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N
° 3117

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3096)
de
finances pour 2016

TOME XI

OUTRE-MER

COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER, NOUVELLE-CALÉDONIE
ET TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES

PAR M. Ibrahim ABOUBACAR

Député

——

Voir les numéros : 3110-III-33, 3112-XII.

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2015 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, seules 75 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis qui regrette que les prescriptions de la loi organique n’aient pas été pleinement respectées, malgré la disponibilité des services du ministère des Outre-mer.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES PARTICULARITÉS DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE DANS LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (TAAF) 6

A. DES INSTITUTIONS ADAPTÉES À L’ABSENCE DE POPULATION 6

B. UNE SITUATION BUDGÉTAIRE DÉPENDANTE DES POTENTIALITÉS ET RESSOURCES ÉCONOMIQUES DE CES TERRITOIRES 8

II. UNE DÉMOGRAPHIE EN BERNE SUR FOND DE DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES À WALLIS ET FUTUNA 9

A. UN BUDGET CONTRAINT QUI NE PEUT RÉPONDRE AUX ATTENTES DE LA JEUNESSE LOCALE 10

B. LES DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES RÉSULTANT DE LA FORTE DÉPENDANCE DE LA COLLECTIVITÉ AUX AIDES PUBLIQUES 12

III. SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON, UNE COLLECTIVITÉ ENCLAVÉE AUX FAIBLES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE 14

A. LA QUESTION RÉCURRENTE DU SCHÉMA INSTITUTIONNEL 14

B. UNE COOPÉRATION FRANCO-CANADIENNE INDISPENSABLE AU DÉVELOPPEMENT DE LA COLLECTIVITÉ 16

C. UN SOUTIEN ET UN FINANCEMENT PUBLICS ENTRAVÉS PAR L’ABSENCE D’INITIATIVES PRIVÉES 17

IV. UNE COHABITATION DÉLICATE DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT-MARTIN AVEC SON HOMOLOGUE HOLLANDAISE 18

A. UN SOUTIEN FINANCIER DE L’ÉTAT ET DE L’UNION EUROPÉENNE INDISPENSABLE À UNE ÉCONOMIE FRAGILE 19

B. UNE SITUATION SOCIALE EXIGEANT UNE MEILLEURE COOPÉRATION RÉGIONALE 22

V. LE TOURISME AU CœUR DE LA BONNE SANTÉ ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT-BARTHÉLEMY 24

A. UNE AUTONOMIE INSTITUTIONNELLE ADAPTÉE 24

B. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE PROSPÈRE 25

VI. POLYNÉSIE FRANÇAISE : UNE PROGRESSION ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE À SOUTENIR 26

A. UN STATUT ÉPROUVÉ QUI DOIT ÊTRE MIEUX MIS AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT 27

B. UNE SITUATION SOCIALE ET ÉCONOMIQUE DIFFICILE 28

1. Une crise économique grave 28

2. L’absence d’amortisseurs sociaux 28

3. Une économie dominée par le secteur tertiaire 29

C. UN SOUTIEN DE L’ÉTAT QUI DEMEURE CONDITIONNÉ À LA POURSUITE DES EFFORTS BUDGÉTAIRES ET FISCAUX 31

1. Une économie dépendante des transferts publics 31

2. Une crise budgétaire à surmonter 32

VII. LA NOUVELLE-CALÉDONIE : UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE AU SERVICE D’UNE TRANSITION INSTITUTIONNELLE 34

A. LA NÉCESSITÉ DE PRÉPARER ET D’ORGANISER L’AVENIR POLITIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA NOUVELLE CALÉDONIE. 34

B. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE FRAGILE QUI RESTE À CONSOLIDER 38

EXAMEN EN COMMISSION 43

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 85

INTRODUCTI

ON

Mesdames, Messieurs,

L’examen du budget de la mission « Outre-mer » pour 2016 est l’occasion pour votre rapporteur pour avis de dresser un bilan des enjeux institutionnels, politiques, économiques, sociaux, environnementaux, technologiques et sécuritaires auxquels font actuellement face les différentes collectivités d’Outre-mer ainsi que la Nouvelle-Calédonie (1) .

Votre rapporteur pour avis remarque que la présence française dans les Terres australes et antarctiques françaises est soumise à de fortes particularités économiques et institutionnelles (I).

La perte de population subie par Wallis et Futuna impose, pour sa part, de s’interroger sur ses perspectives de développement (II). La bonne santé financière de Saint-Barthélemy (V) n’est pas transposable aux autres collectivités de l’océan atlantique. L’enclavement de Saint-Pierre et Miquelon (III) ou la division de Saint-Martin entre deux souverainetés (IV) peuvent, en effet, générer des difficultés économiques ou financières.

Votre rapporteur pour avis a également souhaité revenir sur la situation économique et financière toujours très fragile de la Polynésie française – notamment de son régime de protection sociale – et ce, en dépit du retour à une stabilité politique et institutionnelle (VI).

Enfin, si la loi organique n° 2015-987 du 5 août 2015 pose les modalités d’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur pour avis souligne la nécessité d’accompagner cette collectivité dans son économie pour que le processus institutionnel sur l’avenir des Calédoniens puisse se dérouler dans la plus grande sérénité possible (VII).

I. LES PARTICULARITÉS DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE DANS LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (TAAF)

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont composées de cinq districts : la terre Adélie sur le continent antarctique ; les archipels de Kerguelen et de Crozet ainsi que les îles Saint-Paul et Amsterdam dans les régions subantarctiques du sud de l’océan Indien ; les îles Éparses proches de Madagascar.

La terre Adélie dispose d’un statut particulier sur le plan international, le traité sur l’Antarctique signé le 1er décembre 1959 à Washington ayant instauré un gel des prétentions territoriales et établi la démilitarisation et la dénucléarisation du continent. Les autres districts des TAAF s’étendent sur une superficie de 7 829 km2 et assurent à la France une zone économique exclusive de 2,35 millions de km2.

Les TAAF présentent des particularités institutionnelles et budgétaires liées à l’absence de population au sein de cette collectivité.

A. DES INSTITUTIONS ADAPTÉES À L’ABSENCE DE POPULATION

Le territoire des TAAF se caractérise par l’absence de population locale permanente, justifiant qu’il n’y existe pas d’institutions élues. Une présence humaine continue est néanmoins assurée par des scientifiques ou des militaires français. L’effectif total présent dans tous les districts confondus est d’environ 165 personnes l’hiver et de 350 personnes l’été. La desserte maritime de ces terres éloignées et la rotation des scientifiques sont effectuées par le Marion Dufresne II pour les Australes, l’Osiris pour les Éparses et l’Astrolabe pour la Terre Adélie.

Les TAAF occupent une place unique dans l’ordre administratif de la République. Dotées de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière par l’article 72-3 de la Constitution du 4 octobre 1958, l’organisation particulière de ce territoire obéit au statut mis en œuvre par la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton. Les TAAF obéissent au principe de spécialité législative, suivant lequel les textes nationaux ne s’y appliquent que si une mention en ce sens est expressément prévue.

La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer énumère les domaines pour lesquels les dispositions législatives et réglementaires sont applicables de plein droit. Le siège administratif des TAAF se trouve actuellement dans le département de La Réunion.

Les TAAF sont placées sous l’autorité d’un administrateur supérieur, qui est à la fois le représentant de l’État dans la circonscription administrative et l’exécutif de la collectivité. Il se fait représenter dans chacun des districts par un chef de district.

Les pouvoirs légaux de l’administrateur supérieur sont très étendus. En tant que représentant de l’État dans les TAAF, il intervient dans la quasi-totalité des matières sous le contrôle du ministre des Outre-mer. Ensuite, en tant qu’exécutif, il arrête les décisions de la collectivité avec, le cas échéant, l’avis du conseil consultatif.

Ce dernier est, en effet, chargé d’assister l’administrateur supérieur dans ses prérogatives. Il est obligatoirement consulté sur un certain nombre de matières comme le budget du territoire, les projets d’arrêtés et les demandes de concessions et d’exploitation. Il est informé par l’administrateur supérieur des programmes scientifiques mis en œuvre dans les TAAF.

Votre rapporteur s’interroge sur la manière d’associer, pour information, les exécutifs régionaux des deux entités françaises de l’Océan indien à l’activité des TAAF, dans la mesure où elles n’ont pas la possibilité de nouer avec celles–ci des relations de coopération de droit commun.

La collectivité des TAAF a mis en place un partenariat avec l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) (2). Au cours de son audition par votre rapporteur, Madame Cécile Pozzo Di Borgo, préfète, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises, a fait mention des relations particulières qu’entretiennent les TAAF avec l’IPEV. Ce dernier finance à hauteur de 13 millions d’euros l’équipement du Marion-Dufresne. De plus, le remplacement du navire destiné à la desserte de la Terre Adélie s’opère par une convention organisant un partenariat entre les TAAF et l’institut polaire pour ce qui est du financement et de l’utilisation partagée du navire.

À cette particularité institutionnelle s’ajoute une particularité budgétaire. La collectivité, ne disposant pas de population permanente, n’a pas à financer certains services publics et doit tenir compte, beaucoup plus que les autres, de ses ressources propres.

B. UNE SITUATION BUDGÉTAIRE DÉPENDANTE DES POTENTIALITÉS ET RESSOURCES ÉCONOMIQUES DE CES TERRITOIRES

La zone économique exclusive des TAAF permet à la France de posséder le second plus grand domaine maritime. L’immensité de ce territoire marin offre une abondante ressource halieutique, la faculté d’explorer ces zones dans la perspective de trouver et d’exploiter les hydrocarbures – dans le respect toutefois de la transition énergétique menée par la France –, la possibilité d’étudier et de protéger une importante biodiversité (3) ainsi que de comprendre les causes et conséquences du changement climatique. De la même manière, elle confère à la France une présence stratégique en Antarctique et dans le canal du Mozambique.

Relevant du statut de pays et territoire d’outre-mer (PTOM), les TAAF bénéficient, comme les autres collectivités d’outre-mer, du fonds européen de développement (FED) ainsi que de programmes horizontaux de l’Union européenne.

Le budget des TAAF est, en outre, alimenté par des ressources propres, parmi lesquelles figurent les taxes de mouillage, les droits de pêche et les ressources liées à la philatélie. La collectivité est dépendante à hauteur de 20 % des dotations de l’État (4). Dès lors, votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité de conforter le niveau de la dotation de l’État aux TAAF dans le but d’asseoir plus efficacement, d’une part, la souveraineté française sur les zones économiques exclusives – en particulier les ressources gazières potentiellement exploitables dans la zone des îles Éparses – et de financer, d’autre part, les recherches scientifiques de première importance, notamment sur les questions relatives à la biodiversité, à la préservation de l’environnement et de la faune marine, ou, plus généralement, au changement climatique.

Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis se félicite que les recettes des TAAF aient augmenté de 20 % depuis 2004 sous l’effet conjugué d’une forte augmentation des impôts, d’un accroissement des produits et ventes diverses et, depuis ces trois dernières années, d’une augmentation substantielle des dotations d’État à la suite notamment de la création de la réserve naturelle.

Les dépenses des TAAF comprennent pour leur part : les dépenses de fonctionnement – très importantes pour les navires – ; les salaires et charges sociales ; les dépenses d’investissement – construction de bâtiments, achat de matériel et outillage.

PRINCIPALES RECETTES ET DÉPENSES DES TAAF (5)

Recettes propres à la collectivité

Montant en millions d’euros

Sous affrètement du Marion-Dufresne à l’Institut Polaire

7

Perception des droits de pêches

6

Revenu de la philatélie

1

Dépenses

Montant en millions d’euros

Entretien et fonctionnement du Marion-Dufresne

12,5

Entretien et fonctionnement de l’Astrolab

1,339

Entretien et fonctionnement de l’Osiris

1,237

Entretien et fonctionnement de la Curieuse

0,319

S’agissant des projets et perspectives de développement envisagés pour les TAAF, une réflexion est actuellement en cours sur l’extension des croisières touristiques à bord du Marion-Dufresne aux îles éparses.

Par ailleurs, l’augmentation progressive des droits de pêches – successivement recommandée par la Cour des comptes et le conseil consultatif des TAAF – devrait renforcer les ressources propres de la collectivité.

Enfin, des taxes forfaitaires pourraient être envisagées s’il était décidé de procéder, dans le respect des engagements français en matière de transition énergétique, à l’exploitation des ressources minières ou pétrolières dans le canal du Mozambique, leur taux étant appelé à varier en fonction de la superficie de la zone de recherche et du montant des investissements réalisés.

II. UNE DÉMOGRAPHIE EN BERNE SUR FOND DE DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES À WALLIS ET FUTUNA

Les îles Wallis et Futuna forment, à plusieurs titres, un territoire d’exception au sein de la République. Distant de plus de 19 500 kilomètres de la métropole, ce double archipel, isolé dans l’océan Pacifique, se trouve à 3 000 kilomètres au sud-ouest de la Polynésie française et à 2 200 kilomètres à l’est de la Nouvelle-Calédonie, avec laquelle Wallisiens et Futuniens conservent un lien privilégié, fruit de l’histoire et de l’émigration. Selon le recensement de 2013, l’archipel de Wallis et Futuna comptait 12 197 habitants.

Il existe à Wallis-et-Futuna trois institutions, à l’organisation et aux compétences propres : une assemblée territoriale (6) ; un conseil territorial (7) ; un administrateur supérieur (8).

Aussi l’organisation institutionnelle de Wallis-et-Futuna se distingue-t-elle par plusieurs traits spécifiques : l’exécutif de la collectivité est assuré par le représentant de l’État ; l’autorité coutumière est étroitement associée à la gestion des affaires territoriales ; enfin, l’assemblée territoriale dispose d’attributions limitées.

Wallis et Futuna est gérée par :

– une assemblée territoriale (décret n° 57-811 du 22 juillet 1957) ;

– un conseil territorial (décret n° 62-287 du 14 mars 1962) ;

– un administrateur supérieur (loi n° 61-814 du 29 juillet 1961).

Par ailleurs, en sa double qualité de représentant de l’État et de chef de l’exécutif de la collectivité, l’administrateur supérieur dirige tant les services de l’État que les services territoriaux. Le territoire de Wallis-et-Futuna ne comprend, en revanche, aucune commune mais des circonscriptions administratives.

S’agissant du cadre institutionnel de la collectivité, votre rapporteur pour avis considère qu’en l’absence de demande locale d’évolution statutaire exprimée par les chefferies coutumières, rien ne justifierait, à court terme, de faire évoluer le statut issu de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer.

Il n’en demeure pas moins que le poids des aides publiques et le caractère contraint du budget de la collectivité de Wallis-et-Futuna ne permettent pas à celle-ci de mener à bien des projets d’envergures susceptibles de générer un environnement économique et social attractif. L’absence de perspective pour la jeunesse conduit celle-ci à quitter massivement le territoire (9).

A. UN BUDGET CONTRAINT QUI NE PEUT RÉPONDRE AUX ATTENTES DE LA JEUNESSE LOCALE

Malgré l’accompagnement de la collectivité par l’État via les contrats de développement – lesquels comprennent des dépenses d’investissement contribuant à la réalisation ou à la réhabilitation des infrastructures du territoire, ainsi que des subventions au profit de la santé, l’emploi, l’aide sociale, la culture et la communication, la préservation de l’environnement, le secteur primaire, l’économie, le financement d’études et la recherche – la collectivité de Wallis-et-Futuna peine à répondre aux attentes de sa population.

Le contrat de développement conclu avec l’État pour la période 2012-2016 est doté de 41,8 millions d’euros consacrés aux investissements dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi, du sport, de la culture ainsi que de l’aménagement durable et de l’environnement.

Le problème de l’accès au soin a en particulier appelé, par son caractère de première nécessité, l’attention de votre rapporteur pour avis. L’offre repose localement sur l’activité de deux hôpitaux, celui de Sia à Wallis et celui de Kaleveleve à Futuna. Ces établissements assurent les soins généralistes. Les médecins spécialistes – ophtalmologue, oto-rhino-laryngologue, cardiologue, rhumatologue, psychiatre, etc. – ne résident pas sur place mais effectuent des visites selon un calendrier pluriannuel. Dans les deux établissements, il n’existe pas de système de garde. En cas de prescription urgente, il est possible de se fournir dans la pharmacie de la salle des urgences.

Les investissements nécessaires au maintien voire à l’amélioration de l’offre de soins devraient se poursuivre. Actuellement, les examens médicaux qui ne peuvent s’effectuer sur place donnent lieu à une évacuation sanitaire vers Nouméa.

Or, les relations financières entre l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, d’une part, et les établissements de santé et la caisse d’assurance maladie (la CAFAT) calédoniens, d’autre part, sont difficiles. L’agence de santé est effectivement redevable d’une dette, représentant près d’une année de fonctionnement de l’agence, envers le régime d’assurance maladie calédonien. Les conséquences financières de cette situation conduisent à une dégradation des rapports entre les acteurs sanitaires des deux territoires, laquelle pourrait à terme entraîner une dégradation de l’accueil des patients de Wallis-et-Futuna, qui se limiterait à la prise en charge des évacuations sanitaires urgentes ou conduirait à instaurer une commission spéciale pour analyser les entrées, séjours et sorties des patients originaires de Wallis-et-Futuna.

Plusieurs mesures ont été adoptées par l’État, qui assure la tutelle de l’agence de santé, pour circonscrire le montant de cette dette. Outre des abandons de créances, il a été mis fin, à compter du budget pour 2015, à la sous-évaluation chronique des crédits versés à l’agence de santé, afin d’éviter que la dette ne se reconstitue chaque année. En effet, comme l’a indiqué M. Marcel Renouf, administrateur supérieur des îles Wallis-et-Futuna, lors de son audition par votre rapporteur pour avis, les trois ministères de tutelle que sont respectivement l’Outre-mer, le Budget et les Affaires sociales, approuvent chaque année un budget qui reporte à l’exercice suivant entre 10 % et 20 % du paiement des dépenses courantes de l’agence de santé (10). Reste néanmoins pour la triple tutelle à apurer l’arriéré de la dette selon un plan de remboursement des créanciers de l’agence qui reste à définir.

Plus largement, la collectivité de Wallis-et-Futuna dispose de peu de ressources propres pour financer son développement économique. En effet, la collectivité est dotée d’un régime fiscal spécifique essentiellement basé sur une fiscalité indirecte, les taxes douanières représentant plus de 70 % des recettes fiscales du territoire.

Cette situation budgétaire contrainte n’offre pas à la collectivité les moyens de financer son développement économique. La faiblesse de ce dernier est, de surcroît, aggravé par la distance culturelle croissante qui sépare une population vieillissante attachée à l’économie informelle et au respect de la coutume, d’une part, et une jeunesse davantage attachée à une économie dite « européenne » et plus encline à s’installer dans des régions économiquement attractives.

En raison de l’absence de perspective économique, la collectivité de Wallis-et-Futuna connaît, depuis les années 1970, un déclin de sa population et, en particulier, une émigration importante de sa jeunesse : à la fin de l’année 2014, sur une population estimée à moins de 12 000 habitants, 10 % des personnes de moins de quarante ans avaient d’ores et déjà émigré, ce qui représente entre 300 et 400 départs chaque année, vers la France métropolitaine ou les contrées « voisines », comme la Nouvelle-Calédonie. Sur le territoire de cette collectivité, on dénombre actuellement près de deux fois plus de Wallisiens et Futuniens que sur le territoire de Wallis-et-Futuna lui-même (11).

Le départ des habitants de Wallis-et-Futuna est motivé par l’absence ou l’insuffisance d’équipements, de formations, d’emplois sur le territoire, ainsi que par l’enclavement – numérique, médical, etc. – du territoire. L’attrait économique suscité par le développement de l’activité minière en Nouvelle-Calédonie a pu constituer, à cet égard, un facteur déterminant.

Cette émigration ne va pas aujourd’hui sans susciter certaines tensions et rivalités entre les deux communautés sur le territoire calédonien, en raison de l’existence d’un régime de préférence locale en matière d’emploi ou bien encore de l’existence d’une citoyenneté calédonienne restreignant l’accès au corps électoral pour les élections provinciales ainsi que pour la consultation – devant intervenir d’ici 2018 (cf. infra) – sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.

B. LES DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES RÉSULTANT DE LA FORTE DÉPENDANCE DE LA COLLECTIVITÉ AUX AIDES PUBLIQUES

L’activité économique de Wallis-et-Futuna demeure très traditionnelle et essentiellement non marchande. Elle est principalement axée sur une pêche artisanale et une agriculture consacrée à l’élevage avicole et porcin – notamment en lien avec la coutume – ainsi qu’aux cultures vivrières. L’artisanat local y joue également un rôle important.

Dans ces conditions, l’économie du territoire, particulièrement enclavée, reste faiblement monétarisée et se caractérise par une forte propension des ménages à l’autoconsommation, actuellement évaluée à 40 % de leur consommation totale.

L’administration joue également un rôle prépondérant dans le soutien de l’économie des îles, puisqu’elle est à l’origine de près de 75 % des salaires distribués et que la demande publique représente à elle seule 54 % du PIB de la collectivité. Compte tenu de la faiblesse de la contribution du secteur privé à la création de richesse ainsi que de l’appareil productif local, les exportations sont peu significatives dans un contexte marqué par l’éloignement des marchés potentiels.

La plupart des Wallisiens et Futuniens en âge de travailler exercent donc une activité de type traditionnel, tournée en général vers l’autoconsommation, ou une activité temporaire, rémunérée mais pas toujours déclarée (12). Dans ces conditions, ces personnes tendent à se déclarer comme des personnes au foyer ou des inactifs lors du recensement et non comme des actifs occupés, ce qui doit conduire à une analyse prudente des données chiffrées relatives à l’emploi à Wallis-et-Futuna. On dénombrait ainsi 2 078 salariés déclarés sur le territoire au 30 juin 2014 contre 2 155 un an plus tôt, soit une baisse de 3,6 %.

Le tourisme reste une activité très faible à Wallis-et-Futuna malgré le potentiel offert par ce secteur d’activité. Son développement est, en effet, entravé par des handicaps structurels tels que le coût élevé du transport, l’éloignement des marchés touristiques potentiels, le manque d’infrastructures et les tarifs élevés des prestations, liés à l’indexation du coût de la vie.

Pourtant, le tourisme raisonné, centré sur un tourisme culturel, représente une voie de développement pouvant conduire à la création d’emplois et au développement concomitant du secteur agricole et artisanal. Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, l’administrateur supérieur a souligné, au titre des perspectives de développement touristique, l’importance d’établir des vols réguliers vers les îles Fidji, d’élaborer une stratégie pour capter une fraction des touristes visitant la zone et de développer la connectivité numérique de l’île par l’extension d’un câble sous-marin.

Lors de leur audition par votre rapporteur, MM. Eamon Mangan et Christophe Lenormand, conseillers au cabinet du secrétaire d’État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, ont également insisté sur les perspectives de développement liées à l’exploitation des ressources minières de ces îles, qui peut constituer une opportunité forte pour l’archipel. Un projet de décret en vue d’adapter les dispositions du code minier à la collectivité est actuellement à l’étude.

À cet égard, et sans remettre en cause le statut de Wallis et Futuna, il pourrait être intéressant de procéder à certains ajustements réglementaires afin de faciliter et d’encourager l’investissement privé.

III. SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON, UNE COLLECTIVITÉ ENCLAVÉE AUX FAIBLES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

Saint-Pierre-et-Miquelon est un archipel français situé dans l’océan Atlantique nord, à 25 kilomètres au sud de Terre-neuve. L’archipel est composé de deux îles principales : Saint-Pierre, la plus petite qui abrite 86 % de la population, ainsi que Miquelon constituée de deux presqu’îles : Grande Miquelon et Langlade. Le rapport de l’IEDOM de 2014 a estimé la population de Saint-Pierre-et-Miquelon à 6 081 habitants, dont 5 467 à Saint-Pierre et 614 à Miquelon Langlade (13).

Ancien département d’outre-mer, puis collectivité territoriale à statut particulier, Saint-Pierre-et-Miquelon a aujourd’hui le statut de collectivité d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958. Son statut a été actualisé par les lois organique (n° 2007-223) et ordinaire (n° 2007-224) du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

A. LA QUESTION RÉCURRENTE DU SCHÉMA INSTITUTIONNEL

Les lois du 21 février 2007 ont actualisé le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon. Leur examen a été précédé d’une consultation de la population de l’archipel sur deux des points les plus importants du nouveau statut :

—  l’instauration d’une liste unique (mais contenant deux sections communales : Saint-Pierre et Miquelon-Langlade) pour l’élection – à compter de 2012 – au conseil territorial ;

—  le transfert de compétences aux communes en matière d’urbanisme.

Le taux de participation a été peu élevé (26 %), mais le « oui » l’a emporté avec 63 % des suffrages exprimés.

La loi organique du 21 février 2007 visait avant tout à mettre le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon en conformité avec les dispositions de l’article 74 de la Constitution issues de la révision de mars 2003. Les institutions de la collectivité se composent d’un conseil territorial (anciennement appelé conseil général), d’un conseil exécutif (ancienne commission permanente) et d’un Conseil économique, social et culturel (auparavant seulement « économique et social »).

Le conseil territorial compte dix-neuf membres, dont le mandat a été réduit de six à cinq ans. Il exerce quasiment les mêmes compétences que les autres conseils régionaux et généraux.

Le régime législatif de Saint-Pierre-et-Miquelon n’a pas changé : l’identité législative demeure la règle et la spécialité, l’exception. Depuis l’entrée en vigueur de ces modifications, le 1er janvier 2008, les lois et règlements s’y appliquent de plein droit, sauf dans les matières relevant de la compétence de la collectivité. La collectivité peut également, comme les départements et régions d’outre-mer, être autorisée à adapter les lois et règlements à ses spécificités.

Le conseil territorial élit les membres du conseil exécutif, qui est composé du président du conseil territorial, président, de cinq vice-présidents et de deux autres conseillers.

Les articles L.O. 6414-1 et L.O. 6414-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoient que la collectivité fixe les règles applicables dans certaines matières, notamment en matière d’urbanisme, de construction, d’habitation et de logement. Ils disposent en outre que, dans les conditions définies par la réglementation édictée par la collectivité, sous réserve du transfert des moyens nécessaires à l’exercice de ces compétences, les communes peuvent intervenir en matière d’urbanisme.

