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N
°  4132

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3096)
de
finances pour 2017

TOME I

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

ADMINISTRATION TERRITORIALE
CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR

PAR M. Michel ZUMKELLER

Député

——

Voir le numéro : 4125-III-3

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2016 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, 83 % des réponses attendues étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2017 DES PROGRAMMES « ADMINISTRATION TERRITORIALE » ET « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR » 7

I.  LE PROGRAMME « ADMINISTRATION TERRITORIALE » 7

II. LE PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR » 8

SECONDE PARTIE : LES DÉPENSES DE CONTENTIEUX 11

I. LES DÉPENSES CONTENTIEUSES : L’ÉTAT DES LIEUX DRESSÉ PAR L’INSPECTION 11

A. DES DÉPENSES ÉVOLUTIVES 11

1. Les refus de concours de la force publique 12

2. Le contentieux des étrangers 13

3. La protection fonctionnelle des fonctionnaires 14

4. Les dépenses d’indemnisation liées aux accidents de la circulation 15

5. Les indemnisations liées aux attroupements 16

B. UNE IMPASSE BUDGÉTAIRE RÉCURRENTE QUI OBÈRE LA GESTION DES CRÉDITS 17

1. Des abondements en gestion devenus trop massifs et répétés 17

2. Un hypothétique rebasage des crédits 19

3. La mission d’inspection a conclu à la nécessité d’élaborer en priorité un plan de réduction de la dépense 20

II. LE PLAN D’ACTIONS MIS EN PLACE PAR LE MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR 22

A. LA MISE EN PLACE D’UN PILOTAGE DES DÉPENSES CONTENTIEUSES 22

1. Le lancement de la démarche de performance 22

2. L’approfondissement du dialogue de gestion 23

3. L’expérimentation du pilotage régional des crédits contentieux 23

B. L’ADAPTATION DES PRATIQUES GÉNÉRATRICES DE DÉPENSES CONTENTIEUSES 24

1. Les indemnisations liées aux refus de concours de la force publique 24

2. Les indemnisations liées aux accidents de la circulation 24

3. Les dépenses liées au contentieux des étrangers 25

4. La protection fonctionnelle 25

C. LE RENFORCEMENT DE L’EXPERTISE CONTENTIEUSE 26

1. La création de pôles d’appui juridique 26

2. Renforcer la sécurité des actes juridiques 26

3. Développer une politique de défense contentieuse proactive 26

EXAMEN EN COMMISSION 29

PERSONNES ENTENDUES 61

MESDAMES, MESSIEURS,

La mission « Administration générale et territoriale de l’État » regroupe principalement les moyens financiers des préfectures et les crédits de soutien du ministère de l’Intérieur. En 2017, ceux-ci devraient atteindre 2,9 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement, en hausse de 16 % par rapport à l’exercice précédent.

Les deux programmes qui font l’objet du présent rapport pour avis (1) concentrent l’essentiel des crédits alloués à la mission : en crédits de paiement, le programme « Administration territoriale » représente 65 % de l’ensemble, tandis que le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » compte pour 31 %.

Après une présentation des crédits prévus pour l’année prochaine, votre rapporteur pour avis a choisi cette année de s’intéresser aux dépenses de contentieux du ministère de l’Intérieur, qui ont fait l’objet, en 2013, de travaux d’évaluation par l’inspection générale de l’administration, puis d’un plan d’actions validé par le secrétaire général du ministère.

Ces actions n’ont pas une visée strictement budgétaire : elles participent, plus globalement, à améliorer la performance juridique de l’administration centrale du ministère, comme du réseau des préfectures et des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'Intérieur (SGAMI). Elles s’inscrivent aussi dans le cadre du plan « Préfectures nouvelle génération », présenté au mois de juin 2015, dont l’ambition est de renforcer la capacité d’expertise des services territoriaux grâce à la mise en place de pôles interdépartementaux d’appui juridique.

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2017 DES PROGRAMMES « ADMINISTRATION TERRITORIALE » ET « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR »

L’ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

(en millions d’euros)

Programme

Exécution
2015

LFI
2016

PLF
2017

Variation
2017/2016

Administration territoriale

1 754,0

1 651,1

1 708,1

+ 3,5 %

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

308,7

788,0

898,1

+ 14,0 %

L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT

(en millions d’euros)

Programme

Exécution
2015

LFI
2016

PLF
2017

Variation
2017/2016

Administration territoriale

1 752,3

1 641,8

1 692,5

+ 3,1 %

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

267,8

808,0

934,6

+ 15,7 %

I. LE PROGRAMME « ADMINISTRATION TERRITORIALE »

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2016, les moyens consacrés en 2017 au programme « Administration territoriale » augmenteraient de 57 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 50,7 millions d’euros en crédits de paiement.

Du point de vue de la destination des crédits, cet effort concerne la quasi-totalité des actions du programme – « Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres », « Coordination de la sécurité des personnes et des biens », « Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales » et « Pilotage territorial des politiques gouvernementales » –, à l’exception de l’action « Animation et soutien du réseau ».

Du point de vue de la nature des crédits, l’essentiel de l’augmentation prévue l’an prochain concernerait :

– les dépenses de personnel, en hausse de 48,9 millions d’euros par rapport à 2016, pour atteindre 1 511,2 millions d’euros en crédits de paiement, du fait principalement d’une augmentation des effectifs de 159 équivalents temps plein (ETP), ce qui correspond à l’impact du pacte de sécurité de 2016 et du recrutement d’apprentis ;

– les dépenses d’investissement, en augmentation de 4 millions d’euros, du fait essentiellement d’un investissement informatique accru.

II. LE PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR »

Comme les années précédentes, l’analyse des crédits demandés pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » est rendue malaisée par des changements affectant son périmètre.

En particulier, à compter de 2017, les crédits consacrés au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui figuraient jusqu’alors sur le programme « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », sont rattachés au programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». Sont ainsi transférés sur ce dernier programme 80,4 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement, correspondant pour les trois quarts à des dépenses d’intervention au profit des collectivités territoriales, qui sont regroupés sur une nouvelle action n° 10 « Fonds interministériel de prévention de la délinquance ».

Les évolutions de crédits présentées dans les tableaux de la page précédente doivent donc être interprétées en prenant en compte ce changement de structure budgétaire. À périmètre constant, les augmentations des autorisations d’engagement et des crédits de paiement seraient ramenées à respectivement + 3,8 % et + 5,7 %.

Au-delà de ces mesures de périmètre, les dépenses prévues en 2017 appellent les observations suivantes :

–  les crédits de personnel connaissent une augmentation de 10,6 millions d’euros, en dépit d’un plafond d’emploi en légère baisse : cette hausse traduit le coût lié à la prise en charge des personnels des cabinets du ministère de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales et du secrétariat d’État chargé des collectivités territoriales (+ 6,3 millions d’euros) et l’impact des deux revalorisations du point d’indice de la fonction publique du 1er juillet 2016 et du 1er février 2017 (+ 2,3 millions d’euros) ;

– les crédits de l’action « Système d’information et de communication » connaîtraient une augmentation, par rapport à 2016, de 11,3 millions d’euros en crédits de paiement, en raison des actions de maintenance et de développement des applications informatiques du ministère (+ 10 millions d’euros) ;

– les dépenses immobilières (action « Affaires immobilières ») progresseraient, par rapport à 2016, de 6,4 millions d’euros en crédits de paiement (pour atteindre 145,6 millions d’euros), compte tenu de la fin du remboursement du capital de la location avec option d’achat (LOA) des locaux de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Levallois-Perret, du début du remboursement du crédit-bail immobilier de l’immeuble « Le Garance » à Paris et des travaux immobiliers nécessaires à la mise en place de la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) à Limoges ;

– en dépit d’une volonté réaffirmée d’ « amélioration de la prévision et du pilotage des dépenses de contentieux » (2), la tradition de sous-budgétisation de ces dépenses ne se dément pas : pour 2017, 55 millions d’euros sont prévus à ce titre sur l’action « Affaires juridiques et contentieuses », à comparer aux 63,3 millions d’euros votés en loi de finances initiales et à des dépenses effectives de 97,9 millions d’euros sur l’exercice 2015.

SECONDE PARTIE : LES DÉPENSES DE CONTENTIEUX

L’inspection générale de l’administration (IGA) a réalisé, d’avril à septembre 2013, une mission relative à l’évolution et à la maîtrise des dépenses de contentieux du ministère de l’Intérieur, portées par l’action « Affaires juridiques et contentieuses » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur ».

Sur la base des recommandations de cette mission, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l’Intérieur a élaboré au début de l’année 2014 un plan d’actions destiné à améliorer le pilotage de ces dépenses et à agir sur leurs déterminants. Ces réformes ont commencé à être mises en œuvre en 2015, sans toutefois avoir permis – jusqu’à présent – de réduire significativement ces coûts.

I. LES DÉPENSES CONTENTIEUSES : L’ÉTAT DES LIEUX DRESSÉ PAR L’INSPECTION

L’action « Affaires juridiques et contentieuses » serait dotée, l’année prochaine, de 55 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Elle regroupe, à hauteur de 45 millions d’euros, des crédits destinés à couvrir le coût du contentieux relevant directement de la compétence du ministre de l'Intérieur : celui-ci peut résulter d’une condamnation juridictionnelle, d’un règlement négocié à l’amiable ou de frais d’honoraires d’avocats, d’experts et autres auxiliaires de justice sollicités pour assister l’État dans le cadre d’un contentieux opposant ce dernier à un tiers.

A. DES DÉPENSES ÉVOLUTIVES

Cinq types de contentieux, représentant l’essentiel des dépenses, sont détaillés ci-dessous.

Des dépenses dites « exceptionnelles » par leur nature ou leur montant peuvent également être imputées sur ces crédits, y compris lorsque les litiges correspondants ne paraissent pas relever de la compétence du ministre de l’Intérieur (3). Il paraîtrait souhaitable à votre rapporteur pour avis que, dans cette dernière hypothèse, une répartition plus équitable des dépenses puisse être assurée.

1. Les refus de concours de la force publique

Le contentieux lié au refus du concours de la force publique pour procéder à l’exécution des décisions de justice en matière d’expulsion locative représente, à lui seul, plus de la moitié des dépenses de contentieux. Pour 2017, il est prévu une dotation de 24,4 millions d’euros, pour une dépense tendancielle évaluée à 39 millions d’euros.

DÉPENSES DE CONTENTIEUX RELATIVES AUX REFUS DE CONCOURS

DE LA FORCE PUBLIQUE

Crédits de paiement (en millions d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Montant en exécution

56,80

55,75

38,34

46,39

38,07

37,83

Source : Direction des libertés publiques et des affaires juridiques, Ministère de l’Intérieur

Les décisions d’expulsion locative sont ordonnées par le juge judiciaire et le préfet est tenu d’accorder le concours de la force publique pour faire exécuter ces décisions de justice, sauf motif sérieux lié à la sauvegarde de l’ordre public (4). En pratique, l’huissier en charge du dossier doit informer, dès le stade de l’assignation en justice, les services de l’État dans le département qui diligentent une enquête sociale.

Lorsque l’administration est saisie d’une demande de concours de la force publique pour l’exécution d’une décision de justice, elle dispose d’un délai d’instruction de deux mois, en application de l’article R. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, pour étudier la demande de concours et faire connaître sa position à l’huissier. En cas de refus explicite ou implicite opposé par le préfet, la responsabilité de l’État peut être engagée (5).

Les dépenses imputées sur les crédits de l’action « Affaires juridiques et contentieuses » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » résultent soit d’accords amiables, soit de décisions de justice et sont calculées sur la base des impayés de loyer depuis le moment où la responsabilité de l’État est engagée.

2. Le contentieux des étrangers

Les litiges relatifs au droit des étrangers devraient générer une dépense pour 2017 évaluée à 8,75 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances, mais qui pourrait atteindre 14 millions d’euros compte tenu de la tendance observée ces dernières années.

DÉPENSES DE CONTENTIEUX RELATIVES AU DROIT DES ÉTRANGERS

Crédits de paiement (en millions d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Montant en exécution

12,82

14,44

15,63

14,21

14,10

14,41

Source : Direction des libertés publiques et des affaires juridiques, Ministère de l’Intérieur

Ils se répartissent entre le juge administratif et le juge judiciaire selon la nature des actes attaqués :

– devant les juridictions administratives : le contentieux de l’obligation de quitter le territoire de français (6) ; le contentieux de l’excès de pouvoir dirigé contre le refus de délivrance d’un titre de séjour ; les référés suspension et liberté ; le contentieux des assignations à résidence administratives ainsi que le contentieux dirigé contre la décision de maintien en rétention du demandeur d’asile ;

– devant le juge des libertés et de la détention, désormais (7) juge unique de la rétention : contrôle non seulement des conditions de la rétention et de sa prolongation mais aussi de la proportionnalité et de la régularité formelle de la décision administrative de placement.

Ces dépenses sont concentrées sur un faible nombre de préfectures : à elles deux, la préfecture de police de Paris et la préfecture de Seine-Saint-Denis représentent un tiers du coût.

Elles sont constituées principalement par des frais irrépétibles mis à la charge de l’État en cas d’annulation d’une décision préfectorale par le juge administratif – le montant moyen était de 988 € en 2015 – et par des honoraires d’avocat. En effet, compte tenu du volume de contentieux à traiter, la préfecture de police de Paris et dix-sept préfectures de département font appel de manière récurrente, dans le cadre de marchés publics, aux services d’avocats pour les représenter devant les juges administratif et judiciaire.

Ces frais irrépétibles représentaient près des deux tiers des dépenses et les honoraires d’avocat environ un tiers en 2015.

3. La protection fonctionnelle des fonctionnaires

La protection fonctionnelle des fonctionnaires, en particulier des policiers, est une dépense en forte croissance. Elle devrait faire l’objet d’une dotation budgétaire de 10 millions d’euros en 2017, pour un tendanciel évalué à 16 millions d’euros.

DÉPENSES DE CONTENTIEUX RELATIVES À LA PROTECTION FONCTIONNELLE DES FONCTIONNAIRES

Crédits de paiement (en millions d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Montant en exécution

13,53

13,67

13,29

17,24

14,86

16,68

Source : Direction des libertés publiques et des affaires juridiques, Ministère de l’Intérieur

La protection fonctionnelle des fonctionnaires est prévue à l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (8). Elle est due aux fonctionnaires et agents publics victimes d’une infraction ou poursuivis à raison de leurs fonctions, sauf motif légitime de refus prévu par la loi ou la jurisprudence administrative (9). L'administration doit alors protéger l'agent, lui apporter une assistance juridique et réparer les préjudices qu'il a subis.

La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 (10) a étendu le bénéfice de la protection fonctionnelle aux fonctionnaires entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue ou se voyant proposer une mesure de composition pénale, aux agents victimes d’atteintes volontaires à leur intégrité ou d’agissements constitutifs de harcèlement et aux ayants droit du fonctionnaire (conjoint, concubin et partenaire lié par un pacte civil de solidarité, enfants, ascendants directs). Toutefois, selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, ces nouvelles dispositions ne devraient pas significativement alourdir le coût de cette protection.

Les dépenses liées à la protection fonctionnelle sont constituées par :

– des honoraires d’avocat, représentant 70% du coût total pour le budget général, dans la mesure où l’agent dispose, par principe, de la liberté de choisir son avocat ;

– des remboursements au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) (11) ;

– et des indemnisations directes versées aux fonctionnaires : sans se substituer à l’auteur du préjudice, l’administration, saisie d’une demande en ce sens, doit assurer à l’agent une juste réparation du préjudice subi du fait des attaques (12).

Le SGAMI de Paris représente à lui seul 30% des protections fonctionnelles accordées au plan national (soit 6 690 fonctionnaires pris en charge en 2015, en augmentation de 15% par rapport à 2014).

4. Les dépenses d’indemnisation liées aux accidents de la circulation

Les indemnisations des tiers à l’occasion d’accidents de véhicules génèrent un coût relativement imprévisible, compte tenu de l’irrégularité du nombre d’accidents et de la gravité de ceux-ci. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, la prévision s’établit à 6 millions d’euros, alors que la dépense tendancielle est évaluée à 11 millions d’euros.

