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N
° 2260

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

——

ANNEXE N° 42

SANT
É

AVANCES AUX ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

Rapporteur spécial : M. Claude GOASGUEN

Député

____

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

CHAPITRE IER : L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT : HISTOIRE D’UNE IRRESPONSABILITÉ CHRONIQUE 9

I. LE SYNDROME DE SOUS-BUDGÉTISATION AU SEIN DU PROGRAMME PROTECTION MALADIE 9

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS ET DES ACTIONS DU PROGRAMME 183 9

a. Le dispositif d’indemnisation des victimes de l’amiante 9

b. Le fonctionnement de l’aide médicale de l’État 10

B. UNE SOUS-BUDGÉTISATION SYSTÉMATIQUE DE L’AME MALGRÉ UN BUDGET QUI NE CESSE D’AUGMENTER 12

1. Une hausse constante des dépenses et une sous-évaluation systématique 12

a. Une hausse constante des dépenses et des bénéficiaires 12

b. L’incapacité du Gouvernement à produire des évaluations justes et cohérentes de l’AME de droit commun 15

2. La dette de l’État envers la sécurité sociale : une insincérité budgétaire assumée 18

II. UN FINANCEMENT IRRESPONSABLE ET UN MANQUE ACCRU DE CONTRÔLE 20

A. UNE MAÎTRISE DES DÉPENSES EN TROMPE-L’ŒIL AU DÉTRIMENT DES HÔPITAUX : UN TRANSFERT DE CHARGES IRRESPONSABLE 20

1. La prépondérance des dépenses hospitalières publiques 20

2. Le report du coût sur les hôpitaux : les réformes successives sur la tarification des séjours hospitaliers 21

3. Un reste à charge incompressible pour les hôpitaux : une zone grise qui n’est pas évaluée 23

B. QUAND LE GESTIONNAIRE N’EST PAS LE PAYEUR : LA RÉTICENCE À METTRE EN PLACE DES PROCÉDURES STRICTES DE CONTRÔLE 24

1. Des contrôles administratifs insuffisants 24

2. Une lutte contre la fraude balbutiante 25

C. L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT EN OUTRE-MER : LE CAS DE LA GUYANE ET DE MAYOTTE 27

1. La Guyane 27

a. Une population particulièrement fragilisée 27

b. De graves défaillances dans la mise en œuvre de l’aide médicale de l’État relevées par la Cour des comptes 27

2. Le cas de Mayotte 29

a. Une situation sanitaire alarmante 29

b. Un désengagement de l’État en matière de santé 29

III. UN DISPOSITIF À L’AGONIE 30

CHAPITRE II : UNE BAISSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS 33

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME ACCUSENT UNE BAISSE GLOBALE DE PRÈS DE 25 %, PARTIELLEMENT COMPENSÉE PAR LES TRANSFERTS DE CHARGES À L’ASSURANCE MALADIE 33

A. DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES GLOBALEMENT EN BAISSE 33

B. DES ÉVOLUTIONS DIFFÉRENCIÉES QUI REFLÈTENT LES PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT 34

1. Pilotage de la politique de santé publique : renforcement ou complexification supplémentaire ? (action 11) 34

2. Projets régionaux de santé : les crédits du Fonds d’intervention régional en légère baisse (action 18) 36

3. Accès à la santé et éducation à la santé (action 12) 37

4. Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins (action 13) 38

5. Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades (action 14) 39

6. Prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation (action 15) 40

7. Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires (action 16) 41

8. Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain (action 17) 41

a. L’Agence de la biomédecine 41

b. L’Agence nationale de santé du médicament et des produits de santé 41

9. Modernisation de l’offre de soins (action 19) : quel avenir pour le dossier médical personnel ? 43

a. Une débudgétisation liée aux transferts de compétences vers l’assurance maladie 43

b. Le dossier médical personnel : un dispositif qui peine à se déployer 44

c. Les perspectives du DMP pour 2015 45

II. UN RECUL SUBSTANTIEL DES MOYENS ATTRIBUÉS AUX OPÉRATEURS DE LA PRÉVENTION ET DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE 46

A. D’IMPORTANTES RESTRUCTURATIONS POUR 2015 DANS UN OBJECTIF D’ÉCONOMIE DES COÛTS 46

1. Le projet de fusion de trois agences sanitaires 46

2. Les transferts de gestion et de financements à l’assurance maladie 47

a. L’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) 47

b. le Centre national de gestion (CNG) 47

c. la Haute Autorité de santé (HAS) 48

B. DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT EN BAISSE POUR LES OPÉRATEURS DE LA MISSION 49

1. Des crédits budgétaires en recul 49

2. Une masse salariale sous contrainte 50

3. Une diminution des moyens inquiétante pour l’Agence nationale de sécurité du médicament 50

a. Des ressources en baisse qui s’ajoutent à d’importants efforts de gestion 50

b. Moins d’effectifs pour des missions toujours plus nombreuses 52

EXAMEN EN COMMISSION 55

ANNEXE 1 : RETOUR D’EXPÉRIENCE DU CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS (CHSD) 57

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 69

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 70 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

INTRODUCTION

Le Gouvernement a présenté cette année sa trajectoire de finances publiques afin de permettre de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2017. Afin d’atteindre cet objectif, un plan d’économies de 50 milliards d’euros a été annoncé, mis en œuvre dès 2015 avec un premier effort de 21 milliards d’euros qui se poursuivra en 2016 et 2017 avec 14,5 milliards d’euros d’économies supplémentaires chaque année. Dans le cadre de cet effort demandé à l’ensemble des collectivités publiques, l’État et ses agences assumeront une économie nette totale de près de 19 milliards d’euros, dont 7,7 milliards d’euros d’économie dès 2015.

Dans cette logique de réduction des dépenses publiques, la mission Santé voit le montant de ses crédits en fort recul dans le projet de loi de finances pour 2015 à hauteur de 7 %, contrairement à la tendance qui avait été constatée entre 2013 et 2014. Le tableau suivant récapitule l’évolution des crédits dédiés à la mission :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION 2014/2015

(en millions d’euros)

Programmes

LFI 2014

PAP 2015

Évolution 2014/2015

AE/CP

AE/CP

Programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soin

690,5

516,9

– 25 %

Programme 183 Protection maladie

604,9

687,5

14 %

TOTAL

1 295,4

1 204,4

– 7 %

Source : projet annuel de performances 2015.

Cette répartition globale appelle plusieurs remarques. Tout d’abord, le déséquilibre est important entre les deux programmes. Le programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins se voit amputé d’un quart de ses crédits. Cette baisse très importante s’explique principalement par deux mesures de gestion mises en œuvre en 2015 concernant les agences sanitaires du programme : d’une part, le regroupement dans une entité unique de trois de ces agences et d’autre part le transfert de la charge à la sécurité sociale d’un certain nombre de missions et de trois opérateurs. À périmètre constant, la baisse est de moins de 2 %.

Simultanément, le programme protection maladie, qui finance l’aide médicale de l’État (AME) à hauteur de 677,5 millions d’euros sur les 687,5 millions de crédits voit ses crédits augmenter de 14 %, dont 12 % pour les seules dépenses d’AME.

Le Rapporteur spécial s’étonne donc que, dans ce contexte très fortement contraint pour les finances publiques, et en présence d’un affichage politique ambitieux en matière de maîtrise des dépenses publiques, le Gouvernement ne cible pas ses efforts sur un dispositif comme l’AME. En effet, cette aide connaît une croissance exponentielle bien supérieure à la progression spontanée moyenne de la dépense publique de 1,7 %. Elle ne fait par ailleurs l’objet d’aucune maîtrise en gestion, ni par l’État, ni par la sécurité sociale, ni d’aucune réforme en faveur de sa rationalisation. Ce laxisme budgétaire n’est pas acceptable pour le contribuable.

Il regrette fortement que les économies liées à la mission portent, même de manière modeste, sur les politiques de prévention et de sécurité sanitaire, dont on ne cesse de vanter les mérites en termes de santé publique – c’est par ailleurs l’un des objectifs prioritaires dans la stratégie nationale de santé du Gouvernement – mais auxquelles on donne peu de moyens de monter en puissance.

La confrontation entre la hausse, qui plus est sous-évaluée, des dépenses d’AME, avec l’effort certes légitime de rationalisation demandé parallèlement aux agences sanitaires interroge sur la cohérence et la pertinence des choix gouvernementaux dans cette période de crise économique.

CHAPITRE IER :
L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT : HISTOIRE D’UNE IRRESPONSABILITÉ CHRONIQUE

I. LE SYNDROME DE SOUS-BUDGÉTISATION AU SEIN DU PROGRAMME PROTECTION MALADIE

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS ET DES ACTIONS DU PROGRAMME 183

Le programme Protection maladie est composé de deux actions, l’une finançant l’aide médicale de l’État et l’autre les crédits dédiés au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA). Le tableau suivant récapitule la répartition des crédits budgétaires entre les deux actions, ainsi que leur évolution par rapport à 2014 :

(en millions d’euros)

Actions

LFI 2014

PAP 2015

Écart

2015/2014

AE/CP

AE/CP

02 Aide médicale de l’État

604,9

677,5

+ 12 %

03 Fonds d'indemnisation des victimes de l’amiante

0,0

10

TOTAL

604,9

687,5

+ 13,7 %

Source : projet annuel de performances 2015.

a. Le dispositif d’indemnisation des victimes de l’amiante

Le fonds est chargé d’assurer la réparation des préjudices subis par les victimes de l’amiante. Il constitue un organisme d’indemnisation complémentaire pour les personnes ne bénéficiant pas d’une couverture contre les risques accidents du travail et maladie professionnelles. Son financement est double : outre la dotation budgétaire de l’État, les ressources du fonds sont constituées majoritairement par la contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Pour 2013, le nombre de demandes d’indemnisation déposées par des victimes directes de l’amiante était en augmentation par rapport à 2012 : 5 202 demandes contre 4 414 en 2012, soit une augmentation de 18 %. Par ailleurs, 7 944 dossiers ont donné lieu à formulation d’une offre d’indemnisation contre 7 567 en 2012, soit une augmentation de 5 %.

Le montant total des dépenses 2013 du FIVA s’est élevé à 555 millions d’euros, soit une augmentation de 15,5 % par rapport à 2012, dont 547 millions d’euros au titre des indemnisations. De sa création en 2001 au 31 décembre 2013, le FIVA a versé 4 milliards d’euros d’indemnisations.

Le montant total des dépenses au 31 décembre 2014 est estimé à 513 millions d’euros. Les produits du FIVA sont en augmentation en 2014 : ils devraient être de 515 millions d’euros. Compte tenu des réserves du fonds fin 2013, la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2014 avait fixé la dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) à 435 millions d’euros, la dotation de l’État pour cet exercice étant nulle, sans préjudice du principe d'un financement du fonds par l’État. C’était également le cas en 2013 au regard des importantes réserves du fonds.

Avec un résultat net prévisionnel estimé à 2 millions d’euros en fin d’année 2014 et un résultat cumulé négatif de 16 millions d’euros, le projet de loi de finances pour 2015 propose d’abonder de nouveau le FIVA à hauteur de 10 millions d’euros. Les dépenses pour 2015 devraient s’élever à 480 millions d’euros. Les produits du FIVA devraient s’élever à 470 millions d’euros, constitués d’une dotation de l’État de 10 millions d’euros, d’une dotation de la branche AT-MP de 380 millions d’euros, et d’autres produits à hauteur de 80 millions d’euros.

Par ailleurs, le FIVA travaille depuis 2012 sur le raccourcissement de ses délais de traitement des demandes, notamment grâce à la dématérialisation. La prévision pour 2015 est de 80 % de dossiers traités dans le délai légal de six mois (contre 64 % en réalisation 2013) et 95 % d’offres payées aux victimes de pathologies graves dans le délai réglementaire de deux mois (81 % en réalisation 2013).

b. Le fonctionnement de l’aide médicale de l’État

L’aide médicale de l’État de droit commun est entrée en vigueur le 1er janvier 2000 pour assurer la protection des personnes étrangères résidant en France depuis plus de trois mois mais ne remplissant pas la condition de régularité de séjour exigée pour l’admission à la couverture maladie universelle (CMU) et dont les ressources sont inférieures au plafond de ressources fixé pour la CMU complémentaire. Elle recouvre plusieurs dispositifs :

i. L’aide médicale de droit commun

Elle constitue le cœur du dispositif et également la part non maîtrisée des dépenses d’AME. Il s’agit d’une aide accordée pour un an renouvelable et conditionnée par une résidence en France ininterrompue de plus de trois mois ainsi que de revenus inférieurs à un plafond (1 080,58 euros par mois pour un foyer de deux personnes). Elle permet la prise en charge des dépenses de santé jusqu’à 100 % des tarifs maximums fixés par l’assurance maladie (consultations médicales ou dentaires en cabinet ou à l’hôpital), avec une exonération de la participation forfaitaire de 1 euro. C’est une dépense « de guichet » et de ce fait entièrement dépendante du nombre de demandeurs répondant aux critères d’éligibilité. En 2014, elle représente 93 % de la dotation budgétaire et entraîne chaque année un dépassement massif des crédits initialement votés. Ce dispositif est financièrement à la charge intégrale de l’État mais géré par l’assurance maladie puisque l’ouverture des droits se fait auprès des caisses primaires d’assurance maladie, les services de la sécurité sociale en assurant également le contrôle.

Les critères d’éligibilité de l’aide ont été restreints au cours du temps. Après l’instauration en 2004 d’une condition de résidence stable de plus de trois mois, le bénéfice des prestations en cours d’année de droit est soumis depuis 2011 à la stabilité de la résidence durant les douze mois qui précèdent le service des prestations. Les intéressés doivent donc, pour garder leur droit, avoir en France un foyer permanent ou leur lieu de séjour principal.

En 2011, le champ de prise en charge de l’AME a également été limité aux actes, produits et prestations exclusivement destinés au traitement ou à la prévention d’une maladie, excluant de ce fait des prestations comme les cures thermales.

Ces mesures de rationalisation n’ont cependant pas suffi à maîtriser la dépense depuis 2012. Il apparaît que la nature même du dispositif d’AME de droit commun empêche toute forme de contrôle, la situation irrégulière des bénéficiaires impliquant en toute logique une difficulté, voire une impossibilité, à vérifier les pièces justificatives et à maîtriser la hausse croissante des demandes.

ii. Les soins urgents

Cette aide permet la prise en charge de soins dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital de la personne ou pourrait conduire à une altération grave et durable de son état de santé. Ils sont assurés par les hôpitaux pour les étrangers qui résident en France sans pouvoir bénéficier de l’AME (résidence inférieure à moins de trois mois, démarche pour l’obtention de l’AME droit commun non effectuée ou en cours). Cette aide est financée par l’assurance maladie ainsi que par une dotation forfaitaire de 40 millions d’euros issue du budget de l’État (31 % de la dépense en 2013). Elle échappe donc à la logique de guichet pour le budget de l’État et représente parallèlement une charge croissante pour l’assurance maladie (129 millions d’euros en 2013 contre 90,2 millions d’euros en 2011).

iii. L’AME « humanitaire »

Il ne s’agit pas d’une ouverture de droit mais d’une décision individuelle prise par le ministre compétent visant à permettre des admissions pour soins hospitaliers ponctuels en France de personnes françaises ou étrangères qui ne résident pas en France (moins de 100 cas par an). À cela s’ajoutent des crédits visant à financer les évacuations sanitaires d’étrangers résidant à Mayotte vers les hôpitaux de La Réunion et éventuellement vers la métropole et enfin l’aide médicale pour les personnes gardées à vue (médicaments et actes infirmiers).

La répartition des crédits d’intervention, représentant 677,5 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015 et en hausse de 12 % par rapport à la loi de finances initiales pour 2014, est la suivante :

– 632,6 millions d’euros au titre de l’aide médicale de droit commun (93,4 %). Il s’agit des crédits visant à rembourser les dépenses avancées par la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAMTS) pour les soins des bénéficiaires ;

– 40 millions d’euros au titre de la dotation forfaitaire pour les soins urgents ;

– 4,9 millions d’euros pour l’ensemble des autres dispositifs.

