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N
° 251

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2013 (n° 235),

PAR M. Christian ECKERT,

Rapporteur Général

Député

——

ANNEXE N° 5

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

Rapporteur spécial : M. Jean-François MANCEL

Député

____

INTRODUCTION 5

CHIFFRES CLÉS 8

I.– DES CONSTATS CONVERGENTS D’ÉVALUATION DE LA POLITIQUE FRANÇAISE D’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 11

A.– LES 5 FAIBLESSES DE L’AIDE PUBLIQUE 12

1.– Des objectifs dispersés 13

2.– Un défaut de stratégie 13

3.– Les instruments 14

4.– Le coût de gestion 15

5.– L’articulation action bilatérale/action multilatérale : le cas de la santé 17

B.– UNE POLITIQUE PEU LISIBLE ET UNE COMMUNICATION ABSENTE 20

II.– LE PROJET DE BUDGET POUR 2013 22

A.– LE PROGRAMME 110 : UN MANQUE DE TRANSPARENCE ET D’INDICATEURS DE RÉSULTATS 23

B.– LE PROGRAMME 209 : DES CRÉDITS EN BAISSE 29

1.– Les objectifs : des priorités géographiques et sectorielles 30

2.– Les principaux instruments 32

III.– LE COMPTE SPÉCIAL : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS 37

A.– PROGRAMME 851 PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS, DE LA RÉSERVE PAYS ÉMERGENTS, EN VUE DE FACILITER LA RÉALISATION DE PROJETS D’INFRASTRUCTURE 37

B.– PROGRAMME 852 PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS POUR CONSOLIDATION DE DETTES ENVERS LA FRANCE 38

C.– PROGRAMME 853 PRÊTS À L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT EN VUE DE FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DANS DES ÉTATS ÉTRANGERS 38

D.– PROGRAMME 854 PRÊTS AUX ÉTATS MEMBRES DE L’UNION EUROPÉENNE DONT LA MONNAIE EST L’EURO 39

COMPTE RENDU DE LA COMMISSION ÉLARGIE DU 31 OCTOBRE 2012 À 9 HEURES 30 41

EXAMEN EN COMMISSION 59

Article 62 : Majoration du plafond d’autorisation d’annulations de dettes aux États bénéficiant de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) 61

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION 65

ANNEXE : AUDITIONS ET VISITES RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 67

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 56 % seulement des réponses étaient parvenues à votre Rapporteur spécial. Ces retards compliquent et retardent la tâche de contrôle du Parlement.

INTRODUCTION

Le concept traditionnel d’aide publique au développement, né dans les pays de l’OCDE dans les années soixante, est remis en cause par l’évolution accélérée du monde contemporain. Depuis le second choc pétrolier et la crise des finances publiques européennes, la croissance est désormais l’apanage des pays du Sud et de l’Est. Cet ancien « Tiers-monde », s’il n’a pas maîtrisé la pauvreté, contribue plus par sa croissance à l’économie mondiale que les pays développés de l’OCDE. Ces derniers, dont le taux de croissance est en berne, peinent à afficher le taux d’aide de 0,7 % du RNB fixé comme objectif au sommet de l’ONU à Monterrey en 2002, connu sous le terme de « consensus de Monterrey ». La Chine représente 13 % du PIB mondial, l’Afrique connaît des taux de croissance de plus de 5 % depuis la dernière décennie, le Mexique, la Malaisie ou l’Indonésie sont, plus que la France, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, les moteurs de la croissance de demain. D’autre part, les apports du secteur privé à l’aide au développement, les dons privés et les transferts des migrants représentent, ensemble, des montants quatre fois supérieurs à l’aide publique mondiale au développement.

Entre 1990 et 2008, la part de la population mondiale vivant avec moins de 1,25 dollar par jour a diminué de moitié, passant de 43,1 % (1,9 milliard) à 22,4 % (1,3 milliard). Ce constat d’un monde en bouleversement rapide ne signifie pas que la pauvreté, la maladie et la faim ont disparu de l’horizon, quand plus d’un milliard d’êtres humains vit encore sous le seuil de pauvreté.

Après une hausse moyenne de PNB par habitant de 29 % entre 2000 et 2010 (contre 11 % en Union Européenne) l’Afrique représente les trois quarts de l’offre mondiale de platine, la moitié de l’offre du diamant et du chrome, assure un cinquième de l’approvisionnement en or et en uranium, tout en étant exportatrice de gaz et de pétrole. Sans l’aide des banques de développement internationales, l’Afrique ne peut actuellement transformer les richesses issues de la hausse des matières premières, soit en infrastructures commerciales, soit en offre de services publics d’éducation et de système de santé, soit en infrastructures de communication, routes ou réseaux de téléphone par satellite. La faim y est encore un problème crucial, et 48 % de la population y dispose de moins de 1,25 dollar par jour. En sens inverse, le Rapporteur spécial souligne à quel point la croissance atone de nos économies est d’ores et déjà fortement dépendante des nouvelles classes moyennes des pays émergents et de leurs besoins de consommation. Dans une économie mondiale globale, la croissance des pays émergents est une des rares perspectives de croissance qui s’offre à l’Europe.

Entre 2000 et 2010, l’aide au développement à destination de l’Afrique subsaharienne a connu une hausse de 14,71 milliards d’euros dont la majorité (62,7 %) était issue du plan d’action pour l’Afrique adopté au sommet du G8 de Gleneagles en 2005. Pendant cette période, l’amélioration des indicateurs de développement de l’Afrique subsaharienne et une forte performance économique sont allées de pair :

– 46,5 millions d’enfants supplémentaires scolarisés dans l’enseignement primaire ;

– production agricole en hausse de plus de 50 % dans 17 pays de la région subsaharienne ;

– accès à des traitements antirétroviraux pour plus de 5 millions de personnes vivant avec le VIH ; mais aggravation des taux de mortalité par le sida au Swaziland, Botswana, Lesotho, Afrique du Sud, Zambie et Zimbabwe ;

– taux de mortalité infantile en recul de plus de 4,3 % par an dans douze pays de l’Afrique subsaharienne (soit le taux de diminution nécessaire pour atteindre l’objectif du millénaire pour le développement dans ce domaine), et de plus de 8 % par an au Sénégal, au Rwanda et au Kenya.

Dans ce contexte, des résultats très rapides coexistent en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud–est, avec la persistance d’États fragiles, de conflits civils dramatiques qui s’étendent du Moyen-Orient à tout le continent africain, de la Syrie à la Somalie, au Soudan, à Madagascar et au Mali. De leur côté, les politiques d’aide au développement occidentales doivent aujourd’hui maximiser des ressources budgétaires plus rares, cibler leurs objectifs, pratiquer la transparence et la clarté, aider à l’amélioration de la gouvernance politique, s’adapter à la nouvelle donne des pays en crise et mieux mesurer les impacts de leurs efforts.

L’Union Européenne, qui contribue encore à la moitié de l’APD mondiale, est à la fois le bailleur le plus ancien et le plus généreux en termes d’aide au développement en pourcentage de son revenu national. Le Luxembourg, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas ont atteint le ratio de 0,7 % du RNB malgré leurs propres difficultés budgétaires, la Grande-Bretagne affiche encore cet objectif sans toutefois l’atteindre.

En France le réalisme conduirait peut-être à différer ou abandonner cet objectif à l’horizon 2015, même si notre pays annonce le ratio de 0,46 % d’aide publique en 2011 (avec la structure budgétaire en trois programmes qui était de mise jusqu’au projet de loi de finances pour 2013).

Il est certain que la France doit moderniser son approche et simplifier ses structures pour garder le bénéfice de son savoir-faire et ses acquis, tout en faisant mieux valoir ses priorités dans les réseaux d’aide multilatérale, et son avantage dans le domaine des financements innovants. Toutefois, cette évolution souhaitable ne doit pas occulter le bénéfice d’une politique d’aide au développement ancienne et structurée, qui a des réseaux et des collaborateurs engagés ; la France restant le quatrième donateur au plan mondial.

CHIFFRES CLÉS

La mission Aide publique au développement regroupe des crédits gérés conjointement par les ministères des Affaires étrangères, de l’Économie et des Finances. La politique d’aide au développement est, elle, répartie sur une vingtaine de programmes recensés par un document de politique transversale.

Les perspectives budgétaires des économies de l’Union européenne rendent difficile à atteindre l’objectif du taux de 0,7 % du revenu national brut consacré à l’aide publique au développement défini à Monterrey pour 2015. En ce qui concerne la France ce taux ne dépassera pas 0,46 % en 2011. Les avancées ouvertes par les financements innovants, comme la taxe sur les billets d’avion instaurée en 2006, au bénéfice de la lutte contre les maladies graves, ou le vote en 2012 de la taxe sur les transactions financières, fruit d’une longue bataille du Gouvernement précédent et des ONG, sont prometteuses. Toutefois, alors que la France est la première à mettre en œuvre ces financements, l’actuel Gouvernement limite la part de la taxe sur les transactions financières allouée à l’aide au développement, en dépit des promesses du Président de la République. Annoncée à 10 %, la part du produit de la taxe affectée au développement sera finalement plafonnée à 3,7 % en vertu de l’article 27 du projet de loi de finances pour 2013.

D’après le rapport de la Cour des comptes de juin 2012, et l’étude du cabinet Ernst & Young de septembre 2012, si la France reste le quatrième contributeur au comité d’aide au développement, la multiplicité des objectifs de notre politique, l’absence d’indicateurs de résultat, et la complexité de l’organisation administrative aboutissent à un coût de gestion excessif, des instruments dispersés et des résultats de l’aide au développement peu lisibles.

Dans le projet de loi de finances pour 2013, les crédits des programmes 110 et 209, qui composent la mission de l’aide publique au développement, ne respectent pas l’objectif de stabilité fixé pour le triennum 2011-2013. Le total des autorisations d’engagement diminue de 2,757 milliards d’euros demandés pour 2012 à 2,434 milliards d’euros, et de 3,323 milliards d’euros de crédits de paiement demandés pour 2012 à 3,125 milliards d’euros 
(– 6 %).

L’Agence Française de développement et sa filiale privée Proparco sont désormais l’opérateur essentiel de l’aide publique au développement française, agissant comme une banque de développement dynamique dotée d’un statut particulier, sous la tutelle des ministères compétents ; la politique de prêts doit respecter les priorités définies par l’État et la réglementation bancaire internationale, avec une forte progression des encours en 2011 (15,7 milliards d’euros d’encours brut des prêts pour compte propre). Les crédits de paiement atteignent 212 millions d’euros pour 2013.

Le compte de concours financiers qui recense les prêts à des États étrangers est composé de quatre sections, les programmes de crédits évaluatifs 851 Prêts à des États étrangers de la réserve pays émergents en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure, le programme 852 Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France, le programme 853 Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans les pays étrangers et le programme 854 Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro (qui concerne la Grèce).L’ensemble des crédits de paiement demandés pour 2013 s’élève à 1,2 milliard d’euros, tandis que les autorisations d’engagement se montent à 1,07 milliard d’euros.

I.– DES CONSTATS CONVERGENTS D’ÉVALUATION DE LA POLITIQUE FRANÇAISE D’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

Le tableau ci-après retrace et analyse la structure des montants d’aide au développement telle qu’elle a été notifiée au Comité d’aide au développement de l’OCDE en 2012 (Aide publique au développement de 2011).

DÉCLARATION PRÉLIMINAIRE DE LA FRANCE AU COMITÉ D’AIDE
AU DÉVELOPPEMENT DE L’OCDE (ÉDITION 2012)

(en millions d’euros)

Catégorie d’aides

nomenclature

versement

Aide publique au développement, nette

1 010

9 345,21

1. APD bilatérale, nette

1 015

6 111,21

Répartition de l'APD bilatérale nette par Types d'aide, sélection

 

6 111,21

a) Soutien budgétaire

1 100

117,40

b) Soutien bilatéral de caractère général aux organisations, programmes et financements groupés

1 200

57,50

c) Interventions de type projet

1 300

2 637,13

d) Experts et autres formes d'assistance technique

1 400

992,91

e) Allégement de la dette

1 600

865,99

f) Frais administratifs non compris ailleurs

1 700

332,76

g) Autres

 

1 107,51

dont

   

g1. Coûts imputés des étudiants et bourses et formations dans le pays donneur

 

711,33

g2. Aide aux réfugiés

 

392,41

g3. Autres

 

3,76

     

Répartition de l'APD bilatérale nette par Instruments financiers

 

6 111,21

a) Dons

1 921

4 301,81

b) Autres que dons, bruts

1 922

2 663,17

dont

   

b1. Prêts bruts

 

2 663,17

b2. Prises de participations

 

0,00

c) Autres que dons, nets

1 924

1 809,40

dont

   

c1. Remboursements de prêts (capital)

 

770,36

c2. Contre-écritures pour remise de dette

1 630

83,41

c3. Remboursements des participations

 

0,00

     

2. APD multilatérale, nette

2 000

3 234,00

Contributions multilatérales nettes aux :

 

3 234,00

a) Organismes des Nations Unies

2 101

171,73

b) UE

2 102

1 758,75

c) Banque mondiale (AMC, IDA, BIRD, SFI, AMGI)

547

460,82

dont

   

c1. Dons

 

460,82

c2. Prêts bruts

 

0,00

c3. Remboursements de prêts

 

0,00

d) Banques régionales de développement

2 105

171,22

dont

   

d1. Dons

 

171,22

d2. Prêts bruts

 

0,00

d3. Remboursements de prêts

 

0,00

Catégorie d’aides

nomenclature

versement

e) Autres

069

671,48

e1. Dons

   

e2. Prêts bruts

 

676,90

e3. Remboursements de prêts

 

182,76

   

188,17

Pour mémoire :

   

1. Répartition géographique de l'APD bilatérale nette :

   

a) Pays les moins avancés (PMA)

029

1 343,59

b) Pays d’Afrique

8 834

2 731,27

c) Pays d'Afrique subsaharienne

039

2 216,83

dont : Dons pour allégement de dette

8 839

791,69

d) Afghanistan, total

027

14,11

dont : Reconstruction pour l'Afghanistan

8 827

1,20

e) Irak, total

028

2,98

dont : Reconstruction pour l'Irak

8 828

0,00

2. Répartition sectorielle de l'APD bilatérale nette :

 

0,00

a) Aide humanitaire

070

15,52

dont : Reconstruction à court terme

088

1,60

b) Aide alimentaire développementale

060

0,00

3. Dons pour allégement de la dette

087

920,26

4. APD totale, brute

1 920

10 387,87

     

REVENU NATIONAL BRUT AUX PRIX DU MARCHÉ

001

2 033 805,00

APD en pourcentage du RNB

002

0,46 %

Population

004

Source : ministère des Affaires étrangères

Partant de ce montant de 9,3 milliards d’euros d’aide déclarée, deux évaluations concomitantes, le rapport de la Cour des comptes sur l’aide publique au développement de juin 2012 et le bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010, remis par le cabinet Ernst & Young en octobre 2012 à la demande des ministères de tutelle et de l’Agence française de développement, dressent un constat concordant des certaines faiblesses de la politique française. Ce constat coïncide d’ailleurs avec les observations réitérées de la Commission des Finances.

A.– Les 5 faiblesses de l’aide publique

La France est le quatrième contributeur mondial avec 9,3 milliards d’euros d’aide déclarée, après les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Elle dispose d’un réseau inégalé d’ambassades, de 112 services de coopération et de 716 assistants techniques, de 64 établissements culturels, de 176 alliances françaises, de plusieurs centres de recherche comme le C.i.r.a.d. (Centre de recherche agronomique sur le développement).

Toutefois le rapport de la Cour des comptes et le bilan de dix ans de politique de développement présenté par le cabinet Ernst & Young présentent des analyses concordantes sur certaines des faiblesses de notre politique d’aide au développement : des objectifs trop variés et trop ambitieux , associés à un défaut de stratégie et de véritable pilotage politique, des instruments hétéroclites, une gestion trop chère en raison de la redondance des appareils administratifs et de la dispersion des choix, qui finissent par peser lourd en période de restriction budgétaire.

1.– Des objectifs dispersés

La politique de coopération, aujourd’hui rebaptisée aide au développement par le nouveau titre du ministre délégué, doit tout d'abord restreindre et hiérarchiser ses objectifs. Une des particularités de la politique française au cours de la dernière décennie a en effet été de cumuler les priorités et les ambitions. Les Nations unies ont déjà défini 8 objectifs globaux et ambitieux pour le millénaire : réduire la pauvreté et la faim, assurer l’éducation primaire, renforcer l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le Vih sida, le paludisme et d’autres maladies, préserver l’environnement, mettre en place un partenariat mondial pour le développement. À ceux–ci, qui servent de cadre général aux politiques publiques de développement, s’ajoutent la protection des biens publics mondiaux, la recherche de l'influence nationale, la défense de l'intérêt de nos entreprises et la protection de l’environnement. Si aucun de ces objectifs n'est illégitime en soi, leur accumulation a brouillé les cartes, au regard de la simplification plus radicale adoptée par le Royaume-Uni. Il faudra, à l'avenir, mieux les hiérarchiser et en abandonner peut-être certains, dès lors que les moyens suffisants ne peuvent être mobilisés.

2.– Un défaut de stratégie

Le pilotage politique de la coopération manque de continuité. Si le Parlement n’est guère associé à son élaboration, à la différence des Parlements britannique ou allemand qui ont voté des lois spécifiques, le Gouvernement dispose du comité interministériel de la coopération internationale pour le développement (CICID), présidé par le Premier ministre. Mais ce dernier ne s’est pas réuni depuis juin 2009. Quelles que soient les orientations retenues, il serait d'autant plus nécessaire de restaurer un véritable pilotage que les acteurs étatiques chargés de sa mise en œuvre sont pluriels, ministères et opérateur. La responsabilité de la politique de coopération est aujourd'hui partagée entre le Président de la République qui fixe les engagements de la France dans les réunions internationales, le Premier ministre qui préside le CICID, le ministre délégué au développement, le ministre des affaires étrangères et le ministre des finances.

D'autres administrations sont également concernées : la recherche, les affaires sociales ou l'éducation nationale. Les collectivités décentralisées apportent également une contribution importante à l’aide publique nationale sur le terrain, au titre de laquelle elles reçoivent 9 millions d'euros d’aides. L'Agence Française de Développement s'est, quant à elle, progressivement imposée comme l'acteur pivot de la politique de développement sur le terrain, avec sa filiale privée Proparco. L’AFD concentre 22 % de l’aide publique au développement française et près de 80 % de l'aide bilatérale. Le dispositif local français de l’aide s'appuie en outre sur la multiplicité d'acteurs cités plus haut : les ambassades, les SCAC (services de coopération et d'action culturelle), les agences de l’AFD, les établissements culturels, alliances françaises, centres de recherche et autres services économiques, dont la coordination est variable selon les pays. Outre leurs objectifs communs, ces acteurs ont également des objectifs propres. La politique de coopération française est donc en réalité un ensemble obscur de politiques, qui déçoit parfois en affichant des objectifs dispersés sans lisibilité.