DÉPENSES D’INDEMNISATION LIÉES AUX ACCIDENTS DE LA CIRCULATION

Crédits de paiement (en millions d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Montant en exécution

11,48

10,81

11,86

12,22

10,09

10,29

Source : Direction des libertés publiques et des affaires juridiques, Ministère de l’Intérieur

L’État bénéficie en effet d’une dérogation à l’obligation d’assurance des véhicules automobiles, instituée par l’article L. 211-1 du code des assurances. En cas d’accidents de la circulation survenus entre les véhicules non assurés de l’administration et des véhicules de tiers, il a la charge d’assurer la réparation des dommages matériels et corporels.

En cas de contentieux, il est représenté devant les juridictions de l’ordre judiciaire – compétentes pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigées contre une personne de droit public – par l’agent judiciaire de l’État (13).

Lorsque l’État n’est pas responsable et que des fonctionnaires sont blessés ou tués, il peut obtenir le remboursement des prestations versées ou maintenues à ces fonctionnaires ou à leurs ayants droit (14).

Les dépenses imputées sur l’action « Affaires juridiques et contentieuses » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » concernent les parcs automobiles de la police nationale, de la gendarmerie nationale (depuis l’intégration des dépenses correspondantes en 2009) et des services centraux du ministère de l’Intérieur (15). Elles regroupent :

– des indemnisations versées à des victimes ou à des compagnies d’assurance lorsque l’administration est responsable de l’accident ;

– des remboursements d’indemnités journalières et de prestations versées par les organismes sociaux ;

– et des indemnisations versées à des fonctionnaires blessés lors d’un accident intervenu à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

5. Les indemnisations liées aux attroupements

Ce poste de dépenses est stable avec une dotation prévue dans le présent projet de loi de finances de 1,25 million d’euros pour un tendanciel évalué à 2 millions d’euros, sur la base de la moyenne des dépenses des trois dernières années. L’explication de cette stabilité est à rechercher dans le développement d’une jurisprudence plus favorable à l’État dans l’interprétation de la notion d’attroupement, le juge écartant l’application des dispositions de l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure dès lors que l’action des manifestants à l’origine des dommages présente un caractère prémédité et organisé et se prolonge dans le temps.

DÉPENSES D’INDEMNISATION LIÉES AUX ATTROUPEMENTS

Crédits de paiement (en millions d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Montant en exécution

8,63

2,69

2,81

3,70

1,51

2,35

Source : Direction des libertés publiques et des affaires juridiques, Ministère de l’Intérieur

Aux termes de cet article, reprenant les dispositions de l’article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : « L'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) ».

La mise en œuvre de ce régime de responsabilité sans faute (16) est soumise à trois conditions cumulatives :

– les dommages doivent résulter de crimes ou délits – par exemple, dégradation d’un bien, entrave à la circulation, etc. ;

– les crimes ou délits sont commis à force ouverte ou par violence ;

– les dommages sont causés par des attroupements ou rassemblements : seuls les actes commis de manière spontanée et inorganisée dans le prolongement direct d’une manifestation sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’État sur ce fondement (17).

Votre rapporteur pour avis relève que ce dernier critère fait souvent défaut, les débordements étant fréquemment prémédités et perpétrés par des casseurs venus spécialement à cette fin. C’est ce qui explique que, malgré les exactions survenues au cours des derniers mois en marge de mouvements sociaux (Sivens, Notre Dame des Landes, Loi Travail, conflit laitier…), les cas d’indemnisations sont demeurés relativement peu nombreux.

Pour le budget général, les dépenses correspondent à l’indemnisation de dommages corporels et matériels (dégradation de biens, perte ou vol de marchandise) ou d’un préjudice commercial (perte de recettes d’exploitation, frais supplémentaires de repas ou de gîte par exemple pour des routiers bloqués par un barrage).

B. UNE IMPASSE BUDGÉTAIRE RÉCURRENTE QUI OBÈRE LA GESTION DES CRÉDITS

L’effet de ciseau entre dotations et dépenses, ainsi que l’incapacité pour les gestionnaires d’anticiper les reliquats de crédits débloqués en fin d’exercice, ont eu un effet négatif sur la maîtrise des dépenses de contentieux.

1. Des abondements en gestion devenus trop massifs et répétés

La dotation votée en loi de finances initiale pour l’action « Affaires juridiques et dépenses contentieuses » est demeurée relativement stable de 2006 (82,4 millions d’euros en crédits de paiement) à 2013 (82 millions d’euros), avant de connaître une réduction rapide en 2014 (77,5 millions d’euros), 2015 (63,3 millions d’euros) et 2016 (43,3 millions d’euros). Comme cela a été rappelé plus haut, le projet de loi de finances pour 2017 propose une dotation de 55 millions d’euros.

Les dépenses ont pourtant largement excédé, chaque année, les prévisions votées en loi de finances initiale. Des dotations complémentaires ont procédé à de substantiels abondements en gestion – dotations exceptionnelles pour assumer la charge de ce contentieux lourd, dégel de la réserve de précaution, décrets d’avance – qui sont retracés dans le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DU COÛT DU CONTENTIEUX DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR

Crédits de paiement (en millions d’euros)

Crédits en CP (en M€)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Programmation initiale figurant dans les documents prévisionnels de gestion / avis au programme

145,00

135,64

126,57

128,80

109,03

103,00

Crédits ouverts en début de gestion (LFI régulée)

79,98

78,85

77,08

66,12

72,03

58,27

Reports des crédits ouverts en loi de finances rectificative au titre du règlement du contentieux indemnitaire CNI/passeport (article 103 LFR 2008)

32,50

32,50

       

Impasse budgétaire

32,52

24,29

49,49

62,68

37,00

44,73

Ouvertures de crédits supplémentaires

32,97

39,50

25,79

34,87

19,00

41,76

dont loi de finances rectificative (contentieux DDEC 35)

 

8,17

       

dont reports de crédits (hors CNI/passeport)

10,90

2,42

     

5,30

dont dégel réserve de précaution du programme 216

10,87

13,42

15,20

29,87

19,00

23,33

dont décret d'avance

11,20

11,50

8,59

5,00

 

19,00

dont redéploiement de crédits du programme 216

 

2,00

2,00

     

dont transfert de crédits entre programmes

         

4,13

dont gel de crédits

         

-10

Total général des crédits ouverts

145,45

148,85

102,87

100,99

91,03

100,03

Total général des dépenses

141,55

148,42

102,49

100,58

85,73

97,90

Source : Direction des libertés publiques et des affaires juridiques, Ministère de l’Intérieur

Ces gel et surgel créent une situation d’insincérité budgétaire, dès lors que la totalité des crédits de la loi de finances initiale sont très insuffisants pour faire face aux dépenses de l’année, auxquelles s’ajoutent de surcroît les reports de charges.

Les analyses les plus récentes de la Cour des comptes (18) ont pointé ces difficultés, en soulignant, d’une part, qu’ « il est regrettable que le choix ait été fait [en loi de finances pour 2015], par le responsable du programme, de faire porter l’intégralité des taxations opérées par amendements pour financer le plan "Universités" et pour respecter la norme de dépense (14,1 millions d’euros) sur les dépenses de contentieux. Ce choix a incontestablement dégradé encore un peu plus la sincérité de la programmation de ses dépenses » et, d’autre part, qu’ « au vu des risques financiers qui découlent des contentieux en cours outre-mer qui s’ajoutent à la sous-budgétisation des crédits de contentieux, le budget 2016 du programme 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur – ne peut pas non plus être qualifié de sincère ».

Cette sous-budgétisation systématique est génératrice de dépenses supplémentaires pour le budget opérationnel de programme (BOP) « Contentieux ». Selon le rapport de l’inspection générale de l’administration de 2013, elle aboutit fréquemment à empêcher la conclusion d’arrangements amiables, faute de crédits disponibles, alors qu’un accord entre les parties serait envisageable ; or, « la procédure contentieuse coûte plus cher à l’administration, notamment en raison du risque de condamnation aux frais irrépétibles, sans compter les éventuels frais d’avocat » (19). Elle aboutit également à allonger les délais d’exécution des décisions de justice et génère donc une charge en intérêts moratoires, d’autant plus importante depuis la revalorisation du taux d’intérêt légal issue de l’ordonnance du 20 août 2014 (20).

L’insuffisance des crédits pèse également sur la qualité de la gestion. La mission de l’inspection générale de l’administration a mis en évidence, d’une part, l’absence de visibilité pour les responsables d’unités opérationnelles auxquels les enveloppes de crédits ne sont pas déléguées en totalité au début de l’année et, d’autre part, le découragement des acteurs centraux ou locaux pour maîtriser la dépense contentieuse.

2. Un hypothétique rebasage des crédits

Du point de vue strictement budgétaire, il pourrait apparaître plus vertueux de procéder à un rebasage des crédits prévus dans le projet de loi de finances initial, afin d’éviter la prise systématique d’un décret d’avance et des reports de charges hasardeux.

Interrogée par votre rapporteur pour avis, l’administration a indiqué que le responsable du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » demandait chaque année lors des travaux de construction du projet de loi de finances un rebasage des crédits de contentieux.

Il faut toutefois souligner que ce rebasage ne serait pas nécessairement opportun pour le ministère de l’Intérieur puisqu’il serait nécessaire de le gager par une diminution de dépenses au sein du programme ou sur d’autres programmes de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Par ailleurs, une telle opération budgétaire nécessiterait au préalable de déterminer le montant du socle incompressible de dépenses de contentieux.

3. La mission d’inspection a conclu à la nécessité d’élaborer en priorité un plan de réduction de la dépense

Au terme des travaux qu’elle a conduits, la mission de l’IGA a jugé prématuré tout rebasage des crédits de contentieux et été conduite à formuler en priorité des préconisations visant à réduire la dépense.

Elle a ainsi recommandé une harmonisation des dépenses sur la base des résultats des unités opérationnelles (UO) les plus économes, en confiant au responsable de programme le soin de construire des indicateurs de performance et d’assurer leur diffusion.

Dans le reste de son rapport, la mission a préconisé des pistes de réduction supplémentaires des dépenses, qui vont au-delà de la seule démarche de performance. Elle a procédé pour chacun des cinq principaux types de contentieux à une analyse des déterminants de la dépense et formulé vingt-sept recommandations (cf. encadré ci-dessous).

Principales recommandations de l’Inspection générale de l’administration

N°1 : le responsable du budget opérationnel de programme (RBOP) doit se doter rapidement d’indicateurs de performance sur la base de résultats des unités opérationnelles (UO) les plus économes et les diffuser.

N°2 : tant que les outils de maîtrise des dépenses de contentieux préconisées dans la suite de ce rapport n’auront pas permis d’assainir la situation de l’action 6 : ouvrir en début de gestion la totalité des crédits prévus en loi de finances initiale pour cette action et faire porter la charge du gel et du surgel sur les autres crédits du programme.

N°6 : étendre à quatre mois au lieu de deux actuellement la durée d’instruction de demande de concours de la force publique avant que la responsabilité de l’état ne puisse être mise en cause.

N°10 : DLPAJ, DGEF et DRH doivent définir un plan de travail pour engager la professionnalisation de la filière métier de la défense contentieuse.

N°11 : à l'initiative de la DLPAJ, élaborer une convention permettant à un avocat ou agent de préfecture du lieu d'implantation de la juridiction administrative de représenter une préfecture éloignée.

N°13 : avec les ministères ayant des contentieux de masse, mettre en place un groupe de travail opérationnel composé de représentants du Conseil d'état, du conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (CSTACAA), de la direction du budget et du ministère de la justice, afin de faire évoluer les dispositions du code de justice administrative en matière de frais irrépétibles.

N°15 : repenser la protection fonctionnelle accordée pour les cas d’outrage dans la police, en impliquant réellement la hiérarchie.

N°16 : réduire le coût du recours à avocat pour les outrages et injures en :

- suivant les coûts de manière fine et en généralisant les bonnes pratiques générant des économies ;

- élaborant une liste des avocats par SGAP sur la base d’un appel à projet dans lequel l’administration fixerait les montants de ses interventions au titre de la protection fonctionnelle ;

- voire en remettant en cause le recours à avocat pour les outrages et injures.

N°24 : à l’issue de l’exercice 2014, dresser un bilan des mesures prises par la DLPAJ pour améliorer visiblement le pilotage du BOP, en vue d’une éventuelle évolution de la maquette budgétaire.

N°26 : le ministère doit se doter d’une stratégie nationale sur les différentes thématiques relevant du BOP contentieux, et en assurer la diffusion auprès des services instructeurs. Cette stratégie doit inclure un axe relatif à l’optimisation des dépenses.

N°27 : sur les différentes sous-actions du BOP contentieux, élaborer un dispositif de contrôle interne léger et partagé entre les différents acteurs (administration centrale et services instructeurs) pour comprendre et maîtriser les facteurs de dépenses et de recettes.

Source : Inspection générale de l’administration, Rapport sur l’évolution des dépenses de contentieux à la charge du ministère de l’Intérieur, septembre 2013.

II. LE PLAN D’ACTIONS MIS EN PLACE PAR LE MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR

Au terme de trois années, les effets du plan d’actions, élaboré en 2014 par la DLPAJ du ministère sur la base des recommandations de la mission de l’IGA, n’ont pas permis de compenser complètement l’insuffisance budgétaire en matière de dépenses de contentieux.

Ces efforts ont toutefois permis de diminuer significativement, et sans doute durablement, le socle des dépenses récurrentes qui était encore estimé en 2015 à 99,5 millions d’euros.

A. LA MISE EN PLACE D’UN PILOTAGE DES DÉPENSES CONTENTIEUSES

1. Le lancement de la démarche de performance

À l’automne 2014, la DLPAJ a mis en place un dispositif de remontée de données statistiques auprès des préfectures et des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI). Celui-ci s’articule autour de tableaux à renseigner par les services déconcentrés pour chacune des cinq principales catégories de contentieux du ministère de l’Intérieur ainsi que pour le contentieux général, dès lors que les décisions de justice peuvent avoir un impact financier sur les crédits de l’action « Affaires juridiques et dépenses contentieuses » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur ».

Ces données font l’objet d’analyses sur la base d’indicateurs de performance – taux de réussite pour le contentieux des étrangers et le contentieux général, taux d’octroi de la protection fonctionnelle, taux d’octroi du concours de la force publique, etc. – et ont permis de tirer les premières conclusions au plan national, en confrontant, par exemple, les pratiques des services déconcentrés pour traiter le contentieux et leur taux de réussite.

Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, ce dispositif a été complété et fiabilisé en 2016 grâce :

– au recueil des données relatives aux refus de concours de la force publique, via l’application PILOTE/INDIGO de la direction de la modernisation et de l'action territoriale (DMAT) ;

– à la redéfinition des indicateurs d’activité des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI) dans le cadre d’un groupe de travail associant l’ensemble des SGAMI et piloté par la Direction de l'évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières (DEPAFI) ;

– au déploiement d’une application de « suivi informatisé des affaires juridiques » (SIAJ), au 1er janvier 2016, dans l’ensemble des SGAMI pour les accidents de la circulation.

Les données statistiques ainsi recueillies ont été utilisées pour la conception de référentiels de coûts. Ceux-ci devraient permettre d’instaurer, à terme, un dialogue de gestion entre la DLPAJ, d’une part, et les préfectures et les SGAMI, d’autre part, reposant sur des objectifs contraignants de dépenses.

2. L’approfondissement du dialogue de gestion

D’ores-et-déjà, la DLPAJ assure la diffusion, auprès des préfectures et des SGAMI, des règles d’utilisation de la nomenclature budgétaire de l’action « Affaires juridiques et dépenses contentieuses » et des règles d’imputation comptable des dépenses contentieuses, en différenciant les dommages, les frais irrépétibles et les intérêts de retard, ainsi que la bonne imputation entre ministères, dès lors que le préfet représente l’ensemble des ministères à l’échelon déconcentré. Elle contrôle régulièrement la bonne application de ces instructions.

Le dialogue de gestion mis en place va plus loin et implique une plus grande responsabilisation des différents acteurs de la dépense contentieuse. Dans le cadre du versement des dotations de début d’année aux unités opérationnelles (UO) déconcentrées, la DLPAJ a instauré, depuis 2015, un mécanisme de contrôle à deux niveaux :

– un écrêtement sur les dotations de début d’année, en cas de dépassement de la moyenne des dépenses des trois exercices précédents ;

– et le versement d’une seconde dotation réservée aux seuls RUO ayant consommé une part importante de leur première dotation.

Des recommandations ont également été adressées aux RUO, en 2015 et en 2016, sur l’application de la réforme du taux d’intérêt légal, accompagnées de l’envoi d’une liste des catégories de créanciers potentiels du BOP avec indication du taux applicable et de deux fichiers (un tableau pour chaque catégorie) comportant des formules de calcul de ces intérêts.

