sur les 115 000 tombes répertoriées dans les carrés communaux, 33 450 sont entretenues sur la base d’1,22 euro par le Souvenir français, qui touche de l’État quelque 48 000 euros, 40 000 sont entretenues par les communes et 40 000 par l’État. Nous demandons la réévaluation de la participation de l’État, car il n’est plus possible d’entretenir décemment une tombe pour 1,22 euro – son entretien revient en effet à 10 euros environ.

M. Jean-Claude Buisset, président de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’Union fédérale (UF). S’agissant de la modification de l’article L. 8 bis du Code des pensions militaires et des victimes de guerre intervenue dans le cadre du budget 2005 et qui a porté réforme du rapport constant, M. François Hollande a assuré, alors qu’il était candidat à la présidence de la République, qu’un bilan de son application en sera fait en partenariat avec les associations d’anciens combattants et que des solutions devront être trouvées. L’Union fédérale constate que le point de pension PMI n’est que de 13,87 euros depuis le 1er juillet 2012 alors qu’il devrait être de 19,725, si le rapport constant défini par les lois de 1948, 1951 et 1953 avait été respecté : le retard est donc de 42,177 %. C’est pourquoi elle réclame que le système s’appuie de nouveau sur la parité avec un corps de référence dans la grille de la fonction publique présentant toutes les conditions de longévité et d’évolution logique incontestables dans les années à venir. Or l’évolution de carrière attachée au départ à l’indice 170 de la fonction publique (huissier de ministre de première classe en fin de carrière) se situe aujourd'hui à hauteur de l’indice de l’agent des services techniques de première classe, échelle 3, onzième échelon, fin de carrière, actuellement l’indice 355 majoré, dont le traitement brut se situe depuis le 1er juillet 2010 à 19,72 euros. La valeur du point PMI devrait donc être de 19,72 euros. L’Union fédérale souhaite donc le rattrapage progressif et rapide de ce point conformément au désir exprimé par le Président de la République.

Par ailleurs, afin de prendre en compte l’aide qu’apporte le conjoint au grand invalide de guerre, l’adoption de l’additif suivant à l’article L.49 du Code des pensions militaires d’invalidité est demandée avec insistance : « La pension des conjoints survivants des très grands invalides de guerre, dont l’indice de pension était supérieur à 2 000 points à la date du décès, est portée à 25 % de l’indice de la pension que percevrait l’auteur du droit à la date de son décès. Cette disposition s’applique à tous les conjoints survivants remplissant les conditions énoncées et qui en font la demande, quelle que soit la date du décès de l’auteur du droit. » Cette mesure permettrait de résoudre la question dans sa globalité.

Je rappelle qu’il reste encore 78 000 veuves, dont 60 % ont plus de quatre-vingts ans.

M. Michel Giraud, secrétaire général de président de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’Union fédérale (UF). Je propose d’octroyer aux anciens combattants en difficulté une aide calquée sur l’aide différentielle aux conjoints survivants (ADCS). Beaucoup de nos camarades anciens combattants rencontrent de plus en plus de difficultés.

M. le général (2s) Jean Kervizic, président national de l’Union nationale des combattants (UNC). S’agissant de la proposition de loi relative au 19 mars, notre association s’étonne qu’on s’apprête à voter un texte supprimant une journée commémorative, alors que la loi votée il y a moins d’un an, fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, précise que l’hommage qui sera rendu ce jour-là « ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales ». Ma remarque porte sur la forme et non sur le fond.

Il serait par ailleurs souhaitable de créer une médaille du mérite civique pour récompenser nos responsables locaux et nationaux, qui n’auront plus la possibilité de recevoir une décoration officielle compte tenu des critères actuels, fondés essentiellement sur l’activité militaire. Il s’agirait de réactiver les ordres ministériels qui existaient avant la création de l’ordre national du mérite.

Il serait également souhaitable que les anciens combattants interviennent davantage, éventuellement avec un budget dédié, dans le cadre de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). La transmission de notre expérience permettrait d’améliorer le lien entre l’armée et la nation.

Par ailleurs, les veuves de guerre d’après 1962 ont une pension selon le grade, contrairement à celles d’avant 1962, dont la pension repose sur le taux normal du soldat, ce qui est surprenant, puisque la guerre d’Algérie était finie. Le coût de l’harmonisation des pensions est estimé par M. Serge Barcellini, ancien contrôleur général des armées, à 1 million d’euros en année pleine.

Il est également nécessaire de consentir un effort dans le reclassement des « OPEX ». Comme l’année 2013 verra la suppression de quelque 7 230 postes, il conviendrait d’en profiter pour adopter des mesures concrètes en faveur du reclassement. Les centres de formation actuels s’adressent essentiellement à des anciens militaires qui ont au moins quinze ans de service. Il faudrait davantage accompagner le reclassement des jeunes militaires, qui sont nombreux à avoir des contrats beaucoup plus courts.

Il faut enfin améliorer les conditions d’attribution de la carte de combattant aux combattants en OPEX, en appliquant les mêmes dispositions que pour l’Algérie, ce qui aurait l’avantage de désengorger tous les services. Cela irait dans le bon sens en période de compression du personnel.

M. Pierre Dürr, secrétaire général de la Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc (FNCPG-CATM). La fédération que j’ai l’honneur de représenter approche les 200 000 adhérents et adhérentes, puisque nous comptabilisons plus de 35 000 veuves.

S’agissant de l’attribution de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord, le décret du 29 juillet 2010 ne donne pas satisfaction et il convient de le modifier. Nous souhaitons également que l’ONAC-VG dispose d’un budget spécifique suffisant pour assurer le versement de l’aide différentielle au conjoint survivant – ADCS –, d’autant que le nombre des demandeurs augmente. L’enveloppe doit être à la hauteur des besoins qui sont en hausse.

Les veuves ne peuvent prétendre à la demi-part fiscale que si le défunt est décédé après soixante-quinze ans et s’il a lui-même bénéficié de cette mesure pendant un an. Certaines, qui ont bénéficié de cette demi-part, devraient rembourser ce qui semble aux yeux de l’administration un trop-perçu. Les veuves, tant pour l’ADCS que pour la demi-part, devraient être mieux récompensées pour les sacrifices qu’elles ont consentis durant de si longues années.

M. Serge Peronnet, trésorier national de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA). Comme par le passé, nous ne retiendrons que la partie qui nous concerne véritablement, à savoir le droit à réparation dévolu aux anciens combattants et victimes de guerre, repris dans le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». Nous écartons donc volontairement le programme 167 « Liens entre la nation et son armée » dont l’essentiel est composé du budget consacré à la Journée défense et citoyenneté (JDC) qui, s’il est rattaché au ministre délégué aux anciens combattants, relève pour nous du ministère de la défense. Nous n’intégrons pas non plus les conséquences des essais nucléaires français qui touchent certainement plus de personnels civils que militaires. Le dispositif est d’ailleurs quasi inopérant compte tenu des règles drastiques qui président aux décisions de la commission.

Pour la seule partie relevant de la réparation, le projet de budget est en diminution de 3,76 %. Il convient de signaler qu'il inclut le plein effet de l’attribution, au 1er juillet 2012, des quatre points de la retraite du combattant, dont l'impact est de 54 millions d’euros en année pleine, soit 1,91 % du budget qui nous est consacré. Comme il ne comporte aucune mesure nouvelle en dehors d'un abondement complémentaire de 500 000 euros au budget social de l’ONAC-VG et ce, malgré une marge de manœuvre relativement large liée à la disparition des anciens combattants, nous ne pouvons que nous réjouir que cette avancée ait été votée pour le budget 2012.

Nous sommes très déçus de l'absence d'une mesure nouvelle telle que l'attribution de la carte du combattant à ceux qui ont servi 120 jours en Algérie sous réserve d'y avoir été présents avant le 2 juillet 1962. Le coût a toujours été considéré comme peu important car de l'ordre de 4,6 millions, soit 0,16 % du budget des anciens combattants. Il y a unanimité sur l'opportunité de la mesure, qui réglerait définitivement le contentieux sur la carte du combattant AFN. À la lecture du projet de budget, nous remarquons que les nouvelles mesures prises pour les OPEX devraient augmenter leur attribution entre 25 % et 50 %. Sans méjuger de cette avancée, nous tenons à signaler que l'avancée en âge de notre génération du feu implique que la mesure soit prise d'urgence si nous devons en profiter.