3.– Les instruments

Au cours de la décennie passée, cette politique a de plus en plus privilégié les prêts (plus d’un quart des financements en 2010 contre 10 % en 2005).

Si l’AFD a généré 4,3 milliards de prêts en 2010 avec un coût pour l’État de 355 millions d’euros, la liste des 6 pays bénéficiant de la moitié de l’encours des prêts est par ordre de montant décroissant : le Maroc, le Mexique, la Colombie, la Cote d’Ivoire, le Cameroun et l’Afrique du Sud. Ces prêts concessionnels ou non, (moins chers que le taux du marché) favorisent surtout les pays émergents générant un fort effet de levier (avec une extension controversée en Chine et en Asie centrale) et restent peu opérationnels dans les 49 pays les moins avancés (dont 33 se trouvent en Afrique subsaharienne). D’autre part, les prêts sont peu adaptés à certains secteurs comme la santé et l’éducation, la biodiversité et surtout aux pays les plus pauvres.

En définitive, l’aide française aux pays les moins avancés, qui sont le cœur de la cible du développement, n’atteignait en 2011 que 0,07 % du revenu national brut contre 0,13 % pour le Royaume-Uni. Parmi les instruments de l’aide française bilatérale, multilatérale ou transitant par le canal communautaire, se distinguent l’aide budgétaire, l’assistance technique, les prêts et les aide–projets de l’AFD, l’appui à la coopération décentralisée, l’appui aux ONG, le financement des instituts de recherche, l’aide à la francophonie, les actions en matière de santé et de financement de médicaments suscitées grâce aux financements innovants qui s’étendront bientôt à l’environnement, les annulations et refinancement de dette. Même si complexité ne signifie pas inefficacité, l’insuffisance de nos moyens d’évaluation (0,06 % des 9 milliards d’APD) est criante. Lors de la table ronde organisée au Sénat le 3 octobre dernier, M. Jean-Michel Séverino, ancien directeur de l’AFD et expert de l’aide au développement a reconnu que les chiffres de la déclaration de l’APD à l’OCDE « sont incompréhensibles tant ils ont subi les transformations, les structurations et les triturations destinées à rendre notre discours présentable. Ni indicateur d'objectifs, ni indicateur de mesure, ni indicateur d'efficacité, notre indicateur d'APD ne semble servir qu'à nous tromper sur la communication ».

4.– Le coût de gestion

La politique de coopération doit évidemment contenir son coût de gestion. Or celui-ci dépasse 700 millions d'euros par an – si l'on tient compte des différents réseaux publics concernés : les ambassades, les services du trésor et l'AFD –, soit un niveau proportionnellement plus élevé que chez nos partenaires. Ce coût doit donc être réduit, en tirant partie des réformes engagées dans les différents services du ministère des Affaires étrangères et du Trésor, et en prenant davantage appui sur le réseau des agences de l'AFD. Les crédits consacrés à l’évaluation sont inférieurs en France à la part consacrée à l’effort d’évaluation dans les autres pays du Comité d’aide au développement.

Le Rapporteur spécial souhaiterait évoquer ici le cas de la Grande-Bretagne. À ce jour, avec 9,7 milliards d’euros consacrés à l’APD en 2012, le Royaume-Uni est le 2ème plus gros contributeur européen derrière l’Allemagne. Après deux années de hausse (de l’ordre de 11 % par an) en 2009 et 2010, la crise a contraint les autorités britanniques à repousser la cible de 0,7 % du RNB consacré au développement à 2013. Ce pourcentage s’est finalement établi à 0,57 % du RNB en 2010 pour diminuer à 0,56 % du RNB en 2011. Il reste donc supérieur de dix points du RNB à notre effort.

LA RÉFORME DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT AU ROYAUME-UNI

1.– Un dispositif administratif et budgétaire concentré

La base légale du programme de coordination du développement au Royaume-Uni est l’International Development Act 2002, qui met le combat contre la pauvreté au centre de l’aide au développement (Official Development Assistance), conformément aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, fixés par les Nations Unies.

L’aide au développement britannique est principalement le fait du Ministère du Développement international (Department for International Development, le DFID), qui dépend du Cabinet. Le DfID dont le quartier général est situé à Londres et à East Kilbride, en Écosse, est organisé en 36 bureaux à travers le monde et a pour partenaires aussi bien des organisations caritatives (charities), telles Oxfam ou VSO, que des organismes internationaux tels que la Banque mondiale, les agences des Nations-Unies, les banques de développement régionales, la Commission européenne ou les fonds de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria.

En 2010-2011, l’aide distribuée par le DfID s’élevait à 7 689 millions de livres, soit 85 % du total brut des dépenses publiques consacrées au développement, dont 4 254 millions de livres (55 % de l’aide du DfID) consacrés à l’aide bilatérale et 3 222 millions de livres à l’aide multilatérale. Le reste (214 millions de livres) est consacré aux dépenses d’administration. On estime qu’en 2010-2011, le DfID a consacré 329 millions de livres de l’aide bilatérale aux ONG britanniques, sur un montant total de 351 millions de livres d’assistance humanitaire bilatérale.

Environ 15 % du total de l’assistance publique au développement provient d’autres ministères – le Foreign and Commonwealth Office, le Ministère de l’Énergie et du Changement climatique, le Ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales – ainsi que d’autres programmes plus modestes de ministères comme le Ministère de la Culture, des Médias et des Sports ou le Ministère de la Santé.

2.– La réforme de l’aide publique au développement au Royaume-Uni, initiée en 2010, tend à l’optimisation des ressources et de la transparence

Dans le contexte de crise économique et financière, la réforme en cours de l’aide publique au développement, initiée par le gouvernement de coalition de David Cameron en mai 2010, maintient l’objectif de 0,7 % du RNB. À l’heure actuelle, le financement du Royaume-Uni en la matière s’élève à 0,56 % du PIB. Signe du relatif consensus politique sur cette question, une proposition de loi privée (private bill) visant à inscrire l’objectif de 0,7 % du revenu national brut de l’aide publique dans une loi est actuellement en cours d’examen au Parlement. Bien que d’origine non gouvernementale, elle a des chances d’être adoptée dans la mesure où elle a reçu l’appui du Gouvernement qui prévoyait par ailleurs de déposer un projet de loi en ce sens.

La politique de développement du gouvernement repose sur trois piliers :

1) prévention des conflits et promotion de la « responsabilité de protéger » ;

2) création de richesses et d’emplois à travers la promotion du libre-échange et de l’investissement privé ;

3) maximisation de l’impact du budget de l’aide du Royaume-Uni et utilisation optimale des ressources afin de gagner l’appui du public et du contribuable britannique à la politique de développement britannique. C’est ce troisième pilier qui constitue essentiellement le cœur de la réforme de l’aide publique au développement.

En mai 2010, le Secrétaire d’État au Développement international, Andrew Mitchell, a ainsi initié une série d’audits des différents programmes d’aide.

L’audit du Programme d’Aide bilatérale (Bilateral Aid review, BAR) a abouti à réduire le nombre des pays partenaires auxquels le DfID contribue, soit directement, soit à travers des programmes régionaux, de 43 à 27. Sur les 140 pays qui recevaient une aide bilatérale du Royaume-Uni, pour l’essentiel au titre d’une remise de dettes ou de réponses humanitaires d’urgence, 43 pays relevaient d’un programme d’aide spécifique. D’ici 2016, les programmes d’aides à des pays comme la Chine, la Russie, le Vietnam ou le Niger par exemple seront progressivement clos.

L’audit du Programme d’Aide internationale multilatérale (Multilateral Aid Review, MAR), quant à lui, a permis de réduire le nombre des organisations internationales auxquelles le DfID contribue également. Ainsi, sur les 43 organisations évaluées, le DfID a quadruplé son financement de l’ONICEF et a supprimé le financement de quatre organisations internationales, Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-HABITAT), l’OIT, l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), et la Stratégie Internationale de Prévention des Catastrophes des Nations Unies (SISDR), ou conditionné le maintien de sa contribution à l’adoption de mesures d’urgences, auprès d’organisations telles que l’UNESCO, le FAO, le Secrétariat du Commonwealth ou l’Organisation internationale pour les Migrations (1).

Le programme du DfID, réactualisé en mai 2012, établit un calendrier détaillé des projets organisés autour de 6 priorités à honorer d’ici 2015, parmi lesquelles le renforcement de la gouvernance et la sécurité dans les pays ou les zones affectées par des conflits, des programmes à destination des jeunes filles et des femmes ou de la lutte contre le changement climatique. L’accent est tout particulièrement mis sur la nécessité de fournir un dispositif d’aide transparent, économe et responsable. À cette fin, le DfID publie des plans opérationnels, périodiquement actualisés, par pays partenaires, des objectifs visés, ainsi que des rapports d’étapes sur les résultats obtenus. Le DfID utilise un système d’allocation budgétaire basé sur des indicateurs de performance des résultats atteints par ses représentations dans les pays partenaires. Le document de travail, Results framework, lui fournit un outil d’évaluation des progrès opérés à partir de quatre niveaux d’objectifs et d’indicateurs : le premier niveau vise les progrès réalisés dans des objectifs clés de développement tels que la réduction de la mortalité infantile, l’accès à l’éducation ; le niveau 2 donne l’évaluation chiffrée des contributions et des résultats propres au DfID à travers ses programmes bi ou multilatéraux ; le niveau 3 concerne la gestion et l’évaluation des opérations (programme et priorités du DfID), et le niveau 4, les ressources organisationnelles du DfID dans l’optique d’une réduction des coûts administratifs.

En sus des audits effectués en 2011, l’instauration d’un comité de surveillance en matière d’aide au développement a été jugée nécessaire. Mis en place en mai 2011, l’Independent Commission for Aid Impact (ICAI) est un organisme indépendant, chargé de rendre compte de l’efficacité de la dépense de l’aide britannique auprès de la Commission spéciale pour le Développement international (International Development select Committee) de la Chambre des Communes (IDC). L’ICAI, dont le champ d’investigation porte aussi bien sur le DfID que sur les autres ministères, publie en moyenne 10 à 15 rapports en ligne par an concernant l’allocation des ressources de l’aide britannique en fonction des critères d’efficience et d’évaluation du rapport coût/bénéfices (value for money).

5.– L’articulation action bilatérale/action multilatérale : le cas de la santé

En ce qui concerne l’articulation des actions bilatérales et multilatérales, la Cour des comptes remarque que les représentations françaises auprès de la Banque mondiale et l’Union européenne ne jouent pas assez le jeu du réseau avec les ambassades et les agences de l’AFD pour optimiser l’efficacité respective des interventions bilatérales et multilatérales.

À titre d’exemple, le savoir-faire et l’expérience française en matière de santé, qui est passée d’un modèle de coopération bilatérale à la prépondérance des contributions à des fonds multilatéraux comme le fonds mondial Sida, fait ci-dessous l’objet de l’analyse du cabinet Ernst &Young.

COOPÉRATION SANITAIRE FRANÇAISE

Les priorités de l’aide française en matière de santé sont dans l’ensemble stables depuis le début des années 2000 et traduisent un choix politique pertinent et cohérent vis-à-vis des grands enjeux pris en compte par la communauté internationale et par l’Union européenne, de s’impliquer en direction des OMD dans un cadre multilatéral. Mais les clés de l’arbitrage entre les engagements multilatéraux et bilatéraux ne sont pas clairement définies dans les stratégies. Les analystes relèvent une perte de visibilité de la France auprès des pays partenaires, la difficulté de tracer l’influence française dans les programmes multilatéraux auxquels elle contribue, et une articulation faible entre les interventions multilatérales et bilatérales (à l’exception notable de la lutte contre le SIDA).

Seule la première priorité accordée à l’Afrique emporte l’adhésion de tous et fait l’objet d’une convergence forte.

Le pilotage, la programmation et la mise en œuvre de la stratégie sont handicapés par une répartition mal stabilisée des responsabilités entre plusieurs dispositifs institutionnels impliquant plusieurs ministères et l’AFD, et par la multiplicité des acteurs, très hétérogènes et poursuivant des objectifs et des logiques très divers.

La coopération de la France dans le secteur de la santé a profondément changé en trois décennies, passant d’échanges bilatéraux sur un large spectre d’interventions, basés sur un tissu de relations denses hérités de la période coloniale, à une approche largement multilatérale des problématiques de santé.

La contribution française au développement sanitaire des pays en développement est historique et la France a longtemps été le seul partenaire bilatéral des autorités sanitaires sur le terrain, en particulier en Afrique francophone, en collaboration avec l’OMS et l’UNICEF. Les politiques et stratégies de coopération du Gouvernement français dans le champ de la santé ont privilégié la lutte contre les grandes endémies (maladie du sommeil, fièvre jaune, paludisme...) et les soins hospitaliers, en accordant une grande importance au développement de la médecine moderne, de la médecine tropicale et de l’épidémiologie des pays du Sud.

Dans les années quatre-vingt, le secteur de la santé était le premier poste de l’APD française, et comportait un effort important en matière de formation et d’assistance technique (en 1982 l’assistance technique française représentait la moitié de l’assistance technique mise à la disposition des pays en développement par les pays développés). La part consacrée au secteur a ensuite connu une diminution relative chronique pour ne plus représenter que 4% de l’aide à la fin des années quatre-vingt-dix.

Les évolutions récentes de l’intervention française se caractérisent par une augmentation de la part de l’aide en direction de la santé (qui a représenté 12 % du total de l’APD française en 2010), et par l’importance croissante du canal multilatéral depuis 2004, reliées à plusieurs facteurs :

– la dégradation des contextes et des situations dans les pays du Sud, confrontés à des situations démographiques, sociales et économiques évolutives, en prise aux processus de forte urbanisation et de croissance démographique, à la faiblesse des moyens nationaux consacrés à la santé (2), au dysfonctionnement général des systèmes de santé. À ces éléments s’est ajouté l’impact social et économique considérable de l’épidémie du SIDA dès la fin des années quatre-vingt.

– la décision de la communauté internationale en 2000 de prendre résolument en main le développement humain à travers les Objectifs Mondiaux pour le Développement, (OMD) avec des priorités accordées à la santé infantile et maternelle (objectifs 4 et 5), à la lutte contre le SIDA le paludisme et d’autres maladies (objectif 6), à l’accès aux médicaments essentiels (cible 17 de l’objectif 8).

– la création de fonds verticaux destinés à l’atteinte des OMD, à travers trois grandes initiatives globales pour lesquelles la France s’est fortement mobilisée : le Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP) créé en 2002, l’Alliance mondiale pour la vaccination et l’immunisation (GAVI) créée en 1999, et UNITAID lancé en 2006 pour développer l’accès aux traitements du Sida, de la tuberculose et du paludisme.

La réforme de la coopération française à partir de 1998 a accéléré la réduction régulière de l’assistance technique, qui constituait auparavant un socle relationnel important et traditionnel en appui institutionnel, et en appui opérationnel particulièrement en direction des hôpitaux. Dans le domaine de la santé, la réforme a souvent été décrite et ressentie comme un véritable désengagement de la France, et une importante perte de visibilité.

Les montants de l’APD française reflètent ces tendances. La part de l’aide consacrée au secteur de la santé s’est nettement redressée, très largement canalisée par le biais des financements multilatéraux.

Contre 4 % de l’APD à la fin des années 90, la France a consacré en 2010 plus de 12 % de son aide publique au développement à la santé, soit plus d’un milliard d’euros (1 046 millions d'euros), dont 72 % de ces interventions sont affectées à des actions dans un cadre multilatéral, prépondérant depuis 2004, et portant principalement sur le Fonds Mondial pour le Sida et la tuberculose (financement porté de 300 millions d'euros à 360 millions d'euros par an pour le triennum 2011-2013), UNITAID (140 millions d'euros par an) et l’Alliance GAVI (montant de 20 millions d'euros y compris le mécanisme de financement innovant IFFIm, facilité financière internationale pour la vaccination).

La part bilatérale dans le domaine de la santé était encore de 28 % en 2010, soit 252 millions d’euros, affectés notamment aux projets portés par l'AFD (3 % des engagements de l’AFD concernent la santé pour un montant de 129 millions d’euros aux actions du GIP ESTHER, à l’assistance technique, aux C2D (au total, 48 millions d’euros ont été consacrés au secteur de la santé dans le cadre des C2D achevés au Mozambique, en Ouganda, en Bolivie ; les montants alloués au secteur dans les C2D en cours Cameroun, Congo, Mozambique, Ouganda, Bolivie, représentent 109 millions d’euros), au soutien aux ONG, à l’appui à la recherche contre le Sida.

Les positions politiques adoptées au rythme des grands rendez-vous internationaux expliquent aussi en partie la multilatéralisation de l’APD française dans le secteur de la santé.

La contribution au Fonds mondial pour le Sida est ainsi une manifestation de la volonté française de s’engager en faveur des OMD, et la contribution de la France est allée crescendo (150 millions d'euros en 2005, 225 millions d'euros en 2006, 300 millions d'euros par an pour 3 ans annoncés à Berlin en septembre 2007, 360 millions d'euros par an sur 3 ans annoncés au sommet des OMD de New York en 2010). La France est actuellement le deuxième contributeur au Fonds Mondial. De même, la participation importante de la France à UNITAID, corollaire de l’implication française en faveur des financements innovants(3), a été décidée au plus haut niveau politique.

Dans leur majorité les analystes relèvent la perte de visibilité de la France auprès des pays partenaires et la difficulté de tracer l’influence française dans les programmes multilatéraux auxquels la France contribue, ou de manière plus générale la valorisation de ses options sur le développement d’un secteur dans lequel son expérience est pourtant très établie (le système français de santé est considéré par l’OMS comme l’un des plus performants au monde).

Plusieurs faiblesses dans l’articulation bilatéral-multilatéral sont mises en avant :

– le suivi jugé insuffisant des interventions « santé et autres services » du système Association internationale de développement-Banque mondiale et la valorisation du savoir-faire français dans les appels d’offres (appui institutionnel, programmes de santé, perspectives de partenariat…) ;

– l’influence française est également évaluée comme faible sur la mise en œuvre des programmes Fonds Européen de Développement dans le secteur de la santé ;

– l’articulation insuffisante entre les programmes des fonds verticaux et la présence française sur le terrain (relais et suivi).