La pertinence d’un schéma institutionnel distinguant, pour une population de 6 125 habitants, deux communes et un conseil territorial, constitue une interrogation récurrente parmi les acteurs politiques et économiques de l’archipel.

D’autres territoires comptant une population plus importante – Saint-Martin et Saint-Barthélemy – sont constitués en collectivité unique, cumulant les compétences respectives de trois niveaux de collectivités territoriales (commune, département, région) et des compétences normatives plus étendues que celles de Saint-Pierre-et-Miquelon.

L’organisation institutionnelle de Saint-Pierre-et-Miquelon engendrerait des redondances, voire une concurrence des interventions. La collectivité serait coupée des réalités communales et quotidiennes de la population, tandis que les communes ont l’impression de subir plutôt que d’être des acteurs sur leur territoire.

La réunion des trois niveaux de compétence au sein d’une seule collectivité, sur le modèle des statuts de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, est parfois évoquée, mais certains craignent qu’elle ne nuise à la représentation des intérêts de Miquelon-Langlade. Sur ces questions, votre rapporteur pour avis pense souhaitable que les élus et les habitants de ce territoire puissent lever aussi rapidement que possible les interrogations subsistantes.

B. UNE COOPÉRATION FRANCO-CANADIENNE INDISPENSABLE AU DÉVELOPPEMENT DE LA COLLECTIVITÉ

Même si la coopération entre la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada demeure compliquée, la France veille au maintien de ses droits maritimes.

Les perspectives économiques de la collectivité sont aujourd’hui très largement conditionnées par la résolution de la question de la délimitation du plateau continental au large de l’archipel. En effet, les potentiels tant en matière d’hydrocarbures, de métaux que de ressources halieutiques sont réels dans l’Atlantique Nord. Un développement économique pérenne de Saint-Pierre-et-Miquelon passe donc par l’extension du plateau continental au large de l’archipel, sur lequel la France pourrait exercer des droits souverains, notamment en matière d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles (14).

Une première étape a d’ores et déjà été franchie, le 8 mai 2009, avec le dépôt par la France, auprès de la commission des limites du plateau continental des Nations unies, d’une lettre d’intention revendiquant cette extension. Une seconde étape s’est engagée, le 16 avril 2014, date à laquelle le Gouvernement français a déposé le dossier final devant cette commission onusienne.

Ce dépôt fait suite à un engagement pris par le Président de la République, lequel avait, dans un communiqué publié le 24 juillet 2013, « rappelé que la France défendrait les intérêts de l’archipel concernant l’extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon » et même « confirmé l’intention de la France, à cet effet, de déposer un dossier devant la commission des limites du plateau continental ».

L’Assemblée nationale avait également apporté son soutien à cette démarche, avec l’adoption unanime, le 18 février 2014, d’une résolution, déposée en application de l’article 34-1 de la Constitution, appelant à la reconnaissance des droits légitimes de la France sur le plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon. Considérant qu’il s’agissait là d’une « question d’intérêt national », l’Assemblée nationale avait estimé que « la France ne saurait renoncer à ses droits légitimes » et exprimé « son plus ferme soutien à la démarche engagée aux fins de faire reconnaître l’extension de son plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon ». Elle avait, enfin, appelé de ses vœux « à ce qu’une fois le dossier déposé et la demande française examinée par la Commission des Nations unies, des négociations fondées sur le respect mutuel et la reconnaissance des droits légitimes de la France puissent être engagées avec le Canada, (…) afin de trouver une solution pérenne et permettre d’envisager l’avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon avec confiance ».

Votre rapporteur se réjouit du dépôt de ce dossier de demande d’extension, tant le développement de l’archipel et la diversification de son économie marchande dépendent de la revendication française d’un plateau continental étendu au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. Un accord franco-canadien demeure toutefois nécessaire préalablement à l’examen des demandes d’extension du plateau continental autour de Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans l’hypothèse où un tel accord serait trouvé et compte tenu de la charge de travail de la commission des limites du plateau continental des Nations unies, les recommandations de celle-ci ne pourraient intervenir que d’ici cinq à huit ans.

Au-delà de la question liée à la délimitation du plateau continental, si la coopération régionale entre services publics fonctionne, l’essentiel reste à faire en matière économique. Il s’agit pour Saint-Pierre-et-Miquelon d’intégrer les réseaux régionaux économiques et commerciaux et de consolider sa position en tant que porte d’accès à l’Europe pour les entreprises canadiennes.

Cette coopération territoriale constitue, plus qu’ailleurs outre-mer, une voie incontournable au développement économique des deux îles. Or, à ce jour, le Canada refuse toute importation de viande en provenance de Saint-Pierre-et-Miquelon, considérant que la collectivité est en dehors de l’Union européenne et ne respecte pas les normes sanitaires qui s’imposent à elle.

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, M. Jean-Christophe Bouvier, préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon, a également fait état d’une coopération encore balbutiante concernant le secours en mer et la gestion d’une éventuelle pollution marine.

C. UN SOUTIEN ET UN FINANCEMENT PUBLICS ENTRAVÉS PAR L’ABSENCE D’INITIATIVES PRIVÉES

Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité enclavée, confrontée à de nombreux défis, notamment sur le plan économique. La reprise peine toujours à s’y affirmer dans un contexte de croissance mondiale ralentie.

De manière plus structurelle, le tourisme réalise de moins bonnes performances avec une fréquentation en retrait et la situation de l’industrie de la pêche s’est dégradée à la suite de la mise en liquidation judiciaire, en mai 2011, de la principale usine de transformation des produits de la mer, SPM Seafoods International.

Le bilan économique et social de Saint-Pierre-et-Miquelon demeure donc contrasté, l’économie de l’archipel étant toujours à la recherche de relais durables de croissance. Alors qu’elle a été traditionnellement dominée par l’activité halieutique, l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon a été durement touchée par la diminution de sa zone économique exclusive en 1992 (15), à la suite d’un jugement sévère du tribunal arbitral de New York, et par la mise en place de quotas de pêche en 1994. À compter de cette date, aucune activité marchande n’a véritablement su émerger, l’économie locale reposant essentiellement sur la commande publique d’une part, et la consommation des ménages d’autre part.

L’économie repose essentiellement sur le secteur tertiaire, notamment sur les administrations publiques et les services non marchands. Les principales activités de l’archipel sont les services administrés, le bâtiment, les travaux publics et le commerce qui concentrent 67 % de la création de valeur ajoutée. La rigueur du climat et l’étroitesse du marché restreignent le développement des secteurs de l’agriculture et de l’élevage qui emploient moins de 5 % de la population active.

Le développement économique de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon demeure entravé par le manque d’initiatives privées en matière de pêche et d’aquaculture, activités que souhaiteraient pourtant soutenir financièrement l’État et la collectivité.

Dans ces conditions, le nouveau contrat de développement signé entre l’État et la collectivité pour la période 2015-2018 revêt une importance majeure. Ce sont ainsi 24 millions d’euros – dont 11 millions d’euros respectivement pour l’État et la collectivité – qui contribueront au développement de l’archipel autour d’axes identifiés comme prioritaires parmi lesquels figure le développement du tourisme et de la pêche.

IV. UNE COHABITATION DÉLICATE DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT-MARTIN AVEC SON HOMOLOGUE HOLLANDAISE

Située au nord de l’arc antillais, à égale distance – 260 kilomètres – de Porto Rico et de la Guadeloupe et à environ 25 kilomètres au nord-ouest de l’île de Saint-Barthélemy, l’île de Saint-Martin disposait d’une population de 36 522 habitants, dont un tiers de moins de 20 ans (16).

L’île de Saint-Martin est devenue une collectivité d’outre-mer, au sens de l’article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958, avec la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer. Saint-Martin exerce désormais l’ensemble des compétences dévolues aux communes, départements et régions ainsi que celles que l’État lui a progressivement transférées. La collectivité unique comprend, à ce jour, un conseil territorial, qui constitue l’assemblée délibérante, un conseil exécutif, qui est l’instance dirigeante, chargée d’assurer le fonctionnement de la collectivité, ainsi qu’un conseil économique, social et culturel.

Alors que les difficultés rencontrées par Saint-Martin sont multiples, le développement économique harmonieux de l’île ne peut passer que par une coopération plus apaisée entre la partie hollandaise, très dynamique, qui reçoit deux millions de touristes à l’année, et la partie française, qui peine à attirer les investisseurs et les touristes. En effet, la partie française n’a attiré l’an dernier que 250 000 visiteurs, soit 12,5 % du flux touristique (17), même s’il est difficile de quantifier les retombées « économiques en partie française générées par les arrivées touristiques de la partie hollandaise » (18).

Si l’État apporte un soutien financier non négligeable à la collectivité de Saint-Martin, celle-ci doit être en mesure de bâtir, avec son homologue néerlandais, une coopération responsable, pour relever les défis auxquels elle est confrontée.

A. UN SOUTIEN FINANCIER DE L’ÉTAT ET DE L’UNION EUROPÉENNE INDISPENSABLE À UNE ÉCONOMIE FRAGILE

L’économie de Saint-Martin se caractérise par une nette spécialisation. L’agriculture étant devenue marginale et l’activité industrielle restant très limitée, l’économie est aujourd’hui fortement tertiarisée. Elle est principalement orientée vers le tourisme, qui emploie un quart des salariés.

En 2012, la fréquentation touristique de l’île s’est élevée à 2,4 millions de visiteurs. Cependant, l’afflux touristique bénéficie peu à la partie française. La majorité des visiteurs sont des croisiéristes qui débarquent dans le port de Philipsburg à Sint-Maarten, le seul port en eaux profondes de l’île. Les deux tiers environ des passagers aériens arrivent à l’aéroport Princess Juliana, également situé dans la partie hollandaise.

Le recul de la fréquentation touristique de l’île, à la suite des cyclones de 1999 et 2000, puis des attentats du 11 septembre 2001, a conduit à la fermeture de nombreux établissements hôteliers. En 2012, l’offre hôtelière de Saint-Martin avait reculé de 43,6 % par rapport à 1998, de nombreux hôtels ayant été transformés en immeubles d’appartements. La reprise récente de l’activité touristique profitant peu à la partie française, le taux d’occupation des chambres n’a été que de 49,8 % en 2012, tandis que le taux de rentabilité est estimé à 60 %.

Le deuxième secteur d’activité est celui de la construction (un emploi sur dix). Comme le tourisme, ce secteur connaît des difficultés – en raison notamment d’une commande publique qui peine à trouver des projets d’envergure –, se traduisant par une diminution régulière du nombre de permis de construire depuis 2005.

De surcroît, à cause de la situation budgétaire fragile de la collectivité, celle-ci, en dépit du soutien financier de l’État et de l’Union européenne, à du mal à réaliser les opérations d’investissement qui seraient nécessaires pour combler son retard en matière d’infrastructures.

En effet, depuis sa création en 2007, la situation budgétaire et financière de la collectivité de Saint-Martin s’est rapidement dégradée et demeure largement déficitaire, le niveau des dépenses dépassant dès 2009 celui des recettes. La progression des dépenses de fonctionnement est trois fois supérieure à celle des recettes.

ÉVOLUTION DE LA SECTION DE FONCTIONNEMENT DEPUIS 2007

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Évolution 2007-2012

Recettes recouvrées

50

69

58

61

69

73

+46 %

Dépenses

38

53

70

69

78

94

+147 %

Source : Chambre territoriale des comptes et collectivité.

Du fait de cet « effet de ciseaux », la capacité d’autofinancement (CAF) nette est négative depuis 2009.

ÉVOLUTION DE LA CAPACITÉ D’AUTOFINANCEMENT DE LA COLLECTIVITÉ DE 2007 À 2011

(en euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

Résultat annuel section de fonctionnement

11 063 153

14 511 258

-12 478 762

-89 362

-2 683 539

CAF nette

9 859 503

12 287 406

-13 509 884

-3 260 511

-3 941 640

Source : Chambre territoriale des comptes.

Depuis 2010, la collectivité a eu recours à l’emprunt pour financer la remise à niveau des équipements publics. L’encours de la dette a atteint 50,6 millions d’euros fin 2012. La Chambre territoriale des comptes a souligné que « L’encours [de la dette], qui représente une dette par habitant de 782€, reste en dessous de la moyenne de la strate des communes de 20 à 50 000 habitants (1065 € en 2010) ou de la moyenne « commune/département/région d’outre-mer » (1 777 €/habitant). Ce n’est pas l’importance de la dette qui pose difficulté, c’est bien l’incapacité de la collectivité à se désendetter puisque la capacité brute est négative en 2011 (19).

Des avances remboursables de l’État de 12,6 millions d’euros en décembre 2009, 7,5 millions d’euros en novembre 2010 puis 12,2 millions d’euros en août 2011 ont été accordées à la collectivité pour faire face à ses besoins de trésorerie ; ces trois avances ont été remboursées. Une nouvelle avance de 18 millions d’euros, remboursable sur une période de six ans, a été accordée en septembre 2012.

Cette situation largement déficitaire s’explique :

—  d’une part, du fait des compétences transférées à la suite du changement de statut de 2007 : la collectivité a dû faire face à de nouvelles dépenses, tandis qu’elle a cessé de bénéficier de certaines recettes qu’elle percevait en tant que commune du département de la Guadeloupe. Elle a ainsi perdu, en 2008, une partie de l’octroi de mer perçu en Guadeloupe, qui était jusqu’alors affectée aux deux communes proportionnellement à leur population sous forme d’une « dotation globale garantie ». Elle a également cessé de bénéficier des avances mensuelles de l’État correspondant au produit voté des impositions revenant aux régions, départements et communes (20). Or, dans le même temps, les dépenses de fonctionnement de la collectivité ont augmenté de 147 % entre 2007 et 2012. Cette situation s’explique par l’action de la collectivité mais aussi par les transferts de compétences et de charges. À ce titre, les dépenses d’aide sociale correspondant au revenu minimum d’insertion (RMI) puis au revenu de solidarité active (RSA) ont connu une véritable explosion depuis 2008 ;

—  d’autre part, par une fiscalité ne procurant pas des ressources à la hauteur des besoins. La perte de différentes ressources consécutive au changement de statut de Saint-Martin, déjà évoquée, rendait nécessaire l’introduction d’une fiscalité efficiente, propre à assurer un niveau de recettes suffisant pour la collectivité. Or, les choix opérés par la collectivité en matière fiscale (suppression de certains impôts, baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, etc.) expliquent en grande partie l’insuffisance de recettes fiscales. La Cour des comptes estime ainsi, dans son rapport public thématique sur l’autonomie fiscale en outre-mer de novembre 2013, que « la politique mise en place par la collectivité de Saint-Martin a eu des répercussions sur les recettes fiscales collectées (…). Cette politique de concurrence fiscale avec la partie néerlandaise de l’île, Sint Maarten, a été pour partie à l’origine d’une sensible aggravation des problèmes budgétaires et financiers de Saint-Martin ». L’incivisme est en partie responsable du taux de recouvrement.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis appelle à l’élaboration dans les meilleurs délais de l’adressage et du cadastre, afin d’assurer à la collectivité un niveau satisfaisant de recouvrement de l’impôt ainsi qu’une meilleure prévisibilité de ses recettes fiscales.

Il souhaite également que soit rapidement abordée la question de la réévaluation et de la compensation des transferts de charges, question qui revêt une importance d’autant plus grande que depuis des années, elle constitue une pierre d’achoppement dans la mise en place d’une relation financière plus transparente avec l’État et qu’elle conditionne en partie le rétablissement des finances de la collectivité.

Enfin, votre rapporteur se félicite de la stratégie de développement économique qui semble se dessiner sur le territoire à un double titre.

En premier lieu, la collectivité s’est dotée d’un schéma d’aménagement et de développement touristique (SDAT), qui a fait l’objet, en 2014, d’une actualisation.

En second lieu, un contrat de développement entre l’État et la collectivité a été signé le 30 juillet 2014 pour la période 2014-2017. Il est abondé à hauteur de 39 millions d’euros par l’État, de 29 millions d’euros par la collectivité et de 12 millions d’euros par le fonds européen de développement régional (FEDER), soit un total de 80 millions d’euros. Le contrat de développement prévoit quatre grands axes de développement, que sont respectivement l’amélioration du cadre de vie, la cohésion sociale, la réalisation d’infrastructures et la valorisation du patrimoine touristique, naturel et culturel du territoire.

B. UNE SITUATION SOCIALE EXIGEANT UNE MEILLEURE COOPÉRATION RÉGIONALE

Les actions d’éducation et de formation sont plus que jamais des priorités pour offrir des perspectives à la population de Saint–Martin.

La jeunesse de la population représente un défi spécifique en matière d’éducation : plus de 10 000 élèves sont actuellement scolarisés dans seize écoles, trois collèges et un seul lycée rattachés à l’académie de Guadeloupe.

Le système éducatif doit prendre en compte les particularités sociales et économiques de Saint-Martin. Il s’agit par exemple des difficultés linguistiques, 70 % des élèves n’ayant pas le français comme langue maternelle ; des problèmes d’insertion et d’emploi des jeunes, du fait d’un taux de chômage particulièrement élevé ; des risques de délinquance, eux-mêmes favorisés par des contextes familiaux souvent difficiles, la pauvreté, les problèmes d’habitat.

Mme Anne Laubies, préfète déléguée auprès du représentant de l’État dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, a notamment indiqué à votre rapporteur pour avis que le décalage existant entre la langue véhiculaire de l’île – l’anglais – et la langue d’apprentissage de l’éducation nationale était à l’origine de nombreux décrochages scolaires.

Afin de remédier à ces décrochages et de trouver une solution pour certains jeunes en échec scolaire, M. Daniel Gibbes, député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, a fait part à votre rapporteur pour avis de son souhait de voir mis en place rapidement un régiment du service militaire adapté (RSMA).

Plus largement, à défaut d’une statistique officielle sur le taux de pauvreté, les principales données économiques et sociales disponibles sur l’état de l’île
– taux de chômage, prestations et allocations sociales servies sur le territoire – fournissent des indices significatifs sur la baisse relative du niveau de vie et du pouvoir d’achat d’une partie croissante de la population, confirmant ainsi le risque d’une paupérisation.

Il en va ainsi du taux de chômage mais également des prestations et allocations sociales servies sur le territoire. Les dépenses d’aide sociale correspondant au revenu minimum d’insertion (RMI) puis au revenu de solidarité active (RSA) ont connu une véritable explosion depuis 2008. La collectivité doit en effet, au même titre que les départements, rembourser à la caisse d’allocations familiales (CAF) le montant du RSA versé par celle-ci aux bénéficiaires.

Or, de 2008 à 2010, le montant des dépenses correspondant au RMI est passé de 4,5 millions d’euros à 6,1 millions d’euros (+26 %). De 2011 à 2013, les dépenses du RSA sont passées de 10,25 millions d’euros à 14,9 millions d’euros, soit une augmentation de 45 %. La charge de dépenses liées au RSA s’élève actuellement à 1,3 million d’euros par mois, soit environ 16 millions d’euros par an.

Compte tenu de la situation particulièrement dégradée de la trésorerie de la collectivité, celle-ci n’est pas en mesure de payer l’intégralité des sommes dues à la CAF de Guadeloupe. Faute de données actualisées pour 2015, on estime qu’au 31 mai 2014, la collectivité restait redevable de la somme de 25 millions d’euros au titre des arriérés antérieurs à 2012, ainsi que des années 2013 et 2014.

Si ces chiffres donnent la mesure d’une certaine réalité sociale, leur analyse exige sans doute beaucoup de circonspection compte tenu de l’importance des pratiques conduisant à sous-estimer ou ne pas déclarer ses revenus à l’administration fiscale. En effet, l’absence tant de contrôle à la frontière que de collaboration en matière sociale entre les autorités françaises et hollandaises est à l’origine de phénomènes – difficiles à quantifier – de fraude au RSA. Des demandes d’attribution du RSA émanent de personnes qui ne déclarent pas, dans la partie française, les revenus qu’elles tirent de leurs activités professionnelles dans la partie hollandaise.

Dans ces conditions, votre rapporteur appelle à un renforcement de la coopération entre les parties française et hollandaise, afin de permettre à la première de mieux contrôler l’éligibilité et l’authenticité des bénéficiaires du RSA. Si elle demeure difficile, cette voie de la coopération a d’ores et déjà été empruntée par le passé en matière de santé des enfants. De surcroît, les travaux conduits par votre rapporteur pour avis ont mis en lumière la bonne volonté affichée par le gouvernement de Sint-Maarten depuis deux ans pour accroître la coopération en ce domaine (21).

V. LE TOURISME AU CœUR DE LA BONNE SANTÉ ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT-BARTHÉLEMY

L’île de Saint-Barthélemy se situe dans l’extrême nord-est de la mer des Caraïbes, à 25 kilomètres au sud-est de Saint-Martin, à 230 kilomètres du nord-ouest de la Guadeloupe « continentale » et à 6 500 kilomètres de Paris. Cette île montagneuse d’environ 25 kilomètres carrés compte près de 9 000 habitants. En 2011, 20,3 % de la population de l’île était âgée de moins de 20 ans et 13,3 % de la population totale de plus de 60 ans.

La collectivité de Saint-Barthélemy ne connaît pas les mêmes difficultés que celles rencontrées par Saint-Martin. Le tourisme comme le secteur du bâtiment et des travaux publics montrent tous deux un dynamisme certain. En outre, le niveau de chômage y est particulièrement faible.

Il en résulte une situation financière favorable pour Saint-Barthélemy, laquelle a enregistré à nouveau un solde financier positif, lui permettant ainsi de maintenir un niveau d’endettement nul.

A. UNE AUTONOMIE INSTITUTIONNELLE ADAPTÉE

Conformément à la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 et à la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, la collectivité de Saint-Barthélemy a remplacé en 2007 la commune de Saint-Barthélemy, auparavant rattachée au département et à la région de Guadeloupe.

C’est le principe d’identité législative assortie d’adaptations qui prévaut dans cette collectivité. Les lois de la République s’y appliquent de plein droit, sauf dispositions législatives contraires. Il existe néanmoins une exception s’agissant des règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, qui ne sont applicables que sur mention expresse.

Au 1er janvier 2012, l’île de Saint-Barthélemy – dont la demande a été soutenue par la France et acceptée le 28 octobre 2010 par l’Union européenne (UE) – a accédé au statut européen de pays et territoire d’outre-mer (PTOM) (22). Cette évolution statutaire lui garantit désormais un niveau d’autonomie accrue ainsi que la maîtrise de la compétence douanière.

Au plan institutionnel, l’île de Saint-Barthélemy est une collectivité unique, qui comprend une assemblée délibérante – dénommée « conseil territorial » - ainsi qu’un pouvoir exécutif partagé entre deux organes – le conseil exécutif et le président du conseil territorial. Elle est également dotée d’un conseil économique, social et culturel, qui assiste, à titre consultatif, le conseil territorial.

En 2007, le législateur a attribué à la collectivité de Saint-Barthélemy les compétences auparavant dévolues au département et à la région de Guadeloupe, ainsi que de nouvelles compétences dans certains domaines, tels que la fiscalité, l’urbanisme, les transports routiers, la desserte maritime d’intérêt territorial, l’immatriculation des navires, les ports maritimes, la voirie et le droit domanial, l’environnement, l’accès au travail des étrangers, l’énergie et le tourisme.

L’État demeure, en revanche, seul compétent pour fixer les règles relatives à la constatation et à la répression des infractions pénales, y compris dans les matières dont la collectivité a la compétence.

B. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE PROSPÈRE

La collectivité de Saint-Barthélemy ne connaît pas les mêmes problématiques économiques et sociales que celles rencontrées par la collectivité « voisine » de Saint-Martin.

En effet, notamment depuis son passage au statut de PTOM le 1er janvier 2012, la collectivité de Saint-Barthélemy dispose d’une autonomie accrue dans la conduite de sa stratégie et de ses projets de développement.

En 2014, l’amélioration de l’économie de Saint-Barthélemy s’est poursuivie avec la bonne orientation des différents indicateurs économiques et sociaux de l’île.

Le PIB par habitant – 35 700 euros – y est nettement supérieur à la moyenne nationale – 32 190 euros – et se classe parmi les plus élevés des régions de France.

Saint-Barthélemy se distingue également par un niveau de chômage particulièrement bas et un niveau d’activité élevé. Ces tendances semblent s’accentuer au fil des recensements effectués par l’INSEE.

La population active de la collectivité ne cesse, en effet, de progresser depuis une quinzaine d’années, avec une augmentation de 45,1 % entre 1999 et 2010. Cette évolution s’explique par le recours important à la main-d’œuvre extérieure afin de répondre aux besoins croissants dans les secteurs de l’hôtellerie et du bâtiment, étroitement liés au développement touristique de l’île. La collectivité de Saint-Barthélemy se différencie également de la Guadeloupe, et de nombreux autres territoires français, par un faible taux de chômage.

Le tourisme représente la première activité économique de l’île. En 2014, la fréquentation touristique a encore progressé. L’hébergement et la restauration sont le premier employeur de l’île : il rassemble 31,8 % des effectifs salariés en 2014 contre 6 % en Guadeloupe. Le secteur du commerce, avec 20,2 % des travailleurs salariés, est le second employeur de l’île. Il est suivi de près par la construction – 18,3 % des emplois, contre 8,5 % en Guadeloupe. Le secteur primaire est absent en raison d’un relief et d’un climat peu propices au développement de l’activité agricole – aridité des sols et faible pluviométrie.

Le tourisme est et reste la première activité économique de Saint-Barthélemy. Selon une étude de l’INSEE, il représente près de 37 % des emplois salariés. La stratégie de développement de l’île est principalement tournée vers la clientèle haut de gamme, en majorité nord-américaine. Depuis 2010, le nombre de visiteurs enregistre une croissance soutenue, à raison de + 6 % en moyenne par an entre 2010 et 2014.

La croissance du nombre de visiteurs en 2014 est tirée par la progression du trafic aérien et de l’activité croisière. Au port de Gustavia, 197 paquebots ont accosté la même année, le nombre de croisiéristes débarqués progressant de près d’un tiers sur un an.

Compte tenu de l’activité économique particulièrement prospère qui la caractérise, la collectivité de Saint-Barthélemy ne rencontre aucune difficulté particulière s’agissant de la gestion de ses finances publiques, qui sont équilibrées et garantissent un niveau adapté d’investissement public sur le territoire.