Bien que n'entrant pas au plan des incidences financières dans notre budget, le problème de la campagne double n'est pas abordé alors que le décret inique qui a été concocté l'a été tout simplement pour qu'il ne nous soit rien octroyé.

Bien que l'appellation guerre d'Algérie, combats du Maroc et de Tunisie ait été adoptée à l’unanimité de l’Assemblée nationale et du Sénat, il semble bien que plus de trente-sept ans après le cessez-le-feu on nous fasse encore payer les conséquences douloureuses d'un manque de volonté et de fermeté des gouvernements qui n'avaient rien vu venir malgré les avertissements. Nous exigeons l'égalité des droits entre générations du feu, la guerre d’Algérie s'étant terminée en 1962 et non pas en 1999. La loi nous accordant vocation à la qualité de combattant remonte au 9 décembre 1974 !

Nous ne ferons aucun commentaire sur l'extension de l'aide différentielle aux conjoints survivants en direction des anciens combattants eux-mêmes. Nous ne croyons absolument pas à une possible décristallisation au profit des anciens combattants de l'ex-Union française car il s'agit non pas de droit à réparation mais de social, ce type d'intervention étant toujours lié à des conditions de résidence sur le territoire. Nous voulons une réponse officielle de l'autorité compétente, en l'occurrence le Conseil d'État. Nous rappelons, pour mémoire, notre volonté de voir le plafond porté, par étapes, au seuil de pauvreté INSEE, soit 964 euros par mois depuis septembre.

En attendant une révision du rapport constant telle que souhaitée par l'UFAC dont nous sommes solidaires, nous entendons que l'évolution de la valeur du point de PMI ne soit pas inférieure à celle des prix hors tabac.

M. André Fillère, vice-président national de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix (ARAC). Alors que nous ne saurions être satisfaits d’un budget à la baisse, car il fait perdurer le contentieux des légitimes revendications des anciens combattants, voilà qu’on nous annonce déjà que le budget baissera de nouveau en 2014 et en 2015.

. La tradition voulait que le projet de budget soit directement présenté par le ministre aux anciens combattants : je regrette qu’elle ait disparu.

À partir de 1948, la loi prévoyait un rapport constant entre l’évolution de la valeur du point de pension et celle du traitement d’un huissier de ministre en fin de carrière. En 1978, prenant acte du décrochage existant, une commission tripartite, réunissant le ministre, les parlementaires et les représentants des anciens combattants, avait évalué le retard à 14,26 %. Ce retard a été rattrapé par étapes jusqu’en 1985. Après un nouveau décrochage, le législateur a mis fin, en 1989, dans le cadre de l’application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, à ce système, si bien que le retard atteint aujourd'hui quelque 43 %.

Nous demandons depuis des années non seulement la résorption du retard mais également l’organisation d’une discussion sur le sujet entre les parties concernées. Le Gouvernement doit faire le point avec ses experts avant de s’engager dans une démarche de rattrapage, comme au début des années 1980. Cette demande concerne l’ensemble des anciens combattants et des victimes de guerre via les pensions, la retraite du combattant, les rentes mutualistes, les pensions et allocations versées aux veuves.

S’agissant de l’aide différentielle au conjoint survivant (ADCS), il faut évidemment la porter à 964 euros. Je ne pense pas que les 500 000 euros prévus au budget seront suffisants car le plafond est fixé aujourd'hui à 900 euros et le nombre des demandes augmente. L’ONAC-VG sera-t-il capable en 2013 de faire face à cette dépense ? Nous en doutons. C’est pourquoi il a été demandé précédemment d’y affecter un budget spécial à hauteur des besoins. Il est en tout cas hors de question de prendre sur les crédits de l’action sociale générale de l’ONAC-VG pour compléter le financement de l’ADCS.

S’agissant de la rente mutualiste d’ancien combattant, en 1996, tous les groupes parlementaires se sont accordés pour reconnaître que le plafond majorable souffrait d’un retard important qui devait être rattrapé. Les mesures prises jusqu’en 2002 allaient dans la bonne direction. Mais il n’y a plus eu aucune augmentation depuis 2007. Notre demande s’inscrit donc dans la démarche entreprise par les parlementaires depuis 1996.

Je tiens à insister sur le rôle de l’ONAC-VG et de ses écoles dans la réinsertion professionnelle des « OPEX ». Malheureusement, trop peu de militaires y sont envoyés par l’armée.

Enfin, la refonte du Code des pensions militaires d’invalidité ne peut que nous inquiéter en raison même du mot « refonte », qui signifie plus qu’une révision ou un simple dépoussiérage. On nous répond que les associations d’anciens combattants sont informées : ce n’est pas vrai. Elles ne participent pas plus que les parlementaires, du reste, à cette « refonte ». Quand on sait que sont prévus une loi d’habilitation et des décrets, toutes les craintes sont légitimes. Nous demandons que le mouvement ancien combattant et les parlementaires soient associés à la commission de révision – tel est le mot que j’emploie – du Code des pensions militaires d’invalidité et que les mesures proposées soient adoptées par le Parlement, comme l’a été la charte du combattant en 1919.

M. Jean-Claude Gouëllain, président de l’Association nationale des plus grands invalides de guerre. Les pensions des veuves de grands mutilés nous préoccupent particulièrement.

Les veuves de guerre sont classées en plusieurs catégories. De plus, le taux du grade ne bénéficie qu’aux veuves des morts au combat après 1962 – la question a été évoquée précédemment.

S’agissant des veuves de pensionnés, il faut distinguer les veuves des pensionnés au taux d’invalidité inférieur à 85 %, dont la pension de réversion est équivalente aux deux tiers du « taux normal du soldat » basée sur l’indice 500, et les veuves de pensionnés au taux supérieur à 85 %, qui ont le taux normal, majoré de quinze points. Or la pension au taux de 515 points est très en dessous du seuil de pauvreté, puisqu’elle est inférieure à 600 euros par mois. C’est pourquoi, en dépit de la majoration spéciale prévue à l’article L. 52-2 du Code des pensions militaires d’invalidité, la pension des veuves des très grands invalides est inférieure à 1 100 euros par mois. Pour une femme qui a, du vivant de son mari, cessé toute activité pour s’occuper d’un très grand invalide, c’est tout à fait inacceptable. Elle devrait percevoir une pension équivalente à celle d’une infirmière, puisque la grande majorité de ces femmes étaient des personnels soignants qui, ayant connu leurs futurs maris blessés, les ont épousés au cours de leur séjour à l’hôpital. La population concernée est très faible. Il conviendrait de traiter avec reconnaissance les veuves des très grands invalides.

Le second point qui nous préoccupe est la gratuité des soins médicaux et de l’appareillage. En matière de droit aux soins pour les infirmités pensionnées, les exigences de l’article L. 115 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne sont pas intégralement respectées. Vous avez adopté cet article, mesdames et messieurs les députés, en précisant que les mutilés doivent être pris intégralement en charge pour les soins des infirmités pensionnées. Or le service de la sécurité sociale militaire qui gère désormais les articles mentionnés s’aligne sur les règles de la sécurité sociale, ce qui est à l’origine de dérives importantes, comme si avoir donné dix kilos de viande pour la patrie était assimilable à un handicap civil.

L’article L. 128 concerne, quant à lui, la prise en charge des appareillages et des aides techniques. Or, là aussi, la caisse nationale militaire de la sécurité sociale s’aligne sur les règles de prise en charge édictées par la sécurité sociale, au point que six de nos très jeunes camarades, qui ont été grièvement blessés en Afghanistan, n’ont pu bénéficier des techniques les plus évoluées et des appareillages dignes de notre époque que grâce à la pugnacité du responsable de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre. En effet, comme le coût de ces appareillages est évidemment très élevé, de l’ordre de 50 000 à 60 000 euros, et que le régime général ne prend en charge que la moitié, le responsable de la cellule a dû trouver lui-même les financements complémentaires. Il est anormal que la charité, reposant sur des fonds privés, doive se substituer à l’État pour permettre à de jeunes soldats de recouvrer une vie quasi-normale de citoyen. Vous, les parlementaires, vous avez rédigé un texte prévoyant la prise en charge intégrale des soins prodigués à ces blessés. Il serait de votre honneur d’imposer le retour à une bonne pratique.

M. Paul Markides, vice-président de l’ARAC. Les associations d’anciens combattants doivent être associées, aux niveaux national et départemental, à la préparation et à la réalisation des initiatives visant le centenaire de la guerre 1914-1918.

