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N° 258

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME III

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
ET DES RESSOURCES HUMAINES

FONCTION PUBLIQUE

PAR M. Alain TOURRET,

Député.

Voir le numéro : 251 (annexe 29).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2012.

À cette date, 94 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis. Lors de l’examen des crédits en Commission, la quasi-totalité des réponses était disponible.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DU PROGRAMME « FONCTION PUBLIQUE » POUR 2013 7

DEUXIÈME PARTIE : LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE 9

I. L’ÉTAT DES LIEUX DES DISCRIMINATIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE 9

A. DES GARANTIES CERTAINES DESTINÉES À PRÉVENIR LES PRINCIPALES DISCRIMINATIONS 9

1. Un cadre juridique traditionnellement conçu comme protecteur 9

2. De nouveaux instruments institués au cours des dernières années 11

B. DES DISCRIMINATIONS ENCORE TRÈS NOMBREUSES DANS LES FAITS 17

1. Des chiffres toujours préoccupants 17

2. La prise en compte plus nouvelle de certains faits discriminants 20

II. DIX PROPOSITIONS POUR RENFORCER LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE 24

A. INFORMER ET FORMER LES AGENTS PUBLICS 24

1. L’identification des discriminations 24

2. Le suivi des politiques mises en œuvre en matière de lutte contre les discriminations 26

3. La formation des agents publics 27

B. INCITER LES EMPLOYEURS PUBLICS À UNE GESTION EXEMPLAIRE 29

1. Une question de principe toujours délicate : le passage de l’égalité « formelle » à l’égalité « réelle » 29

2. Le choix déterminant des modalités de mise en œuvre 31

C. RÉORGANISER LES ADMINISTRATIONS POUR UNE FONCTION PUBLIQUE ÉQUITABLE 34

1. L’accès à la fonction publique 34

2. Le déroulement de la carrière 36

EXAMEN EN COMMISSION 41

ANNEXE 1 : LES CRÉDITS DU PROGRAMME « FONCTION PUBLIQUE » POUR 2013 53

ANNEXE 2 : L'ÉVOLUTION DES RÉCLAMATIONS DEVANT LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ PUIS LE DÉFENSEUR DES DROITS EN MATIÈRE D’EMPLOI 55

ANNEXE 3 : DIX PROPOSITIONS POUR RENFORCER LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE 57

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 59

MESDAMES, MESSIEURS,

Les crédits du programme n° 148 « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » du projet de loi de finances pour 2013 s’élèvent à 213 752 194 euros en autorisations d’engagement et 217 617 983 euros en crédits de paiement.

Conformément à l’évolution des crédits de l’ensemble de cette mission, ceux de la fonction publique sont en légère diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2012 (- 4 %), diminution qui – dans le contexte budgétaire contraint que l’on sait – reflète notamment la maîtrise des dépenses de fonctionnement et l’effort de stabilisation de l’emploi public.

Il reste que ces montants, regroupés dans deux actions, dédiées respectivement à la formation des fonctionnaires et à l’action sociale interministérielle, ne recouvrent qu’une part de la politique ambitieuse qui est aujourd’hui conduite en matière de fonction publique et qui consiste à assurer la cohérence statutaire de ses trois versants, la conduite du dialogue social avec les organisations syndicales représentatives au niveau national ou encore la modernisation de la gestion des ressources humaines.

Votre rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois a choisi cette année – l’analyse détaillée des crédits relevant de la commission des Finances – de mettre l’accent sur l’un des volets de cette politique, la lutte contre les discriminations dans la fonction publique. En effet, bien que celle-ci, forte du statut protecteur qui régit la situation juridique des agents publics et du devoir d’exemplarité qu’elle se reconnaît souvent, paraisse constituer un cadre de relations de travail privilégié car particulièrement égalitaire, les discriminations y sont présentes, même fréquentes – un quart des fonctionnaires se disant avoir été victimes d’une discrimination et un tiers, témoins d’un tel fait.

Sans doute, depuis plusieurs années, des politiques actives au service de la lutte contre les inégalités ont-elles été engagées, venant compléter les garanties apportées par le statut général de 1983, déjà exigeant. Les très nombreuses auditions de personnalités diverses conduites par votre rapporteur pour avis – le Défenseur des droits, les organisations syndicales, les associations, les administrations concernées, des représentants des écoles de l’administration ou encore de la Commission européenne – en ont montré les vertus mais, aussi, les limites.

Présenter un état des lieux de ces réalités et de ces initiatives, avant de proposer dix mesures ciblées et pragmatiques, destinées à faire un pas de plus sur ce terrain de la lutte contre les discriminations où rien n’est jamais acquis, tel est l’objet du présent avis budgétaire.

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS
DU PROGRAMME « FONCTION PUBLIQUE » POUR 2013

Les crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » du projet de loi de finances pour 2013 sont regroupés dans deux actions, la formation des fonctionnaires et l’action sociale interministérielle.

S’agissant de la formation des fonctionnaires, les dépenses (pour un total de 78 878 796 euros en crédits de paiement) concernent, pour l’essentiel, les subventions pour charge de service public versées aux opérateurs compétents en matière de formation initiale des futurs cadres supérieurs de l’État – soit l’École nationale d’administration (ENA) – et en matière de formation des futurs attachés d’administration centrale – les Instituts régionaux d’administration (IRA). En outre, les crédits sont aussi dédiés à la formation continue des agents, dans une perspective interministérielle qui correspond à une logique de « métiers ».

On observe que le plafond d’emplois de l’ENA et des IRA connaît une diminution de cinq équivalents temps plein (ETP) dans le projet de loi de finances pour 2013 par rapport à la loi de finances initiale pour 2012, pour s’établir à 1 399 ETP. Cette réduction, qui concernera les agents permanents et non les effectifs d’élèves fonctionnaires, s’inscrit dans la contribution à l’effort de réduction des effectifs des opérateurs de l’État.

Pour ce qui concerne les crédits couvrant les dépenses de l’action sociale interministérielle – 138 739 187 euros, soit deux tiers des dépenses du programme –, ceux-ci sont destinés à financer des prestations individuelles visant, de manière générale, à assurer une meilleure articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle (chèque-vacances, chèque emploi service universel – CESU –, réservations de places en crèche, réservation de logements, etc.), ainsi que des prestations collectives (en particulier les opérations d’investissement destinées à mettre aux normes les restaurants interministériels administratifs).

Les tableaux présentés en annexe 1 retracent la répartition par action des crédits du programme « Fonction publique » pour 2013 (1).

Concernant l’évolution des effectifs et de la masse salariale de l’État, pour 2013, les effectifs des ministères qui ne concourent pas aux missions prioritaires seront réduits de 12 298 postes. Ce chiffre doit être mis en rapport avec les quelque 30 000 suppressions de postes opérées chaque année sous la législature précédente.

Cet effort compense les créations de postes dans les secteurs de l’éducation, la sécurité et la justice en 2013 (ainsi qu’une partie des créations de postes de la rentrée 2012), de sorte que soit respecté le principe de stabilité des effectifs sur la durée du quinquennat. Il correspond à une diminution de 7 234 emplois au ministère de la Défense, conformément à la loi de programmation militaire et aux réorganisations prévues (2), et de 5 064 emplois pour les autres ministères, dans une logique de modernisation et de rationalisation de l’action publique.

Pour 2013, à périmètre constant, la masse salariale de l’État hors pensions s’établit à 80,6 milliards d’euros (elle était de 80,4 milliards d’euros en 2012, l’évolution, de + 0,2 %, équivalant donc à une quasi-stabilisation). Cette évolution est notamment liée à la limitation des mesures catégorielles à 310 millions d’euros pour 2013 (celles-ci atteignaient près de 550 millions d’euros par année sur la période 2008-2012). Ces mesures bénéficieront en particulier aux fonctionnaires de catégorie C. Elles s’ajoutent au relèvement du minimum de traitement dans la fonction publique annoncé en juillet 2012 (3) pour tenir compte de la revalorisation du SMIC à hauteur de 2 %, qui représentera environ 80 millions d’euros supplémentaires en 2013.

DEUXIÈME PARTIE : LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE

I. L’ÉTAT DES LIEUX DES DISCRIMINATIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE

A. DES GARANTIES CERTAINES DESTINÉES À PRÉVENIR LES PRINCIPALES DISCRIMINATIONS

1. Un cadre juridique traditionnellement conçu comme protecteur

À première vue, la fonction publique constitue un cadre de relations de travail privilégié, susceptible de prévenir tout risque important de discrimination à l’encontre des agents qui y sont employés, notamment pour deux raisons :

– d’une part, parce que la situation des fonctionnaires y est régie par un statut, traditionnellement conçu comme protecteur et fondé, notamment, sur le principe constitutionnel d’égalité entre les agents ; il diffère de la relation contractuelle qui lie un salarié du secteur privé et son employeur et de ce fait est susceptible de connaître davantage de variations en fonction des situations individuelles ;

– d’autre part, dans la mesure où l’État français employeur se reconnaît un devoir d’exemplarité : les modalités d’emploi des agents publics sont censées pouvoir constituer un modèle ou, au moins, ne pas pouvoir encourir de reproche fondé sur un manquement au respect du principe d’égalité.

De fait, alors même qu’il existe des règles de droit commun relatives à la prohibition des discriminations (4), c’est un corpus spécifique qui a été inséré dans le statut général de la fonction publique afin d’y proscrire ces pratiques. L’article 6 du statut (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) prévoit qu’« aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ». Ce même article interdit les discriminations à l’encontre d’un fonctionnaire qui aurait adressé un recours hiérarchique ou engagé une action en justice afin de faire respecter le principe de non-discrimination, ou seulement témoigné d’actes discriminatoires. Il précise que tout acte discriminatoire constitue une faute disciplinaire.

En outre, l’article 6 bis du statut prohibe toute discrimination entre les fonctionnaires en raison de leur sexe.

Plus encore, les règles applicables aux fonctionnaires organisent l’ensemble de la carrière des agents publics de telle manière que l’égalité entre eux soit assurée aux différentes étapes de celle-ci :

– À l’entrée dans la fonction publique, les agents sont, en principe, recrutés par concours, modalité consacrée par l’article 16 du statut général, destinée à assurer le respect de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, conformément auquel les citoyens accèdent à l’emploi public « selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » (5).

– Au cours de la carrière, prévaut le principe de l’égalité de traitement entre fonctionnaires qui relèvent d’un même corps, règle de nature jurisprudentielle qui a été consacrée par le Conseil d’État comme principe général du droit, cependant que le Conseil constitutionnel lui a conféré valeur constitutionnelle.

– Le régime de la fin de carrière, avec l’accès à la retraite, est également soumis au principe d’égalité. La Cour de justice des communautés européennes (désormais Cour de justice de l’Union européenne) a eu l’occasion de rappeler cet impératif à plusieurs reprises, par exemple concernant la bonification d’ancienneté pour enfants qui était accordée aux seules fonctionnaires retraitées femmes (CJCE, 29 novembre 2001, Griesmar) et dont le bénéfice a dû en conséquence être étendu aux hommes (Conseil d’État, 29 juillet 2002, Griesmar).

De la même manière, l’exigence d’égalité innerve l’ensemble des droits et obligations des fonctionnaires tels qu’ils sont définis par les dispositions de nature constitutionnelle et législative en vigueur, dont la portée a souvent été précisée par la jurisprudence. On rappelle ainsi à titre d’illustration qu’en 1954, le Conseil d’État avait posé le principe de non-discrimination à raison des opinions d’un agent public (Conseil d’État, 28 mai 1954, Barel) ; l’article 8 du statut général de la fonction publique dispose que les fonctionnaires peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats – principe qui va de pair avec l’interdiction des discriminations en raison de l’opinion syndicale prévue à l’article 6 de ce même statut ; par ailleurs, l’obligation de neutralité implique qu’un fonctionnaire se départisse, dans l’accomplissement de ses missions, de ses opinons et qu’il s’abstienne de toute discrimination à l’égard des autres personnels et des usagers du service public (Conseil d’État, 8 décembre 1948, Pasteau).

2. De nouveaux instruments institués au cours des dernières années

● Un cadre législatif rénové

Au cours des dix dernières années ont été institués de nouveaux instruments pour renforcer la lutte contre les discriminations, qu’il s’agisse des discriminations en général ou de discriminations fondées sur un critère particulier.

De manière à favoriser la lutte contre les discriminations d’une manière générale, la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 avait institué la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), à laquelle a succédé le Défenseur des droits en 2011 (6).

Le Défenseur des droits (et la Halde avant lui) a engagé de multiples actions pour lutter contre les discriminations, en particulier en émettant des recommandations générales en faveur d’une plus grande égalité (7), en développant des outils de sensibilisation et d’information (par exemple, par la diffusion d’un dépliant intitulé Une grossesse sans discrimination ou d’un recueil des 150 délibérations adoptées sur l’emploi public sur la période 2005-2010) ou encore en proposant des actions d’accompagnement des employeurs publics (telle la publication de rapports recensant les bonnes pratiques des employeurs publics de l’État – en 2009 et en 2010).

Mais c’est aussi les discriminations identifiées par critère que le législateur a tenté de prendre en compte au cas par cas, que celles-ci soient fondées :

– sur l’âge, avec la suppression de la plupart des limites d’âge pour l’accès à la fonction publique (8) ;

– sur l’origine, avec l’institution d’un mode de recrutement sans concours, pour l’accès à des emplois de catégorie C, au profit de jeunes non diplômés non qualifiés, mode de recrutement qui implique une formation en alternance (dispositif dit du PACTE – parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l’État) (9) ;

– sur le handicap, par la création du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), fonds analogue à celui qui existe dans le secteur privé avec l’Agefiph (10). Cet établissement public administratif recueille les contributions financières des employeurs publics ne satisfaisant pas à l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés en application de la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 et a pour mission de favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées, ainsi que la formation et l’information des agents en lien avec elles (11) ;

– ou bien encore sur le sexe, avec la consécration d’un dispositif destiné à favoriser l’emploi des femmes dans les postes d’encadrement supérieur des trois fonctions publiques.

L’article 56 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (12) a en effet rétabli un article 6 quater dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pour instituer un dispositif aux termes duquel les nominations dans les emplois supérieurs devront concerner au moins 40 % de personnes de chaque sexe à partir de 2018. Des taux progressifs s’appliqueront à partir de 2013. Le décret n° 2012-601 du 30 avril 2012, complété par une circulaire du 20 août 2012, a précisé les modalités de mise en œuvre de cette mesure, décrites dans l’encadré présenté ci-après.

Deux circulaires du Premier ministre en date du 23 août 2012 visent en outre à inclure cette problématique de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la préparation et l’étude d’impact de tout projet ou toute proposition de loi ainsi qu’à préciser les modalités de mise en œuvre de la politique interministérielle en matière d’égalité entre les femmes et les hommes (13).

Le dispositif de nomination d’un pourcentage minimal de personnes de chaque sexe
dans l’encadrement supérieur des collectivités publiques

Sont concernés les emplois des collectivités publiques employeurs suivants :

– les emplois supérieurs à la décision du Gouvernement ;

– les emplois de direction de l’État ;

– les emplois de direction des régions, des départements ainsi que des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de plus de 80 000 habitants ;

– les emplois de direction de la fonction publique hospitalière.

Ne sont pas pris en compte pour l’appréciation du caractère paritaire des nominations les simples renouvellements dans un même emploi ou les nominations dans un même type d’emploi, de manière à éviter des « effets d’aubaine ».

Le respect de l’obligation est apprécié, au terme de chaque année civile, par département ministériel, par autorité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale, mais globalement pour les établissements hospitaliers.

Ce sont les nominations annuelles qui sont prises en compte, à savoir le flux des nominations, indépendamment de la situation qui prévaut préalablement (le « stock »).

En outre, pour la fonction publique territoriale, lorsqu’au titre d’une même année civile, l’autorité territoriale n’a pas procédé à des nominations dans au moins cinq emplois concernés par l’obligation, celle-ci s’apprécie sur un cycle de cinq nominations successives.

En cas de non-respect de cette obligation, une contribution est due, selon le cas, par le département ministériel, la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale ainsi que, au titre des nominations dans les emplois de direction de la fonction publique hospitalière, par l’établissement public concerné.

