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N
° 4125

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2017 (n° 4061),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

——

ANNEXE N° 23

ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT

Rapporteur spécial : M. Christophe CARESCHE

Député

____

SOMMAIRE

___

Pages

UN BUDGET PLUS VOLONTARISTE QUE JAMAIS 5

I. LE BUDGET 2017 REDISTRIBUE LES MOYENS FINANCIERS DE L’ÉTAT 9

A. UNE MISSION QUASI–STABILISÉE ; DE FORTES VARIATIONS SUR LES ACTIONS 9

B. DES DÉPENSES FISCALES DONT LE RALENTISSEMENT PERMET UN NOUVEL ACCENT SUR LA PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE 17

C. LE REMANIEMENT PROBLÉMATIQUE DE CERTAINS CIRCUITS FINANCIERS 25

1. Vers un remaniement des accords avec l’UESL ? 26

2. Une croissance des risques financiers à ne pas sous–estimer 29

II. LE GOUVERNEMENT N’EN RENFORCE PAS MOINS TOUS SES OBJECTIFS OPÉRATIONNELS 31

A. LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES VULNÉRABLES : DES MOYENS ENFIN À LA HAUTEUR ; DES AMBITIONS QUALITATIVES RÉAFFIRMÉES 31

1. Un rebasage sans précédent 31

2. Des progrès substantiels aussi bien en capacités qu’en qualité 35

B. DES AIDES AU LOGEMENT QU’IL ESPÈRE MIEUX MAÎTRISÉES 40

C. DE NOUVELLES MODALITÉS DE FINANCEMENT PROMETTEUSES POUR LES LOGEMENTS SOCIAUX 48

1. Le Fonds national des aides à la pierre : un financement consolidé et plus transparent 52

2. L’accélération des opérations de logements sociaux grâce aux nouveaux prêts de haut de bilan bonifiés 57

D. L’AMÉLIORATION DU PARC PRIVÉ : DES DISPOSITIFS DÉBORDÉS PAR LEUR SUCCÈS ? 58

1. L’augmentation des objectifs de l’ANAH 59

2. Les incertitudes sur leur financement 61

E. UN DÉVELOPPEMENT DU PARC PRIVÉ QUI RETROUVE UNE VRAIE DYNAMIQUE 63

1. Le redémarrage des constructions 63

2. L’accession à la propriété 64

3. L’investissement locatif intermédiaire 66

EXAMEN EN COMMISSION 69

ANNEXE : PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 71

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 10 octobre 2016, 23 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances. Au 3 novembre, le Rapporteur spécial en aura reçues 86 %.

UN BUDGET PLUS VOLONTARISTE QUE JAMAIS

En dépit des lourdes contraintes financières s’imposant à l’État français, le Gouvernement socialiste n’a jamais renoncé à se battre sur tous les fronts sensibles du logement et de l’hébergement.

Les défis étaient nombreux et immenses : la France souffrant d’une insuffisance chronique de construction de logements, en particulier des logements abordables, les mobilités professionnelles se grippaient et de nombreuses familles souffraient de « mal–logement ». La crise économique qui pèse sur le monde et notre pays depuis 2008 a encore fragilisé les situations : appauvrissant les uns, privant certains de leurs toits, remettant en cause les projets d’accession ou d’investissement des autres, réduisant par répercussion l’activité d’un secteur riche en emplois. Trop timidement renforcés, les dispositifs d’accueil et d’hébergement étaient largement débordés par les besoins en 2012.

Parallèlement, la France s’est engagée à mettre en œuvre le Protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005. Pour réussir son objectif de réduire de 38 % sa consommation d’énergie d’ici 2020, il était indispensable de développer une action forte sur le logement. C’était aussi un enjeu non seulement de confort mais de décence pour bien des ménages.

Enfin, la crise accélérant une redistribution des activités, et par suite des populations, mal anticipée par les municipalités, nombre de villes petites et moyennes se sont découvertes en voie de dévitalisation rapide, un phénomène nuisible au développement équilibré du territoire national dans lequel l’abandon des appartements de centre–bourgs par leurs habitants n’est pas le moindre aspect.

Le Président de la République avait donné une feuille de route très volontariste, en fixant notamment un objectif de construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Dans les faits, cet objectif n’a pas été atteint, en partie parce qu’il s’est révélé inadapté au regard de la nature de la crise du logement. Celle–ci n’est pas une crise générale qui touche l’ensemble des territoires de la même manière, mais recouvre des situations très différentes notamment entre les zones tendues et les zones détendues. L’important n’est pas tant de parvenir à atteindre un objectif global de construction de logements que de construire les bons logements aux bons endroits. De ce point de vue, le gouvernement ne s’est pas laissé aller à la facilité consistant à ne pas cibler les dispositifs d’incitation, notamment fiscaux, qu’il a utilisés pour relancer la construction.

L’enjeu principal de la politique du logement est de parvenir à une meilleure prise en compte des réalités locales et des besoins réels qui s’expriment sur des bassins de vie ayant chacun leur spécificité. Cela passe par une décentralisation accrue des politiques d’urbanisme et de logement et un ciblage encore plus fin des dispositifs d’aides. Cela dépend de la volonté de l’État, mais aussi de celle des élus locaux. On ne peut que regretter les résistances locales à la mise en place des PLU intercommunaux ou, en Île–de–France, à la création d’une véritable métropole dotée de tous les outils de la politique du logement, qui avait pourtant été voulu initialement par le législateur.

L’objectif des 500 000 logements n’aura, certes, pas été atteint, mais le Plan de relance présenté par Manuel Valls en 2014, après plusieurs années de marasme liées à la crise économique mais aussi aux incertitudes nées d’un processus législatif hasardeux, aura produit des effets très significatifs. La construction de logements neufs est en forte hausse. Allié à une baisse historique des taux d’intérêt, ce plan de relance aura permis de rétablir la confiance et de donner aux acteurs les incitations nécessaires à l’investissement.