3. L’expérimentation du pilotage régional des crédits contentieux

Jusqu’à la fin de l’exercice 2014, les crédits du contentieux étaient répartis entre 119 UO : cet émiettement ne permettait ni la conduite d’un dialogue de gestion effectif, ni la mise en place d’un véritable pilotage de la dépense.

En 2015, une gestion des crédits contentieux par des UO régionales a été expérimentée dans les régions Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’objectif était de simplifier ainsi le dialogue de gestion, en harmonisant les pratiques locales et en permettant des mutualisations de moyens entre les préfectures de département d'une même région.

Les résultats de cette expérimentation paraissent encourageants. Celle-ci a permis une gestion satisfaisante des crédits délégués au regard des besoins des départements et une plus grande implication des préfets de région. L’évolution des dépenses de contentieux a pu être davantage maîtrisée grâce à la mise en commun entre les départements de bonnes pratiques : par exemple, en région Pays de la Loire, ces échanges ont permis la mise au point d’un protocole d’accord transactionnel harmonisé entre les cinq départements.

Cette expérimentation a également permis de renforcer la démarche de qualité en matière budgétaire et comptable. Elle a été reconduite en 2016 et étendue aux régions Bretagne et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

Un rapport d’évaluation sera réalisé au cours du dernier trimestre 2016 et permettra de déterminer si le pilotage régional doit être étendu à l’ensemble de la métropole en 2017. Dans l’hypothèse d’une généralisation, votre rapporteur pour avis estime que les spécificités de l’Île de France, et de la préfecture de police de Paris, devront être prises en compte sans toutefois remettre en cause cette réforme bienvenue.

B. L’ADAPTATION DES PRATIQUES GÉNÉRATRICES DE DÉPENSES CONTENTIEUSES

Quatre types de contentieux sont concernés par ce travail, toujours en cours, sur les déterminants de la dépense.

1. Les indemnisations liées aux refus de concours de la force publique

Un groupe de travail avec des représentants des préfectures les plus concernées (préfecture de police et préfectures de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) a été constitué afin d’identifier des bonnes pratiques en matière d’octroi du concours de la force publique et d’indemnisation des refus de concours. Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, ce groupe de travail doit se réunir au cours du second semestre 2016.

Votre rapporteur pour avis relève cependant que l’application de la circulaire du 26 octobre 2012 relative à la mise en œuvre du droit au logement opposable (DALO) fait elle-même obstacle à l’expulsion systématique des locataires faisant l’objet d’une décision judiciaire prononçant leur expulsion et, dans le même temps, déclarés éligibles au DALO. Il lui semble, dans ces conditions, illusoire d’attendre une diminution significative de ces dépenses.

2. Les indemnisations liées aux accidents de la circulation

Au 1er janvier 2016, l’instruction des dossiers d’accidents de la circulation de la gendarmerie nationale a été transférée au ministère de l’Intérieur afin, d’une part, d’harmoniser le traitement de ces dossiers au plan national et, d’autre part, de professionnaliser l’activité « assurance » de l’État. Au cours des auditions, les deux objectifs avancés ont été la diminution des dépenses et l’augmentation des recettes.

3. Les dépenses liées au contentieux des étrangers

Les actions conduites sous l’impulsion de la DLPAJ sont essentiellement à visée préventive. Elles consistent à sécuriser les actes juridiques et à augmenter le taux d’affaires gagnées par les préfectures devant les juridictions grâce à la mise en ligne d’une veille jurisprudentielle ou à des formations visant à renforcer l’expertise contentieuse des agents de préfecture.

Dans le cadre défini par la loi relative au droit des étrangers en France du 7 mars 2016, une réorganisation est envisagée afin de permettre la professionnalisation des agents et la mutualisation des ressources existantes ; il est également envisagé un recours accru aux réservistes en vue d’améliorer la défense de l’État, pour un moindre coût.

4. La protection fonctionnelle

Sur la base du bilan de l’expérimentation menée dans deux zones de défense (Lyon et Bordeaux) tendant à supprimer le recours systématique aux avocats dans le cas d’outrages simples des agents de la police nationale, la DLPAJ a engagé en 2016 des travaux avec la DRCPN sur les conditions d’une généralisation à l’ensemble des SGAMI. Votre rapporteur pour avis estime toutefois que seule cette mesure serait de nature à réduire sensiblement la dépense.

Un référentiel de coûts a également été créé pour la protection fonctionnelle et de bonnes pratiques en matière de règlement des honoraires d’avocats ont été diffusées à l’attention des SGAMI, notamment l’établissement d’une convention d’honoraires. Cette démarche sera favorisée par la modification introduite par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 à l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, relatif à la protection fonctionnelle, qui prévoit désormais expressément le principe d’un plafonnement des honoraires exposés par la collectivité publique à ce titre. Le décret d’application, en cours d’élaboration, prévoit le principe d’un conventionnement et d’un plafond horaire.

Des analyses plus ciblées et qualitatives doivent être encore conduites afin de préciser les conditions de recours aux indemnisations du fonds de garantie des victimes de terrorisme et autres infractions.

Enfin, il faut signaler que des travaux sont actuellement en cours afin de développer un nouveau module de l’application SIAJ pour les dossiers de protection fonctionnelle. Ce module permettra une harmonisation des pratiques entre les SGAMI.

C. LE RENFORCEMENT DE L’EXPERTISE CONTENTIEUSE

1. La création de pôles d’appui juridique

Dans le cadre du plan « Préfectures nouvelle génération », un groupe de travail, confié au directeur des libertés publiques et des affaires juridiques et au directeur général des collectivités locales, consacré à l’expertise juridique et au contrôle de légalité, s’est réuni en 2015 afin d’explorer les modalités de renforcement de la sécurité juridique de l’action des préfectures, tant au moment de l’édiction des actes que de leur défense contentieuse.

Ce groupe de travail a recommandé d’adosser l’action juridique et contentieuse des préfectures à des pôles d’appui juridique, pilotés et animés par la DLPAJ, permettant ainsi à terme de générer des économies à la fois en prévenant le contentieux et en assurant une défense contentieuse optimisée.

Ces pôles d’appui interviendront pour le compte de l’ensemble des préfectures souhaitant faire appel à leurs services, en conseil juridique comme en contentieux, dans les domaines de la police administrative et de la sécurité routière (quatre pôles), des refus de concours de la force publique et de la responsabilité de l’État (deux pôles), du contentieux statutaire (un pôle) et de la commande publique (un pôle). Les deux premiers pôles d’appui seront mis en place cet automne à Dijon et à Orléans.

2. Renforcer la sécurité des actes juridiques

Le plan d’actions de la DLPAJ comporte également un volet consacré à la formation. Il est prévu de construire un cahier des charges, axé sur la sécurisation des décisions administratives (compétence de l’auteur de l’acte, délégations, procédures, formes, etc.) et sur le contentieux (modalités de la défense, examen du fond, etc.). La création des pôles d’appui juridique doit également permettre de développer l’offre de formations auprès des agents de préfectures.

Votre rapporteur pour avis souligne la nécessité de traiter en priorité des polices administratives et du droit des étrangers, compte tenu de leur importance dans la part de l’activité contentieuse et de leur impact budgétaire sur le programme « Affaires juridiques et dépenses contentieuses ».

3. Développer une politique de défense contentieuse proactive

Les pôles d’appui participent aussi à la mise en œuvre d’une stratégie nationale du contentieux, définie par le service du conseil juridique et du contentieux de la DLPAJ et mise en œuvre par les pôles d’appui juridique. Cette stratégie doit permettre d’assurer une coordination et de mettre fin à des pratiques locales dispendieuses.

À cette fin, la DLPAJ devra mettre à disposition des pôles d’appui juridique des argumentaires pour la défense contentieuse, voire des mémoires-types, dès lors que le thème s’y prête, comme elle le pratique déjà, pour l’ensemble des préfectures, en matière de contentieux des étrangers.

Au-delà de ces évolutions bienvenues, votre rapporteur pour avis forme le vœu qu’une politique systématique d’appels et de cassation puisse être mise en œuvre, au plus tôt, pour les contentieux les plus coûteux.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du jeudi 3 novembre 2016, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics auprès du ministre de l’Économie et des Finances, sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2017.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, je suis heureux de vous accueillir.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Le ministre de l’intérieur, que je remplace aujourd’hui auprès de vous, vous prie de l’excuser : il est en déplacement avec le Président de la République.

M. le président Gilles Carrez. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

M. David Habib, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Si je devais caractériser la programmation des crédits et des emplois que nous propose le Gouvernement pour 2017, je dirais qu’elle forme un budget à la fois important et cohérent dans un contexte pour le moins difficile.

Chacun le sait, le ministère de l’intérieur se doit aujourd’hui de relever une multitude des défis, qui touchent à l’exercice de l’ensemble de ses prérogatives. Évidemment, il lui incombe en premier lieu d’assurer la sécurité de nos compatriotes face à la menace sourde et renouvelée du terrorisme. La mission « Administration générale et territoriale de l’État » y prend sa part qui, dans le cadre du plan de lutte contre la radicalisation, assure le financement de deux mesures de nature à favoriser l’émergence d’un islam de France : d’une part, le développement du réseau des établissements qui délivrent les diplômes universitaires de formation civile et civique, destinée aux imams de France et aux responsables du culte musulman, à hauteur de 0,8 million d’euros ; d’autre part, le soutien apporté à la recherche universitaire consacrée à l’islamologie et à l’islam de France, à hauteur de 0,3 million d’euros.

Mais, en second lieu et surtout, il appartient au ministère de l’intérieur de répondre à une exigence permanente et fondamentale de notre contrat social : celle de garantir la présence de l’État sur l’ensemble du territoire national. En juin 2015, vous avez lancé, monsieur le secrétaire d’État, le plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG), qui vise à adapter au mieux les ressources affectées au réseau préfectoral aux besoins de nos concitoyens et des collectivités en recentrant les préfectures sur l’accomplissement de quatre missions jugées prioritaires : la lutte contre la fraude documentaire et la rationalisation de la délivrance des titres ; la gestion locale des crises ; l’efficacité de la coordination territoriale des politiques publiques ; le renforcement de l’expertise juridique et du contrôle de légalité.

Après la définition, en 2015 et au premier semestre 2016, des modalités concrètes de cette réorganisation, le ministère s’engage en 2017 dans la mise en œuvre de ce plan. Cette action se matérialise déjà par la mise en place progressive des centres d’expertise et de ressource des titres (CERT), plateformes interrégionales chargées de l’instruction des demandes de titres, c’est-à-dire les cartes nationales d’identité, les passeports, le permis de conduire. Du point de vue du contrôle de légalité, on signalera le renforcement du Pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité et la mise en place prochaine de pôles juridiques spécialisés que les préfectures pourront solliciter dans l’exercice du contrôle de légalité.

Au-delà des tâches qui lui incombent, le réseau préfectoral est également appelé à se renouveler dans son implantation, compte tenu des réalités nouvelles de la décentralisation. Depuis le 1er janvier 2016, la France métropolitaine compte treize régions, parfois très grandes, telle l’Aquitaine ; sept sont issues de regroupements. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, puis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015, ont conforté les collectivités territoriales dans leurs domaines de compétences respectifs et ouvert de nouveaux champs de coopération avec l’État. Il en résulte notamment, pour le réseau préfectoral, le besoin de redéfinir son positionnement, ainsi que l’agencement des rapports hiérarchiques et fonctionnels entre ces différents échelons.

Cette vaste réorganisation ne va pas de soi et nous ne saurions ignorer les inquiétudes ou les difficultés que nous signalent les acteurs sur le terrain. Pour autant, elle est nécessaire.

Je parlais tout à l’heure d’un budget important et cohérent. De fait, la première caractéristique de la programmation des crédits pour 2017 réside dans une certaine atténuation de la contribution qu’avaient pu apporter certains de ses programmes à la maîtrise des dépenses publiques. En incluant le montant prévisionnel des fonds de concours et des attributions de produits, le projet de loi de finances initiale pour 2017 propose de consacrer, à l’ensemble de ces actions, la somme de 2,980 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 2,997 milliards en crédits de paiement (CP). Ces montants représentent une très forte hausse du financement de 17,42 % en AE et de 17,59 % en CP. Cette croissance des crédits présente, il est vrai, une dimension assez conjoncturelle, car, pour une part non négligeable, elle procède de la nécessité de pourvoir, en 2017, aux dépenses imputables au programme 232, c’est-à-dire aux besoins inhérents à l’organisation des scrutins électoraux. Il convient également de prendre en considération l’impact d’une mesure de périmètre : en l’occurrence, le transfert au programme 216 des ressources attachées au Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), avec une dotation de 80,42 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2017.

Toutefois, nonobstant les évolutions de son périmètre et les fluctuations inhérentes au calendrier électoral, la mission dispose de crédits d’un montant supérieur à ceux inscrits dans la loi de finances initiale pour 2016, comme dans celle de 2012. Sur le plan des effectifs, et de manière très pragmatique, les schémas d’emploi des programmes demeurent. Ainsi, pour ce même programme, le projet de loi de finances pour 2017 propose de porter le plafond des emplois autorisés, à 26 346 équivalents temps plein travaillé (ETPT), contre 26 187 ETPT dans la loi de finances initiale pour 2016.

Le budget se caractérise ainsi par une hausse des crédits et une hausse des moyens.

De même, la programmation correspond aux missions prioritaires du plan « préfectures nouvelle génération ». Elle conforte les financements apportés au réseau préfectoral, avec une augmentation sensible des crédits. En ce qui concerne le programme 307, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit de mettre l’accent sur trois actions : au premier chef, l’action n° 2, « Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres », avec une hausse des crédits de 12 % ; ensuite, l’action n° 4, « Pilotage territorial des politiques gouvernementales », qui voit ses ressources croître de 8,06 % en AE et de 8,04 % en CP ; enfin, l’action n° 3, « Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales ».

Le programme 216 voit également ses crédits augmenter fortement, de 15 % en autorisations d’engagement et de 16,84 % en crédits de paiement, afin de mener à bien les chantiers de modernisation des fonctions supports.

En soi, le projet de loi de finances pour 2017 soutient une démarche cohérente et fructueuse à moyen terme. C’est la raison pour laquelle j’appelle mes collègues à voter en faveur de l’adoption des crédits de la mission.

Je souhaite cependant poser quatre questions à M. le secrétaire d’État.

En dehors des communications destinées aux commissions compétentes des Assemblées, ne serait-il pas souhaitable que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les objectifs, les moyens et le degré d’avancement du PPNG ?

Pourriez-vous préciser la politique de formation déployée par le ministère de l’intérieur afin de permettre les changements d’affectations des personnels et le recentrage des préfectures sur leurs missions prioritaires ?

Pourriez-vous préciser ce qu’implique la dématérialisation de la propagande électorale pour les élections présidentielle et législatives que le Gouvernement propose au parlement avec l’article 52 du projet de loi de finances ?

Enfin, pourriez-vous préciser les modalités et le calendrier de la réforme de la carte des cantons annoncée le mois dernier ?

M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour les programmes « Administration territoriale de l’État » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». En tant que rapporteur pour avis des programmes « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », je me suis particulièrement penché cette année sur les dépenses de contentieux du ministère de l’intérieur, qui ont récemment fait l’objet de travaux d’évaluation par l’inspection générale de l’administration (IGA), puis d’un plan d’action validé par le secrétariat général du ministère.

Très diverses, les dépenses de contentieux peuvent résulter d’une condamnation juridictionnelle, d’un règlement négocié à l’amiable ou de frais d’honoraires d’avocats, d’experts et d’auxiliaires de justice sollicités pour assister l’État dans le cadre d’un contentieux opposant ce dernier à un tiers. Ces dépenses, lorsqu’elles relèvent du ministère de l’intérieur, sont portées par l’action « Affaires juridiques et contentieuses » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». Cinq types de litiges sont plus particulièrement concernés : refus de concours de la force publique ; contentieux des étrangers ; protection fonctionnelle des fonctionnaires ; dépenses d’indemnisation liées aux accidents de la circulation ; indemnisations liées aux attroupements.

En dépit d’une volonté d’« amélioration de la prévision et du pilotage des dépenses de contentieux », selon les termes du projet annuel de performance, la tradition de sous-budgétisation des crédits destinés à couvrir le coût du contentieux ne semble pas se démentir : pour 2017, 55 millions d’euros sont prévus à ce titre sur l’action « Affaires juridiques et contentieuses », à comparer aux 63,3 millions d’euros votés en loi de finances, au titre de 2015, pour des dépenses effectives de 97,9 millions d’euros.