La contribution est égale au nombre d’unités manquantes pour l’année considérée, multiplié par un montant unitaire qui est le suivant :

– 30 000 euros pour les nominations au titre des années 2013 et 2014 ;

– 60 000 euros pour les nominations au titre des années 2015 à 2017 ;

– 90 000 euros pour les nominations à compter de 2018.

Le dispositif est applicable à compter du 1er janvier 2013. Sa montée en charge est prévue selon le rythme suivant :

– la proportion minimale de personnes de chaque sexe est fixée à 20 % pour les nominations prononcées en 2013 et 2014 ;

– elle est de 30 % pour celles prononcées de 2015 à 2017 ;

– à compter de 2018, la proportion est de 40 %.

En pratique, les secrétaires généraux de chacune des collectivités concernées devront déposer auprès du comptable assignataire de leurs dépenses au plus tard le 30 avril de chaque année une déclaration annuelle comportant les données relatives aux nominations par sexe et au montant des contributions éventuellement dues.

Par ailleurs, la loi du 12 mars 2012 précitée comporte d’autres dispositions destinées à favoriser la parité dans la fonction publique : la présentation annuelle par les employeurs publics, devant les comités techniques, dans le cadre du bilan social, d’un rapport sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; des dispositions tendant à assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les personnalités qualifiées des conseils d’administration et de surveillance des établissements publics de l’État, au Conseil commun de la fonction publique et dans les conseils supérieurs de la fonction publique, au sein des commissions administratives paritaires ainsi que dans les jurys et comités de sélection.

Cette loi prévoit également la remise annuelle par le Gouvernement au Conseil commun de la fonction publique d’un rapport sur les mesures mises en œuvre pour assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Les auditions conduites par votre rapporteur pour avis ont montré que cette nouvelle instance, issue de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, installée en janvier 2012 (14), compétente pour connaître des questions intéressant les trois versants de la fonction publique, était susceptible de devenir un lieu privilégié pour le traitement de la question des discriminations.

On observe enfin que la loi du 12 mars 2012 consacre la notion de télétravail dans la fonction publique (article 133) : or celui-ci peut constituer, dans certaines situations, une réponse face à des difficultés de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle.

● De multiples « bonnes pratiques »

Forts de la conviction selon laquelle la lutte contre les discriminations ne saurait requérir de seuls outils législatifs, les gouvernements successifs ont soutenu aussi des politiques publiques destinées à favoriser les « bonnes pratiques », combinant ainsi, pour reprendre la distinction anglo-saxonne souvent utilisée, hard law et soft law.

Signée le 2 décembre 2008 par les ministres en charge de la fonction publique et le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité – autorité à laquelle s’est substitué le Défenseur des droits –, la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique a défini six thèmes centraux pour « prévenir les discriminations [que la fonction publique] peut engendrer, de manière directe ou indirecte, à l’occasion du recrutement et de la carrière de tous ses agents, qu’ils soient fonctionnaires ou agents contractuels ».

Ces six thèmes sont les suivants : agir en amont du recrutement pour promouvoir l’égal accès de tous aux emplois publics (en développant des actions de communication sur les métiers et sur le recrutement) ; veiller aux conditions de recrutement pour répondre aux besoins sans discriminer (en particulier en formant et sensibilisant les jurys et comités de sélection à la question des stéréotypes et des préjugés) ; rénover les parcours professionnels des agents et garantir l’égalité de traitement dans tous les actes de gestion (en développant la formation, les conditions d’exercice de la mobilité ou en promouvant la conciliation des vies personnelle, familiale et professionnelle) ; sensibiliser et former les agents publics ; informer les administrations pour diffuser les bonnes pratiques en matière de prévention des discriminations ; assurer la mise en œuvre et le suivi de la charte.

Selon les informations transmises par les services du Gouvernement à votre rapporteur pour avis, cette charte constitue aujourd’hui le cadre global dans lequel s’inscrivent un grand nombre des actions de lutte contre les discriminations. Elle constitue dès lors à la fois l’aiguillon et le programme, d’une part, ainsi qu’un mode d’évaluation des politiques mises en œuvre, d’autre part.

Chaque année est établi un rapport de suivi de la charte. Ce rapport est l’occasion de dresser un bilan de l’évolution quantitative des réclamations devant le Défenseur des droits pour ce qui concerne l’emploi public.

Il permet également de faire le point sur les actions entreprises par les ministères ou les collectivités publiques en matière de lutte contre les discriminations. Le troisième rapport, présenté en avril 2012 devant le Conseil commun de la fonction publique, évoquant « une dynamique interministérielle forte », a souligné, en particulier, l’intérêt des actions suivantes, qui se poursuivent et s’intensifient :

– la désignation de référents en charge des questions de promotion de l’égalité au sein de chaque ministère ou organisme public ;

– la formation des jurys et commissions de sélection à la prévention des discriminations ;

– en matière de handicap, la multiplication des actions de sensibilisation, de formation et d’information des agents publics ;

– le développement des « classes préparatoires intégrées » (CPI) : le nombre de ces classes, destinées à permettre à des personnes ayant rencontré des difficultés sociales ou économiques pendant leurs études ou leur parcours personnel de bénéficier d’une aide à la préparation aux concours de la fonction publique, était de 26 fin 2011, correspondant à l’accueil de plus de 500 élèves (on dénombrait 24 classes en 2010). L’intégration dans les CPI est soumise à des conditions de ressources, de mérite et de motivation ainsi que d’origine géographique. Une aide financière est prévue avec l’attribution des « allocations pour la diversité dans la fonction publique » : cette aide représente un total de 2,8 millions d’euros pour 2012, correspondant à 1 400 bourses ; elle s’élève à 3,4 millions d’euros en 2012-2013, pour le financement de 1 700 bourses.

C’est ainsi que, de manière à diversifier son recrutement, l’École nationale d’administration a mis en place, depuis trois ans, une classe préparatoire au concours externe d’entrée, spécifiquement réservée aux étudiants boursiers issus de milieux sociaux modestes, la CP’ENA. Les critères de sélection sont les suivants : la qualité du parcours universitaire, la motivation des intéressés et leur niveau de ressources. Une promotion de la CP’ENA comprend une quinzaine d’étudiants.

Mais d’autres actions, plus nouvelles, se développent aussi. Le rapport de suivi de la charte mentionne l’engagement de ministères dans la démarche d’obtention du label relatif à la prévention des discriminations et à la promotion de la diversité dans le cadre de la gestion des ressources humaines (dit « label diversité ») (15). Les discriminations visées par le label concernent les origines mais plus généralement tout type de distinction fondée notamment sur le handicap, le genre (16) ou l’âge.

L’attribution du label est proposée par l’Association française de normalisation (AFNOR), après avis d’une commission constituée de quatre collèges (collèges composés de représentants : des ministères ; des organisations patronales ; des syndicats de salariés ; d’experts désignés par l’Association nationale des directeurs de ressources humaines – l’ANDRH). Cette démarche suppose, selon le rapport précité, « l’établissement préalable d’un diagnostic des risques de discriminations dans la gestion des ressources humaines de l’organisme, ainsi que la mise en place d’une traçabilité des critères et des procédures ».

En 2010, une centaine de labels avaient été délivrés – les ministères économiques et financiers ayant été la première administration de l’État à recevoir le label. En juillet 2012, quatre ministères les ont rejoints (le ministère des Affaires sociales et de la santé ; le ministère du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; le ministère des Droits des femmes ; le ministère des Sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative) ainsi que deux agences régionales de santé.

La Charte de 2008 fait aujourd’hui l’objet d’un projet de révision – une nouvelle charte doit être adoptée dans les prochaines semaines. L’objectif est de favoriser son application à l’ensemble des trois versants de la fonction publique – et non pas prioritairement à la fonction publique de l’État –, et que soient prises en compte plusieurs évolutions récentes, comme l’institution du dispositif de parité par la loi du 12 mars 2012 précitée ou la nomination de responsables de l’égalité des droits au sein de chaque ministère.

La responsabilité sociale de l’employeur (17) a par ailleurs été développée dans la fonction publique avec le dispositif « État exemplaire », élément de la Stratégie nationale de développement durable (2010-2013), exposée dans une circulaire gouvernementale du 3 décembre 2008 relative à l’exemplarité de l’État au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics. L’un des volets de cette stratégie, par-delà les mesures d’écoresponsabilité, concerne la responsabilité sociale de l’État, tant en sa qualité d’opérateur économique qu’en sa qualité d’employeur. Comme le souligne la circulaire, « l’État doit se fixer des objectifs élevés en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux de la personne au travail, l’intégration des personnes handicapées, l’insertion des personnes éloignées de l’emploi et la parité professionnelle ».

Ce thème de l’exemplarité a été expressément repris par Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, dans l’agenda social présenté le 4 septembre 2012 aux organisations syndicales, à la suite de la conférence sociale du mois de juillet 2012, pour fixer le cadre des échanges entre ces organisations et le Gouvernement. L’un des axes retenu est en effet celui de l’exemplarité des employeurs publics, en particulier pour ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l’amélioration de l’accueil et de l’insertion des travailleurs handicapés, la gestion des âges et l’accès des jeunes à la fonction publique. Un cycle de négociations a été ouvert par les organisations syndicales sur le sujet de l’égalité professionnelle à la fin du mois de septembre 2012 (18).

Dans la fonction publique territoriale, les auditions conduites par votre rapporteur pour avis ont montré que les initiatives destinées à lutter contre les distinctions directes ou indirectes sont également multiples. Le Centre national de la fonction publique territoriale, en particulier, a mobilisé de nombreux outils à cet effet : le développement d’une réflexion sur les pratiques de recrutement dans les collectivités territoriales de grande taille ; la généralisation de formations au profit des agents territoriaux sur l’intégration des personnes handicapées dans un service ou sur la prise en compte des pratiques de harcèlement ; ou encore la conclusion d’accords avec le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique  (19) et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé) (20).

B. DES DISCRIMINATIONS ENCORE TRÈS NOMBREUSES DANS LES FAITS

1. Des chiffres toujours préoccupants

En dépit d’un cadre juridique spécifique et des avancées réalisées au cours des dernières années, les discriminations restent une réalité dans la fonction publique.

D’une part, les discriminations constituent un phénomène qui n’a rien de marginal : selon des données établies par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (21), les discriminations sont même assez fréquentes puisque près d’un quart des agents publics estiment avoir été confrontés à une discrimination en tant que victimes et plus d’un tiers en tant que témoins. Selon cette même source, la fonction publique est de moins en moins perçue comme protectrice. En outre, 30 % des agents qui ont été témoins d’une discrimination n’en ont rien dit, ce qui atteste un niveau d’autocensure élevé.

Le troisième rapport de suivi de la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique montre que les réclamations portées devant le Défenseur des droits (ou, avant lui, la Halde) concernent pour près de la moitié d’entre elles l’emploi sur la période 2005-2010. Sur ce total, un tiers sont relatives à l’emploi public, deux tiers au secteur privé – or il faut garder à l’esprit que le nombre de salariés est environ quatre fois plus élevé que celui des agents publics. Dans l’emploi public, sur la période 2005-2010, 81,4 % des réclamations ont concerné la carrière et 18,6 % le recrutement. Le tableau présenté en annexe 2 détaille ces résultats.

D’autre part, les discriminations revêtent un caractère pluriel. Le Défenseur des droits indique, concernant le secteur public, que les critères principaux de sa saisine sont l’état de santé et le handicap (à hauteur de 33 %), l’origine (17 %) et la grossesse (8 %). Suivent les activités syndicales (7 %), l’âge (6 %) et le sexe (4 %).

Votre rapporteur pour avis, qui avait, sous la XIe législature (22), déjà souligné la nécessité d’une action exemplaire de l’État employeur pour ce qui concerne, notamment, la parité entre les femmes et les hommes ou bien l’obligation d’emploi des personnes handicapées, ne peut que déplorer l’insuffisance des évolutions sur le moyen terme.

Deux exemples illustrent cette insuffisance. Dans son avis présenté en octobre 2001 sur le budget de la fonction publique pour 2002, votre rapporteur pour avis s’interrogeait : « où sont les femmes ? ». Celles-ci occupaient en effet seulement 13,7 % des emplois de l’encadrement supérieur de l’État en 2000.

Une dizaine d’années ont passé : sans doute le taux de femmes présentes dans les emplois de direction de la fonction publique de l’État est-il – comme l’avait montré l’année dernière le rapport établi par Mme Françoise Guégot (23) –, de l’ordre de 20 %, mais encore faut-il garder à l’esprit que les femmes occupent plus de 50 % des emplois de la fonction publique de l’État. De la même manière, on peut mettre en rapport les taux respectifs de 18 % et 40 % de femmes dans les emplois de direction de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, avec les parts globales de féminisation de chacun de ces deux versants de la fonction publique, respectivement de 60 % et 77 %.

Il y a une dizaine d’années, votre rapporteur pour avis insistait sur la nécessité d’une représentation équilibrée entre les sexes au sein des jurys de concours et d’examens professionnels ainsi que dans les instances paritaires de la fonction publique : ces thèmes figurent dans l’agenda social du Gouvernement pour 2012… Mais il est vrai que la préconisation d’alors relative à la présentation de plans pluriannuels d’amélioration de l’accès des femmes aux postes d’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État a – enfin – trouvé une traduction législative avec le dispositif précité de la loi du 12 mars 2012 : celui-ci portera-t-il ses fruits ?

Votre rapporteur pour avis a en effet entendu, cette année comme il y a dix ans, les mêmes arguments supposés expliquer ces écarts persistants : la question de la composition du « vivier » dans lequel sont choisies les personnes concernées, celle des contraintes de la vie familiale, les difficultés de la mobilité professionnelle, etc. Mais cette forme d’immobilisme ne renvoie-t-elle pas aussi à un système dont les plus critiques pourraient émettre l’hypothèse selon laquelle il serait délibérément organisé pour écarter les femmes des processus de prise de décision ?

Le Gouvernement actuel, composé de 38 ministres, affiche une parité exemplaire. Cependant, il faut observer qu’on dénombre seulement six directrices de cabinet (dont deux dirigent le cabinet d’une ministre femme).

En outre, si le président de la République a pour directeur de cabinet une femme, le secrétaire général de l’Élysée est un homme, comme ont d’ailleurs toujours été des hommes les secrétaires généraux successifs de la présidence de la République.

Le rapport de Mme Françoise Guégot a montré, pour la fonction publique territoriale, que moins d’un directeur général des services sur dix était une femme, relevant aussi qu’aucune femme n’était directrice générale des services d’une communauté de plus de 80 000 habitants – toutes communautés confondues : communautés de communes, d’agglomérations ou communautés urbaines – ou d’une intercommunalité de plus de 300 000 habitants.

Par ailleurs, au 31 décembre 2010, on dénombre 1,012 million d’agents à temps partiel dans les trois fonctions publiques (soit 20,6 % du total). Sur cet ensemble, on compte 82,5 % de femmes (alors que celles-ci représentent, au total, 63,5 % des agents civils). Dans la fonction publique de l’État, les femmes constituent 86 % des agents civils des ministères à temps partiel, proportion équivalente à celle observée fin 2008 et même légèrement supérieure à celle relevée fin 2005 (84 %) et fin 2000 (81 %).

Or les auditions conduites par votre rapporteur pour avis ont rappelé combien le temps partiel pouvait constituer, dans certains cas, un frein à la carrière – raison pour laquelle le sujet pourrait être l’un des objets de la négociation sur l’égalité entre les femmes et les hommes engagée avec les partenaires sociaux. Une telle évolution ne peut dès lors qu’être considérée comme très préoccupante.

Un second exemple est celui de l’emploi des personnes handicapées, dont la progression reste faible. Selon les informations transmises par les services du Gouvernement à votre rapporteur pour avis, le taux d’emploi légal des travailleurs handicapés des trois versants de la fonction publique s’établissait à 4,22 % au 1er janvier 2010, alors qu’il était de 4 % au 1er janvier 2006, correspondant à une progression de seulement 0,2 point en quatre ans.

Il est vrai que les auditions ont montré les limites d’une approche seulement quantitative, qui ne prend pas en compte l’effet des sous-déclarations que l’on peut présumer dans certains corps et dont ont fait part plusieurs des personnes entendues, non plus que la spécificité de la situation qui prévaut à l’Éducation nationale (24). Quoi qu’il en soit, cette évolution, à l’évidence, ne saurait être considérée comme pleinement satisfaisante.