Nous souhaitons également que le 27 mai de chaque année, jour anniversaire de la première réunion du Conseil national de la résistance – CNR –, rue du Four, dans Paris occupé, devienne une journée commémorative de l’apport du CNR au général de Gaulle afin de faire reconnaître le combat de la France auprès des alliés.

Par ailleurs, les fusillés pour l’exemple de la guerre 14-18, qui ne refusaient pas de combattre mais voulaient combattre autrement, doivent être tous réhabilités.

Une aide doit être également apportée au parcours du pèlerinage de Margny-lès-Compiègne, que suivaient à pied les prisonniers du camp de Royallieu avant d’embarquer dans les trains les conduisant en déportation.

Notre association souhaite enfin que le Gouvernement assume la responsabilité de la France dans la guerre d’Algérie pour régler le contentieux existant entre nos deux pays, ce qui ouvrirait la voie à la négociation pour la signature d’un traité de paix et d’amitié.

M. Laurent Attar-Bayrou, président national de la Fédération nationale des anciens des missions extérieures et OPEX (FNAME). Je tiens à m’associer aux revendications de mes grands anciens dans le monde combattant, dont fait intégralement partie la jeune génération. J’adresse une pensée à nos camarades qui se sont levés aujourd'hui en opérations – ils seront anciens combattants des opérations extérieures. J’y associe les 300 000 militaires qui ont déjà participé à des OPEX.

Notre génération est à cheval sur le monde des armées, le monde combattant et le monde patriotique. Nos compagnons partis en OPEX rencontrent, à leur retour, de nombreuses difficultés pour se reconvertir. Conformément aux engagements des gouvernements successifs, l’armée doit assurer la reconversion de 15 000 personnes, dont un grand nombre est revenu des opérations extérieures meurtri dans la chair et l’esprit. À cet égard, le sas de décompression, installé sur l’île de Chypre, est nécessaire. On peut seulement regretter que le séjour soit un peu court.

Une fois réintégrés dans leurs unités, les militaires ne bénéficient plus d’un suivi psychologique et physique de longue durée. Il en résulte qu’un grand nombre d’entre eux qui ont bénéficié grâce à l’armée d’une formation résilie leur contrat. L’accompagnement est insuffisant, ce qui explique un taux de réengagement faible.

Avant d’être des militaires, ce sont des citoyens, dont il convient d’assurer les droits, ce qui passe par une bonne réinsertion dans la vie civile. Celle-ci emprunte notamment la voie des écoles de reconversion de l’ONAC-VG. Malheureusement, par manque de volonté politique, seuls cinquante militaires sur un potentiel de 15 000 passent par ces écoles ! Comment pourraient-elles être bénéficiaires ? Il vous appartient, mesdames et messieurs les députés, d’avoir la volonté politique de promouvoir le développement des écoles de l’ONAC-VG.

Quant aux officiers supérieurs qui ont assuré un commandement opérationnel en OPEX, ils rencontrent des difficultés spécifiques à leur retour du fait que, dans leurs unités, ils sont dépossédés d’une partie de leur autorité, en raison de la création, prévue dans le Livre blanc, des groupements de soutien de base de défense – GSBdD.

Je tiens aussi à vous alerter sur la création, à l’occasion du désengagement de la France d’Afghanistan, de deux catégories de personnels envoyés en OPEX : les combattants et les non-combattants. L’Afghanistan aurait-elle vocation à devenir un terrain de manœuvre de l’OTAN ? Les militaires se donnent entièrement à leur mission : de grâce, ne les divisez pas ! En Afghanistan, ils sont et seront tous combattants, jusqu’au terme du retrait fixé par l’État français.

On nous répète à l’envi que le ministère de la défense doit faire des économies. Il ne faudrait oublier ni le Livre blanc qui, depuis 2008, a déjà permis de réaliser de substantielles économies, ni la RGPP qui a conduit à l’éviction de quelque 75 000 personnes. La RGPP a également conduit à la dissolution de la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale – DSPRS – et à l’éclatement de ses missions, faisant le ministère de la défense juge et partie dans le traitement de la direction des ressources humaines – DRH-MD – et des pensions militaires d’invalidité – PMI.

Nous demandons en outre l’attribution aux anciens des missions extérieures du fonds de solidarité, au même titre qu’aux anciens combattants d’AFN, l’attribution de la croix du combattant volontaire pour tous ceux qui ont servi en OPEX – ils sont tous volontaires –, la création d’une médaille commémorative spécifique pour les militaires ayant participé à la guerre du Golfe et l’attribution de la carte du combattant au groupement logistique – chacun se rappelle qu’il était alors la gloire de l’armée française – : or ses membres n’y ont pas droit !

Le toilettage du Code des PMI est assurément nécessaire compte tenu de la réforme subie par le monde combattant. Toutefois, nous n’en connaissons aujourd'hui que la jaquette, à savoir les têtes de chapitre, ignorant toujours les dispositions qui seront retranchées ou ajoutées.

Je tiens également à remercier le député Philippe Meunier, ici présent, qui a été l’initiateur d’une proposition de loi sur l’inscription obligatoire sur les monuments aux morts des morts pour la France. Je vous remercie, monsieur le député, en mon nom et au nom de leurs familles, d’avoir permis la réhabilitation des militaires tombés en OPEX.

Si, par ailleurs, nous sommes très heureux que, désormais, tous les morts pour la France soient commémorés le 11 novembre, nous demandons toutefois la création d’une journée commémorative des opérations extérieures. Nous sommes en effet la seule génération de combattant à ne pas avoir de journée spécifique de commémoration.

Enfin, le monument dédié aux OPEX, qui répond à la volonté de ministres successifs de la défense, a fait l’objet d’un rapport, dirigé par le général Thorette, qui a dû dans un premier temps, en l’absence d’un service dédié au ministère de la défense, retrouvé la trace des 601 morts en opérations extérieures. Nous sommes d’accord avec les conclusions du rapport, s’agissant notamment de l’installation du monument à Paris. En revanche, nous nous insurgeons contre l’éventualité de faire des économies en se contentant de déplacer un monument existant. Va-t-on un jour inventer le monument aux morts itinérant ? Cette question a déjà été débattue dans le cadre du rapport Thorette. Que dire aux familles ? Mesdames et messieurs les députés, fait-on des économies avec le sang versé ?

M. le général (2s) Henri Pinard Legry, président de l’Association de soutien à l’armée française (ASAF). Je rappelle que l’ASAF, à travers les 500 associations adhérentes, regroupe non seulement des anciens combattants mais également des cadres et des soldats de l’armée d’active et de la réserve, ainsi qu’un nombre croissant de Françaises et de Français, jeunes ou moins jeunes qui, n’appartenant pas aux catégories précédentes, sont particulièrement intéressés par les questions militaires et de défense.

S’agissant de la judiciarisation des opérations extérieures, chaque année, l’ASAF rappelle que des soldats sont injustement mis en cause dans trois opérations que la France a conduites : Daguet en Arabie Saoudite, Turquoise au Ruanda et, plus récemment, en Afghanistan, à l’occasion de l’embuscade d’Uzbin. Il n’est pas impossible que, prochainement, les actions de la France en République de Côte-d’Ivoire ou en Libye soient également mises en cause.

M. François Hollande, alors candidat, avait déclaré le 11 mars 2012, que « le Gouvernement et le Parlement devront engager une réflexion pour répondre à ces situations de judiciarisation ». L’ASAF estime que toute inaction en la matière aura de graves conséquences sur les conditions même d’engagement opérationnel de nos forces. C’est pourquoi elle souhaite connaître les dispositions nouvelles qui sont prévues ou ont déjà été prises conformément aux engagements du candidat à la présidence de la République.

L’ASAF estime par ailleurs que la proposition de loi relative au 19 mars revêt non seulement un caractère essentiellement idéologique mais est, de plus, incohérente, puisqu’il existe déjà une date reconnue et célébrée. Cette démarche est également dangereuse pour le pays car elle ravive des plaies qui commençaient à se refermer. Elle est de nature à recréer des divisions entre les Français alors que les défis économiques et sociétaux que notre pays a à relever exigent une cohésion renforcée. Je rappelle qu’à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, l’ASAF a édité un numéro spécial « Armée et Algérie », tiré à 10 000 exemplaires, qui a été largement diffusé, notamment dans les centres de documentation des universités et des grandes écoles. Ce numéro sera également diffusé au mois de décembre dans les collèges et les lycées.