VI. POLYNÉSIE FRANÇAISE : UNE PROGRESSION ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE À SOUTENIR

La Polynésie française est une collectivité d’outre-mer composée de cinq archipels regroupant 118 îles, dont 67 sont habitées. Elle est située dans le sud de l’Océan Pacifique, à environ 6 000 kilomètres à l’est de l’Australie. Au 1er janvier 2014 la Polynésie française comptait 270 500 habitants.

Territoire d’outre-mer de la République à compter de la création de l’Union française en 1946, les Établissements français d’Océanie (EFO) prirent le nom de « Polynésie française » en 1957, avant que le rattachement à la France ne soit confirmé par référendum l’année suivante.

A. UN STATUT ÉPROUVÉ QUI DOIT ÊTRE MIEUX MIS AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT

Le statut que connaît la Polynésie française depuis 2004 lui assure un grand degré d’autonomie. Établi par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 complétée par la loi n° 2004-193 du même jour, ce statut a donné à la Polynésie la capacité d’exercer de vastes compétences en disposant d’institutions représentatives choisies par les électeurs. La loi organique a été modifiée à sept reprises en vingt ans. À chaque reprise, il a été surtout question d’assurer une plus grande stabilité des institutions politiques, la succession des gouvernements et les multiples combinaisons majoritaires à l’assemblée de la Polynésie française ayant un impact non seulement sur le fonctionnement des pouvoirs publics mais plus largement sur la vie économique et sociale du Pays.

La majeure partie des personnes rencontrées par votre rapporteur pour avis s’est accordée pour considérer que la mise en cause de ce statut n’était pas à l’ordre du jour. M. Lionel Beffre, haut-commissaire de la République en Polynésie française, a indiqué à votre rapporteur qu’une telle orientation ne semblait pas nécessaire, dans la mesure où la collectivité ne tire pas encore suffisamment profit de l’autonomie et des marges de manœuvres dont elle dispose actuellement et dont l’objectif est d’abord d’améliorer le sort des Polynésiens.

À titre d’exemple, la collectivité commence à peine à mettre en œuvre son propre schéma d’aménagement général, tandis qu’elle n’a toujours pas adapté son code civil à la question de l’indivision.

Dans ces conditions, personne ne semble réellement attendre un « grand soir statutaire » en Polynésie et l’idée dominante, que partage votre rapporteur pour avis, est que le statut de 2004 a fait la preuve de son efficacité, même si des ajustements de la loi organique seraient envisageables (23).

La principale question serait, en revanche, de mieux tirer profit de l’ensemble des potentialités offertes par le statut aux élus polynésiens pour assurer le développement de leur pays. Il importe que les compétences nombreuses et importantes dont bénéficie la Polynésie française puissent être pleinement mises en œuvre par les autorités du territoire. Cela suppose que les conditions politiques soient réunies pour ce faire et qu’à la compétition électorale permanente se substitue un esprit de coopération entre les forces politiques pour mener à bien des projets et des politiques publiques. Cela repose aussi sur la capacité des institutions polynésiennes à se doter de l’expertise nécessaire pour identifier de tels projets et les mener à bien en s’appuyant en particulier sur la jeunesse du Pays.

L’État doit enfin s’efforcer de poursuivre son accompagnement de la Polynésie française dans la voie du redressement économique et budgétaire. La situation financière encore fragile du territoire exige, en effet, la poursuite des efforts engagés par les autorités polynésiennes, avec le soutien financier de l’État.

B. UNE SITUATION SOCIALE ET ÉCONOMIQUE DIFFICILE

1. Une crise économique grave

L’année 2009 a marqué l’entrée en récession de l’économie de la Polynésie française, après une année de stagnation en 2008. Le taux de croissance réelle a été de - 4,2 % en 2009, - 2,5 % en 2010, - 3 % en 2011.

Selon l’Institut de la statistique de Polynésie française (ISPF), le taux de chômage a bondi en cinq ans, passant de 11,7 %, en 2007 à 21,8 % en 2012. Tous les secteurs sont concernés. Le chômage atteint des taux extrêmement élevés, ce qui touche d’autant plus la société qu’il n’existe pas sur le territoire de véritables amortisseurs sociaux comme en métropole.

Cette évolution négative résulte, outre de l’installation durable de la crise, des difficultés à mesurer précisément le taux d’activité de la population en raison de l’absence de dispositif d’assurance chômage en Polynésie française.

Les derniers chiffres qui datent de la fin de l’année 2009 révèlent que 19,7 % des ménages (27,6 % de la population) vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire relatif dans les seules Îles-du-Vent.

S'élevant à 0,775 en moyenne en 2010, l'indice de développement humain (IDH) des territoires ultramarins (hors Mayotte) demeure inférieur de 1 % à celui de l'hexagone (0,883), les écarts s'échelonnant de 7 % pour la Guadeloupe à 17 % pour la Polynésie française (24).

2. L’absence d’amortisseurs sociaux

La Polynésie française est surtout pénalisée par ses performances sociales limitées, notamment le niveau d’éducation qui est parmi les plus bas des départements et collectivités d’outre-mer. L’absence d’amortisseurs sociaux – le chômage n’est pas indemnisé – conduit à des phénomènes de paupérisation très préoccupants.

La fin des essais nucléaires, qui a conduit à un bouleversement économique de la Polynésie française, est encore bien présente dans les esprits même si heureusement elle commence à s’estomper. Les secteurs économiques emblématiques de l’activité en Polynésie, que ce soit la production de perles ou le tourisme, n’ont pas pris le relais comme on aurait pu l’espérer et sont même fragilisés depuis plusieurs années. Les voies d’un sursaut économique sont étroites et imposent une mobilisation plus intense encore de tous les acteurs.

3. Une économie dominée par le secteur tertiaire

L’emploi en Polynésie française demeure aujourd’hui marqué par la prédominance du secteur tertiaire, dans lequel travaillent plus de 8 salariés sur 10. Les services mobilisent deux tiers des effectifs salariés, dont près de six sur dix travaillent dans le secteur marchand. Le secteur de la construction représente pour sa part moins de 7 % des effectifs salariés, tandis que le secteur primaire – agriculture et métiers de la mer cumulés – représente moins de 3 % des effectifs salariés à la fin de l’année 2014.

Le tourisme, qui a subi ces dix dernières années une baisse tendancielle de son activité, tend à regagner du terrain (200 000 touristes en 2014 contre 180 000 en 2013). En revanche, le domaine de la croisière ne connaît pas la même dynamique, la brièveté et le coût important d’une croisière en Polynésie constituant un frein au développement de ce secteur. Au final, le tourisme reste la première ressource propre de la Polynésie, représentant près de 7,7 % du PIB (2011) et 16 % du total des emplois (2013).

Le secteur agricole, qui possède un potentiel de croissance non négligeable, se heurte toujours au problème de l’indivision des terres. La question foncière est en Polynésie l’un des freins au développement économique. Elle est très sensible car elle traduit l’opposition entre deux conceptions de la propriété et, finalement, deux visions du monde et de la société. Avant l’arrivée des Européens, la notion de propriété foncière individuelle était inconnue en Polynésie. À la faveur de la colonisation, les règles du droit civil français vont commencer à s’appliquer, en partie.

Le fait est que de nombreux Polynésiens résisteront à ce mouvement et les terres vont très souvent être maintenues dans l’indivision. En termes de titre de propriété et d’occupation des terrains, les situations sont aujourd’hui complexes. Les patrimoines sont très fréquemment constitués de biens indivis. Non seulement les familles locales ne souhaitent pas subdiviser les terres, mais elles ne veulent pas davantage s’entendre pour les cultiver en commun, de nombreuses terres agricoles demeurant, dans ces conditions, inexploitées.

Dans le secteur secondaire, les entreprises de travaux publics réussissent globalement à maintenir leur activité grâce à la commande publique (infrastructures routières, ports, aéroports, logement social) favorisée par l’engagement des dispositifs contractuels de financement de l’État, du Pays et des communes. En effet, l’État a fait l’effort de mobiliser des crédits pour financer 80 % des infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires et de défense contre les eaux, soit plus de 41,7 millions d’euros de crédits, permettent de maintenir une activité soutenue dans les travaux publics.

L’activité perlière qui représentait jusqu’à 92,5 % des exportations polynésiennes en 2000, contre 64 % aujourd’hui, se relève d’une longue période de crise selon les chiffres publiés fins 2014 : 67,4 millions d’euros (+ 14,5 % par rapport à 2013). Ces exportations ont été dirigées essentiellement vers la Chine et le Japon, entraînant une hausse du prix moyen du gramme de 6 % grâce à un meilleur contrôle de la qualité et à la régulation des volumes exportés. Cette évolution est due à la restructuration de la filière et la professionnalisation d’un secteur employant près de 2 000 personnes.

En ce qui concerne les perspectives de développement de l’archipel, le gouvernement polynésien s’efforçait d’inscrire son action dans le cadre d’une plus grande coopération au niveau régional avec les États du Pacifique – notamment sur les problématiques environnementales, comme celles liées à la vulnérabilité des îles basses à la montée des eaux. Cette insertion régionale accrue pourrait conduire la collectivité à intégrer prochainement le Forum du Pacifique.

Le développement durable constitue d’ailleurs un axe majeur pour la collectivité, dont les énergies renouvelables représentent d’ores et déjà 30 % de son mix énergétique et pourraient atteindre 50 % à l’avenir. Sont également à l’étude un projet de barrage hydroélectrique et un circuit de climatisation à partir de l’eau pompée dans les profondeurs de la mer.

Afin d’accompagner ce développement économique, le gouvernement polynésien prépare enfin un « plan numérique » sur cinq ans. Dans cette perspective, est actuellement à l’étude la construction d’un câble numérique reliant l’Asie aux Amériques en passant par la Polynésie française.

C. UN SOUTIEN DE L’ÉTAT QUI DEMEURE CONDITIONNÉ À LA POURSUITE DES EFFORTS BUDGÉTAIRES ET FISCAUX

1. Une économie dépendante des transferts publics

Après la fermeture du Centre d’expérimentation de la Polynésie (CEP) en 1996, des mécanismes de compensation financière ont permis un accompagnement de l’économie locale, avec l’objectif affiché de favoriser un développement économique endogène.

En 2013, selon le rapport de l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM), le secteur tertiaire est le pilier de l’emploi en Polynésie française. Les services mobilisent 67 % des effectifs salariés dont la moitié travaille dans le secteur marchand.

Toutefois, le rôle du secteur public et notamment de l’État reste prépondérant dans le tissu économique polynésien. Un tiers de la population active en Polynésie française travaille dans le secteur public : 10 500 agents dans la fonction publique d’État ; 7 000 dans les services du Pays ; 4 500 dans les communes.

En 2013, les dépenses de l’État en Polynésie française se sont établies à 1,480 milliard d’euros (176,6 milliards de FCFP), en hausse de 1,59 % par rapport à 2012, et ont représenté un peu plus d’un tiers du PIB polynésien. Ce chiffre n’intègre pas les dépenses liées aux différents dispositifs de défiscalisation.

L’État, perçu comme un pilier de stabilité au niveau local, travaille dans la continuité d’un partenariat financier rénové et mieux contrôlé. À ce titre, une réforme de la dotation globale de développement économique (DGDE) a été adoptée en 2010 pour permettre une meilleure lisibilité de l’emploi par le gouvernement polynésien des sommes versées par l’État. Elle atteint un montant global de 148,1 millions d’euros en 2014 (17,67 milliards de FCFP).

Votre rapporteur se doit de souligner, près de trente ans après, la prégnance de la question des conséquences des essais nucléaires dans l’esprit des acteurs polynésiens. Elle s’illustre dans leur attachement à la dotation globale d’autonomie (DGA), qui doit selon eux continuer à matérialiser les engagements pris par les autorités dans ce domaine.

Naturellement, le contrat de projet signé entre l’État et le Pays pour la période 2015-2020, en mars 2015, joue un rôle essentiel. Plaçant la croissance économique et l’emploi au cœur de son action, il s’organise en deux volets : 38 milliards de FCFP seront consacrés au financement de projets relevant des compétences de la Polynésie française ; 12 milliards de FCFP le seront au financement des projets d’investissements communaux.

2. Une crise budgétaire à surmonter

La consommation des ménages demeure atone, ce phénomène ayant un impact direct sur les comptes de la collectivité dont le système fiscal repose essentiellement sur les impôts indirects comme la TVA.

De fait, la situation financière de la Polynésie française a connu ces dernières années une nette et rapide dégradation, accentuée par la crise, révélant ainsi les faiblesses structurelles de son économie.

L’ensemble des observateurs, que ce soit l’inspection des finances ou la Cour des comptes (25) s’accordent sur le fait que la collectivité doit au plus vite mettre en œuvre un important processus de restructuration financière et administrative. C’était l’objectif du pacte de relance économique entre l’État et le gouvernement local, avec notamment le renouvellement du contrat de projet pour 2015-2020.

La situation comptable de la Polynésie française fait apparaître un accroissement de l’endettement de 34,6 % (197 millions d’euros) entre 2004 et 2014. Sa trésorerie était toutefois restée en équilibre dans le budget de 2014, notamment grâce à une avance de 41,9 millions d’euros consentie par l’État à la fin de l’année 2013.

Face à ces difficultés financières, la décision de l’État de participer à nouveau, en 2015, au financement du Régime de solidarité territorial (RST), est saluée par votre rapporteur pour avis qui y voit la démonstration évidente d’une détermination à accompagner le redressement de la Polynésie française et la qualité des relations qui se sont établies avec le nouveau gouvernement polynésien.

Le régime de solidarité territorial (RST)

Le régime de solidarité de la Polynésie française, devenu Régime de solidarité territorial (RST), a été créé en 1994, parallèlement à la mise en place de la Protection sociale généralisée (PSG) structurée en trois régimes autonomes dont le RST. Ce régime permet de couvrir les personnes qui ne peuvent l’être par les deux autres régimes, celui des salariés et celui des non-salariés.

Avec la crise économique, le nombre de ressortissants du RST s’est accru. Il a atteint 80 000 personnes en 2014 soit 27,9 % de la population couverte par la PSG. Dès l’origine, l’État a participé au financement de ce régime par le versement d’une subvention. Ce versement a fait l’objet de conventions successives, en 1993 et en 1999. Cette seconde convention est arrivée à son terme en 2004 et a été prorogée par avenants jusqu’en 2007.

Depuis 2008, l’aide financière de l’État a cessé. Les dépenses de ce régime ont continué leur progression. Elles s’élevaient à près de 27 milliards FCFP (228 millions d’euros) fin 2014. Le RST accusait un déficit cumulé de 4 021 milliards FCFP (33,7 millions d’euros).

Une mission d’appui sur le système de santé et de solidarité polynésien a conclu à une série de recommandations de nature fiscale, budgétaire et organisationnelle afin de redresser les comptes sociaux de la Polynésie et de pérenniser le seul amortisseur social dont dispose le Pays.

Une nouvelle convention a été signée le 16 avril 2015 par le Premier ministre, M. Manuel Valls, et le président de la Polynésie française, M. Edouard Fricht. L’État s’est engagé à attribuer une dotation annuelle de 12 millions d’euros pour les années 2015, 2016 et 2017. Il a annulé la dette de la Polynésie française envers les établissements publics de santé relevant de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris. L’État s’est engagé aussi à aligner le tarif de soins appliqué aux assurés sociaux de Polynésie française hospitalisés dans des établissements de santé métropolitains sur le tarif appliqué aux assurés sociaux métropolitains. Parallèlement, la Polynésie française s’est engagée à une série de réformes pour redresser les comptes du régime.

Source : convention du 16 avril 2015

Les moyens engagés par les autorités polynésiennes visent à lutter contre la crise économique qui a touché directement le Pays et qui semblait s’être inscrite dans la durée. Leur efficacité dépend néanmoins des perspectives de reprise de la croissance et de l’emprise du marché international au plan local.

Les communes et leurs établissements sont également concernés par ce mouvement de rationalisation compte tenu de la raréfaction de leurs ressources fiscales et de transfert, combiné à l’élargissement de leurs missions. Une réforme de la fiscalité locale est à nouveau mise à l’étude par la Polynésie française, avec la collaboration des services de l’État.

Votre rapporteur pour avis tient, à la faveur du présent rapport, à saluer les efforts entrepris par le gouvernement polynésien dans le redressement de ses comptes, notamment sociaux.

VII. LA NOUVELLE-CALÉDONIE : UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE AU SERVICE D’UNE TRANSITION INSTITUTIONNELLE

Collectivité de l’océan Pacifique, la Nouvelle-Calédonie, située à 19 000 kilomètres de Paris, se compose de nombreuses îles, regroupées en 33 communes et trois provinces : la Province Nord – dont le siège se situe à Koné –, la Province Sud – avec pour siège Nouméa – et la Province des îles Loyauté – dont le siège est basé à Lifou. La population comptait, en 2012, environ 265 000 habitants, dont les deux tiers en Province Sud.

Au terme du dernier recensement conduit en 2009 par l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), on estime à environ 30 % la population d’origine européenne, à plus de 40 % la population mélanésienne et à un peu moins de 10 % la population originaire de Wallis-et-Futuna.

Conformément au consensus dégagé aux niveaux national et local sur l’évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie, la loi organique n° 2015-987 du 5 août 2015 modifiant la loi organique statutaire du 19 mars 1999 organise les modalités de l’accession du territoire à la pleine souveraineté.

Alors que l’Accord de Nouméa du 5 mai 1988 arrive prochainement à son terme, votre rapporteur pour avis considère que la sortie de ce processus, exige de l’ensemble des parties prenantes la définition consensuelle d’une solution politique et institutionnelle pérenne. Mais, dans l’attente de l’organisation de cette consultation, une attention particulière doit être portée au développement économique de la Nouvelle-Calédonie.

A. LA NÉCESSITÉ DE PRÉPARER ET D’ORGANISER L’AVENIR POLITIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA NOUVELLE CALÉDONIE.

La Nouvelle-Calédonie figure parmi les territoires ultramarins dont le rattachement à la France n’est intervenu que tardivement, en 1853. Dotée d’un statut de territoire d’outre-mer dès 1946, cette île pourvue de richesses naturelles et minérales considérables – dont des gisements de nickel comptent parmi les plus importants au monde – a connu des tensions politiques à partir des années 1980, du fait de l’émergence d’une revendication indépendantiste kanak.

Après plusieurs années d’instabilité et de violences, l’État s’est efforcé de rapprocher les points de vue des grandes formations politiques « loyalistes » et « indépendantistes », qu’étaient alors le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) d’une part, et le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) d’autre part.

L’Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998 pour une période de vingt ans, fixe lui-même les conditions dans lesquelles les citoyens calédoniens seront amenés à s’exprimer démocratiquement sur l’avenir politique et institutionnel de l’archipel.

Dans cette perspective, l’accord prévoit qu’« au cours du quatrième mandat – de cinq ans – du Congrès, une consultation électorale sera organisée. La date de cette consultation sera déterminée par le Congrès, au cours de ce mandat, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

« Si le Congrès n’a pas fixé cette date avant la fin de l’avant-dernière année de ce quatrième mandat, la consultation sera organisée, à une date fixée par l’État, dans la dernière année du mandat.

« La consultation portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité ».

L’article 217 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 précise les modalités d’organisation de cette consultation.

Article 217 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999
relative à la Nouvelle-Calédonie

« La consultation est organisée au cours du mandat du Congrès qui commencera en 2014 ; elle ne peut toutefois intervenir au cours des six derniers mois précédant l’expiration de ce mandat. Sa date est fixée par une délibération du Congrès adoptée à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Si, à l’expiration de l’avant-dernière année du mandat du Congrès commençant en 2014, celui-ci n’a pas fixé la date de la consultation, elle est organisée à une date fixée par le Gouvernement de la République, dans les conditions prévues au II de l’article 216, dans la dernière année du mandat.

« Si la majorité des suffrages exprimés conclut au rejet de l’accession à la pleine souveraineté, une deuxième consultation sur la même question peut être organisée à la demande écrite du tiers des membres du Congrès, adressée au haut-commissaire et déposée à partir du sixième mois suivant le scrutin. La nouvelle consultation a lieu dans les dix-huit mois suivant la saisine du haut-commissaire à une date fixée dans les conditions prévues au II de l’article 216.

« Aucune demande de deuxième consultation ne peut être déposée dans les six mois précédant le renouvellement général du Congrès. Elle ne peut en outre intervenir au cours de la même période. »

Ainsi, depuis 2014, année au cours de laquelle le Congrès du territoire a été intégralement renouvelé au mois de mai, il revient désormais à cette assemblée élue de décider, à la majorité des trois cinquièmes, d’une date de consultation sur l’accession à la pleine souveraineté. Si cette loi du pays n’est pas votée en mai 2018, cette date, ainsi que les modalités de la consultation, seront fixées par décret en conseil des ministres. Elle devra intervenir au plus tard en novembre 2018.

En cas de réponse négative, l’Accord de Nouméa reconnaît au Congrès de la Nouvelle-Calédonie la faculté – par un vote du tiers de ses membres – de poser une nouvelle fois la question de l’accès à l’indépendance et ce, au cours de la deuxième année suivant la première consultation (26). Si ce refus est confirmé par les urnes, une troisième et ultime consultation est organisée, dans les mêmes conditions, dans un délai de deux ans, soit au plus tard en 2022.

Si la réponse est encore négative, l’Accord de Nouméa précise seulement que « les partenaires politiques devront alors se réunir pour examiner la situation ainsi créée », étant bien précisé que « tant que les consultations n’auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée, l’organisation politique mise en place par l’accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d’évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette “ irréversibilité ” étant constitutionnellement garantie ».

Sans préjuger du choix démocratique qui sera fait par les citoyens de la Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur pour avis estime que la consultation sur l’accès à la pleine souveraineté, aussi importante et symbolique soit-elle, ne peut se réduire à un débat manichéen « pour ou contre l’indépendance du territoire ».

Une formulation aussi réductrice ne pourrait aboutir qu’à la constatation d’un désaccord fondamental sur l’avenir du territoire, se traduisant par la séparation des électeurs en deux camps hostiles. Personne n’y aurait intérêt, pas plus celui qui l’aurait emporté que celui qui aurait été battu.

À cet égard, le souvenir du référendum du 18 septembre 1987 est édifiant. Sans doute avait-il pu apparaître, dans un premier temps, comme un succès pour les loyalistes, puisqu’il concluait au rejet de l’indépendance à une majorité d’autant plus écrasante (98 %) que ses partisans avaient décidé de ne pas participer au vote (61 % d’abstention). Mais il avait très rapidement conduit à un paroxysme de violence que personne ne peut souhaiter voir se reproduire dans le territoire.

A contrario, en 1998, alors que les accords de Matignon arrivaient à leurs termes, les forces politiques locales avaient considéré que l’échéance du référendum sur l’autodétermination, alors qualifié par Jacques Lafleur de “ référendum-couperet ”, était prématurée. Sur la base de ce constat, elles avaient conclu l’Accord de Nouméa, approuvé par 72 % des électeurs avec une participation de 74 %.

Alors que l’on se rapproche du terme de l’Accord de Nouméa, votre rapporteur pour avis considère qu’il convient, pour éviter une situation de blocage politique, que les parties prenantes, à l’issue d’un important travail de réflexion, de discussion et de négociation, parviennent à s’accorder sur un nouveau compromis sur l’avenir institutionnel et politique du territoire.

Outre cette réflexion sur la future organisation politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, la sortie de l’Accord de Nouméa exige qu’aucune ambiguïté ne subsiste sur la composition de la liste électorale spéciale qui sera utilisée pour la consultation de sortie.

Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis se félicite de l’adoption de la loi organique n° 2015-987 du 5 août 2015 relative à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, laquelle permet, d’une part, d’améliorer sans attendre le fonctionnement des commissions administratives spéciales chargées d’établir la liste électorale pour l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté et, d’autre part, d’élargir les possibilités d’inscription d’office aux électeurs admis à la consultation du 8 novembre 1998 ainsi que ceux relevant du droit coutumier  (27) .

Outre les conditions de mise en œuvre de la consultation électorale sur la sortie de l’Accord de Nouméa, la réussite de l’avenir politique et institutionnel de la Nouvelle-Calédonie exige également un accord sur les modalités d’organisation des ultimes transferts de compétences.

En effet, l’article 27 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 modifiée laisse au Congrès le soin d’adopter une résolution demandant le transfert à la Nouvelle-Calédonie, par une loi organique ultérieure, des compétences actuellement détenues par l’État dans trois domaines : règles relatives à l’administration des provinces, des communes et leurs établissements publics (notamment le contrôle de légalité et le régime comptable et financier de ces collectivités) ; enseignement supérieur ; communication audiovisuelle. À ce jour, le Congrès ne s’est pas prononcé sur ces transferts.

Lors de sa mission en Nouvelle-Calédonie (28), la commission des Lois avait constaté que les transferts de compétences n’avaient pas toujours été préparés de manière approfondie. Les enjeux de l’article 27 exigent un travail conséquent, pour en définir les périmètres exacts et les modalités concrètes. Il importe, en effet, que le Congrès puisse se prononcer en pleine connaissance de cause.

Si les institutions calédoniennes maîtrisent désormais l’essentiel des leviers permettant de mener à bien le développement de l’archipel – en matière de fiscalité, de santé ou bien encore d’éducation –, elles ne se sont pas encore vues transférer l’agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF) (29) –, qui relève toujours de la tutelle de l’État. Alors que la question foncière préoccupe de nombreux acteurs politiques locaux, votre rapporteur pour avis regrette que le transfert de compétences n’ait pas encore eu lieu entre l’ADRAF et les institutions calédoniennes.

B. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE FRAGILE QUI RESTE À CONSOLIDER

L’accession éventuelle de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté passe également par une consolidation de sa situation économique. Pour ce faire, le territoire doit restructurer sa filière minière, mais aussi être capable d’assainir ses finances publiques.