Ce mouvement de reprise doit être consolidé, ce qui suppose de ne pas bouleverser les dispositifs existants. Ce dont ont besoin les acteurs de la construction privée et sociale c’est d’abord de stabilité et de lisibilité et le Gouvernement a raison de pérenniser dans ce projet de budget les mesures du Plan de relance. S’il est une leçon à retenir des années écoulées, c’est que la politique de soutien à la construction doit plus procéder par adaptations que par ruptures ! Cela ne signifie pas que l’on doive renoncer à améliorer des dispositifs souvent coûteux et dont l’efficacité reste, parfois, à démontrer. C’est pourquoi ce rapport se penche sur l’évaluation des dépenses fiscales et sur l’évaluation de leurs performances qui est insuffisante dans bien des cas.

Durant cette mandature, la majorité et les gouvernements successifs ont eu à affronter une situation exceptionnelle en matière d’urgence et de précarité. La montée des besoins ne s’est pas démentie et à la crise des sans–domicile s’est ajoutée, récemment, la crise des migrants.

Dans ce contexte, et malgré les contraintes budgétaires, le Gouvernement a toujours veillé à débloquer les moyens nécessaires pour faire face à ces situations. C’est vrai de l’hébergement d’urgence dont les crédits ont augmenté de près de 600 millions d’euros depuis 2012, soit une évolution de près de 50 %. C’est vrai également des aides personnelles au logement dont les dépenses ont augmenté de 1 milliard depuis 2012. Certains considéreront que cet effort est encore trop faible, mais il est indéniable.

Il s’est accompagné, en outre, de réformes structurelles destinées à apporter des réponses plus satisfaisantes avec, par exemple, le plan de substitution des nuitées hôtelières. Cette mobilisation de l’État connaît avec ce budget 2017 une spectaculaire illustration. Aux efforts déployés pour héberger les personnes les plus vulnérables s’ajoutent des moyens nouveaux pour mettre à l’abri les réfugiés. Les plans migrants et réfugiés décidés en 2015 trouvent leur traduction dans ce projet de budget. En quelques mois, ce sont plusieurs milliers de migrants qui ont été pris en charge et orientés afin de déterminer leur droit au séjour sur le territoire national. Le démantèlement de la « Jungle » de Calais ou des campements à Paris a donné lieu à une exceptionnelle mobilisation de l’État, des élus locaux et des associations qu’il faut féliciter. Elle démontre que la France a les capacités de faire face à cet afflux de population, qui reste limité, pour peu que la solidarité entre les territoires s’organise.

Le projet de budget pour 2017 s’inscrit pleinement dans ces dynamiques : il traduit la volonté du Gouvernement socialiste de poursuivre jusqu’au bout son combat pour l’amélioration du logement et de la prise en charge des personnes vulnérables dans notre pays. Parce qu’en dépit des réels progrès obtenus, les blocages sont complexes à dépasser, les programmes prennent du temps à se monter et les chantiers lancés grâce aux soutiens publics ne donneront leurs résultats que dans quelques années. Et que dans l’immédiat, la pression des besoins de mise à l’abri ne diminue pas malgré le fort développement des structures d’accueil.

I. LE BUDGET 2017 REDISTRIBUE LES MOYENS FINANCIERS DE L’ÉTAT

A. UNE MISSION QUASI–STABILISÉE ; DE FORTES VARIATIONS SUR LES ACTIONS

Avec ses quatre programmes, la mission Égalité des territoires et logement mobiliserait 18,4 milliards d’euros en autorisation d’engagement (AE) et 18,3 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) en 2017 au service des grandes politiques de l’hébergement d’urgence, de la prévention de l’exclusion, du développement et de l’amélioration du logement et de l’aménagement du territoire.

Optiquement, ce budget aura augmenté de plus de 10 milliards d’euros par rapport aux crédits votés pour 2012. Toutefois, cet alourdissement est très largement dû à la budgétisation progressive du financement des aides personnelles au logement (APL), inscrite dans le Pacte de responsabilité et de solidarité – ainsi qu’à la hausse concomitante du poids total de ces mêmes dépenses (+ 1,2 milliard d’euros entre fin 2012 et fin 2016 pour les trois aides).

Le Gouvernement n’aura eu de cesse, au contraire, de concilier renforcement de ses actions prioritaires – dans des proportions souvent inédites mais par des voies pas toujours budgétaires – et économies ou, à tout le moins, maîtrise de la dépense publique.

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ENTRE 2012 ET 2017

(en millions d’euros)

 

LFI 2012

LFI 2013

LFI 2014

LFI 2015

LFI 2016

PLF 2017

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

1 169,3

1 205

1 315,8

1 365,9

1 513

1 739,5

dont Hébergement et logement adapté

1 095,7

1 131,3

1 242,5

1 289,9

1 439,6

1 669,3

Aide à l’accès au logement

5 490,2

4 892,9

5 104,8

10 984,3

15 438,3

15 439,3

dont Aides personnelles

5 470

4 875,7

5 087,7

10 966,9

15 422

15 422

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

556,6

626,9

576,2

598,2

646,2

408,7

dont Construction locative et amélioration du parc

458,9

503,2

451,6

380,8

505

204,8

Conduite et pilotage des politiques de l’égalité des territoires, du logement et de la ville

811,9

816,1

804,1

777,2

765,5

781,4

TOTAL

8 028

7 541

7 800,9

13 725,7

18 363

18 368,9

Source : Commission des finances. Dotations sans attribution de produits ni fonds de concours, corrigées des principaux changements de périmètre (entrée du programme 337 et sortie des actions Grand Paris et Rapatriés).

Le projet de budget pour 2017 fait plus que jamais montre d’ingéniosité. En effet, ses dotations ne progresseraient que de 6 millions d’euros en AE (+ 0,03 %) et 184,3 en CP (+ 1,02 %). Pour autant, certains de ses dispositifs les plus stratégiques verraient leurs crédits bondir.