D’une façon générale, l’ASAF considère, sans revenir sur les propos tenus par le Président de la République à l’occasion de l’anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv, qu’il faut se garder de faire rimer la commémoration des grandes dates de notre histoire nationale, qui vise à rappeler et comprendre les faits et leur enchaînement, avec l’accusation et la culpabilisation systématique de la France et des Français. Soyons assurés que cette dévalorisation, voire ce dénigrement répété de l’histoire de notre pays ne contribue pas à susciter l’adhésion à nos valeurs des jeunes Français, notamment d’origine étrangère, ni à renforcer la cohésion de la nation.

Enfin, l’ASAF a noté que plusieurs ouvrages scolaires, destinés à l’enseignement de l’histoire en classe de 3e et de 1re, ne mentionneront plus, pour la guerre de 14-18, les noms de Joffre, Foch et Pétain. Par un curieux hasard, ils laissent celui du général allemand von Falkenheim, qui est à l’origine de l’offensive sur Verdun, visant à user et à saigner l’armée française. Alors que la France s’apprête à célébrer en 2014 le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il y a là une incohérence grossière qui mériterait d’être corrigée.

S’agissant du budget de la défense, l’ASAF rappelle que la part de PIB que la France consacre à sa défense a été divisée par deux depuis trente ans. Ce sont donc des dizaines, voire des centaines de milliards d’euros qui ont déjà été économisés sur les ressources financières destinées à nos forces armées. L’effort demandé au ministère de la défense a donc, semble-t-il, déjà été réalisé. Les armées ont atteint un seuil critique et se trouvent parfois en limite du seuil d’aptitude opérationnelle : matériels vétustes – quarante ans d’âge –, lacunes capacitaires dans certains domaines, baisse du niveau d’entraînement des unités et des équipages. Or rien dans le contexte international ne laisse supposer une diminution des risques et des menaces. De plus, on ne saurait prédire la nature de l’ennemi que nous devrons affronter demain. Dans ces conditions, l’ASAF estime extrêmement dangereux de poursuivre cette politique de désarmement, d’autant que le moral des cadres et des soldats qui subissent ces restrictions depuis des décennies s’en trouve maintenant affecté. Lors des auditions de juillet dernier, les chefs d’état-major ont tous exprimé très clairement leurs inquiétudes, ce qui signifie dans le langage simple et direct que l’ASAF utilise : l’armée est en limite.

C’est pourquoi l’ASAF tient à appeler respectueusement l’attention des membres de la Commission de la défense, qui n’ignorent pas ces réalités, sur ce point crucial que constitue la baisse du moral des cadres.

M. le général (2s) Jean Kervizic. Je veux rappeler, au nom de l’Union nationale des combattants, mais aussi, je crois, d’un grand nombre d’anciens combattants, que si M. Jean-Pierre Masseret, avec l’accord du Parlement, avait adossé les anciens combattants à la défense, c’est parce que les anciens combattants, à ses yeux, assuraient la mission de service après-vente de la défense. Or nous assistons depuis quelques années et encore cette année à une dérive inquiétante. On a finalement tendance à penser que l’ancien combattant est une victime du travail, ce qui est tout à fait inadmissible.

M. le général (2s) Bertrand de Lapresle, vice- président des Gueules cassées. Je tiens à évoquer une idée générale, que les Gueules cassées ont mise en œuvre depuis quelque dix ans. Le Livre blanc en cours de rédaction porte, de notre point de vue très justement, sur la défense et la sécurité nationale. Il s’inscrit dans la suite du précédent, qui avait la même dénomination. Ce regroupement des notions de défense et de sécurité nationale nous amène à considérer que peuvent être assimilées aux anciens combattants, au moins dans l’esprit et les valeurs qu’elles ont défendues, des personnes qui ont été blessées en se portant au secours ou au service de leurs concitoyens. Les victimes du terrorisme sont désormais considérées comme des ayants droit du ministère délégué aux anciens combattants. Les Gueules cassées ont décidé d’accueillir également dans leurs rangs les victimes du devoir, blessées à la face ou à la tête – c’est notre spécificité –, qui ne sont pas militaires. Par exemple, des pompiers civils ayant été blessés au visage en luttant contre un incendie nous semblent entrer dans ce qu’est aujourd'hui le domaine de la défense et de la sécurité nationale. Une personne qui s’est blessée au visage en se portant au secours d’un désespéré est victime de notre point de vue d’un engagement volontaire. La guerre ayant changé de visage, chacun doit se sentir combattant au service de la nation.

Cette démarche mériterait d’être creusée, si on veut toutefois que le ministère des anciens combattants ne finisse pas par s’éteindre, ce qui serait regrettable, alors qu’il s’agit plus que jamais de développer l’esprit de défense.

M. Jean-Michel Villaumé. Que ressentez-vous face aux difficultés que rencontrent aujourd'hui les associations d’anciens combattants locales à trouver des porte-drapeaux pour les cérémonies commémoratives ?

M. Alain Clerc. Toutes les associations sont confrontées au vieillissement des porte-drapeaux et rencontrent des difficultés pour en recruter. Alors que l’histoire n’est presque plus enseignée, comment voulez-vous que les jeunes se sentent redevables des actions menées par les anciens et acceptent de participer aux cérémonies commémoratives ?

M. le général (2s) Jean Kervizic. Rien n’interdit en effet de prendre des porte-drapeaux plus jeunes et qui ne soient pas nécessairement anciens combattants : cela se pratique déjà et permet de renforcer le lien entre l’armée et la nation, notamment l’esprit civique chez les plus jeunes. Tous les maires apprécient d’avoir des drapeaux, même s’ils ne sont pas portés par des anciens combattants, sortant leurs décorations sur la poitrine.

M. Jean-Jacques Candelier. Le budget de 2013 diminue de 75 millions d’euros par rapport à celui de 2012, lequel était déjà en baisse de 155 millions par rapport à 2011. En cinq ans, le budget des anciens combattants aura diminué de 447 millions d’euros.

La moyenne d’âge des anciens combattants dépasse les soixante-quinze ans et il reste quelque 3,5 millions d’ayants droit. Compte tenu de la disparition annuelle d’environ 60 000 anciens combattants, il serait possible, en deux ou trois ans, de répondre favorablement aux légitimes revendications du monde combattant.

Je déposerai, en vue de l’examen du budget des anciens combattants le 5 novembre prochain, de nombreux amendements, visant notamment le rattrapage de la valeur du point, la révision de la dotation de l’ONAC-VG, l’égalité de traitement pour la campagne double ou la carte de combattant pour les anciens d’AFN. S’agissant des victimes des essais nucléaires, il conviendrait de réviser la loi, en raison du très faible nombre de personnes officiellement reconnues comme victimes des essais nucléaires : au 15 mai, sur 755 dossiers déposés, seuls 7 vétérans ont été indemnisés. Les critères sont trop restrictifs.

M. Philippe Nauche, président. La commission médicale jugeant en fonction des critères définis dans la loi, il est nécessaire de les réviser.

M. Damien Meslot. La baisse du budget des anciens combattants – 2,4 % – n’est inférieure à celle du nombre d’anciens combattants – 4,4 % – que si on ne tient pas compte de l’inflation. Le budget des anciens combattants est réellement en baisse, ce qui ne saurait nous satisfaire.

Par ailleurs, s’agissant des fautes, évoquées par un représentant de l’ARAC, qui auraient été commises par la France en Algérie, je tiens à souligner mon opposition résolue à toute forme de repentance. Cette façon de récrire l’histoire en opposant d’un côté les bons – les membres du FLN – et, de l’autre, les mauvais – les soldats français – est inadmissible. Je suis fier de l’œuvre accomplie par la France en Algérie et je n’ai aucune envie, je le répète, qu’elle fasse l’objet d’une quelconque repentance. Ce serait s’engager dans un gouffre sans fond.

Il y a des parts d’ombre et de lumière dans l’histoire de chaque pays. La France doit assumer la sienne sans en avoir honte.

Des anciens combattants ont évoqué avec raison le fait que l’enseignement de l’histoire est réduit à la part congrue. La place qui y est donnée à des cultures différentes ne saurait par ailleurs favoriser l’intégration des élèves d’origine étrangère. C’est l’histoire de France qu’il convient de leur enseigner. Les inciter à conserver leur culture, c’est prendre comme modèle l’agrégation de communautarismes aux dépens de l’intégration à la nation française.