B.– UNE POLITIQUE PEU LISIBLE ET UNE COMMUNICATION ABSENTE

L'absence de suivi et d'évaluation ne permet pas la correction et la mise en concurrence des procédés d’intervention, puis leur amélioration progressive. Le deuxième impact est une défaillance de la communication. Faute de stratégie précise et forte, on constate en effet une absence de communication vers le grand public, ce qui ne favorise pas l'adhésion des citoyens à l'effort de la France en faveur du développement qui fait peu débat et qui suscite peu d’enthousiasme et de relais, faute de communication sur les résultats. Même absence de communication envers les organisations internationales et les fonctionnaires français placés auprès de ces instances. La seule « opération de communication » récente a été la bataille menée par l’ancien Président de la République et les ONG en faveur de l’affectation d’une partie de la taxe sur les transactions financières (TTF) au développement.

Cette affectation de la TTF à un Fonds de solidarité pour le développement a fait l’objet de déclarations aux sommets du G8 (Deauville, en mai 2011), du G20 (Cannes, en novembre 2011 et Los Cabos, en juin 2012), de la conférence des Nations unies sur le développement durable (« Rio+20 », 20 au 22 juin 2012), de la conférence mondiale sur le Sida à Washington (22 au 27 juillet 2012), ainsi que de promesses réitérées et solennelles de l’actuel Président de la République. En définitive cet engagement se solde par un pourcentage si minime dans le projet de budget pour 2013 (10 % plafonnés à 3,7 %) que parler de déception devient un euphémisme. La crédibilité de la politique de développement de la France n'est pas optimisée quand elle est soumise au risque d'interventions et de promesses contradictoires au fil des sommets internationaux, non suivies des crédits correspondants.

Enfin, on constate que la fragmentation du dispositif nuit à la lisibilité de l’action de la France auprès des pays bénéficiaires. Un certain nombre de pays, tout en notant une forte présence française, éprouvent des difficultés à comprendre le partage des responsabilités et le rôle de chacun au sein du dispositif local français, l’APD à proprement parler ne constituant qu’un des éléments de la politique d’influence et de la diplomatie de notre pays.

La communication sur les montants de l’APD et l’absence de politique claire se solde donc par des résultats mitigés, alors même que la France est un donateur important. L’absence totale de discours sur les résultats en est une seconde faiblesse.

Si l’on se réfère à la communication adoptée en Grande –Bretagne sur la politique d’aide au développement , le rapport du Département pour le développement international britannique publié par l’Agence du DfID commence par l’énumération des résultats atteints en 2010-2011 :

– envoi de 5,3 millions d’enfants à l’école primaire ;

– distribution de 12 millions de moustiquaires contre la malaria ;

– sauver de la faim à 2,7 millions d’enfants et de femmes enceintes ;

– aide alimentaire d’urgence à 6 millions de personnes ;

– amélioration des conditions d’hygiène de 7,4 millions de personnes ;

– traitement de 900 000 cas de tuberculose ;

– fourniture d’eau potable à 7,3 millions de foyers ;

– vaccination de 37,3 millions d’enfants par l’intermédiaire de Gavi.

Le Rapporteur spécial doit chercher dans le rapport annuel de l’Agence Française de Développement pour disposer d’éléments comparables, absents naturellement du programme d’action prioritaire et du document de politique transversale, quand ce dernier est disponible en temps utile :

– amélioration du système d’alimentation en eau potable pour 1,53 million de personnes ;

– amélioration du réseau d’assainissement pour 1,48 million de personnes ;

– amélioration de l’accès à l’électricité pour 6,15 millions de personnes ;

– scolarisation de 4 millions d’enfants en primaire et de 2 millions d’enfants en classe de collège.

De plus ces quelques indicateurs de résultats, comme « le nombre de personnes gagnant un accès pérenne à une source d’eau potable améliorée chaque année » sont calculés ex-ante, c’est-à-dire sur la base de résultats escomptés et non pas de résultats obtenus (spécificité du dispositif actuel de mesure des résultats à l’AFD).

La pertinence des indicateurs et des données ainsi recueillies dépend du mode de collecte de l’information.

Si l’on compare avec les indicateurs mis en place par le DfID (agence britannique de développement), la différence est importante. Au lieu de mesurer leurs engagements, les indicateurs britanniques mesurent le nombre de bénéficiaires des différents programmes et actions menées par le DfID sur les différents thèmes prioritaires. Le ministre de l’aide au développement a reconnu l’absurdité de notre absence d’indicateurs de résultats, à la Table ronde du Sénat sur l’avenir de la politique de coopération française au développement le 3 octobre dernier.

Pour le citoyen, les batailles d’experts sur la contribution française au comité d’aide au développement sont peu lisibles. Malgré l’élaboration d’un document cadre de politique de coopération en 2011, le Parlement réclame une politique, qui est peu discutée, et des résultats, qui ne lui sont guère transmis. À cet égard, une loi de programmation serait utile à la clarification de cette politique.

II.– LE PROJET DE BUDGET POUR 2013

La mission Aide publique au développement est une mission interministérielle qui se compose pour 2013 de deux programmes : le programme 110 Aide économique et financière au développement, géré par le ministère de l’Économie et des finances, et le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en voie de développement sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères. L’ancien programme 301 Développement solidaire et migrations, qui relevait en 2012 du ministère de l’Intérieur, est désormais réintégré au ministère des Affaires étrangères et incorporé au programme 209.

Par ailleurs, la mission ne regroupe qu’une partie minoritaire de l’effort d’aide publique français : environ 37 % de l’effort global d’aide publique au développement (APD) au sens du Comité d’aide au développement (CAD).

Les autres composantes de l’APD française sont rappelées dans le document de politique transversale Politique de la France en faveur du développement qui parvient rarement aux parlementaires dans un délai qui leur permette un examen satisfaisant des crédits de la mission.

Les crédits regroupés au sein des trois programmes de la mission APD transitent par plusieurs canaux : bilatéral (aide directe à un pays partenaire), européen (aide mise en œuvre par la Commission européenne) et multilatéral hors Union européenne (aide mise en œuvre par les organisations et programmes internationaux). Le tableau ci-dessous retrace l’évolution des crédits de la mission entre 2012 et le projet de loi de finances pour 2013.

PRÉSENTATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME ET PAR ACTION

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé
du programme
et de l’action

Ouvertes
en LFI
pour 2012

Demandées pour 2013

FDC et ADP attendus
en 2013

Ouverts en LFI pour 2012

Demandés pour 2013

FDC et ADP attendus en 2013

110

Aide économique et financière multilatérale

649 461 363

495 957 313

 

1 191 903 953

1 161 898 434

 

01

Aide économique et financière multilatérale

170 204 693

64 000 000

 

721 656 795

673 847 576

 

02

Aide économique et financière bilatérale

351 221 020

431 540 238

 

371 734 338

374 932 716

 

03

Traitement de la dette des pays pauvres

128 035 650

417 075

 

98 512 820

113 118 142

 

209

Solidarité à l’égard des pays en développement (LFI 2012 retraitée)

2 108 508 546

1 938 938 526

 

2 131 352 293

1 963 706 031

 

02

Coopération bilatérale

651 145 449

609 108 083

 

652 022 530

604 308 922

 

05

Coopération multilatérale

420 352 814

414 719 840

 

442 319 480

436 786 506

 

07

Coopération communautaire

789 605 000

694 025 000

 

789 605 000

694 025 000

 

08

Dépense de personnels concourant au programme « Solidarité à l’égard des pays en voie de développement »

222 405 283

210 085 603

 

222 405 283

210 085 603

 

09

Actions de co-développement

25 000 000

11 000 000

 

25 000 000

18 500 000

 

Source : projet annuel de performances

Globalement les crédits de paiement de la mission diminuent d’un total de 3,323 milliards d’euros à 3,125 milliards d’euros en 2013 (– 6 %). Le Rapporteur spécial constate que la politique d’aide au développement n’est pas une priorité du Gouvernement.

A.– LE PROGRAMME 110 : UN MANQUE DE TRANSPARENCE ET D’INDICATEURS DE RÉSULTATS

Géré par le directeur général du trésor, le programme 110, Aide économique et financière au développement, est mis en œuvre par le ministère de l’économie et des finances dans le cadre des orientations fixées par le comité interministériel pour la coopération et le développement (CICID) et les objectifs du millénaire pour le développement. Sa spécificité est de concentrer les crédits destinés aux banques multilatérales de développement ainsi que le financement des annulations de dettes multilatérales.

L’aide multilatérale de la France est répartie entre cinq blocs d’organisations internationales de développement :

– Les institutions de l’Union européenne, qui représentent en moyenne sur la décennie passée, près de 60 % du total de l’aide multilatérale. Depuis 2006, leur part a significativement baissé, passant de 72 % à 52 % en 2010. Il s’agit exclusivement de nos contributions au budget de la Commission Européenne (pour la partie allouée au développement) et au Fonds européen de développement (FED) ;

– Le groupe Banque mondiale dont la part dans l’aide multilatérale oscille durant les dix dernières années entre 11 % et 19 %. La grande majorité de nos financements directs concernent l’Association internationale pour le développement (AID), hormis le prêt contracté par la BIRD auprès de l’AFD en 2010 d’un montant de 203 millions d'euros destiné au fonds pour les technologies propres (CTF) ;

– Les agences des Nations Unies dont la part dans l’aide multilatérale a été divisée par deux entre 2000 (10 %) et 2010 (5 %) ;

– Les banques régionales et fonds spécifiques, dont la part dans l’aide multilatérale française a baissé les années précédentes : ils représentent 4 % de l’aide multilatérale nette en 2010, alors qu’en moyenne entre 2000 et 2006, leur part était de l’ordre de 7 % ;

– Les autres agences multilatérales dont les principales institutions sont le Fonds Monétaire International, le Fonds pour l’environnement mondial, le Protocole de Montréal, le Fonds mondial pour la lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme (FMSTP). Leur proportion dans l’aide multilatérale, notamment le FMSTP, a augmenté sensiblement sur la décennie passant de 3 % en 2000 à 22 % en 2010.

Quatre indicateurs ont été associés aux objectifs du programme. Ces objectifs tendent à faire valoir les priorités stratégiques françaises dans les banques et fonds multilatéraux, et à assurer la gestion efficace et rigoureuse des crédits décaissés. Les indicateurs mesurent notamment l’effet de levier des crédits budgétaires sur la capacité d’intervention de l’AFD pour les prêts concessionnels, la capacité de l’État à orienter l’action de l’AFD et des institutions multilatérales en direction des priorités géographiques qu’il a définies, ou encore la capacité de la France à se coordonner avec les autres bailleurs et à mener à bien des projets de développement.

L’effet de levier correspond au rapport entre le montant total des engagements en prêts concessionnels (souverains et non souverains) de l’AFD et le coût budgétaire correspondant. Un prêt d’un montant de 100 millions d'euros avec un coût budgétaire de 20 millions d'euros correspond ainsi à un effet de levier de 5. L’objectif fixé pour l’effet de levier correspond à un équilibre entre la maximisation de l’efficacité de la dépense publique – qui se traduit en particulier par le développement des activités de prêt souverain faiblement ou non bonifié à des pays émergents (Chine, Indonésie et Brésil notamment) – et la priorité réaffirmée aux pays d’Afrique – auxquels un niveau élevé de bonification doit être consenti.

La méthode de calcul du coût-État des prêts de l’AFD a été revue en 2010 pour qu’il constitue une mesure plus fidèle de la réalité de l’effort financier fourni par l’État. En particulier, le taux choisi pour représenter le coût de refinancement de l’État dans ce calcul est désormais le TEC10 (taux de l’échéance constante à 10 ans, calculé par l’Agence France Trésor), contre un taux fixe de 5 % auparavant.

Cette réforme a eu notamment pour conséquence une diminution sensible du coût-État des prêts octroyés par l’AFD, qui traduit principalement le fait que le coût de refinancement de l’État est moindre par rapport à une époque antérieure où les taux d’intérêts étaient plus élevés. Cette baisse du coût État a entraîné une augmentation significative de l’effet de levier des prêts de l’AFD, sans que cette augmentation corresponde à une inflexion de la politique de prêts de l’Agence. Ainsi, avec la nouvelle méthode, l’effet de levier était de 9,1 en 2010 (contre 6,7 selon l’ancien calcul). Les montants indiqués pour la période 2011-2015 sont de fait difficilement comparables avec le montant 2010. Il est à noter enfin que l’évolution de cet indicateur sera dorénavant plus fidèle à la réalité mais de fait plus délicate à prévoir, puisque l’effet de levier dépend des conditions du marché dans la nouvelle méthode.

Le Rapporteur spécial observe que l’effet de levier mesurant le rapport entre le volume total de prêts concessionnels octroyés par l’AFD et l’effort budgétaire correspondant, il ne mesure en rien l’impact sur le développement des pays destinataire des prêts.

Pour l’indicateur de résultat, le programme d’action prioritaire renvoie au programme 852 Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France. En revanche, le programme comporte un indicateur mesurant la performance globale de l’activité de l’AFD, même si le financement de cette institution relève également d’autres programmes (essentiellement les programmes 853 Prêts à l’AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers géré par le ministère de l’Économie et des finances, et le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement géré par le ministère des Affaires étrangères).

L’un des indicateurs mesure la part des ressources des banques multilatérales affectées aux zones géographiques prioritaires, qui sont l’Afrique subsaharienne et les pays les moins avancés, au travers des engagements de l’Agence internationale de développement, du Fonds africain de développement, du Fonds Asiatique de développement, de la Banque interaméricaine de développement, du Fonds international de développement agricole et du Fonds multilatéral du protocole de Montréal. Cet indicateur reste aux environs de 50 % pour l’Afrique sub-saharienne et 54 % pour les pays les moins avancés, soit une « priorité » assez mesurée, compte tenu du poids majoritaire de l’AID-Banque mondiale qui consacre 45,72 % de ses crédits à l’Afrique subsaharienne, mais qui représente 73 % de l’ensemble des fonds multilatéraux. Le Rapporteur spécial estime que la priorité devrait être plus accentuée, s’agissant de zones plus fragiles. L’audition des représentants du ministère des Finances lui a confirmé que les efforts d’influence dans les fonds les plus importants, l’AID-Banque mondiale et la Banque africaine de développement coïncident avec un effort particulier pour les pays fragiles comme Madagascar et le Mali, mais il s’inquiète néanmoins des résultats. Les tableaux ci- dessous présentent les crédits demandés pour 2013.

programme 110 prÉsentation des crÉdits et dÉpenses fiscales
Autorisations d’engagement

(en euros)

Action

Titre 3 dépenses
de fonctionnement

Titre 6 dépenses d’intervention

Titre 7 dépenses d’opérations financières

Total pour 2013

01 Aide économique et financière multilatérale

 

29 000 000

35 000 000

64 000 000

02 Aide économique et
financière bilatérale

8 306 400

423 233 838

 

431 540 238

03 Traitement de la dette des pays pauvres

 

417 075

0

417 075

Total

8 306 400

452 650 913

35 000 000

495 957 313

crÉdits de paiement

(en euros)

Action

Titre 3 dépenses
de fonctionnement

Titre 6 dépenses d’intervention

Titre 7 dépenses d’opérations financières

Total pour 2013

01 Aide économique et
financière multilatérale

 

110 323 779

563 523 797

673 847 576

02 Aide économique et financière bilatérale

7 406 400

367 526 316

 

374 932 716

03 Traitement de la dette des
pays pauvres

 

56 694 044

56 424 098

113 118 142

Total

7 046 400

534 544 139

619 947 895

1 161 898 434

Source : projet annuel de performances

Les autorisations d’engagement diminuent de 649 millions d’euros en 2012 à 495 pour 2013, (– 31 %) et les crédits de paiement restent stables, passant de 1,19 milliard d’euros à 1,16 milliard d’euros demandés pour 2013. Le tableau ci-dessous compare les contributions de la France et des quatre autres premiers donateurs d’APD multilatérale, qui nous situe en première position avant l’Allemagne et la Grande Bretagne.

LA FRANCE ET LES CINQ PRINCIPAUX BAILLEURS EN 2010
D’AIDE PUBLIQUE MULTILATÉRALE

(en millions d’euros)

 

France

Allemagne

Japon

Royaume-Uni

États-Unis

Rang de la France parmi les cinq

Total NU

255

371

518

573

947

5

Total UE

2 661

2 926

0

2 009

0

2

Total Banque Mondiale

872

763

1 931

1 441

1 263

4

Total Banques régionales et fonds spéciaux

1 132

595

311

717

1 173

2

Total multilatéraux

5 128

4 950

3 684

5 036

3 766

1

Source : ministère des Finances

Compte tenu du montant élevé de nos contributions, le Rapporteur spécial insiste, à l’instar de la Cour des comptes, sur la nécessité de construire un dispositif d’évaluation de la politique bi-multilatérale en s’inspirant du concept britannique « Value for money », et de mieux profiter de nos réseaux dans les instances multilatérales pour faire adopter les priorités de notre politique.

Il rappelle pour mémoire, outre la participation de la France au groupe de la Banque mondiale et au Fonds monétaire international pour 400 millions de crédits de paiement, notre implication au titre du programme 110 dans 11 fonds sectoriels, comme le Fonds de transition de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement dans la Méditerranée, le Fonds de lutte contre les juridictions non coopératives, le Fonds du sarcophage de Tchernobyl, qui ne concerne en rien l’aide au développement, le Fonds pour l’environnement mondial, le Fonds pour le protocole de Montréal. Il saisit mieux l’utilité de notre engagement auprès des Banques régionales africaine (126,9 millions de crédits de paiement), asiatique et interaméricaine.

En réponse au questionnaire de la Commission des finances sur l’évaluation, le Rapporteur spécial a reçu la réponse suivante : « Ainsi depuis 2004, l’unité d’évaluation de la direction générale du Trésor a élargi son périmètre d’intervention en direction des politiques multilatérales (dotation aux fonds fiduciaires ouverts auprès des banques de développement, dotations aux organisations multilatérales – AID en 2007, FEM en 2008, FAfD en 2009-2010, FIDA et FAsD en 2011), notamment lors de la reconstitution de ces fonds. Cet élargissement s’inscrit dans le processus de renforcement de la coopération entre bailleurs et d’amélioration de la division du travail promu par la communauté internationale dans le cadre de la « déclaration de Paris ». Depuis 2010, les résultats des évaluations sont transmis conjointement avec l’AFD et le MAE aux commissions des finances et des affaires étrangères des deux assemblées. Des stratégies ont en outre été développées (Banque Mondiale, Union Européenne, organisations multilatérales) afin d’assurer la pertinence de notre implication et sa bonne cohérence avec l’action bilatérale. »

En réalité, le Rapporteur spécial ne dispose aucunement de ces évaluations et reçoit le Document de politique transversale la veille du passage de la mission en commission élargie. Ce retard systématique dans l’information du Parlement, s’il n’est pas dû à une stratégie délibérée, est un élément de dysfonctionnement dû à la dispersion des structures administratives qui se retrouve immanquablement dans la prise de décision, comme l’ont établi et regretté les évaluateurs.