LES CRÉDITS DU LOGEMENT EN 2016 ET 2017

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2016

PLF 2017

2017/2016

(en %)

LFI 2016

PLF 2017

2017/2016
(en %)

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

1 513

1 739,5

+ 15 %

1 513

1 739,5

+ 15 %

Prévention de l’exclusion

63

60

– 4,8 %

63

60

– 4,8 %

Hébergement et logement adapté

1 439,6

1 669,3

+ 16 %

1 439,6

1 669,3

+ 16 %

Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale

10,4

10,2

– 1,9 %

10,4

10,2

– 1,9 %

Aide à l’accès au logement

15 438,3

15 439,3

+ 0,01 %

15 438,3

15 439,3

+ 0,01 %

Aides personnelles

15 422

15 422

0 %

15 422

15 422

0 %

Information relative au logement et accompagnement des publics en difficultés

8,1

8

– 1,5 %

8,1

8

– 1,5 %

Sécurisation des risques locatifs

8,2

9,3

+ 13,4 %

8,2

9,3

+ 13,4 %

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

646,2

408,7

– 36,7 %

436,2

377,1

– 13,5%

Construction locative et amélioration du parc

505

204,8

– 59,4 %

255

204,8

– 19,7 %

Soutien à l’accession à la propriété

3,7

3,7

– 0,1 %

3,7

3,7

– 0,1 %

Lutte contre l’habitat indigne

4,7

4,7

0 %

4,7

4,7

0 %

Réglementation, politique technique et qualité de la construction

53,7

53,4

– 0,6 %

53,7

53,4

– 0,6 %

Soutien

14,1

14,7

+ 3,8 %

14,1

14,7

+ 3,8 %

Urbanisme et aménagement

64,9

127,5

+ 96,4 %

104,9

95,9

– 8,6 %

Conduite et pilotage des politiques de l’égalité des territoires, du logement et de la ville

765,5

781,4

+ 2,1 %

765,5

781,4

+ 2,1 %

Personnels œuvrant pour les politiques de l’urbanisme, de l’aménagement, du logement et de l’habitat

650,1

656,8

+ 1 %

650,1

656,8

+ 1 %

Personnels œuvrant au soutien du programme Conduite et pilotage de l’égalité des territoires, du logement et de la ville

115,5

124,6

+ 7,9 %

115,5

124,6

+ 7,9 %

TOTAL

18 363

18 368,9

+ 0,03 %

18 153

18 337,3

+ 1 %

Source : projet annuel de performances 2017. Dotations sans attribution de produits ni fonds de concours.

•  Certes, ces prévisions escomptent la stabilisation du plus lourd poste budgétaire de la mission (mobilisant 84 % de ses dotations), les dépenses d’aides personnelles au logement (action 1 du programme 109 Aide à l’accès du logement) évaluées à 15,4 milliards d’euros. Les hypothèses ne font ressortir qu’une infime hausse de 33 000 euros par rapport aux dotations votées en loi de finances initiale (LFI) pour 2016, grâce, en particulier, aux économies attendues des réformes adoptées par cette même loi et à l’attribution de nouvelles ressources au Fonds national d’aide au logement (FNAL).

La variation des crédits du programme 109, d’à peine 1 million d’euros, résulte d’une revalorisation sur 2017 des dotations allouées au dispositif de la Garantie des risques locatifs (GRL, à raison d’1,1 million d’euros supplémentaires représentant une hausse de 13,4 % de l’action 3 ainsi portée à 9,3 millions d’euros), par ailleurs mis en extinction depuis son remplacement par le nouveau système de sécurisation VISALE en janvier 2016 (cf. partie II.B). Les dépenses réellement constatées en 2015 au titre de la GRL étaient de 8,7 millions d’euros.

En revanche, l’action 2 Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté du programme 109 reculerait de 1,5 % (– 119 000 euros). Cette participation de l’État au financement des 79 agences départementales d’information sur le logement (ADIL) et de leur tête de réseau, l’ANIL, s’élèverait encore à 8 millions d’euros en AE et CP, restant à un niveau un peu supérieur à ses consommations des dernières années (7,4 millions d’euros en 2015). L’utilité et la compétence de ces associations sont soulignées chaque année. Elles ont encore assuré 835 000 consultations en 2015. Elles sont également très impliquées dans la mise en œuvre du droit au logement, des observatoires locaux des loyers et dans la diffusion de l’information sur les aides à la rénovation énergétique.

•  Contrairement aux drastiques efforts d’économie réalisés sur les trois derniers exercices, 2017 serait marquée par une remontée des dotations du programme 337 Conduite et pilotage des politiques du logement et de l’égalité des territoires de 2,1 % en moyenne.

Ses deux programmes réunissent les crédits de masse salariale du ministère du logement et de l’habitat durable et de ses services déconcentrés, à l’exception de ceux relatifs aux personnels mettant en œuvre les actions du programme 177 qui relèvent du budget du ministère chargé des affaires sociales et mobilisent 41,7 millions d’euros de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances (en recul de 2,6 millions d’euros). A contrario 26,8 millions d’euros (+ 0,9) sont inclus dans les dotations du programme 337 pour les personnels contribuant à la rénovation urbaine qui relèvent en réalité du programme 147 Politique de la ville de la mission Politique des territoires.

En gestion, l’ensemble des moyens du programme 337 sont transférés au programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables.

Ils s’élèveraient en 2017 à 781,4 millions d’euros en AE et CP, en hausse de 15,9 millions d’euros par rapport aux prévisions pour 2016, bien que le schéma d’emplois prévoit une réduction des effectifs ramenant le total des plafonds autorisés de 12 492 à 12 306 ETPT (1) (– 186), réparti entre 10 370 ETPT sur la première action du programme, qui réunit les emplois mettant en œuvre les politiques des programmes 109 et 135, et 1 936 sur la deuxième action.