Par ailleurs, de nombreuses associations se déplacent dans les collèges et les lycées : les anciens combattants peuvent ainsi transmettre leur expérience, ce qui permet aux jeunes générations de mieux comprendre l’histoire de leur pays à travers des témoignages directs. Les témoins se faisant malheureusement plus rares avec les années, les associations ont-elles réfléchi aux moyens de continuer en l’absence des anciens combattants la transmission de leur expérience ?

M. le général (2s) Jean Kervizic. L’UNC, aux côtés d’autres associations, mène une action en profondeur dans les collèges et les lycées. Nous sommes en relation avec la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives – DMPA – pour lui présenter nos programmes.

M. Alain Clerc. La FNAM accompagne tous les ans quelque 300 classes sur les lieux de mémoire.

Malheureusement, les associations ne reçoivent pas toujours le meilleur accueil de la part des enseignants, qui n’acceptent pas toujours d’emmener leurs classes, alors même que la FNAM finance les actions.

M. Daniel Boisserie. La majorité d’entre vous a conscience de la situation financière du pays : je les en remercie.

Monsieur Gouëllain, quel est le montant de la pension qui est versée aux veuves des très grands invalides ?

M. Jean-Claude Gouëllain. Alors que la loi votée en 1928 accordait aux veuves de guerre une pension fondée sur le taux normal du soldat – indice 500 –, ce n’est qu’en 1994 que les 500points leur ont été attribués.

S’agissant des très grands invalides de guerre, les bénéficiaires de l’article L.18 « tierce personne » du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sont notamment des personnes amputées des quatre membres, des aveugles, des aveugles et amputés, des paraplégiques ou des tétraplégiques, ainsi que des blessés crâniens : leurs soins ayant nécessité la présence constante d’une tierce personne, l’article L. 52-2 du même code prévoit que la pension de leurs veuves, qui ont arrêté toute activité pour s’occuper d’eux, serait majorée des quatre tiers de la pension au taux normal du soldat basé sur l’indice 500. M. Mekachéra, alors qu’il était ministre délégué aux anciens combattants, a uniformément majoré de quinze points les différents taux, ce qui rend quelque peu compliqués les calculs. Les pensions des veuves des très grands invalides, dont le nombre n’atteint pas 3 000, perçoivent aux environs de 1 100 euros par mois.

M. Jacques Goujat. Monsieur le député, vous avez souligné que la plupart d’entre nous avait conscience de la situation financière du pays : c’est que nous sommes des citoyens. Mais, en tant qu’anciens combattants, nous refusons de subir la double peine.

Mme Marie Récalde. Une partie de la Journée défense et citoyenneté (JDC) est consacrée au renforcement du lien entre l’armée et la nation, mais cette journée s’adresse aux jeunes âgés de seize à dix-huit ans. Quelles actions menez-vous auprès des classes primaires ? Il convient de sensibiliser les plus jeunes au devoir de mémoire, notamment en les emmenant aux cérémonies commémoratives qui ont lieu devant les monuments aux morts.

Par ailleurs, qu’avez-vous à nous dire sur la reconversion des militaires et sur les réservistes ?

Enfin, nous serons amenés à nous pencher sur l’épineuse question de la judiciarisation des OPEX. Pour les vingt ans du Commandement des opérations spéciales – COS –, le général Gomart a fait part de ses inquiétudes en la matière. Les OPEX ne sont pas des opérations clandestines mais des opérations militaires spéciales effectuées dans le cadre d’une intervention de la France. Les parlementaires devront aborder cette question du point de vue du droit international.

M. le général (2s) Jean Kervizic. Madame la députée, les actions de l’UNC sont déjà prioritairement tournées vers les élèves des classes primaires,

M. André Fillère. L’ONAC-VG joue un rôle important en la matière, notamment au travers du concours qu’il organise dans les CM1 et CM2 sur les petits artistes de la mémoire pour la guerre 14-18.

Monsieur Meslot a évoqué la repentance : ce n’est pas la question que j’ai posée. La guerre d’Algérie est finie depuis cinquante ans. Elle a été reconnue officiellement en 1999 mais nous sommes toujours sous un régime de cessez-le-feu. N’est-il pas temps de signer un véritable traité de paix, de coopération et d’amitié avec l’Algérie ?

M. Laurent Attar-Bayrou. Les États-Unis et le Canada ont la volonté politique d’enseigner la citoyenneté. La France pourrait s’inspirer de cette politique volontariste, notamment à travers l’adoption d’un texte par le Parlement.

Il convient également d’intéresser nos concitoyens aux cérémonies commémoratives en les rendant moins hermétiques, plus didactiques.

Il existe deux types de réservistes : le réserviste citoyen et le réserviste opérationnel. Le réserviste citoyen sert la nation de manière désintéressée dans les trois armées ou la gendarmerie. Il est parfois difficile de lui trouver une mission adéquate. Une politique volontariste en leur direction serait également la bienvenue.

Tout militaire qui sort de l’armée devient réserviste opérationnel : il doit cinq ans à la nation. Certains quittent l’uniforme pour se retrouver une semaine plus tard au même poste en tant que réserviste. Redevenus civils, ils rencontrent trop souvent des difficultés pour concilier la réserve opérationnelle et l’exercice de leur activité professionnelle. Que fera un dentiste de ses patients lorsqu’il part en mission pour un mois ? C’est assurément plus facile pour les fonctionnaires. Il conviendrait d’adapter le système afin de permettre de partir à tous ceux qui en ont la volonté. Se pose également la question de l’entraînement et de l’équipement des réservistes en période de restriction budgétaire. Espérons que le futur Livre blanc aborde le sujet.

Quant à la reconversion, il existe, je le répète, un formidable instrument, l’ONAC-VG. Il est de la responsabilité des parlementaires de valoriser cet outil, dont le développement serait préférable à l’envoi des militaires dans des centres de formation pour adultes – CFPA –, où ils ne sont pas toujours bien accueillis. Il convient de reconvertir 15 000 militaires par an : c’est donc un enjeu important.

M. le général (2s) Henri Pinard Legry. Quelle suite sera donnée aux déclarations du candidat François Hollande du 11 mars 2012 ?

M. Philippe Nauche, président. Votre question lui sera transmise.

M. Philippe Meunier. Si l’actuelle majorité choisit, conformément à la proposition de loi déposée au Sénat, le 19 mars comme date officielle de la fin de la guerre d’Algérie, je serai bien forcé de me rendre devant les monuments aux morts ce jour-là. Mais, cette proposition risque d’ouvrir la boîte de Pandore.

En effet, à tous ceux qui souhaitent un traité d’amitié entre la France et l’Algérie, je suis dans l’obligation de dire que, lorsque je m’exprimerai le 19 mars, je rappellerai le massacre, après cette date, de dizaines de milliers de harkis et celui de milliers de pieds-noirs, à Oran notamment, mais pas seulement, sans compter des viols innombrables de femmes. Le choix du 19 mars ne permettra pas de refermer les plaies entre nos deux pays, bien au contraire.

Je rappelle également que cette date ne concorde pas avec celle qui est retenue pour l’attribution de la carte du combattant. Il faudrait tout de même veiller à assurer un minimum de cohérence !

M. Philippe Nauche, président. Il ne saurait être question d’ouvrir aujourd'hui le débat sur le choix de la date commémorant officiellement la fin de la guerre d’Algérie – 19 mars ou 5 décembre –, même si je comprends que les commissaires souhaitent s’exprimer sur le sujet.

M. Michel Voisin. Je tiens à rappeler que la loi sur la professionnalisation des armées, votée en 1996 et dont j’étais le rapporteur, prévoit l’obligation d’enseigner la défense dans les établissements scolaires. Or cette disposition n’a jamais été appliquée. De même le rapport au Parlement sur l’exécution de cette disposition, également prévu dans la loi et qui devait être rendu par l’Education nationale, ne l’a jamais été. Serait-ce trop demander à l’Education nationale que d’appliquer la loi ?

Je rappellerai par ailleurs que de nombreux conflits sont toujours en attente de traités de paix.

Enfin, des parlementaires se sont regroupés dans une antenne de l’Association France-Turquoise pour défendre l’action de l’armée française au Rwanda. Je fais partie de ceux-là.

M. Joaquim Pueyo. La loi sur le 11-Novembre vise à commémorer tous les morts pour la France. Or, dans de nombreuses communes, il n’y a plus de cérémonie, même le 11 novembre. Et lorsqu’il y en a, il y a souvent fort peu de monde. Quelle action mener pour attirer un public plus nombreux ?