B. UNE SOUS-BUDGÉTISATION SYSTÉMATIQUE DE L’AME MALGRÉ UN BUDGET QUI NE CESSE D’AUGMENTER

1. Une hausse constante des dépenses et une sous-évaluation systématique

a. Une hausse constante des dépenses et des bénéficiaires

Le tableau suivant récapitule l’évolution des crédits budgétaires votés au regard de leur réalisation depuis 2009 (hors apurement de la dette et dette non remboursée à l’assurance maladie) et en intégrant la prévision de dépenses à l’issue de l’année 2014 :

ÉCARTS ENTRE LES PRÉVISIONS INITIALES ET LES CRÉDITS EFFECTIVEMENT CONSOMMÉS

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Évolution depuis 2008

LFI

490

535

588

588

588

605

+ 46 %

Réalisation

591,29 (1)

635,43

626,18

587,5

743,9

760 (2)

+ 48 %

Écart

20,67 %

18,77 %

6,49 %

– 0,09 %

26,51 %

25,62 %

 

(en millions d’euros)

Source : projet annuel de performances et questionnaire budgétaire – ministère de la Santé et des affaires sociales.

Ces données amènent le Rapporteur spécial à faire deux constats alarmants qu’il avait d’ores et déjà formulés dans son précédent rapport spécial.

D’une part, les dépenses d’AME connaissent une croissance exponentielle puisqu’elles ont augmenté en réalisation de 48 % entre 2008 et 2014. D’autre part, hormis en 2012, les crédits consommés ont toujours été supérieurs aux crédits votés, souvent dans des proportions supérieures à 20 %. Ces deux phénomènes sont entièrement imputables au dispositif de l’AME de droit commun, les soins urgents étant plafonnés et l’AME humanitaire faisant l’objet d’une consommation souvent inférieure aux crédits votés, d’ailleurs redéployés en fin d’année au profit de l’AME de droit commun.

Cette sous-évaluation engendre des abondements de crédits récurrents en lois de finances rectificatives couvrant une partie des dépenses non anticipées, le reste à payer cumulé dû par l’État à l’assurance maladie continuant par ailleurs d’augmenter. La loi de finances rectificative pour 2013 a ainsi ouvert 156 millions d’euros de crédits qui n’ont pas été suffisants pour couvrir l’intégralité du coût de l’AME constaté par l’assurance maladie cette année-là.

Cette hausse croissante reflète les dysfonctionnements d’un système de guichet avec un nombre de demandes qui ne cesse d’augmenter. Au 31 décembre 2013, le nombre de bénéficiaires s’élève à 282 425, dont 19 779 en outre-mer (7 %), contre 215 763 en 2009, soit une hausse de 30 % en quatre ans. En 2002, le nombre de bénéficiaires était de 154 015. On constate une très forte accélération de l’augmentation en 2012, avec une hausse de 30 % du nombre de bénéficiaires entre mars 2012 et juin 2013 représentant 63 000 ouvertures de droit.

Le graphique suivant permet d’appréhender la croissance exponentielle du nombre de bénéficiaires :

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES 2002-2014

Le profil des bénéficiaires de l'AME de droit commun demeure relativement stable : il s'agit pour plus de 80 % de personnes seules, majoritairement des hommes, généralement jeunes : en 2013, 19 % d'entre eux étaient mineurs et 40 % avaient entre 18 et 30 ans, bien qu’un rajeunissement des bénéficiaires soit constaté puisque la part des 18-30 ans était évaluée à 23 % dans le projet annuel de performances pour 2015.

Lors de l’audition des représentants de la CNAMTS, il a été confirmé que la hausse des dépenses est corrélée exclusivement à la hausse non maîtrisable et mal anticipée des bénéficiaires, le coût moyen par patient étant quant à lui relativement stable sur la période.

2011-2012 : une budgétisation conforme et un nombre de bénéficiaires en léger recul

Face à la hausse constante des dépenses d’AME et à la progression du nombre de bénéficiaires, le précédent Gouvernement avait mis en place plusieurs mesures de contrôle. La loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 prévoyait ainsi :

– l’instauration d’un droit annuel forfaitaire de 30 euros conditionnant le bénéfice de l’AME pour les majeurs ;

– la délégation donnée aux caisses d’assurance maladie pour ester en justice aux fins de récupération des indus ;

– la restriction de la définition des ayants droit des demandeurs d’AME, les ascendants et collatéraux devant désormais formuler une demande à titre personnel ;

– la restriction du champ de prise en charge par l’AME des actes, produits et prestations, à ceux exclusivement destinés au traitement ou à la prévention d’une maladie ;

– l’instauration d’une procédure d’agrément préalable pour les soins hospitaliers coûteux programmés ;

– l’instauration d’une condition de stabilité de résidence pour bénéficier des prestations en cours d’année de droit.

La deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a supprimé les mesures relatives au droit de timbre, au fonds national de l’aide médicale de l’État et à l’agrément préalable pour soins coûteux après deux ans de mise en œuvre. Le Rapporteur spécial avait condamné la suppression de ces dispositifs sans solution alternative, car ils constituaient une première étape vers une réforme approfondie en faveur de la responsabilisation des acteurs.

Deux ans après, au vu des résultats 2011 et 2012 comparés aux années antérieures et postérieures, il est désormais incontestable que la réforme avait produit des effets notables sur la maîtrise de la dépense. En 2012, l’aide médicale de droit commun s’est élevée en définitive à 582 millions d’euros (avec une prévision à 543 millions), soit une sous-évaluation acceptable de 7 % comparable à celle de 2011. Celle-ci apparaît donc très fortement inférieure aux écarts de 20 % qui caractérisent les autres exercices.

Le Rapporteur spécial reconnaît cependant que la gestion d’un tel dispositif s’avérait complexe pour les acteurs hospitaliers et préjudiciable aux bénéficiaires du fait des délais d’obtention qui en découlaient.

b. L’incapacité du Gouvernement à produire des évaluations justes et cohérentes de l’AME de droit commun

La direction de la sécurité sociale est responsable du budget opérationnel de programme Aide médicale de l’État depuis janvier 2014. Elle assure le pilotage et la gestion des dispositifs de l’AME de droit commun et des soins urgents. Malgré cette rationalisation du pilotage de la dépense, les prévisions 2014 devraient se confirmer comme étant non conformes au budget initialement voté et celles pour 2015 affichent d’ores et déjà un montant supérieur aux crédits proposés.

i. Une prévision systématiquement fausse qui révèle les dysfonctionnements du dispositif d’AME de droit commun

La sous-budgétisation des besoins est un problème récurrent qui interroge sur les capacités d’anticipation et de pilotage de la dépense par les services de l’État et l’assurance maladie.

Plusieurs facteurs sont évoqués par le ministère dans le cadre des réponses au questionnaire budgétaire afin de justifier la difficulté à établir des prévisions budgétaires fiables en l’état actuel du dispositif.

Tout d’abord, la nature même du dispositif, qui prend en charge des dépenses de santé d’une population en situation irrégulière par définition est mal identifiée: la situation sanitaire peut varier suivant l’origine des individus et l’évolution des effectifs dépend des résultats de politiques distinctes (droit d’asile, reconduites à la frontière) et d’événements internationaux. Les décisions d’accord du droit d’asile sont par exemple en recul de 14 % entre 2012 et 2013, la réforme du droit d’asile devant au contraire limiter cet impact. Cependant, le Rapporteur spécial souligne que si ces éléments exogènes sont en effet imprévisibles, ils ne peuvent être la cause que d’ajustements à la marge ou d’écarts exceptionnels. Ils n’expliquent pas, le cas échéant, la sous-budgétisation structurelle constatée depuis 2009, qui ne peut que révéler une volonté délibérée de sous-estimer l’évolution tendancielle de la dépense.

Ensuite, des inflexions appréhendées trop tardivement qui ne peuvent être intégrées dans la budgétisation pour l’année suivante ou dans le schéma de fin de gestion, la CNAMTS ne parvenant pas à faire remonter les données issues des caisses primaires d’assurance maladie en temps utile. Le ministère donne l’exemple de l’année 2012, où aucun signal ne permettait jusqu’en septembre d’anticiper un dépassement de la dotation pour l’année entière. Les dépenses 2012 ont ainsi atteint 582 millions d’euros pour une dotation initiale de 543 millions d’euros. Le dysfonctionnement est donc inhérent à un fonctionnement bicéphale où les prévisions budgétaires se trouvent entièrement dépendantes des données fournies par le gestionnaire, à savoir l’assurance maladie, qui n’a pas les moyens d’appréhender au plus juste les variations du nombre de bénéficiaires.

Enfin, les nombreuses évolutions de la réglementation ont également constitué un facteur de complexification de l’évaluation. La mise en œuvre de la réforme de la tarification des séjours hospitaliers pour les bénéficiaires de l’AME a modifié les circuits et les modalités de facturation et ont fragilisé les prévisions réalisées sur la base de paramètres nouveaux. La baisse de la majoration en 2014, ainsi que son extinction en 2015 devraient donc fragiliser encore les prévisions. L’instabilité récurrente de la réglementation de l’AME visant à modifier son financement est révélatrice des difficultés à appréhender ce poste de dépenses. Cela devrait inciter le Gouvernement à se pencher sur une réforme plus profonde du dispositif, permettant de maîtriser durablement la hausse du coût.

ii. L’incohérence des prévisions se poursuit en 2014 et 2015

Les prévisions pour l’année 2014 des dépenses d’AME de droit commun s’élevaient à 560 millions d’euros, conformément à l’ouverture des crédits proposée dans le projet de loi de finances et adoptée en loi de finances initiale. Pour ce faire, la prévision s’appuyait sur une évolution tendancielle estimée à 2,5 % en 2013 et 2014, et sur l’impact de la diminution de la majoration des tarifs hospitaliers : la tendance prévue devait permettre d’atteindre une consommation d’AME de droit commun contenue à 585 millions d’euros, auxquels était soustraite l’économie de 25 millions d’euros attendue de la baisse de majoration des tarifs hospitaliers.

Comme le démontre le tableau ci-dessous, les prévisions actualisées de dépenses se sont fortement éloignées de la cible initiale, conformément au phénomène constaté chaque année :

Source : ministère de la Santé – réponse au questionnaire budgétaire.

Au 30 juin 2014, 65 % des crédits sont d’ores et déjà consommés, avec une prévision de consommation supérieure à hauteur de 155 millions – au minimum – au budget initial, abondement qui devrait faire l’objet d’une mesure en loi de finances rectificative pour 2014. La consommation définitive au titre de l’AME de droit commun serait donc de 717 millions d’euros selon les prévisions actualisées, et ce malgré la baisse de la tarification. À coût constant de dépenses hospitalières, l’effet volume aurait donc porté la dépense de droit commun à 742 millions d’euros, et la consommation totale à près de 785 millions d’euros hors effets de la baisse de tarification. Soit un écart de 30 %, jamais atteint jusqu’à aujourd’hui.

La baisse de la tarification permet ainsi de camoufler cette hausse exponentielle en la limitant visuellement à 25 %, faisant croire à une stabilisation du rythme de la dépense. Mais qu’en sera-t-il quand les tarifs hospitaliers ne pourront plus être abaissés sans mettre en péril l’ensemble de notre système de santé ?

Dans le projet de loi de finances pour 2015, l’évolution prévue de la dépense prend acte de la hausse de 23 % des dépenses d’AME de droit commun en 2013, en totale déconnexion d’avec l’évolution tendancielle de 2,5 % évaluée dans le précédent projet annuel de performances.

Rien dans le contexte actuel ne peut expliquer une telle erreur de prévision amenant à sous-estimer de 20 points la hausse des dépenses.

L’hypothèse d’évolution tendancielle des effectifs retenue est de 3,9 % constatée en moyenne entre 2008 et 2013 et semble également peu réaliste car cette moyenne ne rend que peu compte de l’accélération constatée ces deux dernières années. Enfin, la prévision de dépenses d’AME de droit commun s’élève à 632,6 millions d’euros soit 82,4 millions d’euros de moins qu’en 2013 et 84,4 millions d’euros de moins que la prévision actualisée pour 2014. En déduisant les effets attendus de la fin de la majoration tarifaire (29 millions d’euros en 2015), le projet de loi de finances espère donc une économie de 55,4 millions d’euros sur ce dispositif, malgré une hausse de près de 4 % des bénéficiaires.

Cette économie serait réalisée sous l’effet de deux facteurs conjugués, dont l’effet est aussi dérisoire qu’incertain :

– d’une part les économies attendues au titre de la fin de la prise en charge des médicaments dont le service médical rendu est faible (5 millions d’euros) ;

– d’autre part, la réforme du droit d’asile qui, pour tenir l’objectif, doit permettre de réduire la dépense de 50 millions d’euros en contenant l’augmentation du nombre de bénéficiaires. Le Rapporteur spécial va à l’encontre de cette analyse et considère que cette réforme peut amener au contraire à faire augmenter le nombre de bénéficiaires de l’AME, en l’absence de dispositifs visant à reconduire hors du territoire les demandeurs déboutés.

Avec une dépense tendancielle pour 2015 qui s’élèverait, selon le Gouvernement lui-même, à 717 millions d’euros en 2015 pour l’AME de droit commun, une budgétisation à hauteur 632,6 millions relève donc d’une insincérité budgétaire manifeste et assumée qui inquiète le Rapporteur spécial au plus haut point.

La réforme du droit d’asile dans le cadre du projet de loi déposé le 24 juillet 2014

Plusieurs axes de réformes sont envisagés dans le cadre de ce projet de loi.
D'abord, les garanties des demandeurs d'asile sont renforcées à tous les stades de la procédure, le texte généralisant également l'effet suspensif des recours contre les décisions refusant l'asile.

Ensuite, le projet de loi institue de nouvelles procédures d'examen rapide des demandes, entourées de garanties. Une nouvelle procédure accélérée, qui remplace l'actuelle procédure prioritaire, sera mise en œuvre par ou sous le contrôle de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). L'OFPRA, dont les moyens seront en outre accrus, doit ainsi être en mesure d'assurer un traitement plus rapide des demandes d'asile. Les procédures contentieuses sont également revues, notamment par la création d'une procédure de recours suspensif, procédure accélérée devant un juge unique de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en cinq semaines. Le délai de jugement en procédure normale imparti à la CNDA, qui voit réaffirmé son rôle de juge de l'asile, est fixé à cinq mois.

Le projet de loi a également pour objet de rendre les conditions d'accueil des demandeurs d'asile plus justes et plus équitables, mais aussi plus directives. Ceci implique de mettre en place, comme l'ont fait bon nombre de pays de l'Union européenne, un dispositif d'hébergement contraignant permettant d'affecter le demandeur d'asile dans une autre région que celle où il se présente. En cas de refus de l'hébergement proposé, le demandeur perdra son droit aux allocations. Par ailleurs, le dispositif d'hébergement fera l'objet d'une montée en charge progressive, pour généraliser le modèle du Centre d'accueil de demandeurs d'asile et les allocations perçues seront unifiées et tiendront compte de la composition familiale.

Le projet de loi tend enfin à mieux définir et à renforcer les droits du bénéficiaire de la protection en matière d'accès aux droits, de réunification familiale et de documents de voyage, éléments essentiels de l'intégration à la société française.

Source : compte rendu du Conseil des ministres du 23 juillet 2014.

2. La dette de l’État envers la sécurité sociale : une insincérité budgétaire assumée

Malgré les abondements en cours de gestion depuis 2007, l’État contracte une dette auprès de la CNAMTS qui accumule un reste à charge non couvert par les crédits budgétaires. Des apurements de dette de l’État au titre du dispositif de l’AME ont eu lieu en 2007 et 2009, à hauteur de 920 millions d’euros puis de 280 millions d’euros. Malgré ces abondements massifs de crédits, une dette s’est de nouveau reconstituée à partir de 2011 et se chiffre désormais à un solde cumulé de 51,6 millions.

Le tableau suivant fait état de cette dette qui, selon toute vraisemblance, devrait voir son montant augmenter à l’issue de l’année 2014 :

ÉVOLUTION DE LA DETTE DE L’ÉTAT ENVERS LA CNAMTS DEPUIS 2011

(en millions d’euros)

 

2011

2012

2013

Dépenses AME

608,8

581,6

715,1

Dotation initiale

540

543

543

Redéploiement et report

12,6

3,2

3,2

Ouverture LFR

35

0

156

Solde au titre de l'année

21,2

35,4

12,9

Solde cumulé

6,2

38,7

51,6

Source : ministère de la Santé.

Dans sa note d’exécution budgétaire pour 2013, la Cour des comptes avait évalué les besoins de financement complémentaire pour 2014, dette comprise, à un total de 256,6 millions d’euros. Elle en concluait, en accord avec le contrôleur budgétaire et comptable ministériel, « qu’il existe un fort risque d’i soutenabilité budgétaire » pesant sur le programme.