Le schéma d’emplois pour 2016 avait été arrêté à – 261 ETPT ; celui de 2017 est fixé à – 160 ETPT mais son « effet année courante » sur l’exercice est estimé à – 133 ETPT. Il devrait achever les suppressions d’emplois engagées avec la fin de la mise à disposition des services de l’État auprès de certaines collectivités territoriales décidée par l’article 134 de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) (2). En revanche, les moyens dédiés au nouveau conseil aux territoires sont désormais entièrement déployés. Et parallèlement, certaines directions départementales sont renforcées pour, notamment, suivre la réforme des attributions de logements sociaux ou se substituer aux maires des communes carencées selon la « loi SRU » (3).

Nonobstant ces réductions nettes, les dépenses progresseraient sous le double effet d’une revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 0,6 % qui interviendra au 1er février et de quelques mesures catégorielles.

•  Les deux derniers programmes de la mission connaîtront des évolutions nettement plus radicales. Ainsi, le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, qui représente 9,5 % des dotations de la mission, croîtrait globalement de 15 %, gagnant 226,5 millions d’euros en AE et CP sur les crédits votés pour 2016, pour atteindre 1,74 milliard d’euros. Mais cet alourdissement budgétaire sera le fait de la seule action 12 Hébergement et logement adapté qui progresserait de 229,7 millions d’euros (+ 16 %) jusqu’à un montant total de 1,67 milliard d’euros (cf. partie II.A).

Les deux autres actions du programme 177 sont plutôt évaluées en retrait par rapport aux prévisions initiales pour 2016.

D’abord, l’action 11 Prévention de l’exclusion diminuerait de 3 millions d’euros (– 4,8 %) pour la première fois après plusieurs années de dérive. Elle regroupe :

– les dépenses d’aide sociale contribuant à éviter les situations de rupture pour des personnes sans domicile fixe âgées ou en situation de handicap par la prise en charge de leurs frais de séjour en établissements d’hébergement, de prestations d’aide–ménagère, de frais de repas, d’aide à domicile ou d’allocations en extinction. Il s’agit d’une compétence résiduelle de l’État, dérogatoire de l’aide sociale décentralisée des départements, qui concerne aujourd’hui moins de 2 000 personnes. Ces dotations mobiliseront en 2017, comme les deux années précédentes, 40 millions d’euros en AE et CP pour une consommation qui atteignait 40,6 millions d’euros en 2015 mais tend à diminuer ;

– et le financement des dépenses de fonctionnement des aires d’accueil à destination des gens du voyage (26 873 places disponibles à fin 2015) par l’aide au logement temporaire dite ALT 2. Cette gestion avait fait l’objet de plusieurs critiques, dont celles de la Cour des comptes. L’aide était jusqu’alors versée à la place créée sans tenir compte de son utilisation réelle, quand le taux d’occupation moyen était de seulement 55 % en 2013. La loi de finances pour 2014 a réformé le régime de l’ALT 2 pour inciter les gestionnaires à développer l’attractivité des aires. Le nouveau régime, prévoyant une part variable proportionnelle au taux d’utilisation effective des places est mis en œuvre depuis le 1er janvier 2015.

En sus des 2,7 millions d’euros traditionnellement alloués aux associations œuvrant dans le secteur social de proximité, le projet annuel de performances prévoit une enveloppe de 17,3 millions d’euros pour l’ALT2, cohérente avec les dépenses constatées en 2015 de 16,5 millions d’euros. En revanche, elle n’offre pas de réserve pour couvrir les frais de diagnostic et d’accompagnement qui pourraient être engagés en cas d’évacuation de campements illicites (en conformité avec les décisions du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de janvier 2013). Ils avaient représenté 2,5 millions d’euros de dépenses supplémentaires en 2015.

Parallèlement, les dotations consacrées à la réalisation ou à la réhabilitation des aides d’accueil des gens du voyage au sein de l’action 1 Construction locative et amélioration de l’habitat du programme 135 seraient reconduites à un niveau un peu inférieur de celui de 2016 à 4,8 millions d’euros en AE et CP au lieu de 5 millions.

Fin 2015, seules 69,2 % des places en aires d’accueil prescrites dans les schémas départementaux en cours avaient été financées.

Des tentatives pour faire évoluer le statut et l’accueil des gens du voyage

Sous l’impulsion du député Dominique Raimbourg, l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture du projet de loi égalité–citoyenneté plusieurs évolutions décisives :

– l’abrogation de la loi n° 69–3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe qui permet en particulier de supprimer les titres de circulation ;

– le renforcement du pouvoir de substitution du préfet en matière de réalisation des aires en lui donnant la possibilité de faire consigner les sommes nécessaires au respect des prescriptions du schéma départemental par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale ;

– l’inscription des besoins d’accueil et d’habitat des gens du voyage au sein des programmes locaux de l’habitat et des plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées ;

– et la prise en compte des besoins en terrains familiaux locatifs dans les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage.

Ces dispositions ont été écartées par le Sénat. Le texte est encore en navette.

Quant à l’action 14 Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale, qui finance le pilotage et l’animation du secteur de l’hébergement et de l’insertion, ainsi que les fédérations locales des centres sociaux, ses dotations diminueraient légèrement de 1,9 %, les portant à 10,2 millions d’euros au lieu de 10,4 en AE et CP.

•  Contrairement au programme 177, le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat qui ne mobilisait déjà que 3 % des AE de la mission en 2016 en dépit de la diversité et de l’ampleur des politiques publiques qui lui sont rattachées, diminuerait sensiblement : ses dotations globales reculeraient de 36,7 % en AE (– 237,4 millions d’euros) et de 13,5 % en CP (- 59 millions d’euros) entre 2016 et 2017.