Tout au plus, les réponses du ministère des Finances permettent de vérifier une légère progression de l’aide bilatérale par rapport au montant de l’aide multilatérale entre 2010 et 2011, le partage bilatéral/multilatéral est passé d’un rapport 60/40 en 2010 au ratio 65/35 en 2011 ainsi que l’indique le tableau ci-dessous.

PARTAGE DE L’AIDE PUBLIQUE BILATÉRALE ET MULTILATÉRALE

(versements nets en millions de dollars)

PAYS

APD 2010 (données définitives)

Total

Bilatérale

Multilatérale

Valeur

Part

Valeur

Part

1.États Unis

30 353

26 587

88%

3 766

12%

2.Royaume Uni

13 053

8 017

61%

5 036

39%

3.Allemagne

12 985

8 036

62%

4 950

38%

4.France

12 915

7 787

60%

5 128

40%

5.Japon

11 021

7 337

67%

3 684

33%

6.Pays-Bas

6 357

4 841

76%

1 516

24%

7.Espagne

5 949

3 999

67%

1 951

33%

8.Canada

5 209

3 926

75%

1 282

25%

9.Norvège

4 580

3 561

78%

1 019

22%

10.Suède

4 533

2 915

64%

1 618

36%

TOTAL DONNEURS CAD

128 465

90 957

71%

37 508

29%

(versements nets en millions de dollars)

PAYS

APD 2011 (données définitives)

Total

Bilatérale

Multilatérale

Valeur

Part

Valeur

Part

1. Etats Unis

30 745

27104

8%

640

12%

2. Allemagne

14 533

8 923

61%

5 610

39%

3. Royaume Uni

13 739

8 022

58%

5 717

42%

4. France

12 994

8 497

65%

4 497

35%

5. Japon

10 604

6 262

59%

4 342

41%

6. Pays-Bas

6 324

4 196

66%

2 128

34%

7. Suède

5 606

3 665

65%

1 942

35%

8. Canada

5 291

4 047

76%

1 244

24%

9 .Norvège

4 936

3 751

76%

1 185

24%

10.Espagne

4 264

2 327

55%

1 937

12%

TOTAL DONNEURS CAD

133 526

92 665

69%

40 861

31%

Source : données du CAD de l'OCDE

B.– LE PROGRAMME 209 : DES CRÉDITS EN BAISSE

Le programme 209 est piloté par le ministère des Affaires étrangères et européennes, sous la responsabilité du directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats. Il met en œuvre l’aide bilatérale française, conformément aux décisions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Il participe, en outre, au financement de l’action européenne et multilatérale de la France (Fonds européen de développement, Fonds mondial Sida ainsi qu’aux divers fonds multilatéraux relevant des programmes des Nations Unies). Le tableau ci-dessous rappelle l’évolution des crédits demandés entre 2012 et 2013.

PRÉSENTATION DES CRÉDITS PAR TITRE ET CATÉGORIE

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Titre et catégorie

Ouvertes en LFI pour 2012

Demandées pour 2013

Ouverts en LFI pour 2012

Demandés pour 2013

Titre 2.

Dépenses de personnel

222 400 283

210 085 603

222 400 283

210 085 603

Rémunérations d’activité

181 782 476

173 412 930

181 782 476

173 412 930

Cotisations et contributions sociales

37 887 621

34 650 857

37 887 621

34 650 857

Prestations sociales et allocations diverses

2 730 186

2 021 816

2 730 186

2 021 816

Titre 3.

Dépenses de fonctionnement

36 989 335

32 177 450

41 389 335

37 577 450

Dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel

28 046 138

28 332 833

33 346 138

33 732 833

Subventions pour charges de service public

8 943 197

3 844 617

8 043 197

3 844 617

Titre 6.

Dépenses d’intervention

1 849 118 928

1 696 675 473

1 867 562 675

1 716 042 978

Transferts aux ménages

13 216 911

9 966 727

13 216 911

9 966 727

Transferts aux entreprises

14 985 000

13 936 050

14 985 000

13 936 050

Transferts aux collectivités territoriales

9 835 586

9 147 095

9 835 586

9 147 095

Transferts aux autres collectivités

1 811 081 431

1 663 625 601

1 829 525 178

1 682 993 106

Total

2 108 508 546

1 938 938 526

2 131 352 293

1 963 706 031

Source : projet annuel de performances

Le Rapporteur spécial observe que les crédits de paiement baissent de 7 %, tandis que les autorisations d’engagement diminuent de 8 %. D’autre part, le plafond d’emplois du ministère des affaires étrangères est diminué de 163 ETPT. Le Rapporteur spécial s’inquiète des conséquences de cette évolution sur le réseau de l’assistance technique qui diminue de 839 à 716 ETPT, ce qui est notoirement insuffisant , alors que ces personnels apportent une aide d’autant plus précieuse que les pays d’accueil sont plus démunis.

1.– Les objectifs : des priorités géographiques et sectorielles

Le programme 209, qui représente 45 % des crédits de la mission, s’articule autour de quatre actions (bilatérale – action 2 ; multilatérale – action 5 ; communautaire – action 7 et action 8 – dépenses de personnels concourant au programme) répondant à quatre enjeux :

– la lutte contre la pauvreté et l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ;

– l’appui à une croissance économique équitable, durable et créatrice d’emploi ;

– la bonne gestion des biens publics mondiaux ;

– la promotion de la gouvernance démocratique, de l’état de droit et du respect des droits de l’homme.

Le Rapporteur spécial observe avec satisfaction que les subventions versées aux organisations de solidarité internationale françaises pour mettre en œuvre des projets de développement de leur initiative seront doublées en cinq ans, soit une augmentation de 9 millions d'euros en 2013 par rapport à 2012, et un total de 54 millions d'euros pour 2013.

Le programme 209 met en œuvre l'aide bilatérale française selon des partenariats différenciés et des cibles géographiques ou thématiques qui s’additionnent :

– les activités se concentrent en Afrique subsaharienne, qui devrait bénéficier d’au moins 60 % de l’effort financier de l’État.

Une attention particulière est portée aux 17 pays pauvres prioritaires que la France soutient dans l’atteinte des OMD et l’amélioration de la gouvernance démocratique. L’objectif est de faire bénéficier ce groupe de pays des instruments les plus concessionnels et de leur verser au moins 50 % des subventions ;

– les pays de Méditerranée, où la France doit contribuer à hauteur de 20 % pour soutenir une croissance créatrice d’emplois, accompagner les mutations sociales et préserver l’écosystème méditerranéen ;

– les pays émergents, où les instruments du programme 209 tendent à accompagner les progrès des systèmes économiques et sociaux locaux, notamment dans une perspective de préservation des biens publics mondiaux. Ces instruments doivent aussi consolider les savoir-faire et les intérêts économiques français comme l’influence de la France, particulièrement à travers la formation des élites locales ;

– les pays en crise, que celles-ci résultent de catastrophes naturelles ou de conflits politico-militaires. L’aide française manifeste la solidarité de la France envers les populations touchées, tend à accompagner l’évolution démocratique de sociétés en conflits ethniques, religieux ou politiques, à participer à leur reconstruction, quand les infrastructures économiques et sociales ne fournissent pas le socle nécessaire à la prévention ou à l’éradication des crises.

Le programme 209 finance également des actions de soutien à l’État de droit, comme celles menées en Afghanistan ou aux pays de la bande sahélienne.

Outre les secteurs de concentration de l'aide bilatérale décidés par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) en juin 2009 (santé, éducation et formation professionnelle, agriculture et sécurité alimentaire, développement durable et soutien à la croissance), plusieurs thématiques transversales sont également prises en compte telles que notamment les enjeux de la gouvernance démocratique, les questions d’intégration régionale, la dimension du genre et le co-développement.

La promotion de l’égalité femmes-hommes est une priorité de l’action française de coopération. Elle est soutenue par des actions financées au travers du fonds de solidarité prioritaire : « égalité homme–femme et développement économique » et « lutte contre les violences faites aux femmes » contribuent à ces objectifs.

Dans le cadre des engagements de « Muskoka », la France s’est engagée à financer à hauteur de 500 millions d'euros additionnels les programmes de santé maternelle et infantile. Une approche « genre » transversale est privilégiée au travers des activités menées par l’UNICEF, le FNUAP et ONU Femmes, cofinancées par ce programme. Les postes consacrent aussi une part de leurs crédits délégués à ces actions. Le réseau « Genre en action » reçoit annuellement une subvention du MAE. Suite au Printemps arabe, un projet de FSP sur l’emploi des femmes et des jeunes femmes dans le monde arabe est en cours. D’une façon générale, 40 % de l’aide publique au développement française place les inégalités de genre comme objectif principal ou secondaire de son action.

Le programme 209 participe au financement de l’action européenne et multilatérale de la France. Le programme finance le Fonds européen de développement (FED), instrument de la coopération entre l’Union européenne et le groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Les prévisions de la Commission européenne concernant les appels à contribution des États membres en 2013 s’établissent à 3 550 millions d'euros, ce qui représente 694 millions d'euros pour la contribution française.

Le programme 209 participe également au financement de plusieurs fonds sectoriels, comme le Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme (300 millions d'euros par an sur 2011-2013) ou les fonds destinés au Partenariat mondial pour l’éducation.

2.– Les principaux instruments

● L’aide-projet

Les crédits d’aide-projet sont destinés à financer des projets ou programmes de développement. Ils sont mis en œuvre :

– via le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), dans les domaines de la gouvernance (justice, sécurité, droits de l’Homme…), de l’enseignement supérieur, de la culture et de l’audiovisuel ;

– par l’Agence française de développement (AFD) pour les autres secteurs (éducation de base, formation professionnelle, santé, environnement, secteur privé, infrastructures et développement urbain, eau, agriculture et développement rural). L’AFD contribue également à la préservation des biens publics mondiaux dans certains pays émergents en complément de son action dans la zone de solidarité prioritaire ;

– via les subventions allouées aux organisations de solidarité internationale françaises.

 Le Fonds de solidarité prioritaire (FSPdispose de 54 millions d’euros de crédits de paiement pour 2013.

Le FSP est l’instrument de l’aide-projet du ministère des affaires étrangères. Issu de la réforme du dispositif de la coopération française engagée en 1998, il a été créé par décret n° 2000-880 du 11 septembre 2000 et a remplacé le Fonds d’aide et de coopération (FAC), fonds créé en 1959 afin d’accompagner les États africains nouvellement indépendants.

Il est un instrument privilégié de la mise en œuvre de partenariat avec les États. Sa vocation institutionnelle concerne l’ensemble des structures publiques d’un pays (ministères, collectivités territoriales, établissements publics) - de concertation avec les autres bailleurs de fonds en favorisant les cofinancements en faveur de l’UNICEF, de l’Organisation internationale du travail (OIT) ou de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ;

– Le FSP doit agir contre la pauvreté en partenariat avec la société civile, soit directement à travers les opérations des ONG soit indirectement par l’effet des projets sur les plus démunis. Le Rapporteur spécial regrette que les crédits du FSP ne cessent de diminuer depuis 2009, de 102 millions d’euros à 54 millions d’euros pour 2013, alors que les projets « Pays » correspondant à des enveloppes budgétaires d’utilisation rapide, dont la mise en œuvre est confiée aux ambassades sont très utiles. Ils ont pour objet de permettre le financement de microprojets locaux pour lutter contre la pauvreté et renforcer la société civile.

 L’Agence française de développement (AFD) (212 millions d’euros de crédits de paiement pour 2013)

L’AFD est l’opérateur-pivot en charge de la mise en œuvre de la politique française de coopération et de développement, dans le cadre des orientations définies par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dont le capital est entièrement détenu par l’État français, l'AFD est placée sous la cotutelle du ministère des affaires étrangères, du ministère de l’économie et des finances. En tant qu’institution financière spécialisée, l’AFD est par ailleurs soumise aux dispositions du code monétaire et financier applicables aux établissements de crédit. Ses comptes sont certifiés par deux cabinets de commissaires aux comptes et soumis aux contrôles de la Cour des comptes, de la Commission bancaire, et de l’Autorité des marchés financiers. L’AFD gère les dons –projets, l’appui aux ONG et les contrats de désendettement et de développement (C2D) financés dans le cadre du processus d’annulation de la dette des pays pauvres très endettés. Elle est un instrument essentiel de la modernisation et de l’efficacité de l’action en matière d’aide au développement. Le Rapporteur spécial observe qu’en étant le levier actif sur le terrain, l’AFD joue un rôle clé, compte tenu de la multiplication des tutelles et de la dispersion des objectifs, tant au plan de la conception des aides que dans ses agences locales.

L’AFD intervient dans une cinquantaine de pays, dont environ 35 d’Afrique subsaharienne ainsi que dans les pays en crise ou en sortie de crise. L’AFD dispose ainsi d’une large palette d’instruments – allant des subventions projets classiques à des outils plus spécifiques, comme l’assistance technique, les programmes de renforcement des capacités ou encore les fonds fiduciaires – capables de répondre aux besoins particuliers des pays en développement. Ces subventions sont allouées dans les secteurs d’intervention de l’Agence : agriculture et sécurité alimentaire, éducation et formation professionnelle, santé et lutte contre le SIDA, eau et assainissement , environnement et ressources naturelles, infrastructures et développement urbain ainsi que dans les secteurs productifs. Elle a succédé au ministère des Affaires étrangères dans la responsabilité du financement des ONG (54 millions d’euros en 2013, soit une augmentation de 16 %).

L’évolution depuis 2009 des crédits notifiés à l’AFD se présente comme suit.

CRÉDITS ALLOUÉSÀ L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

PLF2013

Autorisations d’engagement

228

178

205

216

217

Crédits de paiement

278

196

314

205

212

Source : projet annuel de performances

Conformément au contrat d’objectifs et de moyens conclu entre l’AFD et l’État sur la période 2011-2013, l’Agence emploie les subventions projets pour intervenir en priorité dans les pays pauvres prioritaires définis par le CICID (chaque année au moins 50 % des dons). En 2011, les ressources ont été allouées en priorité à l’Afrique subsaharienne (74 % de l’enveloppe de subventions) dont près de 67 % dans les pays pauvres prioritaires. Les prêts souverains ont doublé en Afrique subsaharienne entre 2010 et 2011, atteignant 1,3 milliard d’euros, alors que les prêts non souverains ont diminué de 624 à 378 millions d’euros. La répartition sectorielle des engagements est la suivante.

RÉPARTITION DES ENGAGEMENTS PAR SECTEUR

(en millions d'euros)

 

2009

2010

2011

Agriculture et sécurité alimentaire

45

20 %

39

21 %

26

12 %

Eau et assainissement

15

6 %

26

14 %

24

11 %

Education et formation professionnelle

30

13 %

16

9 %

40

19 %

Environnement et ressources naturelles

15

7 %

27

15 %

10

5 %

Infrastructures et développement urbain

28

12 %

32

18 %

28

13 %

Santé et lutte contre le Sida

52

23 %

15

8 %

45

21 %

Secteur productif

32

14 %

17

9 %

28

13 %

Autres et multisecteurs

12

5 %

10

5 %

9

4 %

Total

229

 

182

 

210

 

Source : projet annuel de performances

Afin d’éclairer l’action de l’Agence française de développement, l’encadré ci-dessous reprend les diverses activités de l’agence locale de Tunis en 2012.

LE GROUPE AFD ET LE SECTEUR PRIVÉ EN TUNISIE

Le groupe de l’Agence Française Développement (AFD), principal opérateur du dispositif français d’aide publique au développement, apporte des financements à des projets publics ou privés qui contribuent au développement des économies des pays émergents et en développement.

Le secteur privé étant au cœur des enjeux de développement, le groupe AFD et notamment sa filiale, PROPARCO, y consacre une partie importante de ses concours ; en Tunisie, cette part est de 500 millions d’euros sur le 1,5 milliard d’euros engagés par le groupe AFD depuis 1992. Ces financements ne sont pas assortis de clause d’origine car il ne s’agit pas d’aide liée et peuvent donc être attribués à toute entreprise. PROPARCO, filiale de l’AFD consacrée au soutien du secteur privé, dispose d’une offre variée ; elle a octroyé environ 250 millions d’euros de financements depuis son installation en 1993 en Tunisie et intervient de deux manières.

● Elle apporte des ressources financières à long terme pour le secteur financier qui est diversifié, mais manque de ressources longues ; PROPARCO les apporte en devises ou en dinars, sous forme de lignes de crédits bancaires, de prises de participation au capital (fonds d’investissement) ou de garanties bancaires, pour permettre au secteur financier tunisien d’offrir des solutions de financement adaptées aux entreprises qui investissent.

À titre d’illustration, PROPARCO a participé au capital de 4 fonds d’investissement dédiés à la Tunisie (6,5 millions d’euros) autour de 2 acteurs principaux, TUNINVEST et SPPI. Ces fonds ont financé plus d’une centaine d’entreprises tunisiennes, correspondant à près de 8 000 emplois.

PROPARCO apporte aussi des lignes de crédit à long terme à 5 des principaux établissements financiers de Tunisie (ATB, BIAT, BT, Tunisie Leasing, UBCI), en refinancement de leurs activités de crédit aux entreprises mais aussi aux particuliers pour l’habitat.

● PROPARCO peut également intervenir en direct auprès de certaines entreprises, généralement dans le cadre de projets d’infrastructures impliquant des structurations financières particulières (producteurs privés d’électricité, concessions…) ou des secteurs « pionniers » (santé, éducation) dans la mesure où son intervention peut permettre à ces projets ayant de forts impacts sociaux de boucler leur plan de financement.

À titre d’illustration, elle a approuvé en 2008 un financement de 30 millions d’euros pour le nouvel aéroport d’Enfidha (7 millions de passagers par an) ou encore un financement de 7,5 millions de dinars tunisiens pour la construction d’une clinique privée de référence régionale dans le domaine de la cancérologie.

L’AFDP finance les entreprises à travers des intermédiaires financiers sous forme de prêts à taux « bonifiés » :

● S’agissant de la restructuration financière des entreprises dans le cadre de la mise à niveau industrielle : l’AFP a octroyé aux banques 4 lignes de crédit pour un total de 94 millions d’euros. Au total, ce sont près de 140 entreprises et plus de 22 500 emplois qui auront ainsi été soutenus à travers les interventions de l’AFD.

● Le secteur hôtelier : l’AFD a accordé aux banques une ligne de crédits de 50 millions d’euros. 10 établissements en ont déjà bénéficié sur un objectif de 50. L’AFD a apporté aussi une subvention de 1 million d’euros pour accompagner les activités du ministère du tourisme.