Le Rapporteur spécial constate donc avec regret que le projet de loi de finances pour 2015, loin de prendre en considération l’ensemble des recommandations de la Cour des comptes, persiste à prévoir un niveau de crédits insoutenable en gestion au mépris du principe fondamental de sincérité budgétaire. Par ailleurs, à la question posée dans son questionnaire budgétaire sur les modalités envisagées par le Gouvernement pour procéder à l’apurement de cette dette, aucune réponse n’a été apportée. Cette question a été posée directement à la ministre de la Santé et des Affaires sociales par le Rapporteur spécial lors de la commission élargie du 3 novembre 2014, mais de même n’a fait l’objet d’aucune réponse.

Ainsi, depuis 2008, les dépenses d’AME ont représenté pour l’État un surcoût par rapport aux prévisions initiales de 612 millions d’euros, couverts par les transferts et abondements en lois de finances rectificatives, auxquels s’ajoutent 280 millions d’euros d’apurement de dette en 2009 et un reste à charge chiffré à ce jour à 51,6 millions d’euros. Au total, c’est donc un dérapage de 942 millions d’euros qui est constaté sur six ans et qui va dépasser le seuil symbolique de 1 milliard d’euros en 2015 si la tendance se confirme.

II. UN FINANCEMENT IRRESPONSABLE ET UN MANQUE ACCRU DE CONTRÔLE

A. UNE MAÎTRISE DES DÉPENSES EN TROMPE-L’ŒIL AU DÉTRIMENT DES HÔPITAUX : UN TRANSFERT DE CHARGES IRRESPONSABLE

1. La prépondérance des dépenses hospitalières publiques

Les dépenses hospitalières représentent 71 % des dépenses d’AME de droit commun en 2013, contre 29 % pour les soins de ville. Le tableau suivant récapitule la répartition par type de dépenses de l’AME de droit commun :

(en euros)

 

Types de prestations

Prestations au titre des exercices antérieurs

Prestations au titre de l'exercice 2013

Total

Prestations de ville

Honoraires généralistes et spécialistes

8 345 696,01

36 424 025,33

44 769 721,34

 

Honoraires dentaires

1 283 444,78

6 984 525,28

8 267 970,06

 

Honoraires des auxiliaires médicaux

1 819 170,16

6 346 522,64

8 165 692,80

 

Médicaments et dispositifs médicaux à usage individuel

3 488 960,36

57 311 213,33

60 800 173,69

 

Frais d'analyse de biologie médicale et d'examens de laboratoire

1 186 718,13

12 103 121,63

13 289 839,76

 

Frais de transport

1 576 662,51

5 601 237,24

7 177 899,75

 

Autres frais

918 882,15

8 116 680,93

9 035 563,08

Total Prestations de ville

 

18 619 534,10

132 887 326,38

151 506 860,48

Prestations hospitalières

Cliniques privées

6 451 115,13

24 283 407,64

30 734 522,77

 

Établissements médico-sociaux

632 565,47

1 008 066,88

1 640 632,35

 

Établissements publics dont :

123 915 081,02

222 883 894,24

346 798 975,26

 

- autres frais d'hospitalisation

119 925 027,45

208 981 742,08

328 906 769,53

 

- honoraires du secteur public

3 548 617,75

13 204 416,45

16 753 034,20

 

- forfaits journaliers

441 435,82

697 735,71

1 139 171,53

 

IVG (cliniques+établissements publics)

947 456,91

803 308,42

1 750 765,33

Total Prestations hospitalières

 

131 946 218,53

248 978 677,18

380 924 895,71

Total

 

150 565 752,63

381 866 003,56

532 431 756,19



Source : CNAMTS.

Les établissements publics sont donc les premiers concernés par l’offre de soins fournie aux patients relevant de l’AME. Dans le cadre des soins de ville, les deux postes principaux de dépenses sont les honoraires des médecins généralistes et spécialistes (29 %) et les dépenses de médicaments et dispositifs médicaux (41 %). Du fait de l’importance financière des médicaments dans le coût de l’AME, des économies sont attendues en 2015 du fait de la fin de prise en charge des médicaments dont le service médical rendu est faible. C’était également l’objectif de la disposition législative adoptée en 2008 afin d’augmenter le recours aux médicaments génériques.

2. Le report du coût sur les hôpitaux : les réformes successives sur la tarification des séjours hospitaliers

L’article 50 de la loi de finances rectificative pour 2011 a modifié le mode de tarification des séjours de l’hôpital public des bénéficiaires de l’AME afin de rapprocher la tarification de ces patients sur celle des assurés sociaux. Antérieurement facturés en fonction du prix à la journée, ils sont alignés depuis 2012 sur les tarifs de droit commun issus de la tarification à l’activité (T2A), moins élevés que les précédents. Une majoration transitoire était cependant prévue jusqu’à la fin de l’année 2014.

L’impact est estimé par le ministère de la Santé à une perte de recettes de 79,6 millions d’euros pour les établissements publics de santé en 2012, selon une répartition qui concentre la charge sur les hôpitaux situés dans des bassins de population fragilisée.

IMPACT DE LA RÉVISION DE LA TARIFICATION
SUR LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ EN 2012

(en euros)

Établissements de santé

Montant des recettes perçues avant la réforme

Montant des recettes perçues après la réforme

Perte de recettes

Établissements publics de santé France entière

316 317 643

236 754 384

– 79 563 258,52

dont

     

AP-HP

119 791 127

86 197 797

– 33 593 330

AP-HM

13 770 600

9 117 688

– 4 652 912

CHR de Toulouse

6 146 381

4 265 045

– 1 881 336

CH de Saint-Denis

9 269 545

7 458 500

– 1 811 045

CHU de Bordeaux

4 972 189

3 185 887

– 1 786 303

Hôpitaux universitaires de Strasbourg

4 552 144

3 084 248

– 1 467 895

Centre hospitalier de Cayenne

12 319 124

10 960 446

– 1 358 678

Hospices civils de Lyon

5 964 546

4 685 228

– 1 279 318

CHU de Montpellier

3 622 425

2 415 986

– 1 206 438

CHI de Villeneuve-Saint-Georges

3 113 519

1 929 362

– 1 184 157

CHU de Grenoble

2 752 192

1 612 557

– 1 139 636

CH de Longjumeau

2 851 399

1 742 430

– 1 108 969

CHU de Nice

5 192 709

4 139 878

– 1 052 831

Source : ministère de la Santé.

L’arrêté du 13 décembre 2013, modifiant l’arrêté du 14 décembre 2011 fixant le mode de calcul des ressources des établissements publics de santé (EPS) pour la prise en charge des patients bénéficiant de l’aide médicale de l’État, a par ailleurs modifié les coefficients de majoration des tarifs mis en œuvre pour les séjours des patients bénéficiaires de l’AME dans le champ médecine-chirurgie-obstétrique. Ce coefficient est passé de 1,3 (30 % de survalorisation des actes) à 1,15 (15 % de survalorisation des actes) au 1er janvier 2014.

Sans impact pour le dispositif, elles se traduisent en revanche par une diminution des montants facturés par les établissements de santé à la CNAMTS et donc indirectement à l’État qui prend totalement en charge ces dépenses.

Il s’agit d’une baisse fictive des dépenses d’AME – assimilable à une simple débudgétisation – qui se traduit en réalité par un transfert de la charge sur le déficit des hôpitaux. Ce montant est estimé à 26 millions d’euros sur l’année 2014 et à 29 millions d’euros en 2015, suite à la réduction puis la fin de la majoration (3).

Cette charge est d’autant plus préjudiciable que les bénéficiaires de l’AME ne sont pas répartis de manière uniforme sur le territoire. Comme l’analyse le projet annuel de performances, sur 106 caisses primaires d’assurance maladie ou caisses générales de sécurité sociale, dix seulement concentrent 69 % de la dépense. Ce sont celles de Paris et de l’Île-de-France, ainsi que la CPAM de Cayenne (6 % des dépenses à elle toute seule), plus de la moitié des bénéficiaires étant concentrés principalement à Paris et en Seine-Saint-Denis. La perte pour l’AP-HP a été évaluée à 33,6 millions d’euros en 2012, soit 42 % du total.

L’irresponsabilité de l’État et de la sécurité sociale en matière d’AME va donc être supportée très fortement par quelques établissements hospitaliers qui voient leur situation financière fragilisée, alors que la dépense d’AME continue inexorablement d’augmenter malgré cette mesure. Le ministère de la Santé précise face à ce constat que « compte tenu de son effet progressif, la réforme de la tarification a pu être anticipée par les hôpitaux (adaptation de leur organisation pour la prise en charge des patients) » (4). Ce constat n’est pas en adéquation avec celui qui s’est dégagé lors de l’audition du centre hospitalier de Saint-Denis par le Rapporteur spécial.

La baisse de la tarification hospitalière : une solution commode que le Gouvernement propose de reconduire pour le dispositif « soins urgents » dans le PLFSS 2015.

En effet, l’article 49 du projet de loi de financement pour 2015 prévoit une réforme similaire des tarifs hospitaliers que celle qui a été appliquée à partir de 2012 à l’aide médicale de l’État de droit commun afin de réduire les dépenses à la charge de l’assurance maladie.

L’exposé des motifs est le suivant : « Les règles de tarification et de facturation de ces soins sont actuellement dérogatoires du droit commun, ce qui conduit à des coûts majorés pour l’assurance maladie et complique le suivi de cette dépense et la compréhension de ses déterminants, pourtant indispensables à un pilotage efficient de ce dispositif. La mesure proposée consiste, d’une part, à rapprocher du droit commun les règles de tarification des soins urgents, en passant de l’application des tarifs journaliers de prestation à celle des tarifs nationaux utilisés dans le cadre de la tarification à l’activité et, d’autre part, à aligner le délai de facturation des soins urgents sur celui de l’aide médicale de l’État. Cette mesure rapproche donc ce dispositif du droit commun et devrait permettre de renforcer le pilotage de la dépense afférente aux soins urgents, sans réduire pour autant l’accès à ces soins vitaux pour les populations concernées. »

Le Rapporteur spécial tient à alerter vivement sur le fait que le changement de tarification pour l’AME de droit commun n’a en aucune mesure permis de renforcer le pilotage de la dépense comme le démontre la situation actuelle. Plus encore, à court terme, le changement de tarification est l’une des raisons évoquées par le ministère (5) pour expliquer la difficulté de la prévision : « les causes liées aux délais de facturation dans le cadre de la réforme de tarification des séjours hospitaliers ont masqué l’augmentation tendancielle de la dépense ».

Une telle mesure non accompagnée d’une réforme de fond permet avant tout d’abaisser artificiellement une dépense en en transférant la charge sur d’autres acteurs.

3. Un reste à charge incompressible pour les hôpitaux : une zone grise qui n’est pas évaluée

Au-delà de la perte financière induite par la baisse de la tarification hospitalière, la gestion des patients relevant de l’aide médicale de l’État constitue une lourde charge imputée aux hôpitaux et un nombre incompressible d’actes médicaux non rémunérés. Ce bilan ressort de manière prégnante pour le centre hospitalier de Saint-Denis, dont les représentants ont été auditionnés par le Rapporteur spécial. Un rapport détaillant la situation financière ciblée sur les éléments de précarité et de leur gestion dans cet hôpital est présenté en annexe.

Ce centre hospitalier, situé dans un bassin de population particulièrement fragilisée et précaire, et dont le taux de patients relevant de l’AME est bien supérieur à la moyenne nationale, illustre de ce fait les difficultés qui peuvent se poser aux structures hospitalières.

Il en ressort deux dysfonctionnements majeurs. D’une part, l’hôpital a dû mettre en place en interne un service dédié à la gestion administrative des patients relevant de l’AME afin d’accompagner l’ouverture des droits dans le cadre d’un suivi social et mettre en place un ensemble de mesures adaptées impliquant des coûts de structure importants. D’autre part, les documents exigés afin de justifier les conditions d’identité, de résidence et de ressources, s’avèrent d’une nature souvent invérifiable pour une population par principe en situation irrégulière. Certains manquements inévitables pour répondre à l’exhaustivité des pièces justificatives attendues entraînent, pour un certain nombres d’actes, un refus par la sécurité sociale de recouvrer les dépenses engagées, l’hôpital accusant alors une perte sèche de recettes.

Au regard de ce constat, le Rapporteur spécial a jugé que la situation n’était pas tenable pour les hôpitaux ayant à soigner une part importante de patients en situation irrégulière. Ils subissent en effet un surcoût financier pénalisant pour leur équilibre budgétaire, auquel s’ajoute une obligation d’instruction exhaustive des droits qui ne devrait en aucun cas relever de leur compétence.

Aucune évaluation ne semble avoir été menée afin de déterminer globalement à combien s’élève l’ensemble de ces surcoûts et de ces pertes de recettes pour les hôpitaux, bien que cela soit assimilable à un coût indirect de l’AME.

B. QUAND LE GESTIONNAIRE N’EST PAS LE PAYEUR : LA RÉTICENCE À METTRE EN PLACE DES PROCÉDURES STRICTES DE CONTRÔLE 

1. Des contrôles administratifs insuffisants

Aucune évolution n’a été constatée cette année en matière de contrôle de l’AME, les dispositifs actuels ne suffisant pas à maîtriser la dépense.

Selon le ministère de la Santé, 160 équivalents temps plein sont affectés au contrôle a priori, c’est-à-dire lors de l’ouverture des droits. Il appartient à ces agents de vérifier que le dossier est complet, c’est-à-dire que le demandeur fournit un justificatif de ressources, d’identité, de stabilité de résidence depuis plus de trois mois et un justificatif d’adresse ou, à défaut, une attestation sur l’honneur. Les caisses primaires d’assurance maladie ont centralisé l’instruction des demandes au sein de pôles de gestion avec une supervision systématique des dossiers. Les équipes sont spécialisées et peuvent mieux détecter les éventuelles anomalies. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2010, les caisses délivrent des cartes sécurisées aux titulaires de l’AME. Ce document non copiable comporte la photographie du bénéficiaire (pour les plus de 16 ans). L’informatisation des données via un système équivalent à celui de la carte VITALE, évoquée depuis plusieurs années, n’a jamais abouti.

Le nombre de personnels dédiés semble bien insuffisant au Rapporteur spécial pour la quantité de dossiers à contrôler au vu du nombre de bénéficiaires, et a fortiori du nombre de demandeurs. Au regard du nombre de notifications d’ouverture et de refus fourni par le ministère pour 2013, le nombre de demandes s’élève à 216 650, soit une moyenne de 1 355 dossiers par agent.

Par ailleurs, aucune donnée sur la répartition départementale n’est établie par la CNAMTS, ce que regrette vivement le Rapporteur spécial. En l’absence de ces données, il est impossible d’établir une vision comparée des pratiques et des taux de notification d’ouverture de droits par caisse d’assurance maladie. Seule la moyenne nationale du taux de refus est connue et s’élève pour 2013 à 9 % des dossiers.

Par ailleurs, ainsi qu’en attestent les indicateurs de performance du programme budgétaire 183, tous les dossiers de demande pour lesquels les demandeurs ont déclaré n’avoir aucune ressource font l’objet d’un contrôle approfondi des moyens d’existence, avec convocation du demandeur à la CPAM ou CGSS pour un entretien. Malgré ce résultat encourageant, l’indicateur « Pourcentage des dossiers contrôlés par entretien et ayant conduit à un refus du droit à l’AME » qui a été introduit en 2013 reste quant à lui inutilisé malgré l’intérêt que représente cette évaluation. Il devait permettre d’avoir une vision plus précise des résultats des contrôles menés en mesurant le taux de dossiers des demandes AME qui ont fait l’objet d’un refus de droit suite aux contrôles visés ci-dessus, et mesurer ainsi le caractère effectif du contrôle. Le projet annuel de performances n’indique aucune prévision pour 2014 et 2015 et aucune cible pour 2017 car « l’impact des contrôles sur les sorties de droits ne peut pas être estimé a priori ».

2. Une lutte contre la fraude balbutiante

Le contrôle a priori se double de vérifications a posteriori. L’ensemble des opérations s’inscrit dans un plan de maîtrise des risques assis sur vingt-six risques spécifiques.