Il faut cependant rappeler qu’une large partie de ces politiques ne s’appuient pas ou peu sur des crédits issus du budget de l’État (cf. parties II.C à E).

La baisse frappera surtout l’action 1 Construction locative et amélioration du parc dont les crédits votés pour 2016 s’élevaient à 505 millions d’euros en AE et 255 millions d’euros en CP et seraient ramenés à 204,8 millions en AE et CP, soit un recul de, respectivement, – 59,4 % et – 19,7 %.

La plupart des autres actions seraient plutôt en phase de stabilisation, variant de peu, en négatif ou en positif, par rapport aux crédits votés pour 2016.

L’action 2 Soutien à l’accession à la propriété correspond aux commissions de gestion versées à la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS) pour une partie des prêts immobiliers auxquels elle apporte la garantie de l’État, c’est–à–dire les différentes formes de « prêts à taux zéro » (PTZ) et les prêts d’accession sociale (PAS). D’autres commissions sont versées depuis le programme 145 Épargne au titre des prêts conventionnés et de l’épargne–logement ; et la charge de garantie elle-même, pour l’ensemble des prêts facilitant l’accession sociale à la propriété, relève du programme 114 Appels en garantie de l’État, les deux programmes étant attachés à la mission Engagements financiers de l’État (4). Les prévisions de crédits de l’action 2 (3,7 millions d’euros en AE et CP) ne baisseraient que de 5 000 euros (- 0,1 %) en AE et CP. Ces économies sont le fruit des efforts de rationalisation entrepris par la SGFGAS ces dernières années. Elles devraient avoir donné leur plein effet en 2016, mais seraient en partie contrecarrées par les élargissements successifs des PTZ, et notamment par le développement de l’éco–PTZ que l’on pourrait attendre de l’article 10 du projet de loi de finances. Pour mémoire, la consommation de l’action 2 s’est élevée à 3,6 millions d’euros en 2015

Les crédits de l’action 3 Lutte contre l’habitat indigne seraient quant à eux reconduits au niveau de 2016 à 4,7 millions d’euros. L’essentiel des aides nationales vise à inciter les propriétaires à sortir les logements d’une situation d’indignité en amont des procédures coercitives et est assumé par le budget de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH – cf. partie II.D). L’action 3 du programme 135 finance, pour sa part, les diagnostics et les travaux d’office engagés par les préfets et les maires en cas d’habitats insalubres ou dangereux. En théorie, les propriétaires défaillants sont censés rembourser les frais engagés, mais le taux de recouvrement est faible. Cependant, le ministère escompte que l’astreinte administrative créée par l’article 79 de la « loi ALUR » à l’encontre des propriétaires bailleurs indélicats les incitera à réaliser les travaux prescrits par les arrêtés de police sans attendre la substitution de l’État ou de la municipalité concernée. Elle sera mise en œuvre quand sera publiée l’instruction interministérielle précisant le décret d’application du 7 décembre 2015. Notons que les crédits envisagés sont peu inférieurs aux dépenses de 2015 qui étaient de 4,8 millions d’euros.

Après une nette progression entre 2015 et 2016, l’action 4 Réglementation, politique technique et qualité de la construction du programme 135 serait également stabilisée autour de 53,4 millions d’euros en AE et CP, en retrait de seulement 300 000 euros par rapport à la LFI pour 2016 (- 0,6 %).

Elle porte le coût des études visant à améliorer la qualité de la construction et ses performances énergétiques, ainsi que le financement des observatoires du logement, prévus respectivement à 4,6 et 4,5 millions d’euros (au lieu de 4,8 et 4,6). Une expérimentation a été lancée en 2013 à partir de 17 observatoires des loyers pilotes ; elle s’est poursuivie et étendue. Il existe aujourd’hui 25 organismes couvrant trente agglomérations, soit un tiers de la population française. Cette enveloppe connaîtrait une légère réduction (– 100 000 euros) en misant sur l’optimisation des coûts de traitement des données, tout en intégrant le lancement de nouvelles structures.

L’action 4 porte surtout les dépenses de contentieux de l’habitat et de l’urbanisme, et notamment les astreintes dues par l’État au titre du droit au logement (DALO). L’enveloppe prévue en 2017 pour faire face aux condamnations DALO est portée à 39,9 millions d’euros (+ 100 000 euros). Le flux des recours initiaux se serait stabilisé en 2015 autour de 96 200, en légère baisse de 0,8 % par rapport à 2014 ; les décisions favorables émises par les commissions de médiation ont, quant à elles, reflué de 8,7 % entre 2014 et 2015. Parallèlement, le nombre des bénéficiaires logés, ayant refusé une offre de logement ou n’étant plus à loger a augmenté de 2,2 % sur la même période, pour atteindre 23 238 personnes. Pour autant, si 2015 marque un progrès par rapport à 2014 avec 91 % de personnes reconnues prioritaires à qui on a fait une offre de logement adapté, au lieu de 72 %, 2016 ne devrait pas dépasser ce résultat. En revanche, le projet annuel de performances espère atteindre 95 % en 2017 grâce à la poursuite de la mobilisation des contingents de logements sociaux « réservés » à l’État (5).

Les astreintes liquidées sont versées au Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), géré pour le compte de l’État par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Il a été créé pour recueillir ces sommes et les utiliser au financement d’actions favorisant l’accès au logement des personnes en situation vulnérable, reconnues ou non prioritaires au titre du DALO, et les accompagner dans l’apprentissage de la gestion d’un logement. Ce fonds de concours complète les dotations de l’action 12 Hébergement et logement accompagné du programme 177. Depuis la loi de finances pour 2016 (article 142), les astreintes sont désormais liquidées dès le prononcé de l’injonction sous astreinte par le juge compétent et un versement est obligatoirement réalisé tous les six mois. Ces nouvelles obligations permettent d’assurer une trésorerie plus régulière aux associations intervenantes, après deux années plus erratiques, et de faciliter la programmation des actions du fonds. Le projet annuel de performances indique toutefois qu’elles ne devraient s’appliquer qu’aux astreintes prononcées à compter du 1er janvier 2016.