Cela m’amène à une première série de questions, monsieur le secrétaire d’État.

Quelles sont les perspectives de dépenses effectives pour 2016 et 2017 ? Comment remédier à cette sous-budgétisation ? Cette situation n’est-elle pas génératrice de dépenses supplémentaires, notamment avec la revalorisation des taux d’intérêt ?

Faut-il envisager un rebasage des crédits de contentieux ? L’inspection générale de l’administration l’avait expressément écarté dans son rapport de 2013, mais il semble que le responsable du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » le demande chaque année lors des travaux de construction du projet de loi de finances.

Notre pays a connu au second semestre 2015 et durant le premier semestre de l’année 2016 beaucoup de débordements violents : manifestations d’agriculteurs, manifestations liées au barrage de Sivens ou à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui ont entraîné de nombreux dégâts, manifestations contre le projet de la loi « travail »… À rebours de ces événements, les indemnisations liées aux attroupements sont stables, avec une dotation de 1,25 million d’euros, pour un tendanciel évalué à 2 millions. Comment expliquer que les indemnisations soient demeurées si faibles en dépit des dégâts que chacun a en mémoire ? Y a-t-il eu un durcissement dans les conditions d’engagement de la responsabilité sans faute de l’État ? Comment sont indemnisés les commerçants ou les professionnels dont l’activité a été paralysée, ou les installations dégradées ?

J’en viens aux réformes récemment mises en œuvre. Au terme de trois années, les effets du plan d’action, élaboré en 2014 par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques(DLPAJ) du ministère, sur la base des recommandations de la mission de l’IGA, n’ont pas permis de compenser complètement l’insuffisance budgétaire en matière de dépenses de contentieux. Grâce à ces efforts, il a toutefois été possible de diminuer significativement le socle des dépenses récurrentes. Une expérimentation a ainsi été conduite dans deux zones de défense, Lyon et Bordeaux, afin de supprimer le recours systématique aux avocats dans le cas d’outrages simples des agents de la police nationale. Faut-il envisager une généralisation de cette mesure à l’ensemble des secrétariats généraux de l’administration de l’intérieur ?

En matière de contentieux des étrangers, les actions conduites sous l’impulsion de la DLPAJ sont essentiellement à visée préventive. Elles consistent à sécuriser les actes juridiques et à augmenter le taux d’affaires gagnées par les préfectures devant les juridictions, grâce à la mise en ligne d’une veille jurisprudentielle ou à des formations.

Où en est-on de la réorganisation, qui avait été annoncée lors des débats sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, pour permettre la professionnalisation des agents et la mutualisation des ressources existantes ? Ne peut-on envisager un recours accru aux réservistes en vue d’améliorer la défense de l’État, pour un moindre coût ?

Dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération » ont été créés des pôles d’appui juridique, pilotés et animés par la DLPAJ, qui, à terme, doivent permettre des économies en prévenant le contentieux et en assurant une défense contentieuse optimisée. Ces pôles d’appui interviendront pour le compte de l’ensemble des préfectures souhaitant faire appel à leurs services, en conseil juridique comme en contentieux. Les deux premiers pôles d’appui seront mis en place cet automne à Dijon et à Orléans.

Quel est le calendrier de déploiement prévu pour les prochains pôles d’appui juridique ? La DLPAJ va mettre à disposition de ces pôles, des bibliothèques de paragraphes argumentés pour la défense contentieuse, voire des mémoires types, dès lors que le thème s’y prête, comme elle le pratique déjà, pour l’ensemble des préfectures, en matière de contentieux des étrangers.

Au-delà de ces évolutions bienvenues, ne faudrait-il pas mettre en œuvre une politique systématique d’appel et de cassation afin de prévenir le développement des contentieux les plus coûteux ?

M. Paul Molac, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour le programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Je rapporte le programme « Vie politique, cultuelle et associative » qui comporte en particulier les crédits consacrés aux élections. L’année 2017 sera évidemment marquée par l’organisation de trois scrutins nationaux les législatives, les sénatoriales et la présidentielle , mais aussi des élections territoriales dans plusieurs collectivités d’outre-mer ainsi qu’en Corse, à la suite de la fusion de la région et des deux départements, qui ne formeront plus qu’une seule collectivité.

Les moyens prévus pour l’an prochain sont donc très atypiques : 307,6 millions d’euros pour le programme, dont 229 millions d’euros pour les dépenses strictement électorales. C’est respectivement trois et dix fois plus qu’en 2016, année il est vrai dépourvue d’échéances électorales.

Ma première interrogation porte sur la dématérialisation de la propagande électorale. L’article 52 du projet de loi de finances gage une partie de ces dépenses par la suppression de l’envoi aux électeurs, par la poste et sur papier, des bulletins de vote et des professions de foi des candidats aux élections législatives. À plusieurs reprises, l’Assemblée nationale a rejeté des propositions analogues du Gouvernement concernant les élections européennes, régionales et départementales. À titre personnel, j’ai refusé de voter ces mesures, aux motifs, d’une part, que nombreux sont les électeurs qui n’ont pas accès à internet, et, d’autre part, que la proposition du ministère ne me semblait pas répondre aux besoins.

Interrogé, l’an dernier, par notre collègue Sergio Coronado sur les intentions du Gouvernement, vous ne nous aviez pas caché votre soutien à une telle dématérialisation. Cependant, vous aviez conditionné celle-ci à une concertation préalable avec la commission des lois et avec les associations d’élus locaux : à ma connaissance, ce travail n’a pas eu lieu.

J’ajoute que les économies attendues sont surestimées : l’évaluation préalable les estime à 169 millions d’euros, mais ce chiffre ne prend pas en compte les éventuels coûts supplémentaires, liés à la conception et à l’entretien du site internet ou aux campagnes de communication visant à compenser l’absence de propagande sur papier.

Enfin, je veux insister sur un dernier point d’ordre juridique : le dispositif qui nous est proposé – et que plusieurs amendements visent à supprimer – ne concerne que les élections législatives. En effet, pour les élections présidentielles, les modalités de la propagande sont fixées par décret, ce qui laisse une grande liberté au pouvoir réglementaire.

Par conséquent, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous en dire plus sur les intentions du Gouvernement en vue de l’élection présidentielle de 2017 ? Dans l’hypothèse où l’article 52 serait supprimé, la dématérialisation de la propagande électorale serait-elle tout de même mise en œuvre pour ce scrutin ? C’est ce que souhaitent nombre de collègues.

J’en viens au thème auquel je me suis intéressé cette année dans mon avis budgétaire : le financement public des cultes. Notre ordre juridique admet effectivement sept régimes cultuels différents, auxquels la loi du 9 décembre 1905 ne s’applique pas nécessairement. Sans esprit de polémique, il m’a semblé utile d’interroger, au-delà des modalités d’exercice des cultes en Alsace-Moselle ou dans les outre-mer, le rôle de la puissance publique dans l’organisation des principales religions de France.

Ma deuxième interrogation porte sur les canaux multiples du financement public des cultes. Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » finance en effet plusieurs types de dépenses liées aux cultes : les crédits dits de « subventions aux cultes » – il s’agit de dépenses d’intervention destinées d’une part aux communes pour la réalisation des travaux sur les édifices cultuels et, d’autre part, aux cultes catholique, protestant et israélite pour leurs frais d’administration – ; les crédits destinés à l’immobilier des cultes – ce sont des crédits d’investissement destinés à financer les travaux relevant de la responsabilité de l’État, propriétaire des quatre implantations cultuelles : grands séminaires et palais épiscopaux de Metz et Strasbourg. Dans ces deux cas, les crédits sont destinés aux départements concordataires d’Alsace et de Moselle.

Le programme comprend également les crédits du plan de lutte antiterroriste : cette enveloppe est consacrée au financement de diplômes universitaires et de recherches en islamologie sur l’ensemble du territoire national.

Plusieurs autres programmes contribuent également à financer les cultes au travers des dépenses de rémunération des ministres du culte en Alsace-Moselle et des aumôniers militaires, pénitentiaires ou hospitaliers sur l’ensemble du territoire, sur les missions « Défense », « Justice » et « Santé ». Enfin, des mécanismes dérogatoires d’exonération ou d’exemption fiscale participent aussi d’un effort financier important. Compte tenu de la diversité des financements mis en jeu et de la multiplicité des régimes juridiques applicables, l’effort financier de l’État en faveur des cultes ne devrait-il pas faire l’objet d’une annexe budgétaire spécifique – par exemple sous la forme d’un jaune ?

Ma troisième interrogation porte sur la formation des ministres du culte musulman. Confronté à la multiplication d’imams autoproclamés et, plus généralement, à l’hétérogénéité des formations et des compétences des animateurs du culte musulman, le ministère de l’intérieur participe depuis 2008 au financement de diplômes universitaires sur le fait religieux et la laïcité.

Ces formations universitaires sont ouvertes à un large public : agents publics, personnels des cultes, étudiants, représentants de la société civile. À l’occasion des auditions, j’ai entendu des retours d’expérience globalement positifs. Plusieurs difficultés ont cependant été portées à mon attention : la maîtrise insuffisante de la langue française par certains étudiants, impliquant des abandons, l’attractivité limitée de ces formations sur les imams autoproclamés en marge des instances représentatives de l’islam en France, ou la mobilité géographique de certains imams.

Comment le Gouvernement envisage-t-il le développement de ces formations universitaires ? Comment, en particulier, davantage attirer les imams autoproclamés ? Jusqu’où la puissance publique peut-elle s’investir dans la formation de ministres du culte ?

Le financement des édifices du culte musulman constitue ma quatrième interrogation. Eu égard à leur régime fiscal et patrimonial, la création de fondations peut constituer un outil adapté au financement des lieux de culte. Une fondation pour les œuvres de l’islam de France (FOIF) a ainsi été créée par décret du 31 mai 2005 et reconnue comme établissement d’utilité publique le 25 juillet 2005, afin d’améliorer les conditions d’exercice du culte des musulmans français. Sa principale mission était la construction et la gestion des lieux de culte musulmans, en accord avec les maires des communes concernées.

On le sait, cette tentative s’est soldée par un échec. Interrogé en 2010 quant à la pérennisation de la FOIF, le gouvernement de l’époque avait reconnu que les associations musulmanes n’avaient pas entendu faire de la Fondation « le vecteur privilégié de leur action ».

M. le ministre de l’intérieur avait annoncé une réflexion sur une nouvelle structure lors de la première réunion de l’instance de dialogue avec l’islam ; un haut fonctionnaire avait d’ailleurs été nommé directeur de projet chargé de la préfiguration d’une fondation de l’islam de France.

Où en est-ce projet ? Pouvez-vous nous dire comment vous envisagez la construction de ces lieux de culte ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Avant de répondre aux questions des rapporteurs, je voudrais dresser moi aussi un rapide portrait de la mission telle que proposée par ce projet de loi de finances. Dans le champ de cette mission, ce projet de loi de finances propose deux réformes structurelles de l’action de l’État. Je connais l’attachement de tous au caractère structurel des réformes que nous menons et cette mission en donne deux bons exemples.

C’est d’abord le plan « préfectures nouvelle génération », qui est une réforme majeure pour la modernisation des préfectures. Après plusieurs reports, il entre enfin dans sa phase opérationnelle de mise en œuvre, puisque le premier centre d’expertise et de ressources des titres sera lancé dans quelques jours à la préfecture des Yvelines. Ce plan vise à adapter les missions du réseau des préfectures, en particulier en matière de production et de délivrance des titres. En allégeant certaines de leurs missions, il doit permettre de renforcer leurs quatre missions prioritaires : la lutte contre la fraude, précisément en matière de titres ; le contrôle de légalité et la fonction juridique ; la sécurité et la gestion locale des crises ; enfin, l’animation interministérielle des politiques locales, et en particulier l’ingénierie territoriale, qui doit permettre de mieux accompagner les projets portés par les élus locaux sur le territoire. L’objectif de ce plan est donc de concentrer les moyens sur les missions prioritaires de l’État : c’est bien là une réforme structurelle de l’action publique.

L’année 2017 sera également marquée par l’organisation de trois élections majeures, présidentielle, législatives et sénatoriales pour la moitié des représentants. Pour la troisième fois dans cette législature, le Gouvernement vous propose de mettre en œuvre la dématérialisation de la propagande électorale : je sais que, cette année, les réticences ne sont pas moindres que les années précédentes, et je voudrais m’y arrêter un instant. Je ne suis pas certain de tous vous convaincre, mais je crois utile de rappeler les raisons pour lesquelles le Gouvernement est aussi insistant sur cette réforme.

Il s’agit de substituer à l’envoi des circulaires des candidats leur mise en ligne sur un site internet public. D’un point de vue budgétaire, cette réforme permettrait de mieux maîtriser les coûts liés à l’organisation des élections avec une économie attendue de 170 millions d’euros, et, pour le secrétaire d’État au budget, c’est déjà une bonne raison de tenter sa chance une troisième fois en quatre ans, en plein accord avec le ministre de l’intérieur. Mais cette réforme a aussi un impact environnemental positif, puisqu’elle éviterait de gaspiller des tonnes de papier dans des envois dont on ne mesure pas toujours complètement l’utilité. Et, en un sens, elle permet aussi un meilleur accès à l’information puisqu’elle s’accompagne d’une mise en ligne de ces informations, ce qui est souvent un accès plus pratique pour beaucoup, notamment pour les plus jeunes.

Nous avons désormais rodé nos dispositifs techniques, lors des départementales puis lors des régionales de 2015. Surtout, la consultation relative au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, réalisée en juin dernier, a bien démontré l’absence de lien entre participation électorale – elle a été forte – et dématérialisation de la propagande – elle a été totale.

Par ailleurs le Gouvernement propose d’entourer la réforme de garanties : une importante campagne de communication, la mise à disposition pour consultation, dans chaque mairie et dans chaque préfecture, d’une circulaire de chaque candidat.

Bien entendu, l’Assemblée est libre d’adopter ou de rejeter la réforme : s’il y a rejet, le manque à gagner pour l’État sera simplement compensé par des économies supplémentaires sur l’ensemble des ministères.

J’en viens plus précisément aux questions posées par les rapporteurs.

Monsieur Habib, vous avez rappelé la progression des crédits et celle des plafonds d’emplois. Je m’interroge moi-même sur l’augmentation des plafonds d’emploi en termes d’équivalents temps plein travaillé, mais aussi sur la réduction des schémas d’emplois dans un certain nombre d’actions, notamment celles relatives aux préfectures.

S’il y a bien une réduction des schémas d’emplois, qui nous fournissent une photographie en fin d’année budgétaire, il y a néanmoins une augmentation des ETPT. Ces variations sont significatives : elles représentent 500 emplois en moins grâce à la mise en œuvre du plan « préfectures nouvelle génération ». J’avoue que, depuis plusieurs années, c’est un point discuté, de manière régulière et assez vive, entre le secrétaire d’État au budget et le ministre de l’intérieur. Le PPNG m’avait été présenté comme étant source d’importantes économies, notamment en termes d’emploi. J’ai évoqué les reports successifs, que l’on peut comprendre. Il est vrai que, en termes de schémas d’emplois, le PPNG conduira à une diminution de 500 emplois. Mais les ETPT sont calculés quant à eux en fonction des départs et des arrivées. Tandis que les premiers se font de façon uniforme et continue tout au long de l’année, les secondes ont lieu de manière groupée et parfois plus tôt, en termes de moyenne. En calculant la moyenne pondérée, nous arrivons donc au paradoxe que les emplois augmentent de 180 unités dans les plafonds d’emplois, malgré une diminution nette de 500 postes. J’ajoute que les plafonds d’emplois incluent les modifications d’emplois qui ont eu lieu en 2016, notamment relativement aux opérations de sécurité ou aux effectifs nécessaires à l’accueil des migrants. À la lecture des documents budgétaires, le résultat peut étonner.

Pour 2018, le mouvement de réduction des emplois au sein de la mission sera beaucoup plus significatif, puisqu’on observera un effet en année pleine de la diminution du schéma d’emplois intervenue en 2017.

Monsieur Habib, vous avez demandé la rédaction d’un rapport sur la mise en œuvre du PPNG. Le Gouvernement est bien entendu à la disposition du Parlement, mais un rapport n’est peut-être pas nécessaire : les documents budgétaires et votre propre rapport constituent des sources d’information de nature à répondre aux attentes des parlementaires en la matière.