Il convient de relever que si les caisses primaires peuvent signaler les cas de fraude au parquet, l’assurance maladie ne peut pas déposer plainte car l’article L. 252-4 du code de l’action sociale et des familles, à l’instar de l’article L. 861-5 du code de la sécurité sociale en matière de CMU-C, ne le prévoit pas dans la délégation de gestion de l’autorité administrative préfectorale vers l’assurance maladie.

L’assurance maladie peut néanmoins faire usage des pénalités financières prévues par le code de l’action sociale et des familles aux articles L. 162-1-14 et R. 147-6 en cas de faute ou R. 147-11 en cas de fraude. Le montant de la pénalité encourue est, en cas de faute, compris entre 0 euro et le plafond mensuel de sécurité sociale, soit 3 086 euros en 2013, et, en cas de fraude, entre un dixième et quatre fois ce même plafond.

Le tableau suivant présente le bilan des fraudes à l’ouverture des droits à l’AME tel que présenté par la CNAMTS pour l’année 2013 :

Griefs

Nombre de fraudes

Nombre saisines du parquet

Nombre d'indus notifiés

Montant préjudice subi en euros

Montant préjudice évité en euros

Fraude à l'identité

2

1

1

2 074

1 500

Fraude à la condition de résidence

15

4

4

77 296

9 350

Fraude à la condition de ressources

19

1

7

32 264

9 350

Fraude à la condition de résidence et de ressource

7

3

1

27 261

13 500

TOTAL

43

9

13

138 895

33 700

Source : CNAMTS.

Les fraudes à la condition de ressources représentent donc la plus grande partie des fraudes détectées en nombre mais c’est la fraude à la condition de résidence qui représente financièrement l’enjeu le plus important.

Cependant, le Rapporteur spécial ne peut que s’étonner de cette proportion particulièrement faible des fraudes sur une année, qui n’apparaît pas crédible au regard du dispositif, notamment pour les deux fraudes à l’identité répertoriées. Ce bilan démontre la difficulté, voire l’impossibilité, pour les acteurs en charge du contrôle de procéder à des vérifications efficaces et de grande ampleur à l’échelle du territoire.

Ainsi, la lutte contre la fraude et contre l’organisation des filières organisées n’est pas assurée de manière effective. La ministre de la Santé et des affaires sociales s’est exprimée en juin dernier sur ce point devant le Sénat. Elle a rappelé à cette occasion que l’action doit en effet se porter sur la lutte contre les abus, la fraude et les « filières » de personnes étrangères venant en France uniquement dans le but de bénéficier de soins. Ce contrôle ne deviendra cependant possible qu’en 2015, date à laquelle des statistiques détaillées sur le taux d’acceptation et de refus de chaque caisse primaire d’assurance maladie seront disponibles. L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) devrait également, à sa demande, rendre prochainement un nouveau rapport sur le dispositif de soins urgents.

Le Rapporteur spécial se félicite que cette problématique soit enfin appréhendée comme une priorité par le Gouvernement, mais attend avec scepticisme de constater dès 2015 les réalisations concrètes qui seront mises en œuvre à la suite de ces déclarations d’intention. Il considère en effet que la nature même du dispositif rend impossible tout contrôle formalisé de l’ouverture des droits AME, car celle-ci est fondée sur un faisceau d’indices et sur des déclarations sur l’honneur invérifiables. De plus, en l’absence de responsabilisation financière de la sécurité sociale, le contrôle en matière d’AME ne peut être établi comme une priorité.

C. L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT EN OUTRE-MER : LE CAS DE LA GUYANE ET DE MAYOTTE

La situation sanitaire particulièrement inquiétante de la Guyane et de Mayotte a été soulignée dans le rapport de la Cour des Comptes sur la Santé en outre-mer, une responsabilité de la République, rendu public en juin 2014. La proportion de l’immigration clandestine dans ces territoires est identifiée comme un facteur ayant une forte incidence sur le système de soins, et notamment sur le fonctionnement des centres hospitaliers.

1. La Guyane

a. Une population particulièrement fragilisée

Selon la Cour des comptes, « la réduction des inégalités d’accès aux soins est la première priorité du plan régional de santé de Guyane, mais atteindre cet objectif face à l’inévitable afflux de clandestins demeure une gageure ».

Les étrangers en situation irrégulière sont, comme à Mayotte, nombreux. La population estimée est d’environ 30 000 personnes selon le ministère de la Santé. Les clandestins viennent du Brésil et du Surinam. La Cour des comptes indique que la moitié des patients du centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Maroni sont des étrangers en situation irrégulière.

Par ailleurs, les spécificités très importantes de ce département, telles que la forte croissance démographique et la grande précarité, la particularité de l’épidémiologie, la difficulté d’accéder aux droits et aux soins en raison de la vaste étendue du territoire, et le caractère insuffisant de l’offre de soins de ville face à des besoins croissants, ont également des conséquences importantes sur l’évolution des effectifs et des dépenses d’AME et de soins urgents en Guyane.

Ainsi, contrairement aux autres départements où la majorité des bénéficiaires de l’AME est masculine et constituée de personnes seules, les effectifs en Guyane sont essentiellement composés de femmes avec enfants et la proportion de soins hospitaliers est encore plus importante qu’en métropole.

b. De graves défaillances dans la mise en œuvre de l’aide médicale de l’État relevées par la Cour des comptes

Ce département est identifié comme le troisième après Paris et la Seine-Saint-Denis en termes de nombre de bénéficiaires de l’aide médicale de l’État. Il était évalué, et sûrement sous-estimé, à 20 000 bénéficiaires en moyenne.

Alors que la population de Guyane représente 0,4 % de la population totale française, les bénéficiaires de l’AME représentent 6 % de l’ensemble des bénéficiaires en mars 2013. Les dépenses d’AME représentent 44,6 millions d’euros en 2013, en augmentation de 10 millions d’euros par rapport à 2013.

Le graphique suivant illustre l’évolution du nombre de bénéficiaires depuis 2008 en Guyane :


Source : ministère de la Santé.

Selon le ministère de la Santé, après une très forte augmentation de juin 2012 à fin décembre 2012 (105 % au total entre mars et décembre 2012), les taux d’évolution trimestriels de la Guyane seraient devenus négatifs sur les six premiers mois de 2013 (baisse de 9 %) et sont désormais stabilisés, voire en légère diminution (baisse de 3 % entre juin 2013 et mars 2014).

L’AME finance à ce jour près de 20 % des recettes hospitalières, alors que cette part s’élève à 2,5 % pour l’AP-HP et 0,7 % en moyenne sur l’ensemble du territoire. L’acquittement du timbre fiscal en 2011 et 2012 a par ailleurs posé de nombreux problèmes en Guyane, avec des pertes financières très importantes pour les trois établissements hospitaliers avec une facturation systématique en soins urgents. Des dysfonctionnements subsistent même après la disparition du timbre fiscal, notamment en termes de pilotage et de contrôle de la dépense par la caisse générale de sécurité sociale. Malgré une amélioration des délais et la mise en place des titres sécurisés, il est ainsi clairement précisé dans le rapport de la Cour des comptes qu’« il n’a pas encore été remédié à l’absence d’enregistrement informatique, de traçabilité et d’archivage des dossiers refusés, simplement retournés aux demandeurs ».

La Cour des comptes précise également que nombreux sont les publics qui fluctuent entre les dispositifs d’AME et de couverture maladie universelle car l’attribution d’un titre de séjour ou la délivrance d’un récépissé de demande d’autorisation de séjour oriente vers l’un ou l’autre (6). L’AME en Guyane échappe en grande partie à tout contrôle et il est donc probable que le nombre de bénéficiaires ainsi que la dépense réelle soient fortement sous-estimés.

2. Le cas de Mayotte

a. Une situation sanitaire alarmante

La situation de Mayotte d’un point de vue sanitaire est d’une particulière gravité. Le constat de la Cour des comptes est sans appel quant aux deux dysfonctionnements majeurs de ce département : « En premier lieu, une explosion démographique est largement attribuable aux dizaines de milliers de comoriens en situation irrégulière. Nombre de rapports d’inspection ont mis en garde contre le deuxième handicap : l’absence d’un système de santé équilibré entre soins de premier recours et prise en charge hospitalière, dont le centre hospitalier assure seul la presque-totalité. » (7)

L’ordre des médecins a également effectué une étude sur Mayotte qui concluait à d’un risque imminent de crise sanitaire de grande ampleur. Le nombre de médecins s’établit en effet à 146 pour 350 000 personnes.

Par ailleurs, la prise en charge de la population en situation irrégulière implique un système d’état civil bien stabilisé, ce qui n’est absolument pas le cas à Mayotte : de nombreuses identités demeurent incertaines, de même que des moyens de contrôle développés. En l’état actuel, il est donc impossible d’évaluer avec certitude la part de la population en situation irrégulière bénéficiant de soins à Mayotte.

b. Un désengagement de l’État en matière de santé

L’aide médicale de l’État n’est donc pas en vigueur à Mayotte, ce qui apparaît nécessaire du point de vue des finances publiques au vu de la situation sanitaire particulièrement dégradée de ce département et à l’affluence de l’immigration clandestine qui n’est pas maîtrisée à ce jour.

En outre, l’ordonnance du 12 juillet 2004 a mis fin, pour les personnes en situation irrégulière, à la gratuité des soins à l’hôpital et dans les dispensaires qui leur était antérieurement appliquée comme pour les assurés sociaux.

Depuis lors, les personnes en situation irrégulière doivent verser une provision financière pour bénéficier des soins hospitaliers ne relevant pas de l’urgence, le montant des provisions étant réglementairement fixé par catégorie de soins. Un dispositif de soins urgents propre à Mayotte a été par ailleurs mis en place par la même ordonnance de 2004. Il prévoit une prise en charge, partielle ou totale, des soins par l’État pour les personnes non affiliées au régime d’assurance maladie mahorais et pour lesquelles le défaut de soins entraînerait une altération grave et durable de l’état de santé ainsi que pour les personnes recevant des soins dans le cadre de la lutte contre les maladies transmissibles graves.

Le rapport de la Cour des comptes met en avant la régression croissante de la prise en charge par l’État des soins aux étrangers à Mayotte. Des crédits budgétaires étaient destinés au financement des soins des non assurés sociaux relevant théoriquement de la protection de l’État dans le programme Conditions de vie outre-mer de la mission Outre-mer. L’aide a été réduite avant de disparaître en 2013.

Selon la CNAMTS, le coût de la santé à Mayotte est évalué à 250 millions d’euros en 2013, sans qu’il soit possible de distinguer la population régulière des étrangers en situation irrégulière. L’hôpital de Mayotte représente 58 % du total, soit 145 millions d’euros, ce qui illustre le sous-développement de la médecine de ville dans ce département. Le Rapporteur spécial tient à souligner la difficulté qui a été la sienne pour obtenir des données chiffrées relatives à Mayotte, la direction générale de la santé affirmant n’en avoir aucune.

Le Rapporteur spécial souligne une fois de plus son inquiétude quant à l’avenir de la prise en charge à Mayotte. En effet, ce territoire étant désormais un département français, l’État ne pourra pas maintenir un régime dérogatoire d’exclusion au droit AME, de surcroît dans une collectivité qui se démarque par une situation d’urgence sanitaire. Si la phase transitoire avant l’application pleine et entière de la législation française prendra fin en 2039, il appartient aux pouvoirs publics de trouver des solutions dès à présent.

III. UN DISPOSITIF À L’AGONIE

Ainsi, la totalité de la dépense en faveur des étrangers en situation irrégulière est bien plus élevée que ne le laisse penser les éléments apparents du budget de l’État. Pour l’année 2015, il convient en effet d’ajouter un certain nombre d’éléments au chiffrage de 677,5 millions d’euros de crédits : un dérapage estimé dans sa limite basse à 100 millions d’euros sur la base de la consommation pour 2014, une dette non soldée de 51,6 millions d’euros, un transfert de charges de 29 millions d’euros sur les finances hospitalières ayant des conséquences sur la prise en charge des autres patients, et enfin un coût estimé à environ 100 millions d’euros dans le département de Mayotte. Ce sont donc au total près de 960 millions d’euros de dépenses liées à la prise en charge des étrangers en situation irrégulière, auxquelles s’ajoutent de nombreuses zones grises difficilement chiffrables comme les surcoûts en gestion et les pertes de recettes pour les hôpitaux.

Le Rapporteur spécial en conclut donc à une irresponsabilité généralisée et assumée qui se déploie à plusieurs niveaux :

– une irresponsabilité budgétaire en premier lieu, qui prend sa source dans le non-respect assumé par le Gouvernement des principes de sincérité et de soutenabilité budgétaire, appuyé par le fait que le gestionnaire qu’est l’assurance maladie n’assume pas la charge financière du dispositif ;

– une irresponsabilité sanitaire en deuxième lieu, puisque ce sont désormais les finances de nos hôpitaux publics qui sont fragilisées. La qualité des soins peut donc à termes être impactée par un pilotage non maîtrisé de l’AME et l’absence de contrôles renforcés, laissant la porte ouverte à toutes les dérives ;

– une irresponsabilité citoyenne enfin, car alors que des efforts sont demandés tous les jours à l’ensemble de nos compatriotes, il semble de plus en plus difficile d’afficher un laxisme financier envers une dépense financée par l’impôt et en faveur d’une population en situation irrégulière.

Dans son précédent rapport, le Rapporteur spécial décrivait l’AME comme un dispositif « à bout de souffle ». L’AME est désormais à l’agonie. En l’absence de prise en compte des réformes proposées l’année passée, le Rapporteur spécial se prononce, comme dans son précédent rapport, pour une refonte de la prise en charge des étrangers en situation irrégulière recentrée sur deux volets :

– le recentrage du dispositif sur les soins urgents, pris en charge par le budget de l’État. Cela impliquerait de mettre fin au système ingérable et aux ouvertures de droit incontrôlables de l’AME de droit commun. Ce socle pourrait également comprendre une prise en charge étendue pour les enfants mineurs, comme c’est le cas en Belgique ou en Espagne.

– le redéploiement des crédits budgétaires afin de subventionner des associations et des organisations non gouvernementales (ONG) agréées et à caractère médical, qui pourraient de ce fait reprendre à leur charge le volet de la prévention et de la médecine de ville. Il pourrait notamment s’agir de l’organisation des premiers soins et de la mise en place de dispensaires. Ces subventions pourraient par ailleurs permettre d’améliorer le ciblage territorial de la dépense, associant le cas échéant les collectivités territoriales à cette gestion comme c’est le cas en Allemagne, en Espagne ou en Italie. La budgétisation serait ainsi plafonnée et échapperait aux dérives actuelles.

Les propositions du Rapporteur spécial dans son rapport pour 2014

Le Rapporteur spécial appelait tout d’abord à un recentrage de l’AME sur les besoins urgents, à l’instar des pratiques de plusieurs de nos voisins européens.

Les dépenses de l’AME devraient donc être concentrées sur trois postes :

– les soins urgents ;

– les mesures prophylactiques ;

– la prise en charge des grossesses et des soins pour les enfants.

Il proposait par ailleurs une refonte du système de pilotage de la dépense en regroupant la gestion de l’ensemble des dépenses au sein d’une seule caisse d’assurance maladie à compétence nationale. Les caisses locales serviraient uniquement de guichet pour les bénéficiaires mais l’instruction des dossiers, le suivi des données et les opérations de contrôle seraient centralisés. La caisse nationale deviendrait ainsi l’interlocuteur unique des autorités administratives et politiques, mettant un terme à la multiplication des acteurs qui conduit à leur inévitable déresponsabilisation. Cette caisse pourrait par ailleurs agréer un certain nombre de professionnels, établissements de santé, dispensaires ou praticiens libéraux, au titre de l’AME. Le suivi des dépenses s’en trouverait amélioré et pourrait être mieux contrôlé.

CHAPITRE II : UNE BAISSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME ACCUSENT UNE BAISSE GLOBALE DE PRÈS DE 25 %, PARTIELLEMENT COMPENSÉE PAR LES TRANSFERTS DE CHARGES À L’ASSURANCE MALADIE

A. DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES GLOBALEMENT EN BAISSE

Le programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins s’articule avec les objectifs annoncés dans le cadre de la stratégie nationale de santé lancée en 2013 par le Gouvernement. Elle recouvre huit actions qui présentent des évolutions très différenciées, même si l’intégralité d’entre elles présente des crédits en diminution à l’exception de celle destinée au Pilotage de la politique de santé publique.