● L’AFD a accordé à 3 banques une ligne de crédits de 40 millions d’euros destinés à promouvoir les investissements environnementaux de 75 entreprises (dépollution, efficacité énergétique ou utilisation d’énergies renouvelables), et une subvention de 1,26 million d’euros au profit de l’ANME (agence nationale de maîtrise de l’énergie) et l’ANPE (agence nationale pour la protection de l’environnement).

● Elle a octroyé un financement de 2 millions d’euros à l’institution de Micro-Finance Enda Intearabe pour financer son développement en zone rurale.

● L’AFD travaille avec la SOTUGAR pour faciliter l’accès des créateurs d’entreprises aux financements bancaires, avec le soutien du ministère français de l’immigration et du développement solidaire. Elle propose aussi aux banques son dispositif de garantie ARIZ pour encourager le financement des PME.

Enfin, l’AFD/PROPARCO a récemment mis en place un fonds d’investissement de 250 millions d’euros pour soutenir les entreprises en Méditerranée (FISEM).

III.– LE COMPTE SPÉCIAL : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

Outils essentiels de l’aide publique au développement de la France, les prêts à des États étrangers font l’objet d’une mission du budget de l’État et composent un seul et même compte de concours financier. Ils sont dotés de crédits évaluatifs en application de l’article 24 de la Lolf. Leurs objectifs divers, qu’il s’agisse de financer directement des projets de développement ou de contribuer à la soutenabilité d’une dette publique jugée trop lourde, permettent une division des prêts français en quatre sections ou programmes. Le Nigéria, la République démocratique du Congo, le Congo et la Cote d’Ivoire ont été les pays bénéficiaires les plus concernés par les annulations ou les rééchelonnements de dette depuis le début des années 2000.

A.– PROGRAMME 851 PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS, DE LA RÉSERVE PAYS ÉMERGENTS, EN VUE DE FACILITER LA RÉALISATION DE PROJETS D’INFRASTRUCTURE

Le programme 851 retrace les prêts de la Réserve pays émergents qui ont pour but de faciliter la réalisation des projets d’infrastructure. Cette aide économique participe au développement des pays émergents, tout en faisant appel à des biens et services français pour leur réalisation. Ce programme est doté de 447 millions d’euros de crédits de paiement et de 380 millions d’euros d’autorisations d’engagement.

Ces crédits doivent respecter les règles de l’OCDE en matière de crédits d’aide, qui fixent notamment des niveaux minima de concessionnalité pour les financements octroyés. Dans ce cadre, les décisions de financement sont prises par le ministre de l’Économie sur avis d’un comité interministériel. Ainsi, entre 2009 et 2011, des protocoles ont été signés sur des projets de montants importants avec le Maroc (tramway à Casablanca), la République dominicaine (assainissement de 5 villes) ou encore le Vietnam (métro d’Hanoï). Un important projet de protocole de 70 millions d’euros avec le Pakistan (station de traitement des eaux) a toutefois été abandonné. Sur la période 1999 à 2011, le volume de prêts versés au titre de la Réserve pays émergents s’est élevé à 1,6 milliard d’euros.

Les demandes de crédits de paiement reposent sur des estimations des tirages au titre des protocoles déjà signés, dont les projets sont en cours de réalisation ou en passe d’être engagés. Pour 2013, outre le projet de LGV au Maroc, les principaux décaissements prévus concernent les projets des métros du Caire et de Hanoï, le tramway de Rabat, un projet de ponts métalliques au Sri-Lanka et l’assainissement de villes en République dominicaine.

B.– PROGRAMME 852 PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS POUR CONSOLIDATION DE DETTES ENVERS LA FRANCE

Ce programme retrace les contributions financières de la France au rétablissement d’un niveau d’endettement soutenable, soit pour les pays pauvres éligibles à l’initiative internationale en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) lancée en 1996, soit pour les pays en développement dans le cadre de l’approche définie au sommet d’Evian. Il est doté de 250,21 millions d’euros en autorisation d’engagement et en crédits de paiement.

L’initiative PPTE est particulièrement sensible : elle a pour objectif de restaurer la solvabilité des pays bénéficiaires par une double politique d’annulation et de refinancement des dettes. Cette initiative englobe 39 pays dont 32 ont déjà atteint leur point d’achèvement. Le Burkina Faso, le Burundi, la Gambie, Haïti, la République Démocratique du Congo et Sao Tomé sont encore considérés comme à fort risque de crédit et aucun élément ne permet d’envisager une amélioration de la situation. La France met en œuvre des traitements de dettes en faveur de ces pays dans le cadre multilatéral du Club de Paris, qui regroupe les créanciers publics les plus importants, et a ainsi l’occasion de procéder, d’une part, à des annulations de dettes, qui relèvent du programme 110 Aide économique et financière au développement. D’autre part, elle mène aussi, au titre du programme 852, des opérations de refinancement qui consistent à rembourser un prêt ancien au moyen d’un prêt nouveau accordé aux conditions négociées en Club de Paris. Les prêts nouveaux ainsi octroyés constituent les dépenses relatives au présent programme. Les prévisions sont établies au vu des accords susceptibles d’être conclus au cours de l’année à venir et peuvent évoluer en fonction de la situation économique des pays débiteurs concernés.

Pour 2013, les montants demandés dans le projet de loi de finances correspondent pour l’essentiel au traitement de la dette de deux pays. Celle du Zimbabwe tout d’abord, qui doit cependant et au préalable procéder à l’apurement de ses arriérés accumulés vis-à-vis des institutions financières internationales. Le traitement de la dette de la Birmanie pourrait aussi être examiné, suite aux élections législatives de 2012 et à la reprise de ses relations avec l’ensemble de la communauté internationale.

C.– PROGRAMME 853 PRÊTS À L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT EN VUE DE FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DANS DES ÉTATS ÉTRANGERS

Les dépenses du programme contribuent, par le biais du financement de l’AFD, à la mise en œuvre de l’aide économique et financière allouée par la France et qui a deux objectifs : soutenir la stabilité macro-économique et créer les conditions de la croissance et de réduction de la pauvreté dans les pays aidés. Les crédits de paiement demandés s’élèvent à 330 millions d’euros et les autorisations d’engagement à 447 millions d’euros pour 2013.

Ce programme comporte une action unique par laquelle l’État octroie, à des termes très préférentiels, des prêts à l’AFD, (sous la forme de prêts d’une durée de 30 ans, assortis d’un taux d’intérêt de 0,25 % avec 10 ans de différé du remboursement du principal). Cette Ressource à Condition Spéciale (RCS) permet ensuite à l’AFD d’octroyer des prêts concessionnels, souverains ou non. L’AFD utilise les crédits du programme 853 conjointement avec les crédits du programme 110 pour octroyer à la fois ces prêts souverains et non souverains concessionnels.

Compte tenu de la pluriannualité des engagements du programme 853 évoqué ci-dessus, la demande de crédits de paiement pour 2013 correspond principalement à la mise en œuvre d’engagements antérieurs. Les autorisations d’engagement déléguées à l’AFD une année donnée génèrent des crédits de paiement au fur et à mesure du décaissement des différentes tranches du prêt correspondant.

D.– PROGRAMME 854 PRÊTS AUX ÉTATS MEMBRES DE L’UNION EUROPÉENNE DONT LA MONNAIE EST L’EURO

Ce programme a été spécifiquement créé pour retracer la participation de la France au mécanisme financier mis en place par les membres de la zone euro en vue de préserver la stabilité financière de la zone en 2010.

Ce mécanisme, destiné aux États membres de la zone euro ne pouvant plus faire face à leurs besoins de trésorerie, n’a été à ce jour mis en œuvre que pour la Grèce en mai 2010. En effet, la mise en place du Fonds européen de stabilité financière (FESF) puis du Mécanisme européen de stabilité (MES) qui devrait être opérationnel à l’automne 2012 a rendu nécessaire l’intervention bilatérale directe des États membres par un mécanisme de prêt.

Ainsi, ce programme a versé la dernière tranche de prêt bilatéral à la Grèce en décembre 2011, le deuxième programme d’assistance financière à la Grèce étant intégralement pris en charge par le FESF depuis une décision commune de mars 2012.

Ce programme va donc être mis en sommeil, aucune dépense n’ayant eu lieu en 2012, ni aucun mouvement n’étant envisagé avant le premier remboursement prévu pour 2020.

COMPTE RENDU DE LA COMMISSION ÉLARGIE
DU 31 OCTOBRE 2012 À 9 HEURES 30

(Application de l’article 120, alinéa 2, du Règlement)

M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, monsieur le ministre chargé du développement, je suis heureux de vous accueillir, en mon nom personnel et au nom de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, qui m’a chargé de le remplacer.

C’est en commission élargie que nous allons vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2013.

La conférence des présidents du 31 juillet dernier a reconduit cette procédure, destinée à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre les ministres et les députés. Les rapporteurs des commissions disposeront de cinq minutes pour vous interroger. S’exprimeront ensuite, également pendant cinq minutes, les porte-parole des groupes. Enfin, tous les députés qui le souhaitent pourront vous poser des questions, leur intervention étant limitée à deux minutes.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. L’aide au développement étant une composante essentielle de notre politique étrangère, il est capital que nous puissions débattre de ses objectifs et de ses moyens – lesquels ont toujours été insuffisants par rapport aux besoins. La question dépasse les clivages politiques habituels, comme le montre le fait que nos commissions aient choisi pour rapporteurs des membres de l’opposition.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les prêts à des États étrangers. Il serait bon qu’à l’avenir, le Gouvernement nous réponde dans de meilleurs délais. Le 10 octobre, date limite fixée par la LOLF, nous n’avions reçu que 56 % de ses réponses. Le document de politique transversale où figurent les deux tiers des sommes consacrées à l’aide au développement ne nous est parvenu qu’hier. Il est difficile de travailler dans ces conditions.

Les crédits de la mission baissent d’environ 6 %, et l’objectif d’investir 0,7 % de notre PIB dans l’aide publique du développement avant 2015 est loin d’être atteint. Si difficile que soit la conjoncture, on en déduit que la mission n’est pas une priorité du Gouvernement. Dans ces conditions, quel est l’avenir ? Retrouverons-nous les crédits de 2013 à la fin de la loi de programmation, qui s’achève en 2015 ?

La Cour des comptes a rédigé un rapport approfondi sur la gestion de l’aide publique au développement. Par ailleurs, le gouvernement précédent avait chargé le cabinet Ernst & Young d’analyser la politique française dans ce domaine entre 1998 et 2010. Leurs critiques convergent : complexité, poursuite de trop nombreux objectifs, coût élevé de la gestion, manque d’évaluation. Quelles conséquences en tirez-vous ? Quelle politique mettrez-vous en œuvre pour gagner en efficacité, à l’heure où les moyens se réduisent ?

Depuis plus de dix ans, bien des postes d’assistants techniques ont été supprimés. Il en reste seulement un peu plus de 700, ce qui est très peu, alors que ce personnel joue un rôle essentiel. Quelle est votre position sur ce point ?

L’AFD, l’Agence française de développement, est le bras armé de notre politique d’aide au développement. Cette institution efficace emploie d’excellents collaborateurs au niveau tant national que local. Quelles missions lui confierez-vous dans les années à venir ? Conserverez-vous la même ligne ou l’infléchirez-vous ?

Il faut tourner la page de la Françafrique, mais ne perdons pas de vue les liens d’histoire, d’amitié et de fraternité qui nous unissent au continent africain. Ne nous éloignons pas de lui au moment où il renaît ; ne laissons pas la place à des pays étrangers. Quelles actions pourrions-nous mener pour occuper avec plus de vigueur la place qui doit être la nôtre auprès de nos amis africains ?

Durant la campagne électorale, le candidat François Hollande avait promis qu’il affecterait à l’aide au développement une part importante de la TTF, la taxe sur les transactions financières. Comme beaucoup de mes collègues de toutes les formations politiques, j’ai été déçu que l’article 27 de la première partie de la loi de finances ne retienne que le taux de 10 %, réduit en fait à 3,7% par les dispositions de l’article 26. J’ai essayé d’amender le texte sans succès. Pensez-vous qu’au niveau européen, une part de la taxe pourrait être affectée au développement ?

À ces réserves près, j’invite mes collègues à voter les crédits de la mission au bénéfice sinon du doute, du moins de l’espérance.

M. Jacques Myard. Un emprunt au bonheur !

M. Hervé Gaymard, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour l’aide publique au développement. Je fais miennes les remarques et les questions de M. Mancel, notamment à propos de la TTF.

En ce qui concerne l’efficacité de l’aide internationale, nous traversons une période de pessimisme. Les pré-discussions commencent sur les objectifs du millénaire pour le développement. Quant à l’aide française, entre le rapport de la Cour des comptes, le travail d’Ernst & Young et la revue par les pairs qui va commencer au sein de l’OCDE, elle est dans une période charnière. Partout sévit l’austérité, même si la Grande-Bretagne, qui effectue des coupes dans son budget domestique, continue d’augmenter les fonds alloués à l’aide au développement.

Ma première question porte sur la réalité des chiffres. Le document de politique transversale qui nous est parvenu hier en fin d’après-midi contredit le document budgétaire publié en septembre. Les divergences portent sur des sommes significatives : près de 300 millions d’euros sur l’exercice de 2012, 100 millions pour 2013, et presque autant pour 2014 et pour 2015. Accordez vos violons si vous voulez que la représentation nationale puisse se prononcer dans de bonnes conditions !

Même incertitude pour le prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne : on passe de 967 millions d’euros en 2013 à 1,76 milliard en 2014, alors que les arbitrages européens en matière d’aide au développement n’ont pas encore été rendus. Un tel flou est dommageable pour la sincérité des chiffres.

J’en viens au problème de leur signification. Quelle est votre position sur ce qu’on a appelé le « fétichisme du 0,7 % ». Ce taux sera-t-il atteint ? Est-il pertinent ? Un autre le serait-il davantage ? Récemment, le Canada s’en est publiquement affranchi. Pour paraphraser le cardinal de Retz, faut-il sortir de l’ambiguïté, fût-ce à notre détriment ?

Quel que soit notre groupe parlementaire, nous sommes tous attachés à la priorité africaine, surtout quand elle concerne les pays les plus pauvres. Or ceux-ci voient depuis dix ans les dons de la France diminuer « au profit » des prêts. Quelle est votre position sur le sujet ? Compte tenu de l’encours considérable des prêts de l’Agence française de développement, les remboursements pourraient excéder les dons au cours des prochaines années. Notre aide au développement deviendrait alors négative, ce qui serait pour le moins singulier !

Selon une idée commune, la bosse des annulations de dettes serait derrière nous. Il ressort pourtant du document de politique transversale qu’on pourrait constater un ressaut en 2015, avec l’annulation de quelque 1,3 milliard de dettes. Qu’en sera-t-il réellement ?

Enfin, comment concevez-vous les Assises du développement et de la solidarité internationale, que vous vous apprêtez à piloter ? Comment associerez-vous la représentation nationale à cet exercice aussi important qu’utile ?

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement. Les retards dont vous vous plaignez sont imputables à la charge de travail considérable qu’entraîne, outre le lancement des assises, la conjonction de plusieurs évaluations. Je vous prie d’excuser mon administration pour cet engorgement, mais je constate que le retard existe aussi quand une mission est confiée à un cabinet extérieur comme Ernst & Young, qui ne remettra son rapport qu’en novembre.

M. Mancel a parlé d’une baisse générale du budget. Si les programmes 110 et 209 diminuent d’environ 200 millions, nous disposerons cependant d’une capacité d’engagement supplémentaire de 160 millions, grâce aux 10 % de la TTF estimée à 1,6 milliard. La somme, qui ne figure pas dans les crédits de paiement, est mentionnée dans les documents que vous avez reçus. Pour les trois prochaines années, nous bénéficierons ainsi d’une capacité d’engagement de 480 millions. À cet égard, nous avons tenu notre engagement, même s’il prend une forme budgétaire peu lisible.

Ces 10 % se scinderont en deux parties. La première, dédiée à l’environnement et au climat, passera essentiellement par le Fonds vert créé à Copenhague, qui ne sera opérationnel qu’en 2014. De ce fait, nous n’aurons pas à la décaisser en 2013. La seconde partie de la taxe ira au poste santé/sida.

Soit dit sans polémique, le gouvernement précédent, qui avait instauré la TTF, prévoyait qu’elle abonderait le budget général de l’État, sans plus de précision. C’est nous qui, dans le contexte contraint que vous connaissez, avons choisi d’en affecter 10 % à l’aide au développement.

Ainsi, plutôt que d’une baisse de l’effort en faveur de la solidarité internationale, on peut parler d’une quasi-stabilité des crédits, puisque la diminution de 200 millions est compensée par 160 millions supplémentaires. De plus, nous avons récupéré 200 millions du FED, le Fonds européen de développement, qui n’avaient pas été décaissés. On peut donc considérer que la capacité d’engagement réelle est stable, voire qu’elle augmente. En tout cas, notre logique consiste à stabiliser l’effort en faveur de la solidarité internationale.

Quelles leçons tirer du rapport de la Cour des comptes, du bilan d’Ernst & Young et des différents efforts d’évaluation ? La première leçon que j’en ai tirée m’a conduit à organiser des Assises du développement et de la solidarité internationale. Du 5 novembre à début mars, ces assises, engagement de campagne de François Hollande, ouvriront un débat public qui n’a pas eu lieu depuis quinze ans. Elles s’articuleront autour de cinq chantiers.

Nous nous interrogerons d’abord sur notre vision du développement après 2015, dans un contexte où il est désormais impossible de séparer les objectifs du millénaire de lutte contre la pauvreté et ceux du développement durable – c’était également la position du précédent gouvernement. Dans ce domaine, les agendas se rejoignent. Ainsi, il est impossible de réfléchir sur la pauvreté au Sahel sans prendre en compte l’impact du changement climatique sur les écosystèmes les plus vulnérables.

En second lieu, nous nous interrogerons sur l’efficacité et la transparence de l’aide. En la matière, la France est en retard sur certains de ses voisins, notamment britanniques. Depuis des années, les parlementaires souhaitent que nous progressions dans ce domaine. Nous nous y emploierons dès le 5 novembre. En ce moment, avec les services du Quai d’Orsay et de Bercy, je travaille à délimiter un cadre permettant de définir les contours de notre aide, trop souvent évaluée en termes d’input, c’est-à-dire de montants, plutôt que d’effets produits, ce qui serait un bien meilleur indicateur. Consacrer de l’argent à une politique qui ne marche pas – parfois d’ailleurs parce qu’elle ne marche pas – ne relève pas d’un bon pilotage politique.