2. La prise en compte plus nouvelle de certains faits discriminants

● Les harcèlements moral et sexuel

La prohibition du harcèlement moral et du harcèlement sexuel a été prévue dans le statut général de la fonction publique en même temps que dans le code pénal et que dans le code du travail : dès 1992 pour ce qui concerne le harcèlement sexuel, et à partir de 2002 s’agissant du harcèlement moral (25).

Aujourd’hui, l’article 6 quinquies du statut général prévoit des sanctions disciplinaires à l’encontre de tout agent qui a procédé à des agissements ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d’un autre fonctionnaire, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En outre, l’article 6 ter dispose qu’encourt de telles sanctions un agent ayant procédé à un harcèlement sexuel, celui-ci ayant été redéfini par la récente loi du 6 août 2012 (26). Cette dernière loi a par ailleurs augmenté, en les harmonisant, les peines applicables en cas d’agissements de harcèlements sexuel et moral, désormais tous deux passibles de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 d’amende – disposition que votre rapporteur pour avis appelait de ses vœux.

Conformément aux exigences communautaires (27), la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a prévu l’inclusion de ces deux types de harcèlement dans le champ des discriminations. En pratique, cette inclusion a eu pour effet de donner à la Halde (puis aujourd’hui au Défenseur des droits) compétence en matière de harcèlement, ainsi que de prévoir un régime dit d’aménagement de la preuve plus favorable à la victime : en cas de discrimination, celle-ci présente au juge des éléments de nature à établir une présomption de discrimination, à charge pour le défendeur de prouver l’absence de celle-ci (28). Votre rapporteur pour avis tient à souligner l’importance de cette particularité procédurale du droit applicable en matière de lutte contre les discriminations, procédure particulièrement favorable à la victime (29).

En dépit de la consécration de ces règles, le harcèlement moral ou sexuel constitue un phénomène mal identifié, pour ne pas dire méconnu dans la fonction publique. Interrogés par votre rapporteur pour avis sur ces agissements, les services du Gouvernement ont ainsi répondu qu’« aucun recensement général n’[était] fait dans les trois versants de la fonction publique s’agissant des agissements de harcèlement sexuel et de harcèlement moral ».

Pour ce qui concerne tout particulièrement le harcèlement sexuel, l’analyse de l’activité de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État révèle que, pour les années 2010 et 2011, seulement deux dossiers de harcèlement sexuel ont été examinés. Pour l’année 2012, trois affaires sont en instance.

Par ailleurs, selon l’enquête sur la surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (enquête SUMER), dont l’édition 2010 a été étendue pour la première fois aux trois versants de la fonction publique, « 1,1 % des agents publics interrogés ont déclaré qu’au travail, une ou plusieurs personnes leur avaient fait des propositions à caractère sexuel de façon insistante. Les données varient selon le versant de la fonction publique en cause : 1,0 % pour l’ensemble de la fonction publique de l’État ; 0,8 % pour l’ensemble de la fonction publique territoriale ; 1,7 % pour l’ensemble de la fonction publique hospitalière. À titre de comparaison, pour le secteur privé, 1,2 % des salariés interrogés ont fait la même réponse ».

Pour ce qui concerne les agissements de harcèlement moral, ceux-ci, selon les services du Gouvernement, « demeurent mal mesurés, de sorte qu’un état des lieux, même partiel, des pratiques existantes dans la fonction publique n’est pas disponible. Conscient du manque d’information en la matière, le ministère [en charge] de la fonction publique va prochainement lancer des travaux statistiques permettant de chiffrer les faits de harcèlement, à partir d’une remontée des données issues des instances disciplinaires de la fonction publique ».

Votre rapporteur pour avis ne peut que s’étonner de ce qui apparaît comme une véritable lacune : on pourrait presque – en forçant un peu le trait – considérer que tout se passe, dans la fonction publique, comme si le harcèlement n’existait pas ! Ces chiffres ne doivent en effet pas occulter, quelle qu’en puisse être l’intensité exacte, la prégnance du harcèlement, dont la seule prudence interdit d’écarter l’hypothèse selon laquelle il pourrait s’agir d’un phénomène massif, à tout le moins largement sous-estimé – et cela dans les trois versants de la fonction publique. Certaines jurisprudences récentes – ainsi, la condamnation d’une communauté de communes à la suite de faits de harcèlement moral à l’encontre de sa secrétaire générale (30) – constituent en effet un indice de la diffusion de ces pratiques, malheureusement encore trop souvent tues.

La discussion, à l’été 2012, du projet de loi qui allait devenir la loi du 6 août 2012 précitée, a bien montré que le harcèlement sexuel, en dépit de la rareté des données disponibles, tant quantitatives que qualitatives, constitue « une réalité dans la fonction publique (…) », qui pourrait s’expliquer « en particulier par la place accordée aux femmes dans l’administration ; si elles sont majoritaires, l’on remarque qu’en revanche, à l’image du secteur privé, les postes de direction sont occupés principalement par des hommes. Cette situation résulte : de la mauvaise organisation interne des carrières dans la fonction publique, des obstacles culturels, du poids des stéréotypes, des freins "organisationnels" liés au partage inégal des tâches familiales... (…) » (31).

Il est vrai que les faits de harcèlement font l’objet de différentes mesures de prévention – les services du Gouvernement évoquent « la logique préventive existant dans la fonction publique, intrinsèque à la responsabilité exercée par l’autorité hiérarchique ». On peut ainsi citer, outre la mission générale de prévention qui revient aux employeurs et aux médecins : la politique en faveur de la santé et de la sécurité au travail et l’accord conclu le 20 novembre 2009 par sept des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique et trois employeurs publics, qui inclut dans la prévention des risques psycho-sociaux la question du harcèlement ; les compétences des nouveaux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (anciennement comités d’hygiène et de sécurité) ; les obligations déontologiques des agents publics ; la politique de formation à la prévention et à la gestion des situations de harcèlement ; etc.(32). Ces politiques doivent toutefois encore être développées.

● La gestion des âges et l’emploi des seniors

Face au vieillissement des populations – selon l’OCDE, l’âge moyen dans le secteur public en France augmente d’un an tous les deux ans et demi (33) – et à l’allongement des périodes d’activité professionnelle, la direction générale de l’administration et de la fonction publique a engagé, dès 2010, une réflexion au plan interministériel sur l’emploi des seniors.

L’objectif est de favoriser le « plein-emploi » des seniors, à la fois pour des motifs économiques évidents, dans le but de favoriser une bonne gestion des ressources humaines – valoriser un capital d’expériences et de compétences – et afin d’assurer le « bien-être professionnel » des agents. Il s’agit de prévenir des pratiques qui pourraient s’avérer discriminantes à l’encontre des plus âgés, sans pour autant recourir à des mesures que l’on pourrait dire « positivement » discriminantes. Certaines pistes sont régulièrement évoquées : l’organisation d’entretiens à des âges-clés de la carrière (35-45-55 ans) ; le rôle de « managers de proximité » ; l’adaptation des emplois et des postes, en termes de statuts, d’activités et de compétences.

De manière à étendre cette démarche aux deux autres versants de la fonction publique, un rapport établi par M. Pascal Brindeau en février 2012 (34) a identifié, notamment, les axes prioritaires suivants : le recueil de données statistiques pertinentes ; l’amélioration de l’accès à la formation ; la prévention des risques d’inaptitude ; l’organisation de la transmission des savoirs.

Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, ces questions feront l’objet d’une négociation avec les partenaires sociaux en 2013.

● Les résistances à l’égalité entre les femmes et les hommes, liées aux plafonds de verre… mais aussi aux parois de verre

Au-delà de la question de l’accès des femmes aux postes à responsabilité de la fonction publique, se pose celle de l’existence de discriminations par filières professionnelles, qui conduisent à cantonner les femmes à certains métiers, souvent moins valorisés et moins rémunérés.

Ce sujet est certes bien identifié. Il renvoie à « la représentation encore traditionnelle du rôle de la femme dans le monde du travail » (35) : la forte féminisation de la fonction publique hospitalière s’explique par une présence importante des femmes à des postes administratifs et de soignants, alors que celle-ci est minoritaire dans les filières techniques ; dans la fonction publique de l’État, les emplois techniques sont de même marqués par une prédominance masculine, cependant que les ministères en charge de l’enseignement, des affaires sociales ou bien de l’économie et des finances ont un taux de féminisation plus élevé ; dans la fonction publique territoriale, près d’une femme sur deux appartient aux filières administrative ou sociale, tandis que ce n’est le cas que d’un agent masculin sur dix.

Mais ni la loi du 12 mars 2012, ni les initiatives récentes en faveur de l’égalité professionnelle, n’ont véritablement traité ces questions.

II. DIX PROPOSITIONS POUR RENFORCER LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Entre effets vertueux et résultats imparfaits, les politiques conduites en matière de lutte contre les discriminations depuis plusieurs années demandent à être soutenues et enrichies. Aussi votre rapporteur pour avis souhaite-t-il contribuer à de nouvelles avancées en formulant des propositions simples et ciblées – dont dix que l’on peut dire prioritaires –, articulées autour des trois axes suivants : informer et former les agents publics ; inciter les employeurs publics à une gestion exemplaire ; réorganiser les administrations pour une fonction publique équitable.

A. INFORMER ET FORMER LES AGENTS PUBLICS

1. L’identification des discriminations

Repérer les discriminations constitue un premier moyen de lutter contre elles. En dépit de progrès réels dans l’identification des inégalités – en particulier grâce à l’institution de la Halde, puis du Défenseur des droits –, certaines restent difficiles à appréhender, pour des raisons multiples.

Les auditions conduites par votre rapporteur pour avis ont montré qu’il était difficile, par exemple, de disposer de données sur les éléments suivants :

–– le harcèlement dans la fonction publique : on a vu plus haut le vide presque vertigineux auquel renvoie la question des données disponibles sur le sujet ;

–– la situation des agents non titulaires, la précarité pouvant être constitutive d’une situation de discrimination. Comme l’ont indiqué les services du Gouvernement à votre rapporteur pour avis, « l’impératif d’exemplarité implique une amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels des trois versants de la fonction publique, dans le cadre d’un chantier dont le périmètre sera débattu en concertation avec les partenaires sociaux à la fin de l’année 2012 ». D’ores et déjà, on peut indiquer que la connaissance des non-titulaires des trois versants de la fonction publique est imparfaite, qu’il s’agisse par exemple du taux de féminisation, des niveaux de salaires, de la part des agents non titulaires à temps partiel ou encore du nombre de personnes handicapées ;

–– les niveaux de rémunération, tout particulièrement dans la fonction publique territoriale, qui restent encore largement, si l’on peut dire, dans le flou, ce qui rend difficiles les comparaisons entre les différents versants de la fonction publique. On pressent plus qu’on ne connaît de manière précise, par exemple, les niveaux de rémunération respectifs des femmes et des hommes – le rapport précité de Mme Françoise Guégot ayant toutefois bien montré, pour ce qui concerne la fonction publique de l’État, que l’écart salarial constaté entre hommes et femmes était de 15,6 % en 2006.

Ce n’est pas un hasard si la direction générale de l’administration et de la fonction publique et le Défenseur des droits viennent de lancer un appel à projet de recherche commun, qui porte sur la mesure et l’analyse des écarts de rémunération entre hommes et femmes au sein de la fonction publique. Ils y font le constat selon lequel, « si la connaissance des inégalités a été améliorée par la production de statistiques sexuées, l’observation fine des différences de traitement en matière de rémunérations (salaires et primes) peine à être établie. Le sujet a fait l’objet de nombreuses études sur le champ des salariés du privé (Muller 2012, Meurs, Ponthieux, 2006) mais une analyse poussée en la matière sur le champ des trois versants de la fonction publique et dans une optique de comparaison public-privé fait encore largement défaut » ;

–– le sort des agents en situation de handicap, trop souvent méconnu, comme l’ont montré les auditions conduites par votre rapporteur pour avis, notamment en raison du phénomène – suspecté – de sous-déclaration du handicap, qu’il est par définition difficile d’apprécier.

En outre, certains types de handicaps sont encore fréquemment tus, tels le handicap psychique et les atteintes à la santé mentale. D’une certaine manière, on peut aller jusqu’à dire que tout se passe comme si la fonction publique connaissait et traitait, pour l’essentiel, le seul handicap physique.

Pour l’ensemble de ces raisons, il est impératif d’enrichir les outils d’identification des discriminations, en procédant à des enquêtes systématiques distinguant entre les différents critères, conduites dans les trois versants de la fonction publique.

Mme Danielle Bousquet préside aujourd’hui une mission de préfiguration d’un nouvel Observatoire de la parité : votre rapporteur pour avis considère qu’il est essentiel que cet observatoire comporte, d’une manière ou d’une autre, une structure interne qui soit spécialisée en matière de fonction publique, de façon à ne pas laisser un pan entier des agissements de discrimination méconnu.

Proposition n° 1 : instituer un observatoire des discriminations dans la fonction publique.

2. Le suivi des politiques mises en œuvre en matière de lutte contre les discriminations

Si les situations de discrimination sont encore insuffisamment identifiées, il en va de même des résultats des politiques mises en œuvre afin de lutter contre celles-ci, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes.

L’exemple des politiques menées pour lutter contre les discriminations à l’encontre des personnes handicapées l’illustre bien. Les auditions ont montré que si la loi du 11 février 2005 avait bien prévu l’accessibilité des lieux publics aux personnes handicapées, les données nationales ne permettent pas de rendre compte de la mise en œuvre de cette obligation : par exemple, alors que les préfectures et les universités devraient être accessibles depuis le 1er janvier 2011, on peut lire dans le récent rapport de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle (octobre 2012) que « l’Observatoire souhaite être informé de l’état d’avancement de la mise en accessibilité des préfectures et des universités » ; de même, les dispositifs dérogatoires de recrutement direct par dispense de concours au profit des personnes handicapées sont insuffisamment évalués aujourd’hui ; le même constat prévaut pour ce qui concerne – la question dépassant le seul sujet du handicap – l’institution des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en lieu et place des comités d’hygiène et de sécurité, à la suite de l’adoption de la loi précitée du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social.

De manière plus générale, le suivi de la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique peut encore être amélioré, celle-ci constituant le cadre principal de la mise en œuvre des politiques conduites en matière de lutte contre les discriminations aujourd’hui. Le rapport de suivi de la charte consiste essentiellement en un regroupement de documents divers donnant des éléments d’information sur différents volets des politiques menées ; mais il ne permet pas véritablement de faire un point systématique sur chacune des actions engagées.

Dans une même perspective, il convient d’être attentif aux modalités de la reconduction (en cours) de la charte et de veiller à ce qu’elles prennent en compte les apports des politiques les plus récentes conduites en matière d’égalité (36).

En outre, si la lutte contre les discriminations ne saurait devoir son efficacité à son coût, on ne peut se satisfaire de ce que les services du Gouvernement, interrogés par votre rapporteur pour avis sur la question, ne soient pas en mesure d’établir une évaluation budgétaire de cette politique : selon eux, « il est difficile d’évaluer de façon précise les moyens budgétaires alloués aux politiques de lutte contre les discriminations dans la mesure où la mise en œuvre de ces politiques nécessite de mobiliser plusieurs leviers de ressources humaines : recrutement, formation, management, rémunération et gestion des carrières ». Une évaluation, même imparfaite, de ces moyens et de leur évolution permettrait pourtant de favoriser l’identification de cette politique et de la valoriser, pourquoi pas avec l’institution d’un objectif budgétaire et d’un indicateur de performance qui lui seraient dédiés.

Aussi est-il essentiel d’enrichir les outils de suivi des politiques mises en œuvre pour lutter contre les discriminations par la création d’indicateurs plus systématiques et plus précis, y compris budgétaires.