Le tableau suivant retrace l’évolution des crédits de chaque action par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 :

(en millions d’euros)

Actions 

LFI 2014

PAP 2015

Écart 

AE/CP

AE/CP

11 Pilotage de la politique de santé publique

85,2

93,1

9,3 %

12 Accès à la santé et éducation à la santé

26,3

25,2

– 4,2 %

13 Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins

8,8

7,9

– 10,2 %

14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

65,9

62,1

– 5,8 %

15 Prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation

21,0

18,1

– 13,8 %

16 Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires

18,2

11,6

– 36,3 %

17 Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain

144,9

138,6

– 4,3 %

18 Projets régionaux de santé

130,9

125,2

– 4,4 %

19 Modernisation de l’offre de soins

189,4

35,1

– 81,5 %

Total

690,6

516,9

– 25,2 %

Source : projet annuel de performances 2015.

Le budget pour 2015 a cependant procédé à des transferts de compétences et donc de charges au profit de l’assurance maladie, ce qui nuance la baisse des crédits à périmètre constant :

– l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) et le Centre national de gestion (CNG) seront désormais financés par l’assurance maladie (7 millions d’euros de crédits dans le budget 2 014), ainsi que la Haute Autorité de santé (HAS) qui représentait 1,8 million d’euros en 2014 ;

– le financement des formations médicales est également confié à l’assurance maladie, ce qui explique la baisse de 81,5 % des crédits de l’action 19. La formation médicale initiale représentait 139 millions d’euros en 2014.

Hors transfert de la formation initiale et hors débudgétisation du financement de la HAS, les crédits de l’action Modernisation de l’offre de soins sont en réalité stables.

Ainsi, en neutralisant les changements de périmètre liés aux transferts, la baisse réelle des crédits du programme est d’environ 2 %. Elle résulte de l’effort de rationalisation et de baisse des dépenses de fonctionnement demandées aux agences sanitaires du programme.

B. DES ÉVOLUTIONS DIFFÉRENCIÉES QUI REFLÈTENT LES PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT

1. Pilotage de la politique de santé publique : renforcement ou complexification supplémentaire ? (action 11)

L’action 11 vise à rationaliser le pilotage des actions de santé publique, avec notamment des acteurs comme le Haut Conseil de la santé publique créé par la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, qui relève de l’action 11 du programme 204. Des crédits sont également destinés à couvrir le fonctionnement de la Conférence nationale de santé, qui déploie désormais son programme sur un champ plus large correspondant à celui des agences régionales de santé (prévention, soin et médicosocial).

La hausse des crédits de 9,3 % se concentre principalement sur des actions de soutien et de partenariats pour relayer la politique de santé publique.

L’amélioration du pilotage est plus largement l’un des objectifs transversaux à la politique de santé publique menée par l’État, réaffirmé dans la stratégie nationale de santé qui tient lieu de feuille de route au Gouvernement. Au sein de l’État, la création du Comité national de santé publique (CNSP) devait permettre en 2004 de mieux coordonner les actions et les financements des acteurs institutionnels chargés de la mise en œuvre des actions de santé publique. Parallèlement le Gouvernement a cherché à mieux articuler le travail des différents opérateurs en instituant en 2008 un comité d’animation du système d’agences (CASA) regroupant les onze opérateurs nationaux concernés. L’INPES, l’INCa, la HAS et l’InVS ont ainsi conclu des accords-cadres visant à établir ou renforcer leur collaboration dans leurs champs communs de compétences complétés dans certains cas par des plans annuels d’actions communes.

Le Rapporteur spécial tient à souligner que la politique visant à rationaliser le pilotage, et donc à simplifier les structures, contribue paradoxalement à multiplier les instances de concertation et de consultation. Il existe en effet aujourd’hui :

– la Conférence nationale de santé, créée en 1996, qui est un lieu de concertation sur les questions de santé : elle est un organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de la santé qui se veut un facilitateur de dialogue, ciblé en partie sur le droit des usagers ;

– le Haut Conseil de la santé publique, créé en 2004, et qui a permis la fusion entre le Conseil supérieur d’hygiène publique et le Haut Comité de la santé publique. C’est un organe d’expertise mais qui peut être consulté par les ministres intéressés, par les présidents des commissions compétentes du Parlement et par le président de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé ;

– le Comité national de santé publique, créé en 2004 également, qui a une mission de coordination, d’analyse et d’aide à la décision publique ;

– le Comité interministériel pour la santé, créé par le décret du 18 juin 2014, prévu dans la stratégie nationale de santé, afin de promouvoir la prise en compte de la santé dans l’ensemble des politiques ;

– La Haute Autorité de santé (HAS), autorité administrative indépendante, qui conserve un rôle d’évaluation et d’aide à la décision publique auquel s’ajoutent des missions spécifiques de certification et d’accréditation.

Il apparaît que le pilotage des politiques de santé, visant à réduire l’impact de l’éclatement des dispositifs et des acteurs, pourrait souffrir à terme des mêmes symptômes que le mal qu’il combat.

Le Rapporteur spécial note par ailleurs que la volonté de coordination dans le domaine de la prévention ne permet pas à ce jour une articulation suffisante avec la médecine du travail d’une part, et la médecine scolaire d’autre part. Cette réalité s’est confirmée lors des auditions menées par le Rapporteur spécial, qui le regrette vivement, notamment dans le cas de la médecine scolaire qui constitue une ressource fondamentale de diffusion de la prévention et de collecte des données.

2. Projets régionaux de santé : les crédits du Fonds d’intervention régional en légère baisse (action 18)

L’action 18 intègre l’ensemble des crédits de prévention, promotion de la santé, veille et sécurité sanitaire alloués aux agences régionales de santé (ARS) par l’intermédiaire du Fonds d’intervention régional (FIR). En 2015, les crédits de prévention et de sécurité sanitaire s’élèveront à 125,2 millions d’euros, en baisse de plus de 5 millions d’euros par rapport à 2014.

Cependant, la majeure partie du financement du FIR est assurée par régimes obligatoires de base d’assurance maladie à hauteur de 3,2 milliards d’euros en 2014 dans le cadre d’un sous-objectif de l’ONDAM. Ce financement est enfin complété par une dotation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de 86 millions d’euros en 2014.

Les crédits de prévention, de promotion de la santé et de veille et sécurité sanitaire étant versés globalement aux ARS, il n’est pas possible de présenter une ventilation des crédits 2015 par programme d’action des projets régionaux ou par concordance avec les actions de santé publique du programme 204.

Après retraitement des budgets 2014 de prévention, de promotion de la santé et de veille et sécurité sanitaire des ARS pour extraire la part relative au programme 204, le tableau suivant présente la ventilation des crédits 2014 selon la nomenclature des actions LOLF :

CONCORDANCE DES CRÉDITS ALLOUÉS AUX ARS SUR LE PROGRAMME 204 AVEC LES DIFFÉRENTES ACTIONS DE SANTÉ PUBLIQUE DU PROGRAMME

(en millions d’euros)

Actions de santé publique du programme 204

Montant des crédits alloués en 2014 aux ARS sur le programme 204

11 Pilotage de la politique de santé publique

36,9

12 Accès à la santé et éducation à la santé

10,8

13 Risques infectieux et des risques liés aux soins

35,2

14 Maladies chroniques et qualité de vie des malades

28,4

15 Risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation

9,4

16 Réponse aux alertes et gestion des urgences

0,5

Total

121,2

Source : ministère de la Santé.

Par ailleurs, l’article 40 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 prévoit une importante réforme du fonctionnement du Fonds d’intervention régional. Selon l’exposé des motifs, il étend ses missions à la démocratie en santé et à l’amélioration des conditions de travail des personnels des structures médico-sociales, les personnels des établissements de santé pouvant d’ores et déjà être bénéficiaires du fonds.

À cette occasion, il restructure les missions du fonds autour de quatre axes, en vue d’en améliorer la lisibilité et les modalités de suivi budgétaire : prévention, amélioration de la qualité et coordination de l’offre de soins, permanence des soins et répartition territoriale des structures et professionnels, efficience des organisations et conditions de travail de leurs personnels. Par ailleurs, il simplifie les modalités de gestion du fonds afin de permettre aux ARS, en cas de non-consommation intégrale des crédits sur un exercice, de reporter sur l’exercice suivant une partie des crédits non consommés dans la limite d’un plafonnement, afin de répondre à la vocation du fonds de gérer des projets de manière pluriannuelle. Le nouveau dispositif entrerait intégralement en vigueur au 1er janvier 2016.

3. Accès à la santé et éducation à la santé (action 12)

Cette action voit ses crédits diminuer de 4 %, malgré une subvention pour charges de service public presque stable pour l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES). La baisse est saupoudrée sur l’ensemble des actions à destination des populations en difficulté, des jeunes, de la mère et de l’enfant.

L’INPES poursuivra en 2015 les actions de fond conduites dans le cadre des missions que lui confie le code de la santé publique sur les principaux déterminants de la santé. La direction générale de la santé a mis l’accent sur les priorités suivantes :

– la mise en œuvre du plan national nutrition santé, notamment en direction des personnes précaires, des parents, des enfants et des adolescents ;

– la lutte contre les addictions, notamment le tabac (en lien avec le programme national de réduction du tabagisme) et l’alcool (en ciblant les jeunes et les femmes enceintes) et les actions concourant à la mise en œuvre du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives ;

– la prévention des maladies infectieuses : conception d’un dispositif de promotion de la vaccination en direction des professionnels et du public en partenariat avec les agences régionales de santé ; poursuite de la promotion de l’hygiène et du lavage des mains pour prévenir la transmission des maladies infectieuses et prévenir l’utilisation des antibiotiques ; prévention et dépistage des hépatites virales notamment en direction des populations à risques.

– le développement de dispositifs d’éducation et de promotion de la santé et de la santé mentale des enfants et des jeunes, notamment par l’élaboration de référentiels et l’expérimentation d’outils d’intervention dans le milieu scolaire et auprès des parents.

4. Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins (action 13)

Cette action a subi une baisse de plus de 10 % de ses crédits par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2014, représentant cependant en volume moins de 1 million d’euros.

En effet, en 2014, les crédits inscrits en loi de finances au titre de la sous action consacrée à la lutte contre le VIH/Sida et les infections sexuellement transmissibles (IST) ainsi que les hépatites se sont établis à 7,4 millions d’euros dont 7,1 millions d’euros au titre des dépenses d’intervention.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, il est proposé des crédits à hauteur de 6,1 millions d’euros (en AE et en CP) de crédits d’intervention, soit une baisse de 1,3 million. Si ces crédits semblent permettre de poursuivre les actions déjà engagées dans le cadre du plan national de lutte contre le VIH et les IST en métropole et dans les départements d’outre-mer, cette baisse ciblée sur une politique prioritaire de prévention alerte le Rapporteur spécial. Il est à noter que l’indicateur de performance relatif à la proportion de découvertes de séropositivité diagnostiquées à un stade Sida n’a presque pas diminué depuis 2012 (de 13 à 12 %).

Par ailleurs, l’article 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 propose une rationalisation des dispositifs de prévention par une simplification des structures. La prévention et le dépistage des infections sexuellement transmissibles peuvent être réalisés actuellement par deux types de structures : les consultations de dépistage anonyme et gratuit du VIH et des hépatites (CDAG), qui sont habilitées par les ARS et financées par l’assurance maladie, et les centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST), qui, depuis la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004, sont gérés soit par les collectivités territoriales par convention avec l’État, soit par des structures habilitées par les ARS.

Ils sont financés dans le cadre de la dotation générale de fonctionnement quand ils sont gérés par les conseils généraux, ou dans le cadre de la mission Santé pour les structures habilitées par les ARS. La mesure proposée vise donc à fusionner, à compter du 1er janvier 2016, les CDAG et les CIDDIST et à confier à l’assurance maladie l’intégralité du financement de la nouvelle structure. Cette mesure simplifierait le pilotage des structures et permettrait pour l’usager une accessibilité renforcée à la prévention.

5. Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades (action 14)

Les crédits de cette action sont en baisse de près de 6 % par rapport à la loi de finances pour 2014, ce qui est regrettable au regard de la priorité de santé publique que recouvre ce domaine d’action. En effet, à ce jour, plus de 20 % de la population est atteint par une ou plusieurs maladies chroniques, les cancers étant devenus la première cause de mortalité en France. L’Institut national du cancer (INCa) a vu sa subvention pour charges de service public diminuer de 1,4 million d’euros. Elle s’élève à 54,2 millions et représente plus de 82 % des crédits de l’action.

Un certain nombre de plans sont mis en œuvre dans le domaine de la prévention et de l’accompagnement des malades, dans des domaines très variés :

– le troisième plan cancer 2014-2019, l’accent étant mis sur les dépistages et diagnostics précoces, l’amélioration de la qualité de vie, l’investissement dans la prévention et la recherche et la coordination des acteurs. Le plan cancer mobilisera 1,5 milliard d’euros sur cinq ans, dont la moitié sera consacrée au financement de nouvelles mesures ;

– le plan Alzheimer IV élargi à d’autres maladies neurodégénératives. Un plan maladies neurodégénératives est en cours d’élaboration et s’appuiera sur le contenu du rapport d’évaluation du précédent plan Alzheimer, mais aussi sur les apports de groupes de travail thématiques, des consultations d’experts et de la concertation de groupes d’acteurs de terrain, notamment du secteur associatif ;

– le plan maladies rares (2011-2014) : le second plan maladies rares 2011-2014, évalué à 180 millions d’euros, a pour objectifs d’améliorer la prise en charge médicale et médico-sociale des patients, et de renforcer la recherche et les collaborations européennes et internationales dans le domaine des maladies rares ;

– le plan psychiatrie et santé mentale (2011-2015). Le plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015 comprend quatre axes qui traitent de la prévention des ruptures pour mieux vivre avec les troubles psychiques : ruptures au cours de la vie de la personne, rupture d’égalité entre les publics et les territoires, rupture entre la psychiatrie et son environnement sociétal, rupture entre les savoirs.

Dans le cadre de cette action, 4 millions d’euros sont également destinés à la lutte contre les pratiques addictives et à risque, y compris le tabac et l’alcool.

6. Prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation (action 15)

Les crédits de cette action sont majoritairement destinés aux dépenses de fonctionnement du programme national nutrition santé et du plan national santé environnement. Les crédits de l’action s’élèvent à 18,1 millions d’euros, dont 75 % (13,6 millions d’euros) de subvention pour charges de service au profit de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

Deux plans principaux sont mis en œuvre dans le domaine de la nutrition et dans celui de l’environnement auxquels participent les crédits du programme 204 :

– le troisième programme national nutrition santé (PNNS) 2011-2015 d’une part. S’inscrivant dans la ligne de deux premiers programmes, le PNNS 2011-2015 est orienté autour de quatre axes : réduire par des actions spécifiques les inégalités sociales de santé dans le champ de la nutrition au sein d’actions générales de prévention, développer l’activité physique et sportive (APS) et limiter la sédentarité, organiser le dépistage et la prise en charge du patient en nutrition et diminuer la prévalence de la dénutrition. Afin de tenir compte des particularités des populations ultramarines, une déclinaison spécifique pour l’outre-mer du Programme national nutrition santé 2011-2015 et du plan obésité, a été élaborée et lancée en février 2012 ;

– le plan national santé environnement (PNSE) d’autre part. L’année 2014 a été consacrée à la poursuite des actions du PNSE 2 engagées et à l’élaboration du PNSE 3. Le deuxième plan national santé et environnement 2009-2013 (PNSE 2) visait à prévenir les expositions à fort impact sur la santé vis-à-vis de certaines pathologies, réduire les inégalités de santé issues des inégalités géographiques environnementales, favoriser des comportements favorables à la santé, mieux protéger les populations les plus vulnérables, améliorer la veille et la sécurité sanitaire.

Un comité de pilotage national, le groupe santé environnement (GSE), actuellement présidé par notre collègue Gérard Bapt est chargé de suivre et d’orienter la mise en œuvre des actions du PNSE 2. Il constitue également un lieu de concertation continue avec les parties prenantes. Les travaux d’élaboration du troisième PNSE ont été lancés en 2014 en articulation avec d’autres plans dans le champ « santé et environnement » et notamment le troisième plan cancer. Les quatre axes prioritaires sont tournés vers la prévention collective et individuelle, la lutte contre les inégalités et le renforcement de la dynamique en santé environnement dans les territoires.

7. Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires (action 16)

Cette action est celle qui, à périmètre constant, subit la plus forte baisse de crédits sur l’ensemble du programme, à hauteur de 36,3 %. Cette diminution de 6,6 millions d’euros correspond exactement à la contraction de la subvention pour charges de service public de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), suite à la décision de fusion avec INPES et l’InVS. La subvention de l’opérateur représente 92 % des crédits.