S’agissant de la repentance, il faut laisser les historiens faire leur travail de manière objective. C’est ainsi que les mutineries de la Première Guerre mondiale ont fait l’objet de thèses contradictoires. Ensuite, on peut tirer les conséquences des faits.

Si le devoir de mémoire est assuré de manière satisfaisante dans les établissements scolaires – je pense notamment au concours de la résistance –, il faut néanmoins remettre en valeur l’histoire dont l’enseignement est fondamental pour réconcilier les jeunes avec la nation. Je regrette que le précédent gouvernement l’ait supprimée en terminale scientifique.

M. Jacques Goujat. Au nom de l’UFAC, je tiens à réaffirmer qu’il est bien tôt, compte tenu du nombre encore important d’acteurs vivants, pour instaurer un jour unique de commémoration sur le modèle du Memorial Day américain. Qui ira annoncer aux organisations de déportés la suppression de leur journée nationale, le dernier dimanche d’avril, au bénéfice d’un Memorial Day à la française ? Qui ira faire la même annonce aux anciens d’Indochine, alors qu’ils n’ont obtenu que récemment la création d’une journée nationale ? Ne précipitons pas le mouvement. Nous sommes au carrefour du témoignage et de l’histoire. C’est pourquoi la loi qui fait du 11-Novembre un jour d’hommage à l’ensemble de ceux qui sont « morts pour la France » a prévu, via l’adoption d’un amendement, le maintien de l’ensemble des dates inscrites au calendrier officiel. C’est ce que l’UFAC souhaitait.

M. le général (2s) Jean Kervizic. L’UNC a la même approche. Il n’a jamais été question que le 11-Novembre remplace les autres dates du calendrier officiel.

La défection autour des monuments aux morts pose en revanche un vrai problème. C’est au plan local que l’action doit être menée par l’équipe municipale en liaison avec les enseignants. Des classes entières viennent, chaque soir, avec leurs enseignants, s’incliner sur la tombe du Soldat inconnu, sous l’Arc de Triomphe, lorsque la flamme est ranimée à dix-huit heures trente. C’est de cette façon que sera préservée la mémoire du monde combattant.

M. Joaquim Pueyo. Les cérémonies du 11-Novembre et du 8-Mai sont emblématiques. Il est plus difficile d’organiser les autres cérémonies.

Il serait bien d’ouvrir la charge de porte-drapeaux à des réservistes ou à des jeunes. Un travail d’information est à mener sur le sujet.

M. Jacques Goujat. Chaque année, plus de 10 000 enfants viennent s’incliner sur la tombe du Soldat inconnu, à l’Étoile. Ils en gardent un souvenir inoubliable.

Les associations d’anciens combattants doivent trouver les solutions les plus adaptées en liaison avec les collectivités locales.

M. Philippe Nauche, président. Je vous remercie, messieurs les représentants des associations d’anciens combattants.

III. EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Daphna Poznanski-Benhamou, les crédits de la mission : « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », pour 2013, au cours de sa réunion du mercredi 31 octobre 2012.

Un débat suit l’exposé de la Rapporteure pour avis.

M. Jean-Jacques Candelier. Je déplore que le budget 2013 ne réponde pas aux préoccupations récurrentes du monde combattant : il se contente de reconduire le dispositif actuel, de maintenir les droits en leur état. La moyenne d’âge des anciens combattants et de leurs ayant-droits est aujourd’hui supérieure à 75 ans : va-t-on attendre vingt-cinq ans pour faire enfin droit à leurs demandes ? En effet, avec 60 000 bénéficiaires de pensions en moins chaque année, on pourrait leur donner satisfaction à budget constant. Il en va du respect de la nation envers ceux qui se sont sacrifié pour défendre ses valeurs. Pour toutes ces raisons je voterai contre les crédits consacrés aux anciens combattants.

Mme la Rapporteure pour avis. Le budget baisse pour tenir compte de la baisse des effectifs des bénéficiaires.

M. Daniel Boisserie. Notre collègue Jean-Jacques Candelier déplore un simple « maintien des droits », mais dans le contexte budgétaire actuel, maintenir les droits des anciens combattants n’est déjà pas si mal ! On ne peut pas demande toujours plus, comme le font certaines associations.

Certains efforts seraient néanmoins légitimes ; je pense notamment au cas des veuves de grands invalides, dont la pension s’établit en moyenne à 500 euros. J’entends bien que pour chaque augmentation de droits, il faut trouver des recettes à due concurrence. C’est possible dans ce cas : certains grands invalides emploient tout ou partie de leur indemnité à acheter des logements, dont la valeur est parfois très élevée, mais qui bénéficient d’une exemption d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). On pourrait rendre ces biens imposables à l’ISF pour dégager des ressources nécessaires à l’amélioration de la condition des veuves.

Mme la Rapporteure pour avis. La situation des veuves des plus grands invalides est le premier problème sur lequel je me suis penchée. Mais il ressort de mes auditions que nous ne disposons pas de données statistiques suffisamment précises. Il faudra poursuivre nos travaux d’investigation sur ce point.

M. Daniel Boisserie. Nous pourrions déposer en séance publique un amendement tendant à ce que le Gouvernement nous présente un rapport sur le sujet.

M. Nicolas Dhuicq. Vous avez souligné le faible taux de recours au mécanisme d’indemnisation des victimes de dommages corporels liés à des essais nucléaires. Un confrère interniste m’a indiqué que la population concernée étant relativement jeune, elle est plutôt en bonne santé, ce qui peut expliquer que l’on ne découvre pas un nombre élevé de pathologies. Le faible niveau de dépenses constaté peut s’expliquer ainsi par l’état de santé de la population, plutôt que par des difficultés d’accès au droit.

Mme la Rapporteure pour avis. Les médecins disent d’ailleurs que la prévalence des cancers est moins élevée parmi ces personnes que dans l’ensemble de la population ! Il faudra toutefois observer l’impact de l’assouplissement des critères d’indemnisation opéré par le nouveau décret.

La commission en vient à l’examen des amendements.

Article 46 : État B – Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »

La commission examine l’amendement DF 1 présenté par M. Christophe Guilloteau.

M. Christophe Guilloteau. Cet amendement a pour objet de revaloriser de deux points l’indice de la retraite du combattant. Je ne peux pas me satisfaire de l’argument selon lequel une telle revalorisation n’est pas budgétée : l’amendement prévoit la compensation de la charge supplémentaire. Depuis cinq ans, nous avons revalorisé régulièrement cet indice ; il serait regrettable de rompre ce mouvement. Pour le monde combattant, il ne s’agit pas seulement d’une question financière : c’est avant tout une affaire de reconnaissance. Toutes les associations vous le diront, y compris celles qui sont plus proches du groupe majoritaire que du nôtre. En outre, l’entrée en vigueur de la mesure le 1er juillet a pour effet de limiter son coût pour l’exercice 2013.

Mme la Rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. L’augmentation de deux points de l’indice votée l’an dernier entraine déjà une dépense supplémentaire de 54 millions d’euros en année pleine dans le budget 2013. Il est impossible d’aller plus loin dans l’état actuel de nos finances publiques.

M. Bernard Deflesselles. C’est un vrai débat, qu’il ne faut pas escamoter. L’indice de la retraite du combattant était gelé depuis 1979 : c’est la précédente majorité qui l’a porté en cinq ans de 33 à 48 – et vous la fustigiez alors parce que selon vous, nous n’en faisions pas assez ! En refusant de poursuivre ce mouvement de rattrapage progressif, vous brisez un cercle vertueux. Vous en expliquerez les raisons au monde combattant.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DF 1.

La commission examine ensuite l’amendement DF 7 de M. Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’amendement est défendu.

Mme la Rapporteure pour avis. Cet amendement propose d’attribuer la carte du combattant à tous ceux qui ont 120 jours de présence en Algérie à condition d’être arrivés avant le 2 juillet 1962. Cette mesure bénéficierait à environ 8 000 personnes : 6 000 appelés du contingent et 2 000 militaires de carrière pour un coût estimé à un peu plus de 5 millions d’euros. Je sais qu’il s’agit d’une revendication forte, portée par de nombreuses associations d’anciens combattants. Vous savez aussi, mes chers collègues, que nos marges de manœuvre budgétaires sont très limitées et qu’il n’est pas possible de dégager les 5 millions d’euros nécessaires. Cette année, l’effort porte principalement sur le financement de la retraite du combattant et l’effort de mémoire. J’espère que cette demande pourra trouver satisfaction dans le prochain budget.