Dans son discours prononcé le 26 juillet 2013 à Nouméa, le Premier ministre avait rappelé que la perspective de la sortie de l’Accord de Nouméa ne pouvait raisonnablement se concevoir sans veiller à rassurer la société calédonienne « sur la possibilité de préserver ses traditions et ses coutumes, de conforter son identité, d’offrir à ses enfants la meilleure éducation, de trouver des perspectives d’emploi sur le territoire, d’y créer une entreprise, d’inventer, d’innover ». Il a ainsi exprimé le fait que la question de l’avenir du territoire ne se posait pas uniquement en termes institutionnels, mais également, et peut-être même davantage, en termes économiques et sociaux.

De ses auditions réalisées dans le cadre du présent avis, votre rapporteur retient que l’un des principaux enjeux du processus de l’« après Nouméa » est de donner des assurances à la société calédonienne. La réussite de cette entreprise passera par un développement économique et social plus équilibré, seul capable de répondre aux aspirations de la population, en limitant les tensions inhérentes à une société « plurielle ».

Ainsi, au plan économique, les difficultés conjoncturelles auxquelles le territoire est confronté ne pourront être résolues que si la Nouvelle-Calédonie parvient à retrouver le chemin de la prospérité, ce qui passe par une meilleure valorisation de la filière du nickel.

En effet, la Nouvelle-Calédonie doit parvenir à se doter dans les années à venir d’une véritable stratégie industrielle en matière de nickel, la définition d’une telle doctrine constituant un préalable indispensable à la résolution de la question institutionnelle. Le modèle économique en question, qui sous-tend la gestion du nickel calédonien, est en effet une question éminemment stratégique pour l’avenir du « pays », et âprement débattue entre indépendantistes, partisans d’une maîtrise publique de cette richesse, et non-indépendantistes, à la vision plus libérale. Poumon économique de l’île, ce métal est aussi un élément central du processus de décolonisation instauré par l’accord de Nouméa en 1998, et conditionne toute avancée politique. Il est vu par les indépendantistes comme le moyen d’assurer l’émancipation politique du pays. Faute de s’entendre sur une « stratégie nickel » cohérente et durable, la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie est dépourvue de boussole.

La contribution du nickel à la richesse présente et future du territoire repose également sur la mise en place d’une redevance d’extraction. Longtemps discuté, ce projet fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus localement, mais a été rejeté à deux reprises par le Conseil d’État.

Le territoire de la Nouvelle-Calédonie compte actuellement trois usines : Koniambo dans la province Nord, Doniambo et Goro dans la province Sud. L’existence de ces sites industriels majeurs impose une coopération étroite entre l’ensemble des acteurs – que sont La Société Le Nickel (SLN), filiale d’Eramet, la Société Minière du Sud Pacifique (SMSP), associée au groupe suisse Glencore-Xstrata, et la société Vale Nouvelle-Calédonie (VNC) –, pour que la concurrence profite à la Nouvelle-Calédonie dans son ensemble et ne se fasse pas, à l’inverse, à son détriment.

Sur le modèle de l’accord de Bercy de 1998, lequel avait résolu la question minière préalablement à la signature de l’Accord de Nouméa, votre rapporteur pour avis considère qu’il est impératif que la Nouvelle-Calédonie s’engage dès à présent dans une véritable politique industrielle du nickel à l’échelle de son territoire. C’est à ce prix que l’archipel parviendra à mieux répartir et valoriser ses ressources minières.

La recette minière représente aujourd’hui entre 15 et 20 % du PIB de la Nouvelle-Calédonie. Or, si celle-ci a su développer de manière conséquente le secteur du nickel et soutenir son industrialisation au cours des dernières années, elle fait aujourd’hui face à une crise majeure. Compte tenu notamment du ralentissement de l’économie chinoise, le coût du minerai s’est effondré, réduisant d’autant les recettes de la collectivité issues de ce secteur. L’usine située dans la province Nord, dont la construction a coûté sept milliards de dollars, est sans doute le projet industriel le plus important mené en France depuis trente ans.

Les grands opérateurs de l’industrie du nickel ont fait le choix ces dernières années de sous-traiter une partie de leur activité : roulage, chargement du minerai, etc. Or, avec la chute des prix du minerai, c’est toute la sous-traitance minière qui se trouve aujourd’hui en difficulté, comme en a attesté la grève des rouleurs en août dernier.

En effet, les mineurs et transporteurs de nickel ont lancé, à l’été 2015, un mouvement de protestation. À l’origine de ce long conflit, les compagnies minières et les rouleurs, qui transportent le minerai de la mine jusqu’au port, réclamaient l’ouverture d’une filière d’exportation de minerais à faible teneur de nickel vers la Chine, afin de compenser la baisse des exportations vers l’Australie et le durcissement des conditions imposées par leur client Queensland Nickel (QNI). Les rouleurs estimaient que ce nouveau débouché était indispensable à leur survie économique, afin de maintenir un volume de travail suffisant. Pour les partisans de ce rapprochement avec la Chine, la Nouvelle-Calédonie ne peut plus composer sans la puissance asiatique, qui est devenue le premier consommateur de nickel au monde.

Or, cette filière d’exportation va à l’encontre du schéma minier calédonien, lequel n’autorise les exportations que vers les clients traditionnels que sont le Japon et l’Australie et ne prévoit pas l’ouverture de nouveaux flux d’exportations. Le FLNKS et Calédonie Ensemble, auquel appartient le président du gouvernement Philippe Germain, estiment que l’approvisionnement en minerai du marché chinois serait une erreur stratégique, dans la mesure où il maintiendrait à un bas niveau le prix du métal et pénaliserait ainsi la rentabilité des opérateurs locaux. Il risquerait également, selon eux, de compromettre la ressource à plus basse teneur que les générations futures pourront valoriser demain, lorsque le minerai plus riche sera épuisé.

Cette crise du nickel est d’autant plus grave que les autres secteurs économiques n’offrent pas de perspective de développement similaire. Lors de son audition par votre rapporteur, M. Laurent Cabrera, secrétaire général du haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie, a souligné que si un développement de l’hôtellerie de luxe était possible, il faudrait préalablement investir massivement dans le développement des moyens de transports aussi bien internes qu’externes. L’agriculture demeure encore largement informelle et la pêche ne dispose que de très peu de possibilités d’exportation.

M. Laurent Cabrera a également souligné, lors de son audition par votre rapporteur pour avis, le poids important de l’économie informelle encore pratiquée par une partie de la population, ce qui témoignerait d’une véritable crise d’identité entre le monde coutumier et non coutumier en partie liée aux inégalités de développement entre les provinces.

Cette situation économique critique s’accompagne plus largement d’une situation budgétaire difficile pour la Nouvelle-Calédonie. Outre les moins-values fiscales enregistrées sous l’effet de la crise du nickel, la collectivité doit s’efforcer d’accompagner la crise au niveau social et donc faire face à de nouvelles dépenses, suivant un effet dit de « ciseaux ».

Dans ces conditions, le soutien financier de l’État – qui fait l’objet d’une contractualisation avec la Nouvelle-Calédonie – demeure plus que jamais indispensable. Le contrat de développement pour 2011-2015, conclu entre l’État et la Nouvelle-Calédonie, touchera bientôt à sa fin. Il prévoyait des financements de l’État à hauteur de 408 millions d’euros pour toute la période, soit 80 millions d’euros par an.

Cependant, lors de ses travaux, l’attention de votre rapporteur pour avis a été attirée sur l’écart existant – d’environ 25 millions d’euros – entre les dotations financières prévues au contrat et la mise à disposition effective de ces sommes. Le retard pris dans le décaissement des fonds au regard de la programmation initiale ralentit le développement du territoire et conduit à retarder, voire à renoncer, à certains programmes d’accès au soin, de désenclavement numérique, d’amélioration du réseau électrique ou du logement social.

Votre rapporteur regrette qu’en 2015, la situation se soit encore aggravée : la dotation initialement prévue sur une base de 60 millions d’euros serait ramenée à 41 millions d’euros alors que les collectivités avaient déjà lancé leurs appels d’offres pour de nombreux projets. Votre rapporteur pour avis ne peut, dans ces conditions, qu’appeler à un meilleur respect des engagements contractuels de l’État auprès de la Nouvelle-Calédonie.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 27 octobre 2015, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2016.

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre des outre-mer, nous sommes heureux de vous accueillir pour l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2016.

Mme la présidente Frédérique Massat. La commission des affaires économiques, dont le rapporteur pour avis est M. Serge Letchimy, se réjouit de pouvoir examiner aujourd’hui le budget de la mission « Outre-mer ». Notre commission a un fort intérêt pour les questions liées aux outre-mer et joue régulièrement un rôle actif dans les évolutions et les adaptations législatives nécessaires aux collectivités ultramarines.

Le budget de cette mission, à 2,1 milliards d’euros en crédits, est globalement stable par rapport à 2015. Quant aux dépenses fiscales rattachées à cette mission, elles représentent, comme l’an dernier, près du double des crédits, à savoir 3,9 milliards d’euros.

La stabilité globale du budget de cette mission est un point positif dans un contexte de forte contrainte budgétaire, cela prouve que les territoires ultramarins demeurent une priorité pour l’État. Toutefois, cette stabilité ne doit pas occulter les mouvements budgétaires importants au sein de la mission que notre rapporteur ne manquera pas de commenter.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Conscient de ne pas avoir d’éléments centraux à développer, je vais laisser la parole aux rapporteurs pour avis.

M. Patrick Ollier, rapporteur spécial de la commission des finances. Je ne peux que me féliciter de voir les crédits en faveur de l’outre-mer relativement épargnés par les coupes budgétaires. L’effort financier consacré par l’État aux territoires ultramarins s’élève à 14,2 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016, en augmentation de 3,7 % par rapport à la loi de finances initiale de 2015.

Les crédits de la mission « Outre-mer » sont quant à eux stabilisés. Les autorisations d’engagement sont en baisse de 0,6 %, à 2,08 milliards d’euros, tandis que les crédits de paiement augmentent d’un peu plus de 1 million d’euros par rapport à 2015.

Cette enveloppe permettra de continuer à mettre en œuvre les interventions essentielles en faveur des populations et du développement économique dans les collectivités ultramarines qui, comme vous le savez, sont fortement fragilisées. Je pense notamment aux actions menées dans le domaine de la formation et de l’insertion des jeunes ultramarins, en réponse au taux de chômage des jeunes qui avoisine, voire dépasse, les 50 % dans certaines collectivités. C’est un remède provisoire qui ne règle pas le mal du chômage ; des solutions plus fortes, passant par le développement économique, doivent être apportées.

Cependant, deux sujets majeurs m’inquiètent au plus haut point. Pour le premier, il est déjà trop tard, puisqu’il s’agit du resserrement des exonérations de charges sociales proposé à l’article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale mercredi dernier, alors que les députés d’outre-mer étaient absents, à l’exception de celui de Saint-Pierre et Miquelon. Mes collègues m’ont beaucoup manqué ce soir-là…

Sur la forme, je regrette que le Gouvernement ait contourné tout risque de débat en inscrivant cette mesure en PLFSS, au lieu de le faire dans le cadre du PLF comme cela était le cas en 2014.

Sur le fond, je considère cette réforme comme dangereuse, car elle creuse encore un peu plus qu’en 2014 l’écart de compétitivité qui existe entre les entreprises métropolitaines et les entreprises ultramarines. Cette mesure permet certes de réaliser une économie de 75 millions d’euros ; mais ce gain dérisoire ne sera pas sans effet pour les entreprises qui emploient les 10 000 salariés qui sortiront du champ des allégements, ni pour celles qui emploient les 41 000 salariés pour lesquels le montant de l’exonération va diminuer – ces chiffres proviennent de l’étude d’impact de l’article. De surcroît, l’effet cumulé des deux baisses successives de 2014 et 2016 est évalué à plus de 180 millions d’euros, soit une baisse de 17 % en deux ans, qui peut être considérée comme significative.

Lorsque nous en avons discuté avec la direction générale de l’outre-mer et le ministre, il m’a été indiqué que la baisse des exonérations de charges sociales en outre-mer était compensée par l’extension du taux de réduction des cotisations d’allocations familiales, prévu à l’article 7 du PLFSS. Mais cette mesure s’applique sans distinction à l’ensemble des entreprises françaises. Je ne suis donc pas du tout d’accord : cette réponse ne me paraît pas satisfaisante. L’intérêt des mesures spécifiques pour l’outre-mer est de soutenir l’emploi dans ces collectivités, et non en métropole. Ce qui est vertueux en métropole n’incite pas forcément à investir outre-mer.

De plus, j’ai été étonné de constater que les positions étaient différentes au sein des deux ministères. Je pense que ce sera réglé ce soir, mais c’est la preuve qu’il ne s’agit pas d’un simple coup de rabot vis-à-vis des outre-mer : c’est plus profond que l’on veut bien le dire.

Quant à la majoration du CICE, sa plus-value sera presque entièrement neutralisée par la baisse des exonérations alors qu’il devait représenter un acquis net pour l’outre-mer. Comment le Gouvernement compte-t-il à ce jour renforcer la compétitivité des entreprises ultramarines face à celles de la métropole, puisque les dispositifs existants sont affaiblis ?

Par ailleurs, pensez-vous que ce dispositif d’exonération de charges sociales, outil essentiel au service de l’emploi en outre-mer, où le taux de chômage est deux fois plus élevé qu’en métropole, mérite d’être assimilé, comme le précise à tort le rapport de l’inspection générale des finances de juin 2015, à une niche sociale indue contre laquelle il faudrait lutter ? J’en reviens toujours au problème des vertueux de la doctrine budgétaire face à ceux qui veulent faire de l’aménagement du territoire. Là encore, nous retrouvons une constante dans l’orthodoxie budgétaire contre laquelle nous sommes un certain nombre à lutter.

Mon deuxième sujet d’inquiétude est la fixation dans ce PLF d’un terme au 31 décembre 2018 pour l’ensemble des mesures de défiscalisation et les deux nouveaux crédits d’impôt mis en œuvre depuis quelques mois.

Je sais que la défiscalisation, comme les exonérations, subit les foudres de ceux que je viens de qualifier de défenseurs vertueux de l’orthodoxie budgétaire. C’est pourquoi, comme je le demande depuis trois ans, il est essentiel d’encadrer les pratiques par une réglementation plus stricte, pour le droit commun mais aussi pour les cabinets de défiscalisation, afin de ne pas délégitimer l’ensemble du système à cause d’une minorité de déviants. Je me suis attelé à cette tâche, et des dispositifs sont désormais inscrits dans la loi. Mais ils ne sont que très partiellement appliqués, à l’instar de la charte de déontologie que le Gouvernement tarde à concrétiser et que je demande personnellement depuis trois ans.

J’ai effectué il y a deux semaines un contrôle sur pièces et sur place au bureau des agréments au titre des pouvoirs de contrôle du rapporteur spécial, afin de vérifier les procédures d’instruction mises en œuvre par l’administration, sur lesquelles de nombreux doutes pesaient du fait des délais rallongés pour obtenir l’agrément. J’ai découvert un service en sous-effectif – huit temps pleins pour l’instruction non-exclusive de 211 dossiers au moment du contrôle. Ce sont des gens de qualité qui font un travail sérieux, et je reconnais que c’est une charge difficile pour seulement huit personnes à temps plein. Ce bureau doit améliorer la transparence et la communication de ses procédures, c’est aussi très important, mais son efficacité quant au contrôle de l’utilisation des deniers publics ne peut être remise en cause. Le processus d’agrément est perfectible, sauf si on veut le démanteler – ce que je n’espère pas – il s’agit d’un chantier important dans les années à venir, mais le préalable à toute réflexion est la pérennisation de la défiscalisation.

J’ai également réalisé début septembre un déplacement en Nouvelle-Calédonie. J’ai pu y constater une fois de plus, sur le terrain, l’efficacité économique de ces dispositifs que je défends depuis que je suis rapporteur spécial, en matière de logement social comme d’investissements productifs. Cela est d’autant plus prégnant dans nos collectivités du Pacifique qu’elles ne bénéficient d’aucun autre mode de soutien.

On m’a également alerté du fait que le terme de 2017 compromettait d’ores et déjà de nombreux projets, parce que les délais d’instruction sont tels qu’il n’y a plus d’intérêt à présenter des projets lourds, puisque le dispositif devrait s’arrêter dans un an et demi. C’est notamment le cas dans les secteurs de l’investissement productif, pour lequel les délais d’agrément et de mise en œuvre sont plus longs. La prorogation d’un an proposée à l’article 43, assortie par ailleurs de nombreuses conditions difficilement tenables, n’y changera rien. À ce jour, les investissements soutenus par la défiscalisation sont en chute libre : - 20 % en deux ans pour l’investissement productif. Je déposerai donc plusieurs amendements lors de la discussion des articles non rattachés afin de proroger l’ensemble de ces dispositifs jusqu’en 2025 ; j’espère que vous serez nombreux, mes chers collègues, à soutenir cette initiative…

Madame la ministre, quelle alternative propose le Gouvernement après 2018 à la défiscalisation et au crédit d’impôt, pour soutenir l’aménagement du territoire, le développement économique et la création d’emplois outre-mer à hauteur de près de 850 millions d’euros – coût cumulé des sommes consacrées aux principaux dispositifs de défiscalisation en 2015 ?

J’avoue être satisfait de l’ensemble du budget, sauf sur ce sujet précis. S’il n’y a pas de réponse positive pendant notre débat, je me verrai obliger de donner un avis défavorable à ce budget. Mais j’espère que je n’aurai pas à le faire ; la nuit est à nous !

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Dans un contexte budgétaire contraint, la stabilité du budget des outre-mer est une bonne nouvelle, puisque nous constatons une stabilité globale du budget de la mission « Outre-mer », qu’il s’agisse des crédits, des dépenses fiscales ou de l’effort financier total de l’État.

Plusieurs avancées sont concrétisées par ce budget, en particulier l’augmentation des crédits affectés à la formation professionnelle et aux contrats de plan État-région, le rétablissement de la contribution de l’État au financement du régime de solidarité de la Polynésie française – combat extrêmement important de nos amis polynésiens –, le maintien des crédits alloués au service militaire adapté et la création d’un dispositif de continuité funéraire.

Au-delà de la mission « Outre-mer » stricto sensu, les mesures de réduction du coût du travail en outre-mer – CICE « outre-mer » au taux de 9 %, « équivalent CICE renforcé » pour les secteurs exposés et allégement national de cotisations familiales – offrent un panel de réductions de charges intéressant.

Des réserves existent néanmoins. Tout d’abord, à la différence des crédits de paiements, les autorisations d’engagement diminuent de 14 millions d’euros. C’est selon moi un mauvais signal pour le budget de la mission à moyen terme.

Par ailleurs, les exonérations de charges sociales subissent un coup de rabot. Pour compenser les augmentations de crédits du programme 123, il est prévu une réduction des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ». Ce coup de rabot représente 75 millions d’euros sur les exonérations de charges patronales. Le Gouvernement réduit les exonérations sur les salaires les plus élevés, on peut le comprendre, mais ce choix fait courir des risques. Premièrement, cela peut conduire à ce que l’on néglige le besoin d’encadrement des entreprises, qui est fondamental. Deuxièmement, cela peut créer une trappe à bas salaires. Enfin, cela peut remettre en cause la dynamique des TPE et des PME qui, je le rappelle, représentent 51,5 % de la valeur ajoutée dans les outre-mer, contre 31,5 % en métropole.

Le Gouvernement aurait pu envisager une solution économiquement plus équilibrée à dépenses constantes. La proposition consisterait à conserver ces exonérations à leur niveau actuel dans les secteurs prioritaires, en compensant par le report de la montée en charge du CICE « outre-mer » de 7,5 % à 9 % pour les secteurs non prioritaires – les grandes surfaces commerciales par exemple n’ont pas besoin d’une augmentation du CICE à 9 %. Cela permettrait de renforcer et favoriser les secteurs prioritaires et surtout de conforter le développement endogène.

Notre collègue Ollier a soulevé une question essentielle : quel sera le devenir des dispositifs d’avantages fiscaux tels que la défiscalisation des investissements productifs et du logement ou le crédit d’impôt créé en 2015 en faveur des investissements productifs et du logement social ? Il faut le saluer, le PLF aménage favorablement l’extinction de certains de ces dispositifs fin 2017. Toutefois, il ne règle pas la question du devenir, après 2017, de ces dispositifs pourtant déterminants pour les entreprises d’outre-mer et la politique du logement social. Je présenterai donc un amendement à l’article 43 – non rattaché – du présent PLF pour repousser l’extinction de ces dispositifs à 2025.

C’est très important : je suis partisan du maintien de la ligne budgétaire unique telle quelle tout en ayant un dispositif de défiscalisation dont les ressources financières ne sont pas contraintes par les enjeux budgétaires de l’État – je veux parler du crédit d’impôt que vous voulez substituer progressivement à la défiscalisation.

Il est nécessaire de développer la logique de développement endogène, je ne cesse de le répéter, notamment dans les zones franches. Il faut en proroger le régime au-delà de 2017 et repenser leur fonctionnement pour les centrer sur filières économiques locales : c’est là un sujet dont on ne parle pas suffisamment, à l’instar de l’avenir de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM). Nous sommes actuellement sur une logique de zones franches globales ; ne faudrait-il pas en revenir à une politique « zonale », autrement dit de zones franches parfaitement ciblées ? Cela semble une démarche logistique susceptible de relancer des filières économiques essentielles pour nos pays.

L’aide au fret pourrait être étendue aux échanges régionaux. Je regrette que nous soyons obligés d’utiliser l’aide au fret pour importer des intrants qui viennent de 8 000 kilomètres, et pas de la zone géographique indiquée.

Sur le logement, il existe une inquiétude liée à la baisse de 9 millions d’euros des crédits de paiement de l’action « Logement » du programme 123. Il est nécessaire de renforcer les incitations à construire, mais aussi à réhabiliter les logements en outre-mer. Aujourd’hui, le dispositif de réhabilitation fonctionne pour les logements sociaux HLM, mais pas dans le cadre des logements privés. Il serait important de le faire, d’autant plus que le plan logement outre-mer, annoncé par le Gouvernement, est une très bonne nouvelle. Pour ce qui concerne enfin l’habitat indigne, nous avons fait voter une loi très importante, qui a été récemment modifiée. Le PLF devrait en tenir compte et mettre les moyens nécessaires.

En dépit de ces réserves, le présent projet de budget de la mission « Outre-mer » pour 2016 est globalement satisfaisant. Je suis donc favorable à son adoption.

M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d’outre-mer. Je ne reviendrai pas sur la présentation des crédits de la mission « Outre-mer » qui vient d’être faite.

D’entrée de jeu, je tiens à signaler que les prisons sont devenues de véritables passoires. La drogue, l’argent et les armes circulent au vu et au su de tous, ce qui augmente considérablement les suspicions et le degré d’insécurité. Malgré les améliorations apportées, la promiscuité et l’insalubrité sont pointées du doigt par tous les observateurs y compris les tribunaux. Mon rôle n’est pas d’accuser mais de rappeler les retards accumulés générateurs de désagréments supplémentaires.

Dans le cadre de l’avis sur les crédits pour 2016 relatifs aux départements d’outre-mer, j’ai souhaité prolonger les travaux que j’avais initiés en 2012 et procéder à une évaluation de l’accès au droit et à la justice en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à la Réunion.

Retenons que les crédits consacrés à l’accès au droit et à la justice ont augmenté de 8 % depuis 2013. Plus généralement, les crédits consacrés à la justice judiciaire se sont accrus de 35 % depuis 2008.

Globalement on constate un meilleur fonctionnement de l’aide juridictionnelle avec un nombre de dossiers admis de l’ordre de 16 % depuis dix ans.

En ce qui concerne le maillage territorial de l’accès au droit et à la justice, chaque territoire compte un centre départemental d’accès au droit.

Pour ce qui est des maisons de la justice et du droit, un nouvel établissement devrait prochainement voir le jour en Guadeloupe.

Enfin, je signale l’existence de sept points d’accès au droit dans les établissements pénitentiaires et la création d’un nouveau à destination des jeunes et des familles de détenus en Martinique. Ces initiatives doivent être poursuivies et étendues aux autres départements d’outre-mer.

En revanche, il faut déplorer la disparition du point d’accès au droit itinérant qui existait en Guyane.

Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, pour quelles raisons ce PAD a disparu ? A-t-il été remplacé par d’autres acteurs susceptibles de permettre un accès au droit aussi efficace ? Pourquoi les PAD itinérants n’ont-ils pas été développés dans les autres départements d’outre-mer ?

Je tiens également à souligner les efforts accomplis pour rendre la justice plus accessible. Le maillage juridictionnel a été largement étoffé, notamment sous l’effet de la réforme de la carte judiciaire.

Un pôle de l’instruction a été créé dans chaque département d’outre-mer, tandis que la Guyane et la Guadeloupe se sont vues dotées d’une chambre et d’un greffe détachés de leur tribunal de grande instance respectif.

Par ailleurs, Mayotte dispose désormais d’une chambre d’appel détachée de la cour d’appel de La Réunion et devrait se voir enfin attribuer un tribunal mixte de commerce, un conseil des prud’hommes et un tribunal paritaire des baux ruraux. À propos de Mayotte, pouvez-vous m’indiquer à quelle échéance pourrait être envisagée la création d’une cour d’appel dédiée à ce territoire ? La fusion annoncée du tribunal de la sécurité sociale et du tribunal du contentieux de l’incapacité, au sein d’un pôle social du tribunal de grande instance, va-t-elle être accompagnée d’une augmentation des moyens et du personnel du tribunal de grande instance ?

Enfin, la surpopulation carcérale à laquelle sont confrontés les départements d’outre-mer est un obstacle à l’accès au droit et à la justice. Or l’augmentation de 32 % des emplois de l’administration pénitentiaire depuis 2007, si elle a permis de renforcer l’exécution des peines en milieu ouvert, n’a pas su mettre un terme au phénomène de surpopulation carcérale qui touche l’ensemble des outre-mer, exception faite de La Réunion : le taux d’occupation moyen des établissements pénitentiaires est de 116 %.

Dans ces conditions, je regrette l’absence de centre de semi-liberté, absence qui constitue une entrave majeure à l’aménagement des peines d’emprisonnement en milieu ouvert. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer combien de places seront consacrées à la semi-liberté dans ces territoires dans les trois prochaines années ? Plus largement, où en est le projet de construction d’un centre de semi-liberté en Martinique, ainsi que le projet de reconstruction de la maison d’arrêt en Guadeloupe ?

Madame la ministre, vos réponses sont très attendues je vous remercie de votre écoute.