L’accent sera mis en 2015 sur le renforcement des dispositifs et outils permettant d’améliorer la gestion des situations sanitaires exceptionnelles. Les crédits de fonctionnement courant ont pour objet en particulier le fonctionnement de la plate-forme d’information du grand public sur les sujets des alertes sanitaires d’ordre national (Mediator, coronavirus, pilules contraceptives de troisième et de quatrième génération, canicule, etc.) et la poursuite du développement de l’application SISAC (systèmes d’information sanitaire des alertes et crises) notamment de celui du module de gestion des crises.

8. Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain (action 17)

Cette action rassemble les crédits dédiés aux politiques publiques visant à l’amélioration de la qualité et la sécurité des soins, des pratiques professionnelles, des recherches biomédicales, des produits de santé et des produits du corps humain. Elle contient 30 % des crédits du programme, qui sont en recul de 4,3 % par rapport à la loi de finances initiales pour 2014.

Au sein des 138,6 millions d’euros de l’action, 134,2 millions d’euros correspondent aux subventions des deux opérateurs : l’Agence de la biomédecine d’une part (14,9 millions d’euros) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d’autre part (119,7 millions d’euros).

a. L’Agence de la biomédecine

L’ABM poursuit, avec l’appui de nombreux experts, les missions engagées depuis 1994 en matière de prélèvement et de greffe et celles qui lui ont été confiées plus récemment par les lois de bioéthique de 2004 et 2011 en matière de procréation, d’embryologie et de génétique humaines et dans le domaine des neurosciences.

b. L’Agence nationale de santé du médicament et des produits de santé

L’ANSM a pour principal objectif de garantir la sécurité du médicament et des autres produits de santé. Elle possède de large compétence à la fois d’évaluation et d’expertise et bénéficie d’une délégation de puissance publique.

À la suite de l’affaire du Mediator, le rôle, la place et les moyens de l’agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (Afssaps) ont été complètement revus. La nouvelle Agence de sécurité du médicament et des produits de santé rompt toute dépendance financière vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique, la subvention pour charges de service public de l’État couvrant tous ses besoins.

L’agence possède non seulement des compétences en matière d’évaluation et d’expertise mais aussi une large délégation de puissance publique qui lui permet de prendre, au nom de l’État, plus de 80 000 décisions par an, notamment dans le cadre des procédures d’autorisation et d’interdiction qu’elle met en œuvre. Elle exerce des missions propres d’évaluation avant et après la mise sur le marché, de contrôle des produits en laboratoires, d’inspection sur les sites de production, de distribution en gros ou d’essais cliniques. En outre, elle élabore et diffuse auprès des professionnels de santé et des patients des informations destinées à favoriser le bon usage des produits de santé.

Son spectre de compétences est donc large et revêt une importance particulière, dans un contexte où le médicament est au cœur des préoccupations à la fois sanitaires et financières. Lors de l’audition de l’ANSM par le Rapporteur spécial, le directeur de l’agence avait indiqué que les ruptures de stocks émergeaient comme un problème nouveau. L’ANSM doit également se saisir de cet enjeu puisque la loi lui donne compétence en matière de gestion des pénuries.

Afin de couvrir l’ensemble de ses champs de compétences et suite au décret du 27 avril 2012 qui a modifié le mode de gouvernance de l’agence, quatre commissions ont été créées par décision du directeur général le 1er février 2013, pour une durée de six ans et constituées après appel à candidatures sélectionnées par des jurys pluridisciplinaires :

– une commission d’évaluation initiale du rapport bénéfice/risque des produits de santé ;

– une commission de suivi du rapport bénéfice/risque des produits de santé ;

– une commission des stupéfiants et psychotropes ;

– une commission de prévention des risques liés à l’utilisation de catégories de produits.

Au vue de l’importance et de la densité des missions de l’ANSM, le Rapporteur spécial s’inquiète de la baisse des moyens attribués à cette agence. Il reviendra sur ce point à l’occasion de l’analyse générale des crédits destinés aux opérateurs.

9. Modernisation de l’offre de soins (action 19) : quel avenir pour le dossier médical personnel ?

a. Une débudgétisation liée aux transferts de compétences vers l’assurance maladie

Cette action voit ces crédits amputés à 81,5 % sous l’effet de deux transferts au profit du budget de l’assurance maladie :

– le transfert de la formation médicale initiale (139 millions d’euros en 2014) ;

– le passage à un financement intégral de la Haute Autorité de santé (HAS) par l’assurance maladie (14,8 millions d’euros en 2014).

À périmètre constant, le budget de l’action est stable mais son champ d’intervention s’en trouve fortement limité. Il demeure dans trois domaines d’action :

– la dotation au groupement d’intérêt public « Agence pour le développement des systèmes d’information de santé partagés (700 000 euros), en faveur du financement du répertoire partagé des professionnels de santé. Le GIP-ASIP Santé est jusqu’à aujourd’hui en charge du pilotage pour le déploiement du dossier médical personnel, mais cette compétence sera également transférée à la CNAMTS courant 2015 dans le cadre du projet de loi de santé ;

– la dotation en faveur de l’agence de santé de Wallis et Futuna ;

– les frais de jury de certification des diplômes sanitaires : ces crédits s’élèvent à près de 4 millions d’euros et étaient jusqu’en 2014 partie intégrante de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances au sein du programme Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative.

Le Rapporteur spécial souligne que dans le domaine de la modernisation de l’offre de soin, il serait opportun de mettre en place un système d’analyse en temps réel de la consommation médicamenteuse. Cela présenterait à la fois un intérêt en termes de santé publique et d’économie des coûts. Cette nécessité d’appréhension rapide de l’information sur la consommation de médicaments a par ailleurs été soulignée par la Cour des comptes dans son rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale. Certaines entreprises spécialistes du recueil et du traitement de l’information sont aujourd’hui en mesure de fournir un tel système d’« open data » aux services de la sécurité sociale.

b. Le dossier médical personnel : un dispositif qui peine à se déployer

Le dossier médical personnel (DMP) a été créé par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, complétée par la loi du 21 juillet 2009 visant à favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins. En permettant le partage de l’information, le DMP apparaît en effet comme un moyen d’accès simplifié à l’information médicale, favorisant à la fois l’exhaustivité, l’absence de redondance et la transparence pour le patient.

La généralisation d’un dossier médical informatisé personnel et donc « du patient » n’a pas abouti malgré les enjeux et les besoins avérés en matière de coordination des soins et de partage d’information entre professionnels de santé. Bien qu’aujourd’hui le DMP soit totalement opérationnel sur le plan technique, ses usages ne se sont pas développés.

À ce jour, près de 500 000 dossiers ont été ouverts, pour moitié dans les régions pilotes (8) et essentiellement par les établissements de santé (près de 500 établissements se sont investis dans le projet ainsi que près de 6 000 professionnels de santé). L’alimentation en informations médicales de ces DMP est cependant très limitée, près de la moitié d’entre eux étant vides ou ne comportant qu’un seul document. Force est de constater que le DMP, outil de partage des informations médicales nécessaires à la coordination des soins, ne bénéficie pas encore de l’adhésion des professionnels de santé, et plus particulièrement des médecins. Les raisons de cette réticence résultent certainement de plusieurs facteurs, liés en partie à un manque de communication et un sentiment d’opacité du dispositif. Le DMP peut également apparaître à tort comme une menace pour le secret professionnel qui fonde l’activité de la médecine.

Certaines agences régionales de santé ont également montré de fortes réticences, notamment en Rhône-Alpes.

Le coût actuellement engagé pour ce dispositif s’élève à 90 millions d’euros entre 2004 et 2009 et à 97 millions d’euros entre 2010 et 2013. Ces dépenses apparaissent démesurées au regard de l’ineffectivité du projet, mais se justifieront si le déploiement parvient à se réaliser.

Le Rapporteur spécial a questionné le ministère sur le financement détaillé en faveur du DMP mais n’a pas obtenu de réponse, ce qu’il regrette. Ce projet a en effet attiré de nombreuses critiques légitimes quant au niveau de son financement au regard des réalisations effectives.

Sous l’égide du secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales, la délégation à la stratégie des systèmes d'information de santé (DSSIS) a conduit d’avril à juin 2013 des travaux pour élaborer des propositions d’orientations stratégiques. Pour mener à bien cette démarche, la DSSIS s’est appuyée sur un « groupe projet » associant notamment des représentants des patients, des médecins et des pharmaciens, des établissements de santé et des ARS. Un assez large consensus a pu se dégager sur des orientations pragmatiques repositionnant bien le DMP dans un système d'information de santé urbanisé, comme un outil de la coordination des soins complémentaire à la messagerie sécurisée santé. Cette nouvelle approche pour un « DMP2 » renonce à l’objectif irréaliste de disposer d’un dossier qui réunirait sur un support unique l’ensemble des informations médicales de chaque Français.

Le projet est donc bien moins ambitieux en termes d’objectifs que celui qui était envisagé au moment du lancement.

c. Les perspectives du DMP pour 2015

Les orientations définies pour refonder le cadre de mise en œuvre du DMP de nouvelle génération ont été intégrées dans l’article 25 du projet de loi relatif à la santé, qui modifie un certain nombre de dispositions des articles L. 1111-14 à L. 1111-24 du code de la santé publique relatifs au DMP. Il est désormais nommé « dossier médical partagé » et les objectifs poursuivis par la réforme consistent principalement à :

– faire du DMP un outil de référence comme support de la prise en charge coordonnée, principalement pour les personnes âgées et les malades atteints de pathologies chroniques ;

– définir les obligations des professionnels de santé à verser les documents médicaux dans le DMP et de ce fait favoriser ses usages ;

– confier la maîtrise d’ouvrage du système d’information DMP à la CNAMTS.

Cette évolution ne revient en aucun cas sur les droits des patients, notamment de consentir à son ouverture et d'accéder directement à son contenu. L’article 25 du projet de projet de loi relatif à la santé précisera les conditions de création d’un DMP, ainsi que les documents ayant vocation à être versés dans le DMP. Il précisera également le rôle central du médecin traitant et notamment sa capacité à accéder à l’intégralité du DMP de ses patients. Les modalités de mise en œuvre du DMP feront l’objet d’un décret en Conseil d'État après avis de la CNIL.

La responsabilité de la mise en œuvre du DMP, jusqu’ici relevant de l’ASIP Santé, est confiée par la loi à l’assurance maladie (CNAMTS) car, à ce stade du développement de l’outil, elle est la mieux à même d’en assurer le déploiement effectif en liaison étroite avec les professionnels de santé libéraux, et en cohérence avec les divers télé-services qu’elle produit. Selon le ministère, cette mission ne lui donnera aucune possibilité d'intervenir sur les données contenues dans les DMP, qui continueront d’être conservées chez un tiers hébergeur agréé de données de santé. Les actions de déploiement à destination des établissements de santé seront conduites par le ministère chargé de la santé avec le concours de la CNAMTS, l'État gardant le pilotage stratégique du DMP 2.

Le Rapporteur spécial craint que le maintien d’un pilotage bicéphale entre l’État et l’assurance maladie ne demeure un facteur de complexification. Lors des auditions, il a par ailleurs été relevé que la CNAMTS n’avait pas pris une part active au déploiement du dossier médical personnel. Le Rapporteur spécial espère cependant des retombées positives de ce transfert croissant du pilotage à l’assurance maladie.

II. UN RECUL SUBSTANTIEL DES MOYENS ATTRIBUÉS AUX OPÉRATEURS DE LA PRÉVENTION ET DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE

A. D’IMPORTANTES RESTRUCTURATIONS POUR 2015 DANS UN OBJECTIF D’ÉCONOMIE DES COÛTS

1. Le projet de fusion de trois agences sanitaires

En 2015, un Institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique va être créé par la fusion de trois agences sanitaires :

– l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES) ;

– l’Institut de veille sanitaire (InVS) ;

– l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).

Ce sont principalement les crédits à destination de l’EPRUS qui ont subi une baisse importante du fait de la fusion. Sa subvention pour charges de service publique est en effet diminuée de 38,2 %, soit 6,6 millions d’euros. Sur ces trois agences, la baisse totale des crédits de subventions pour charges de service public est de 8,2 % (7 millions d’euros) :

(en millions d’euros)

EPRUS

17,3

10,7

– 38,2 %

INPES

24,1

24

– 0,4 %

InVS

55,5

54,3

– 2,2 %

TOTAL

96,9

89

– 8,2 %

Source : projet annuel de performances 2015.

Cette fusion devrait en toute logique intégrer le groupement d’intérêt public ADALIS, service d’information, d’orientation et de conseil à distance concernant les addictions (services accessibles par téléphone et internet), dont le financement est intégralement issu d’une subvention versée par l’INPES. L’avenir de cet opérateur demeure cependant incertain, le GIP ayant été reconduit jusqu’au 31 décembre 2015 par arrêté du 8 janvier 2014, sans que soient arrêtées les conditions de son organisation et de ses missions dans le cadre de la fusion à venir.

Le Rapporteur spécial se félicite de cette mesure de rationalisation qui amène à la fusion de trois établissements à périmètre complémentaire. En effet, l’InVS est en charge de la surveillance de l’état de santé de la population (recueil et traitement des données) et d’établir une veille sanitaire sur les risques, qui pourront s’allier à la politique de prévention menée par l’INPES. Par ailleurs, les trois établissements jouent un rôle, redondant jusqu’à aujourd’hui, dans le déclenchement des alertes sanitaires et la gestion de situations de crises sanitaires. Ils pourront donc contribuer en fusionnant à rendre cohérente une chaîne d’actions allant de l’identification des risques à la prévention, et de l’alerte sanitaire à la gestion de crise. Cette nouvelle agence pourra également renforcer ses missions de conception et d’évaluation des interventions de santé et améliorer la portée de son action en gagnant en visibilité et en efficacité.

2. Les transferts de gestion et de financements à l’assurance maladie

Les transferts de gestion et de financements sur le budget de la sécurité sociale concernent trois opérateurs :

a. L’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH)

Concernant l’ATIH, le début de l’année 2014 a été marqué par la finalisation du nouveau contrat d’objectifs et de performances de l’agence (COP), qui doit faire l’objet d’une signature formelle prochainement, et qui fixe les principales orientations stratégiques de l’agence sur la période 2014-2016. Les principaux objectifs stratégiques de l’agence sont de conduire les travaux sur la réforme de la tarification hospitalière et de poursuivre l’extension au médico-social, de donner aux ARS des outils permettant une meilleure connaissance de l’offre de soins et de participer à la production des indicateurs qualité et à leur diffusion publique.

Au titre de 2014, l’agence a été largement impliquée dans la prise en charge des travaux techniques découlant du comité de réforme de la tarification hospitalière (CORETAH), ces actions devant se poursuivre en 2015.

b. le Centre national de gestion (CNG)

Créé en 2005, le CNG prend en charge la gestion du personnel hospitalier (directeur d’hôpital, d’établissement sanitaire et social, directeur de soins, praticien hospitalier…) et l’organisation des concours pour ces professions ainsi que pour les attachés d’administration hospitalière, les internes et les praticiens diplômés hors de l’Union européenne.

La loi « HPST » a étendu ses missions en lui confiant notamment la gestion statutaire et le développement des ressources humaines des directeurs de soins, la gestion des personnels en surnombre et la mise en œuvre des contrats d’engagement de service public pour les étudiants ou les internes qui s’engagent à exercer dans des régions en sous-densité hospitalière. Il est également en charge des sept internats de médecine. Aujourd’hui le CNG gère environ 60 000 personnels, organise quelque 20 concours annuels et pilote, en lien avec les conseils des ordres, les 44 commissions nationales d’autorisation d’exercice aux professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme.

Son transfert à l’assurance maladie apparaît cohérent avec celui de la formation médicale initiale.

c. la Haute Autorité de santé (HAS)

Créée par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, la HAS est une autorité publique indépendante à caractère scientifique, dotée de la personnalité morale et disposant de l’autonomie financière. Elle agit pour assurer à tous les patients un accès durable et équitable à des soins aussi efficaces, sûrs et efficients que possible. Elle exerce une double mission au sein du système de santé : elle contribue par ses avis à accompagner la décision publique pour optimiser la gestion du panier des biens et des services médicaux remboursables et elle appuie les professionnels de santé dans l’amélioration continue de leurs pratiques cliniques, pour prodiguer aux patients des soins plus efficaces, plus sûrs et plus efficients. Elle met par ailleurs en œuvre la certification des établissements de santé. En 2015, cette activité de certification des établissements de santé sera marquée par la montée en charge de la nouvelle procédure dite « V2014 » avec le démarrage des visites de certification selon la nouvelle version.