S’agissant de la formation, je tiens à préciser que, depuis le début de 2016, 2 300 agents des services des titres d’identité ou de circulation ont suivi un programme certifiant de huit modules portant sur des thématiques nécessaires à une remise à niveau et à une évolution des missions : droit public, budget, rédaction administrative, bureautique, collectivités territoriales, déontologie, etc. Cet effort inédit sera poursuivi et amplifié en 2017 avec trois types de formation : des formations pour tous les agents qui prennent de nouvelles fonctions, y compris pour l’encadrement ; des programmes de formation complets pour les agents appelés à exercer les missions prioritaires que vous avez citées ; des formations pour les nouveaux cadres A et B promus au choix ou après la réussite d’un examen professionnel, afin de leur apporter le niveau de connaissances et de compétence nécessaire à l’exercice de ces missions prioritaires.

Concernant la dématérialisation de la propagande électorale, j’ajoute, pour répondre à la question de M. Molac, que les dépenses nécessaires à la mise en œuvre des nouveaux systèmes, notamment des sites internet, ont bien été prises en compte, à hauteur de 8 millions d’euros, dans le calcul des économies. Le montant de 170 millions d’euros que j’ai cité est donc un solde.

La réforme de la carte des arrondissements consisterait notamment à mettre en cohérence le nombre d’arrondissements avec la nouvelle carte intercommunale, en procédant le cas échéant à des fusions ou à des jumelages. Elle impliquerait en outre une rénovation des missions confiées aux sous-préfets et aux sous-préfectures. Au niveau infradépartemental, nous devons pouvoir faire évoluer la carte des arrondissements – qui n’a pas été remaniée en profondeur depuis 1926 – et les missions des sous-préfectures en fonction des attentes des usagers, en veillant à la présence et à la performance de l’État territorial, en cohérence avec les intercommunalités renforcées, qui prennent force et vigueur.

Le ministre de l’intérieur a souhaité mettre en œuvre une démarche d’évolution du réseau des sous-préfectures. Celle-ci ne pourra résulter que d’une réflexion conduite auprès des territoires.

Une expérimentation conduite en 2014 dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin a tout d’abord permis de définir la méthodologie de rénovation de la carte : après un diagnostic complet, axé notamment sur l’accessibilité des services et les impacts des moyens humains, les préfets ont organisé une large concertation avec les élus. Plusieurs décisions ont été prises avec les décrets du 29 décembre 2014 : huit arrondissements ont été supprimés et six sous-préfectures ont été fermées, soit un tiers des arrondissements et des sous-préfectures de ces trois départements ; les limites des arrondissements ont été adaptées à celles des intercommunalités.

Le ministre de l’intérieur a décidé de déployer cette méthode de concertation sur l’ensemble du territoire, tout en l’inscrivant dans l’objectif plus large de l’amélioration de l’accessibilité des services publics. Ainsi, par instruction ministérielle du 12 février 2016, l’ensemble des préfets de département ont été sollicités afin de transmettre, après concertation avec les élus et les organisations syndicales, un projet territorial visant à réorganiser l’échelon infradépartemental de l’État à l’échéance du 1er janvier 2017. Je précise que les maisons de services au public et les maisons de l’État jouent un rôle dans le déploiement de ce dispositif.

Monsieur Zumkeller, vous avez soulevé à juste titre la question des dépenses de contentieux à la charge du ministère de l’intérieur, qui a effectivement fait l’objet d’une importante étude de l’IGA, ainsi que d’un article, hier, dans le Canard enchaîné. Vous avez évoqué une sous-budgétisation chronique ou, en tout cas, des dépenses qui sont supérieures aux crédits accordés de manière récurrente. Ainsi que vous l’avez reconnu vous-même, la mission de l’IGA a considéré que le rebasage de ces crédits ne pouvait pas être envisagé sans un réel plan d’action visant à maîtriser la dépense. La DLPAJ se dote progressivement d’instruments permettant un meilleur contrôle de la dépense dans le cadre d’un tel plan d’action, avec des indicateurs de performance, des référentiels de coût relatifs à chacune des thématiques contentieuses et l’identification des bonnes pratiques locales. Cela devrait permettre de poursuivre la maîtrise de la dépense, dont les déterminants sont stabilisés.

Les dépenses d’indemnisation liées aux attroupements ont effectivement été faibles au premier semestre 2016 en dépit des événements que vous avez signalés. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. S’agissant, par exemple, des événements de Sivens, l’indemnisation a fait l’objet d’un protocole : le conseil départemental du Tarn a pris en charge certaines dépenses, et différents ministères ont contribué à l’indemnisation, le ministère de l’intérieur prenant à sa charge 10 % des dommages, soit environ 200 000 euros. Quant aux dommages et aux importantes pertes de chiffre d’affaires subis par certains commerçants lors des manifestations contre le projet de loi « travail », ils sont pris en charge par d’autres mécanismes, qui associent notamment l’État – via les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) –, les collectivités territoriales et les chambres de commerce et d’industrie. Les crédits de contentieux du ministère de l’intérieur ne sont pas sollicités à ce titre.

Dans le cadre du plan d’action du ministère de l’intérieur relatif à la maîtrise des dépenses de contentieux, des analyses approfondies ont été menées pour déterminer les modes d’organisation les plus efficaces du point de vue de la qualité de la défense contentieuse et du point de vue de son coût. De ce double point de vue, le recours aux réservistes de la police nationale, que vous avez évoqué, apparaît comme un mode d’organisation pertinent. Des travaux sont actuellement menés par le ministère – la DLPAJ, la direction générale des étrangers en France (DGEF), la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) et la direction de l’évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières (DEPAFI) – pour examiner les modalités d’un recours accru à ces réservistes, notamment pour le traitement du contentieux des étrangers.

Les deux premiers pôles d’appui juridique, qui seront consacrés à la police administrative, sont effectivement en cours de mise en place. Composés de cinq agents, ils commenceront officiellement à fournir leurs prestations dès le 1er décembre 2016. Un appel à candidatures sera lancé prochainement afin de déterminer la localisation de six nouveaux pôles d’appui : deux pôles supplémentaires consacrés à la police administrative, deux pôles consacrés au concours de la force publique et à la responsabilité de l’État, un pôle consacré au contentieux statutaire et au droit de la fonction publique, un pôle consacré aux contrats et marchés publics. L’analyse des candidatures devra être menée avant la fin de l’année 2016 pour permettre la mise en place de ces pôles au cours du premier semestre 2017.

La DLPAJ, qui est compétente pour l’ensemble du contentieux relevant du ministère de l’intérieur, mène d’ores et déjà une importante politique d’appel et de pourvoi en cassation, afin de prévenir le développement des contentieux les plus coûteux. Les effets de cette politique pourraient être démultipliés par la mise en place des pôles d’appui juridique que je viens d’évoquer : les contentieux les plus sensibles et dont les effets budgétaires potentiels sont importants pourront être détectés plus en amont, les pôles d’appui intervenant en soutien des préfectures, que ce soit en première instance ou en appel, dans les domaines pour lesquels les préfets sont compétents en appel.

Monsieur Molac, s’agissant de la propagande électorale, il est exact que les dispositions pertinentes relèvent de la loi pour certaines élections et du règlement pour d’autres. Le débat aura lieu en séance publique, et nous verrons bien si l’article 52 du projet de loi de finances survit. Le ministre de l’intérieur aura l’occasion de faire part des conclusions qu’il en tirera en ce qui concerne cette seconde catégorie de scrutins.

S’agissant du financement des cultes, l’effort de l’État est assuré, à titre principal, à partir de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », pour un montant qui a été de l’ordre de 2,5 millions d’euros en 2016. Il faut y ajouter 56,8 millions d’euros pour l’Alsace et la Moselle. Ces montants sont certes significatifs, mais relativement moins importants que d’autres dépenses du budget de l’État. Je ne suis donc pas nécessairement favorable à l’élaboration d’un « jaune » budgétaire pour cette politique. Selon moi, les échanges que nous pouvons avoir et les travaux que vous menez en tant que rapporteur pour avis éclairent assez largement le Parlement.

En ce qui concerne la formation des ministres du culte, l’État a engagé depuis plusieurs années une politique qui consiste à offrir des formations civiles et civiques qui soient utiles non seulement aux ministres du culte de toute confession, mais aussi aux responsables d’association à objet cultuel et aux agents publics ayant à connaître des questions de laïcité. Ces formations, qui débouchent sur des diplômes universitaires, incluent des enseignements portant sur les institutions françaises, sur le droit des religions et de la laïcité, sur l’histoire et la sociologie des religions. En 2014, il existait trois de ces diplômes universitaires, à l’Institut catholique de Paris, à Lyon et à Strasbourg. À la suite d’un effort volontariste, ce nombre a été porté à quatorze à la rentrée universitaire de 2016, et il sera de vingt en 2017. En 2015, 273 étudiants se sont inscrits dans l’une de ces formations ; 35 % d’entre eux étaient des cadres religieux musulmans.

Aux termes d’un décret qui sera pris avant la fin de l’année, les nouveaux aumôniers des prisons, des hôpitaux et aux armées devront, quelle que soit leur confession, être titulaires d’un tel diplôme ou s’engager à le passer dans les deux ans qui suivront l’obtention de leur agrément. En outre, des négociations ont été engagées et menées avec des gouvernements étrangers concernés, notamment ceux de la Turquie, de l’Algérie et du Maroc, afin que les imams détachés dans les mosquées françaises s’engagent à suivre une telle formation à leur arrivée en France.

Dans un régime de laïcité, l’État ne saurait bien entendu influencer le contenu de la formation théologique des imams. Cependant, le Gouvernement a souhaité que les universités publiques renforcent leur offre d’enseignements dans le domaine de l’islamologie. Les futurs imams français pourront ainsi bénéficier d’une telle formation en complément de celle qu’ils reçoivent dans les instituts privés de théologie musulmane, au même titre que les autres étudiants intéressés par cette discipline, dans le respect des normes scientifiques de l’université française. La ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministre de l’intérieur ont confié à trois universitaires – Mme Catherine Mayeur-Jaouen, M. Rachid Benzine et Mme Mathilde Philip-Gay – la mission de formuler des propositions dans cette perspective.

La Fondation des œuvres de l’islam de France, que vous avez mentionnée, avait été créée en 2005, mais n’avait jamais pu fonctionner en raison d’un défaut de gouvernance. Le Gouvernement a donc entrepris de dissoudre cette première fondation et de créer, sur des bases entièrement nouvelles, une Fondation de l’islam de France, reconnue d’utilité publique. Cette nouvelle fondation n’aura pas d’objet directement cultuel : elle sera appelée à soutenir ou à susciter des initiatives à caractère culturel, éducatif ou social favorisant la connaissance de l’islam et sa bonne insertion dans la société française. Le projet de décret lui accordant la reconnaissance d’utilité publique devra être examiné par le Conseil d’État dans le courant du mois de novembre, afin qu’elle puisse démarrer ses travaux avant la fin de cette année.

Le conseil d’administration de cette fondation comptera six membres de droit : trois représentants de l’État – un du ministère de l’intérieur, un du ministère de la culture et de la communication et un du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche ; le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) ; deux représentants du comité des donateurs. Ces membres de droits désigneront cinq personnalités qualifiées. Le conseil d’administration ainsi constitué élira son président en son sein. Le directeur de la fondation sera nommé par le conseil d’administration sur proposition de son président. Ces désignations interviendront lors de la première réunion du conseil d’administration, prévue au mois de décembre prochain.

La création d’une telle fondation ne saurait constituer une manifestation de méfiance à l’égard des Français de confession musulmane ni envers les responsables du culte musulman. Elle vise à leur permettre de se doter d’un outil comparable à celui dont bénéficient déjà d’autres cultes, à travers des fondations d’inspiration confessionnelle telles que la Fondation Notre Dame, la Fondation du judaïsme français ou la Fondation du protestantisme. Cette fondation n’aura pas plus qu’elles pour objet l’exercice du culte.

À rebours, la question du financement du culte musulman – construction et entretien des lieux de culte, formation théologique et rémunération des imams – sera abordée dans le cadre d’une association culturelle nationale, en cours de constitution, dans laquelle l’État n’aura bien entendu aucune part.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Le plan « préfectures nouvelle génération » est essentiel. D’une part, nous notons une augmentation de crédits assez importante qui permettra un travail de fond sur les titres d’identité – passeports, cartes nationales d’identité, permis de conduire, etc. –, avec la mise en place des CERT et la création, évoquée hier dans l’hémicycle, du système « Titres électroniques sécurisés » (TES). D’autre part, un travail de requalification des emplois et de reconfiguration des missions a été lancé cette année, dans les préfectures et à l’administration centrale. Il prendra de l’ampleur l’année prochaine et se poursuivra encore pendant quelques années. Dans ce cadre, un effort particulier est réalisé en matière de formation des agents, dans le contexte de la réforme territoriale engagée par les lois MAPTAM et NOTRe. Ce travail est, à mon sens, nécessaire et positif. Relevons, à cet égard, un effort significatif : en 2017, les effectifs augmenteront tant à l’administration centrale – de 159 ETPT – que dans les préfectures – de 187 ETPT, avec un accent mis sur le pacte de sécurité et sur l’accueil des migrants.

S’agissant de la vie politique et cultuelle, vous venez de souligner, monsieur le secrétaire d’État, l’effort en faveur de l’islam de France, notamment en faveur des personnes qui sont chargées d’accompagner nos concitoyens musulmans dans leur religion. À cet égard, nous avons fait un choix qui n’est pas anodin : plutôt que de céder aux tendances centralisatrices en créant une grande institution nationale parisienne avec des annexes en province, nous avons décidé de nous appuyer sur le réseau des universités et de faire confiance aux forces vives et à l’intelligence locales.

En ce qui concerne la propagande électorale, un certain nombre d’entre nous au sein de cette assemblée sont attachés au support papier – je crains, monsieur le secrétaire d’État, que ce ne soit pas seulement une question d’opinion. Car ce n’est pas que du papier, c’est un lien très concret : pour avoir mené quelques campagnes électorales, je peux vous dire que la plupart des gens que nous rencontrons lorsque nous faisons du porte-à-porte nous disent avoir lu les professions de foi et en avoir retenu tel ou tel point. D’autre part, le système actuel ne me paraît pas porter atteinte à l’environnement, car ce papier peut être recyclé, voire enfoui. Rappelons que le papier, c’est du bois. Donc, avec le papier, nous stockons du dioxyde de carbone.

Je relève que le budget consacré aux opérations électorales augmentera de manière significative l’année prochaine, du fait de l’organisation de trois scrutins nationaux – l’élection présidentielle, les élections législatives et les élections sénatoriales –, mais aussi de plusieurs scrutins territoriaux – en Corse, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna. Quant au financement des partis politiques, il est stable depuis 2012, autour de 68 millions d’euros. Je salue cette modération. Ce soutien aux partis politiques peut être comparé à l’aide qui est apportée à la presse dans notre pays.

En 2016, le taux d’emploi des personnes handicapées a atteint 6,1 % au ministère de l’intérieur, ce qui est supérieur à l’objectif de 6 % fixé par la loi. Ce beau résultat est le fruit de la mobilisation du ministre, des responsables du recrutement et de l’ensemble des fonctionnaires de cette administration. Je les en remercie.

Enfin, je souligne l’effort remarquable – une augmentation des crédits de près de 20 % – consenti pour sécuriser le système d’information et de communication du ministère de l’intérieur, notamment les serveurs et les réseaux. Je crois que c’était indispensable.

M. Olivier Marleix. J’imagine que, lorsqu’on gère l’administration territoriale de l’État, le réseau des préfectures, qui incarne, à bien des égards, la continuité de l’État, on doit avoir le sentiment d’œuvrer dans ce que Fernand Braudel appelait le « temps long ». Je suis le budget de ce ministère à titre personnel depuis 2012, et le fait est que je commence à trouver le temps assez long : depuis cinq ans, ce sont exactement les mêmes questions qui reviennent sur la table – réforme des préfectures, carte des arrondissements, titres d’identité électroniques –, sans qu’elles aient jamais été tranchées et sans que les choses aient beaucoup avancé, faute de choix politiques volontaires.

S’agissant de la réforme des préfectures, vos documents budgétaires nous vendent une « évolution majeure d’une ampleur inédite » : le plan « préfectures nouvelle génération ». Vous annoncez que cette réorganisation, qui ne concerne en réalité que les services de délivrance des titres et qui est mise en œuvre depuis cette année, produira ses effets les plus significatifs en 2017 et 2018. On a envie de dire : il était temps !