Mme la Présidente. Je rappelle que lors de son audition, le ministre a exprimé sa volonté de travailler sur cette question et qu’il n’était pas du tout opposé à une évolution pour les prochaines années.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DF 7, puis examine l’amendement DF 3 de M. Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’amendement est défendu.

Mme la Rapporteure pour avis. Cet amendement propose d’augmenter le plafond de la rente mutualiste d’un demi-point. Aujourd’hui, un peu plus de 400 000 personnes, soit moins du tiers des anciens combattants, ont souscrit à cette rente et cela entraîne une dépense pour l’État de 250 millions d’euros chaque année. Je ne crois vraiment pas prioritaire d’aller au-delà pour le moment.

Mme la Présidente. Je tiens à rappeler que cette rente mutualiste est une retraite par capitalisation.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DF 3, puis examine l’amendement DF 4 de M. Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’amendement est défendu.

Mme la Rapporteure pour avis. Cet amendement vise à créer une aide différentielle au profit des anciens combattants les plus démunis. Dans le rapport qu’il avait remis au Parlement à sa demande, l’année dernière, le Gouvernement, avait estimé à 5 000 le nombre d’anciens combattants concernés par la mise en place d’un tel dispositif, pour un coût de 4,5 millions d’euros. La difficulté, soulignée par ce même rapport et qui explique sans doute l’absence de mise en œuvre de ce dispositif, est que, potentiellement, sont concernés les anciens combattants vivant à l’étranger, soit plus de 70 000 personnes dont 58 000 ex-cristallisés. Je vous rappelle que chaque année l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) attribue 5 millions d’euros d’aide sociale à 13 000 anciens combattants. Ces crédits d’action sociale ont été abondés de 500 000 euros cette année. Il n’est pas possible, pour le moment, d’aller au-delà.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DF 4, puis examine l’amendement DF 5 de M. Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’amendement est défendu.

Mme la Rapporteure pour avis. Cet amendement vise à porter le plafond de ressources de l’ADCS à 964 euros, soit le seuil européen de pauvreté. C’est une demande légitime et le ministre délégué a rappelé devant nous qu’atteindre le seuil de pauvreté était un objectif que le Gouvernement poursuivait. Mais il est très difficile d’aller au-delà pour le moment.

Mme la Présidente. Les crédits sociaux y pourvoient pour l’instant.

M. Jean-Jacques Candelier. Mme la Présidente, il faudra rapidement établir une feuille de route pour la XIVe législature en ce qui concerne le budget des anciens combattants. Pour le moment il n’y a pas de programme. On se limite au maintien des droits.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DF 5, puis examine l’amendement DF 11 de M. Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’amendement est défendu.

Mme la Rapporteure pour avis. Cet amendement vise à abonder de 1,9 million d’euros les crédits dédiés à l’aide aux conjoints survivants. L’aide au conjoint survivant de l’ONAC-VG bénéficiait à 4 671 personnes au 30 juin 2012 et les crédits inscrits pour 2013 sont de l’ordre de 5 millions d’euros, soit la dépense constatée ces dernières années. Il existe effectivement, compte tenue de l’augmentation du plafond à 900 euros au 1er avril dernier – non budgétée par le précédent Gouvernement – un risque de dépassement de cette enveloppe. L’ONAC-VG réfléchit actuellement avec le secrétariat général pour l’administration du ministère de la défense au redéploiement de crédits pour l’aide sociale.

M. Jean-Jacques Candelier. L’ONAC-VG a besoin d’argent pour répondre aux demandes.

Mme la Rapporteure pour avis. La création d’un groupe de travail sur le sujet est en cours. Mais je partage votre inquiétude.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DF 11, puis examine l’amendement DF 6 de M. Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’amendement est défendu.

Mme la Rapporteure pour avis. Cet amendement propose d’augmenter la valeur du point de pension militaire d’invalidité (PMI) pour qu’il tienne compte des primes versées aux fonctionnaires. Je tiens à préciser que depuis le 1er janvier 2010, l’indice des traitements de la fonction publique de l’INSEE, qui servait jusque-là au calcul de la valeur du point PMI, a été remplacé par l’indice de traitement brut-grille indiciaire (ITB-GI), calculé par l’INSEE et la direction générale de l’administration et de la fonction publique. À chaque publication, trimestrielle, de la nouvelle valeur de cet indice, un arrêté est pris pour revaloriser à due concurrence la valeur du point PMI.

La procédure de fixation du rapport constant est aujourd’hui très claire et je ne crois pas utile de la faire à nouveau évoluer : ce qui compte dans l’indice de référence ITB-GI, c’est son évolution, pas le montant qui y est attaché, car c’est bien l’évolution qui est répercutée sur l’évolution du point PMI.

Je ne suis pas sûre que l’évolution des primes des fonctionnaires, sujet très complexe, connaisse une pente croissante et régulière. En revanche, l’indice ITB-GI a augmenté de 0,73 % en moyenne en 2009 et de 0,27 % au premier trimestre 2012, alors que l’indice des prix à la consommation baissait de 0,3 % au mois de septembre 2012.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DF 6, puis examine l’amendement DF 8 de M. Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’amendement est défendu.

Mme la Rapporteure pour avis. Cet amendement propose d’accorder une reconnaissance de l’État, sur le modèle des décrets de 2000 et 2004 aux enfants de parents morts pour la France pendant la Résistance. Vous le savez, le précédent Gouvernement, suite aux travaux de la commission Hardouin, avait travaillé à la préparation d’un décret unique pour ne laisser personne de côté. Selon les hypothèses les plus restrictives, le coût annuel du dispositif est évalué à plus de 100 millions d’euros par an.

Vous comprendrez qu’au moment où on demande un effort supplémentaire à tous les budgets pour contribuer à la réduction des dépenses publiques, il n’est pas question d’étendre les dispositifs d’indemnisation existants à de nouvelles catégories de victimes.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DF 8.

Après l’article 62

La commission examine l’amendement DF 9 de M. Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’amendement est défendu.

Mme la Rapporteure pour avis. Cet amendement demande que le Gouvernement remette au Parlement une étude sur l’extension du bénéfice de la campagne double à tous les anciens d’Algérie en instaurant une « rétroactivité totale ». Je pense que nous disposons déjà de tous les éléments d’information.

Compte tenu des règles de prescription quadriennale, le supplément de pension serait accordé sur les quatre dernières années en plus de l’année en cours à la date de la demande. L’extension de périmètre pourrait ainsi bénéficier à environ 5 500 ayants droit et ayants cause. Le surcoût maximum de l’extension du bénéfice de la campagne double est estimé (sur la base des proportions d’effectifs bénéficiaires identifiées dans les études sur le dispositif du décret du 29 juillet 2010) à 2,4 millions d’euros, compte tenu des rappels sur la période de prescription ; le surcoût annuel stricto sensu s'élevant à 600 000 euros.

Je rappelle enfin que la section du contentieux du Conseil d’État par sa décision du 9 mai 2011, a validé le dispositif relatif à l’attribution de la campagne double.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DF 9.

Après l’article 62

La Commission examine l’amendement DF 10 de M. Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’amendement est défendu.

Mme la Rapporteure pour avis. Cet amendement demande que le Gouvernement remette un rapport d’information sur les modalités de rattrapage de la valeur du point PMI, question qui a déjà été évoquée.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DF 10.

M. Christophe Guilloteau. Le groupe UMP votera contre ce projet de budget. Onze amendements vous ont été soumis aujourd’hui et aucun n’a été adopté. La plupart venait pourtant de la FNACA qui est réputée vous être plutôt proche. Ses membres liront certainement avec gourmandise le compte-rendu de notre réunion, y voyant comment ils sont traités par la nouvelle majorité.

Mme la Présidente. Nous laissons au ministre le soin de trancher ces questions dans l’hémicycle.

M. Philippe Nauche. Il ne me semble pas de bon ton d’affecter de la sorte une étiquette politique à une organisation d’anciens combattants, d’autant que cela ne se vérifie pas nécessairement sur le terrain.

*

* *

Conformément aux conclusions de sa Rapporteure pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.