L’élaboration du budget 2014 avait déjà été marquée par l’évolution du modèle de financement de la HAS. En effet, les taxes anciennement affectées en partie à la HAS, qui correspondaient à des fractions de la contribution sur les dépenses de promotion des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux), ont été transférées pour un montant estimé à 30 millions d’euros à la CNAMTS. En contrepartie, la subvention de l’État et la dotation de l’assurance maladie en faveur de la HAS ont été respectivement augmentées de 10 millions d’euros et 20 millions d’euros en 2014.

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit un nouveau changement dans le financement de la HAS en mettant fin à sa dotation budgétaire, l’autorité étant désormais entièrement financée par l’assurance maladie. Le Rapporteur spécial, s’il salue cette initiative de simplification, met cependant en garde le Gouvernement contre l’instabilité et le brouillage des tutelles qui peuvent également découler de ce type de transferts s’ils sont récurrents.

B. DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT EN BAISSE POUR LES OPÉRATEURS DE LA MISSION

1. Des crédits budgétaires en recul

Les opérateurs de la mission Santé poursuivent les efforts en matière de dépenses de fonctionnement et d’intervention, avec une baisse totale de près de 14 millions des subventions versées. De même, la rationalisation des effectifs engagée en 2013 s’est poursuivie en 2014 et 2015, ce qui se traduit par une baisse de 52 équivalents temps plein travaillé (ETPT) sous plafond, en lien avec la restructuration des agences sanitaires.

Le tableau ci-après récapitule l’évolution des subventions pour charges de service public depuis 2013.

ÉVOLUTIONS DES SUBVENTIONS POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC

Opérateurs

LFI 2013

LFI 2014

PLF 2015

Écart 2014/2015

ABM (Agence de la biomédecine)

15,2

15,1

14,9

– 1,3 %

ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament)

128,5

123,3

119,3

– 3,2 %

ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) (1)

13,7

13,7

13,6

– 0,7 %

ATIH (Agence technique de l'information sur l'hospitalisation)

2,7

3,3

AM

Transfert à l'assurance maladie

CNG (Centre national de gestion)

3,8

3,7

AM

Transfert à l'assurance maladie

EHESP (École des hautes études en santé publique)

10,6

10,4

10

– 3,8 %

EPRUS (Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires)

19,4

17,3

10,7

– 38,2 %

INCa (Institut national du cancer)

55,7

55,6

54,2

– -2,5 %

INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) / ADALIS (addiction drogues alcool info service)

24,2

24,1

24

– 0,4 %

INVS (Institut de veille sanitaire)

55,6

55,5

54,3

– 2,2 %

Total

329,4

322

301,0

– 6,5 %

(1) Cet opérateur relève de la mission Agriculture.

Source : rapport annuel de performances 2013 et projet annuel de performances 2015.

La baisse à périmètre constant, hors transfert à l’assurance maladie, s’élève à 14 millions, soit une diminution de crédits de 4,4 %.

2. Une masse salariale sous contrainte

Le tableau suivant récapitule la baisse des effectifs au sein des agences sanitaires du programme :

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES OPÉRATEURS DU PROGRAMME 204

(en ETPT sous plafond et hors plafond)

Opérateurs

LFI 2014

PLF 2015

Écart

ABM (Agence de biomédecine)

271

267

– 4

ADALIS (Addiction drogues alcool info service)

37

36

– 1

ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament)

1 009

989

– 20

AITH (Agence technique de l'information sur l'hospitalisation)

114

113

– 1

CNG (Centre national de gestion)

119

117

– 2

EHESP (École des hautes études en santé publique)

401

400

– 1

EPRUS (Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires)

30

30

0

INCa (Institut national du cancer)

164

163

– 1

INPES Institut national de prévention et d'éducation pour la santé)

133

132

– 1

INVS (Institut de veille sanitaire)

411

401

– 10

Total

2 689

2 648

– 41

Source : projet annuel de performances 2015.

Le projet de loi de finances pour 2015 propose donc une réduction de 41 ETPT au total, correspondant à une baisse de 52 ETPT sous plafond. L’InVS est concernée par une baisse de 10 ETPT du fait de la fusion qui se réalisera en 2015 avec l’INPES et l’EPRUS dont les effectifs sont quasiment stables (2 ETPT sous plafond en moins pour l’INPES).

La baisse des effectifs est cependant particulièrement importante dans le cas de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui perd 20 ETPT sous plafond entre 2014 et 2015 (2 % de ses effectifs), la baisse étant de 28 ETPT par rapport à 2013.

3. Une diminution des moyens inquiétante pour l’Agence nationale de sécurité du médicament

a. Des ressources en baisse qui s’ajoutent à d’importants efforts de gestion

Dès 2013, le Rapporteur spécial s’interrogeait sur la concordance des nouvelles ressources de l’agence avec ses missions, craignant qu’il ne lui soit difficile de monter en puissance efficacement et dans les délais prévus. L’actualité a par ailleurs montré que les questions de sécurité restent particulièrement prégnantes, nécessitant une forte capacité de réaction des organes de contrôle.

La loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 a supprimé le lien financier direct entre l’agence et l’industrie des produits de santé en transférant la perception des taxes et redevances de l’ANSM à l’État.

Depuis 2012, la principale recette de l’ANSM est constituée par la subvention pour charges de service public reçue de l’État. Son montant net de la réserve de précaution s’est élevé à 129,5 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale pour 2012. En 2013, le montant net après un gel de 8,3 millions d’euros en gestion s’est élevé à 116,4 millions d’euros (128,5 millions d’euros inscrits en loi de finance initiale). En 2014, le montant de la subvention versée à l’ANSM était de 123,3 millions d’euros. Ce montant tient compte des économies attendues de l’ANSM sur ses dépenses de fonctionnement, au vu des comptes financiers de l’établissement, ainsi que du niveau de son fonds de roulement prévisionnel en fin d’exercice. En 2015, le montant proposé dans le cadre du projet de loi de finances est de 119,3 millions d’euros soit une baisse de 3,2 % par rapport aux crédits initiaux de 2014 et de 7,2 % par rapport à ceux votés pour 2013.

La seconde ressource de l’agence provient des recettes de l’Agence européenne des médicaments (European Medicines Agency) correspondant au remboursement des travaux d’expertise effectués par le personnel de l’ANSM pour les procédures européennes de mise sur le marché auxquels vont s’ajouter à partir du deuxième semestre 2014 les travaux relatifs à la pharmacovigilance (9).

Les ressources publiques de l’ANSM sont donc en baisse continue. Parallèlement, l’agence fournit d’importants efforts en gestion avec une politique soutenue d’optimisation de ses dépenses comprenant une démarche pluriannuelle de passation de marchés. Enfin, bien que ne faisant pas l’objet pour le moment d’un projet de fusion, l’agence a également lancé des montages juridiques et financiers avec d’autres agences sanitaires (marché commun d’agence de voyages par exemple) et travaille sous l’égide du ministère de la Santé à la mise en place de solutions réalistes de mutualisation inter-agences afin de rationaliser ses fonctions support.

Le compte de résultat de l’agence pour 2014 est retracé dans le tableau suivant et affiche une perte prévisionnelle de 3 millions d’euros :

(en millions d’euros)

Dépenses

Budget prévisionnel 2014

Recettes

Budget prévisionnel 2014

Personnel

81 000

Ressources État

119,7

Fonctionnement

35 595

- subvention État

119,7

Intervention

17 754

- ressources fiscales

0

   

Autres subventions

0

   

Ressources propres et autres

11,6

Total charges

134 349

Total recettes

131,3

Bénéfice

-

Perte

3

Source : ministère de la Santé.

Au 31 décembre 2014, le niveau de fonds de roulement prévisionnel de l’agence est de 16,5 millions d’euros. Il devrait être maintenu au niveau prudentiel en 2015. Lors de l’audition de l’ANSM, la direction de l’agence a fait part des difficultés croissantes rencontrées afin d’assurer, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, l’ensemble des missions dévolues à l’agence, une partie des investissements étant financés en partie par prélèvement sur le fonds de roulement.

b. Moins d’effectifs pour des missions toujours plus nombreuses

En 2015, dans un contexte de rationalisation des effectifs, l’agence est appelée à contribuer aux efforts d’efficience et de productivité demandés aux opérateurs de l’État. En volume, elle est l’agence dont le nombre d’ETPT subit la plus forte baisse.

En effet, le plafond d’emplois de l’ANSM est fixé à 989 ETPT, soit une diminution de 20 ETPT au regard du plafond inscrit en LFI 2014. Ce plafond tient compte des gains attendus de l’optimisation de la gestion par l’établissement.

Le nombre d’ETP hors plafond prévu en 2014 est fixé à 6 et correspond à 4 contrats uniques d’insertion (CUI) et contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) et 2 contrats sous convention, comme le récapitule le tableau suivant :

(en ETPT)

 

Prévision

2014

Prévision

2015

Emplois (ETPT) rémunérés par l’opérateur

sous plafond

hors plafond

dont contrats aidés.

Autres emplois (ETPT) rémunérés par d’autres collectivités ou organismes

1 009

1 003

6

4

2

989

983

6

4

ND

Source : ministère de la Santé.

Cette baisse des moyens attribués à l’ANSM est inquiétante selon le Rapporteur spécial, car elle peut remettre en cause le bon déroulé des missions d’ores et déjà assumées par l’agence, mais également les missions nouvelles dans les années à venir dont :

– la mise en œuvre du règlement relatif aux essais cliniques (10) ;

– l’application des mesures de la future loi de santé publique, notamment pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement en médicaments ;

– l’application de la future réglementation européenne visant à renforcer la sécurité des dispositifs médicaux et des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (négociation en cours).

Il est important de souligner que l’ANSM est une agence qui prend des décisions appuyées sur une expertise scientifique de haut niveau mais qui n’a pas la maîtrise de son flux d’activité. De plus, elle doit être réactive compte tenu des impacts en termes de sécurité sanitaire et de santé et contribuer aux travaux de l’Agence européenne du médicament (EMA) à côté des autres agences européennes.

Il est donc inconséquent de faire peser une telle économie de coûts sur cette agence qui fait ses preuves en termes d’efficacité et d’efforts de rationalisation dans sa gestion. D’autre part, la sécurité du médicament doit demeurer une priorité sanitaire épargnée par des contraintes budgétaires excessives. Le Rapporteur spécial alerte le Gouvernement sur ce point et l’encourage à renforcer les moyens de l’agence cette année et dans les années à venir, afin de lui permettre de remplir aux mieux ses missions et de monter en puissance.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (voir le compte rendu de la commission élargie du 3 novembre 2014 à 16 heures (11)), la commission des Finances examine les crédits de la mission Santé.

Malgré l’avis défavorable de M. Claude Goasguen, Rapporteur spécial, la Commission adopte les crédits de la mission Santé, puis le compte spécial Avances aux organismes de sécurité sociale.

*

* *

ANNEXE 1 :
RETOUR D’EXPÉRIENCE DU CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS (CHSD)

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RÉFORME DU FINANCEMENT DE LA PRÉCARITÉ : QUEL IMPACT POUR L’HÔPITAL ?

Retour d’expérience du Centre Hospitalier de Saint-Denis (CHSD).

Objet : note présentée dans le cadre de l’audition du Centre Hospitalier de Saint-Denis (CHSD) par M. Claude Goasguen, le mercredi 29 Octobre 2015 à 11h00 (PLF 2015 - mission Santé).

Personnes auditionnées :

– Madame Yolande Di Natale, Directrice du CHSD ;

– Monsieur Guillaume Chesnel, Directeur adjoint du CHSD.

I. CONTEXTE SPÉCIFIQUE DU CHSD : UNE ACTIVITÉ DE SOINS AU CœUR DE LA PRÉCARITÉ

Le CHSD est un hôpital de proximité et représente le seul hôpital public de Plaine Commune, soit un bassin de vie de 400 000 habitants.

La dynamique démographique du territoire – naturelle et migratoire – participe de celle du CHSD, qui a ainsi réalisé en 2013 environ :

– 150 000 consultations ;

– 100 000 venues aux urgences ;

– 31 000 séjours de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO), dont plus de 4 000 accouchements.

Pour autant, cette activité dynamique (environ + 5 % en 2013) s’inscrit au cœur d’un territoire particulièrement défavorisé, en raison :

– d’une densité médicale et paramédicale libérale inférieure à la moyenne régionale ;

– de la précarité de sa patientèle : taux de chômage entre 25 et 50 %, 30 % de logements indignes sur Saint-Denis, IDH2 inférieur à 0,3 ;

– de l’hétérogénéité culturelle : 20 % d’étrangers sur le département (jusqu’à 50 % près de l’hôpital), 60 % des patients de la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) non francophones, 21 % de la patientèle ne parle pas français d’après une enquête flash en 2011.

Au cœur de cet impératif sanitaire et social croissant, le CHSD répond à sa mission de service public en développant depuis plusieurs années une stratégie d’établissement complète et ambitieuse pour lui permettre malgré tout de :

– jouer son rôle d’établissement de proximité ;

– renforcer ses créneaux de compétences spécialisées ;

– développer son offre ;

– améliorer son organisation ;

– multiplier ses partenariats ;

– tenir au mieux un équilibre budgétaire.

II. PRÉCARITÉ ET CHSD : DE QUOI PARLE-T-ON VRAIMENT ?

La précarité revêt une dimension dynamique et plurifactorielle qui rend difficile sa modélisation en « patient moyen ». Or, le nouveau paradigme budgétaire et financier induit par la T2A via le programme médicalisé des systèmes d’information (PMSI) et les groupes homogènes de séjour (GHS) repose précisément sur ces évaluations moyennes de coût et tarif associés.

À cet égard, la prise en charge de la précarité s’apparente, au sein d’une gestion hospitalière rendue efficiente par la tarification à l’activité, à une surcharge de production doublement pénalisante :

– en ce qu’elle est génératrice de coûts non valorisés ;

– en ce qu’elle rend le pilotage budgétaire plus incertain, compte tenu d’un risque « recettes ».

Ainsi, en 2013, le CHSD enregistre + 5 % de séjours mais cette croissance est nettement portée par les séjours hors assurance maladie (+ 8 %). Ceux-ci augmentent en réalité de + 44 % depuis 2009 :

Évolution des séjours « précaires »

2009

2010

2011

2012

2013

Évolution 2009 - 2013

Total des séjours transmis

28 994

27 854

28 491

29 386

30 957

6,77 %

Séjours valorisés par l'AM

26 503

25 290

25 445

26 062

27 374

3,29 %

Séjours hors Assurance Maladie

2 486

2 564

3 046

3 324

3 583

44,13 %

% des séjours hors AM dans le total

8,57 %

9,21 %

10,69 %

11,31 %

11,57 %

3 points

La part croissante du nombre de séjours qualifiés hors assurance maladie obligatoire (aide médical de l’État, soins urgents et vitaux, 100 % payant) traduit bien la précarisation progressive de la patientèle du CHSD. Cela a induit, en 2013, un pilotage budgétaire et financier de l’établissement particulièrement sensible à la volatilité des recettes adossées aux « patients étrangers non assurés sociaux » (compte H733) :

– 14 % des recettes d’activité dépendent du seul compte H733 en 2013, soit plus de 15 millions d’euros de recettes ;

– dans ce compte, le sous-compte aide médicale de l’État représente 12 millions d’euros, soit 11 % des recettes d’activité.