M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les terres australes et antarctiques françaises. Madame la ministre, chacun connaît le contexte national difficile que notre pays traverse dans ses finances. Le Gouvernement a tenu à accompagner les collectivités d’outre-mer dans leur développement. En effet, le budget 2016 de la mission « outre-mer » a été malgré tout maintenu. Il apporte des réponses concrètes à de nombreuses attentes de nos concitoyens ultramarins. C’est pourquoi je tiens d’abord à saluer cet effort de la nation à l’égard de ses entités ultramarines.

L’examen de la mission « Outre-mer » pour 2016 est l’occasion pour nous de dresser un bilan des enjeux institutionnels, économiques, sociaux, environnementaux et sécuritaires auxquels font actuellement face les différentes collectivités d’outre-mer ainsi que la Nouvelle-Calédonie.

Je tenais à ce propos à saluer le travail remarquable sur les collectivités d’outre-mer qui a été réalisé par mon prédécesseur, M. René Dosière, en tant que rapporteur de cette mission les années précédentes. Il avait mis l’accent l’an dernier sur la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. En effet, les enjeux institutionnels et politiques de la Nouvelle-Calédonie, bien connus, l’y invitaient fortement, d’autant plus que cette collectivité sui generis est dans le processus de devenir un pays souverain.

Cette année, le contexte se présente différemment puisque la loi organique du 5 août 2015 a précisé les modalités d’organisation des rendez-vous d’autodétermination qui se succéderont à partir de 2018. Désormais l’actualité porte sur la crise économique qui frappe le territoire calédonien, particulièrement la filière nickel, qu’il convient de sauver en définissant une vraie stratégie du nickel afin de ne pas plomber toute l’activité du territoire, qui en est tributaire.

De même, la Polynésie française était encore dans une phase délicate sur le chemin de son redressement, la situation financière et budgétaire était très fragile. Le développement de la collectivité se trouvait à bout de souffle. Il fallait une réflexion et des sérieuses propositions à cet égard.

Madame la ministre, cette année, dans la mission « Outre-mer », j’ai voulu traiter à égalité toutes les collectivités sises outre-mer. Dans le bref temps de parole qui m’est imparti, je me contenterai de poser quelques questions parmi les plus prégnantes pour chacun de ces territoires.

D’abord, malgré un contrat de développement avec l’État prévoyant une dotation annuelle de 80 millions d’euros par an, il a été mis à la disposition de ce territoire environ 55 millions d’euros par an. Et cette situation semble se prolonger encore en 2016, dernière année d’exécution de la convention 2011-2015 prolongée au 31 décembre 2016.

Pourriez-vous, madame la ministre, expliquer les raisons de cette sous-exécution du contrat de développement de la Nouvelle-Calédonie ? Cette situation ne risque-t-elle pas de voir se gripper le second moteur de la croissance calédonienne, si d’aventure la crise du nickel perdurait, et mettre ainsi le territoire dans une situation difficile à la veille d’échéances importantes ?

S’agissant de la collectivité de Saint-Martin, comment renforcer la coopération entre les parties française et hollandaise de cette île, afin de permettre à la première de mieux contrôler l’éligibilité et l’authenticité des bénéficiaires du RSA à un moment où l’exécutif de cette collectivité est décidé à prendre des mesures courageuses pour stopper la spirale à la hausse du volume de cette dépense ?

À Saint-Martin, il est signalé un souci majeur dans le recouvrement des impositions locales. Comment l’État compte-t-il accompagner cette collectivité pour mettre sur pied rapidement un cadastre fiable qui permette de lever correctement l’impôt, tâche qui incombe à l’État ? Saint-Martin, comme la plupart des collectivités d’outre-mer, connaît une situation budgétaire et financière fragile. C’est pourquoi il est vital d’avoir une visibilité sur les outils de soutien à l’activité, comme cela a déjà été dit, et nous serons attentifs aux propositions du Gouvernement en ce sens.

À Wallis-et-Futuna, la situation en matière d’accès aux soins est préoccupante, compte tenu de son adossement au plateau technique de Nouméa et des relations financières difficiles qui le régissent. Quelle solution pérenne le Gouvernement entend-il mettre en place pour rassurer les Wallisiens sur leur droit à l’accès aux soins ?

La situation budgétaire de la Polynésie se redresse lentement mais sûrement avec l’effort conjugué, en responsabilité, de l’État et du nouvel exécutif polynésien, et je m’en réjouis. Cependant la question de la matérialisation de l’accompagnement post-nucléaire semble constituer, trente ans après, un point de crispation entre l’État et les élus Polynésiens : quelle réponse l’État apporte aux engagements pris sur ce sujet devant les Polynésiens, notamment sur le niveau de la dotation globale d’autonomie ?

Nos collectivités d’outre-mer connaissent des disparités géographiques, démographiques, économiques et sociales, mais elles ont pour dénominateur commun l’exposition à de véritables dangers climatologiques et environnementaux. La conférence sur le climat à Paris – COP21 – est l’occasion de nous alerter sur les enjeux planétaires. Cet après-midi, la délégation à l’outre-mer a adopté son rapport sur le changement climatique outre-mer. Les enjeux, les attentes des outre-mer sont fortes – je pense à Saint-Pierre et Miquelon, mais pas uniquement. Le programme 123 contient des mesures pour faire face aux risques naturels et la préservation de la biodiversité, madame la ministre, les crédits prévus à cet effet sont-ils à la hauteur des enjeux ?

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Ce moment d’échange sur la politique à mener pour les outre-mer m’apparaît particulièrement important. C’est l’occasion d’un dialogue franc et sincère sur nos objectifs et nos priorités.

Comme les rapporteurs l’ont signalé, le budget 2016 est marqué par un effort sans précédent de maîtrise des dépenses publiques. Tous les ministères ont dû participer à la nécessaire diminution du déficit public. Et ceux dont les moyens humains ou budgétaires ne diminuent pas sont en première ligne dans la lutte à mener pour la sécurité de nos concitoyens, la justice, l’éducation, l’emploi, et une meilleure intégration d’une partie de la jeunesse dans les quartiers – c’est-à-dire ce qui concerne la politique de la ville.

Dans ce contexte très tendu, nous nous félicitons d’avoir pu protéger les crédits de paiement du ministère des outre-mer à 2,18 milliards au titre du PLF 2016, contre 2,17 milliards en loi de finances initiale pour 2015. Cela montre bien le respect des engagements du Président de la République et du Premier ministre en ce qui concerne le soutien de l’État aux outre-mer. C’est particulièrement net dans la mesure où nous avons pu préserver l’investissement des entreprises en conservant les moyens budgétaires nécessaires pour accompagner le développement des territoires, la commande publique, et développer une politique volontariste dans le domaine de la formation des jeunes tout en essayant de répondre aux problèmes de nos concitoyens dans celui du logement.

Gouverner, c’est fixer des priorités et faire des choix. C’est exactement ce que nous avons voulu faire dans ce budget, et nous avons choisi, dans le cadre de crédits stabilisés, de conserver au maximum les moyens d’intervention du ministère dans le respect des partenariats que nous entretenons avec les élus et les collectivités locales. À chaque fois que la commande publique fléchit ou que les entreprises ont un carnet un peu trop léger, on se tourne vers nous en faisant valoir que les entreprises ont besoin de l’effet d’entraînement des crédits de l’État pour travailler. Nous avons donc privilégié, dans nos choix, la sauvegarde des moyens d’action du ministère des outre-mer.

C’est un budget de relance de l’investissement et de la commande publique. Comme je l’ai annoncé avec ma collègue Sylvia Pinel, nous avons voulu préserver les politiques qui concernent le logement dans l’outre-mer. C’est ainsi que le maintien des crédits de la ligne budgétaire unique à 247 millions d’euros en autorisations d’engagements au titre de l’année 2016 montre que les moyens consacrés au logement social resteront à la hauteur des enjeux et de nos engagements.

Pour tenir compte des alertes lancées par les organismes, nous avons aussi voulu améliorer la situation pour que ceux qui s’engagent dans la rénovation du parc locatif ancien dans le cadre de la politique de la ville puissent disposer de moyens à la hauteur de leurs besoins. Nous avons donc obtenu l’extension du crédit d’impôt défiscalisation, s’agissant du logement social, aux opérations de rénovation des logements locatifs sociaux de plus de vingt ans situés dans les zones éligibles à la politique de la ville. C’est un vaste champ d’application de la mesure, car il sera ainsi possible de couvrir la remise aux normes techniques des bâtiments, mais également de prendre en compte la protection antisismique ainsi que le désamiantage, autant de contraintes qui peuvent parfois alourdir significativement la facture.

Nous savons que l’aide de l’État, actuellement plafonnée à 20 000 euros par logement, apporte une première réponse à l’insuffisance des fonds propres des bailleurs sociaux qui doivent faire face au défi exceptionnel que constitue le vieillissement de leur patrimoine. Évidemment, certains nous disent que ce n’est pas suffisant et qu’il faut faire mieux. Nous pouvons voir comment améliorer les choses, mais vous savez que nous devons travailler dans le respect d’une enveloppe définie. Quand on fait bouger les curseurs, il n’est pas évident que l’on ne soit pas obligé de renoncer à quelque chose auquel nous tenons afin d’améliorer telle ou telle ligne.

Nous avons aussi à faire en sorte que les obstacles qui peuvent empêcher la réalisation de ces logements soient levés les uns après les autres. Nous savons que l’utilisation de l’aide fiscale à l’investissement pour la construction d’immeubles destinés à du prêt locatif social est désormais plus difficile, dans la mesure où ce type d’opération doit obligatoirement être financé par des subventions de la LBU alors que ce n’était pas le cas précédemment. Au congrès de l’Union sociale pour l’habitat, nous avons indiqué que nous allions réunir un groupe de travail pour faire des propositions d’améliorations et de simplifications de la liste des pièces nécessaires pour compléter les dossiers de défiscalisation dans le domaine du logement social. Les organismes s’étaient plaints du nombre de pièces exigées et de la difficulté à produire certains justificatifs. Du coup, bon nombre de dossiers ne sont pas totalement bouclés au moment de présenter la demande de défiscalisation. Or la défiscalisation est pratiquement un préalable pour ces dossiers… Nous allons donc travailler ensemble pour éviter que la liste des pièces demandées change sans que le ministère des outre-mer ne soit parfaitement associé.

Par ailleurs, ce budget prévoit le maintien des enveloppes consacrées à la politique contractuelle, avec plus de 160 millions d’euros d’autorisations d’engagement. Et je me réjouis de voir que nous avons soit signé les contrats de plan État-région, soit nous sommes en bonne voie pour le faire et le protocole précédent a été signé. Je répète que nous avons la volonté d’accompagner toutes les collectivités avec détermination.

J’en profite également pour rassurer les élus de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie : il n’y aura pas d’année blanche dans l’exécution des contrats de développement.

Nous avons aussi préservé un autre outil particulièrement important au programme 123, il s’agit des 40 millions d’euros au titre du fonds exceptionnel d’investissement créé par le Président de la République en 2012, et des presque 30 millions d’euros de crédits dédiés à la bonification des prêts concessionnels consentis par l’AFD aux collectivités. Lorsque les taux que la collectivité obtient sur les marchés sont trop élevés, l’AFD intervient pour les améliorer.

Je considère donc que les arbitrages sur lesquels nous avons construit ce budget ont été favorables aux outre-mer.

Le soutien à la commande publique au service du développement des territoires se traduit aussi par l’appui apporté par l’État pour la construction d’équipements scolaires. Les enveloppes dédiées à La Guyane et à Mayotte sont bien évidemment maintenues au titre du budget 2016 : 10 millions d’euros chacune. Le programme 123 bénéficie également des crédits affectés aux constructions scolaires dans le second degré en Nouvelle-Calédonie : 12 millions d’euros. À cet égard, nous avons significativement amélioré la consommation de ces crédits à Mayotte, en travaillant directement avec les communes et en faisant appel à des constructions modulaires. Compte tenu du nombre de bâtiments à construire, il était clair que nous n’arriverions pas à nous en sortir en procédant autrement.

Dans le Pacifique, nous avons budgété les 12 millions d’euros de mesures nouvelles qui correspondent au retour de l’État au soutien de la politique de protection sociale en Polynésie française. Cette mesure était très attendue par les élus depuis l’année dernière.

Un mot, enfin, sur la politique de continuité territoriale. L’année dernière, face à l’évolution de l’aide à la continuité « tous publics » qui menaçait d’absorber la totalité des crédits, nous avons réagi. En 2015, nous avons clairement réservé la priorité au passeport mobilité emploi et à tout ce qui concerne la mobilité pour formation : nous considérons en effet que le plus important pour l’avenir des outre-mer, c’est de permettre aux jeunes et aux adultes d’acquérir des connaissances et des aptitudes professionnelles. Le dispositif a été complété en 2015 afin de donner la possibilité aux parents d’un enfant malade de l’accompagner lorsqu’il doit être évacué dans le cadre sanitaire. Une expérimentation a été menée au cours de l’année 2015 ; nous nous sommes rendu compte qu’un coup d’arrêt indiscutable était mis à l’augmentation exponentielle de ces crédits, notamment à La Réunion. Nous ferons le bilan et nous verrons comment faire évoluer le dispositif.

Mais nous avons également intégré dans l’aide à la continuité une autre attente forte de nos concitoyens. Les familles endeuillées, notamment celles qui résident en métropole, pouvaient autrefois bénéficier d’une aide lorsqu’elles devaient rapatrier un corps au pays, ou s’y rendre pour assister aux obsèques. Cette aide avait été supprimée en 1993 ; nous avons décidé de la rétablir dans le budget de cette année. L’État accompagnera, sous condition de ressources, les familles qui ont besoin de partir en outre-mer du fait du décès d’un parent direct ; nous prendrons également en charge une partie des frais de rapatriement des corps, qui peuvent atteindre des montants considérables auxquels les familles doivent faire face sans l’avoir toujours prévu.

Bien évidemment, le budget de la continuité territoriale ne diminue pas : il s’élève à près de 33,6 millions d’euros, en nette progression par rapport aux 32,3 millions qui figuraient dans la loi de finances initiale pour 2015. Je précise que l’aide à la continuité funéraire s’appliquera aussi en Polynésie et dans les collectivités d’outre-mer, puisqu’ils sont eux aussi exposés à faire face à des frais considérables lorsque survient un décès.

Les moyens d’action du ministère pour le programme 138 « Emploi outre-mer » sont eux aussi préservés. Nous avons notamment réaffirmé notre soutien au SMA, dont l’action est extrêmement utile pour les jeunes des outre-mer. Nous maintenons les moyens qui permettront de remplir l’objectif « SMA 6 000 » sur le quinquennat, avec un accueil de stagiaires en plus grand nombre et un taux d’insertion consolidé.

L’année 2016 sera également celle du changement de statut de l’agence de l’outre-mer pour la mobilité, que nous avons voté précédemment ; nous espérons qu’en tant qu’opérateur public, elle confortera la montée en puissance du transfert des crédits de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, et continuera d’apporter un accompagnement utile et efficace pour nos jeunes ultramarins, leur permettant d’accéder à une qualification et un emploi.

L’an dernier, nous avons lancé un programme de soutien et d’accompagnement des TPE ; les initiatives prises – aide au premier emploi, accompagnement de l’économie sociale et solidaire – seront amplifiées cette année. Des moyens financiers supplémentaires ont été dégagés grâce à la convention du 30 septembre 2014 signée avec la Caisse des dépôts et consignations. Nous poursuivrons dans cette voie avec la toute nouvelle agence de développement économique des territoires France Entrepreneur, lancée il y a quelques jours.

Nous comptons beaucoup sur la mobilisation des réseaux au service de la création d’emplois dans le secteur associatif : ce sont autant d’ouvertures pour une politique novatrice et adaptée aux besoins des outre-mer.

En matière d’emploi, des efforts particulièrement intéressants sont faits en Martinique et en Guadeloupe.

Beaucoup d’aides ont été mises en place, mais nous avions l’impression qu’elles ne donnaient pas les résultats attendus, notamment en termes d’embauches de jeunes. Le préfet de la Martinique a donc pris l’initiative de nommer des médiateurs économiques : ce sont des jeunes qui se rendent dans les petites entreprises pour expliquer aux entrepreneurs les aides auxquelles ils peuvent prétendre, et comment s’y prendre pour déposer un dossier. Car si beaucoup de chefs d’entreprise ne faisaient pas de démarches, c’est parce qu’ils ignoraient quelles étaient les aides proposées ou parce qu’ils ne savaient pas comment remplir le dossier. Dès lors, les aides n’étaient pas utilisées pleinement.

En Guadeloupe, un pacte pour l’emploi des jeunes a été signé entre le MEDEF et l’État. Le constat est là encore que beaucoup d’aides existent, mais que les chefs d’entreprise ont du mal à s’y retrouver : l’idée est donc de créer un guichet unique de dépôt des dossiers, guichet qui indique aussi au chef d’entreprise combien il devra vraiment débourser pour embaucher. Cette expérience va être menée.

Ces deux démarches me semblent particulièrement utiles : des crédits sont là, des dispositifs existent ; encore faut-il que les chefs d’entreprise les comprennent et s’en saisissent. Nous devons les épauler.

Notre effort d’aide à la création d’emplois se maintient donc. Pour équilibrer ce budget, nous avons toutefois dû opérer des choix.

Nous n’avons pas voulu répartir de la même façon les économies nécessaires sur chaque ligne budgétaire – rogner un peu de LBU, ôter quelques crédits au SMA… – au risque de rendre notre politique illisible. Nous avons préféré faire porter l’effort sur le dispositif des exonérations de charges.

Nous avons donc poursuivi la rationalisation des exonérations, en les recentrant sur les bas salaires. J’entends bien que ce n’est pas forcément ce qui était attendu des entreprises, mais les rapports des différents corps d’inspection et de la Cour de comptes montrent bien que l’effet incitatif de la baisse des charges s’estompe avec l’élévation du salaire : supprimer ou diminuer les charges sociales est efficace pour les salaires modestes, jusqu’à deux SMIC environ. À partir de trois SMIC, l’effet est nul : ce que recherchent alors les chefs d’entreprise, c’est une compétence, une qualification, et ils sont prêts à y consacrer les moyens nécessaires.

Nous avons également voulu préserver les TPE et PME, qui constituent l’immense majorité des entreprises ultramarines, et des entreprises qui embauchent sur place. Les entreprises de moins de onze salariés conserveront donc le bénéfice de l’aide à 100 % jusqu’à 1,4 SMIC, contre 1,3 pour les autres, et du dispositif dégressif jusqu’à 2,3 SMIC, montant qui me semble tout à fait raisonnable.

Par ailleurs, nous avons beaucoup insisté l’an dernier sur le problème des secteurs exposés à la concurrence, en particulier l’hôtellerie. Ces entreprises bénéficieront en 2016 d’exonérations renforcées, comme nous nous nous y étions engagés.

Nous aurons ainsi en 2016 une nouvelle baisse du coût du travail outre-mer. Le CICE atteindra 9 % au 1er janvier prochain, et les cotisations patronales d’allocations familiales baisseront à la fin du premier trimestre. Au total, ces mesures se montent à 200 millions d’euros, qui bénéficieront aux entreprises ultramarines.

C’est pourquoi, monsieur le rapporteur spécial, je ne suis pas d’accord avec vous sur les avantages accordés aux entreprises ultramarines : celles-ci bénéficient bien d’un CICE à 9 %, contre 6 % en métropole. Le Gouvernement prend ainsi en considération la situation particulière des entreprises ultramarines. L’allégement supplémentaire ainsi obtenu du coût du travail n’a pas besoin d’être supporté par le budget de la mission « Outre-mer ».

L’aide fiscale à l’investissement représente une dépense fiscale supérieure à 800 millions d’euros ; elle permet l’investissement, chaque année, de plus de 2 milliards d’euros dans les départements et collectivités d’outre-mer. Le Gouvernement n’entend pas revenir sur le soutien apporté à l’acquisition et au renouvellement des moyens de production outre-mer : les entreprises ultramarines sont confrontées à des handicaps structurels, reconnus, bien identifiés par l’Union européenne ; l’aide fiscale à l’investissement est un outil fondamental pour les compenser. Chacun le comprend ; nous en avons encore parlé récemment à nos interlocuteurs bruxellois.

Nous rencontrions toutefois une difficulté technique : le droit national fixe la fin de ce dispositif au 31 décembre 2017. Cela a une conséquence pratique : de nombreux dossiers, qui seront soumis à agrément durant les derniers mois du dispositif, risquent d’être bloqués. Afin de répondre à cette difficulté, nous avons donc prévu dans l’article 43 du projet de loi de finances un dispositif transitoire. Nous espérions ainsi, en précisant en particulier que les dossiers pourraient être déposés jusqu’à la fin de l’année 2017, avoir clarifié les conditions dans lesquelles il serait possible d’investir outre-mer au cours des deux prochaines années.

Cet article, à nos yeux plutôt intéressant, a toutefois fait naître une inquiétude : puisqu’il était possible de déposer des dossiers jusqu’au 31 décembre 2017, fallait-il entendre que le dispositif ne s’arrêterait qu’en 2018 ?

Christian Eckert et moi-même avons donc travaillé avec les élus et les socioprofessionnels ; nous avons pris la décision de faire évoluer le dispositif dès cette année afin de donner aux entreprises ultramarines une plus grande visibilité sur ce qui se passera après 2017. Bien sûr, nous avions déjà une idée précise de ce que nous allions proposer, mais nous souhaitions procéder à une concertation approfondie. Toutefois, pour éviter de nourrir les inquiétudes, nous avons décidé de poser d’ores et déjà les bases du nouveau dispositif. Cela permettra de clarifier nos intentions. Il est évident que personne n’entend suspendre les aides aux entreprises ultramarines : le chômage de masse frappe durement les territoires, ce qui rend d’autant plus indispensable d’aider ces entreprises à surmonter leurs handicaps structurels.

Le mécanisme retenu distingue les collectivités dotées de l’autonomie fiscale des autres.

Dans les premières, où nous ne pouvons pas utiliser le mécanisme du crédit d’impôt, nous devons conserver les mécanismes de défiscalisation classiques, pour le logement social comme pour l’investissement productif. Nous maintiendrons donc le dispositif existant, sans pour autant nous interdire de réfléchir à des évolutions de ses modalités de fonctionnement – je pense par exemple à la possibilité de déconcentrer la décision – ou de renforcer les contrôles. Si nous voulons sauvegarder ce dispositif, il nous faut éviter d’attiser les critiques et donc donner des gages de sérieux.

Dans les collectivités qui relèvent de la fiscalité de droit commun, en revanche, nous pourrons associer la défiscalisation à une généralisation du mécanisme de crédit d’impôt : celui-ci s’appliquera désormais à l’ensemble du secteur du logement social. Dans le secteur de l’investissement productif, le crédit d’impôt sera étendu aux opérations réalisées par les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 20 millions d’euros, seuil actuellement en vigueur. La défiscalisation classique sera maintenue pour les investissements d’un montant inférieur au seuil d’agrément.

Ces informations permettront aux acteurs économiques d’y voir plus clair : le dispositif actuel ne sera pas simplement prorogé ; il sera modernisé, en tenant compte des imperfections constatées aujourd’hui, et calé sur les différentes géographies ultramarines.

Cette annonce est importante, car de nombreuses questions s’étaient fait jour depuis l’an dernier. Ce dispositif sera à même, me semble-t-il, d’assurer le développement économique des territoires, ainsi qu’une bonne articulation de nos dispositifs fiscaux avec les besoins et les attentes des entreprises.

Le contexte financier national et européen est, nul ne l’ignore, extrêmement contraint. Ce budget concilie l’impératif de réduction des dépenses publiques et la volonté, réaffirmée par le Président de la République, de faire des outre-mer une chance pour la France. Cet exposé liminaire visait à répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées : j’espère, monsieur le rapporteur spécial, que vous voilà rassuré.

Vous avez également, monsieur Ollier, évoqué le resserrement des exonérations de cotisations sociales, traité, comme cela se doit, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. M. Letchimy a également abordé cette question. Je m’en suis expliquée.

Nos choix n’auront pas d’incidence négative sur l’économie ; ce qui importe aujourd’hui, j’en suis persuadée, c’est que les chefs d’entreprise apprennent à connaître et à utiliser les aides qui leur sont destinées.

S’agissant de l’aide au fret, il nous est difficile de l’étendre : les trajets régionaux ne peuvent recevoir les mêmes financements que les trajets entre la métropole et les outre-mer. Il faudra trouver une autre solution ; aujourd’hui, je ne vois pas laquelle.

M. Marie-Jeanne a souligné les problèmes majeurs des prisons outre-mer. La modernisation et la mise aux normes sont extrêmement en retard, le nombre de places très insuffisant, et du coup le taux de suroccupation relativement élevé.

Un rapport a pris la mesure du problème, et le ministère de la justice a mis en chantier certaines réhabilitations urgentes – on se souvient que la prison du Camp Est en Nouvelle-Calédonie a été appelée « la honte de la République ». Des efforts considérables ont été également été faits à Mayotte.

Il nous faut maintenant hiérarchiser les investissements. Je n’ignore pas les mouvements d’humeur des personnels pénitentiaires des Antilles : nous y sommes extrêmement attentifs. Mais nous sommes dans une perpétuelle course-poursuite entre la construction de places et l’augmentation du nombre de personnes placées en détention.

Le développement des aménagements de peine et des peines alternatives est l’une des clés du problème. Mais cela suppose de pouvoir faire appel à des associations à même de prendre en charge les détenus concernés. C’est un gros travail, auquel Christiane Taubira s’attelle avec beaucoup de détermination. Nous avons également rouvert un centre pour mineurs en Guadeloupe.

Nous travaillons avec le Défenseur des droits pour améliorer les situations qui méritent de l’être. L’aide juridictionnelle va, vous le savez, être réformée pour permettre un meilleur accès de tous au droit.

Vous avez évoqué les centres de semi-liberté : je verrai, avec Mme la garde des sceaux, comment nous pouvons accélérer les projets en ce domaine. Ce sont des dispositifs très importants notamment pour les jeunes, à qui il faut permettre de sortir de la délinquance et de prendre au plus vite un meilleur chemin.

Nous comptons beaucoup sur le travail confiant entre les élus et les services de police et de gendarmerie, notamment au sein des comités de prévention de la délinquance. Vous faites vraiment là œuvre utile.