M. Gaymard regrette que les pays du Sud soient contraints de rembourser leurs dettes. Est-ce un si mauvais indicateur, que l’investissement ait dégagé chez eux une capacité de remboursement ? N’est-ce pas au contraire le signe que l’investissement a créé du développement ? Dans le cadre des assises, je proposerai des pistes pour évaluer l’efficacité de notre aide.

Le troisième dossier concerne la cohérence des politiques publiques pour le développement. Comment s’assurer que nos politiques agricoles ou commerciales et nos politiques de développement n’entrent pas en contradiction ? Nous ferons en sorte de progresser sur ce thème.

Les partenariats avec les acteurs non gouvernementaux – entreprises, ONG, syndicats, fondations, collectivités locales – constitueront le quatrième sujet. Comment améliorer l’efficacité de l’écosystème institutionnel, qui fait que notre aide publique au développement passe par des canaux très différents ?

Nous aborderons enfin la question des innovations. Quand on réfléchit sur l’aide publique au développement, on projette de faire des routes ou de construire une centrale, bref on prévoit de se lancer dans de grands équipements. Or, quand on demande aux Kenyans ce qui, au cours des dernières années, a le plus contribué au développement, ils répondent que c’est le mobile banking, lequel permet d’exécuter des opérations bancaires sur des téléphones portables, innovation qui n’a pas été financée par l’aide publique au développement. Cet exemple fait réfléchir sur la rétroaction des innovations, qui se mettent parfois en place au Sud avant de s’imposer au Nord. Il est en effet bien plus facile de recourir au mobile banking à Nairobi qu’à New York ou à Paris. Par ailleurs, la capacité d’innover en matière d’aide publique au développement est un beau sujet de réflexion. Il faut être où l’on nous attend, et travailler avec les start-up ou les PME qui ne demandent qu’à développer leurs innovations au Sud.

Autant de sujets qui seront traités aux assises. En ce qui concerne votre participation, nous avons souhaité la présence de cinq parlementaires : deux députés et de deux sénateurs, choisis par le président de leur assemblée, et un député européen de la Commission du développement. Il serait bon qu’ils assistent à tous les chantiers, mais, s’ils le souhaitent, ils seront libres de siéger ensemble aux mêmes débats.

La deuxième leçon que j’ai tirée du rapport de la Cour des comptes, c’est qu’il faut améliorer le pilotage par l’État de la politique de développement, notamment améliorer les relations entre Bercy et le Quai d’Orsay. Auparavant, les administrateurs appartenant à des ministères différents pouvaient tenir des discours différents lors des réunions des conseils d’administrations de l’Agence Française de développement. J’ai donc souhaité qu’ils se réunissent de manière informelle avant ces réunions pour se mettre d’accord sur un seul discours car la parole de l’État ne peut être qu’unique. De la sorte, cette parole y gagne en crédibilité, en force et en efficacité.

S’agissant du reste de l’Agence française de développement, je vois son directeur général tous les quinze jours. Il s’agit pour moi de faire non du micro management – ce serait contreproductif et inefficace, et ce n’est pas mon rôle – mais d’exercer une tutelle politique sur une agence publique. C’est l’occasion de discuter des grandes orientations stratégiques de celle-ci, secteur par secteur. Ainsi, quand l’alternance a eu lieu, nous avons souhaité repousser de quelques semaines le cadre sectoriel « énergie » qui allait être voté et, avec l’ensemble des autorités de tutelle, nous l’avons réorienté. Aujourd’hui, les 5 à 6 milliards d’investissement prévus dans les trois prochaines années dans le secteur de l’énergie iront en priorité vers trois branches : d’abord, celle des énergies renouvelables ; ensuite, celle de l’efficacité énergétique – la mauvaise qualité des réseaux en Afrique entraîne une déperdition colossale d’énergie ; enfin, celle de la décarbonisation. Ces trois priorités constituent, dans ce secteur, la feuille de route de l’AFD, qui a été approuvée par le conseil d’administration du mois d’octobre.

Nous travaillons maintenant sur d’autres cadres sectoriels ? C’est le cas le cadre dit de « sécurité financière ». C’est la première fois que l’AFD va formaliser, noir sur blanc, les règles qu’elle applique en matière de lutte contre la corruption. Cela concerne aussi bien le droit d’alerte en matière de corruption ou de risque de corruption, que la transparence financière ou les paradis fiscaux. Nous regardons évidemment ce qui se fait ailleurs, à la Banque européenne d’investissement, à la Banque mondiale ou à la KfW –Kreditanstalt für Wiederaufbau – en Allemagne. Notre objectif est que la France, à travers l’AFD, ait une attitude exemplaire en la matière.

Une des priorités validées dans le nouveau plan d’orientation stratégique adopté au précédent conseil d’administration de l’AFD est la responsabilité sociale des entreprises. Au représentant de Vinci qui trouve anormal que, dans tel aéroport de tel pays, l’argent de l’AFD aille à un prestataire chinois, on ne peut fournir que la réponse suivante : d’abord, il est interdit de conditionner l’octroi de l’aide ; ensuite, ce serait contreproductif car si nous décidions que nos financements ne vont qu’à nos entreprises et que les autres pays fassent la même chose, nos entreprises ne recevraient alors qu’une toute petite partie du gâteau. Pour résoudre ce problème, il a été décidé, dans le cadre du plan d’orientation stratégique, que les appels d’offres de l’AFD devraient comporter des règles de responsabilité sociale et environnementale. Ainsi, seules les entreprises qui les respecteront pourront bénéficier de ses financements. Si les entreprises chinoises respectent ces clauses, tant mieux ; sinon, elles ne pourront pas répondre au marché. Dans les deux cas, ce sera positif et source de progrès : soit nous tirons la mondialisation vers le haut, y compris chez certains compétiteurs qui, parfois, ne respectent pas toutes les règles du jeu ; soit nous imposons des règles du jeu qui excluent ceux qui ne les respectent pas et font de la concurrence déloyale. Le principe a été acté, même s’il faudra un certain temps pour que tous les appels d’offres de l’AFD contiennent des clauses sociales et environnementales.

Toutefois, en cas d’appel d’offres commun avec d’autres bailleurs, nous risquons de ne trouver confrontés à une difficulté. Si nous tentons d’imposer nos clauses sociales et environnementales à d’autres bailleurs tels que la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement ou la Banque japonaise, et que ceux-ci n’en veulent pas, ils risquent fort de nous exclure du dispositif et de chercher un autre partenaire. Pour que le système soit efficace, il faut qu’il soit adopté par tous. En tout cas, les agences y réfléchissent . Quoi qu’il en soit, le processus est d’ores et déjà engagé, et c’est pour moi un élément prioritaire de l’évolution de l’Agence française de développement.

J’en viens à l’Afrique.

L’Afrique subsaharienne représente 60 % du coût budgétaire de l’APD, contre 20 % pour l’Afrique du Nord et le bassin méditerranéen. Ainsi, 80 % du coût budgétaire de l’aide publique au développement française va en Afrique, hors Afrique du Sud. On ne peut donc pas dire que ce ne soit pas une priorité. C’était une priorité, cela le reste. De ce point de vue, il n’y a pas de changement.

Comment voyons-nous notre relation avec l’Afrique ?

Premièrement, cette relation doit reposer sur un partenariat dans le cadre de la diplomatie mondiale. Que ce soit dans les négociations sur la biodiversité ou dans celles sur le climat, l’axe euro-africain est le plus progressiste dans la mesure où il a l’ambition de contribuer à la création d’un droit international sur ces sujets. Le premier élément de notre accord partenarial stratégique est la volonté de tirer la mondialisation vers le haut, par opposition certaines alliances plus « conservatrices » avec les États-Unis, le Canada et certains pays émergents. Certes, cet axe euro-africain est minoritaire, mais c’est un élément de progrès.

Deuxièmement, cette relation avec l’Afrique doit également reposer sur des accords bi-latéraux. Je souhaite que davantage d’entreprises françaises soient présentes en Afrique, et qu’elles y respectent des règles du jeu conformes à nos valeurs et à nos intérêts. De la sorte, non seulement nous empêcherons les pires pratiques de se développer en Afrique, mais, de plus, nous y gagnerons. C’est pourquoi, tout comme Pierre Moscovici, je suis de très près la négociation européenne sur la transparence des investissements des multinationales européennes des secteurs extractif et forestier ; à cet égard, une directive européenne, qui est en cours de négociation, devrait être finalisée avant la fin de l’année. La France est aujourd’hui, avec les pays scandinaves, le pays le plus offensif en la matière. Nous avons même relevé d’un degré l’ambition du précédent gouvernement d’assurer la transparence des investissements des entreprises européennes.

Cette transparence est absolument nécessaire, car seule la capacité des États africains de lever des impôts leur permet de mener des politiques publiques en matière de santé ou d’éducation, d’assurer les conditions de leur développement et, au final, de se passer de notre aide. Il serait paradoxal que les grandes entreprises ne paient pas d’impôts, ou pas suffisamment. Car ces pays, s’ils sont privés des moyens de mener leurs politiques publiques, feront appel à nous, via nos propres impôts, pour financer leur développement. Autant faire en sorte que, sur place, les conditions d’exploitation des ressources économiques soient équitables et bénéficient directement aux pays du Sud. Cela me semble plus logique, plus efficace et politiquement souhaitable.

Dans le même état d’esprit, dans le cadre de l’action de la Banque mondiale, la France sera le premier pays au monde à financer des contrats équitables, de façon que les États du Sud puissent, dans le cadre de la négociation de ces contrats, s’offrir les services de fiscalistes et d’avocats ayant les mêmes compétences que celles des fiscalistes et des avocats des grandes entreprises. Pierre Moscovici l’a annoncé à l’occasion de la réunion des ministres des finances la zone franc. Nous allons consacrer quelques millions d’euros à cette action, dont l’impact est déterminant pour les États concernés – plusieurs centaines de millions d’euros de royalties. Ce type d’action me semble être l’avenir de l’aide publique au développement. Un tel exemple répond à vos préoccupations de transparence et d’efficacité de notre action en matière d’aide publique au développement.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je répondrai aux questions sur l’annulation de la dette.

Depuis 2000, nous consacrons entre 600 millions d’euros et 1,2 milliard d’euros par an à l’annulation de la dette. En 2012, le principal poste était la Côte d’Ivoire, avec 1,02 milliard d’euros. L’année prochaine, ce sera la Birmanie, avec 500,83 millions d’euros. En 2015, le poste principal sera le Soudan pour 870 millions d’euros, suivi par la Birmanie, pour 280 millions d’euros. D’où l’importante augmentation des sommes consacrées à l’annulation de la dette en direction des pays pauvres très endettés (PPTE). Ces annulations de dettes se sont traduites, depuis 2000, par l’augmentation, dans les budgets de ces pays, des postes consacrés aux dépenses sociales. Cela suffit à démontrer l’intérêt de ces politiques d’annulation de la dette.

Par ailleurs, nous consacrons aujourd’hui l’essentiel des dons et des subventions aux PPTE, et l’essentiel des prêts destinés à financer la croissance verte et solidaire aux pays émergents.

J’ajoute que 2 % de notre effort budgétaire va aux pays émergents – le plafond ayant été fixé à 10 % – et que 73 % de celui-ci va à l’Afrique subsaharienne, ce qui est bien au-delà du minimum de 60 % que recommandait le Comité interministériel de la coopération internationale pour le développement (CICID).

M. Jean-Paul Bacquet. Le groupe SRC votera les crédits de l’aide publique au développement. Pourtant, nous retrouvons dans le budget de cette mission ce que nous avons déjà dénoncé précédemment, qui apparaît dans le rapport de Mme Martinez, dans celui que j’avais préparé avec Mme Ameline, et dans celui de la Cour des comptes, à savoir la complexité de l’aide au développement, le caractère parfois totalement illisible de celle-ci, la multiplicité des intervenants, la sous-traitance à l’AFD, l’inexistence du contrôle parlementaire et des choix politiques faits par le Parlement, et le manque de coordination entre les différents intervenants.

Les interventions relèvent du bilatéralisme ou du multilatéralisme. Nous avions, en son temps, dénoncé, le manque de lisibilité du système. Pour ma part, j’avais dit : « Dans le bilatéralisme on sait ce que l’on fait, dans le multilatéralisme on sait ce que l’on paie ».

Les actions multilatérales sollicitent un très grand nombre d’intervenants, onusiens ou européens. Malheureusement, la France participe insuffisamment à la gouvernance. Selon Hervé Gaymard, nos idées ne seraient pas correctement diffusées. Toutefois, pour faire connaître nos idées, encore faut-il siéger dans les structures internationales. Je rappelle que nous venons seulement d’obtenir un siège au conseil d’administration du Fonds mondial, alors que nous sommes parmi ses premiers contributeurs en termes de PIB. Jusqu’à présent, notre pays payait, sans même avoir le droit de s’exprimer !

S’agissant du Fonds européen de développement, je me réjouis de la baisse de la participation de la France – celle-ci était en effet surévaluée. Toutefois, cela ne doit pas occulter le fait que le FED a besoin d’une restructuration organisationnelle, qui redonnerait un peu de lisibilité à son action.

S’agissant des évolutions qui sont proposées, je me rangerai aux arguments développés par Jean-Louis Christ, Nicole Ameline et d’autres, en remarquant que le Parlement n’a jamais été consulté à ce propos.

Les baisses des crédits consacrés à l’assistance technique, au volontariat et à la coopération décentralisée me semble discutable. En revanche, je me félicite de l’augmentation de 20 % des crédits des ONG.

La volonté de transparence et de vérité a été mise en avant. Ayons donc le courage de dire que nous ne tiendrons pas l’objectif de 0,7 % du RNB pour l’aide au développement. En revanche, le Royaume-Uni a augmenté sa participation et atteindra cet objectif. Parallèlement, sous la pression de son parlement, l’Allemagne à demandé d’augmenter sa participation. Pour ma part, je souhaiterais que le Parlement s’exprime clairement sur les choix à faire – et sur l’objectif à atteindre – en matière d’aide au développement.

Je remarque, en outre, que le pourcentage annoncé de 0,46 % est faux. En effet, si nous retirons un certain nombre d’éléments qui ne sont pas pris en compte par tous les pays – les frais d’écolage, les frais d’aide aux réfugiés, l’annulation de dette, l’aide à la protection nucléaire de l’Ukraine –, ce pourcentage tombe à 0,37 %.

Comme cela a déjà été souligné, il nous faut investir les structures internationales, pour que la voix de la France soit entendue et que les choix perdent de leur aspect technocratique.

Le problème des dons et des prêts a été posé. En faisant des prêts – qui sont le mode d’action essentiel de l’AFD –, nous ne touchons qu’une partie des pays, en particulier les pays solvables. Et si nous ne pouvons pas faire de dons, nous laissons de côté les pays les plus pauvres et les plus endettés. Vous avez fait des pays de l’Afrique subsaharienne une priorité; or c’est beaucoup plus par des dons que par des prêts que l’on pourra agir efficacement sur le développement de ces pays.

Enfin, il est souhaitable, et même nécessaire, que le Parlement puisse peser davantage sur les choix politiques et les objectifs prioritaires de l’aide au développement. Dans l’un des rapports, nous pouvons lire que 27 % de la mortalité infantile est due à des pathologies comme la diarrhée ou la pneumonie, et 3 % au sida. Cela ne veut pas dire qu’il faille abandonner la politique de lutte contre le sida, mais peut-être conviendrait-il de recentrer un certain nombre d’actions.

Nous voterons bien sûr les crédits de cette mission, mais nous souhaitons que le Parlement soit davantage informé, que l’action menée soit davantage lisible, et que nous ayons davantage voix au chapitre.

M. François Asensi. Je me rallie totalement aux propos, d’ailleurs parfois très critiques, de Jean-Paul Bacquet.

Je voudrais savoir, comme l’a demandé l’un de nos rapporteurs, si l’objectif de 0,7 % est maintenu et, s’il ne l’était pas, ce qui, politiquement, justifierait de changer d’orientation.

Je ne résiste pas au plaisir de constater qu’une unanimité se dégage dans cette assemblée autour de la taxe Tobin, dite taxe des transactions financières. Je me souviens d’un temps où l’on présentait la proposition d’instituer cette taxe comme une position ultragauchiste, de nature à mettre en cause le capitalisme mondial. Je tiens à rappeler qu’il y a chaque jour 6 000 milliards de transactions financières, ce qui permettrait de dégager des moyens pour aider les pays en grande difficulté. Il semblerait qu’il manque, au niveau mondial, entre 50 et 80 milliards pour atteindre l’objectif consistant à consacrer 0,7 % du RNB à l’aide au développement. N’oublions pas que, depuis 2008, 4 500 milliards ont été dépensés pour recapitaliser les banques et annuler la dette de certains pays. Quand on met côte à côte ces 50 à 80 milliards et ces 4 500 milliards, on voit bien que les pays développés, dits riches, pourraient apporter une aide importante aux pays en voie de développement.

En ce qui concerne l’Afrique, je pense qu’il faut que nous réfléchissions tous ensemble, de manière à avoir une vision nouvelle du devenir de ce continent. Certains pays ont vu leur taux de croissance augmenter, mais la situation est très inégale entre l’Afrique du Sud et les pays du Sahel. Reste que ce continent a de grandes capacités de développement et que nous devrions regarder avec intérêt la possibilité de l’aider à s’inscrire dans une croissance en développement.

On critique beaucoup les Chinois. On ne veut pas aujourd’hui d’une « Chinafrique », qui remplacerait la Françafrique. Cela étant, il est évident que les pays africains acceptent l’aide chinoise – si tant est qu’elle puisse leur permettre de se développer. Bien sûr, cette aide n’est pas dénuée d’arrière-pensées. Quoi qu’il en soit, nous devons considérer différemment, selon moi, la place que le continent africain pourra occuper, demain, dans la mondialisation.

Ce budget est en retrait. Il s’inscrit dans ce que d’aucuns appelleront la rigueur, la contrainte, et que moi j’appellerai l’austérité. Je noterai tout de même que je perçois une volonté du Gouvernement de travailler différemment avec la société civile, notamment avec les ONG. Je me félicite également de l’aide qui est apportée, ce qui est tout de même le fondement de notre action au plan mondial, à l’Afrique : la lutte contre le sida et le paludisme. Et je veux donner crédit au Gouvernement de s’inscrire, bien qu’il soit aujourd’hui dans une période de rigueur, dans une démarche plus progressiste en faveur des pays en voie de développement.

Voilà pourquoi le groupe GDR votera les crédits de ce budget.

M. André Schneider. La mission « Aide publique au développement » regroupe les crédits des deux principaux programmes y concourant : le programme 110 géré par le ministère de l’économie ; le programme 209 géré par le ministère des affaires étrangères. Toutefois, je remarque que huit ministères, au total, concourent au financement de la mission, et je m’associe à certains collègues qui ont souhaité un peu plus de transparence et de lisibilité.