Mais il faut aller plus loin : votre rapporteur pour avis considère que seule l’institution de comités de rémunération est à même, en amont, de prévenir les fortes inégalités salariales en guidant les politiques publiques conduites en matière de rémunération. En pratique, ces comités, composés à la fois de fonctionnaires des corps concernés et de personnalités qualifiées extérieures, seraient institués auprès de chaque employeur public. Spécialisés par secteur d’activité ou par filière, ils examineraient annuellement la situation de chaque agent. Ils adresseraient, dans l’hypothèse où un traitement discriminatoire était détecté, des propositions à l’autorité hiérarchique de référence, qui aurait compétence liée pour prendre toute mesure de nature à rétablir l’égalité, de manière à éviter un effet d’accumulation des discriminations, en quelque sorte de rebattre les cartes au fil du temps.

Votre rapporteur pour avis souligne la portée budgétaire d’un tel dispositif : le jour où des actions judiciaires émanant d’agents nombreux – voire, si une telle procédure était instituée, l’engagement d’actions « de groupe » – seront mises en œuvre, de façon concomitante, à l’encontre des employeurs publics, ce sont des milliers, voire des centaines de milliers de personnes qui pourraient ainsi se voir dédommagées du préjudice qui leur aurait été causé.

Proposition n° 2 : instituer auprès de chaque employeur public un comité des rémunérations compétent pour engager, le cas échéant, une procédure tendant à résorber les écarts salariaux injustifiés.

3. La formation des agents publics

L’importance de la formation à la gestion des situations de discrimination, au profit des agents mais aussi des employeurs publics, peut sembler une évidence. Pourtant, les auditions conduites par votre rapporteur pour avis ont, sur ce sujet également, montré combien les marges de progression sont importantes car les initiatives existantes restent encore trop ponctuelles.

On a vu les instruments nombreux mobilisés par le Centre national de la fonction publique territoriale. Pour ce qui concerne la fonction publique de l’État, l’École nationale d’administration (ENA) attache une importance particulière à la sensibilisation des élèves et auditeurs de ses formations à la question. Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, s’agissant de la formation initiale, des conférences de méthode en gestion des ressources humaines sont consacrées à la prévention et la gestion des discriminations. Le sujet est aussi traité par des conférences sur la déontologie des fonctionnaires ou des tables rondes proposées lors de journées thématiques sur les libertés publiques ainsi que des conférences de méthode en économie et questions sociales portant notamment sur l’accès à l’emploi et la politique du handicap.

Pour ce qui concerne la formation permanente, les élèves du cycle supérieur de perfectionnement des administrateurs (CSPA) et du cycle international court (CIC) sont sensibilisés au sujet de la lutte contre les discriminations dans le cadre d’un enseignement social, complété d’un stage de terrain d’une durée de dix jours dans un service ou une association qui a la charge d’une population en difficulté. Par ailleurs, l’ENA propose, dans son offre de formation continue, des sessions sur les politiques anti-discriminations ou en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la haute fonction publique.

La circulaire du 23 août 2012 sur les modalités de mise en œuvre de la politique interministérielle pour l’égalité entre les hommes et les femmes évoque même la formation des ministres (37).

Ce souci d’exemplarité devrait inspirer l’ensemble de la fonction publique, de sorte que la lutte contre les discriminations puisse constituer un élément de la formation de tout agent public. Les auditions ont été l’occasion de souligner l’existence de situations où la discrimination apparaît par simple méconnaissance de la réaction à adopter : il en va ainsi, par exemple, dans les collectivités territoriales de petite taille, où la question d’un aménagement de poste peut se poser ; sans un guide d’information sur la manière d’opérer un tel aménagement, celui-ci ne sera pas réalisé.

Il faut souhaiter que la nomination des hauts fonctionnaires en charge de l’égalité des droits permettra d’accorder toute sa place à la formation dans les ministères concernés.

Mais plus encore, il est important de prévoir que chaque formation administrative, quelle que soit sa nature (formation initiale ou continue, dans les trois versants de la fonction publique), comportera une part de sensibilisation à la question de la lutte contre les discriminations, part qui doit être significative et pourrait être fixée à 10 % de l’ensemble de la formation considérée (38).

Proposition n° 3 : consacrer une part de 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires à l’apprentissage de la gestion des situations de discrimination dans les trois versants de la fonction publique.

B. INCITER LES EMPLOYEURS PUBLICS À UNE GESTION EXEMPLAIRE

1. Une question de principe toujours délicate : le passage de l’égalité « formelle » à l’égalité « réelle »

« Vous êtes tous égaux devant la loi. Canaille, que te faut-il de plus ? ». « L’égalité des conditions », répondirent en chœur les babouvistes. L’égalité des droits à peine acquise, Gracchus Babeuf et ses disciples pressentaient déjà qu’elle se révèlerait insuffisante pour assurer l’égalité de fait (39). Mais si le principe d’égalité posé à l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne formalisait pas cet objectif d’égalité réelle, celle-ci a été progressivement théorisée et au XXe siècle a émergé le concept de « discrimination positive » (40).

L’inspiration au fondement de ce concept est la suivante : assurer « une différenciation juridique de traitement créée à titre temporaire, dont l’autorité normative affirme expressément qu’elle a pour but de favoriser une catégorie déterminée de personnes physiques ou morales au détriment d’une autre afin de compenser une inégalité de fait préexistante entre elles » (41). Elle correspond à la difficulté, inhérente au principe d’égalité, d’une confrontation permanente à deux types de diversités, ainsi que l’a rappelé l’économiste Amartya Sen : « l’hétérogénéité des êtres humains et la multiplicité des variables en termes desquelles l’égalité peut être appréciée » (42).

Aussi compréhensible que puisse apparaître cette idée, les auditions conduites par votre rapporteur pour avis ont montré que la formulation de « discrimination positive » n’était pas toujours la plus heureuse et présentait un double inconvénient, déjà relevé par certains observateurs : « objectiver les préjugés en cherchant à en corriger les conséquences ; affirmer la priorité de l’identité communautaire sur toutes les autres » (43).

Interrogés sur les politiques de discrimination positive, les services du Gouvernement ont d’ailleurs répondu qu’« il n’y a pas à proprement parler de politiques de discrimination positive mises en œuvre dans les fonctions publiques », mais qu’« un certain nombre de dispositifs (…) visant à renforcer l’égalité des droits et des chances ont été mis en place », soulignant qu’« au-delà du principe d’égalité des droits, l’objectif fondamental de ces politiques est de faciliter l’accès à la fonction publique de façon à ce qu’elle rassemble et ressemble aux citoyens qu’elle sert ». Relèvent de ces politiques les dispositifs suivants, présentés plus haut : celui de l’« État exemplaire » et de la « responsabilité sociale de l’employeur », la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique, la mesure en faveur des nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur des collectivités publiques ou encore la politique au profit de l’emploi des personnes handicapées.

En pratique, votre rapporteur pour avis considère que les références à l’« action positive » ou – formule souvent retenue – à l’« égalité des chances » permettent d’éviter que ces politiques finissent par « transformer un enjeu social en problème de relations intercommunautaires » (44). À titre d’exemple, en 2011, les déclarations quelque peu alambiquées de M. Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, sur la question, montraient bien l’embarras que peut susciter cette notion (45).

Votre rapporteur pour avis va jusqu’à estimer que la terminologie de « discrimination positive » est scandaleuse, dans la mesure où, justifiant une forme de racisme, elle confine elle-même au racisme. Il estime donc qu’il conviendrait de proscrire l’utilisation de cette formule dans les textes législatifs et réglementaires en vigueur – il est vrai que celle-ci est très rarement utilisée dans les faits, ce dont on ne peut que se féliciter (46).

En outre, de même qu’il y a quelques années, dans une perspective certes un peu différente, un comité présidé par Mme Simone Veil avait été réuni pour étudier les modalités selon lesquelles le préambule de la Constitution pouvait être complété pour « assurer le respect de la diversité » (47), il pourrait être intéressant de faire le point aujourd’hui sur les actions positives au profit de la lutte contre les discriminations dans la fonction publique, en constituant une mission à cet effet. Cette mission conduirait une réflexion sur la notion d’action positive et ferait des propositions pour enrichir, le cas échéant, la démarche.

2. Le choix déterminant des modalités de mise en œuvre

Une fois la question de principe tranchée, reste celle du choix des modalités de mise en œuvre, dont deux exemples permettent de rendre compte de la difficulté.

● Le dispositif de nomination d’un pourcentage minimal de personnes de chaque sexe dans l’encadrement supérieur des collectivités publiques

À peine adopté, le cadre juridique destiné à favoriser la parité dans l’encadrement supérieur des trois versants de la fonction publique suscite des réactions contrastées, moins dans son principe que pour ce qui concerne ses modalités de mise en œuvre (48). Les auditions conduites par votre rapporteur pour avis ont fait apparaître les difficultés suivantes. Les premières sont liées au cadre juridique lui-même et leur résolution requerrait des modifications d’ordre réglementaire, voire législatif :

– est prévue une application uniforme des nouvelles dispositions à l’ensemble des flux de nominations dans les différentes collectivités publiques, indépendamment du « stock », à savoir sans prendre en considération la situation des collectivités (en particulier, des collectivités territoriales) qui ont favorisé la parité entre les femmes et les hommes par les recrutements déjà réalisés ;

– le dispositif retenu n’est pas applicable aux nominations dans certains emplois supérieurs tels les emplois de procureur général près la Cour de cassation, la Cour des comptes ou les cours d’appel ainsi que les emplois de direction des grands établissements publics et des entreprises publiques ;

– les sanctions financières prévues en cas de non-respect de la nouvelle obligation, fixées par unité manquante, sont croissantes jusqu’en 2018 (49) : on peut se demander s’il n’aurait pas été préférable de les faire décroître au fil du temps, dans la mesure où l’effort demandé – le taux minimal de nominations de chaque sexe – est moindre au début du processus et que, dès lors, on peut considérer que le manquement à l’obligation est plus grave – d’autant qu’il est important de favoriser les « bonnes pratiques » au plus tôt.

Mais d’autres difficultés sont liées à l’application des règles. L’attention de votre rapporteur pour avis a été attirée, au cours des auditions, sur le fait que les nominations réalisées ou prévues par certaines collectivités pour l’année 2012, dans la perspective de l’entrée en vigueur du nouveau dispositif au 1er janvier 2013, seraient délibérément restrictives s’agissant des nominations de femmes, de manière à faire valoir ces nominations au titre du nouveau dispositif l’année prochaine. On ne pourrait que s’indigner, s’il était avéré, face à un tel procédé. Il serait opportun que le Gouvernement puisse, à la faveur de la réunion de la commission élargie, donner des indications sur ce point.

La nomination récente des hauts fonctionnaires en charge de l’égalité des droits devrait favoriser le suivi de cette mesure et permettre de recenser, voire d’éviter, les difficultés. La circulaire précitée du 23 août 2012 prévoit en effet que ceux-ci assureront, avec le secrétariat général et les services chargés des ressources humaines de chaque ministère, le suivi des nominations de femmes aux emplois supérieurs.

Certaines personnalités entendues se sont par ailleurs interrogées sur l’efficacité de la sanction financière retenue, en particulier pour ce qui concerne les administrations de l’État : l’amputation de certains crédits à un moment donné ne sera-t-elle pas, si le besoin s’en faisait sentir, compensée par l’adoption d’une loi de finances rectificative ultérieure ?

On ne peut – compte tenu du constat rappelé plus haut – sous-estimer le poids des (mauvaises) habitudes en cette matière. L’exemple des nominations aux emplois dits à la décision du Gouvernement, emplois toujours massivement réservés aux hommes, est révélateur, alors même que ces nominations ne sont le plus souvent subordonnées à aucune condition, que la liberté de choix gouvernementale est presque entière (50). Quelle est la réelle volonté politique de parité depuis quelques années ? Comme l’a fait remarquer l’une des personnalités entendues par votre rapporteur pour avis, « si vous voulez nommer des femmes, nommez des femmes ! ».

Dans ce même ordre d’idées, on ne peut que s’amuser des difficultés évoquées par les autorités de nomination s’agissant des contraintes liées au « vivier » au sein duquel sont choisis les intéressés ou à la vie personnelle des femmes pour l’attribution de postes prestigieux d’ambassadeurs, quand on trouve sans trop d’embarras quelques rares noms féminins pour pourvoir des emplois souvent bien moins recherchés. Il n’y a guère aujourd’hui que les postes d’ambassadeurs de France en Chine et au Mexique comme exemples d’emplois attractifs occupés par des femmes.

Votre rapporteur pour avis estime qu’il y a là une vraie difficulté car, avec les sanctions, on aborde la question de l’effectivité réelle du nouveau dispositif. Face à cette difficulté, deux solutions sont envisageables.

D’une part, tant il est vrai que la publicité des pratiques permettra seule des améliorations, il est essentiel de donner une grande visibilité aux résultats de la mise en œuvre de la loi de 2012. Sans doute le décret d’application de la loi, en date du 30 avril 2012, prévoit-il que le ministre chargé de la fonction publique rendra compte, chaque année, au Premier ministre, pour chacun des emplois, du nombre et de la répartition par sexe des nominations effectuées ; la circulaire du 23 août 2012 sur la politique interministérielle précitée évoque quant à elle une publication de ces éléments sur le site du Gouvernement. Il est vrai aussi que l’article 50 de la loi du 12 mars 2012 dispose que le Gouvernement présente annuellement, devant le Conseil commun de la fonction publique, un rapport sur les mesures mises en œuvre pour assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Mais il faut aller plus loin et assurer la publicité devant la représentation nationale de ces résultats.

Proposition n° 4 : transmettre chaque année à l’Assemblée nationale et au Sénat le bilan détaillé de la mise en œuvre du dispositif de nomination d’un pourcentage minimal de personnes de chaque sexe dans l’encadrement supérieur des collectivités publiques.

D’autre part, si l’on peut douter, au moins dans certains cas, du caractère dissuasif d’une sanction financière prononcée à l’encontre d’une administration publique, il pourrait en aller autrement de la sanction de la nullité des nominations qui méconnaîtraient la loi, comme l’illustre, par exemple, l’écho de la récente annulation, par le Conseil d’État, de deux nominations d’ambassadeurs (51).

En l’espèce, la nullité n’est pas expressément prévue, ni par la loi, ni par le décret. Il semble exister une part d’incertitude quant à la possibilité pour le juge administratif de prononcer, s’il était saisi de la question, la nullité, en l’absence de cette précision. Votre rapporteur pour avis ne souhaite pas trancher ici une question qui fera l’objet, à n’en pas douter, d’expertises juridiques approfondies et sur lesquelles le juge pourra être amené à se prononcer ; il lui semble cependant difficile d’écarter d’emblée de manière certaine une telle hypothèse – ne serait-ce qu’au regard de l’existence des principes d’égal accès aux emplois publics et d’égalité de traitement entre les agents publics (corollaires du principe de non-discrimination), dont on a vu qu’ils constituent des principes généraux du droit. Quoi qu’il en soit, si d’aventure la modification de la loi s’avérait nécessaire, il se prononce résolument en sa faveur.

Proposition n° 5 : annuler toutes les nominations qui seront intervenues en méconnaissance de l’exigence de parité dans l’encadrement supérieur de la fonction publique telle qu’elle figure dans la loi du 12 mars 2012.

● L’emploi des personnes handicapées

En application de la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987, toute collectivité publique occupant au moins vingt agents a l’obligation d’employer des personnes en situation de handicap dans une proportion minimale de 6 %. Cette mesure, qu’on ne peut que saluer, soulève cependant plusieurs questions, qui ont trait à la nécessité de concilier l’exigence que l’on peut dire quantitative, voire comptable, à laquelle elle répond, avec des objectifs plus qualitatifs – « personne n’a jamais pu m’expliquer d’où venait ce taux », a fait observer l’une des personnes entendues au cours des auditions conduites par votre rapporteur pour avis.

Les auditions ont ainsi mis en évidence, notamment, les éléments suivants : il serait important de développer des études qualitatives faisant le bilan de l’action des services de santé sur les lieux de travail (par exemple, à l’Éducation nationale) ; il est indispensable d’encourager le recours à l’apprentissage pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées ; l’attention doit être portée non seulement sur l’embauche, mais aussi sur le maintien en emploi des personnes concernées par l’apparition d’un handicap en cours de carrière ; il importe de veiller aux modalités d’application de la possibilité nouvelle de saisine directe du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique par les personnes handicapées – sans médiation de l’employeur –, telle qu’elle a été prévue par l’article 13 de la loi n° 2011-901 du 28 juillet 2011 tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, qui n’est toujours pas mise en œuvre en pratique aujourd’hui – en particulier du fait de l’absence de publication du décret d’application requis.