La création d’une cour d’appel à Mayotte va certainement dans le sens de l’histoire, mais il n’y a pas à ma connaissance de projet à court terme en ce sens. Il existe aujourd’hui une chambre d’appel détachée. Je verrai avec Mme Taubira ce qu’elle peut proposer dans des délais raisonnables.

Je crois avoir répondu aux questions que M. Aboubacar a posées sur la défiscalisation.

L’avenir de la filière nickel en Nouvelle-Calédonie est une question grave, et je sais que les élus travaillent d’arrache-pied pour essayer de la sauver. J’espère de tout cœur que nous y arriverons. Le contrat de développement a été prolongé. Il me semble que la Nouvelle-Calédonie a été traitée de façon très équitable.

En ce qui concerne la Polynésie française, nous avons réactivé la commission de suivi de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui n’avait pas encore été réunie : elle est maintenant installée, grâce à Mme Marisol Touraine. Elle suivra de près le fonctionnement et les actes de l’autorité indépendante – mais celle-ci, comme son nom l’indique, ne reçoit pas d’ordres… Nous pouvons souhaiter que les décisions prises soient plus satisfaisantes, et qu’il y ait davantage de reconnaissance pour les victimes. Il ne paraît pas nécessaire de changer la loi, mais d’en faire une interprétation plus compréhensive : vous n’ignorez pas que l’on peut indemniser une victime sauf si son exposition au risque est « négligeable » – et tout dépend de ce que l’on entend par ce mot. Il faudra regarder de près les décisions rendues.

Nous constatons aussi que le nombre de dossiers déposés est bien moindre que ce à quoi on pourrait s’attendre : il faut, là encore, voir avec les intéressés si une aide peut leur être apportée.

Nous allons bien évidemment respecter les engagements relatifs à la dette nucléaire.

Nous y sommes attentifs à la situation budgétaire de la Polynésie française. En raison de la baisse des dotations qui affecte les collectivités métropolitaines, vous savez que le budget de la Polynésie n’est plus, depuis l’an dernier, indexé sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) : c’est une situation favorable à ce territoire. Nous soutenons le régime de solidarité de Polynésie française (RSPF) et nous l’avons inscrit dans notre budget afin d’assurer son bon fonctionnement.

En ce qui concerne Saint-Martin, nous avons pris des mesures concernant le RSA. Vous soulignez à raison la nécessité d’améliorer le cadastre afin de lever l’impôt correctement. Nous avons constaté une certaine nervosité de la population : nous devons nous montrer vigilants.

Un mot enfin sur la COP21 et la biodiversité. La Conférences des parties pourra créer une prise de conscience : 80 % de la biodiversité française est outre-mer, beaucoup de solutions innovantes aussi ; c’est grâce aux outre-mer que la France se retrouve avec un domaine maritime immense, et nous savons le rôle majeur des océans dans la lutte contre le réchauffement climatique. J’espère donc que les peuples pourront apprécier l’importance des outre-mer pour notre pays.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je commence par m’associer aux remerciements exprimés par Mme la ministre des outre-mer pour la qualité des rapports et des interventions.

Si je suis ici ce soir, c’est d’abord pour décevoir ceux qui voudraient imaginer une quelconque divergence entre Bercy et le ministère des outre-mer : les annonces qui viennent d’être faites par Mme la ministre expriment une position commune, issue d’un travail commun mené dans une ambiance cordiale comme dans le respect des règles qui s’imposent à tous. Nous faisons le point régulièrement sur les sujets qui posent question – car il est tout à fait légitime que des questions surgissent.

Je voudrais également apporter quelques précisions supplémentaires sur l’avenir, mais aussi sur le présent, de la défiscalisation.

Le Gouvernement souhaite avancer vers davantage de sécurité et de visibilité.

Nous sommes ici pour nous dire tranquillement les choses : il faut plus de sécurité pour tout le monde – pour les acteurs économiques des territoires concernés comme pour les utilisateurs des procédures de défiscalisation, qui sont des contribuables qui utilisent une partie de leur épargne pour investir. Quelques fruits abîmés ne doivent pas gâter l’ensemble de la récolte. Nous avons rencontré des difficultés, il ne faut pas se le cacher. Certains projets immobiliers n’ont pas été achevés dans les délais, certains n’ont pas été achevés du tout, alors que la défiscalisation avait déjà été mobilisée. Allons-nous demander aux contribuables concernés de rembourser ce qu’ils ont perçu ? Il est indispensable de sécuriser l’ensemble de la chaîne ; pour cela, il faut utiliser plus souvent des dispositifs de crédit d’impôt, comme l’a expliqué Mme la ministre tout à l’heure, en plein accord avec mon ministère comme – qui pourrait en douter une seule seconde ? – avec le Président de la République et le Premier ministre.

Nous devons aussi donner de la visibilité, c’est-à-dire permettre d’agir dans la durée. Nous vous proposerons, à l’article 43 de ce projet de loi de finances, de prolonger les dispositifs de crédit d’impôt jusqu’à l’année 2020. On peut toujours imaginer aller plus loin, mais c’est un délai qui paraît sensé ; une prolongation jusqu’en 2020 pour les programmes de logement, en particulier de logement social, ce n’est pas rien.

Pour ce qui est des dispositifs visant à favoriser l’investissement productif, nous vous proposerons une extension progressive du crédit d’impôt, dans le cadre de règlements et de pratiques qui ne changeront pas par rapport à la situation actuelle. Vous connaissez les problèmes qu’a pu poser la mise sous régime général d’exemption par catégorie (RGEC) d’aides européennes et nationales. Là encore, nous avons fait le choix de respecter les règles européennes, tout en restant souples, afin de permettre le prolongement des pratiques antérieures.

Ces mesures sont, je crois, de nature à rassurer tous les acteurs – ceux qui investissent comme ceux qui utilisent les fonds investis.

Quelques problèmes demeurent, que nous devrons régler ensemble. « C’est BQB », aiment à dire certains : c’est Bercy qui bloque… Je vous remercie, monsieur Ollier, d’être venu visiter nos services : vous avez pu constater que ce n’est pas toujours BQB, et que si certains dossiers n’aboutissent pas, c’est que certaines pièces, parfois fondamentales, manquent. Peut-on donner l’agrément à un dossier qui estime la viabilisation d’un terrain à 5 millions d’euros sans fournir le moindre justificatif ? Peut-on valider un dossier si nous ne recevons pas l’avis de tel ou tel ministère ? C’est ma responsabilité qui est engagée.

Il arrive qu’on me demande d’agréer une société, ou une opération, qui a déjà fait l’objet de plusieurs signalements par les fonctionnaires qui suivent ces dossiers, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale – que vous connaissez tous. Quand un fonctionnaire choisit de transmettre un dossier au parquet parce qu’il estime y trouver des manquements graves dans l’utilisation des deniers publics, et surtout quand ces signalements se multiplient à propos d’une même opération ou d’une même société, je ne peux pas passer outre ! Je ne citerai évidemment aucun nom, alors que je pourrais en donner plusieurs… Dans de telles situations, vous comprenez bien que l’argument de l’intérêt économique ou de l’emploi ne suffit pas pour pousser le Gouvernement – et plus précisément ma pomme, pardon de le dire comme ça – à accepter de telles opérations.

Je vous le dis dans les yeux : ces cas-là ne sont pas majoritaires. Quelques opérations non abouties pour des raisons diverses, tantôt bonnes, tantôt mauvaises, ne doivent pas empêcher un dispositif dont nous savons tous ici l’utilité de se mettre en place.

Si l’on vous fait part de difficultés sur un dossier, et que vous avez l’impression que c’est BQB, alors vous avez mon téléphone : nous regarderons ensemble ce qui se passe, avec nos équipes, avec nos cabinets. Je tenais à vous le dire pour éviter toute ambiguïté. Il y a, je l’ai dit, une étroite collaboration entre nos ministères, et je souhaite une étroite collaboration entre mon ministère et l’ensemble des acteurs économiques ultramarins.

Enfin, ce projet de loi de finances comporte d’autres dispositifs qui concernent les outre-mer. Je pense notamment au financement des collectivités territoriales. Celles-ci doivent contribuer au redressement des finances publiques. Le Gouvernement propose, à l’article 58, une évolution du calcul de la DGF allouée aux collectivités territoriales. Je vous invite à prendre connaissance de ces dispositions que nous avons construites afin de prendre en compte la spécificité des territoires ultramarins. Sur les 112 communes des DOM, 91 sont gagnantes, selon les estimations actuelles : globalement, elles devraient gagner 16,4 millions d’euros, ce qui fait une moyenne de 150 000 euros supplémentaires de DGF pour les communes concernées.

Cette réforme fait l’objet de débats nourris ; il serait à mon sens utile que chacun d’entre vous – députés de la nation, mais aussi représentants de vos territoires – se penche sur le détail des mesures proposées. Nous avons notamment cherché à tenir compte de la densité de la population, caractéristique qui m’a fortement impressionné lorsque je me suis déplacé par exemple en Guyane.

Voilà ce que je tenais à dire pour compléter les excellents propos de ma collègue.

M. Dominique Lefebvre, président. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

Mme Paola Zanetti. Madame la ministre, vous êtes parvenue, et nous ne pouvons que vous en féliciter, à obtenir que les crédits prévus pour la mission « Outre-mer » soient maintenus ; vous avez respecté le sérieux budgétaire en adoptant une ventilation un peu différente des crédits. Le maintien du niveau d’engagement financier de l’État est la preuve que les outre-mer, confrontés à des difficultés particulières, restent une priorité pour le Gouvernement.

En ce sens, l’accent mis sur les conditions de vie et la lutte contre la vie chère est fondamental. Les moyens du programme 123 sont significativement augmentés, ce qui permettra la mise en œuvre de politiques volontaires en matière de logement, d’éducation ou encore d’infrastructures. Il s’agit ici de permettre aux habitants des territoires ultramarins d’avoir la possibilité de vivre mieux.

Outre-mer peut-être plus qu’ailleurs compte tenu des chiffres du chômage, il est nécessaire de mettre en place une action déterminée pour encourager l’activité économique. Le programme 138 « Emploi outre-mer » met l’accent sur la compétitivité des entreprises, sur la qualification des salariés et sur la lutte contre l’exclusion, grâce notamment à un fort soutien apporté au service militaire adapté, qui permet aux jeunes en difficulté de prendre un nouveau départ en acquérant une vraie employabilité.

L’aide aux entreprises constitue un levier essentiel de la croissance et du soutien à l’emploi. Ces aides passent par des exonérations de cotisations patronales et par la montée en puissance du CICE.

Par ailleurs, la mobilisation des crédits en faveur de l’insertion professionnelle permettra une amélioration de la qualification des travailleurs.

J’aurais pu également évoquer les orientations fixées à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM).

Pour ces raisons, madame la ministre, et au-delà des questions que soulèveront mes collègues, le groupe socialiste, républicain et citoyen soutiendra ce budget.

M. Daniel Gibbes. J’ai l’impression de tenir, ce soir, des propos identiques à ceux que je tiens depuis 2012. Année après année en effet, j’accueille, comme sans doute de nombreux parlementaires réunis ici, les budgets consacrés à nos territoires ultramarins avec un sentiment partagé, entre dépit et soulagement.

Du soulagement d’abord, parce que pour l’année prochaine encore, le budget de la mission « Outre-mer » est préservé, alors même que nous traversons une période budgétaire particulièrement contrainte. Croyez bien, madame la ministre, que nous en avons tous conscience. Avec 2,018 milliards d’euros en crédits de paiement pour l’année 2016 – soit une augmentation inférieure à 1 % – le budget des outre-mer présente une relative stabilité par rapport aux années précédentes.

Comme l’an dernier, il apporte quelques réels motifs de satisfaction. J’aurai l’occasion de revenir plus dans le détail sur ces différents points lors de l’examen du texte en séance publique.

Mais ce soulagement, tout relatif, s’accompagne néanmoins du dépit de constater cette année encore combien votre budget manque cruellement d’ambition, ne serait-ce que dans ses fléchages. Plus globalement, la part allouée aux outre-mer dans le financement transversal ne permet aucunement à nos territoires de rattraper leurs injustes retards – dont la liste est longue – par rapport à l’hexagone.

Du dépit encore, en raison du flou autour de la fin annoncée des aides fiscales en faveur des investissements outre-mer. Ces aides répondent pourtant aux réalités ultramarines ; elles structurent et dynamisent nos économies en favorisant notamment la naissance de véritables filières et la valorisation de nos territoires. Afin de redonner une dynamique à nos économies locales en souffrance, et assurer ainsi la relance par l’investissement et la création d’emplois, il m’apparaît plus que nécessaire de proroger les aides fiscales en faveur des investissements outre-mer, comme l’a demandé entre autres M. le rapporteur spécial.

Je précise ici que j’ai bien entendu vos réponses, madame la ministre, ainsi que celles de M. le secrétaire d’État au budget : je suis donc rassuré sur l’avenir de la défiscalisation.

Du dépit sur d’autres aspects de votre budget : je m’interroge ainsi sur le recentrage des exonérations sur les bas et moyens salaires, et sa justification par la montée en puissance du CICE. Cette baisse des exonérations correspondrait à une volonté de coordination entre les exonérations issues de la LODEOM et celles du CICE dont le taux est majoré à 9 % pour les entreprises ultramarines à partir de 2016. Ce remaniement du dispositif expliquerait une baisse des crédits de plus de 70 millions d’euros.

Mais ce CICE à 9 % entrera-t-il en vigueur en janvier ou en avril 2016 ? Cela n’aurait évidemment pas les mêmes effets comptables sur les entreprises concernées.

S’agissant de l’application du CICE outre-mer, je souligne à nouveau la situation particulière des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Vous le savez Madame la Ministre, le CICE – renforcé ou pas ! – n’est à ce jour toujours pas applicable dans les collectivités publiques dotées de l’autonomie fiscale. L’an passé, autour de cette même table, pour justifier le choix de votre gouvernement de maintenir l’exclusion de ces collectivités de ce dispositif, vous n’aviez pas hésité à parler de « rançon de la responsabilisation ». Expression malheureuse : cette exclusion représente surtout un lourd préjudice pour les collectivités concernées, qui affichent pour la plupart des trésoreries exsangues, ce que vous n’ignorez pas, madame la ministre.

C’est le cas à Saint-Martin par exemple, où les entreprises, en crise, demeurent privées de cette opportunité de développement et se retrouvent dans une situation inextricable de double concurrence : celle de leur immédiat voisin néerlandais et celle des DOM voisins.

Je remercie à ce propos M. Aboubacar de ses remarques très justes sur la situation de Saint-Martin.

Je regrette donc ici, une nouvelle fois, qu’une loi nationale instaure une disposition discriminante à l’égard d’autres territoires français. Madame la ministre, pour compenser l’absence du CICE dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, allez-vous instaurer, en accord avec l’État, une politique contractuelle débouchant sur la mise en place de véritables schémas de développement économique ?

M. Philippe Gomes. Les crédits alloués à la mission « Outre-mer » augmentent très légèrement cette année. Le groupe UDI constate que les principales politiques menées en faveur des départements et collectivités ultramarins sont maintenues ; nous regrettons toutefois la légère diminution des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ». En revanche, nous saluons l’engagement en faveur du service militaire adapté, et notamment le projet SMA 6000 : ce dispositif de service public, placé sous l’égide de l’armée, accomplit un travail exceptionnel au profit des jeunes ultramarins.

Je souhaite appeler votre attention sur certains sujets qui ne sont pas à mon sens traités comme ils devraient l’être par ce budget.

S’agissant de la Polynésie française, la dotation globale d’autonomie est la principale ligne budgétaire dont le versement est certain. Or elle diminue encore cette année, ce qui est regrettable : la DGA ne doit pas constituer une variable d’ajustement ; le coup de rabot ne doit pas s’exercer sur cette dotation dont la Polynésie a plus que jamais besoin. L’an dernier, par voie d’amendement, le Gouvernement a supprimé l’indexation de la DGA sur la dotation globale de fonctionnement, pour la remplacer par l’inscription d’un montant ferme. Alors que nous réclamions déjà l’an dernier une hausse de la DGa, son montant passe cette année de 84 à 80 millions d’euros. Nous souhaitons que cette baisse soit annulée, et que les financements apportés par l’État à la Polynésie soient garantis.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, les crédits du programme Cadres Avenir avaient été sanctuarisés depuis la signature des accords de Matignon en 1988. Il s’agit là d’une opération majeure de rééquilibrage, au profit principalement des Kanaks, mais les autres jeunes Calédoniens y ont également accès : elle vise à augmenter le nombre de responsables d’administrations ou d’entreprises issus de toutes les couches sociales et de toutes les ethnies du pays. Or ces crédits auxquels on ne touchait que d’une main tremblante, se voient cette fois-ci rabotés de manière très significative : 5,917 millions d’euros au lieu de 6,217 millions l’an dernier. Je vous demande de bien vouloir rétablir ces crédits, conformément aux engagements pris il y a maintenant trois décennies.

S’agissant des contrats de développement, vous nous affirmez, madame la ministre, que les crédits nécessaires ont été inscrits. Que nenni ! Cela fait deux ans que ce n’est pas le cas. Or ces engagements pluriannuels pris par l’État à l’égard de l’ensemble des collectivités calédoniennes ne peuvent pas dépendre de considérations d’opportunité ; de plus, 2016 est la dernière année d’exécution de ces contrats ; elle a même été ajoutée par rapport au contrat initial, qui couvrait la période 2011-2015. Aujourd’hui, les collectivités attendent le vote de ce budget car certains de leurs projets devront être purement et simplement abandonnés si les financements nécessaires ne sont pas dégagés. D’autres projets ont été lancés et ne sont pas financés. Je demande que la parole de l’État soit respectée. Ces contrats, qui sont des engagements pluriannuels, ont été signés il y a cinq ans ; les crédits nécessaires doivent être intégralement inscrits.

S’agissant du lycée du Mont-Dore et de l’extension du lycée de Pouembout, madame la ministre – je m’adresse à vous, même si ce n’est pas la mission « Outre-mer » qui est concernée –, l’engagement pris a été tenu et les ouvertures sont prévues l’une à la rentrée 2017 et l’autre à la rentrée 2018.

S’agissant enfin de la défiscalisation, il était inenvisageable qu’elle soit seulement prolongée d’une seule année, jusqu’au 31 décembre 2018 : cela aurait ressemblé à la dernière cigarette du condamné avant la mise à mort… Je suis heureux des efforts accomplis pour repousser la deadline jusqu’au 31 décembre 2020, mais j’ai envie de vous dire : encore un effort, jeune homme ! C’est un peu court pour donner vraiment de la visibilité.

Je ne prendrai qu’un seul exemple : celui du Sheraton de Déva, inauguré en 2014 par le Président de la République lors de sa venue en Nouvelle-Calédonie. C’est un dossier à 100 millions d’euros, dont le permis de construire a été accordé en 2008 ! Il faut parfois, vous le voyez, du souffle pour de tels projets structurants puissent aboutir.

Je souhaiterais donc que l’échéance soit repoussée au-delà de 2020, à 2022 par exemple.

M. Stéphane Claireaux. Au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP), je salue le budget pour l’année 2016 de la mission « Outre-mer » qui démontre, comme chaque année sous cette législature, la place particulière qu’occupent les départements et les collectivités d’outre-mer aux yeux du Gouvernement. Les crédits de paiement de cette mission dépassent 2 milliards d’euros et progressent de 1 million d’euros par rapport au projet de loi de finances pour 2015. Cet effort concrétise l’attachement viscéral et la solidarité juste et nécessaire de l’État envers ces territoires.

Vous avez souhaité recentrer la politique d’exonérations sociales, mais cette décision suscite la controverse dans les outre-mer ; elle inquiète notamment les entreprises qui se sentent fragilisées. Cependant, les effets cumulés des différentes mesures de réduction du coût du travail et du renforcement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) au bénéfice des entreprises des départements d’outre-mer – principalement ciblé dans les secteurs du tourisme, de l’agroalimentaire, des technologies de l’information et de la communication (TIC), de l’environnement et des énergies renouvelables (ER) – devraient être de nature à les rassurer ; en effet, ce sont plus de 200 millions d’euros supplémentaires qui sont consacrés à la création d’emplois et à la croissance des entreprises.

Compte tenu de la compétence fiscale propre de Saint-Pierre-et-Miquelon, il est légitime que ce PLF maintienne en l’état le dispositif d’origine d’exonération de cotisations. Vous avez également su préserver l’ensemble des mesures, comme le Fonds exceptionnel d’investissement (FEI) et la ligne budgétaire unique (LBU), dont bénéficie l’archipel.

Nous étudions avec beaucoup d’intérêt le document de politique transversale de chaque département et collectivité d’outre-mer, qui nous a été remis il y a quelques jours, afin de connaître de manière plus détaillée la teneur du budget pour 2016. Le groupe RRDP aura l’occasion de discuter de tous les éléments de ce PLF à chaque étape de son examen, mais il se déclare d’ores et déjà favorable à son adoption.

Mme Huguette Bello. Statu quo pour le budget des outre-mer, ce qui le place à la charnière, entre les missions dont les crédits augmentent et celles qui perdent des ressources. Il est la première traduction du plan logement outre-mer qui doit s’étaler sur cinq ans. L’ampleur des besoins et la nécessité de lever les blocages s’avèrent fortes ; pour ce faire, le premier point du plan vise à libérer et à aménager le foncier. L’établissement public foncier de La Réunion joue pleinement son rôle en constituant des réserves foncières pour les logements à construire, mais l’aménagement des terrains reste difficile. Des solutions dérogatoires ont récemment été adoptées pour la Guyane et pour Mayotte, et les établissements y assurent à la fois la maîtrise foncière et l’aménagement. Cette possibilité, utilisée également en Île-de-France, pourrait-elle être étendue à d’autres régions d’outre-mer ?

Les familles ultramarines touchées par un décès survenu loin de chez elles bénéficieront d’une nouvelle aide, qui renforcera la continuité territoriale. Nous approuvons cette mesure qui contribuera à ne plus ajouter des difficultés financières à la douleur des deuils. Le choix des seuils de revenus donnera tout son sens à cette disposition. Pourrions-nous en savoir davantage dès à présent ?

Comment l’enveloppe budgétaire de 5 millions d’euros affectée à La Réunion sera-t-elle redéployée ? En effet, depuis que les Réunionnais ont été amenés à financer intégralement la continuité territoriale, ces crédits n’ont plus été consommés qu’à hauteur de 5 %. Plus généralement, c’est toute la question du désenclavement de La Réunion qui doit être abordée de front. La mobilité des Réunionnais et le développement des exportations interdisent de faire l’impasse sur cet aspect de plus en plus prégnant dans ces temps de mondialisation. Les études montrent clairement que La Réunion est la région ultrapériphérique la plus mal desservie. Du fait de l’accumulation des obstacles, nos productions doivent parcourir 40 000 kilomètres pour rejoindre le continent européen ! Et la situation n’est guère plus enviable lorsqu’il s’agit de se déplacer dans notre environnement géographique. Les exonérations de charges – qui représentent plus de 1 milliard d’euros, soit le premier poste de ce budget – ont été cette année la cible de toutes les critiques. La décision de recentrer ces exonérations sur les bas et les moyens salaires – à l’exception des secteurs exposés à la concurrence extérieure – n’est pas comprise, et la compensation de plus de 200 millions d’euros que vous avez annoncée ne se révèle guère plus audible. Les déclarations sur la baisse du coût du travail viennent rappeler une fois de plus la nécessité de parvenir à l’élaboration d’un dispositif d’aides et d’exonérations clair, lisible et durable : la création d’emplois est aussi à ce prix, madame la ministre !

La même logique de stabilité doit inspirer les mesures favorables à l’investissement ; alors que la collectivité régionale assure désormais la gestion du Fonds européen de développement économique régional (FEDER), pourquoi ne pas envisager de déconcentrer à La Réunion un service chargé d’instruire les dossiers de défiscalisation ?

Enfin, madame la ministre, pourriez-vous nous fournir des précisions sur la demande adressée par la France aux autorités européennes sur le versement d’une subvention supplémentaire destinée à faire face à la fin des quotas sucriers prévue en 2017 ?

M. Dominique Lefebvre, président. Nous en venons aux questions des orateurs inscrits.

Mme Ericka Bareigts. Madame la ministre, je salue ce PLF qui illustre votre engagement en faveur des outre-mer. Tous les acteurs du secteur du logement que nous avons rencontrés à La Réunion nous ont alertés sur la situation et ont insisté sur le rôle de blocage joué par Bercy. Les dispositifs actuels sont pertinents et nécessaires, mais les procédures sont trop lourdes ; il convient donc de les assouplir, afin que les aides deviennent toutes efficientes et que chacun puisse les comprendre. Nous redoutons de voir se multiplier de sérieuses difficultés en 2016, même si nous espérons qu’elles ne se produiront pas.

Madame la ministre, vous consentez un effort particulier pour la réhabilitation, et la déclinaison du plan logement outre-mer envoie un message fort aux territoires ultramarins. Nous créons un dispositif pour les programmes se situant dans les nouveaux périmètres tracés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), mais ces derniers ne pourront servir de référence avant quelques années. Les nouvelles aides ne pourront donc pas être distribuées immédiatement, si bien que je propose de déployer le nouveau dispositif en dehors du bâti social de l’ANRU jusqu’aux premiers travaux des nouveaux programmes. Il n’y aura ainsi pas d’année blanche pour la filière de la réhabilitation qui a besoin d’un soutien immédiat.

Mme Chantal Berthelot. L’exercice est convenu, mais je tiens à mon tour à saluer l’effort du Gouvernement en faveur de l’ensemble des territoires ultramarins, que traduit la stabilisation du budget pour l’année 2016 dans le contexte contraint des finances publiques.

Je vous félicite, madame la ministre, de l’application du service militaire adapté (SMA), qui favorise l’insertion de nos jeunes. Le maintien des dispositifs de soutien à l’investissement – contrats de plan État-régions, FEI, constructions scolaires en Guyane – doit également être salué. Comme Mme Huguette Bello, je me réjouis de la mesure prise en faveur des familles endeuillées et j’aimerais connaître les modalités et le calendrier de sa mise en œuvre.