L’action 5 Soutien du programme 135 regagnerait pour sa part un peu plus de 500 000 euros (+ 3,8 %) pour s’établir à 14,7 millions d’euros en AE et CP. Elle finance diverses dépenses d’études, de formation, de communication et informatiques. Tous les postes diminueraient, hors les dépenses de communication, en légère hausse (de 900 000 euros à 1,1 million d’euros) et les frais des commissions de médiation pour la mise en œuvre du droit au logement en progression plus nette (de 3,7 à 4,8 millions d’euros), notamment pour faire face à l’accroissement des enquêtes sur place.

L’action 7 Urbanisme et aménagement se démarque toutefois au sein du programme 135, avec des dotations en AE qui augmenteraient de 62,6 millions d’euros (+ 96,4 %) par rapport aux crédits votés pour 2016 – mais des CP qui reculeraient de 8,6 % (– 9 millions d’euros). Avec un total de 127,5 millions d’euros en AE et 95,9 millions d’euros en CP, cette action finance divers frais comme les contributions aux agences de l’urbanisme ou les missions des architectes–conseils et paysagistes–conseils, les interventions des services centraux ou déconcentrés de l’État dans l’élaboration des documents d’urbanisme et l’observation des territoires, et l’accompagnement des démarches « Ville durable » (ÉcoQuartier et ÉcoCités) et des Ateliers des territoires. Elle couvrira également les engagements de l’État en matière d’aménagement à travers de grandes opérations d’urbanisme ou des opérations d’intérêt national (OIN) dans le cadre de cinq contrats de projets État–régions (CPER) 2015–2020. À ce jour, les engagements correspondants devraient représenter de 150,6 à 163,5 millions d’euros sur la période. 31 millions d’euros sont réservés à cet effet en 2017, contre 27,6 millions en 2016.

Le bond des crédits de l’action 7 reflète surtout le bouclage du dispositif exceptionnel d’aide aux maires bâtisseurs créé par décret n° 2015–734 du 24 juin 2015.

Le dispositif d’aide aux maires bâtisseurs

L’objectif est de soutenir financièrement les communes qui font un effort important pour construire des logements, et ainsi les aider à réaliser les équipements publics et les infrastructures nécessaires à l’accueil de nouveaux habitants.

Il s’agit d’une aide forfaitaire pour chaque logement construit au–delà d’un seuil de développement considéré comme normal – établi à 1 % du parc existant dans la commune. Sont éligibles les communes situées en zones tendues disposant d’un potentiel financier par habitant inférieur à 1 030 euros et ne faisant pas l’objet d’un arrêté de carence pour non–réalisation de leurs obligations au titre de la « loi SRU ». Le montant est modulé en fonction de l’enveloppe budgétaire annuelle et le versement calculé sur le nombre de logements autorisés sur l’année mais avec un décalage d’un semestre.

Au premier semestre 2015, l’aide était de 2 100 euros en moyenne par logement pour 16 722 unités autorisées. Elle a été versée à 472 communes pour un montant total de 35,1 millions d’euros.

En 2016, ce seraient près de 45,2 millions d’euros qui auraient été ou seraient accordées à 532 communes, pour 34 239 logements autorisés au–delà du seuil de construction, soit l’équivalent d’une aide de 1 320 euros par unité.

En 2015, l’action 7 du programme 135 avait ainsi été abondée de 100 millions d’euros en AE et 15 en CP pour lancer le dispositif. Ils ont été consommés à hauteur, respectivement, de 33,8 et 13,7 millions d’euros.

En 2016, outre la reconduction de 44,9 millions d’euros sur le reliquat des AE initialement votées en 2015, 20 millions d’euros d’AE et 60 de CP lui étaient encore alloués.

2017 « solderait » le dispositif avec l’inscription de 80 millions d’euros d’AE, accompagnés de 48,4 millions d’euros en CP. Si l’ensemble des enveloppes est engagé, cela représenterait une aide financière totale de près de 179 millions d’euros.

B. DES DÉPENSES FISCALES DONT LE RALENTISSEMENT PERMET UN NOUVEL ACCENT SUR LA PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE

Les dépenses fiscales sont un des plus puissants leviers d’action à la main de l’État. Avec un total supérieur à 16 milliards d’euros, elles constituent son deuxième volume d’engagement financier. Si l’on fait abstraction des dotations budgétaires allouées aux aides personnelles au logement, les dépenses fiscales représentent même plus de cinq fois l’équivalent des crédits demandés pour la présente mission.

Le projet annuel de performances en recense 66 au service des politiques du logement social, de la rénovation, de la performance énergétique de l’habitat, de l’accession à la propriété, de l’investissement locatif privé ou de l’aide aux personnes vulnérables – dont 53 sur le seul programme 135.

Une douzaine de ces dispositifs sont en extinction progressive. L’article 13 du projet de loi de finances propose également de mettre fin, de façon aménagée, à deux niches supplémentaires (6) dont l’impact est limité au regard d’autres dispositifs poursuivant le même objectif ou dont la légitimité est discutable. Ces suppressions devraient permettre de réduire les pertes de recettes pour l’État d’environ 35 millions d’euros selon l’évaluation donnée par le projet de loi, mais seulement à partir de 2018.