Proposition n° 6 : garantir aux personnes en situation de handicap un droit effectif de saisine directe du Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique.

C. RÉORGANISER LES ADMINISTRATIONS POUR UNE FONCTION PUBLIQUE ÉQUITABLE

Compte tenu des différences de situations entre les agents publics, l’un des moyens de lutter contre les discriminations est aussi d’améliorer, à tous les stades de la carrière, les conditions d’exercice de leur activité par les fonctionnaires : d’une certaine manière, de prendre acte des différences (52) mais de parfaire chaque situation envisagée de façon distincte. On pourrait évoquer, à cet égard, loin des « discriminations positives » précitées, plutôt des « inégalités positives ».

1. L’accès à la fonction publique

Deux exemples illustrent le fait que les modalités de l’accès à la fonction publique peuvent être améliorées.

–– La situation des agents contractuels, qui sont recrutés par dérogation à la modalité de droit commun du recrutement que constitue le concours. Les motifs du recours aux agents contractuels sont bien identifiés : l’impossibilité pratique de recruter des agents titulaires ; les spécificités inhérentes à certains emplois ; les situations de remplacement momentané de fonctionnaires ; le pourvoi d’emplois à temps non complet ; le recrutement d’agents en situation de handicap. Justifié dans de nombreux cas, le recours à des agents contractuels peut aussi donner lieu à des abus et les parcours professionnels de ces agents se caractériser par une certaine volatilité, voire instabilité (53).

Dans diverses situations, ce mode d’accès à la fonction publique peut donc constituer une discrimination. Comme l’ont indiqué les services du Gouvernement à votre rapporteur pour avis, « l’impératif d’exemplarité implique une amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels des trois fonctions publiques dans le cadre d’un chantier dont le périmètre sera débattu en concertation avec les partenaires sociaux à la fin de l’année 2012 ».

–– Les modalités d’accès à la haute fonction publique, et notamment la formation suivie à l’École nationale d’administration (ENA), qui constituent un second exemple – même s’il faut relativiser l’importance quantitative des anciens élèves de l’ENA parmi les cadres dirigeants (54). Les auditions conduites par votre rapporteur pour avis ont montré que, par-delà la politique active déjà citée en faveur de la diversité avec les « classes préparatoires intégrées », plusieurs autres mesures pourraient être prises pour favoriser l’égal accès à la haute fonction publique :

– il pourrait être opportun de donner à l’ENA la possibilité de délivrer des bourses, ce qu’elle ne peut aujourd’hui en tant qu’établissement public administratif hors du champ du code de l’éducation ;

– il conviendrait également de poursuivre et développer la politique, déjà engagée, destinée à favoriser la scolarité des élèves issus des concours interne et troisième concours, en particulier des femmes, dont la situation de famille peut constituer un obstacle au déroulement optimal de leur cursus, voire, avant même celui-ci, apparaître comme un élément de nature à décourager certaines candidatures ;

– l’Institut national des études territoriales (INET) prend en charge la formation des cadres de direction des plus grandes collectivités territoriales à l’issue du concours d’administrateur territorial : cette formation, d’une durée de dix-huit mois, fait alterner cours théoriques et stages pratiques. L’INET est situé, comme l’ENA, à Strasbourg et les élèves des deux écoles suivent déjà un module de formation commun d’une durée de huit mois. Votre rapporteur pour avis, conscient de certaines réticences légitimes, liées à la coexistence de deux types de marchés du travail qui présentent des caractéristiques propres, souhaite toutefois qu’à l’heure de l’engagement d’une nouvelle étape de la décentralisation et de l’accroissement des mobilités entre fonctions publiques, le rapprochement entre les deux écoles soit approfondi.

Proposition n° 7 : approfondir le rapprochement déjà engagé entre l’École nationale d’administration et l’Institut national des études territoriales.

2. Le déroulement de la carrière

Trois exemples se sont détachés des différentes contributions recueillies par votre rapporteur pour avis à l’occasion des auditions qu’il a conduites.

● La prise en compte de la situation de famille

Si les articles 6 et 6 bis du statut général mentionnent parmi les critères de discrimination le sexe, l’âge, l’opinion ou l’état de santé, ces éléments ne permettent pas toujours de viser l’ensemble des situations de discrimination. Les auditions ont montré que certains reproches pouvaient être adressés aux agents du fait de leur prétendu manque de disponibilité et que les évaluations d’un fonctionnaire pouvaient, indûment, se fonder sur sa situation de famille.

Aussi votre rapporteur pour avis estime-t-il opportun qu’une concertation sociale soit engagée sur la question de l’insertion dans le statut général d’un nouveau critère de discrimination, la « situation de famille ». Il rappelle à cette occasion que 92 % des agents de la fonction publique estiment que les mesures visant à lutter contre les discriminations au travail doivent être discutées dans le cadre du dialogue social (55) et que, du reste, l’ensemble des propositions faites dans le présent avis devront être mises en œuvre selon ce principe.

Il observe qu’en droit privé, en cas de mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, celui-ci doit inclure un plan de reclassement, destiné à faciliter la réembauche des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (56) – une telle disposition constitue l’autre face d’une préoccupation pourtant bien voisine, protéger la vie familiale.

Proposition n° 8 : engager une concertation sociale sur l’inclusion dans le statut général de la fonction publique d’un nouveau critère de discrimination, la « situation de famille ».

● La question spécifique des hauts fonctionnaires

Une réforme de la haute fonction publique est requise pour un triple motif (57) : diversifier et vitaliser les emplois, en particulier en attirant les cadres du secteur privé et en évitant la fuite de hauts fonctionnaires vers ce secteur ; optimiser l’action publique, en accordant une place plus importante aux notions d’objectifs et de résultats ; améliorer les conditions d’emploi des agents publics, en privilégiant la logique d’emploi et de métier.

La haute fonction publique en France

La haute fonction publique peut être définie comme constituée de quatre ensembles :

– En application de l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, les emplois supérieurs à la décision du Gouvernement (dans les statuts de 1946 et 1959, emplois dits à la discrétion du Gouvernement) : directeurs d’administration centrale, ambassadeurs, préfets, recteurs, etc., soit quelque 650 à 700 emplois, ouverts à tous – et non seulement aux fonctionnaires –, révocables à tout moment sans condition.

– Conformément à l’article 12 de la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires, les emplois fonctionnels des administrations centrales de l’État ou de l’administration territoriale, soit plus de 1 200 personnes : quelque 480 chefs de service ou sous-directeurs des administrations centrales de l’État ; environ 760 cadres supérieurs dans les services territoriaux. Ces emplois sont ouverts à certaines catégories de fonctionnaires, définies par les différents décrets statutaires. La cessation de l’emploi est possible à tout moment dans l’intérêt du service (et sous réserve d’autres conditions mentionnées, le cas échéant, dans les décrets statutaires).

– Les « corps viviers » (notamment les corps des administrateurs civils, des conseillers des affaires étrangères ou les corps techniques) et les « corps débouchés » (par exemple, les inspections générales ou le corps des administrateurs des finances publiques) de l’encadrement supérieur, qui sont soumis aux règles de droit commun de la fonction publique – pour reprendre cette distinction administrative utilisée par le ministère en charge de la fonction publique (58).

– Les « corps juridictionnels » : le Conseil d’État, la Cour des comptes et leurs juridictions subordonnées. Ces corps, soumis au respect de règles spécifiques, sont traditionnellement constitutifs d’un vivier pour certains emplois supérieurs (les secrétaires généraux des ministères, par exemple).

Ces différents ensembles, qui apparaissent il est vrai assez bigarrés, correspondent à des logiques distinctes (une logique d’emploi pour les emplois supérieur, une logique de carrière pour les « corps viviers », « corps débouchés » et emplois juridictionnels, les emplois fonctionnels pouvant être considérés comme soumis à une logique mixte).

Plusieurs observateurs considèrent que le système français d’encadrement supérieur, s’il a permis, avec succès, la constitution d’un vivier de hauts fonctionnaires de grande qualité, et a inspiré d’autres pays – notamment la Grande-Bretagne, avec le Fast stream (59) – souffre cependant de certaines lacunes : le « vivier » des hauts fonctionnaires est insuffisamment identifié, ce qui rend difficile le repérage en amont de cadres à haut potentiel et l’organisation de parcours professionnels à leur bénéfice ; il existerait un certain manque de rigueur dans les nominations, lié à une méthodologie parfois lacunaire (fiches de postes insuffisantes, absence de vérification des aptitudes).

Certes, une circulaire du Premier ministre en date du 10 février 2010, relative aux cadres dirigeants de l’État, a défini un nouvel objectif, à savoir une meilleure connaissance du vivier et l’établissement d’un dispositif de repérage des cadres à haut potentiel. À cet effet, plusieurs instruments ont été mis en place ou sont en train de l’être : outre la constitution des viviers ministériels de cadres à haut potentiel, on peut citer l’établissement d’un profil commun de compétences managériales (adopté fin 2011), l’institution d’une grille commune d’évaluation (déjà opérationnelle), l’organisation de revues de carrières annuelles (dont la liste des premiers bénéficiaires a été arrêtée début 2012) ou encore la mise en place d’une application informatique spécifique.

Mais un second objectif énoncé par la circulaire est relatif à l’amélioration des conditions de nomination aux emplois de cadre dirigeant et, en particulier, à l’ouverture du recrutement aux postes les plus élevés. Pour ce qui concerne ce second objectif, selon l’ancien directeur général de l’administration et de la fonction publique, M. Marcel Pochard, la situation peut être regardée comme « globalement figée ». Or l’ouverture de l’accès aux fonctions d’encadrement les plus élevées à des candidats non issus des viviers traditionnels, par compétition ouverte et objective, si elle « ne constitue pas une panacée », « correspond à une attente de diversification des profils, et serait de nature à atténuer le grief quelquefois fait à l’ENA d’exercer une mainmise sur l’État, grief bien excessif, mais qu’une politique plus fine de nomination dans les très hauts postes atténuerait utilement » (60).

Pour votre rapporteur pour avis, il est important aujourd’hui de mettre en œuvre une réforme permettant de détacher la haute fonction publique du statut de la fonction publique. L’objectif poursuivi est vraiment, dans un souci d’équité, de penser un régime différent pour une situation différente.

Les hauts fonctionnaires concernés relèveraient des deux premières catégories mentionnées ci-dessus, à savoir d’une part les emplois à la décision du Gouvernement, d’autre part, les emplois fonctionnels. Ces fonctionnaires seraient désormais systématiquement recrutés par un contrat, que l’on peut dire sui generis, dont les principales caractéristiques seraient les suivantes :

– les objectifs de la mission y seraient clairement définis, ainsi que ses conditions d’exercice. C’est une nécessité si l’on veut que la fonction publique soit véritablement attractive pour des cadres dirigeants d’entreprises : ne peuvent être poursuivis des objectifs incertains, sans une liberté de gestion qui est elle aussi indispensable et doit être mentionnée ;

– la durée prévisionnelle de la mission serait fixée, de manière à donner une visibilité dans le temps pour l’action des cadres concernés et, éventuellement, à définir un régime d’indemnités attribuées au moment de la cessation du contrat (61). Les intéressés y gagneraient par rapport à la situation existante, qu’il s’agisse des personnes occupant un emploi à la décision du Gouvernement (aujourd’hui révocables à l’entière discrétion du Gouvernement, ad nutum, selon l’expression consacrée) ou de celles occupant un emploi fonctionnel (pour lesquelles l’intérêt du service peut justifier une cessation des fonctions immédiate, dans les conditions fixées par voie réglementaire) ;

– la rémunération : l’objectif est, là aussi, d’assurer une attractivité des emplois tout en gardant une certaine cohérence avec le cadre statutaire général. Conformément à la logique qui a inspiré le décret du 11 août 2006 portant attribution d’une indemnité de performance en faveur des directeurs d’administration centrale ou à celle qui préside au développement de la prime de fonctions et de résultats (PFR) dans les différents corps de la fonction publique, il convient de lier une part importante de la rémunération aux objectifs réalisés. Cependant, ce dispositif de primes pourrait être assorti de la fixation de plafonds. L’ensemble de la rémunération serait naturellement imposable ;

– des dispositions relatives à la situation des cadres après l’occupation d’un tel emploi : il semble important que le sujet soit abordé au moment de la conclusion du contrat et que, le cas échéant, cette question du « reclassement » des intéressés puisse même être réglée dès ce stade. En particulier, des cadres issus du monde de l’entreprise doivent pouvoir avoir la perspective d’y retourner après l’accomplissement de leur mission, afin d’y valoriser leur expérience du secteur public.

Proposition n° 9 : détacher la haute fonction publique du statut de la fonction publique.

● Le mandat parlementaire des fonctionnaires

La question de la compatibilité entre le statut de fonctionnaire et l’exercice d’un mandat parlementaire n’est pas nouvelle. Elle fait régulièrement l’objet de nombreux débats, à l’occasion de la discussion d’amendements ou du dépôt de propositions de loi sur le sujet. Il y a une quinzaine d’année, les anciens élèves de l’École nationale d’administration ont même pris position, en faveur de l’incompatibilité (62). La question est certes à la lisière de celle des discriminations, mais elle concerne un point déontologique majeur qui n’est pas sans lien avec le sujet du traitement des situations diverses des fonctionnaires, chacune considérée dans sa spécificité.

Tout récemment, M. Bruno Le Maire, député et ancien ministre de l’Agriculture, a déposé une proposition de loi organique portant, notamment, sur la question, et a annoncé sa démission du corps des conseillers des affaires étrangères auquel il appartenait, dénonçant une « logique de caste » (63).

Votre rapporteur pour avis souhaite, dans cette même perspective, faire valoir les arguments suivants, au nom de l’équité :

– en Angleterre, tout membre de la fonction publique élu député doit démissionner ;

– il est essentiel d’être cohérent et de garantir une égalité entre les différents élus : dans les faits, une personne exerçant une profession libérale ne pourra, du jour au lendemain, à l’issue de son mandat, reprendre l’exercice de son activité ;

– il est également important de favoriser la diversité parmi les représentants de la Nation – on dénombre aujourd’hui environ un tiers de fonctionnaires parmi les députés.

Proposition n° 10 : tout fonctionnaire élu député ou sénateur qui a déjà exercé un mandat législatif doit choisir, une fois réélu, entre son deuxième mandat législatif et son appartenance à la fonction publique.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du jeudi 25 octobre 2012, matin, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, et de M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances, sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » pour 2013.

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, monsieur le ministre de l’Économie et des finances, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd’hui pour examiner les crédits de plusieurs missions et comptes spéciaux.

(…)

M. Jean-Louis Gagnaire, rapporteur spécial pour les crédits de la fonction publique et de la mission « Provisions ». Il convient aussi d’aider le ministère de la Fonction publique, dans une période extrêmement difficile.

Je vous renvoie à la lecture de mon rapport, qui fait apparaître une baisse nuancée des crédits du programme 148, « Fonction publique », une stabilisation des moyens consacrés à la formation des fonctionnaires et une diminution de la dotation dédiée à l’action sociale interministérielle. J’ai notamment auditionné le directeur général de l’administration et de la fonction publique, la direction de l’École nationale d’administration (ENA) et les représentations syndicales. Mais je souhaite surtout évoquer quatre points.

Premièrement, au moment où l’on commence à réfléchir au prochain acte de décentralisation, beaucoup s’inquiètent du transfert de personnels de l’État aux collectivités territoriales : comment va-t-il s’organiser ? Sera-t-il conduit sur le modèle de 2004, c’est-à-dire sans discussion possible pour les agents ?

L’opération de 2004 aurait pu représenter une aubaine pour les finances de l’État. Cependant, dans un rapport, la Cour des comptes a relevé qu’elle a en réalité coûté aux finances publiques au sens large – finances de l’État et finances des collectivités territoriales. Les collectivités ont souvent été stigmatisées pour avoir augmenté leurs dépenses, mais le processus de transfert n’a pas été maîtrisé dans son ensemble.

Compte tenu de cette expérience, comment envisagez-vous, madame la ministre, de redéfinir les missions et le périmètre de la fonction publique d’État dans le cadre du prochain acte de décentralisation ? Quelle méthode comptez-vous employer ?