Les documents dont nous disposons manquent de précision. Tout à l’heure, le ministre a cité des chiffres, qui ne correspondent pas exactement à ceux qui figurent dans lesdits documents. Nous aimerions y voir un peu plus clair. De fait, nous n’avons une vision ni très transparente, ni globale, ce qui nous empêche de remplir pleinement notre mission de contrôle de l’action de la France dans le domaine de l’aide publique au développement.

Ce matin, nous examinons 3,15 milliards de crédits sur un total de plus de 9 milliards. Il est d’autant plus important que nous puissions avoir une vision globale que l’objectif fixé pour 2015 est de consacrer 0,7 % du RNB à l’aide publique au développement. À ce propos, un rapport de la Cour des comptes précise que, pour atteindre cet objectif, il faudrait augmenter ce budget de près de 9 milliards, soit de 20 % par an – condition assez peu réalisable dans les circonstances actuelles.

Messieurs les ministres, je tiens à rappeler que, malgré un contexte budgétaire contraint, le gouvernement de François Fillon avait réussi à maintenir, et même à augmenter les crédits de cette mission. On entend souvent parler d’une augmentation de 10 % sur les dix dernières années. Or je crois que nous sommes passés de 0,31 % du RNB à 0,46 %, ce qui correspond tout de même à une augmentation d’à peu près 50 %.

Lundi dernier, le Président de la République a promis aux chefs des organisations économiques internationales – BM, FMI, OCDE, OIT, OMC – qu’un effort considérable serait fait dans ce domaine. En juin, à Rio, il avait déclaré devant la communauté internationale qu’une grande partie – voire, à terme, la totalité – de la TTF serait affectée à l’aide au développement. Enfin, le mois dernier, à New York, il a précisé que la France avait pris l’engagement de reverser une partie importante de cette taxe à l’aide au développement, à la lutte contre les fléaux sanitaires et les pandémies.

Tout à l’heure, M. le ministre Canfin a évoqué les problèmes climatiques. J’indique que j’ai eu l’honneur de présenter ici même, avec un collègue socialiste, Philippe Tourtelier, un rapport sur les changements climatiques et leur nécessaire prise en compte par les politiques d’aide au développement. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit, monsieur le ministre, mais, si vous me permettez l’expression, il faudra « mettre le paquet » !

Qu’en est-il aujourd’hui ? Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que 10 % du produit de la TTF seraient affectés à l’APD, mais les documents dont nous disposions jusqu’à ce matin ne faisaient état que de 4%. Cela représente 60 millions d’euros alors que la diminution du budget de l’APD est de 197 millions d’euros. Quelle est la réalité ? Tel qu’il est présenté dans le projet de loi de finances, le dispositif prévoit que cette part de 10 % ne sera atteinte que dans trois ans. Est-ce bien le cas ?

Le programme 110, doté de 101,16 milliards d’euros, connaîtrait une baisse de 2,5 %. Quant au programme 209, ses crédits, de 1,96 milliard d’euros, diminueraient de 7,8 %. J’emploie le conditionnel car je vous ai écouté attentivement, monsieur le ministre, mais nous pouvons regretter que le Parlement ne dispose pas de chiffres exacts.

Le projet de budget pour 2013 serait ainsi réduit de quelque 200 millions d’euros. Selon les prévisions triennales courant jusqu’en 2015, la contraction des crédits devrait se poursuivre en 2014 et en 2015.

Les subventions bilatérales prévues pour les dix-sept pays prioritaires – ce qui nous ramène à la question cruciale du problème alimentaire et donc à l’Afrique – devraient baisser de 3,5 %.

Presque toutes les actions de cette mission voient leurs dotations diminuer, à l’exception de l’action 2 du programme 110 « Aide économique et financière bilatérale ».

La France occupe aujourd’hui le quatrième rang des pays donateurs de l’OCDE. Elle doit impérativement conserver cette place voire progresser. La ponction des crédits alloués à cette politique doit donc cesser. De nombreux défis nous attendent. Nous devons réduire les frais administratifs : les nôtres s’élèvent à 3,4 % de ce que nous consacrons à l’APD alors que ce taux n’est que de 2,8 % au Royaume-Uni et de 3 % en Allemagne. L’organisation des réseaux d’aide doit également être simplifiée. M. Pierre Lellouche avait réalisé un travail que je tiens à souligner pour l’amélioration de la liaison entre l’aide au développement et les entreprises. Les organisations doivent être simplifiées par l’approfondissement des relations entre les acteurs et les institutions ; les financements bilatéraux doivent être réservés à des projets liés à des objectifs nationaux clairement définis.

Le budget que vous nous proposez, messieurs les ministres, ne dégage pas d’ambition très claire. Néanmoins, nous notons des avancées et des intentions positives. Personne ne peut être opposé à l’APD et au renforcement de la place de la France dans ce domaine. Dans l’attente de la concrétisation de vos intentions dans des chiffres, le groupe UMP s’abstiendra lors du vote de ce budget.

M. Noël Mamère. Le groupe Écologiste votera ce budget de l’APD malgré les observations que je vais formuler. Nous nous retrouvons en effet pleinement dans les critiques émises par Jean-Paul Bacquet et François Asensi.

En période de crise, l’APD est d’une très grande nécessité. En 1980, le revenu par habitant des quatorze pays les plus riches du monde était quarante-quatre fois supérieur à celui des quatorze pays les plus pauvres ; ce rapport s’élève à cinquante-six en 2012. La France doit donc conduire une politique d’APD guidée par d’autres objectifs que ceux qui priment aujourd’hui et qui se concentrent dans la défense d’intérêts économiques et géopolitiques. La liste des pays prioritaires et celle des pays bénéficiaires fait d’ailleurs apparaître un grand décalage.

Nous ne pouvons certes que nous féliciter que la nouvelle majorité ait choisi de transformer le ministère de la coopération en ministère du développement et qu’un écologiste le dirige après avoir été, au Parlement européen, un artisan de la TTF.

Mes collègues de gauche comme de droite ont souligné que la part du produit de la TTF attribuée à l’APD ne correspondait pas aux engagements pris par le Président de la République. D’autres pays de l’Union européenne comme le Royaume-Uni tiennent l’objectif de 0,7 % du Revenu national brut consacré à l’APD. Je ne vois pas pourquoi notre pays n’en ferait pas autant. Comme le Royaume-Uni, la France est un ancien pays colonisateur ; sur les territoires que nous avons colonisés, notamment en Afrique, nous avons donc une dette écologique. Pour l’honorer, nous devons privilégier les dons aux prêts. En effet, l’attribution de prêts ne permet d’aider que les pays les plus solvables. Si nous voulons réparer cette dette écologique et rendre à ces pays que nous avons colonisés et dont nous avons épuisé, pour beaucoup d’entre eux, les ressources, nous devons modifier notre politique d’APD.

Jean-Paul Bacquet a beaucoup insisté sur la transparence. Dois-je rappeler que l’APD est aujourd’hui gérée par huit ministères et répartie dans vingt-trois programmes ? Le Parlement n’a pratiquement aucun mot à dire sur l’utilisation des crédits affectés à cette politique. En remplaçant « coopération » par « développement », a-t-on réellement supprimé la Françafrique – domaine réservé du Président de le République – ou a-t-on voulu initier une politique de transparence ? L’AFD ne doit, certes, pas être placée sous tutelle mais la politique qu’elle conduit doit pouvoir être évaluée grâce à la mise en place d’outils pertinents.

Le Président de la République s’est engagé à ce qu’une loi de programmation soit adoptée. Où en est ce projet ?

Nous attendons beaucoup de ces Assises du développement et de la solidarité internationale. Si nous voulons rénover notre politique d’APD et notre action en direction des pays les plus pauvres pour lutter contre le changement climatique et les pandémies ainsi que pour favoriser la biodiversité, la France, au sein de l’Europe, doit jouer un rôle essentiel. Je partage l’affirmation de Jean-Paul Bacquet selon laquelle nous sommes peu représentés dans le Fonds européen de développement. Or, les politiques de développement ne seront efficaces que si elles comportent une dimension européenne.

M. Paul Giacobbi. Le groupe RRDP votera l’adoption des crédits de cette mission tout en partageant les observations contenues dans les rapports relatifs à ce budget et celles présentées par mon collègue, M. Jean-Paul Bacquet.

La page huit du rapport de M. Hervé Gaymard a fait naître chez moi une grande nostalgie. En 1980 et 1981, j’étais élève de l’ENA et étudiais ces questions. Un séminaire portait sur le fait de savoir si l’APD devait privilégier des zones – en particulier l’Afrique francophone et subsaharienne. En effet, ce rapport comporte un extrait d’un document de la Cour des comptes soulignant que « malgré les affirmations répétées, l’aide au développement peine à se concentrer sur la zone qui en a le plus besoin, l’Afrique subsaharienne ». À l’évidence, la question n’a donc toujours pas été tranchée. Il est d’ailleurs difficile de se faire une idée de l’allocation de l’APD puisque les deux documents présentant cette mission ne contiennent aucune carte ni aucun tableau indiquant vers quels pays vont nos dons et nos prêts et à quelle type de politique ils correspondent. La politique d’APD contient-elle une dimension géographique ? En tout cas, s’il y en a une, elle n’est pas lisible.

Je vais maintenant, à titre de comparaison, citer quelques exemples d’aides d’origine privée.

La fondation Bill-et-Melinda-Gates dispose de dizaines de milliards de dollars de fonds propres. Elle va ainsi consacrer plusieurs milliards de dollars à un programme devant lutter contre la mortalité infantile dans un pays africain. En Inde, la société informatique Wipro a employé un milliard de dollars pour le développement rural, domaine qui n’est en rien dans le champ de son activité. Après deux ans de discussion, la France, sous prétexte de respecter la LOLF, est incapable d’attribuer une aide paritaire de deux millions d’euros à la réalisation d’un projet de l’Indian Institute of Technology du Rajasthan. Il s’agit d’un établissement – dont le niveau est équivalent voire supérieur à celui de l’École Polytechnique – dans lequel les meilleurs ingénieurs du pays seront formés dans des domaines stratégiques comme celui des énergies alternatives. Contribuer à son financement servirait donc les intérêts de la France. Mais sans doute attendons-nous que le Japon ou la Chine – voire ces deux pays – vont proposer vingt millions de dollars. La comparaison entre une aide privée d’un milliard de dollars au développement rural en Inde et notre incapacité à honorer un tel engagement mérite une explication.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Les Assises du développement et de la solidarité internationale sont une excellente initiative, d’autant plus qu’y sont conviés des parlementaires français et européens. Je m’associe aux remarques de mes collègues réclamant que le Parlement soit davantage associé à la conduite de cette politique. Je me retrouve tout particulièrement dans les propos de Jean-Paul Bacquet, qui a beaucoup étudié ces questions avec Mmes Nicole Ameline et Henriette Martinez – leurs rapports avaient d’ailleurs été très critiques sous les précédentes législatures.

La baisse des crédits dévolus à la coopération décentralisée me préoccupe. Votre explication sur ce point est importante, messieurs les ministres, car, si l’on prend l’exemple du Mali, l’essentiel de l’aide aux populations dans le nord du pays transite par la coopération décentralisée.

Si la priorité doit bien être portée sur l’Afrique, quelle est la politique d’aide aux pays ayant connu le printemps arabe ? À Deauville en 2011, le G8 avait fait des promesses fortes : 40 milliards de dollars de financements bilatéraux et multilatéraux et une extension à cette région du mandat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Néanmoins, le volume des crédits accordés est sans commune mesure avec celui que consacraient l’Union européenne et les pays qui la composent aux pays d’Europe centrale et orientale avant l’adhésion de ceux-ci à l’UE. Pouvez-vous nous brosser un tableau de la mise en œuvre du partenariat lancé à Deauville ? Quelle est, en outre, votre évaluation de l’aide accordée à ces pays par les États du Golfe ?

Le Mali a reçu, selon l’OCDE, une aide globale au développement d’un milliard de dollars par an. Ce pays était considéré comme l’un des plus prometteurs de sa région. Or, il s’est effondré.

Quel est le bilan de soixante ans d’aide publique au développement dans ces États prioritaires ? Quelle est la nature des actions que vous comptez promouvoir pour ces pays qui doivent évidemment rester prioritaires mais dont l’aide qui leur est apportée doit gagner en efficacité afin de parvenir vraiment aux bénéficiaires et de ne plus souffrir de déperdition ?

Je salue le fait, monsieur Canfin, que vous souhaitiez piloter de manière cohérente la politique d’APD avec M. Benoît Hamon afin que le Gouvernement ne parle que d’une seule voix au sein de l’AFD. Néanmoins, beaucoup d’efforts vont devoir être fournis pour que les mêmes routines et les mêmes errements cessent de perdurer.

M. Jean-Paul Dupré. Les analyses de la Cour des comptes sur l’APD ne constituent pas une surprise. Chacun d’entre nous a pu constater sur le terrain les difficultés pour mesurer l’impact de l’effort fourni par la France en matière d’aide au développement. Dans certains cas, j’ai même pu considérer que l’aide bilatérale passait par pertes et profits.

Le bénéfice réel de l’aide pour les populations peut susciter des interrogations dans des domaines comme celui de la santé ou de l’éducation.

L’avenir de la francophonie dans les pays concernés est également une source de questionnement.

Sommes-nous, messieurs les ministres, en mesure d’améliorer concrètement et immédiatement l’efficacité de l’aide et de rompre ainsi avec les soixante dernières années ?

Mme Chantal Guittet. Quelle est votre stratégie, messieurs les ministres, pour promouvoir, par le biais de l’APD, l’égalité entre les hommes et les femmes ? Le développement des pays aidés passe par l’autonomisation des femmes et par l’extension de leur capacité à agir. Le paragraphe 42 de la Déclaration de Paris de 2005 sur l’efficacité de l’aide fixait comme objectif aux pays donneurs et aux pays partenaires l’harmonisation de leur approche en matière d’égalité des genres. Ce principe a-t-il été mis en œuvre ?

M. Jacques Myard. L’APD est une double nécessité géostratégique. D’une part, elle permet de stabiliser des États dont les déséquilibres ont des conséquences pour la France et l’Europe. D’autre part, elle permet de nous rendre compte que nous vivons en concurrence avec plusieurs de nos partenaires, y compris certains de nos amis comme les Britanniques – si tant est que ces derniers soient nos amis –, ou d’autres pays conduisant une politique plus agressive comme la Chine voire les États-Unis.

Quelle répartition souhaitez-vous appliquer, messieurs les ministres, entre l’aide bilatérale et les projets multilatéraux ? Le rapport présenté par M. Hervé Gaymard démontre, une nouvelle fois, que la France privilégie le multilatéral qui rend anonyme son aide et plus délicate la conduite d’une stratégie d’influence.

Quelle est votre politique en faveur de la maîtrise démographique ? L’un de nos collègues écologistes refaisait tout à l’heure le monde en affirmant que les États africains avaient été pillés. Or, le problème de l’Afrique est qu’elle était habitée par 250 millions d’habitants en 1950, qu’elle est aujourd’hui peuplée de plus d’un milliard d’individus et que 1,7 milliard de personnes y vivront d’ici vingt à trente ans. Ce déséquilibre démographique est à la source même des problèmes de développement car il ne peut y avoir de pays connaissant une croissance démographique supérieure à 2 % et parvenant à prospérer.

Vous nous avez indiqué que 10 % du produit de la TTF allait être consacré à l’APD. Je me permets de vous rappeler que la taxe de solidarité sur les billets d’avion a été mise en œuvre à l’initiative de l’ancien Président de la République, M. Jacques Chirac.

M. Jean-Louis Christ. Les ONG sont indignées par la réduction de la TTF à un simple symbole. À Rio de Janeiro, le Président de la République avait promis à la communauté internationale qu’« une grande partie d’une telle taxe servirait au développement ». À New York le mois dernier, il annonçait a contrario que seulement 10 % du produit de cette taxe y seraient consacrés.

Voilà des années que des organisations de la société civile se battent pour que les sommes rapportées par cette taxe soient affectées au développement. Elle doit permettre de financer les urgences sociales, environnementales et humanitaires ; elle doit devenir un mécanisme fondamental de redistribution des richesses à l’échelle mondiale. Monsieur le ministre, quelle sera l’évolution de l’utilisation de la TTF dans les années à venir ?

M. Gwenegan Bui. Jean-Paul Bacquet a très bien exprimé les craintes et les espoirs du groupe socialiste, républicain et citoyen nés de l’examen de ce budget.

Monsieur Canfin, vous avez évoqué la question du Sahel où la situation humanitaire s’est encore détériorée en 2012 du fait de la sécheresse, de la pénurie alimentaire et de nouveaux déplacements de population. Ces difficultés touchent 18 millions de personnes dans cette zone. Or, les réponses alimentaires et d’urgence ne règlent pas les problèmes, car les crises sont récurrentes et leurs pics de plus en plus rapprochés. Quels sont les engagements du Gouvernement pour mener une politique de fond – et non simplement d’urgence – permettant de susciter, à moyen et long terme, le développement de cette zone grâce à l’agriculture, à la formation agricole, à l’amélioration de la santé, à l’accès à l’éducation et à l’assistance technique ?

M. Éric Alauzet. L’engagement de François Hollande de doubler, au cours du quinquennat, le soutien aux associations contribuant à l’aide au développement se retrouve dans les 9 millions d’euros qui sont consacrés à cette aide. Il s’agit d’un effort important même si le respect du tableau de marche exigeait d’y affecter 13 millions d’euros en 2013. Quelle sera l’augmentation de cet appui aux ONG – par lesquelles les aides transitent – dans les cinq années qui viennent ?

Quelle stratégie pourrait être mise en œuvre pour mobiliser davantage les associations agissant dans ce domaine, en France et, surtout, dans les pays aidés ?

M. Michel Terrot. Le reniement du Président de la République sur la TTF est inouï. Il y a quelques mois, la part du produit de cette taxe affectée à l’aide au développement devait être très importante. Elle est aujourd’hui annoncée à 10 % mais elle n’atteindra peut-être même pas ce taux puisque les documents budgétaires qui nous ont été transmis l’évaluent à 3,7 %. Ce hold-up ne peut être passé sous silence, alors que cette taxe devait servir les intérêts de l’Afrique et contribuer à atteindre les objectifs du Millénaire dont chacun sait qu’ils ne seront pas remplis sans le produit de cette taxe.

Je rejoins les propos de Jean-Paul Bacquet : la France veut-elle encore avoir une politique d’influence ? Si elle ne le souhaite plus, il convient de poursuivre notre engagement dans les programmes multilatéraux au détriment de l’aide bilatérale. La France aura alors totalement disparu du continent africain au moment où les puissances émergentes y sont toutes présentes.