Depuis 2012, vous avez tout de même procédé à de nombreuses suppressions de postes dans l’administration territoriale de l’État : en trois ans, de 2012 à 2015, vous avez supprimé près de 1 000 emplois – 814 précisément – et cette tendance va se poursuivre, puisque vous annoncez la suppression de 1 300 ETPT dans les deux ans à venir. Or il y a un problème de méthode : vous avez commencé par supprimer des postes avant de vous interroger sur la réorganisation des missions, contrairement à ce qui avait été fait dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), que vous aimez tant décrier. Cela vous fait sourire, monsieur le secrétaire d’État, mais, à l’époque, il y avait un pilotage au plus haut niveau de l’État, assuré par le directeur de cabinet du Premier ministre et le secrétaire général de l’Élysée, et l’on réfléchissait d’abord aux missions de l’État et à leur évolution avant de supprimer les postes. Il aura fallu attendre quatre ans pour que la réflexion rejoigne l’action et que vous nous proposiez enfin une solution !

En ce qui concerne la carte des sous-préfectures, nous aurons subi, là encore, cinq ans de tergiversations. Dès juillet 2012, le ministre de l’intérieur Manuel Valls avait annoncé, avec le volontarisme qu’on lui connaît, une réforme de la carte des sous-préfectures qui semblait très ambitieuse. Un rapport commandé à trois hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur et remis au ministre au printemps 2013 prévoyait la fermeture de quarante-sept sous-préfectures. Or il a été rapidement enterré et, dans la foulée, M. Valls a confié à deux préfets la mission d’expérimenter une méthode pour fermer éventuellement des sous-préfectures. Tout cela n’a, semble-t-il, pas abouti à grand-chose, puisque seules six sous-préfectures ont été supprimées. Quatre ans plus tard, M. Cazeneuve nous annonce à son tour une grande réforme de l’administration territoriale, qui, je le cite très scrupuleusement, « ne [sera] pas le grand soir des sous-préfectures » – on l’avait bien compris –, mais qui se veut néanmoins « historique », la plus importante depuis Raymond Poincaré. Nous attendons désormais de savoir très précisément ce qui va se passer, de quelle manière et selon quel calendrier. Vous nous avez en partie répondu en indiquant que tout devrait être fait avant le 1er janvier 2017, ce qui vous laisse assez peu de temps.

Au nom du groupe Les Républicains, je regrette surtout que ces cinq années n’aient pas été l’occasion d’engager au moins une réflexion sur le rôle du corps préfectoral, des préfets et des sous-préfets, en tant qu’acteurs de la simplification – on avait pourtant cru comprendre qu’il s’agissait d’un des grands chantiers du Président de la République – et du déverrouillage administratif du pays.

Il y avait traditionnellement, dans le « bleu » budgétaire, un indicateur de performance passionnant : le délai d’instruction des dossiers relatifs aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et des dossiers déposés au titre de la loi sur l’eau. Je le citais tous les ans : j’espère ne pas lui avoir porté malheur, car il a disparu ! En tout cas, les chiffres étaient effarants : la dernière fois que nous avons eu connaissance de cet indicateur, il révélait que ce délai était passé de 263 jours en 2012 à 320 jours en 2014 ! En d’autres termes, il fallait désormais presque un an pour obtenir une simple autorisation administrative. Voilà une illustration parfaite de ce que sont les blocages administratifs !

Le fait est que toutes les réformes de l’administration territoriale, y compris celles qui ont été engagées avant vous, se sont traduites par une régionalisation de l’administration, ce qui l’a éloignée des citoyens et des entrepreneurs. Il y a là un vrai problème : un droit qui se complexifie et une administration qui s’éloigne. Un des grands chantiers des années qui viennent doit être de redonner du pouvoir aux préfets et aux sous-préfets pour déverrouiller notre pays. Il faut créer les conditions d’un véritable réarmement juridique du corps préfectoral, quitte à renforcer le pouvoir discrétionnaire des préfets dans notre droit.

Je termine par quelques mots sur la carte nationale d’identité électronique. Le ministre de l’intérieur fait preuve d’une modestie qu’on ne lui connaît guère : depuis quarante-huit heures, il minimise la portée du fameux décret qui prévoit la fusion des fichiers comportant les données relatives aux détenteurs de titres d’identité. Pourtant, ce décret n’est pas rien : au lieu de deux fichiers, il y en aura désormais un seul, qui concernera 65 millions de Français, contre 15 millions actuellement pour le fichier des passeports. Un pas immense a donc été franchi. De notre point de vue, cela va dans le bon sens, mais il est dommage que vous n’alliez pas jusqu’au bout des choses : la carte d’identité électronique ne sera toujours pas mise en œuvre, ce que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) elle-même a regretté. Dès lors, les Français auront droit au fichage, mais pas à la sécurité des titres.

Quant à la suppression de la propagande électorale, c’est le pire moment pour la faire. De plus, si l’on appliquait la mesure que vous proposez pour 2017, cela créerait une véritable rupture d’égalité devant la loi, dans la mesure où 20 % des Français n’ont toujours pas accès à internet. Cela fait cinq ans que vous hésitez et que vous atermoyez. Je crois que vous pouvez attendre une année supplémentaire.

M. Michel Piron. Globalement, après avoir diminué l’an dernier, les crédits alloués à la mission « Administration générale et territoriale de l’État » devraient augmenter de 14,8 % par rapport à 2016, avec un budget de 2,32 milliards d’euros. Cette augmentation s’explique surtout par la tenue en 2017 de trois échéances électorales majeures : l’élection présidentielle, les élections législatives et le renouvellement de la moitié du Sénat. Ainsi donc, les dépenses se rapportant à l’organisation des élections représentent quelque 75 % des crédits demandés dans le projet de loi de finances pour 2017, alors qu’aucun crédit n’avait été ouvert à cette fin en loi de finances pour 2016, en l’absence de scrutin national.

L’évolution des crédits de la mission doit également être examinée en tenant compte du transfert des crédits consacrés au Fonds interministériel de prévention de la délinquance, doté d’un budget de 80,4 millions d’euros qui relevait jusqu’alors de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Voilà pourquoi la hausse du budget doit être interprétée et relativisée.

Outre l’organisation des élections, l’une des priorités attribuées à cette mission est de contribuer aux efforts de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. On peut, à ce titre, saluer les effectifs supplémentaires accordés en 2016 et en 2017 aux préfectures, dans le cadre du pacte de sécurité : 185 ETPT en 2016 et 185 en 2017. On soulignera également la hausse de 16 % des crédits de l’action n° 4 « Cultes » du programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative », intégralement consacrée au financement de nouveaux projets dans le cadre du plan antiterroriste.

Une autre priorité de cette mission est de moderniser et de simplifier les procédures administratives. L’année 2017 sera en effet marquée par une évolution importante du réseau des préfectures, dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération », mis en œuvre dès 2016. Il prévoit de repenser les modalités de délivrance des titres et devrait produire ses effets les plus significatifs en 2017-2018.

Dans un contexte de réforme territoriale et alors que la nouvelle carte des régions vient d’être mise en œuvre, la modernisation des services déconcentrés doit se traduire par un renforcement du rôle et de la place de l’administration territoriale de l’État, et sans doute et surtout par une clarification des compétences. Pour le groupe Union des démocrates et indépendants, il importe, dans les années à venir, d’entreprendre une véritable réorganisation de l’État, une requalification de sa présence dans les territoires en concertation avec les acteurs locaux. Nous ne pourrons nous exonérer d’une redéfinition des missions de l’administration territoriale si nous voulons sauvegarder l’efficacité de nos services publics.

J’évoquerai enfin l’article 52 du projet de loi de finances pour 2017 qui prévoit la dématérialisation de la propagande électorale. Une telle réforme avait déjà été proposée dans les projets de loi de finances précédents, s’agissant des élections européennes, régionales et départementales. Vous la proposez à nouveau cette année pour les élections présidentielle et législatives, afin, dites-vous, de réaliser une économie de près de 169 millions d’euros. Or tous les foyers n’ont pas accès au numérique. En 2013, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), seuls 75 % des ménages disposaient d’une connexion internet. Admettons que ce chiffre soit aujourd’hui de 80 % : 20 % n’en disposent donc toujours pas. Par ailleurs, de nombreuses zones rurales sont très mal desservies. Adopter une telle mesure reviendrait ainsi à réduire l’information de nos concitoyens, au risque de faire progresser l’abstention au nom des économies budgétaires.

Vous avez avancé plusieurs arguments, mais fallait-il aller jusqu’à invoquer Notre-Dame-des-Landes au secours de la dématérialisation ? Pour ma part, j’en reste pantois. Nous sommes favorables aux économies de papier – ou, comme on le dit parfois, de paperasse – à condition qu’elles n’équivaillent pas à des économies d’informations. Or, quand on n’a pas de substitut à l’information, la mesure devient indéfendable, à moins de prétendre obtenir très rapidement la couverture numérique intégrale du territoire.

M. Marc Dolez. Nous craignons que le plan « préfectures nouvelle génération » ne soit mis en application au détriment de la proximité et de la qualité du service. Les usagers seront en effet invités à s’orienter vers les téléprocédures, ce qui, en l’absence d’interlocuteurs à qui parler, risque de rendre plus difficile l’accès aux informations. Vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, ce plan répond davantage à des considérations comptables qu’aux besoins des usagers.

Dans la présentation générale de ce budget, il est affirmé que la réorganisation aura lieu sans porter atteinte à la qualité du service rendu. Je me demande bien comment vous allez pouvoir, avec ce plan, assurer le maintien d’une action de proximité. Plus généralement, la question du rôle et du maillage des sous-préfectures demeure posée, tant du point de vue du service rendu à nos concitoyens que du soutien apporté aux collectivités territoriales. Vos propos concernant l’évolution de la carte des arrondissements et du réseau des sous-préfectures ne nous rassurent guère.

D’autre part, les nouvelles modalités d’instruction devraient conduire à réaffecter une partie des effectifs aux missions prioritaires, avec, certainement, une mobilité géographique. Que deviendront les agents du service public qui se retrouveront sans nouvelle affectation ? Pourriez-vous apporter des précisions sur la réaffectation du personnel ?

Vous avez donné plusieurs indications concernant la formation et l’évolution de carrière des agents de préfecture. Le ministère a en effet engagé un plan de requalification permettant à un maximum d’agents de passer de la catégorie C à la catégorie B. Pourriez-vous nous dire combien d’agents sont concernés ?

Je voudrais également vous interroger sur la suppression de la propagande électorale sur support papier – suppression à laquelle le groupe de la Gauche républicaine et démocrate est résolument opposé. Les arguments que vous avez avancés tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, ne nous ont pas convaincus. La réception de la propagande électorale sous format papier permet en effet de mobiliser les électeurs en leur rappelant leur devoir de citoyens. Tous mes collègues savent ici que les professions de foi envoyées aux électeurs sont bien souvent le seul document électoral qui leur parvienne. Je ne parle pas des nombreux électeurs qui préparent chez eux leur bulletin avant de se rendre au bureau de vote. Cette mesure de suppression, qui n’a d’autre logique que comptable, ne peut que favoriser l’abstention. Or il est assez paradoxal de simplifier les démarches d’inscription sur les listes électorales pour diminuer l’abstention et de prendre, dans le même temps, une mesure qui ne pourra que favoriser ce phénomène.

Au regard de la fracture numérique – que le Défenseur des droits évalue à 20 % –, comment le Gouvernement compte-t-il garantir une réelle égalité d’accès à l’information politique ?

M. Jacques Krabal. Nous examinons aujourd’hui le budget alloué à la mission « Administration générale et territoriale de l’État », en augmentation d’environ 300 millions d’euros par rapport à 2016, que ce soit en autorisations d’engagement ou en crédits de paiement, pour revenir à peu près au montant alloué en 2015. De plus, la ventilation des crédits entre les missions partenaires entraîne un report de crédits d’environ 525 millions d’euros alors qu’il était de 484 millions en 2016.

Cette mission comporte plusieurs volets, dont le programme 307 « Administration territoriale », ayant pour objectif de garantir la présence de l’État sur l’ensemble du territoire de la République et la mise en œuvre des politiques publiques nationales au niveau local grâce aux crédits alloués aux préfectures.

Ce budget prévoit aussi la création, au titre du groupement d’intérêt public (GIP) « Réinsertion et citoyenneté » au sein du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », d’une nouvelle action intitulée « Fonds interministériel de prévention de la délinquance », pour un montant de 89,4 millions d’euros – nouvelle action que nous soutenons et qui explique l’augmentation des plafonds de cette mission. Je tiens à saluer le travail accompli par les préfectures dans le domaine de la déradicalisation.

L’action « Réglementation générale », qui garantit la délivrance des titres d’identité, est en augmentation de quelque 35 millions afin d’accompagner les préfectures et les sous-préfectures. Un autre objectif est assigné à celles-ci : délivrer plus rapidement les titres afin d’arriver à 90 % de passeports biométriques mis à disposition dans un délai de quinze jours. Il faut aussi saluer le partenariat avec les communes et les collectivités, et le fait que 90 % des permis de conduire aient été délivrés dans un délai de dix-neuf jours, ce qui est un réel progrès.

Enfin, le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » est celui qui bénéficie de la plus importante augmentation. Je veux insister surtout sur les 210 millions d’augmentations consacrés à l’organisation des élections. Paul Molac a rappelé l’organisation d’élections présidentielle et législatives en 2017, mais il faut aussi parler des élections sénatoriales, sans oublier les élections territoriales de Corse, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna.

Je reviendrai plus précisément sur le budget de la propagande électorale qui se voit allouer 53,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 31 % des crédits de fonctionnement. J’ai exprimé pendant trois ans – et ce sera aujourd’hui la troisième fois en quatre ans – ma crainte et notre opposition totale à la dématérialisation de cette propagande, prévue à l’article 52 du PLF. Les promoteurs d’une solution « tout dématérialisé » soulignent que cette réforme, aujourd’hui techniquement possible, permettrait une meilleure information des électeurs et s’avérerait utile pour améliorer le taux de participation aux élections, notamment auprès des jeunes électeurs. Permettez-nous d’en douter. Des sociologues comme Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen, qui étudient le phénomène de l’abstention, montrent que ce sont d’abord les catégories les plus fragiles de la population – jeunes, chômeurs, précaires et peu diplômés – qui s’abstiennent. Votre projet ne va donc pas dans le bon sens, monsieur le secrétaire d’État.

Vous exprimiez un satisfecit concernant Notre-Dame-des-Landes. Or le bilan de l’expérimentation de la propagande électronique dans cinq départements, entre le 9 et le 29 mars 2015, à l’occasion des élections départementales, est contrasté. Il confirme la faible appétence des électeurs pour cette pratique. Le site internet en question a reçu 48 002 visites pour un total de 343 621 documents, professions de foi et bulletins de vote consultés. Ce sont donc, si l’on fait le décompte des visites uniques, 1,92 % des électeurs inscrits qui ont consulté ce site – ainsi que le souligne dans son rapport pour avis notre collègue Sergio Coronado sur le PLF 2016. En comparaison, selon l’enquête réalisée par l’institut Mediaprism en décembre 2013, la propagande électorale envoyée par courrier est excellemment mémorisée : 86 % des personnes interrogées disent s’en souvenir.

Plus de 17 % de la population ne bénéficient toujours pas d’une connexion internet. Dans les communes rurales, il n’y a pas de très haut débit. N’oublions pas non plus que la consultation sur internet permet au gestionnaire du système informatique de savoir, par le biais des cookies, quelles professions de foi ont été consultées sur quel territoire et de connaître les évolutions entre le premier et le second tours. La détention de ces informations pose un problème de protection de la vie privée dans la mesure où elle est susceptible d’indiquer une préférence politique.

Enfin, sans rappeler ici les fausses allégations concernant l’environnement, permettez-moi de vous demander le coût d’une telle mesure à long terme. Nous ne disposons d’aucune étude d’impact quant au rapport coûts-avantages de cette dématérialisation. On nous parle de 215 millions d’euros d’économie : sur quoi repose une telle estimation ? La démocratie, si elle a un prix, n’a pas de coût. Ces 215 millions ne représentent rien quand elle est menacée. N’oublions pas, comme le disait Jean de La Fontaine dans sa fable « Le renard et le bouc », qu’« en toute chose il faut considérer la fin ».