Deuxièmement, la défiscalisation des heures supplémentaires dans la fonction publique a coûté 1,6 milliard d’euros et a bénéficié à 680 000 agents. Sans revenir sur les conclusions du rapport de nos collègues Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, elle a suscité un effet d’aubaine pour les agents de l’État, comme pour les autres salariés. On ne peut pas en dire autant du point de vue de l’État employeur : la Cour des comptes a constaté une dérive des dépenses de personnel de l’État, imputable pour l’essentiel aux mesures catégorielles et au financement de la défiscalisation des heures supplémentaires. La fin de cette mesure va se traduire par des recettes nouvelles pour le budget de l’État, que je ne suis toutefois pas en mesure de chiffrer. Comptez-vous utiliser ces nouvelles marges de manœuvre, madame et monsieur les ministres, pour revaloriser la rémunération des fonctionnaires ? Si oui, de quelle manière ?

Troisièmement, je souhaite poser une série de questions sur l’ENA. La suppression du classement de sortie est devenue un serpent de mer : est-elle encore à l’ordre du jour ou l’abandonne-t-on définitivement ? De mes contacts informels avec d’anciens élèves de l’ENA, il ressort que les points de vue sont très partagés.

En outre, certaines méthodes sont révélatrices d’un pilotage stratégique défaillant. Pour l’ENA – c’est peut-être le cas pour d’autres établissements –, le contrat d’objectifs et de performance et le contrat triennal ne recouvrent pas les mêmes périodes, ce qui compromet la capacité de l’école à anticiper les réformes. Ne pourrait-on pas faire coïncider les bornes de ces deux contrats ? Cela simplifierait la vie de l’école et lui permettrait de gagner en efficacité.

Enfin, un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) relatif à la formation initiale des fonctionnaires préconise de réserver les activités de recherche et de publication aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Or l’innovation ne se réduit pas aux nouvelles technologies et à la recherche et développement. Elle concerne également les services publics : de nouvelles conceptions du service public, manières d’envisager la relation aux usagers ou méthodes d’organisation peuvent contribuer à améliorer leur performance globale. Ces questions sont abordées dans le secteur privé. Je souhaiterais qu’elles le soient également dans les écoles de formation de l’État, non seulement à l’ENA – qui a adhéré au pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) Hautes Études-Sorbonne-Arts et Métiers (HESAM), troisième PRES parisien –, mais également dans les instituts régionaux d’administration (IRA) et les autres établissements. Nous devons envisager l’innovation dans son acception la plus large et, s’agissant de la formation des agents de l’État, ne pas la réserver aux seules écoles d’ingénieurs.

(…)

M. Alain Tourret, président, rapporteur pour avis de la commission des Lois. Je m’exprimerai à la fois en tant que rapporteur pour avis et en tant qu’orateur au nom du groupe RRDP.

Les crédits du programme 148, « Fonction publique », de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » s’élèvent à 213 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 217 millions d’euros en crédits de paiement, soit, par rapport à l’an dernier, une diminution de 4 % qui reflète la maîtrise des dépenses de fonctionnement et l’effort de stabilisation de l’emploi public.

Je tiens à remercier les services du ministère de la Fonction publique – qui nous ont parfaitement répondu, et en temps voulu – et les services de la commission des Lois.

Je me suis demandé en quoi la fonction publique se devait d’être exemplaire : après tout, si elle a un statut, c’est pour être exemplaire. Après avoir entendu plus de quarante personnalités, nous avons décidé de travailler sur un sujet essentiel : les discriminations dans la fonction publique.

Il est très difficile de contrôler les discriminations dans la fonction publique. On n’y reconnaît même pas l’existence du harcèlement moral, phénomène qui aboutit pourtant à la destruction du lien social et dont la gravité est reconnue dans le secteur privé, et l’on ne trouve donc aucune analyse, aucune étude chiffrée le concernant dans les trois fonctions publiques. Il est pourtant indispensable que la représentation nationale dispose de renseignements à cet égard. Je propose donc de créer un Observatoire des discriminations dans la fonction publique – qu’elles soient liées au sexe, au handicap, à des inégalités de rémunération –, qui pourrait travailler au côté de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.

J’ai été très surpris qu’une importante différence de rémunérations entre les hommes et les femmes persiste dans les trois fonctions publiques : on constate, en fin de carrière, une différence de plus de 16 % entre la rémunération d’un homme et celle d’une femme qui ont pourtant commencé au même niveau et ont pareillement travaillé. Comment expliquer cela ?

En tant que spécialiste de droit social, je peux prédire que des centaines de milliers de femmes introduiront un jour un recours collectif contre l’administration et contre l’État, en réparation du préjudice financier qu’elles subissent. Ce sont ainsi des milliards d’euros qui seront réclamés à l’État dans les années à venir. Je propose donc que l’on crée dans la fonction publique un comité des rémunérations, comme il en existe dans certaines grandes entreprises : il serait compétent pour engager, le cas échéant, une procédure pour résorber les écarts salariaux injustifiés. Je rappelle que, lorsque ces écarts sont constatés, la charge de la preuve est inversée : il appartient à l’employeur de justifier, salarié par salarié, le niveau de la rémunération servie. La situation est insupportable et il est important d’y remédier.

Puisqu’il faut renseigner l’ensemble des chefs de service et l’ensemble des fonctionnaires sur leurs droits et sur les obligations qui incombent à chaque responsable en cas de discrimination, je suggère de consacrer 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires à l’apprentissage de la gestion des situations de discrimination – ce qui se fait actuellement dans les grandes entreprises qui ont, de ce fait, obtenu des résultats notables.

Je propose par ailleurs que l’on transmette chaque année à l’Assemblée nationale et au Sénat le bilan détaillé de la mise en œuvre des dispositifs de nomination. Depuis la loi du 12 mars 2012, il est indispensable de rattraper le très grave préjudice subi par les femmes, qui ont du mal à accéder aux emplois supérieurs et aux emplois à discrétion.

En 1997, lorsque j’ai été élu député, j’avais remarqué que l’équipe gouvernementale traduisait une certaine recherche de la parité. Malheureusement, sur les quarante ministres, un seul avait une femme comme directeur de cabinet. Aujourd’hui, les progrès sont notables. Dans le gouvernement de M. Ayrault, six ministres ont choisi une femme comme directeur de cabinet. Je signale toutefois que ce n’est le cas que de deux des dix-neuf ministres femmes.

Il y a beaucoup de progrès à faire. Au ministère de la culture, les directeurs des théâtres subventionnés sont des hommes, à 91 %. Les pourcentages sont comparables dans les collectivités territoriales, s’agissant des directeurs de service dans les régions ou, dans la fonction publique hospitalière, s’agissant des directeurs des grands hôpitaux.

Vous avez voté, dans la précédente législature, avec la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 et la loi du 12 mars 2012, l’obligation de revenir sur ces pourcentages à partir de 2013. Le problème, c’est que, en cas de manquement, les sanctions seront d’ordre financier. Or il ne sert à rien d’infliger une sanction financière à une administration, qui pourra récupérer ce qu’elle a perdu dans un collectif plus ou moins lointain.

Pour autant, peut-on obtenir l’annulation de toutes les nominations qui ne respecteraient pas les principes de recherche de parité ? En tant que juriste, nous nous heurtons à un obstacle : il n’y a pas de nullité sans texte. Mais, selon le vice-président du Conseil d’État que j’ai consulté à ce propos, une expertise juridique permettrait de savoir si la chose est possible. Dans la négative ou dans le doute, il faudrait changer la loi et instaurer cette possibilité d’annulation.

Une telle procédure existe dans le droit du travail pour les délégués syndicaux, pour les femmes enceintes, pour les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas possible dans ce cas, alors même qu’un principe fondamental, constitutionnel, serait bafoué.

Par ailleurs, j’ai demandé que l’on garantisse aux personnes en situation de handicap un droit effectif de saisine directe du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. La loi existe, mais les décrets n’ont pas encore été pris. Il faut qu’ils le soient rapidement.

J’ai proposé d’approfondir le rapprochement entre l’École nationale d’administration (ENA) et l’Institut national des études territoriales (INET), nos deux grandes écoles de fonctionnaires. Je sais, madame la ministre, que vous y êtes favorable. Cela me semble indispensable, alors que nous allons nous engager dans une nouvelle étape de la décentralisation, qui se traduira par le recrutement de cadres de haut niveau dans les collectivités territoriales.

J’ai aussi demandé l’inclusion dans le statut général de la fonction publique d’un nouveau critère de discrimination – les syndicats ont beaucoup insisté là-dessus – qui pourrait être « la situation de famille ».

Je voudrais enfin attirer votre attention sur deux propositions qui, je le sais, ne sont pas fédératrices.

Premièrement, ne faut-il pas détacher la haute fonction publique du statut de la fonction publique ? Nous ne pouvons pas éluder la question. Il me semble important que les 2 000 personnes qui constituent le vivier de la haute fonction publique soient recrutées sur des contrats sui generis – portant sur leurs possibilités de travailler avec le Gouvernement, leur choix, leur révocation, leurs rémunérations, etc. Aujourd’hui, nous assistons au départ des hauts fonctionnaires vers le privé, ce que je trouve insupportable. Le privé doit être attiré vers le public, et non l’inverse. Faute de quoi, se crée cette « zone grise », dénoncée par le Service central de prévention de la corruption.

Deuxièmement, je propose que tout fonctionnaire, élu député ou sénateur, qui a déjà exercé un mandat législatif, doive choisir, une fois réélu, entre son deuxième mandat législatif et son appartenance à la fonction publique. M. Bruno Le Maire m’a certes coupé l’herbe sous le pied avec sa proposition de loi. Il n’en reste pas moins qu’un tel dispositif permettrait de rétablir une certaine égalité entre tous les parlementaires.

(…)

(M. Jean-Jacques Urvoas remplace M. Alain Tourret à la présidence.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. (…)

Vous avez raison, monsieur Gagnaire : notre travail essentiel dans la période qui s’ouvre, avec le nouveau projet de décentralisation, sera de redéfinir les missions de l’État autour des quatre impératifs d’un État stratège, garant, protecteur et présent. Nous envisageons d’ailleurs de présenter, en même temps que le projet de loi de décentralisation, un document sur la réforme de l’État et les missions de service public.

Les départements et les régions, autrefois collectivités de mission, sont devenus des collectivités de gestion. Les transferts de personnels de l’État qui en ont résulté ont soulevé des problèmes complexes, en raison de leur nombre et de la disparité des régimes indemnitaires. L’organisation des transferts et la concertation sociale se sont néanmoins déroulées dans de bonnes conditions. Très peu de fonctionnaires ont souhaité revenir dans la fonction publique d’État. Toutefois, cette opération lourde n’a pas permis les économies budgétaires attendues pour l’ensemble de la dépense publique. Mais son bilan n’est pas encore définitif : les conseils régionaux examinent actuellement l’évolution des dépenses compte tenu notamment de la création de nouveaux services.

Personne ne conteste les observations de la Cour des comptes sur la maîtrise du processus. Des propositions ont été formulées pour chaque mission.

Le système des heures supplémentaires a représenté une très forte dépense, de 200 euros par agent au ministère de l’Éducation nationale, à 500 euros dans certains services du ministère du Budget. En raison de l’évolution du droit, certains se sont sentis défavorisés à la lecture de leur feuille de paye, et des négociations avec les syndicats se sont ouvertes sur leur avenir.

Nous avons donc totalement revu l’agenda social des trois piliers de la fonction publique. Disposés à discuter des grilles, des échelles indiciaires et des régimes indemnitaires, nous remettons tout sur la table afin que l’État employeur se montre plus efficace et que l’on rapproche les différents systèmes de rémunération. On ne saurait, sans cela, parler de parcours professionnel, de mobilité ou d’amélioration de la situation de certaines catégories. La fonction publique comporte aujourd’hui 1 800 régimes indemnitaires différents, ce qui aboutit à des réévaluations incontrôlées au gré des demandes catégorielles des ministères. Il a donc été demandé à l’ensemble des ministres de recourir le moins possible, dans les mois qui viennent, aux mesures catégorielles afin de faciliter la mise en place de mesures générales.

Nous réfléchissons également à la fusion des corps de fonctionnaires et à la création d’un corps interministériel. Ces réformes d’importance permettraient de parvenir à des taux de promotion harmonisés entre les ministères et de mieux contrôler les évolutions de carrière. Les négociations sont en cours.

La stabilisation de la masse salariale de la fonction publique dépend, pour 2013, de notre vigilance à l’égard des mesures catégorielles, car cet engagement doit être tenu dans tous les ministères.

Je souhaite un rapprochement entre l’ENA et l’INET. Le taux d’encadrement, dans la première école, est particulièrement important. Sa directrice, nouvellement nommée, nous a demandé un délai de deux mois avant de discuter de ses objectifs et de ses moyens.

Faut-il modifier le classement de sortie de l’ENA ? Sortir « dans la botte » n’apporte aucune assurance de confort dans la vie professionnelle ultérieure. Nombre d’anciens élèves font valoir qu’exercer très jeune certaines responsabilités, par exemple de juger ou de contrôler des fonctionnaires aguerris, peut s’avérer problématique. C’est pourquoi nous réfléchissons à une nouvelle organisation des deux premières années de vie professionnelle, ainsi qu’à un éventuel retour sur expérience, après une dizaine d’années, afin de vérifier que l’orientation d’origine fut bien la bonne et d’étudier la nécessité d’une formation complémentaire ou continue. De surcroît, les stages initiaux ne se situent peut-être pas tous à la hauteur des attentes et des besoins. Nous nourrissons donc l’ambition de disposer d’une grande école de l’administration française.

À force de répéter que la fonction publique n’est pas la plus efficace pour conduire les actions collectives, à force de la désigner comme une charge plutôt que comme une chance pour le pays, nous risquons de provoquer un certain désintérêt à son endroit. Or je souhaite que, dans quelques années, l’ancien rêve redevienne réalité, qu’on s’aperçoive de la très grande qualité de l’action publique menée par nos fonctionnaires et que, de ce fait, renaisse l’envie d’y entrer. Cela implique de recruter davantage de personnes autres que celles ayant réussi des concours à la fin de leurs études. Certes, l’expérience a montré, par exemple lorsque l’administration a fait appel à des consultants, que l’on a parfois tort de croire à leur efficacité combinée, mais il n’en est pas moins important de confronter des cultures différentes. En tout cas, je ne suis pas favorable à la sortie du statut de la fonction publique des cadres de catégories A et A+.

Nous avons souvent tendance à recruter les plus performants et, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, à les orienter vers l’application plutôt que vers la recherche, y compris celle relative à la gestion de nos systèmes publics. Essayons donc de rééquilibrer les choses, pour l’ENA, l’INET et d’autres grandes écoles, en les faisant travailler avec les laboratoires de recherche universitaires. Nous en reparlerons bientôt, sur la base de diagnostics communs.

La prime de fonctions et de résultats (PFR) n’est pas une bonne idée. Elle est, en tout cas, mal appliquée. J’ai donc demandé à l’ensemble des directions des ressources humaines des ministères, ou de leurs secrétariats généraux, d’éviter d’utiliser les crédits correspondants pour traiter des cas difficiles, sans rapport avec les performances professionnelles mais découlant de l’absence de points d’indice ou de la faiblesse des salaires. La PFR n’a pas été créée pour cela, et nous la jugeons d’autant moins efficace que ses enveloppes ont été détournées de leur but initial. Nous préférons recentrer, sans tabou, le débat sur les grilles de salaires et sur les régimes indemnitaires.

M. Alain Tourret a dressé un réquisitoire contre le harcèlement moral. On a beaucoup parlé, souvent à tort et à travers, de « burn out », d’épuisement au travail. Il est vrai que nous devons améliorer la médecine préventive, afin de l’inscrire dans la prévention générale de tous les types de risques professionnels. Leur volet psychosocial constituera d’ailleurs l’un des objets de la négociation qui va s’ouvrir.