De même, les autres dispositifs clos pèsent encore aujourd’hui d’un poids non négligeable (cf. tableau ci–dessous). Et si l’amoindrissement progressif de leurs charges a permis de constater, pour la première fois depuis des années, une nette baisse du poids des dépenses fiscales en 2013 puis en 2014, en 2015 et 2016 leur effacement n’a pas suffi à contrebalancer la croissance dynamique d’autres dispositifs.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES FISCALES DE LA MISSION ENTRE 2014 ET 2017

(en millions d’euros)

 

Chiffrage

pour 2014

Chiffrage pour 2015

Estimation

pour 2016

Estimation

pour 2017

Programme 109

98

101

103

104

Programme 135

13 798

14 358

14 760

14 482

Programme 177

1 572

1 553

1 611

1 644

Total

15 468

16 012

16 474

16 230

Cumul des dispositifs mis en extinction au sein du programme 135

nc

2 407

1 990

1 686

Sources : Commission des finances et rapports annuels de performances pour 2015, 2016 et 2017.

Alors que d’autres dépenses en vigueur – parfois plus onéreuses comme le taux intermédiaire de TVA sur les travaux d’amélioration des logements (3,4 milliards d’euros prévus en 2017), le taux réduit de TVA sur les opérations de logements sociaux (1,8 milliard d’euros) ou sur les travaux de performance énergétique dans les locaux à usage d’habitation (1,1 milliard d’euros) – sont restées et resteraient à un niveau stable, deux dispositifs ont en effet fortement augmenté : le coût annuel du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) s’est alourdi de 255 millions d’euros entre 2014 et 2015 et pourrait s’accentuer de 796 millions entre 2015 et 2016. Quant aux réductions d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire, dites « Duflot » et « Pinel », la dépense aurait crû de 57 puis 118 millions d’euros sur les mêmes périodes.

De fait, montrant un réel pouvoir incitatif sur les décisions d’investissements, ces dispositifs ont été renforcés et élargis par les lois de finances pour 2015 et 2016.

– La réduction d’impôt sur le revenu « Pinel » (article 199 novovicies du code général des impôts) porte sur des logements neufs soumis à des plafonds de loyer et de ressources des locataires intermédiaires et réservés aux territoires connaissant de fortes tensions en matière de logement. Depuis 2015, les particuliers peuvent choisir entre un engagement de six, neuf ou douze ans en contrepartie d’avantages fiscaux modulés selon ces durées (12 %, 18 % ou 21 %). En outre – levant un important verrou –, il permet désormais d’y loger un ascendant ou descendant (qui doit répondre aux conditions de ressources).

Le dispositif connaît, depuis, un vrai succès, contribuant nettement à la relance de la construction et au développement du secteur intermédiaire (cf. partie II.E), de telle sorte que l’article 40 du projet de loi de finances pour 2017 propose de le proroger d’une nouvelle année, soit jusqu’au 31 décembre 2017.

Ses modalités restant inchangées, son coût n’en sera pas alourdi, mais les générations s’additionnant, le projet annuel de performances prévoit une dépense de 360 millions d’euros en 2017 (en hausse de 165). Enfin, l’évaluation de l’article 40 précise qu’une génération annuelle supplémentaire pèserait 1,6 milliard d’euros dont 31 millions d’euros à compter de 2018.

– S’agissant du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE –article 200 quater du code général des impôts), alors que son prédécesseur, le crédit d’impôt développement durable (CIDD) avait été progressivement resserré pour en diminuer le poids budgétaire, il a connu plusieurs réformes successives qui en ont fait une des dépenses fiscales les plus lourdes.

Il bénéficie aux propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit qui réalisent des dépenses d’équipement de leur habitation principale en faveur de la transition énergétique, et à la condition que l’entreprise qui réalise ces travaux soit titulaire de la qualification « RGE » (reconnue garant de l’environnement). L’article 3 de la loi de finances pour 2015 a porté son taux de 15 à 30 % (même s’il reste limité par un plafond global pluriannuel) et élargi ses conditions d’éligibilité (intégration de nouveaux équipements éligibles, suppression de la condition de « bouquets de travaux »). L’article 106 de la loi de finances pour 2016 a prorogé la période d'application du CITE jusqu'au 31 décembre 2016 en l’accompagnant de mesures censées garantir son efficience (pour éviter le cumul avec d’autres formes de soutien public ou les éventuels contournements pour les équipements exclus du périmètre de l’avantage fiscal) mais qui ne limitent pas son coût. Le projet annuel de performances confirme que cette dépense fiscale pourrait progresser jusqu’à 1,67 milliard d’euros en 2016.

Mais il escompte aussi que la charge du CITE se stabilise en 2017 et que l’addition des hausses et des baisses des dépenses fiscales permette un nouveau recul de leur volume global de plus de 240 millions d’euros entre 2016 et 2017.

Cet allégement pouvait donner une marge financière à un renforcement supplémentaire des incitations fiscales répondant aux objectifs prioritaires du Gouvernement. L’article 10 du projet de loi de finances a donc proposé de coupler la prorogation du CITE d’un an, soit jusqu’au 31 décembre 2017, et la suppression de la condition de ressources pour cumuler son bénéfice avec un éco–prêt à taux zéro (éco–PTZ).

Il s’agissait non seulement de prolonger une dépense fiscale qui a montré son pouvoir incitatif et un réel effet de levier – car les travaux qu’elle cofinance emporte toujours d’autres travaux induits ou complémentaires –, mais de débloquer un autre dispositif visant les mêmes objectifs de performance énergétique afin de démultiplier les investissements des particuliers à un coût plus contenu.

L’éco–PTZ (article 244 quater U du code général des impôts), en effet, permet d’obtenir un prêt sans intérêt, dans la limite de 30 000 euros par logement, pour financer des travaux de performance énergétique dans les résidences principales. Il peut être également octroyé à des syndicats de copropriété et à des particuliers recevant une aide de l’ANAH au titre de la lutte contre la précarité énergétique. À son démarrage, le dispositif a connu une rapide montée en puissance avec 70 933 prêts distribués en 2009 et 78 484 en 2010. Puis sa distribution a chuté de plus de la moitié en raison surtout du refus des banques à assumer la responsabilité d’attester l’éligibilité des travaux. La loi de finances pour 2014 a corrigé cette difficulté en transférant ce contrôle technique aux entreprises RGE réalisant les travaux. Puis celle pour 2016 l’a non seulement prorogé jusqu’au 31 décembre 2018, mais a ouvert la faculté d’obtenir deux prêts pour un même logement (dans la limite globale des 30 000 euros), créant une forme de micro–crédit. Mais ces évolutions et la simplification du dispositif n’ont pas suffi à relancer la production d’éco–PTZ dont le nombre n’était que de 23 567 en 2015.