M. Pascal Popelin. Je souhaiterais vous interroger sur l’emploi du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, créé par la loi du 5 mars 2007 et dont les crédits sont ventilés en trois volets distincts : l’aide au déploiement de la vidéoprotection, le financement d’actions de prévention et, plus récemment, au titre du combat que nous menons contre le terrorisme, la prise en charge des mesures de lutte contre les phénomènes de radicalisation. Sans mésestimer l’importance ni la pertinence de ce dernier volet, je voudrais consacrer ma question aux deux autres.

Je veux d’abord témoigner de l’utilité des crédits destinés au financement de la vidéoprotection, particulièrement appréciés et attendus par les collectivités bénéficiaires qui peuvent ainsi se doter d’équipements dont elles n’auraient pas nécessairement pu assumer seules la charge. Le niveau de consommation de ces crédits atteste de l’ampleur des demandes. Deux dossiers relatifs à la circonscription dont je suis l’élu – pour les communes de Montfermeil et du Raincy – demeurent toujours en attente.

Pourriez-vous nous fournir davantage de précisions sur les conditions de la répartition, la destination et l’efficacité de ce qui est regroupé sous l’appellation de « financement des actions de prévention » ?

Enfin, je comprends le souci d’économies et la préoccupation environnementale ayant présidé à la volonté de supprimer l’envoi des circulaires électorales sous format papier. Au vu des interventions précédentes, cette mesure rencontre néanmoins peu de succès. La suppression de cet article étant probable, je propose une solution de compromis : les circulaires étant essentiellement un moyen d’informer les électeurs, elles sont indispensables à la tenue des scrutins territoriaux. En revanche, elles le sont moins à celle des scrutins nationaux. On pourrait donc se passer de ces circulaires à la seule élection présidentielle, ce qui permettrait de concilier économies et bonne information des électeurs.

Mme Véronique Louwagie. Dans le cadre du PPNG, il est prévu de confier aux 2 088 communes qui sont dotées de 3 526 dispositifs de recueil l’instruction des cartes nationales d’identité de tous les citoyens, pour mieux sécuriser ces titres. Des expérimentations sont en cours depuis quelques jours dans certains départements et la généralisation de la mesure est prévue pour mars 2017. Les communes s’inquiètent aujourd’hui face au risque d’un calendrier tendu, tant en ce qui concerne ces expérimentations que ladite généralisation. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, soutenir le report des délais d’application de la mesure pour que soit mieux appréhendée la mise en place du nouveau dispositif ?

En ce qui concerne la dématérialisation des supports de propagande électorale, vous avez évoqué une expérimentation, menée dans le cadre du référendum de Notre-Dame-des-Landes, qui a donné lieu, selon vous, à un résultat satisfaisant. Vous nous accorderez qu’il ne s’agit pas d’un exemple adéquat.

À chaque élection, nous déplorons que le taux d’abstention soit trop important. Nous regrettons aussi régulièrement qu’un fossé se creuse entre les citoyens et le monde politique, entre les électeurs et les élus. Ce serait donc un très mauvais signal que de diminuer la communication à l’égard de nos compatriotes. Notre démocratie doit être fondée sur une démarche proactive à destination des citoyens, à qui doit être transmis un document papier.

Je rappellerai enfin le problème de la fracture numérique. Il existe, en matière d’offre numérique, une inégalité territoriale importante, que vous ne pouvez nier, entre les villes et les campagnes. Les infrastructures ne sont pas toutes équivalentes et de fortes disparités demeurent. Par ailleurs, tout le monde n’a pas la même formation : certaines personnes âgées sont beaucoup moins à l’aise avec internet que le reste de la population. Il est inadmissible de supprimer le support papier, lien fondamental unissant les électeurs à leurs représentants. Ce lien est non seulement un symbole, mais aussi un vecteur fort de l’exercice de la citoyenneté – un outil dont l’État n’a pas le droit de faire l’économie.

M. Dominique Baert. Je ne détonnerai pas par rapport à nombre de nos collègues. Je voulais vous interroger sur deux points, mais le premier a largement été abordé précédemment. J’ai déposé un amendement de suppression de l’article 52, considérant que l’information électorale concourt à l’expression du suffrage et que s’en priver ne ferait que nourrir l’abstention. Je veux bien me rallier, le cas échéant, à la suggestion de Pascal Popelin, en distinguant entre l’élection présidentielle et les autres élections. Mais ce serait une erreur grave pour la démocratie que de renoncer à l’envoi de ces circulaires.

Un débat a été engagé concernant le décret relatif aux titres électroniques sécurisés. J’attire l’attention du ministère – car, me semble-t-il, les dispositions en cause relèvent du domaine réglementaire – sur la nécessité d’être plus ferme dans la mise à jour des adresses et le renouvellement des cartes d’identité périmées depuis plus de dix ans. Les scrutateurs d’un bureau de vote sont parfois consternés de voir des électeurs qui ne ressemblent plus du tout à la photo figurant sur leur carte d’identité ou qui n’habitent plus depuis longtemps à l’adresse qui y est inscrite. On imagine la pertinence et l’utilité d’un fichier fondé sur de tels documents. Il faut mettre un terme à cet usage et ne plus tolérer que les cartes d’identité périmées soient prolongées.

M. Lionel Tardy. Ma première question porte sur la dématérialisation de la propagande électorale. Il n’est d’ailleurs pas question à l’article 52 de dématérialisation, mais bien de réforme, et le Gouvernement insiste sur le fait que les documents seront disponibles en ligne, mais aussi consultables en mairie. Il n’en reste pas moins que la lecture des documents ne pourra se faire qu’avec une connexion internet. Nous y sommes donc à nouveau opposés. Comme cela a été répété lors de l’examen de la loi sur la montagne il y a quelques semaines, nous sommes loin d’un accès à internet en tous points du territoire. Tant que la fracture numérique ne sera pas résorbée au minimum, cette mesure devra être reportée, même si nous ne doutons pas qu’elle finira par être appliquée un jour. J’ai du mal à comprendre pourquoi le Gouvernement s’obstine à la proposer quasiment à chaque projet de loi de finances, alors que l’Assemblée nationale l’a rejetée à plusieurs reprises.

Ma deuxième question concerne les crédits alloués à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), en forte hausse, notamment à cause des échéances de 2017. Au-delà, il semble que la CNCCFP manque cruellement de moyens techniques. Dans L’Obs, en février dernier, un rapporteur expliquait ainsi que le matériel informatique de cette commission était lent et insuffisant et que seul un poste sur trois était relié à internet pour des questions de sécurité. Qu’avez-vous prévu de faire, compte tenu de l’urgence de la situation ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Je souhaiterais revenir sur les conséquences de la réforme territoriale issue de la loi NOTRe. Le secrétaire d’État à la réforme territoriale de l’époque, André Vallini, avait annoncé que la fusion des régions devait permettre entre 12 et 25 milliards d’euros d’économies. On sait bien que ces chiffres étaient excessifs, mais a-t-on aujourd’hui une vision des lieux d’implantation choisis pour ces treize grandes régions et des économies en perspective au titre du budget de 2017 ? Je veux bien entendre que ces économies ne sont pas significatives en 2016, mais les effets de la réforme territoriale devraient déjà se faire sentir l’an prochain – notamment ceux qui sont liés à la mutualisation des achats et au choix des lieux d’implantation des nouvelles grandes régions.

S’agissant de l’article 52, je ne reviendrai guère sur la fracture numérique – même si, ayant moi aussi été élue dans une circonscription montagnarde, je confirme que l’accès au réseau internet – et même à la téléphonie mobile – n’est pas possible partout. J’insisterai en revanche sur le problème de la maîtrise de l’outil informatique par les personnes âgées. Ce sont elles qui votent le plus dans les communes rurales, et ce sont celles-là mêmes que l’on va priver de la réception d’informations à domicile. Il y a certainement des gisements d’économies à trouver, monsieur le secrétaire d’État, mais cette mesure risque encore de décourager l’électorat. Ce n’est pas le moment !

M. Guillaume Larrivé. Cela fait six ou sept ans que l’administration essaie, avec ténacité, de nous faire voter la même mesure d’économie. À l’époque où Brice Hortefeux était ministre de l’intérieur et où j’avais l’honneur de servir à son cabinet, la direction de la modernisation et de l’action territoriale (DMAT) et Bercy nous la proposaient déjà. Systématiquement, lorsque nous en sommes saisis à l’Assemblée nationale, nous la refusons. En tant qu’élus de terrain, nous estimons que la possibilité d’informer les citoyens français des projets et des profils des différents candidats est une nécessité vitale à notre démocratie. Nous appartenons tous à des partis de gouvernement aspirant à faire des économies structurelles de la dépense publique. Mais nous pensons aussi que la démocratie a un prix et qu’il est absurde de ne plus envoyer de propagande électorale ou de professions de foi, en particulier dans les territoires ruraux. Je suis révolté que cette proposition revienne année après année – tel le « canard qui est toujours vivant » – alors que la crise démocratique est extrêmement préoccupante.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Voulez-vous, monsieur Larrivé, que je vous fasse le coup du canard à chaque amendement redéposé huit fois – en loi de finances, en loi de finances rectificative, en première lecture, en deuxième lecture, chaque année ? Je vous ferai désormais la même réponse dans l’hémicycle lorsqu’on reviendra sur le taux de TVA applicable au bois de chauffage ou sur d’autres amendements qui, régulièrement repoussés par le Parlement, sont ensuite régulièrement représentés, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Sur chaque texte financier, un millier d’amendements sont déposés, et la plupart d’entre eux sont des « marronniers ». Je me souviendrai donc de votre intervention, monsieur Larrivé. Vous ne participez pas tellement à ces débats budgétaires, ce dont je ne vous fais pas le reproche : chacun s’investit dans les domaines qui sont les siens, je le sais en tant qu’ancien parlementaire. Mais venez donc un jour sur l’allée des marronniers que nous traversons à chaque débat budgétaire, plusieurs fois par an…

D’autre part, je n’ai pas plus que Bernard Cazeneuve l’habitude de ne pas assumer les propositions que nous faisons : elles sont formulées par le Gouvernement et non par l’administration. Nous sommes à peu près assurés de ne pas faire un triomphe avec une telle proposition. Si nous vous la soumettons, c’est que je suis constamment relancé par des parlementaires et, plus largement, par des usagers qui nous demandent de mettre en œuvre, au sein de l’administration, des moyens modernes de fonctionnement – pour le paiement des amendes, pour la déclaration et le paiement des impôts, etc. Nous nous félicitons généralement de pouvoir proposer à nos concitoyens des moyens de communication dématérialisés, d’emploi facile et rapide, accessibles de chez soi, pour la délivrance de documents et la consultation de certaines informations.

Je comprends tous les arguments qui ont été développés, mais on peut se demander s’il est très bon, pour le bilan carbone, de couper des arbres pour faire du papier, puis d’enfouir le papier, comme on l’a proposé. Pascal Popelin suggère une solution de compromis, sur laquelle on pourra réfléchir. Quoi qu’il en soit, le débat aura lieu dans l’hémicycle. Toutes les positions sont respectables et le Gouvernement en tirera les conséquences.

Notre objectif n’est pas seulement de faire des économies. Les entreprises, les citoyens ont le droit d’exiger de l’État qu’il permette d’effectuer certaines démarches sur internet. Mais lorsque c’est l’État qui tente de modifier les procédures, que n’entend-on pas ? Rappelez-vous le débat qui s’est développé autour de l’obligation de télédéclarer ses impôts – qui n’est pas très contraignante.

Monsieur Marleix, j’ai en effet souri quand vous avez comparé la RGPP à certaines des réformes structurelles que nous avons engagées, notamment celle qui concerne les préfectures, le PPNG. En 2011, François Cornut-Gentille – qui, je crois, n’est pas un extrémiste de gauche et qui, à l’époque, ne combattait pas le gouvernement – et moi-même avons produit un rapport parlementaire sur la RGPP : nous y montrions qu’elle avait eu le tort de ne pas faire ce que vous avez prétendu qu’elle a fait, c’est-à-dire de ne pas avoir préalablement clarifié les missions de l’État pour en tirer les conséquences en termes d’investissements, de personnels, et pour développer certains outils. Un fonctionnaire sur deux partant en retraite n’était pas remplacé, quelle que soit sa mission, sa fonction, l’endroit où il travaillait. Et, comme la plupart des économies réalisées ont été recyclées dans des mesures catégorielles, le gain a été quasi nul. Je vous renvoie à ce rapport, qui nous a demandé beaucoup de travail et qui se fondait sur d’innombrables auditions.

Monsieur Marleix, notre stratégie est complètement différente. Reste que je n’ai pas très bien compris votre message. Regrettez-vous que le PPNG aille trop vite et qu’il supprime trop d’emplois ? Ou regrettez-vous qu’il aille trop lentement ? Je crois savoir que certains veulent « économiser » 300 000 fonctionnaires, voire davantage. De votre côté, vous avez pointé le fait que 813 emplois ont été supprimés de telle année à telle année. Était-ce un reproche ? Souhaitez-vous qu’il y en ait davantage ?

En 2014, quand je suis arrivé à Bercy, la première conférence budgétaire que j’ai organisée l’a été avec Bernard Cazeneuve. Il venait de quitter le bureau que j’occupais alors, pour se retrouver au ministère de l’intérieur. Nous avons débattu du sujet suivant : à quel rythme peut-on réduire les effectifs, notamment dans le cadre des missions des préfectures, telles qu’elles ont été décrites ? Nous nous sommes un peu chamaillés. Bernard Cazeneuve défendait les crédits dont il estimait avoir besoin pour mettre en place des plateformes pour la délivrance des titres, ainsi que des pôles spécialisés, par exemple, dans le contrôle de légalité ou les affaires complexes, et pour faire du dialogue social avec les personnels. Aussi n’avons-nous pas suivi la trajectoire de réduction des effectifs que nous avions prévue dans notre loi de programmation des finances publiques. Au ministère de l’intérieur, il y eut à cela deux raisons : la première est liée aux efforts que nous avons dû faire pour assurer la sécurité des Français et lutter contre le terrorisme ; la seconde est liée à l’argumentation du ministre. Bernard Cazeneuve estimait que c’était incompatible avec la situation sociale des personnels, et avec la démarche constructive qu’il entendait engager afin de garantir, dans la durée, une meilleure efficacité.

Monsieur Marleix, votre propos me semble caricatural, plutôt erroné et en pleine contradiction avec la démarche qui a été suivie. Quelques ministères ont réduit les effectifs sans engager de réforme structurelle ; je n’en citerai aucun, mais les résultats ont pu être décevants. Ce ne fut pas le cas du ministère de l’intérieur, et il faut reconnaître que la mise en œuvre des réformes qu’il a engagées a de quoi rassurer.

Madame Dalloz, vous êtes revenue sur les conséquences de la réforme territoriale issue de la loi NOTRe et sur les économies qu’avait annoncées un secrétaire d’État de l’époque, André Vallini. Les choses mettent du temps à s’organiser dans les nouvelles régions, aussi bien au niveau des conseils régionaux que de l’administration. Il se trouve que, sur deux points au moins, j’avais travaillé avec les nouveaux préfets – à l’époque préfets préfigurateurs. Notre analyse était plutôt de nature budgétaire. Selon nous, les implantations des nouvelles directions régionales étaient liées non seulement à des questions d’organisation, mais aussi à des questions d’ordre immobilier. Lorsqu’un site se prêtait à accueillir une direction régionale, il y avait lieu d’en tenir compte. L’inverse était tout aussi important : parfois, il pouvait être impossible d’accueillir, en tout cas à moindres frais, certains services dans certaines villes, futures ou anciennes capitales régionales. Certes, l’immobilier de l’État se modernise et sa gestion s’améliore. Mais nous devons reconnaître que, depuis quelques décennies, elle n’a pas toujours été exemplaire, du point de vue strictement financier comme du point de vue de l’entretien des bâtiments.

Vous avez également soulevé la question des achats. Il est vrai que le service des achats de l’État obtient aujourd’hui des résultats assez impressionnants – renégociation des baux de location, passation de marchés en commun par plusieurs ministères, au niveau national comme au niveau régional.

En conclusion, il me paraît aujourd’hui prématuré de chiffrer les économies liées à la loi NOTRe ou à tout autre texte concernant les administrations territoriales. Certaines économies apparaîtront au cours du temps, qui ne sont pas forcément perceptibles dans l’instant.