L’État et les autres collectivités publiques ne sont pas exemplaires pour l’emploi de personnes handicapées. Il s’agit certes, pour tous les acteurs, d’une priorité de la concertation avec les syndicats de fonctionnaires. Un certain enthousiasme a d’abord prévalu, mais les réalisations n’ont pas suivi les ambitions : seuls 4,22 % des personnels des trois fonctions publiques sont des handicapés. Il subsiste des freins, par exemple lors des concours, y compris les plus élevés, pour les personnes qui ne peuvent écrire et doivent dicter leur devoir.

Les conditions de travail se sont améliorées, par exemple avec l’aménagement des postes de travail. Le fonds ad hoc devrait permettre des progrès supplémentaires, mais il est encore mal utilisé. Nous devons donc, en liaison avec les collectivités locales, nous montrer plus efficaces. Les décrets d’application de la loi du 28 juillet 2011 portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, dite « loi Blanc », sont en cours de rédaction. Ils devraient apporter des avancées significatives.

Ce que vous avez dit, monsieur Tourret, sur les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes ravirait Mme Najat Belkacem, qui a pris l’initiative d’établir un diagnostic de la question dans tous les ministères afin de sensibiliser l’administration. C’est dans les fonctions de deuxième rang que les femmes sont les plus rares. Dans la fonction publique, ce sont les femmes qui font 99 % des demandes de temps partiel et cela ne manque pas d’avoir une incidence sur leur carrière. La lutte contre les inégalités entre hommes et femmes ne s’impose pas moins comme un impératif : c’est l’un des premiers sujets que nous avons abordés au sein du Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et nous en débattons dans le cadre des comités techniques paritaires et dans celui du dialogue social de proximité.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Même si le programme « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte uniquement sur les crédits de formation professionnelle et d’action sociale dans leur dimension interministérielle, son examen nous offre, chaque année, l’occasion de dresser un état des lieux de la fonction publique d’État et de la comparer aux deux autres fonctions publiques.

Comment le Gouvernement entend-il traduire dans le budget sa nouvelle politique de la fonction publique ? Vous avez, à juste titre, insisté sur l’importance de la concertation, notamment dans le cadre de la conférence sociale.

En dépit d’un contexte budgétaire très contraint, l’État a un devoir d’exemplarité en matière d’emploi, de protection de ses agents et de conditions de travail.

La stratégie de performances décrite par le programme 148 traduit une politique modèle en matière de formation, de lutte contre la précarisation du parcours des fonctionnaires, de mobilité des agents, de dialogue social et de combat contre les discriminations.

De nouvelles perspectives s’offrent ainsi dès 2013, avec la réaffirmation des valeurs du service public, de l’importance du dialogue social, de la santé au travail, de l’optimisation des rémunérations et de l’amélioration des carrières.

Il s’agit de reconnaître la place éminente de la fonction publique et de rompre avec le dénigrement systématique, dont la précédente majorité s’était rendue coupable, faisant des fonctionnaires, au mieux, une variable d’ajustement budgétaire, au pire les responsables de la dégradation des comptes publics. Vous avez bien fait, madame la ministre, de qualifier la fonction publique de « chance » et non plus de « charge ». Aussi bien en a-t-on fini avec l’implacable application de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et avec la précarisation de la fonction publique.

La logique budgétaire et comptable ne doit pas peser de façon disproportionnée sur la définition des missions de l’État. Faut-il en supprimer certaines ? Quel niveau de service sommes-nous prêts à financer ?

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d’affectation spéciale « Pensions ». (…)

Madame la ministre, j’approuve votre phrase sur « la chance », plutôt que « la charge », que représente la fonction publique. Mais ne jetez-vous pas trop vite aux orties le principe de la RGPP ? Aussitôt après le vote des lois de décentralisation de 1982, dites « lois Defferre », il aurait fallu rechercher l’accroissement des performances de la fonction publique. Ce qu’on peut reprocher à la RGPP, c’est d’être intervenue trop tard, au moment de la crise des finances publiques. On a cru qu’elle était inspirée par la seule obsession de faire des économies budgétaires, alors qu’elle visait à rationaliser le fonctionnement de l’État.

En 1997, le gouvernement Jospin avait lancé un intéressant slogan, approuvé par notre collègue d’alors, M. Didier Migaud, et par l’actuel président de la commission des Finances : « Dépenser moins pour dépenser mieux ». Il semblerait que, aujourd’hui, vous abandonniez cette maxime. Pourtant, l’objectif n’a pas changé : il ne s’agit ni de dénigrer les fonctionnaires ni de réaliser des économies, mais de dépenser mieux. C’était d’ailleurs le principe fondateur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). En quoi consiste dorénavant votre stratégie ?

Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, nous avons pu constater, à la fin de 2011, une diminution de la masse salariale de l’État. C’était la conséquence d’un ensemble de mesures, dont la RGPP, qui ont été d’autant plus difficiles à réaliser que l’État, moins maniable qu’une barque, se pilote comme un paquebot. Quel est aujourd’hui l’objectif du Gouvernement ? A-t-il renoncé à diminuer la masse salariale ? Vise-t-il sa stabilisation ? Prévoit-il son augmentation ? Le principe de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux a été abandonné, mais on n’est pas plus informé sur vos intentions. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

(…)

Mme Valérie Rabault. Je tiens tout d’abord à remercier M. Tourret pour sa défense de la parité et de l’égalité hommes-femmes dans la fonction publique. J’y suis d’autant plus sensible que ce plaidoyer émane d’un homme – c’est une avancée.

(…)

Mme Cécile Untermaier. Madame la ministre, la RGPP a été une stratégie de taille dans les effectifs, sans réflexion sur les missions. Comme j’ai pu le constater dans une sous-préfecture, le sous-préfet auquel on demandait de faire du développement local était bien en peine de remplir cette mission, n’ayant à sa disposition pour ce faire que des agents d’exécution – je le dis avec tout le respect que nous devons à cette catégorie d’agents.

Cependant, je souhaite vous interroger sur la discrimination dans la fonction publique, sujet évoqué par notre collègue Alain Tourret. La RGPP a aussi conduit à une dégradation interne dans les services, dont les agents, en particulier les femmes, ont pâti : 16 % d’écart de rémunération en fin de carrière entre les hommes et les femmes, c’est énorme. Je souhaiterais que, à l’avenir, on s’attache à prévenir de telles évolutions et qu’avant que les femmes ne décident de prendre un temps partiel ou un congé parental, elles soient clairement informées des répercussions que cela aura sur leur carrière et leur avenir professionnel. Aujourd’hui, cette information n’est pas donnée. Il faudrait être sûr que les temps partiels ne sont pas pris par méconnaissance des dispositifs, et donc subis, mais bien choisis en toute connaissance de cause.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. La RGPP n’était pas une mauvaise idée – la révision des politiques publiques devrait d’ailleurs être une préoccupation permanente, les missions des services publics devant évoluer de façon constante et non par à-coups. Mais, mal interprétée, elle a conduit aux coupes aveugles que vous avez rappelées. Je l’ai déjà dit, la formation a été insuffisante, l’accompagnement qui aurait été nécessaire n’a pas eu lieu. Nous rediscutons avec les organisations syndicales afin d’évaluer la demande des agents sur le terrain et voir quelles réponses nous pouvons y apporter.

S’agissant de la précarisation et de l’insuffisance du dialogue social, vous avez raison. Nous avons relancé le dialogue lors de la conférence sociale de juillet, le travail a d’ailleurs été ardu. Nous avons fixé un agenda détaillé avec des ordres du jour précis : précarisation, conditions de travail, formation, passerelles, travail des femmes, lutte contre les discriminations… Ayant déjà répondu tout à l’heure, je ne m’étends pas sur les problèmes de carrière, même si je comprends mieux maintenant votre question, madame Descamps-Crosnier. Nous sommes à votre disposition pour discuter de ce sujet avec vous. Cette commission élargie me fait prendre conscience de façon encore plus aiguë que nous ne passons pas assez de temps avec les parlementaires pour écouter leurs suggestions.

(…)

Dépenser mieux pour dépenser moins, chacun en est d’accord. C’est notre objectif – qui n’est pas exclusif de la poursuite de la décentralisation.

(…)

Les agents de catégorie C ne doivent pas être « une variable d’ajustement », vous avez raison, madame Descamps-Crosnier. C’est pourtant l’impression qu’ils ont, dans les départements en particulier. Pour l’instant, aucun indicateur ne nous signale qu’on a commencé à réduire le nombre de postes d’exécutants – même si le transfert des routes aux départements a mécaniquement conduit à réduire les effectifs. Mais sur le terrain, les équipes d’agents de catégorie C souffrent d’un manque d’encadrement. Lors de la négociation sociale, nous avions demandé que les carences soient évaluées, à partir de deux directions départementales interministérielles (DDI), et que l’on réfléchisse à une possible réorganisation si la répartition des effectifs se révélait mauvaise. Cela n’a pas été considéré comme de bonne méthode. Nous soumettrons donc à la négociation une nouvelle façon de faire, afin de pouvoir vraiment évaluer la réorganisation des services de l’État sur le territoire. Il est important, le ministre de l’Économie et des finances le sait, de connaître, pour chacun des ministères, non seulement les masses, mais aussi la localisation des personnels et les missions qui leur sont confiées. Ce travail, indispensable à la négociation actuelle, est en cours.

Pour ce qui est de la parité et de l’égalité hommes-femmes, je partage totalement ce qui a été dit et n’ai rien à ajouter.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances. M. Censi m’a interrogé sur l’objectif « dépenser mieux pour dépenser moins ». Nous dépenserons à la fois moins et mieux, et ferons encore mieux que par le passé.

Madame Rabault, je ne peux vous laisser dire que ce serait une nouveauté qu’un homme s’intéresse à la cause des femmes. Ces propos suscitent chez moi indignation et colère. (Sourires.)

(…)

M. le président Gilles Carrez. Soyez remerciés, madame la ministre, monsieur le ministre, d’avoir répondu à nos questions.

*

* *

À l’issue de l’audition des ministres, la Commission examine, sur le rapport de M. Alain Tourret, rapporteur pour avis, les crédits du programme « Fonction publique » pour 2013.

Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Fonction publique » pour 2013.

ANNEXE 1 : LES CRÉDITS DU PROGRAMME « FONCTION PUBLIQUE »
POUR 2013

Les crédits de l’action « Formation des fonctionnaires » pour 2013

Dépenses

Crédits de paiement

Dotation à l’École nationale d’administration (ENA)

33 198 655

Dotation aux instituts régionaux d’administration (IRA)

40 529 043

Organisation des concours des IRA

130 200

Écoles de la gestion des ressources humaines

55 800

Plateformes régionales d’appui interministériel à la gestion des ressources humaines

1 302 000

Associations ou écoles particulières

15 000

Instituts et centres de préparation à l’administration générale (IPAG-CPAG)

229 000

Subvention à l’institut européen d’administration publique de Maastricht

27 900

Dépenses de personnel

250 000

Programmes

277 212

Rapports, guides, site de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP)

344 100

Séminaires et colloques

138 605

Subventions aux associations ou fondations

21 281

Subventions aux organisations syndicales

2 360 000

Total

78 878 796

Les crédits de l’action « Action sociale interministérielle » pour 2013

Dépenses

Crédits de paiement

Chèque-vacances

33 860 185

Chèque emploi service universel (CESU)

56 310 943

Réservation de places en crèche

20 128 091

Aide à l’installation des personnels d’État

4 845 910

Réservation de logements sociaux

2 987 045

Sections régionales interministérielles d’action sociale

3 100 000

Rénovation des restaurants interadministratifs

11 814 451

Financement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)

2 092 562

Allocation diversité

3 600 000

Total

138 739 187

ANNEXE 2 : L’ÉVOLUTION DES RÉCLAMATIONS DEVANT LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L’ÉGALITÉ PUIS LE DÉFENSEUR DES DROITS EN MATIÈRE D’EMPLOI (2005-2010)

Années

Emploi public (recrutement)

Emploi public (carrière)

Emploi public
(total)

Emploi privé (total)

Emploi public et privé

2005

72 (28,2 %)

183 (71,8 %)

255 (18,0 %)

411

666

2006

160 (23,5 %)

522 (76,5 %)

682 (16,8 %)

1 058

1 740

2007

263 (23,5 %)

858 (76,5 %)

1 121 (18,5 %)

1 996

3 117

2008

239 (16,0 %)

1 250 (84,0 %)

1 489

(17,1 %)

2 865

4 354

2009

355 (19,8 %)

1 441 (80,2 %)

1 796

(17,0 %)

3 316

(31,5 %)

5 112

(48,5 %)

2010

280 (13,8 %)

1 748 (86,2 %)

2 028

(16,2 %)

4 173

(33,5 %)

6 201

(49,7 %)

Total
(sur 2005-2010)

1 369
(18,6 %)

6 002 (81,4 %)

7 371 (34,7 %)

soit 17 % du total des réclamations en matière d’emploi

13 819
(65,3 %)

soit 31,8 % du total des réclamations en matière d’emploi

21 170

soit 48,8 % du total des réclamations portées devant la Halde ou le Défenseur des droits

ANNEXE 3 : DIX PROPOSITIONS POUR RENFORCER LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Proposition n° 1 : instituer un observatoire des discriminations dans la fonction publique.

Proposition n° 2 : instituer auprès de chaque employeur public un comité des rémunérations compétent pour engager, le cas échéant, une procédure tendant à résorber les écarts salariaux injustifiés.

Proposition n° 3 : consacrer une part de 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires à l’apprentissage de la gestion des situations de discrimination dans les trois versants de la fonction publique.

Proposition n° 4 : transmettre chaque année à l’Assemblée nationale et au Sénat le bilan détaillé de la mise en œuvre du dispositif de nomination d’un pourcentage minimal de personnes de chaque sexe dans l’encadrement supérieur des collectivités publiques.

Proposition n° 5 : annuler toutes les nominations qui seront intervenues en méconnaissance de l’exigence de parité dans l’encadrement supérieur de la fonction publique telle qu’elle figure dans la loi du 12 mars 2012.

Proposition n° 6 : garantir aux personnes en situation de handicap un droit effectif de saisine directe du Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique.

Proposition n° 7 : approfondir le rapprochement déjà engagé entre l’École nationale d’administration et l’Institut national des études territoriales.

Proposition n° 8 : engager une concertation sociale sur l’inclusion dans le statut général de la fonction publique d’un nouveau critère de discrimination, la « situation de famille ».

Proposition n° 9 : détacher la haute fonction publique du statut de la fonction publique.