*

* *

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° DF1 présenté par M. Christophe Guilloteau et les commissaires membres du groupe UMP

Article 46

État B

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Liens entre la nation et son armée

Dont titre 2

0

0

9 000 000

0

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

Dont titre 2

9 000 000

0

0

0

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

Dont titre 2

0

0

0

0

TOTAUX

9 000 000

9 000 000

SOLDE

0

Amendement n° DF3 présenté par M. Jean-Jacques Candelier

Article 46

État B

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

+

-

Liens entre la Nation et son armée

dont titre 2

 

2 500 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

2 500 000

 

Indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

   

TOTAUX

2 500 000

2 500 000

SOLDE

0

Amendement n° DF4 présenté par M. Jean-Jacques Candelier

Article 46

État B

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

+

-

Liens entre la Nation et son armée

dont titre 2

 

5 000 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

5 000 000

 

Indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

   

TOTAUX

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

 

Amendement n° DF5 présenté par M. Jean-Jacques Candelier

Article 46

État B

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

+

-

Liens entre la Nation et son armée

dont titre 2

 

7 000 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

7 000000

 

Indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

   

TOTAUX

7 000 000

7 000 000

SOLDE

0

 

Amendement n° DF6 présenté par M. Jean-Jacques Candelier

Article 46

État B

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

+

-

Liens entre la Nation et son armée

dont titre 2

 

5 000 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

5 000 000

 

Indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

   

TOTAUX

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

 

Amendement n° DF7 présenté par M. Jean-Jacques Candelier

Article 46

État B

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

+

-

Liens entre la Nation et son armée

dont titre 2

 

4 600 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

4 600 000

 

Indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

   

TOTAUX

4 600 000

4 600 000

SOLDE

0

 

Amendement n° DF8 présenté par M. Jean-Jacques Candelier

Article 46

État B

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

+

-

Liens entre la Nation et son armée

dont titre 2

 

10 000 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

   

Indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

10 000 000

 

TOTAUX

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

 

Amendement n° DF9 présenté par M. Jean-Jacques Candelier

Après l’article 62

Insérer l’article suivant :

Le Gouvernement doit déposer un rapport d’information avant le 1er janvier 2013 sur l’opportunité et les modalités de modification du décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord afin que soit réellement attribué le bénéfice de la campagne double à l’ensemble des anciens combattants d’Afrique du Nord.

Amendement n° DF10 présenté par M. Jean-Jacques Candelier

Après l’article 62

Insérer l’article suivant :

Le Gouvernement doit déposer un rapport d’information avant le 1er janvier 2013 sur les modalités de rattrapage de la valeur du point de pension militaire d’invalidité qui ne respecte plus le rapport constant défini par les lois de 1948, 1951 et 1953.

Amendement n° DF11 présenté par M. Jean-Jacques Candelier

Article 46

État B

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

+

-

Liens entre la Nation et son armée

dont titre 2

 

1 970 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

1 970 000

 

Indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

   

TOTAUX

1 970 000

1 970 000

SOLDE

0

 

ANNEXE :

Auditions et déplacements de la Rapporteure

Auditions

Par ordre chronologique

Ø Mme Gisèle Grosz, déléguée à l’Union française des associations de combattants et de victimes de guerre ;

Ø M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration du ministère de la défense ;

Ø M. Rémy Enfrun, directeur général de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ;

Ø Mme Isabelle Saurat, directrice des services administratifs et financiers du Premier ministre, Mme Christine Arnoult-Imblot, chef de bureau des affaires contentieuses à la sous-direction des ressources humaines, et Mme Martine Lefebvre, chef du bureau du budget ;

Ø M. Frédéric Grasset, président de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie, M. Didier Béoutis, ancien directeur et M. Paul Malmassari, directeur ;

Ø M. Éric Lucas, directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense ;

Ø M. François Le Puloc’h, directeur du service national et M. Marcel Fonteneau, chargé de mission ;

Ø M. Gérard Delbauffe, président du Souvenir français ;

Ø M. Jacques Goujat, président de l’Union française des associations de combattants et de victimes de guerre (UFAC) et de la Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc (FNCPG), M. Pierre Durr, secrétaire général de la FNCPG, et M. Yves Doury secrétaire général de l’UFAC ;

Ø M. Michel Sabourdy, secrétaire national de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie ;

Ø Général (2s) Jean Kervizic, président national de l’Union nationale des combattants, M. Gérard Colliot, vice–président, et le général (2s) Pierre Saint-Macary, vice–président ;

Ø M. Jean-Claude Gouellain, président de l’Association nationale des plus grands invalides de guerre ;

Ø M. Alain Clerc, président de la commission des droits de la Fédération nationale André Maginot ;

Ø M. Laurent Attar-Bayrou, président de la Fédération nationale des anciens des missions extérieures ;

Ø Général (2s) Bertrand de Lapresle, vice-président de l’Union des blessés de la face et de la tête « Les Gueules cassées » ;

Ø M. Jean-Claude Buisset, président de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’Union fédérale, M. Jacques Barthe, vice-président délégué, et M. Michel Giraud, secrétaire général ;

Ø Général (2s) Henri Pinard Legry, président de l’Association de soutien à l’armée française ;

Ø Général (2s) Jean-Pierre Beauchesne, président de la Fédération nationale des anciens combattants résidant hors de France ;

Ø Général (2S) Elrick Irastorza, président du conseil d’administration de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale 1914-2014, M. Joseph Zimet, directeur général et M. David Zivie, directeur-adjoint ;

Ø Mme Odile Soupison, directrice-adjointe des français à l’étranger au ministère des affaires étrangères, M. Gérard Ménard, sous-directeur, et Mme Murielle Gendron ;

Ø Me Serge Klarsfeld, président de l’Association des fils et filles de déportés juifs de France.

Déplacements

Ø Le jeudi 13 septembre 2012, visite, à Paris, de l’Institution nationale des Invalides et entretien avec M. le médecin général Louis Cador, directeur de l’Institution ;

Ø Le jeudi 4 octobre 2012, déplacement à Aubervilliers (93) pour la participation à une Journée Défense et Citoyenneté organisée par le groupement de gendarmerie mobile d’Aubervilliers.

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 2012-273 du 28 février 2012.

2 () Commémorer la Grande Guerre (2014-2020) : propositions pour un centenaire international, Rapport au Président de la République, Joseph Zimet, septembre 2011.

3 () Ministère de la défense, ministère de la culture et de la communication, ministère chargé de l’éducation nationale, ministère des affaires étrangères et européennes, ministère de l’intérieur, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ministère chargé du tourisme ; Bibliothèque nationale de France, Musée de l’armée, ONAC-VG, Institut français, Centre national de documentation pédagogique, Établissement de communication et de production audiovisuel de la défense (ECPAD), Le Souvenir français, l’Association des maires de France ; la CARAC, mutuelle du monde combattant.

4 () Les retraites du combattant de la catégorie « guerre 1914-1918 » comprennent toutes les opérations de guerre avant 1939.

5 () Les retraites du combattant de la catégorie « guerre 1939-1945 » concernent également la guerre d’Indochine.

6 () Comprend les OPEX avant 2008 ainsi que les pensions attribuées à des militaires alors qu’ils n’étaient pas sur des territoires en guerre.

7 () Correspond à des retraites du combattant payées par les États ayant accédé à l'indépendance dont la nature du conflit n'est pas codifiée.

8 () Situation au 31 décembre.

9 () Synthèse des travaux de la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France, 17 avril 2000.

10 () Idem.

11 () Annette Wieviorka, « La spoliation fut une étape vers la Solution finale », L'Histoire, n° 242, avril 2000.

12 () Cité par Xavier Ternisien dans « Les 62 000 dossiers de la honte », Le Monde, 16-17 avril 2000.

13 () La procuration autorise la Commission à effectuer les recherches nécessaires concernant le demandeur et les biens spoliés.

14 () À une seule et même requête peuvent correspondre plusieurs dossiers. Par exemple, une requête peut donner lieu à la création de deux dossiers (un dossier matériel et un dossier bancaire).

15 () L’écart entre le nombre total de dossiers et le nombre total de recommandations s’explique par le fait qu’à un seul et même dossier peuvent correspondre plusieurs recommandations (recommandation complémentaire, recommandation de levée de part, etc.).

16 () Après ajustement des statistiques à l’occasion du bilan des dix ans d’activité, les décisions de renvoi et de désistement ne sont plus aujourd’hui comptabilisées comme recommandations. Dès lors, 252 décisions doivent être déduites du nombre de recommandations adoptées au cours des années 2000 à 2009 à raison d’une moyenne de 28 par an.

17 () Ce montant comprend l’intégralité des sommes perçues par les requérants au titre de l’accord de Washington, à savoir les premier, second et troisième tours d’indemnisation (Fonds A et/ou Fonds B).

18 () Chiffres communiqués par la Caisse des dépôts et consignations – cours euro/dollar au 31/7/2012 : 1,2284 dollar.