Dominique Baert a évoqué la question de la délivrance des titres sécurisés, notamment la prise en compte d’éventuels changements d’adresse sur les cartes nationales d’identité. Je transmettrai votre point de vue à Bernard Cazeneuve. Peut-être pourra-t-on réfléchir à la question, qui relève, selon moi, plutôt du domaine réglementaire.

Marc Dolez a lui aussi parlé du PPNG. S’agissant des personnels, il n’y a eu aucune mobilité contrainte. La rotation des effectifs a eu lieu à l’issue d’une grande concertation : 4 000 agents travaillaient sur les titres concernés par ce plan ; à compter de 2017, 1 500 vont intégrer les CERT ; 200 vont gérer des missions de proximité ; 1 000 seront effectivement redéployés ; et 1 300 contribueront à la réduction des schémas d’emplois de 2017 et de 2018. Avec les 1 000 emplois qui seront redéployés dans d’autres fonctions sur l’ensemble du territoire national, on devrait pouvoir absorber ces évolutions en évitant toute mobilité contrainte.

S’agissant des formations, j’ai déjà donné quelques précisions : 2 300 agents sont déjà entrés en formation ; 1 000 agents de catégorie A et 900 agents de catégorie B le feront d’ici à 2020, tout en réalisant le schéma d’emplois. Cela permettra le repyramidage des services, et l’on ouvrira des places aux concours pour assurer les évolutions de carrière. Je pense que, là aussi, les choses seront gérées avec souplesse.

Monsieur Marleix, vous avez parlé des délais d’instruction des ICPE, qui ont en effet tendance à s’allonger. Cela s’explique par la place que l’on accorde à la consultation du public. On nous reproche parfois la brutalité des décisions concernant les ICPE. Mais, aujourd’hui, le Gouvernement entend développer la concertation et la consultation citoyenne.

Dans le même temps, je le rappelle, d’autres délais ont été réduits. En effet, certaines procédures ont été regroupées dans un système d’autorisations unique. Il n’en reste pas moins que les différentes formes d’appel ou de procédures contradictoires allongent les délais à l’excès.

Madame Louwagie, les maires qui vont délivrer les cartes nationales d’identité s’inquiètent du calendrier et du nombre de dispositifs de recueils biométriques dont ils seront équipés, ainsi que de l’indemnisation dont ils bénéficieront. En accord avec l’Association des maires de France, présidée par M. Baroin, le Gouvernement a accepté de satisfaire les demandes portant sur le nombre des dispositifs de recueils biométriques, et un accord a été trouvé sur la question de l’indemnisation. Malgré tout, le Gouvernement s’en tient au calendrier prévu qui, d’ailleurs, conditionne la mise en œuvre de l’ensemble du programme PPNG auquel les agents de l’État sont formés individuellement.

Des questions ont été posées sur la réforme des arrondissements et le nombre de sous-préfectures. J’aimerais que M. Marleix nous dise combien de sous-préfectures il souhaite supprimer, tout en accordant davantage de pouvoirs aux préfets et aux sous-préfets. Nous devons tous nous engager à être plus clairs : on ne peut pas nous reprocher de supprimer trop de postes de fonctionnaires, tout en annonçant qu’on a l’intention d’en supprimer 300 000 !

Le président Carrez a remarqué que, pour chaque mission du budget, les demandes de crédits supplémentaires se multiplient, notamment du côté droit de l’hémicycle. Quand j’entends que certains veulent faire 100 ou 150 milliards d’euros d’économies, j’ai du mal à ne pas sourire. Il y a des cohérences qui m’échappent…

La mise en cohérence des limites des arrondissements dans soixante-douze départements, avec les nouvelles limites des établissements publics de coopération intercommunale, se fera par arrêté des préfets de région. C’est une procédure simple et qui pourra aboutir dans des délais plutôt rapides.

J’ai répondu tout à l’heure sur les 8 millions de la dématérialisation. Mais chacun a compris que l’article 52 avait une durée de vie limitée…

La question de la création des fichiers a été évoquée hier par le ministre de l’intérieur, à l’occasion d’une question d’actualité. Je pense que tout a été dit et qu’il n’est pas utile de vous relire le contenu de la réponse de Bernard Cazeneuve. Là aussi, la schizophrénie nous menace : les uns disent que l’on en fait trop en matière de surveillance et de sécurité, et les autres, qui sont parfois les mêmes, que l’on n’en fait pas assez. La CNIL est là, qui surveille. J’observe que cette question se pose dans d’autres domaines, dans d’autres ministères, sur l’utilisation des fichiers, des numéros d’identification personnalisée, s’agissant notamment des impôts.

Monsieur Popelin, vous m’avez interrogé sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, qui a été transféré au ministère de l’intérieur. Ce ne sont pas forcément des crédits nouveaux, mais des crédits majorés : 17,4 millions d’euros sont consacrés aux actions en faveur des jeunes – actions de prévention de la récidive, insertion professionnelle – ; 9,6 millions d’euros sont consacrés à la prévention des violences faites aux femmes, des violences intrafamiliales et à l’aide aux victimes ; 16,2 millions sont consacrés aux actions visant à améliorer la tranquillité publique, à soutenir l’ingénierie de projets et aux autres actions de prévention de la délinquance – dont la vidéoprotection.

Quelles sont les méthodes utilisées pour retenir les dossiers ? Vous avez évoqué deux dossiers en souffrance – s’il n’y en avait que deux dans ce pays, cela se saurait… Mais le ministre de l’intérieur vous répondra directement sur la façon dont son ministère travaille pour classer les dossiers qui lui sont présentés selon un ordre de priorité.

Le plan de lutte antiterroriste bénéficiera quant à lui de 15,1 millions d’euros, notamment pour l’équipement des polices municipales avec les gilets pare-balles et les terminaux radio portatifs, et de 22 millions d’euros – il n’y avait d’ailleurs rien en 2016 – pour le GIP « Réinsertion et citoyenneté » qui doit assurer le pilotage des nouveaux centres de déradicalisation.

Enfin, M. Tardy m’avait interrogé sur la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne. La réponse, que je n’ai pas, lui sera transmise.

M. Paul Molac, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour le programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Fin 2013, dans le cadre de cette mission, j’avais auditionné le président de la CNCCFP. Celui-ci m’avait assuré que la commission avait les moyens de fonctionner. A priori, donc, il n’y avait pas de problème.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Toutes les demandes ont été prises en compte dans le projet de loi de finances, et quatre ETPT ont été accordés à la CNCCFP en 2017. Je ne sais pas si c’est beaucoup ou peu, mais il semblerait que cette autorité indépendante ne se plaigne pas de ses crédits de fonctionnement, et qu’elle ait les moyens d’effectuer son travail.

M. David Habib, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La dématérialisation des comptes de campagne fait l’objet d’un débat, et le ministre aura l’occasion d’y revenir en séance. Il est incontestable qu’il faut dématérialiser les comptes de campagne. La commission est confrontée à un problème de stockage, d’archivage. Or elle doit pouvoir gérer plus rapidement les dossiers des candidats, qu’ils aient ou non bénéficié de soutiens extérieurs de campagne – je fais allusion, vous l’aurez compris, à un dossier que l’actualité a évoqué à plusieurs reprises. Il faut notamment éviter qu’il y ait un décalage entre les décisions que pourrait prendre une instance administrative ou judiciaire, et la Commission de contrôle. Le problème est réel, même si ce n’est pas à moi de revenir dessus.

Je rejoins les propos de M. Marleix sur les délais d’instruction des dossiers dans les préfectures. Je le dis sans polémiquer – nous sommes tous concernés, car nous sommes tous des élus locaux, nous sommes tous, ou avons été, responsables d’exécutifs. Si j’en crois les interventions, le problème n’est pas lié à l’éloignement par rapport à Paris. J’avais toujours pensé que l’élu d’un département situé à 800 km de Paris mettait plus de temps pour obtenir des autorisations. Mais, à l’évidence, il ne les obtient pas plus vite s’il est proche de la capitale. Il faut engager une réflexion sur les délais d’instruction.

Enfin, M. Marleix a compris que l’on devait attendre que la carte des intercommunalités soit établie pour pouvoir procéder à une harmonisation avec la carte des sous-préfectures. C’est faire un mauvais procès au Gouvernement de prétendre qu’il aurait attendu que les élus eux-mêmes aient pris leurs responsabilités. Si le Gouvernement avait agi autrement qu’il ne l’a fait, je suis persuadé que M. Marleix serait intervenu pour le déplorer.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Je souhaite dire un mot sur les comptes de campagne et sur le principe de la dématérialisation, qui peut paraître contraignante. Mais tout ce qui est transmission dématérialisée permet un traitement beaucoup plus rapide. Nous avons imposé à de très grandes entreprises la transmission dématérialisée d’un certain nombre de comptabilités. Vous ne pouvez savoir combien nos contrôleurs s’en réjouissent ! Il leur est bien plus facile de vérifier une comptabilité sur un fichier électronique que sous la forme de 3 mètres cubes de papier : c’est le jour et la nuit ! Tous nous disent que ce genre de dispositions apporte un gain de productivité, mais surtout une bien plus grande efficacité.

Je remarque que les grandes entreprises, comme les parlementaires qui auraient à transmettre des comptes de campagne, sont en général reliées à internet.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai, cela ne posera pas de problème !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Reste qu’il faudra revoir la loi de 1988, qui ne le prévoit pas. Or on ne peut pas le faire sans l’avis préalable de la CNCCFP. Je ne sais si c’est envisageable avant les prochaines élections.

M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur le secrétaire d’État.

*

* *

À l’issue de l’audition de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis « Administration territoriale de l’État et pilotage des politiques de l’Intérieur » ; M. Paul Molac, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative »).

Conformément aux conclusions de MM. Michel Zumkeller et Paul Molac, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2017.

Article 52 (art. L. 165, L. 166, L. 330-6 et L. 395 du code électoral) : Réforme de la propagande électorale

M. Dominique Raimbourg, président. Nous sommes saisis de quatre amendements tendant à supprimer l’article 52, nos II-CL32 de M. Paul Molac, II-CL28 de M. Olivier Marleix, II-CL31 de Mme Anne-Yvonne Le Dain et les membres du groupe Socialiste, écologiste et républicain, et II-CL35 de M. Michel Zumkeller. Nous avons déjà longuement débattu de la dématérialisation de la propagande électorale (21) ; je vous propose de donner la parole au rapporteur et de voter sur ces amendements de suppression.

M. Paul Molac, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative ». Parmi les arguments qui ont été précédemment développés au soutien de cette dématérialisation je tiens à relativiser celui qui mettait en avant son bénéfice supposé sur l’environnement. Je vous renvoie à une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) qui a démontré qu’il n’était vertueux de remplacer le papier par des procédés dématérialisés que lorsque les documents sont volumineux.

Suivant l’avis de M. Paul Molac, rapporteur pour avis, la Commission adopte les amendements nos II-CL32, II-CL28, II-CL31 et II-CL35 de suppression. Elle émet, par conséquent, un avis défavorable à l’adoption de l’article 52.

Après l’article 52

M. Dominique Raimbourg, président. Je suis le premier signataire de l’amendement n° II-CL33, qui s’inscrit dans le prolongement du déplacement que la commission des Lois a effectué le 5 juillet dernier à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), dont le président avait été préalablement auditionné. Il est cosigné par des collègues appartenant à l’ensemble des groupes parlementaires, parmi lesquels des représentants des Français établis hors de France.

Il s’agit de modifier le taux de conversion utilisé pour l’inscription au compte de campagne des dépenses réglées en monnaie locale dans le cadre des élections législatives et sénatoriales dans les circonscriptions à l’étranger. Je vous propose de fixer ce taux au dernier jour du mois précédant le paiement de la dépense ou l’encaissement de la recette, au lieu du douzième mois avant l’élection, afin de limiter les risques de variation des parités monétaires. De surcroît, ce changement est cohérent avec la réduction à six mois de la période couverte par les comptes de campagne, issue de la loi du 25 avril 2016.

M. Paul Molac, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative ». J’y suis très favorable et j’ai d’ailleurs cosigné cet amendement.

Suivant l’avis de M. Paul Molac, rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement n° II-CL33.

PERSONNES ENTENDUES

● Ministère de l’Intérieur – Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) :

— Mme Pascale LÉGLISE, sous-directrice, cheffe du service du contentieux.

● Préfecture de police de Paris :

— M. Thibaut SARTRE, préfet, secrétaire général pour l'administration (contribution écrite).

© Assemblée nationale

1 () Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » fait l’objet d’un rapport pour avis, au nom de la commission des Lois, de M. Paul Molac.

2 () Selon les termes du responsable de programme dans la présentation stratégique du projet annuel de performances (PAP).

3 () En 2016, l’action « Affaires juridiques et contentieuses » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » a, par exemple, pris en charge à hauteur de 90 % (soit 12,9 millions d’euros) le coût du contentieux ayant opposé l’État à la métropole de Lyon et relatif à la compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle.

4 () Comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998, cons. nos 46 et 47, les décisions de justice sont exécutoires et cette exécution ne peut être conditionnée par une décision administrative au nom de la séparation des pouvoirs.

5 () Au regard de ces dispositions, le Conseil d’État a jugé que le préfet dispose d'un délai de deux mois pour se prononcer sur la demande de concours et « que le refus exprès du préfet, ou le refus implicite né à l'expiration de ce délai, est de nature à engager la responsabilité de l'État » (CE, 18 décembre 2013, société OGIF, n° 363126, mentionné dans les tables du recueil Lebon).

6 () Les dispositions prévues par l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ont été modifiées par l’article 27 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France en adaptant les délais contentieux à l’objet du litige.

7 () En application des dispositions de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

8 () Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

9 () Elle a, par ailleurs, été consacrée par le Conseil d’État comme un principe général du droit de la fonction publique (CE, Sect. 8 juin 2011, Farre, n° 31270, Lebon ; CE, Sect., 26 avril 1963, Centre hospitalier de Besançon, n°42783, Lebon p.242).

10 () Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

11 () La jurisprudence admet que le FGTI puisse exercer une action subrogatoire contre l’État employeur de l'agent victime d'une infraction (CE, 10 avril 2009, n° 307871).

12 () La mise en œuvre de la protection accordée à l’agent par son administration ouvre à ce dernier le droit d’obtenir directement auprès d’elle le paiement de sommes couvrant la réparation du préjudice subi du fait des attaques, avant même que l’agent n’ait engagé une action contentieuse contre l’auteur de l’attaque (CE, 18 mars 1994, Rimasson, n° 92410), et qu’il ait ou non l’intention d’engager une telle action.

13 () Conformément à la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant aux tribunaux judiciaires compétence pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigées contre une personne de droit public.

14 () Sur le fondement des dispositions de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l’État.

15 () L’assurance des véhicules des préfectures est externalisée.

16 () CE, 30 juin 1999, Foucher.

17 () Selon le juge administratif, la responsabilité de l’État ne saurait ainsi être engagée lorsque l’action menée par des manifestants présente un caractère prémédité et organisé, tels que le blocage d’un site et l’attaque violente qualifiable « d’opération commando » qui a été menée par un groupe de personnes isolées et armées se détachant d’une manifestation.

18 () Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2015 de la mission AGTE, annexée au rapport Le budget de l’État en 2015. Résultats et gestion, mai 2016, p. 16 et p. 19.

19 () La partie perdante à une instance peut être condamnée, à condition que son adversaire en ait fait la demande, à une somme correspondant forfaitairement aux « frais exposés et non compris dans les dépens ». Ce mécanisme existe de façon identique devant la juridiction administrative (article L. 761-1 du code de justice administrative) et devant la juridiction judiciaire (article 700 du nouveau code de procédure civile). Cette condamnation aux frais irrépétibles est souvent prononcée par le juge lorsque l’administration est la partie perdante.

20 () Les dispositions de l’ordonnance n° 2014-947 du 20 août 2014 relative au taux d’intérêt légal ont procédé à une revalorisation importante des taux applicables pour les semestres des années 2015 et 2016, par rapport aux exercices antérieurs. Alors que le taux unique en 2014 s’établissait à 0,04 %, il faut désormais distinguer entre celui applicable à la catégorie des « personnes physiques n’agissant pas pour leurs besoins professionnels », soit 4,35 % pour le second semestre 2016, et celui de la catégorie « autres cas », de 0,93 % sur la même période. Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, la très grande majorité des créanciers de l’action « Affaires juridiques et dépenses contentieuses » relève de la première catégorie.

21 () Voir le compte rendu n° 22 de la réunion de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire du 3 novembre 2016.