Monsieur le ministre, vous avez pu vous-même vous rendre compte, lors de votre déplacement en Guyane, du niveau élevé des retards qu’accuse notre région en matière d’infrastructures de santé, d’énergie et de logement. Je salue l’augmentation de la LBU pour la Guyane, mais cette progression ne s’avère pas à la hauteur des attentes des professionnels et des élus, et ne permettra pas d’améliorer les conditions de vie des habitants. Je milite donc pour le déploiement d’une opération d’intérêt national (OIN) en Guyane afin de répondre aux besoins actuels et surtout d’accompagner la croissance démographique. Madame la ministre, confirmez-vous le lancement d’une telle OIN ? Quel en est le calendrier ?

M. Patrice Martin-Lalande. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation concurrentielle proprement dramatique que subissent les professionnels du tourisme dans les outre-mer et en particulier aux Antilles. Elle ne connaît pas d’équivalent dans les autres territoires français et mêmes européens, ces régions étant entourées de zones touristiques bénéficiant de coûts de travail parfois dix fois plus faibles et de coûts de transports aériens très inférieurs. Pour mémoire, la masse salariale consacrée à un emploi touristique en Martinique équivaut dès la fin du mois de février à celle d’un emploi annuel à Sainte-Lucie située à quelques dizaines de kilomètres !

Nos territoires d’outre-mer ne peuvent s’en sortir qu’en compensant ces conditions défavorables de concurrence par un dispositif spécifique de CICE centré sur le tourisme. Avec quinze collègues, j’ai donc déposé cette année encore un amendement visant à porter le taux du CICE à 18 % et à le cibler sur les hôtels, les résidences de tourisme, les villages de vacances classés, les restaurants, les cafés et les débits de boisson exerçant leur activité dans les départements d’outre-mer. Cette mesure est conforme à l’esprit du rapport présenté par nos collègues MM. Jean-Claude Fruteau et Daniel Gibbes sur la déclinaison en outre-mer du pacte de responsabilité et de solidarité.

Il nous semble que le renforcement ciblé du CICE ne saurait être qualifié de soutien public illégal à un secteur déterminé par la Commission européenne, puisqu’il concernerait des régions ultrapériphériques, dont l’Union européenne reconnaît explicitement les spécificités, au premier rang desquelles figure l’éloignement, qui prémunit du risque de fausser la concurrence au sein du marché européen. La seule concurrence faussée est celle que subissent actuellement les outre-mer. Refuser de compenser ce profond déséquilibre revient à accepter de voir disparaître les activités et les emplois touristiques, sources irremplaçables de croissance dans ces régions.

M. Patrick Lebreton. Madame la ministre, votre projet de budget préserve l’essentiel, puisque les crédits de paiement bénéficient d’une très légère augmentation. Cela est positif, mais de nouveaux engagements comme le financement du régime de solidarité territoriale de Polynésie d’un montant de 12 millions d’euros imposent des baisses de dotations à des lignes budgétaires traditionnelles. Nous comprenons le signal de solidarité, mais nous nous interrogeons sur l’opportunité de faire porter l’effort sur la mission « Outre-mer », qui concerne des territoires sinistrés économiquement et socialement, plutôt que sur d’autres autrement mieux loties.

Les nouvelles charges pèsent notamment sur le secteur du logement, dont les crédits de paiement diminuent de 10 %, chiffre élevé et surprenant, puisque vous avez lancé il y a quelques mois un plan très ambitieux visant à produire près de 10 000 logements sociaux chaque année. Madame la ministre, le décalage entre les annonces et la réalité budgétaire s’avère difficilement compréhensible. Votre plan a suscité l’espoir chez les demandeurs de logements, les opérateurs du bâtiment et des travaux publics (BTP) et les ouvriers, mais ce PLF envoie un signal contraire, ce que nous regrettons. Madame la ministre, le plan logement outre-mer est-il toujours d’actualité ?

Je tiens à mettre en lumière vos choix en matière de continuité territoriale, les crédits de cette politique augmentant de 41,1 à 43,2 millions d’euros. Après la courageuse rationalisation que vous avez effectuée l’an passé suite au gaspillage organisé par la région de La Réunion, cette hausse représente un choix déterminant. Assurer la continuité territoriale est indispensable, notamment pour notre jeunesse et les populations les plus fragiles, car elle constitue un facteur d’ouverture et d’insertion, ainsi qu’un formidable outil d’émancipation dont bénéficient tous les habitants des outre-mer. Nous devons continuer dans cette voie, et votre projet d’élargir le champ de la politique de continuité territoriale au rapatriement des ultramarins décédés dans l’hexagone représente une grande avancée sociale qui marquera votre passage à ce ministère.

Monsieur le ministre, nous sommes beaucoup à penser que c’est bien Bercy qui bloque l’extension de la période de défiscalisation en outre-mer et nous sommes déçus de la proposition consistant à ne proroger ce système que pour un temps limité.

M. Jean Jacques Vlody. Comme l’ensemble de mes collègues, je me félicite du maintien du niveau des crédits de la mission « Outre-mer », et vous remercie de la mesure prise en faveur de la continuité territoriale pour les familles ultramarines touchées par un décès.

Madame la ministre, je tiens à vous alerter de la fin de certains dispositifs prévue par la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) de mars 2009. Notre économie et nos entreprises ont besoin d’un cadre stable, même si l’on peut discuter de sa durée. C’est une condition sine qua non.

Ceux qui veulent remettre en cause la défiscalisation, je le dis, ne connaissent pas la situation des entreprises ultramarines et, en particulier, celles de La Réunion. Il est vrai que certains aspects doivent être corrigés, certains dispositifs amendés, certaines procédures vérifiées et corrigées ; mais vous avez concentré votre intervention, monsieur le ministre, sur un exemple de dysfonctionnement alors que ce système réussit dans une grande majorité de cas ! Remplacer la défiscalisation par une réduction d’impôt tuerait l’investissement dans les économies d’outre-mer. Je m’opposerai à une telle orientation et soutiendrai tous les amendements qui proposeront de maintenir la défiscalisation jusqu’en 2022 ou en 2025. Nous ne pouvons pas laisser les entreprises réunionnaises et ultramarines dans une incertitude aussi grave. La défiscalisation en outre-mer ne sert pas aux personnes qui ne savent pas quoi faire de leur argent, mais aide les petites entreprises à investir. La réduction fiscale permet, au contraire, à des contribuables riches de payer moins d’impôt une fois l’investissement réalisé : la logique est bien différente !

Mme Maina Sage. La stabilité du budget et le retour de l’État dans le financement du régime de solidarité territoriale (RST) en Polynésie – il avait quitté le dispositif en 2007 – constituent des points positifs.

Nous sommes prêts à contribuer à l’effort national en matière d’assainissement des finances publiques et à discuter de l’aménagement de certains mécanismes, mais la dotation globale d’autonomie (DGA) jouit d’une valeur symbolique à nos yeux, monsieur le ministre. Elle constitue en effet le socle d’un partenariat fort entre l’État et la Polynésie, destiné à assurer la reconversion de notre territoire après la fin des essais nucléaires. Ce sujet nous touche profondément, et j’aimerais que vous puissiez le comprendre.

Des perspectives de redressement intéressantes s’ouvrent pour l’économie de notre territoire, mais elles dépendent de la confiance. Celle-ci est rétablie avec l’État, comme l’illustre la consolidation du contrat de projet et des instruments financiers. Mais aux côtés des communes, il y a un troisième partenaire, essentiel : les entreprises locales, qui réalisent un tiers du PIB polynésien, et la défiscalisation constitue un levier et un outil formidable pour leur développement. Monsieur le ministre, il serait bon que vous insistiez sur les nombreux exemples de cas vertueux et que l’on arrête de stigmatiser cet instrument. Nos entreprises ont besoin de visibilité, et si une période de cinq ans peut paraître suffisante en métropole, ce n’est pas le cas outre-mer. Prolonger le dispositif jusqu’en 2025 ne serait pas un luxe et constituerait un signal fort de l’État pour nos territoires et nos entreprises.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Un excellent rapport de la délégation aux outre-mer préconise des mesures intéressantes à l’occasion de la COP21, mais qui resteront vaines sans accompagnement financier. Je suis ainsi surprise que les outre-mer ne puissent pas bénéficier du Fonds vert pour le climat. Madame la ministre, comment pourrions-nous pallier financièrement cette défaillance et aider ces territoires qui abritent l’intégralité du corail français et une partie de la forêt amazonienne, si indispensables pour la survie de la planète ?

Mme Monique Rabin. La présence de nombreux parlementaires à la séance de ce soir témoigne de l’intérêt porté par la Nation aux outre-mer. Les terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ne sont pas habitées, mais elles participent au rayonnement de la France grâce à la présence de militaires et de scientifiques. Le budget consacré à ce territoire est extrêmement faible et repose sur des recettes propres constituées de la taxe de mouillage, des droits de pêche et singulièrement de la philatélie. Au moment de la 21e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), il importe de réaffirmer notre volonté de préserver ces terres et de se méfier de l’exploitation minière, même si celle-ci permettait de dégager de nouvelles ressources.

Certains jeunes réalisent un service civique dans les TAAF, et le financement de cet engagement peut, outre la philatélie, s’appuyer sur la marcophilie. Les chercheurs et les militaires renforcent leur sentiment d’appartenance par la vente de produits dérivés ; la philatélie représente 7 % du budget, et ces ressources propres et singulières sont intéressantes à étudier. Cela vaut le coup de parler des jeunes, de l’environnement et des terres australes qui participent du rayonnement de la France !

M. Alfred Marie-Jeanne. Depuis quelques jours, les médias se font l’écho d’une arnaque à la défiscalisation outre-mer relative à un projet d’installation de panneaux solaires, qui aurait causé pas moins de 4 000 victimes en Martinique. Les autorités judiciaires, saisies, auront à se prononcer sur cette escroquerie portant sur 56 millions d’euros et sur d’autres affaires concernant peut-être le même individu. À ce jour, seuls 8,6 millions d’euros ont été dépensés pour l’achat et l’installation de panneaux solaires ; cinquante toitures ont été équipées, aucune d’entre elles n’étant raccordée au réseau électrique. Les investissements devaient théoriquement porter sur 2 775 installations… Avouez qu’on est très loin du compte ! Sans vouloir discréditer la défiscalisation, utile au développement des énergies renouvelables par exemple, je souhaite soulever la question des moyens de contrôle du ministère des finances et des comptes publics, et des éventuelles complicités. En ces temps de corruption généralisée, comment le Gouvernement pense-t-il prévenir la répétition de situations si dommageables ?

M. Boinali Said. Les crédits alloués à la mission « Outre-mer » et la mobilisation d’outils comme la LBU, le FEI et les aides financières aux collectivités locales caractérisent la volonté du Gouvernement de prendre en compte la situation de l’emploi, de la formation, de la mobilité des jeunes et de l’amélioration des conditions de vie.

Les exonérations de charges et les défiscalisations constituent des dispositifs moteurs pour le développement de nos territoires, mais les efforts consentis et répétés de l’État ne parviennent pas à mettre fin à la cherté de la vie. Par ailleurs, le phénomène de l’insécurité devient de plus en plus prégnant à Mayotte. Ces deux problèmes posent la question du fonctionnement du système de coordination et d’articulation de nos politiques publiques, et de l’ingénierie des relations entre l’État, les collectivités locales, les entreprises et les associations, l’objectif étant d’insuffler une dynamique d’ensemble et de promouvoir le développement et l’aménagement du territoire. Sans doute aurions-nous intérêt à réfléchir à la mise en place d’un comité de suivi ou d’une programmation permettant de tirer davantage de bénéfices des dispositifs de solidarité existants, qui souffrent de ne pas être suffisamment connus, accompagnés et suivis du fait d’un manque de coordination.

M. Napole Polutélé. Madame la ministre, je vous remercie d’être venue nous voir à Wallis-et-Futuna, dernier territoire de la République à recevoir votre visite. Votre séjour a été bien court, mais la population locale a manifesté, à travers votre personne, son grand attachement à la France, mais également ses grandes attentes vis-à-vis d’elle.

Le contrat de développement constitue l’unique levier d’investissement à Wallis-et-Futuna ; il a été signé en 2012 pour une période allant jusqu’en 2016 et prorogé d’un an en avril dernier. Doté d’un budget de 49 millions d’euros pour cinq ans, il aurait dû assurer à Wallis-et-Futuna une enveloppe annuelle de 7 millions d’euros en moyenne. Or, depuis 2012, notre archipel n’a jamais reçu plus de 5 millions d’euros. Comme vous avez pu le constater vous-même, madame la ministre, les chantiers sont nombreux et importants pour le développement de ce territoire. Ainsi, l’île de Futuna reste le seul endroit de France privé d’eau potable… Cette situation est inacceptable. Ce PLF limite une nouvelle fois la dotation du contrat de développement à 5 millions d’euros pour Wallis-et-Futuna. En l’état, il n’existe donc pas d’engagement significatif pour les priorités de nos îles. Madame la ministre, pourriez-vous réviser cette répartition, afin de montrer l’intérêt que porte la République à ce territoire ?

Enfin, à la suite des propos de M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis, pourriez-vous, madame la ministre, rassurer mon collègue de Nouvelle-Calédonie sur la dette de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna ?

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Je tiens également à saluer l’effort du Gouvernement de stabilisation des crédits de la mission budgétaire en faveur des outre-mer. Les territoires ultramarins représentent une chance pour le pays, et il importe d’accompagner leur développement économique et social.

Madame la ministre, vous avez évoqué la portée de la question maritime, et, dans cette optique, le périmètre du plateau continental s’avère fondamental pour que la croissance bleue prenne son essor. Le mois dernier, ont été publiés les quatre premiers décrets consolidant et étendant les droits souverains ou de juridiction de la France sur le plateau continental. La superficie couverte par ces actes réglementaires s’élève à 500 000 kilomètres carrés, soit une taille presque égale à celle de la France métropolitaine. Nous attendons toujours des avis pour l’archipel des Crozet, La Réunion, les îles Saint-Paul, Amsterdam, Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon, et une demande reste à déposer pour la Polynésie. S’agissant de l’île de Clipperton, le cabinet de M. François Fillon, alors Premier ministre, avait malheureusement choisi de ne pas déposer de dossier. Connaissez-vous, madame la ministre, les dates de publication des réponses ?

Par ailleurs, en première lecture du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, l’Assemblée nationale a adopté, dans un large consensus, un amendement de plusieurs de nos collègues relatifs aux centres d’intérêts matériels et moraux (CIMM), qui régissent la mobilité des fonctionnaires d’État dans les outre-mer. Madame la ministre, comment et selon quel calendrier ces nouvelles dispositions pourront-elles trouver une traduction concrète sur le terrain, une fois le projet de loi définitivement adopté ?

M. Christophe Premat. Je me félicite de l’augmentation des crédits budgétaires dédiés au développement économique et social des outre-mer. En juin dernier, une mission d’information a été confiée à notre collègue M. Victorin Lurel sur l’égalité entre les territoires d’outre-mer et la métropole, dont les conclusions sont attendues cet automne. Cette question, passionnante et centrale pour l’avenir, pourrait faire l’objet d’un effort budgétaire pluriannuel. Madame la ministre, vous êtes-vous inspirée des étapes préliminaires de ce rapport, dont les recommandations pourraient être reprises dans une loi-cadre ?

M. Patrick Ollier, rapporteur spécial. J’ai indiqué tout à l’heure que je donnais un avis négatif à l’adoption des crédits de la mission, mais, après avoir entendu les propos des ministres, je souhaite préciser que j’apprécie beaucoup l’intégration des opérations de rénovation des logements anciens. Je suis également satisfait qu’il n’y ait pas d’année blanche pour la Nouvelle-Calédonie et que des efforts soient consentis en faveur de l’hôtellerie, même s’il conviendrait d’aller plus loin en adoptant l’amendement déposé par M. Patrice Martin-Lalande.

La distinction entre les collectivités disposant d’une autonomie fiscale et celles soumises au droit commun est juridiquement tout à fait fondée, et j’approuve d’autant plus le mouvement de déconcentration de l’étude des dossiers fiscaux que je l’appelle de mes vœux depuis plusieurs années. Je souhaiterais que vous précisiez, madame et monsieur les ministres, si c’est bien le mécanisme de défiscalisation en dessous du seuil d’agrément qui est maintenu jusqu’en 2020.

La défiscalisation n’est pas simplement un effet d’aubaine, mais bien un instrument d’aménagement du territoire et de création de richesses et d’emplois. On ne peut pas substituer à ces efforts la ligne budgétaire unique. Il nous faut donc pérenniser le système ; je souhaite qu’on le proroge jusqu’en 2025, afin d’assurer la lisibilité du cadre fiscal. Des questions de droit de l’Union européenne se posent en effet, mais il vous revient, madame la ministre, de permettre à ce mécanisme de durer encore dix ans. J’ai le sentiment d’avoir été partiellement entendu sur ce sujet, et comme je suis un homme honnête, j’apprécie les efforts réalisés et suis prêt à revoir mon jugement sur le vote des crédits de la mission. Madame la ministre, pourriez-vous soutenir l’adoption de mon amendement prorogeant ce dispositif jusqu’en 2025 ? En cas de réponse positive, j’émettrai un avis favorable à l’adoption de ce budget.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il s’agit d’un bon budget, et j’apprécie ce qu’a dit le président Ollier à ce sujet. J’approuve totalement les mesures qui sont prises en matière de défiscalisation ; elles s’inscrivent logiquement, du reste, dans le cadre de la réforme que nous avons engagée dans le projet de loi de finances pour 2014. La prorogation du dispositif jusqu’à 2020 – voire 2022 : vous en déciderez – est une très bonne disposition, qui favorise la stabilité et offre de la visibilité aux entreprises. J’appelle cependant votre attention sur la nécessité de travailler au préfinancement du crédit d’impôt par Bpifrance, car de son efficacité dépendra la réussite de la réforme. Il conviendra donc de prendre les mesures qui s’imposent.

Je vous félicite de parvenir à préserver et à améliorer les choses dans un contexte financier contraint, mais il me semble que le budget peut encore être amélioré sur un point. En effet, le président de l’intergroupe parlementaire des outre-mer estime nécessaire – et je pense qu’il n’a pas tort – de parfaire le dispositif de la DGF, car les inégalités persistent, voire s’aggravent, entre communes pauvres et riches et entre les communes d’outre-mer et les communes les plus pauvres de métropole. Cette question entre, du reste, dans le périmètre de la mission qui m’a été confiée. C’est pourquoi, si vous le voulez bien, je vous rencontrerai pour faire un point d’étape lorsque se tiendra le prochain Congrès des maires.

Enfin, je veux dire un mot du logement. Là-bas, quand le logement va, tout va. Or, actuellement, en Guadeloupe, 1 453 logements sont bloqués ou en attente de leur agrément. Si celui-ci n’est pas délivré, la Société immobilière de Guadeloupe (SIG) perdra au moins 12 millions d’euros. Une seule personne est en charge de ce dossier au sein de la DRFIP ! Il me semble donc nécessaire de faire quelque effort dans ce domaine. L’engagement avait été pris de régler le problème en réunion interministérielle d’ici à la fin du mois. Cela me paraît possible ; en tout cas, nous attendons cette solution avec impatience.

En conclusion, je ne sais pas si je pourrai être présent lors de l’examen de ce budget en séance publique, mais je le soutiens totalement.

Mme la ministre des outre-mer. Mesdames, messieurs les députés, je veux tout d’abord tous vous remercier pour vos contributions positives à notre discussion. Je vais tenter, en dépit de l’heure tardive, de vous apporter quelques précisions sur le travail en cours et de répondre à vos interrogations.

Je ne reviens pas sur ce qu’a dit Christian Eckert ; chacun a un point de vue à défendre. L’important est que nous parvenions à trouver des solutions d’avenir. Dans le domaine du logement, par exemple, nous examinons chaque dossier en nous efforçant d’analyser les difficultés, les erreurs, les lacunes éventuelles, de manière à débloquer, cette année, le plus grand nombre possible de logements. Nous sommes conscients de la nécessité de respecter les règles, bien entendu, et de ne pas créer d’effets d’aubaine. Mais, compte tenu des besoins de logement dans les outre-mer et de l’importance du secteur des BTP pour l’économie de ces territoires, il nous faut résoudre au maximum les difficultés rencontrées tout en répondant aux attentes exprimées par les services de Bercy. Les dossiers doivent donc être le plus solides possible, précisément pour éviter certaines situations inadmissibles ou des anomalies telles que celles qu’a évoquées M. Marie-Jeanne. À ce propos, nous devons être très attentifs à ce que les quelques personnes qui ont utilisé la défiscalisation à mauvais escient ne ruinent pas l’image d’un dispositif qui a grandement contribué à la modernisation des outre-mer et qui, dans la mesure où il fait appel à l’épargne des Français, a permis à ces territoires de s’équiper en limitant les dépenses budgétaires. La défiscalisation est un outil utile pour parvenir à cette égalité réelle à laquelle nous tenons.

Madame Zanetti, je vous remercie pour votre soutien. Vous avez raison de souligner que nous avons essayé d’agir pour le développement des territoires. J’espère que les choix que nous avons faits pour préserver l’activité seront compris.

Monsieur Gibbes, j’ai entendu vos états d’âme mitigés… Pour ce qui est des aides fiscales, nos réponses ont dû apaiser vos inquiétudes. Vous avez déploré ensuite, à propos de la Nouvelle-Calédonie, l’existence d’une discrimination entre les territoires. Je ne suis pas entièrement d’accord avec vous sur ce point. La lutte contre les discriminations est un sujet très important et qui me tient à cœur. Mais lorsque les situations juridiques sont différentes, on ne peut pas dire qu’y appliquer des mesures différentes soit constitutif d’une discrimination. En l’espèce, le régime de défiscalisation ne peut pas être le même dans les territoires qui bénéficient d’une autonomie fiscale et dans ceux qui sont soumis au droit commun. Le terme de discrimination devrait être réservé aux différences de traitement fondées sur des motifs illégitimes, tels que l’origine, la race ou l’orientation sexuelle ; dans le cas de situations juridiquement différentes, il ne me paraît pas tout à fait approprié. Par ailleurs, je vous confirme, et j’espère que cela vous agréera, que le CICE entrera bien en vigueur en janvier 2016.

Monsieur Gomes, vous avez tenu un discours très énergique. Le travail réalisé par le SMA mérite en effet d’être salué. Nous avons d’ailleurs pris des dispositions pour qu’un certain pourcentage de Wallisiens puisse bénéficier de ce dispositif. Lorsque je me suis rendue récemment en Nouvelle-Calédonie, j’ai pu visiter le bureau de recrutement du SMA à Nouméa ; je me félicite que celui-ci se rapproche des publics auxquels il s’adresse.

En ce qui concerne la Polynésie, il est vrai que, facialement, le montant de la dotation globale d’autonomie a été abaissé de 84 millions à 80 millions. Mais, lors des discussions que nous avons eues avec eux, les élus de Polynésie se sont déclarés favorables à ce que cette économie soit réalisée sur le contrat de développement plutôt que sur la DGA, dont Mme Sage a très justement rappelé la dimension symbolique. Si nous sommes d’accord sur le principe d’un tel transfert, celui-ci soulève une difficulté juridique que nous devons régler, avec Christian Eckert, au cours de la discussion budgétaire.

S’agissant des crédits de Cadre-Avenir, je partage votre point de vue : le rattrapage qui avait été décidé est symboliquement très important. Néanmoins, la Nouvelle-Calédonie, qui, à ce jour, fait partie de la nation, doit elle aussi contribuer à la solidarité nationale. Pour l’instant, un effort est demandé, mais nous parviendrons sans doute à trouver avec vous une solution qui permettra la poursuite de cette très belle opération qu’est Cadre-Avenir.

En ce qui concerne les contrats de développement de la Nouvelle-Calédonie, une ouverture de crédits est bien prévue à hauteur de 60 millions d’euros en 2016.

Enfin, j’ai bien compris que vous souhaitiez que l’actuel dispositif de défiscalisation soit prolongé le plus tard possible : 2025, avez-vous proposé, le président Ollier évoquant quant à lui 2022. Pourquoi pas ? Mais je vous propose que nous en reparlions en 2019 – nous serons toujours au Gouvernement. (Sourires.) Je rappelle que la loi de Mme Girardin comportait un dispositif qui devait s’appliquer pendant quinze ans et qui a été modifié au bout de trois ans… Ne soyons donc pas trop ambitieux ! Travaillons sur une durée raisonnable ; pour la suite, la providence nous guidera…

M. Claireaux a évoqué le recentrage de la politique d’exonérations sociales. Cette mesure a bien pour objectif d’aider de manière significative les secteurs exposés à la concurrence – dont fait partie l’hôtellerie, monsieur Gibbes.

À ce propos, je vous ai trouvée un peu sévère sur ce point, madame Bello. Je m’attendais, certes, à ce que l’on nous reproche d’avoir recentré ces exonérations sur les salaires modestes ou moyens, mais je ne croyais pas que ces critiques viendraient de vos bancs.

Vous souhaitez, par ailleurs, que le dispositif que nous avons mis sur pied pour Mayotte et la Guyane afin de libérer et d’aménager le foncier soit étendu à La Réunion ; nous étudierons cette question.

Je précise qu’en matière de continuité territoriale, il n’y a pas d’enveloppe affectée par territoire. Il est vrai que, cette année, à La Réunion, la consommation des crédits a diminué, la région ayant mis en œuvre un dispositif plus avantageux et les nouveaux critères de durée ayant empêché certaines personnes de représenter un dossier. Mais les choses devraient se régulariser au cours des prochaines années. J’ajoute, à toutes fins utiles, qu’Air Austral va acquérir deux avions, ce qui améliorera la desserte de l’île.

Enfin, je vous confirme que l’engagement du Président de la République de soutenir la filière canne est maintenu. Ainsi nous avons publié cette semaine l’arrêté destiné à réajuster le prix de la bagasse. Toutefois, nous avions besoin d’éléments pour discuter avec Bruxelles. Là encore, nous respectons parfaitement les délais, puisque les quotas sucriers s’appliqueront jusqu’en 2017. Nous avons donc le temps de régler la question avec Bruxelles pour que ces 38 millions puissent être mobilisés.