Proposition n° 10 : tout fonctionnaire élu député ou sénateur qui a déjà exercé un mandat législatif doit choisir, une fois réélu, entre son deuxième mandat législatif et son appartenance à la fonction publique.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Ministère de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique – Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP)

–– M. Jean-François VERDIER, directeur général

–– M. Thomas CAMPEAUX, directeur, adjoint au directeur général

–– M. Denis CASANOVA, secrétaire général

–– M. Dominique SCHUFFENECKER, chef du bureau de l’animation interministérielle, de l’évaluation des politiques des ressources humaines et de l’égalité professionnelle

–– M. Laurent GRAVELAINE, sous-directeur de l’animation interministérielle et de l’évaluation des politiques des ressources humaines

• Ministère de l’Intérieur – Direction générale des collectivités locales (DGCL)

–– M. Pascal CHIRON, adjoint au sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale

–– M. Roger-Philippe CUPIT, adjoint au chef du bureau en charge de l’emploi territorial et de l’action sociale

• Ministère des Affaires sociales et de la santé – Direction générale de l’offre de soins (DGOS)

–– M. François-Xavier SELLERET, directeur général

–– M. Éric SANZALONE, chef du bureau des ressources humaines

–– Mme Jihane BENDAIRA, adjointe au chef du bureau des ressources humaines

• Conseil supérieur de la fonction publique territoriale

–– M. Jérôme DURAIN, président du centre de gestion de Saône-et-Loire

–– Mme Monique GRESSET, chargée d’études

Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

–– Mme Lyna SRUN, directrice du développement de la formation

• Fédération hospitalière de France (FHF)

–– M. Cédric ARCOS, directeur de cabinet du délégué général

–– Mme Sophie GAUTHIER, stagiaire

• Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP)

–– M. Jean-François de CAFFARELLI, directeur

• Défenseur des droits

–– M. Dominique BAUDIS, Défenseur des droits

–– Mme Maryvonne LYAZID, adjointe du Défenseur des droits, chargée de la lutte contre les discriminations

–– M. Richard SENGHOR, secrétaire général

–– Mme Audrey KEYSERS, responsable des relations avec les élus

–– M. Jamel OUBECHOU, directeur du département de la promotion des droits et de l’égalité

• Commission européenne

–– M. Hervé JOUANJEAN, directeur général du budget

• Conseil d’État

–– M. Jean-Marc SAUVÉ, vice-président

• École nationale d’administration

–– Mme Françoise CAMET, directrice de la formation

–– Mme Suzanne KUCHAREKOVA-MILKO, déléguée des élèves de la promotion Marie Curie 2011-2012

–– M. Fabrice FIZE, délégué des élèves de la promotion Marie Curie 2011-2012

• Fédération générale des fonctionnaires Force ouvrière (FGF-FO)

–– M. Yann HAMON, secrétaire fédéral

• Union des fédérations CFDT des fonctions publiques et assimilés (UFFA-CFDT)

–– Mme Brigitte JUMEL, secrétaire générale

–– Mme Mylène JACQUOT, secrétaire générale-adjointe

• Union fédérale des cadres des fonctions publiques CGC (UFCFP-CGC)

–– M. Marc BENASSY, délégué fédéral

–– Mme Christine DREYFUS-ARIZA, inspecteur auditeur de la direction régionale des finances publiques d’Île-de-France

• Fédération générale autonome des fonctionnaires (FGAF)

–– Mme Geneviève PEIRSMAN, conseillère technique

• Union syndicale Solidaires Fonctions publiques et assimilés

–– Mme Dorine PASQUALINI, déléguée adjointe solidarité fonction publique

• Fédération syndicale unitaire (FSU)

–– Mme Anne FÉRAY, secrétaire nationale

• Fédération autonome de la fonction publique territoriale (FA-FPT)

–– M. Pascal KESSLER, membre du bureau fédéral

–– M. Vincent CALLIES, expert

• Fédération des associations pour adultes et jeunes handicapés (APAJH)

–– M. Jean-Louis LEDUC, directeur général-adjoint

• Association des paralysés de France (APF)

–– M. Jacques ZEITOUN, administrateur

–– Mme Véronique BUSTREEL, conseiller national travail, emploi et formation professionnelle

FNATH, Association des accidentés de la vie

–– M. Arnaud de BROCA, secrétaire général

• Union nationale des amis et familles de personnes handicapées psychiques (UNAFAM)

–– M. Jean DYBAL, administrateur

–– Mme Danielle BOUSQUET, présidente de la mission de préfiguration d’un nouvel Observatoire de la parité

–– M. Bernard SPITZ, président de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), co-auteur de Notre État, le livre vérité de la fonction publique (2000), et M. José MILANO, directeur des affaires sociales de la FFSA.

© Assemblée nationale

1 () Voir pour une présentation détaillée à la fois des crédits du programme « Fonction publique » et de la politique conduite par le Gouvernement en matière de fonction publique le Projet annuel de performances de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » pour 2013, pp. 253 et suivantes.

2 () Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

3 () Décret n° 2012-853 du 5 juillet 2012.

4 () À commencer par l’interdiction des discriminations prévue à l’article 432-7 du code pénal et l’énumération des critères de discrimination à l’article 225-1 de ce même code.

5 () Le principe d’égal accès des citoyens aux fonctions publiques a été érigé en principe général du droit par le Conseil d’État (Conseil d’État, 21 décembre 1990, Amicale des élèves de l’École normale supérieure de Saint-Cloud) et a valeur constitutionnelle (Conseil constitutionnel, 14 janvier 1983, n° 82-153 DC), mais la modalité de recrutement que constitue le concours a seule valeur législative.

6 () La loi organique n° 2011-333 et la loi n° 2011-334 relatives au Défenseur des droits ont prévu que cette nouvelle institution comprendrait un collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité.

7 () Sur les sujets suivants : l’égalité dans l’accès aux stages et aux emplois saisonniers pour lutter contre la pratique des postes réservés aux enfants du personnel (2005), le rôle du dialogue social (2009), l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (2010), l’accès à l’emploi public des personnes handicapées (2011) ou encore l’expression de la liberté religieuse au travail (2011).

8 () Ordonnance n° 2005-901 du 1er août 2005 relative aux conditions d’âge dans la fonction publique.

9 () Ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 relative aux conditions d’âge dans la fonction publique et instituant un nouveau parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l’État.

10 () L’association pour la gestion des fonds pour l’insertion des personnes handicapées.

11 () Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

12 () Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

13 () Circulaire du 23 août 2012 relative à la prise en compte dans la préparation des textes législatifs et réglementaires de leur impact en termes d’égalité entre les femmes et les hommes ; circulaire du 23 août 2012 relative à la mise en œuvre de la politique interministérielle en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

14 () Décret n° 2012-148 du 30 janvier 2012 relatif au Conseil commun de la fonction publique.

15 () Ce label a été créé par le décret n° 2008-1344 du 17 décembre 2008.

16 () Le critère du genre était à l’origine couvert par un label spécifique, le « label égalité ».

17 () Cette notion a été définie par la Commission européenne, d’abord pour désigner « l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes » puis, aujourd’hui, pour identifier « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société » (Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l’Union européenne pour la période 2011-2014, octobre 2011).

18 () Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis au cours des auditions, cette négociation pourrait être l’occasion d’aborder les trois thèmes suivants : le dialogue social (avec les questions de la composition des instances du paritarisme, du contenu des bilans sociaux ou de l’institution de négociations obligatoires sur l’égalité professionnelle) ; le déroulement des carrières (avec l’identification de freins tels le recours au temps partiel ou non complet ou bien les obligations de mobilité en matière d’avancement) ; l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale (avec les modalités de prise du congé parental ou la question du retour à l’emploi après une formation).

19 () Convention de partenariat conclue le 22 février 2011 destinée à définir un programme d’actions visant à favoriser l’accès aux formations du CNFPT des agents territoriaux en situation de handicap ainsi que des personnels non territoriaux (personnels non territoriaux des maisons départementales des personnes handicapées ou demandeurs d’emploi en situation de handicap, par exemple) ainsi qu’à favoriser la formation et l’information des agents territoriaux susceptibles d’être en relation avec des personnes en situation de handicap.

20 () Il s’agit de plusieurs partenariats, destinés à encourager l’engagement d’actions dans le domaine de la politique de la ville en matière de prévention des discriminations.

21 () Ces résultats sont extraits du baromètre établi par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail sur la perception des discriminations au travail par les salariés et les agents publics (janvier 2012 – cinquième édition), en collaboration avec l’institut CSA.

22 () En tant que rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois sur les budgets de la Fonction publique, de la réforme de l’État et de la décentralisation pour 2000, pour 2001 et pour 2002.

23 () L’égalité professionnelle hommes-femmes dans la fonction publique, Rapport au président de la République (2011).

24 () La question particulière de l’emploi des personnes handicapées à l’Éducation nationale a fait l’objet de plusieurs variations dans son traitement statistique au cours des dernières années, variations qui rendent particulièrement difficile l’appréciation de l’évolution dans le temps.

25 () La loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 a inséré le harcèlement sexuel dans notre droit positif, la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 le harcèlement moral. es étapes de l’évolution juridique jusqu’à aujourd’hui le rapport (n° 1799) de M. Guy Geoffroy fait au nom de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, présidée par Mme Danielle Bousquet (juillet 2009).

26 () Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, adoptée à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, par laquelle celui-ci avait déclaré contraire à la Constitution l’article 222-33 du code pénal relatif à la définition et à la sanction du harcèlement sexuel. Le harcèlement sexuel est désormais défini : ou bien constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à la dignité de l’agent en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; ou bien (cas du harcèlement sexuel assimilé) consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

27 () De nombreuses directives communautaires reprennent ces exigences relatives à la définition du harcèlement (directives nos 2000/43 du 29 juin 2000, 2000/78 du 27 novembre 2000, 2002/73 du 23 septembre 2002, 2004/113 du 13 décembre 2004 et 2006/54 du 5 juillet 2006).

28 () Article 4 de la loi du 27 mai 2008 précitée.

29 () Dans le droit commun, il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de ses prétentions (article 9 du code de procédure civile).

30 () Cour administrative d’appel de Nantes, 12 juillet 2012, n° 10NT00677.

31 () Voir Émilie Marcovici, « Les spécificités de la répression du harcèlement sexuel dans la fonction publique », Actualité juridique – Fonctions publiques, 2011, p. 212, et « Les insuffisances de la répression du harcèlement sexuel dans la fonction publique », Actualité juridique – Fonctions publiques, 2011, p. 338.

32 () Voir pour une présentation plus détaillée de ces différents modes de prévention le rapport (n° 86) fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au harcèlement sexuel par Mme Pascale Crozon (juillet 2012) – concernant plus spécifiquement la prévention du harcèlement sexuel.

33 () Voir sur ce point le rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2010-2011 (établi par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique). Aujourd’hui, les agents de cinquante ans et plus représentent un peu moins d’un tiers de l’ensemble des effectifs de la fonction publique : fin 2009, la part des agents de cinquante ans et plus était de 32,3 % dans la fonction publique de l’État, 32,6 % dans la fonction publique territoriale et 27,5 % dans la fonction publique hospitalière.

34 () La gestion des âges de la vie dans la fonction publique : pour une administration moderne et efficace, Rapport au Premier ministre, janvier 2012.

35 () Selon l’expression retenue par le rapport précité de Mme Françoise Guégot, pp. 17-19.

36 () La création du Conseil commun de la fonction publique, la loi du 12 mars 2012 précitée ou encore la nomination des hauts fonctionnaires à l’égalité des droits.

37 () « (…) la ministre des Droits des femmes mettra en place des actions de sensibilisation et de formation, destinées à nourrir la réflexion des ministres et à contribuer à la prise de conscience par l’ensemble de l’équipe gouvernementale des conséquences directes et indirectes des stéréotypes qui existent dans la société. Ces actions seront proposées dès la rentrée et seront conçues pour que les ministres en bénéficient personnellement ».

38 () Ce taux de 10 %, indicatif, pourra faire l’objet d’évaluations complémentaires, en concertation avec les partenaires sociaux : l’objectif est qu’une part substantielle de la formation soit consacrée à la lutte contre les discriminations.

39 () Cet épisode est rappelé par Mathieu Maisonneuve, « Les discriminations positives ethniques ou raciales en droit public interne : vers la fin de la discrimination positive à la française », Revue française de droit administratif, 2002, p. 561.

40 () Voir pour une présentation détaillée de la notion Gwénaële Calvès, La discrimination positive, Presses Universitaires de France, 2010.

41 () Ferdinand Mélin-Soucramanien, Le principe d’égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Économica, 1997.

42 () Cité par Jean-Paul Fitoussi, « Égalités, équité, discriminations », Le Monde, 3 décembre 2003.

43 () La formule est utilisée par l’économiste Jean-Paul Fitoussi dans l’article précité.

44 () Selon l’expression de M. Jean-Paul Fitoussi dans l’article précité.

45 () Sur Aqui.fr, site d’informations régionales de l’Aquitaine : « on cite toujours l’exemple de Sciences Po et des grands lycées ; cela reste marginal, je veux bien le reconnaître ; il faut être volontariste et faire un peu de discrimination. Pour tout dire je n’aime pas le mot discriminer. C’est péjoratif, je préfère associer. Il faut le faire sur des critères socio-économiques, de niveau de chômage, de revenus. Quand j’ai fait les zones franches urbaines qui ont été un succès, y compris celle de Bordeaux, c’était de la discrimination positive ».

46 () Elle figure dans une simple annexe d’une loi, la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, où l’on peut lire : « Les efforts de discrimination positive accomplis depuis plus de vingt ans dans le cadre de l’éducation prioritaire, s’ils ont été importants, n’ont cependant pas permis de réduire notablement les écarts de réussite scolaire entre les établissements situés en zones urbaines sensibles et l’ensemble du territoire national ».

47 () Redécouvrir le préambule de la Constitution, Rapport au président de la République du comité présidé par Mme Simone Veil, décembre 2008.

48 () Voir pour la présentation de ce dispositif le I. de la présente partie.

49 () 30 000 euros pour les nominations au titre des années 2013 et 2014 ; 60 000 euros pour les nominations au titre des années 2015 à 2017 ; 90 000 euros pour les nominations à compter de 2018.

50 () À l’exception il est vrai des conditions pouvant être prévues par certains statuts particuliers (voir ci-après les récentes jurisprudences du Conseil d’État sur la question).

51 () Il s’agit de deux décisions du 23 juillet 2012 (nos 357157 et 359387). En l’espèce, les deux personnalités nommées n’avaient pas, selon le Conseil d’État, exercé de responsabilités d’encadrement suffisantes, condition pourtant requise pour ces nominations aux termes du décret du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires.

52 () Différence de régime juridique en rapport avec une différence de situation, admise au regard de l’interprétation traditionnelle du principe d’égalité tant par le Conseil d’État que par le Conseil constitutionnel dans leurs jurisprudences respectives.

53 () Voir notamment, pour une présentation de ces enjeux, le rapport sur La précarité dans la fonction publique territoriale, Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, 2011.

54 () À titre d’exemple, aujourd’hui, un peu plus de 40 % de l’encadrement supérieur des administrations centrales de l’État est constitué d’anciens élèves de l’ENA ; ce taux est d’environ 50 % pour les préfets en poste actuellement.

55 () Selon les données établies dans le cadre du baromètre précité sur la perception des discriminations au travail (Défenseur des droits et Organisation internationale du travail, janvier 2012).

56 () Article L. 1233-61 du code du travail. En outre, lorsque l’employeur procède à un licenciement pour motif économique, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements en prenant en compte, notamment, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (article L. 1233-5 du code du travail).

57 () L’analyse présentée dans ce développement est en partie inspirée des travaux conduits par M. Marcel Pochard : « L’encadrement supérieur de l’État 2007-2012, Quelles réformes pour quel changement ? », Actualité juridique du droit administratif, 2012, p. 1260 ; La diversification des modes de recrutement de la haute fonction publique et l’ouverture de l’accès aux fonctions d’encadrement supérieur de l’État, Rapport au Premier ministre, 2006. Voir aussi Haute fonction publique de demain, quelques réflexions, par l’Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, octobre 2008.

Votre rapporteur pour avis s’inspire cependant très librement des propositions qui figurent dans ces différents documents, la formulation retenue n’engageant que lui.

58 () Voir par exemple, sur le site Portail de la fonction publique, la description du corps des administrateurs civils : si, à la différence d’autres corps, celui des administrateurs civils ne dispose ni d’un troisième grade, ni d’un corps spécifique de débouché, il constitue en revanche le vivier principal des emplois de direction de l’administration centrale : sous-directeurs, chefs de service, directeurs adjoints, experts de haut niveau, directeurs de projet. En effet, les emplois régis par le décret n° 55-1226 du 19 septembre 1955 portant règlement d’administration publique relatif aux conditions de nomination et d’avancement applicables aux emplois de chef de service, de directeur adjoint et de sous-directeur des administrations centrales de l’État, hormis certaines dérogations liées à des spécificités ministérielles, ont vocation à être occupés à 70 % par des administrateurs civils.

59 () Ce programme, mis en place dans les années 1990, permet à des jeunes diplômés de l’Université d’accéder directement à des emplois de la haute administration.

60 () Article précité, Actualité juridique du droit administratif, 2012, p. 1260.

61 () On observe que de telles dispositions contractuelles existent déjà dans certains cas. À titre d’exemple, le délégué général pour l’armement occupe un emploi à la décision du Gouvernement. Dès lors que son contrat prévoit qu’au moment de la cessation de ses fonctions, le titulaire du contrat perçoit une indemnité, l’administration doit respecter cette clause, dans la mesure où le contrat est parvenu à son terme (Conseil d’État, 30 juillet 2003, n° 250992). En outre, la Caisse des dépôts a recours à des contrats de droit privé pour « certains postes à haute technicité, difficilement pourvus par voie de concours et pour lesquels la formation professionnelle est lourde et pointue » (selon le site de la Caisse des dépôts).

62 () Dans le livre blanc du cinquantenaire de l’ENA.

63 () Le Monde, 3 octobre 2012. Proposition de loi organique (n° 236) sur la modernisation de la vie publique (octobre 2012).