M. Jean-Luc Drapeau. La mission « Aide publique au développement » est importante puisque un quart de la population mondiale doit compter sur la solidarité internationale pour s’extraire des conditions d’extrême pauvreté.

La France occupe depuis 2010 le quatrième rang des contributeurs parmi les pays membres du comité d’aide au développement de l’OCDE. Le Président de la République avait pris l’engagement d’une aide au développement accrue. Dans un contexte budgétaire très contraint, je voudrais saluer le fait qu’une partie du produit de la TTF sera allouée à l’APD : cette part peut sembler faible, mais il s’agit d’un premier pas et l’on peut espérer qu’elle sera plus élevée dans les années qui viennent.

L’augmentation du financement des ONG pour cibler au plus près les populations des pays qui ont le plus besoin d’aide est notable.

Je suis, en revanche, réservé sur la politique d’effacement de dettes, qui ne comprend souvent que des étalements du remboursement de dettes et qui ne touche que les pays les plus solvables. Certains pays n’ont, en effet, pas les moyens d’avoir de dettes et considèrent parfois ces mesures comme iniques.

La remise à plat de notre politique d’APD, l’ouverture des Assises du développement et de la solidarité internationale sont des axes très positifs.

La France a souscrit, lors de la conférence de l’ONU tenue à Monterrey, au Mexique, en 2002, à l’objectif de porter l’APD à 0,7 % du RNB en 2012. Cette échéance a déjà été repoussée à 2015. Le Président de la République a affirmé que des ressources nouvelles étaient nécessaires pour tenir cet engagement. Quelles sont les premières pistes étudiées, messieurs les ministres, pour trouver de nouvelles ressources ou capacités permettant d’atteindre ce but ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. L’aide publique au développement est répartie à raison d’un tiers pour l’aide multilatérale et de deux tiers pour l’aide bilatérale.

Conserver une part d’aide publique au développement dans le cadre de l’action multilatérale est, à nos yeux, très important, monsieur Myard. Les institutions financières internationales qui interviennent dans ce domaine, notamment la Banque mondiale, constituent un élément essentiel du soft power, un concept inventé par les Anglo-saxons. Si nous ne voulons pas que les principales orientations en matière de politique d’aide au développement soient pilotées aujourd’hui par les Anglo-saxons, il est indispensable que la France puisse contribuer efficacement, c’est-à-dire financièrement, au fonctionnement de ces organisations multilatérales. Au-delà même de l’image de la France, c’est son rôle dans l’aide multilatérale qui serait remis en cause si elle devait baisser sa contribution. Notre influence au sein de la Banque mondiale pour que 50 % des fonds AID soient consacrés aujourd’hui à l’Afrique découle directement de notre contribution financière dans le cadre de l’aide multilatérale. La diminuer procèderait d’un choix stratégique tout à fait préjudiciable aux intérêts que nous défendons, y compris dans l’Afrique subsaharienne. Il s’agit de ne pas laisser le pilotage des fonds des organisations multilatérales à d’autres pays qui, de la même manière que nous – je pense aux pays du G 7 –, consacrent deux tiers de leur aide au bilatéral et un tiers au multilatéral. La France ne fait pas là figure d’exception.

Nous cheminons progressivement sur la voie du ratio APD/RNB. Incontestablement, nous n’atteindrons pas les 0,7 % du RNB en 2015, puisque de 0,46 % en 2011 nous avons plutôt une perspective de 0,48 % en 2015. Cette trajectoire fait de nous le quatrième donateur au monde et le deuxième pays du G 7 en ratio APD/RNB. Notre contribution est donc tout à fait importante et, de ce point de vue, la France n’a pas perdu son rang.

Je confirme la volonté du ministère de l’économie et des finances de travailler en parfaite symbiose avec le ministère des affaires étrangères pour ce qui relève des choix politiques et budgétaires de la France en matière d’aide publique au développement. Ce sera vrai aussi de l’AFD. Nous avons la volonté aujourd’hui de ne parler que d’une seule voix, ce que l’on pourra vérifier au cours des prochaines années.

La TTF est loin de n’être qu’un symbole, y compris dans les montants attendus lors de sa montée en charge : 60 millions, 100 millions et 180 millions sur les trois années à venir. La différence de ratio entre autorisations d’engagement et crédits de paiement vient de ce que la TTF participe au financement du Fonds vert, qui a été créé à Copenhague. Les pays se sont engagés à y contribuer et, puisque celui-ci va monter en puissance à partir de 2013, il en est tenu compte dans le budget. Toutefois, les premiers versements n’interviendront que lorsque les projets financés par le Fonds vert l’appelleront à décaisser. D’où le delta entre les crédits de paiement et les autorisations d’engagement. Rappelons que les 480 millions d’euros d’engagements pris sur la TTF respectent le pourcentage de 10 % de cette taxe consacrés à l’aide publique au développement.

À la TTF française vient s’ajouter la TTF européenne, qui procède de la réussite d’un engagement du Président de la République à convaincre plusieurs pays – onze aujourd’hui – de mettre en œuvre une taxe sur les transactions financières. Cet outil de régulation politique et financière participera à élever le niveau de la contribution à l’aide au développement des pays européens.

M. Pascal Canfin, ministre délégué, chargé du développement. Je ne reviens sur la taxe sur les transactions financières que pour dire qu’il ne s’agit pas de modifier les chiffres qui vous ont été transmis mais d’additionner les deux logiques que sont les autorisations d’engagement sur plusieurs années et les crédits de paiement décaissables immédiatement. En additionnant les deux, notre capacité d’engagement est bien de 10 % du 1,6 milliard de recette estimée de la taxe française.

S’agissant de la TTF européenne, je veux clarifier les différentes interprétations et exégèses qui ont pu être faites, dans cette enceinte, de la parole présidentielle. J’ai bien regardé les engagements que le Président de la République avait pris pendant la campagne et bien écouté ce qu’il a dit à Rio et à New York. Au cours de sa campagne, François Hollande n’a pris d’engagement d’affectation de la taxe sur les transactions financières que pour la taxe européenne, tout simplement parce que la taxe française devait aller intégralement à la réduction des déficits. Avec Laurent Fabius notamment, nous avons obtenu 10 % pour le développement. Il n’y a donc pas de régression vis-à-vis des discours mais, au contraire, un pas en avant par rapport à des engagements qui n’avaient pas été pris.

Les engagements portaient sur la taxe européenne, et le Président a bien dit, à Rio, vouloir faire en sorte qu’une part significative de la TTF européenne soit affectée au développement. La position de négociation est en cours de discussion au sein du Gouvernement français ; elle sera rendue publique dans les prochaines semaines, et je l’espère la plus ambitieuse possible. Aujourd’hui, au sein des dix autres pays qui souhaitent participer à cette coopération renforcée, nous sommes parmi les plus ambitieux en termes d’affectation au développement. Nous devons donc nous attacher à trouver des alliances pour y parvenir.

Le doublement de l’aide aux ONG est un autre engagement du Président de la République qui a été tenu. Il s’agit bien de montée en puissance, monsieur Alauzet, puisque l’engagement portait sur un doublement sur le quinquennat, pas en 2013. Nous avons fléché une trajectoire de 45 millions d’augmentation sur cinq ans, soit 9 millions par an, et donc 9 millions en 2013 pour commencer. Ce doublement de la part de l’aide passant par les ONG implique de formaliser les relations entre l’Agence française de développement, qui sera le véhicule par lequel transitera cette augmentation, et les ONG concernées. Pour la première fois, au premier trimestre 2013, l’AFD mettra en œuvre un cadre, actuellement en cours de rédaction, de règles de partenariat entre l’Agence et les ONG. Si les crédits augmentent pour répondre à la nécessité de développer, comme vous le souhaitez, des projets plus petits, qui ne sont pas de grosses infrastructures fonctionnant par prêts et qui viennent donc en complément de ce que sait faire traditionnellement l’Agence française de développement, la politique dans laquelle ils s’inscrivent doit être parfaitement transparente, d’où la clarification des règles.

Un autre engagement de campagne du Président de la République était de stabiliser la part des dons-projets, le cœur de l’aide en quelque sorte. Nous l’avons fait dans ce premier budget et prévoyons de le faire sur le triennal. Nous avons donc calibré le budget de façon à respecter le troisième engagement qui avait été pris par le Président, le quatrième étant les Assises dont j’ai abondamment parlé.

Dans le cadre de ces assises, je vous invite à continuer à être une force de stimulation et de progression de notre pilotage, de nos choix et de nos arbitrages en matière de transparence et d’efficacité. Certes, une grande partie des critiques du rapport de la Cour des comptes, malheureusement justifiées, s’adresse au gouvernement antérieur sans que nous ayons à en assumer le coût politique, il n’en reste pas moins que nous devons nous appuyer sur ces critiques pour changer les pratiques. Pour cela, nous avons besoin de votre volontarisme, de votre énergie, de votre regard critique. Je compte vraiment sur vous pour faire entendre votre voix et faire des propositions concrètes et argumentées. La loi de programmation, portez-la pendant les Assises, tout comme les autres sujets que vous avez évoqués en matière d’efficacité et de transparence. Les Assises sont précisément faites pour déboucher sur des modifications concrètes en matière de gestion et de pilotage de notre aide.

Dans le cadre européen, j’ai noué des relations directes, qui n’existaient pas auparavant, avec le commissaire en charge du développement, M. Andris Piebalgs. Je le rencontre très régulièrement tous les quinze jours ou trois semaines, et ce pour maintenir l’influence de la France au sein de l’Union européenne en matière d’aide au développement. Il faut savoir que deux tiers de nos dons passent par l’Union européenne. À nous – à moi – d’avoir suffisamment d’influence pour que, dans les choix qu’elle effectue, par exemple en matière de définition de la stratégie à mener au Sahel ou de répartition géographique ou sectorielle de l’aide, l’Union européenne prenne en compte le plus possible notre vision. Si, comme je m’emploie à le faire, nous y parvenons, cela aura un effet levier sur nos dons. Ainsi, tout en contribuant à moins de 20 % du FED, nous aurons un impact et une visibilité sur le terrain, et le multilatéral européen apparaîtra comme une force d’influence de la France, en aucun cas comme la privation de ressources qui pourraient être utilisées au niveau bilatéral.

M. Dominique Baert, président. Nous avons terminé notre réunion en commission élargie, et je remercie MM. les ministres d’y avoir participé.

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de M. Pascal Canfin, Ministre chargé du Développement, et de M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la consommation, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 31 octobre 2012 à 9 heures 30), la Commission des Finances examine les crédits de la mission Aide publique au développement, du compte spécial Prêts à des États étrangers, et l’article 62 rattaché.

Sur la proposition du Rapporteur spécial, la Commission adopte les crédits de la mission Aide publique au développement et du compte spécial Prêts à des États étrangers.

Article 62

Majoration du plafond d’autorisation d’annulations de dettes aux États bénéficiant de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE)

Texte du projet de loi :

Au II de l’article 64 de la loi de finances rectificative pour 1991 (n° 91-1323 du 30 décembre 1991), le montant : « 2 650 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 2 850 millions d’euros ».

Exposé des motifs :

Le présent article propose de majorer le plafond d’autorisation permettant au ministre chargé de l’économie d’accorder des annulations de dettes aux États bénéficiant de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).

Pour ces pays, la France s’est en effet engagée à fournir un effort additionnel allant au-delà de l’effort décidé par la communauté financière internationale.

Fin 2011, ces annulations de dettes additionnelles accordées par la France aux PPTE se sont élevées à 1 746 M€. Pour 2012, les engagements de la France entraîneront 605 M€ d’annulations de dettes notamment au bénéfice de la Côte d’Ivoire. Cela portera le montant total des annulations additionnelles accordées par la France à 2 352 M€ à fin 2012.

En 2013, au total, ces annulations de dettes additionnelles s’élèveraient à 450 M€, en particulier dans le cadre du contrat de désendettement et de développement avec la Côte d’Ivoire (350 M€).

Ainsi, les annulations de dettes additionnelles devraient atteindre, fin 2013, 2 802 M€ pour un plafond maximal aujourd’hui fixé à 2 650 M€ par la loi de finances rectificative pour 1991. C’est pourquoi le présent article propose d’augmenter ce plafond de 200 M€ pour le porter à 2 850 M€.

Observations et décision de la Commission :

● Le présent article propose de relever le plafond d’autorisation des annulations de dettes, permettant au ministre chargé de l’Économie de prendre les mesures nécessaires en vue des remises de dettes consenties par la France.

Les annulations de dette peuvent résulter de décisions bilatérales ou multilatérales :

– les annulations multilatérales sont celles décidées en application des recommandations arrêtées lors de la réunion des principaux créanciers, en faveur des pays en développement visés par l’article 1er de l’accord du 26 janvier 1960 instituant l’Association internationale de développement. Lancée en 1996 par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE) a pour objectif de rendre soutenable la dette de ces pays. Elle est discutée dans le cadre du Club de Paris. Pour bénéficier de l’initiative, la dette des pays doit être déclarée insoutenable au regard de certains critères ;

– à titre bilatéral, la France octroie des remises de dette additionnelles aux PPTE.

● L’article 64 de la loi de finances rectificative pour 1991 est régulièrement modifié pour augmenter les plafonds d’autorisation d’annulations de dettes. La dernière modification, prévue à l’article 37 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, a fixé à 18,7 milliards d’euros le plafond pour les actions multilatérales, et à 2,65 milliards d’euros le plafond pour les actions bilatérales additionnelles. L’autorisation est applicable aux prêts bénéficiant de leur garantie. Les plafonds s’entendent de façon cumulée, c'est-à-dire en tenant compte de toutes les annulations passées.

● Conformément aux engagements internationaux de la France, et suite notamment à l’accord bilatéral d’annulation de la dette ivoirienne signé par le ministre de l’Économie et des finances français, M. Pierre Moscovici, le 24 juillet 2012, le plafond d’autorisation d’annulation de dettes aux États bénéficiant de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) devrait être insuffisant. En effet, l’arrivée de la République de Côte d’Ivoire au point d’achèvement de l’initiative PPTE ouvre non seulement la voie à une annulation bilatérale de dettes à hauteur de 350 millions d’euros en 2013, mais aboutit aussi à la signature d’un Contrat de désendettement et de développement (C2D) qui permet de refinancer par dons l’intégralité des créances souveraines d’aide publique au développement. La Côte d’Ivoire continuera donc d’honorer sa dette, mais, aussitôt le remboursement constaté, la somme correspondante sera reversée sur un compte spécifique de la Banque Centrale ivoirienne.

Au 31 décembre 2011, le montant total des annulations de dettes additionnelles accordées par la France était de 1 746 millions d’euros. D’ici fin 2012, il devrait atteindre le montant de 2 352 millions d’euros. Pour 2013, les échéances des PPTE à annuler s’élèveront, selon le Trésor, à environ 450 millions d’euros, dont 350 sont issus de l’accord bilatéral d’annulation de dette passé avec la République de Côte d’Ivoire. Par conséquent, le présent article propose de rehausser le plafond d’autorisation d’annulations PPTE de 200 millions d’euros, passant de 2 650 millions d'euros à 2 850 millions d’euros.

● L’augmentation des plafonds proposée par cet article n’a pas de conséquence budgétaire directe. En revanche, la décision du ministre de l’Économie et des finances d’annuler partiellement ou en totalité une dette envers l’État a un impact sur le solde budgétaire de l’État. Cet impact peut prendre plusieurs formes en fonction du détenteur de la créance :

– l’annulation des dettes figurant à l’actif de l’État, relevant du programme 852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dette envers la France », donne lieu à des transports aux découverts du Trésor en loi de règlement, et est considérée comme une dépense au sens de la comptabilité nationale. Elle dégrade ainsi le déficit public ;

– l’annulation des créances détenues par des tiers (notamment l’Agence Française de Développement) donne lieu à l’indemnisation de ceux-ci par le Trésor. Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » prend en charge l’indemnisation des annulations supportées par l’AFD.

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Conformément à l’avis du Rapporteur spécial, la Commission adopte l’article 62 rattaché.

Après l’article 62

Après l’article 62, la commission est saisie de l’amendement II-CF 41 de M. Éric Alauzet tendant à doubler les plafonds de la taxe de l’aviation civile.

Sur l’avis défavorable de M. Jean-François Mancel, Rapporteur spécial, la commission rejette cet amendement.

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AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

Article additionnel après l'article 62

Amendement n° II-CF 41 présenté par M. Éric Alauzet, Mme Éva Sas et les commissaires membres du groupe écologiste

Après l’article 62, insérer l’article suivant :

I.– Au 1er alinéa du VI de l’article 302 bis K du code général des impôts,

Remplacer les mots :

« de 1 euros et de 4 euros »

Par les mots :

« de 2 euros et de 8 euros »

II.– Au 1er alinéa du VI de l’article 302 bis K du code général des impôts,

Remplacer les mots :

« de 10 euros et de 40 euros »

Par les mots :

« de 20 euros et de 80 euros »

III.– Après le 1er alinéa du VI de l'article 302 bis K du code général des impôts

insérer le paragraphe suivant :

"À compter de l'année 2011, ces tarifs sont revalorisés chaque année dans une proportion égale au taux prévisionnel de croissance de l'indice des prix à la consommation hors tabac associé au projet de loi de finances de l'année. "

ANNEXE :
AUDITIONS ET VISITES RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

M. Pascal Canfin, ministre délégué au développement.

M. Dov Zerah, directeur général de l’Agence française de développement (AFP).

Mme Cécile Molinier, directrice du bureau du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) à Genève et Mme Najat Rochdi, directrice adjointe.

M. Arnaud Buissé, sous-directeur des affaires financières, multilatérales et du développement, Direction générale du Trésor, Mlle May Gicquel, Mlle Linah Shimi et M. Laurent Weill

M. Pierre Jacquemot, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)

M. Patrick Guillaumont, Président de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI), dont la CERDI dépend.

M. Guillaume Grosso, directeur One France et Mme Frédérika Moeder

M. Jean-Baptiste Mattei, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats.

© Assemblée nationale

1 () http://www.dfid.gov.uk/Documents/publications1/mar/Taking-forward.pdf

2 () Seuls 4 pays d’Afrique atteignent en 2011 l’objectif fixé dans le cadre de la Déclaration d’Abuja de consacrer 15 % du budget national à la santé.

3 () Avec la création d’une taxe sur les billets d’avions pour le financement de l’accès des populations les plus pauvres aux médicaments essentiels (Sida, tuberculose, paludisme) dévolue à UNITAID, mais aussi à travers le mécanisme d’emprunt IFFIm pour la vaccination.