Madame Berthelot, le nouveau dispositif assurant la continuité territoriale dans le domaine funéraire, que vous avez salué, sera opérationnel, je l’espère, au 1er janvier prochain. S’agissant des retards en matière d’infrastructures, le pacte d’avenir pour la Guyane, qui est en cours de finalisation, traduira les efforts réalisés en faveur de ce territoire. Quant à l’Opération d’intérêt national (OIN), elle sera prête à l’été 2016 et effective début 2017.

Monsieur Martin-Lalande, les mesures que nous avons annoncées sont de nature à répondre à votre préoccupation concernant la situation du tourisme. En outre, nous allons obtenir une évolution du Règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) qui sera susceptible de faciliter le versement d’aides à ce secteur très important pour les outre-mer. Mais en ce qui concerne plus particulièrement la Caraïbe, l’urgence commandait d’élaborer un plan efficace de lutte contre les sargasses, afin que nos plages antillaises soient belles et propres pour accueillir les touristes. J’ai d’ailleurs pu constater sur place que l’État et les collectivités se mobilisaient pour faire en sorte que la lutte contre ce phénomène soit menée résolument par tous.

Madame Bareigts, vous souhaitez une nouvelle extension du crédit d’impôt pour la réhabilitation des logements sociaux. Mais nous avons déjà décidé d’améliorer le dispositif pour les immeubles situés dans les secteurs prioritaires de la politique de la ville qui, au demeurant, sont nombreux outre-mer, notamment à Saint-Denis-de-la-Réunion. En outre, même si ce dispositif ne concerne pas la réhabilitation de logements sociaux, je rappelle que les petites communes qui ne relèvent pas de la politique de la ville mais qui ont besoin de réhabiliter leur centre bourg peuvent bénéficier d’aides spécifiques. J’ajoute que le versement des aides à la réhabilitation n’est pas du tout renvoyé aux calendes grecques ; nous disposons d’ores et déjà d’indications concernant le zonage, de sorte que ces aides pourront être effectives dès cette année.

Par ailleurs, nous avons décidé, avec Christian Eckert, de réunir un groupe de travail chargé de réfléchir à la manière dont nous pourrions améliorer la consommation de la LBU. Nous avons également prévu de supprimer l’obligation de financer par la LBU, à hauteur de 5 %, les opérations en Prêt locatif social (PLS), car cela créait des complexités et consommait des crédits d’une manière qui ne nous semblait pas utile. Un certain nombre de dossiers déposés en 2015 sont en cours de traitement. J’espère que nous parviendrons ainsi à sauver cette priorité importante qu’est le logement.

Je remercie M. Lebreton pour sa remarque sur la continuité territoriale. Il s’est dit déçu des mesures concernant la défiscalisation, mais je pense que nos dernières annonces ont atténué sa déception. Il a également regretté que le financement du Régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) impose d’autres baisses de crédits, mais il me semble normal de répondre à cette demande de nos amis polynésiens. Par ailleurs, je précise qu’il n’y a pas de décalage entre le plan « Logement » et la réalité budgétaire, puisque les autorisations d’engagement s’élèvent à 247 millions d’euros. J’ajoute, à ce propos, que ce plan a également pour objectif de développer des synergies entre les acteurs du logement, synergies qui peuvent contribuer tout autant qu’une augmentation de la LBU à l’amélioration de la production de logements. J’en profite du reste pour remercier le député qui nous a aidés à sauver la SIGUY car, ce faisant, nous avons mené une action importante en faveur du logement social en Guyane.

Nos dernières annonces concernant la défiscalisation conduiront certainement M. Vlody à modifier son appréciation. Je rappelle en outre que, dans l’évolution que nous proposons, les petites entreprises ne seront pas affectées par la mise en œuvre du crédit d’impôt. Cela étant, si l’expérience devait montrer que des mises au point s’avèrent nécessaires, nous aurons deux ans pour ajuster le dispositif.

Madame Sage, comme je l’ai indiqué, nous sommes d’accord pour maintenir le montant de la dotation globale d’autonomie à 84 millions d’euros, mais nous devons trouver la solution juridique adaptée. En ce qui concerne le sous-plafonnement des dotations affectées à la Polynésie française, nous avons demandé un petit effort, qui me paraît tout à fait acceptable.

Je vous remercie, madame Chapdelaine, pour votre investissement en faveur des communautés amérindiennes de Guyane dans le cadre de la difficile mission parlementaire qui vous a été confiée. Nous vous avons en effet demandé de réfléchir à des mesures qui permettraient de remédier au mal-être de ces populations, en particulier des jeunes, dont le taux de suicide est élevé – nous avons d’ailleurs à déplorer un nouveau décès aujourd’hui. Je serai très attentive à vos préconisations, car il est navrant qu’en dépit de tous les efforts qui sont faits, on ne parvienne pas à aider ces jeunes.

Quant à la COP21, elle représente une opportunité formidable pour la France, notamment pour les collectivités d’outre-mer. Nous ferons donc au mieux pour valoriser le patrimoine des outre-mer et accompagner les territoires dans leur action en faveur de la préservation de la biodiversité et du développement des énergies renouvelables. Les outre-mer innovent beaucoup dans ce domaine – je pense, par exemple, à la climatisation en eaux profondes –, et ces solutions inventives pourraient être adoptées par les pays avoisinants. Plusieurs réunions promettent d’être fort intéressantes à cet égard, en particulier le sommet France-Océanie, qui se tiendra le 26 novembre. Je précise par ailleurs que le fonds vert est destiné à accompagner des pays en développement : je doute qu’ils apprécient de le voir utilisé pour nos territoires d’outre-mer… En tout état de cause, sachez que l’État a bien l’intention d’aider ces derniers à prendre le virage des énergies renouvelables.

Je me réjouis que Mme Rabin ait évoqué la situation des TAAF, dont on parle trop peu alors qu’ils jouent un rôle important dans le domaine de l’observation scientifique, notamment en matière climatique. Nous avons pu obtenir une dotation supplémentaire pour le renouvellement des équipements de navigation, en particulier pour les travaux de jouvence du Marion-Dufresne. Mme Rabin a également souligné, à juste titre, l’importance des petites îles éparses qui relèvent de la souveraineté française. Je me permets, à ce propos, de vous signaler la très belle exposition, organisée à Nantes, consacrée à l’île Tromelin, sur laquelle des esclaves arrachés à Madagascar avaient fait naufrage. Elle nous apprend beaucoup sur le génie humain, puisque ces personnes ont survécu quinze ans durant dans un environnement inhospitalier, et sur les préjugés de l’époque, car un tri avait été effectué entre les naufragés au moment de l’embarquement sur le bateau venu les sauver… Je dois, du reste, me rendre à Tromelin, afin de rappeler qu’il s’agit d’un territoire français, même s’il est peu habité.

M. Marie-Jeanne a évoqué un scandale concernant le photovoltaïque. Quand des abus existent, la justice doit s’en saisir. N’oublions pas, au demeurant, l’évolution qu’a connue la prise en charge du photovoltaïque : la filière a été, dans un premier temps, beaucoup aidée sous un Gouvernement très « écolo », puis ces aides ont été supprimées… Il nous faut également éviter ce genre de tête-à-queue si nous voulons que les investissements soient correctement réalisés.

M. Said nous a rappelé les problèmes spécifiques de Mayotte, notamment la cherté de la vie et l’insécurité. Nous suivons ces questions de très près. La situation dans l’île est telle – un nombre considérable de jeunes sont totalement livrés à eux-mêmes, voire abandonnés – qu’il faut à la fois assurer le maintien de l’ordre – les services de police et de gendarmerie sont à pied d’œuvre – et organiser une action sociale digne de ce nom, en particulier la protection de l’enfance, encore balbutiante dans ce département. Ces jeunes doivent être encadrés et les familles aidées. Mais je sais que la nouvelle équipe en place est prête à faire des efforts dans ce domaine, avec l’aide de l’État.

Mon séjour à Wallis-et-Futuna fut très bref, mais particulièrement chaleureux, et je remercie les Wallisiens pour la qualité de l’accueil qu’ils m’ont réservé. Ces îles éloignées de la métropole doivent avoir accès à des équipements corrects. C’est pourquoi nous avançons sur la téléphonie mobile. À Futuna, j’ai visité le quai qui est en cours de rénovation et j’ai pu mesurer les difficultés d’accès à l’eau potable. J’espère que nous pourrons améliorer significativement la situation dans le cadre du contrat de développement. En tout cas, je suis très attentive à ce qui est entrepris pour que le droit à l’eau potable et à l’assainissement soit effectif. Il est en effet inacceptable qu’aujourd’hui, des populations n’y aient pas accès. En Guadeloupe, des personnes sont également privées d’eau, mais pour d’autres raisons, et des progrès significatifs ont été réalisés dans ce domaine.

En ce qui concerne la dette de l’agence de santé, nous avons tenu nos engagements. Des fonds sont actuellement versés pour rembourser la dette contractée vis-à-vis de la Nouvelle Calédonie, et un prêt de l’AFD permettra son remboursement progressif. Nous sommes satisfaits d’avoir trouvé une solution de nature à apaiser les relations entre Wallis-et-Futuna et les institutions de Nouvelle-Calédonie.

Madame Descamps-Crosnier, vous avez rappelé que la France avait, récemment, singulièrement agrandi son espace maritime. Il est dommage que cette information soit passée relativement inaperçue, car elle permettrait à nos concitoyens de comprendre combien les territoires des outre-mer contribuent au rayonnement de notre pays. Quant à Clipperton, dont on parle également trop rarement – peu de nos concitoyens, me semble-t-il, savent que cette île est française –, elle passionne surprenamment de nombreuses personnes, comme j’ai pu le constater lors du colloque organisé par votre collègue, M. Folliot, que nous avons chargé de réfléchir à la manière dont nous pourrions exploiter notre zone économique exclusive dans de meilleures conditions.

Par ailleurs, vous avez accompli, en tant que rapporteure du projet de loi relatif aux droits et obligations des fonctionnaires, un travail remarquable. Je pense notamment à celui de vos amendements qui visait à prendre en compte les intérêts matériels et moraux des fonctionnaires ultramarins. Cet amendement important a été très bien reçu dans l’ensemble des outre-mer. Pour qu’il s’applique, le projet de loi doit encore être définitivement adopté et un grand nombre de textes doivent être modifiés. Les parlementaires ultramarins auront donc la lourde tâche de suivre l’application de cette nouvelle règle dans les différentes administrations ; un travail de sensibilisation des organisations syndicales me paraît nécessaire.

M. Premat a évoqué la mission sur l’égalité réelle entre les outre-mer et la métropole qui a été confiée à Victorin Lurel. Des trois valeurs de la devise républicaine, l’égalité est en effet la plus importante pour ces territoires ; elle structure l’action de rattrapage menée depuis des années. J’espère que, d’ici à la fin du quinquennat, nous parviendrons, en dépit de l’encombrement de l’agenda parlementaire, à un texte affirmant ce principe d’égalité réelle qui est très cher au courant de pensée que je représente.

Le président Ollier souhaiterait que le dispositif de défiscalisation s’applique jusqu’à 2025. Je rappelle que l’ensemble de ces aides relèvent du RGEC. Nous devons donc d’abord travailler ensemble à la révision de ce dernier, qui doit s’appliquer jusqu’en 2020. Allons déjà jusqu’à cette date avec un RGEC rectifié, et donnons-nous rendez-vous en 2019 pour travailler sur la période 2020-2025.

Monsieur Lurel, les 1 400 logements qui attendent leur agrément en Guadeloupe font partie des dossiers sur lesquels nous travaillons avec Bercy ; nous sommes conscients de l’importance de ce secteur d’activité pour les économies ultramarines. Par ailleurs, il est vrai que, pour que le basculement sur le crédit d’impôt puisse se faire de manière satisfaisante, nous devons régler la question du préfinancement par Bpifrance. Nous en sommes conscients et nous y travaillons.

M. le secrétaire d’État chargé du budget. Mesdames, messieurs les députés, je souhaitais apporter quatre précisions, dont deux viennent d’être abordées par Mme Pau-Langevin.

Premièrement, certains d’entre vous, notamment MM. Martin-Lalande et Letchimy, ont souhaité que le CICE puisse être majoré pour certains secteurs. Or, une telle mesure soulèverait des problèmes constitutionnels. Le crédit d’impôt doit en effet respecter le principe d’égalité devant l’impôt – nous sommes du reste confrontés à la même difficulté en métropole. Ce ciblage paraît donc inenvisageable, du moins sous cette forme.

Mme la ministre des outre-mer. C’est pourquoi nous avons réglé le problème différemment.

M. le secrétaire d’État chargé du budget. Deuxièmement, j’ai entendu ce qui a été dit sur les avantages et les inconvénients respectifs du crédit d’impôt et de la défiscalisation. Je tiens à redire que le taux du crédit d’impôt que nous avons mis en place, notamment dans le secteur du logement, est plus favorable que celui de la défiscalisation, puisqu’il est de 40 % pour le premier, contre 33 % à 35 % pour la seconde. En outre, ce dispositif ne pâtit pas des lourdeurs inhérentes à la défiscalisation, qui exige de créer une société de défiscalisation – et parfois plusieurs pour une même opération –, de réunir les fonds, de rassembler le nombre minimum d’investisseurs… Enfin, je précise, car l’un d’entre vous a parlé de réduction d’impôt – mais peut-être était-ce un lapsus – qu’il s’agit bien d’un crédit d’impôt : si celui-ci est supérieur à l’impôt que l’on a à payer, un versement est effectué.

Troisièmement, le RGEC, sous lequel nous plaçons ce type d’aides, se termine en 2020. Je vois donc mal comment nous pourrions, malgré la souplesse que l’on a introduite dans son application, créer un dispositif qui irait au-delà de son terme – je parle ici des départements d’outre-mer, et non des COM.

Enfin, comme l’a indiqué Victorin Lurel, si nous voulons valoriser et faciliter l’utilisation du crédit d’impôt, il nous faut évidemment assurer son préfinancement dans les meilleures conditions possibles. J’enrage donc en constatant que les différents ministères concernés n’aient pas encore pu trouver la solution – on critique souvent Bercy, mais vous avez sans doute remarqué que ce bâtiment compte plusieurs étages. La banque populaire… pardon, la banque publique d’investissement, qui devrait être populaire (Sourires), doit développer son action dans certains secteurs particuliers. Nous y travaillons, mais si nous n’aboutissons pas avant la fin de l’année, c’est que nous ne sommes pas bons – je vous le dis comme je le pense. Chacun doit militer pour que Bpifrance soit le vecteur privilégié du préfinancement des crédits d’impôt – nous avons parfois rencontré des difficultés à propos du CICE dans les territoires d’outre-mer, et c’est regrettable. D’autant que, pardon de le dire ainsi, le coût – une dizaine de millions d’euros – n’est pas gigantesque : il y a certes un petit facteur de risque mais il faut tenir compte des taux d’intérêt actuels et des possibilités de cette banque. Nous devons aboutir sur ce point ; sinon, nous fragiliserions l’évolution que nous avons décidée. Celle-ci peut, certes, faire l’objet d’appréciations différentes de la part des uns et des autres, mais elle favorise la sécurité et la visibilité.

M. Dominique Lefebvre, président. Mesdames, messieurs, je vous remercie.

*

* *

À l’issue de l’audition de Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, la Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis « Collectivités d’Outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres Australes et Antarctiques françaises » et de M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis « Départements d’Outre-mer », les crédits de la mission « Outre-mer ».

Conformément aux conclusions de M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis « Collectivités d’Outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres Australes et Antarctiques françaises » et de M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis « Départements d’Outre-mer », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2016.

Après l’article 57

La Commission donne un avis favorable à l’amendement n° II-180 (article additionnel après l’article 57, état B) du Gouvernement.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Ministère des Outre-mer - Direction générale des Outre-Mer

—  M. Claude GIRAULT, directeur général adjoint

• Secrétariat d’État chargé des Transports, de la mer et de la pêche, auprès de la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’énergie

—  M. Eamon MANGAN, conseiller pêche et aquaculture

—  M. Christophe LENORMAND, conseiller mer, outre-mer, ports et transport fluvial

—  Mme Constance DELER, conseillère en charge des relations avec le Parlement, le Parlement européen et les élus

• Représentants de l’État dans les outre-mer

—  M. Marcel RENOUF, préfet des îles Wallis et Futuna

—  M. Patrice GOURAUD, chef du service des finances de l’Administration supérieure

—  Mme Anne LAUBIES, préfète déléguée auprès du représentant de l’État dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin

—  M. Jean-Christophe BOUVIER, préfet de Saint-Pierre et Miquelon

—  Mme Catherine WALTERSKI, secrétaire générale de la préfecture

—  M. Lionel BEFFRE, haut-commissaire de la République en Polynésie française

—  M. Yann de MOLLIENS, trésorier - payeur général, administrateur général des finances publiques

—  M. Vincent BOUVIER, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

—  M. Laurent CABRERA, secrétaire général du haut commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie

—  Mme Cécile POZZO DI BORGO, préfète, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

—  Mme Fabienne BRISBOUT, directrice des affaires financières et administratives des TAAF

• M. Daniel GIBBES, député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin

• Mme Maina SAGE, députée de Polynésie française

© Assemblée nationale

1 () Pour une analyse détaillée des crédits, votre rapporteur invite le lecteur à se référer au rapport spécial fait au nom de la commission des Finances par M. Patrick Ollier.

2 () L'Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV) assure des fonctions complémentaires pour les activités scientifiques. L'IPEV a pour missions :

– d’organiser et animer des expéditions scientifiques ;

– de mettre en place et assurer le fonctionnement d'observatoires de recherche ;

– de participer à la concertation scientifique et logistique internationale sur les régions polaires en particulier en entretenant des rapports permanents avec ses homologues étrangers ;

– de gérer les moyens nécessaires à ses activités ;

– d’entretenir des liens étroits avec les organismes partenaires et les autres agences de moyens ;

– d’encourager le développement de la connaissance scientifique et technologique et susciter l'intérêt du public pour ces régions ;

– de réunir et gérer une documentation ouverte dans ces domaines.

En outre, l'IPEV a pour objet de réaliser des campagnes océanographiques au moyen des navires qui lui sont confiés.

3 (1) Manchot empereur, grand albatros, éléphant de mer, otarie d’Amsterdam, pétrel géant, etc.

4 () Réponse au questionnaire budgétaire.

5 () Les données présentées dans ce tableau ont été fournies lors de l’audition précédemment évoquée.

6 (2) Dont les attributions sont définies par le décret n° 57-811 du 22 juillet 1957.

7 (3) Décret n° 62-287 du 14 mars 1962.

8 (4) Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961.

9 () Lors de son audition, Monsieur Marcel Renouf, préfet des îles Wallis et Futuna, a souligné que la collectivité subissait un exode massif de sa population : entre 400 et 500 personnes par an.

10 () Selon les éléments communiqués lors des auditions à votre rapporteur.

11 () Lors du recensement de la population de 2009 en Nouvelle-Calédonie, 21 300 personnes se sont déclarées appartenir à la communauté d’origine wallisienne ou futunienne. Rapport annuel de 2014 de l’Institut d’Émission d’outre-mer sur Wallis et Futuna, p.18. Il y a 1,7 fois plus de Wallisiens et de Futunien en Nouvelle Calédonie que sur leur territoire d’origine.

12 () Audition de M. Marcel Renouf, préfet des îles Wallis-et-Futuna.

13 () Ce chiffre tient compte du recensement effectué en 2011.

14 () Il s’agit d’une zone de 200 milles marin à Saint-Pierre-et-Miquelon. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 permet aux États côtiers de fixer les limites extérieures de leur plateau continental au-delà des 200 milles nautiques, jusqu’à un maximum de 350 milles nautiques. Comme l’a souligné un rapport de M. Bernard Saugey de 2006 consacré à « la réforme de l’État au Canada : l’avenir de Saint–Pierre–et–Miquelon » : « Après la sentence arbitrale de 1992 défavorable à l'archipel, le Canada a unilatéralement repoussé, en 1996, les limites de sa zone économique exclusive en prenant pour référence l'île des Sables, inhabitée, et non l'île du Cap Breton, comme c'était le cas lors de l'arbitrage de New-York. Ainsi définie, la ZEE canadienne tend à englober la zone entourant Saint-Pierre-et-Miquelon, privant ainsi l'archipel de son accès aux eaux internationales. En outre, le Canada ayant récemment annoncé sa volonté d'étendre sa zone économique exclusive jusqu'aux limites du plateau continental, soit à 370 milles marins de ses côtes, la France pourrait, si elle n'entame pas d'action, perdre définitivement son accès aux eaux internationales, sa zone économique exclusive au large de Saint-Pierre-et-Miquelon se trouvant alors enserrée dans les eaux canadiennes. Aussi devrait-il être envisagé que la France, en tant qu'État côtier, demande l'extension de ses droits au-delà des 200 milles de la zone économique exclusive, jusqu'aux limites du plateau continental, conformément à sa définition figurant à l'article 76 de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer, du 10 décembre 1982. »

15 () La décision du tribunal arbitral de New York du 10 juin 1992 reconnaît à Saint-Pierre-et-Miquelon le droit de disposer d’une zone de 12 400 km², alors que la France réclamait 48 000 km². Cette zone entoure l’archipel et comprend, en outre, un étroit couloir au sud, long de 200 milles et large de 10,5 milles.

16 () Dernier recensement effectué en 2012.

17 () Chiffres fournis lors de l’audition par votre rapporteur pour avis de Madame Anne Laubies, préfète déléguée auprès du représentant de l’État dans les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

18 () IEDOM, « Le tourisme à Saint-Martin », note n° 320, mars 2015.

19 () Chambre territoriale des comptes de Saint–Martin, Annexe à la lettre n° 0424 du 23 avril 2013, rapport d’observations définitives sur la gestion de la collectivité d’outre–mer de Saint–Martin.

20 (1) Article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2016.

21 () Lors de l’audition par votre rapporteur pour avis, Madame Anne Laubies, préfète déléguée auprès du représentant de l’État dans les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, a indiqué que pendant très longtemps il n’y a pas eu de coopération internationale sur l’île. En revanche, depuis un peu moins de deux ans, Sint-Maarten fait preuve d’une attention particulière pour une telle coopération. La préfète a ainsi signalé qu’une coopération policière avec la Hollande a été mise en place récemment et devrait s’appliquer à compter du 1er octobre 2015. Cependant, aucune coopération n’existe actuellement en matière sociale.

22 (1) Les PTOM ne font pas partie intégrante de l’UE mais ils bénéficient d’un régime d’association. Le statut de PTOM concerne 26 pays et territoires liés constitutionnellement à un Etat membre de l’Union européenne mais ne faisant pas partie du territoire de l’UE. Les PTOM sont ainsi simplement « associés » à l’Union européenne, au nom des relations particulières qu’ils entretiennent avec un État membre.

23 () C’est d’ailleurs le sens d’une proposition de résolution sur l’adoption d’une loi organique tendant à actualiser et conforter le statut d’autonomie de la Polynésie française déposée par le président de l’assemblée de Polynésie française, M. Marcel Tuihani.

24 () Conclusions de l'étude réalisée sous l'égide de l'AFD et présentée le 23 novembre 2012

25 () Rapport public annuel de la Cour des comptes 2009 (voir les observations relatives à la gestion des fonds publics par la Polynésie française). En 2010, a été remis le rapport de la mission d’assistance à la Polynésie française conduite par Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances. Dans ce rapport qui présentait des recommandations pour revenir à l’équilibre des finances publiques, il est estimé que : « la Polynésie n’a plus les moyens de vivre au-dessus de ses moyens ». Elle pointait notamment la disproportion des dépenses de fonctionnement du Pays. Ce rapport est consultable sur le site de la Documentation française.

26 (1) Suivant le calendrier évoqué ci-dessus, cette demande ne pourra intervenir qu’après les élections provinciales de 2019.

27 () Rapport (n° 2945-XIVe législature), fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi organique relatif à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, par M. René Dosière (juillet 2015).

28 () Déplacement du 2 au 8 septembre 2013, cf. rapport d’information (n° 1411, XIVe législature).

29 () Comme l’indique le site internet de l’ADRAF, « en réponse aux revendications foncières et identitaires des populations kanaks qui se sont exprimées sur le territoire néo-calédonien dans les années 1970, une première réforme foncière a été impulsée par le ministre de l’outre-mer Paul Dijoud en 1978. Les accords de Matignon ont permis la création, par la loi référendaire du 9 novembre 1988, de l'agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF). Cet établissement public à caractère industriel et commercial constitue le principal opérateur de la réforme foncière en Nouvelle-Calédonie. Pour ce faire, l'ADRAF procède à toutes opérations d'acquisition et d'attribution en matière foncière et agricole et engage des actions d'aménagement et de développement économique. Dans ce cadre, l'ADRAF acquiert des terres coutumières pour les restituer aux clans qui en ont été privés. Depuis sa création, l'ADRAF a attribué 97 000 hectares de terrains. Ainsi, les terres coutumières occupent désormais 17 % de l'espace de la Grande Terre. S'agissant des îles Loyauté, les terres coutumières couvrent quasiment l'ensemble de leur territoire, l'acquisition de terres par des colons ayant été presque inexistante. L'Accord de Nouméa a franchi une seconde étape en prévoyant le transfert de l'ADRAF dans sa totalité -avec ses personnels et ses missions- à la Nouvelle-Calédonie sur demande à la majorité simple du Congrès. Malgré la concertation menée pour préparer ce transfert, ni une demande formelle, ni un calendrier précis n'ont à ce jour été transmis à l'État qui exerce donc encore la tutelle sur l'ADRAF ». Le transfert a soulevé plusieurs interrogations comme l’a noté un récent rapport sénatorial de Mme Sophie Joissains, M. Jean-Pierre Sueur et Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des lois : « D'une part, le transfert pose inévitablement la question des missions de l'ADRAF et de son éventuelle réorientation, sujet délicat à trancher en dépit des éclairages apportés par un rapport de la direction générale de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux en avril 2010. Il faudrait en particulier s'accorder sur le fait de savoir si la réforme foncière est achevée. D'autre part, certaines terres coutumières acquises par l'ADRAF n'ont pas été encore redistribuées, faute d'accord sur le clan bénéficiaire. Ces contentieux sur le « stock dur » des terres coutumières incitent plusieurs autorités coutumières à préférer qu'ils soient résolus sous la tutelle de l'État en lequel elles ont davantage confiance pour les régler dans des conditions apaisées et équitables. »