Courant 2014, le constat d’une croissance de la part de patientèle sans couverture sociale obligatoire s’amplifie sur l’ensemble des secteurs d’activité du CHSD dont les urgences (25 % des passages) et les séjours (seuil des 12 % franchi). En élargissant l’analyse aux patients relevant également des couvertures couverture maladie universelle (CMU) et CMUc, on constate que cette part de patients jugés « précaires » avoisine le tiers des séjours (31,70 %) :

FOCUS séjours MCO au 01.09.2014

2014

 

2013

 

 

 

 

 

 

SÉCURITÉ SOCIALE

17 913

87,37 %

17334

87,90 %

dont CMU DE BASE

1 568

7,65 %

1 102

5,59 %

dont CMU Complémentaire

4 046

19,73 %

3 242

16,44 %

dont CMU & CMUC

1 181

5,76 %

717

3,64 %

         

AME droit commun

1 796

8,76 %

1 862

9,44 %

SOINS URGENTS

270

1,32 %

264

1,34 %

NON FACTURABLE

37

0,18 %

52

0,26 %

SANS COUVERTURE SOCIALE (PAYANTS)

447

2,18 %

158

0,80 %

Relations internationales

40

0,20 %

50

0,25 %

TOUT

20 503

100 %

19720

100,00 %

         

séjours "précaires"

6 499

31,70 %

5 753

29,17 %

III. QUEL PILOTAGE HOSPITALIER ? DE LA MISE EN PLACE D’UNE STRUCTURE DE GESTION DÉDIÉE

Pour répondre à la fois à cette problématique prégnante de fragilité sociale de sa patientèle et à ses impératifs d’équilibre budgétaire via la valorisation financière de son activité, le CHSD a dû développer un dispositif renforcé visant la sécurisation de la couverture sociale des patients pouvant juridiquement en relever.

Sur le plan fonctionnel, le CHSD bénéficie en effet d’un département financier qui a pleinement pris en compte cette particularité. En son sein, la Direction de l’Activité regroupe dans une jointure fonctionnelle resserrée un service admissions / facturation et un service social fort de vingt assistantes sociales (AS) et 5 agents administratifs (AA), qui participent pleinement de ce dispositif de sécurisation de la recette.

Sur le plan institutionnel, cette jointure financière et sociale trouve ses fondements dans la convention de partenariat passée et signée entre le CHSD et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine Saint-Denis en avril 2010, pour contractualiser les délais et les attendus relatifs à l’instruction des dossiers AME – CMUc.

Le suivi social des patients (au moment de leur hospitalisation) participe prioritairement à la constitution de dossiers exhaustifs de demande d’ouverture de droits et permet en retour une instruction plus fluide et ainsi une réduction des délais d’ouverture de droits par la CPAM.

Sur le plan organisationnel, la mise en place de trois PASS (générale, maternité et bucco-dentaire) et l’ouverture de deux consultations de médecine générale et sociale dédiées participent de cette prise en charge sociale visant l’ouverture de droits des patients pouvant en relever. Ces activités demeurent largement sous budgétisées en dépit de seuils d’activité définis par la dernière circulaire référentiel PASS de 2013, alors qu’elles sont particulièrement dynamiques (précarisation du territoire) et que leur flux croissants constituent une difficulté notoire de gestion.

A.  DES COÛTS DE STRUCTURE NON VALORISABLES INÉVITABLEMENT CONSENTIS PAR L’ÉTABLISSEMENT… :

Certaines ressources sont ainsi strictement mobilisées pour gérer une structure de gestion portée sur la précarité et sa prise en charge au sein d’un circuit patient classique. Cette hyperstructure spécifique emporte un coût incompressible pour le CHSD :

Nature de la ressource dédiée

Volume ou équivalent

Valorisation TTC

Service social « surnuméraire »

15 ETP AS (sur 20)

45 000 x 15 = 675 000 €

Accueil PASS renforcé

2 ETP AA (sur 5)

35 000 x 2 = 70 000 €

Interprétariat

30 000 €

30 000 €

Transports sanitaires

50 000 €

50 000 €

Temps infirmier

Env.2, 5 ETP (+10 % par patient)

45 000 x 2,5 = 110 000 €

Renforcement identitovigilance

1 ETP (doublons et complexité)

35 000 €

TOTAL

 

970 000 €

B.  … POUR LIMITER AU MIEUX L’IMPACT DE LA VOLATILITÉ DES RECETTES « PRÉCAIRES » :

L’hyperprécarité massive de la patientèle du CHSD, et ce en dépit de tous les efforts de « normalisation » accomplis en amont / pendant / en aval de la prise en charge de ces patients précaires, favorise l’émergence de difficultés financières complémentaires sur les recettes de l’établissement, parmi lesquelles :

– des difficultés accrues de recouvrement puisque 10 millions de reste à recouvrer auprès des particuliers sont encore « dans la nature » depuis 2004 ;

– le flux des créances irrécouvrables avoisine 1,3 million d’euros par an (en dépit d’un taux d’encaissement en régie exceptionnel représentant 1 million d’euros) ;

– un allongement mécanique de la durée moyenne de séjour (DMS) qui peut avoisiner + 20 % dans certains secteurs médicaux en raison des difficultés de mise en œuvre du projet de sortie notamment.

Le paradigme de l’équation budgétaire hospitalière sous T2A induit que le niveau des recettes conditionne celui des dépenses et que le niveau de détermination des tarifs (GHS) prend en compte les coûts de fonctionnement de la structure pour une production de soins donnée.

À cet égard, le coefficient de 1,15 (soit + 15 % par rapport au GHS AME) encore appliqué sur le GHS AME en 2014 devait participer de la prise en compte de ces surcoûts de gestion, sans toutefois permettre de répondre directement à la problématique des moindres recettes.

Or, compte tenu d’une valorisation moyenne du GHS coefficienté AME à hauteur de 2 400 euros (soit une « aide » en sus du tarif GHS de près de 300 euros par séjour), et d’une prévision de 2 460 patients hospitalisés en relevant sur l’exercice 2014, on constate que ce coefficient ne permet une compensation du seul surcoût de gestion décrit qu’à hauteur de 770 000 euros, soit seulement 80 % des surcoûts inhérents au dispositif engagé cette année. Autrement dit, la physionomie précaire de la patientèle du CHSD participe de son sous-financement chronique, et donc de son déficit structurel.

IV. EFFET « MASSUE » DES ÉVOLUTIONS RÉGLEMENTAIRES : DE LA PRÉCARISATION DES RECETTES

La réforme AME du 1er janvier 2012 avait déjà amputé les recettes de Titre 2 AME de près de 1,3 M€.

La fin de la pratique possible du tarif journalier de prestation (PJ) pour tendre vers une tarification T2A via le nivellement successif du coefficient de l’AME a induit une succession de pertes mécaniques de recettes :

– sur le seul exercice 2014, la perte mécanique (de 1,32 à 1,15), à volume constant, s’établit à 1,4 million d’euros (depuis une base de séjours AME à hauteur de 10,7 M€), soit une érosion de – 1,30 % des recettes d’activités, traduite malheureusement dans le déficit désormais « structurel » du CHSD, à hauteur de 1,6 million d’euros dans le dernier rapport infra annuel (RIA) ;

– en projection sur l’exercice 2015, cette perte sera, à volume constant, de 1,2 million d’euros.

Sur 2014 et 2015, la perte de recettes attachées au dispositif de l’AME représente 2,6 millions d’euros, et avoisine les 4 millions d’euros depuis le début de la réforme.

La perspective de la réforme des soins urgents et vitaux (SUV) (budget sécurité sociale pour 2015), ajustés au prix du GHS contre celui de l’actuel TJP, laisse présager une érosion mécanique analogue des recettes adossées à ces prises en charge, sans que semblent être possibles des allégements de ses surcoûts de gestion. La perte estimée s’établit pourtant à près de 1,8 million d’euros en suivant la valorisation actuelle moyenne d’un SUV autour de 7 000 euros (compte tenu de la sévérité accrue des patients arrivants aux portes de l’hôpital), à hauteur de 520 séjours prévisionnels qualifiables pour 2014.

Cumulée à celle sur les AME, la nouvelle perte relative aux SUV contraint le CHSD à engager l’exercice 2015 avec un déficit « réglementaire » abyssal de 3 millions d’euros du montant de ses recettes d’activités, soit en incidence déjà 2,7 % de contraction de ses dépenses à entrevoir pour envisager afficher puis tenir un budget équilibré.

V. PRÉCARITÉ : ENTRE SURCOÛT DE GESTION ET SOUS VALORISATION CROISSANTS. QUELLES PROBLÉMATIQUES HOSPITALIÈRES ASSOCIÉES 

À ce stade, le CHSD doit donc répondre à un territoire de santé toujours plus demandeur avec des moyens associés en sévère contraction.

Pourtant, l’hôpital, par sa vocation même, est particulièrement captif du phénomène « précarité » qui se présente à sa porte, avant de venir emboliser ses organisations. Il est pour ainsi dire « en bout de chaîne » de la prise en charge sociale et trop souvent le dernier recours possible ou plutôt trop souvent facilement perçu comme tel.

De nombreuses zones d’ombre persistent donc au cœur de cette « inéquation » de la gestion hospitalière de la précarité, à travers notamment :

– l’augmentation des patients étrangers sous visa et la problématique connexe du périmètre gérée par les assurances privées de ces ressortissants ;

– la non universalité de la CMU et la complexité d’accès à la couverture complémentaire puisque 15 % des séjours couverts au CHSD le sont seulement sur la part AME ;

– l’incertitude du rapport coût-bénéfice de l’ouverture des droits pour les patients externes compte des frais de gestion d’entrée vers ce dispositif d’accès à la couverture ;

– la surreprésentation des restes à charges pour le CHSD malgré un dispositif volontariste, générateurs d’irrécouvrables en puissance (300 séjours intégralement facturés aux patients faute de couverture sociale ouvrable, une centaine de séjours non facturés compte tenu de l’improbabilité de leur recouvrement) ;

– une mission d’intérêt général (MIG) précarité dont la subvention est figée depuis 2010 alors que son modèle (part des patients hospitalisés relevant de la CMU/CMUC/AME supérieure à 10,5 %) emporte un seuil largement franchi ;

– un asséchement du dispositif de gestion de la précarité au détriment de la prise en charge du patient (réduction en personnels soignants pour combler le déficit structurel).

En sortant des seules problématiques hospitalières, on constate notamment un problème manifeste de coordination des acteurs concernés par la gestion de l’ensemble du dispositif et de son contrôle :

– attention au renforcement unilatéral peu concerté relatif aux conditions de l’effectivité de l’ouverture de droits des CPAM (SUV et AME) ;

– incapacité constatée de la médecine de ville à entrer dans un dispositif préventif compte tenu de gestions onéreuses à leur niveau, se traduisant par une inflation des passages aux urgences (+ 10 % dont une majorité de patients précaires) ;

– insuffisance des dispositifs départementaux qui permettraient de fluidifier et d’accélérer les sorties d’hospitalisations pour des prises en charge moins coûteuses ;

– absence de clauses, au sein des conventions internationales, pour encadrer la délivrance de visas par les consulats dans le cadre de voyages sanitaires non revendiqués ;

– une stratégie de contournement onéreuse face à la complexification des règles ou de leur application sur le terrain (cas du droit de timbre assumé par l’ouverture d’une régie sociale au niveau du CHSD par nécessité de délai et effectivité de l’ouverture des droits pouvant l’être, prise en charge internalisée à l’établissement de la domiciliation des patients, etc.)

PERSPECTIVES DE RÉFLEXIONS ENVISAGÉES

L’ensemble des pistes proposées fait écho aux difficultés hospitalières rencontrées par le CHSD dans le cadre de sa gestion au quotidien de la précarité accrue de sa patientèle.

Ces pistes visent à affiner les modalités de prise en compte de la précarité sur le territoire pour permettre une meilleure allocation des budgets de gestion dans le cadre des politiques d’accès aux droits et aux soins, afin d’en assurer le contrôle et d’en évaluer l’efficience :

– proposition de mettre les acteurs de l’ensemble de la chaîne de gestion autour d’une même table : financeurs, contrôleurs et opérateurs pour harmoniser les règles de gestion et recouper les informations patients pour réduire les doublons de gestion et renforcer la qualité des contrôles ;

– simplification des circuits au plan national (interfaces des établissements publics hospitaliers, de la sécurité sociale et de l’État) et convergence des dispositifs vers un unique circuit visant la prise en charge du patient précaire dans le cadre de son accès aux soins via son accès aux droits ;

– Détermination au niveau territorial des besoins en gestion de la précarité via le recours possible de l’INSEE dans la définition des types de précarité à observer et à financer, pour mieux évaluer le contour des zones de précarités souterraines et critiques ;

– consolider les remontées d’informations relatives au « tourisme » hospitalier depuis les hôpitaux jusqu’aux consulats ;

– définition de zones pilotes de gestion de la précarité pour l’accès aux soins, afin d’allouer les moyens de façon efficiente et contrôlable ;

– renforcer contractuellement le rôle de la prévention extérieure (missions d’expertise internationale), et intérieure (régulation maison médicale, médecine de ville) depuis ces zones pilotes de gestion de la précarité ;

– mise en place d’un dispositif de gestion en ambulatoire pour diminuer le recours aux plateaux lourds des prises en charge d’hospitalisations parfois non nécessaires ;

– projet interne du CHSD de réaliser une cartographie base patient / indicateurs INSEE / flux d’admission en non-valeur (ANV) au regard de la patientèle et de ses caractéristiques de précarité, pour adosser la MIG précarité sur des indicateurs sociodémographiques opposables et équitables.

*

* *

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Agence nationale des systèmes d’information partagés de santé (ASIP)

– M. Michel Gagneux, président ;

– Mme Jeanne Bossi, secrétaire générale.

Direction générale de la santé (DGS)

– M. Christian Poiret, secrétaire général ;

– Dr. Françoise Weber, directrice générale adjointe de la santé (représentant Pr. Benoît Vallet, directeur général) ;

– Mme Catherine Choma, sous-directrice des politiques de produits de santé et qualité des pratiques et des soins ;

– M. Charles Saout, chargé de mission outre-mer.

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES)

– Mme Thanh Le Luong, directrice générale ;

– M. Renaud Morin, directeur ressources internes ;

– Mme Jocelyne Boudot, directrice générale adjointe ;

– Mme Isabelle Duprat, direction des ressources internes.

Direction de la sécurité sociale

– M. Thomas Fatome , directeur ;

– Mme Géraldine Duverneuil, chef du bureau de la couverture maladie et des prestations de santé ;

– Mme Jeanne Lanquetot-Moreno, adjointe au chef du bureau chargé de la synthèse financière.

Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM)

– M. François Hébert, directeur général adjoint ;

– Mme Carole Le Saulnier, directrice des affaires juridiques et réglementaires.

Conseil national de l’ordre des médecins

– Dr. Patrick Bouet, président ;

– M. Francisco Jornet, directeur des services juridiques.

Haute autorité de santé (HAS)

– Pr. Jean-Luc Harousseau, président ;

– M. Dominique Maigne, directeur ;

– M. Jean-Patrick Sales, directeur délégué à la direction de l’évaluation médicale, économique et de santé publique (DEMESP).

Celtipharm et Euromediations

– M. Patrick Guérin, président directeur général de Celtipharm ;

– Mme Véronique Queffélec, conseillère à Euromediations.

Centre hospitalier de Saint-Denis

– Mme Yolande Di Natale, directrice ;

– M. Guillaume Chesnel, directeur adjoint en charge de l’activité, des recettes et du service social.

Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

– Mme Eléonore Ronflé, directrice des assurés à la direction déléguée à la gestion et à l’organisation des soins (DDGOS) ;

– Mme Marie-Christine Keters, responsable du département information et prévention ;

– Mme Christelle Gastaldi-Ménager.

© Assemblée nationale

1 () Auxquels s'ajoutent, en LFR, 278 millions d'euros d'apurement de dette, soit une dépense annuelle totale de 871 millions d'euros.

2 () Prévisions 2014 fournies par le ministère de la Santé dans le cadre des réponses au questionnaire budgétaire et sur la base de dépenses au 30 juin 2014 à hauteur de 394 millions d’euros.

3 () Il est à noter que l’impact de la modification des coefficients n’est pas immédiatement effectif. En effet, le remboursement des établissements publics de santé par la CNAMTS intervient trois mois après la saisie des informations liées aux séjours par l’établissement. En conséquence, en 2014 par exemple, la facturation à l’État est fondée sur trois mois au coefficient de 1,30 (en vigueur au titre de 2013) et neuf mois à celui de 1,15.

4 () Réponse au questionnaire budgétaire.

5 () Réponse au questionnaire budgétaire.

6 () Réponse au questionnaire budgétaire.

7 () Rapport de la Cour des comptes, « La Santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République » (juin 2014).

8 () Alsace, Aquitaine, Franche-Comté et Picardie.

9 () Règlement (UE) n° 658/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relatif aux redevances dues à l’Agence européenne des médicaments pour la conduite d’activités de pharmacovigilance concernant des médicaments à usage humain.

10 () Règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE.

11 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/commissions_elargies/