L’article 10 propose donc de redynamiser leur distribution en supprimant le plafond de ressources (aujourd’hui fixé à un revenu fiscal de 45 000 euros) en–dessous duquel il est possible de cumuler un éco–PTZ avec le CITE – même si, pris indépendamment, ni le CITE ni l’éco–PTZ ne sont soumis à des conditions de ressources. Ce cumul vise à améliorer les capacités financières des ménages modestes à entreprendre des travaux. La levée du plafond étend cette possibilité à tous les ménages. Il ne s’agit plus tant de leur donner davantage de marge financière que d’alléger encore le coût des investissements. Le Gouvernement en espérait un encouragement à réaliser des travaux plus ambitieux plus rapidement (compte tenu de l’échéance du CITE).

En outre, autant la prolongation du CITE coûterait 1,67 milliard d’euros pour une génération annuelle supplémentaire, autant une génération d’éco–PTZ renforcée ne représenterait, selon l’évaluation préalable de l’article 10, qu’un coût de 60 millions d’euros, avec un impact annuel de 1 million d’euros en 2017 et 5 en 2018.

Mais si l’Assemblée nationale a voté en première partie la prorogation d’un an du CITE, convaincue de son fort effet de levier, elle a, en revanche, maintenu la limitation de son cumul avec l’éco–PTZ.

De fait, on peut s’interroger sur la légitimité d’un tel assouplissement, d’autant que le CITE est déjà particulièrement généreux, mais aussi sur son efficacité : en période de taux bancaires très bas le poids des intérêts sur des petits prêts est plus que modéré – au contraire du manque à gagner pour l’État qui se chiffre tout de même en millions d’euros –, la perspective d’un prêt à taux zéro ne ferait guère la différence pour la plupart des ménages.

Quoi qu’il en soit, soulignant déjà la forte hausse des dépenses du CITE, la Cour des comptes, dans sa note d’analyse budgétaire sur l’exercice 2015 de la mission Écologie, regrettait que « l’efficacité économique de cette dépense n’ait pas fait l’objet d’une évaluation avant sa prorogation, en vue de s’assurer qu’elle ne soit pas qu’un soutien au secteur du bâtiment et qu’elle contribue réellement efficacement à la transition énergétique. » On peut espérer que les exigences ciblées du dispositif, et notamment son éco–conditionnalité (obligation de recourir à une entreprise « RGE »), apportent des garanties assez efficaces sur la sélectivité des travaux couverts, leur réalité et la qualité des solutions retenues, et en escompter de vrais progrès en termes de confort ou de facture énergétique. On constate déjà que cette contrainte favorise le développement d’une meilleure expertise en matière de rénovation énergétique au sein des entreprises intervenant : le nombre des entreprises ayant au moins une qualification « RGE » est passé de 42 000 à 62 000 entre avril 2015 et mai 2016. Enfin, les organisations représentatives des entreprises du bâtiment ont confirmé au Rapporteur spécial que ces aides fiscales ont contribué à soutenir l’activité du secteur, par ailleurs encore morose s’agissant de rénovation pure. Le Rapporteur spécial soutient donc sa poursuite, d’autant plus aisément que le reflux d’autres dépenses fiscales permet d’en limiter l’impact financier pour le budget général.

Ce commentaire n’en est pas moins révélateur de l’importante limite que rencontrent les dépenses fiscales comme instruments de politique publique. Le Rapporteur spécial en a fait l’un de ses sujets d’études de l’année.

i. L’insuffisance, les difficultés et les limites de leur évaluation

La première approche pour évaluer une dépense est d’en déterminer les impacts quantitatifs. L’administration en charge de la fiscalité, auditionnée par le Rapporteur spécial, assure que les ministères gestionnaires peuvent obtenir les données fiscales disponibles. Mais celles–ci n’apportent qu’une information très partielle.

Si les services fiscaux sont, en principe, en capacité de connaître le coût par foyer fiscal, par génération et par année d’un avantage fiscal, il est plus difficile, et souvent impossible, de mesurer les résultats concrets obtenus grâce à cette aide, y compris s’agissant du nombre des logements produits ou rénovés. A fortiori si l’on veut connaître leur localisation ou savoir si un appartement ouvrant droit au crédit d’impôt « Pinel » est loué à un ascendant ou descendant etc.

De fait, les services de Bercy sont dans une logique budgétaire de suivi des obligations fiscales et des dépenses qui n’a pas besoin d’aller si loin. D’autres données seraient mobilisables mais ne sont pas demandées.

Ils y voient deux obstacles : l’administration fiscale a désormais l’obligation de simplifier les déclarations – demander plus d’informations irait à contre–courant – ; en outre, la remontée industrielle des données enrichies de chaque dossier exigerait d’importants moyens, et plus encore, leur traitement statistique.

Le résultat est que les ministères chargés de la mise en œuvre des politiques publiques – et a fortiori le Parlement qui les contrôle – peuvent prendre la mesure du succès ou de l’insuccès d’un avantage fiscal, de son poids financier rapporté à celui des dépenses budgétaires…, mais n’ont pas d’accès direct aux résultats obtenus grâce à lui.

Une évaluation partielle des dépenses fiscales

Pour un certain nombre des dépenses fiscales rattachées aux politiques publiques, les documents budgétaires ne donnent jamais d’évaluation des moindres recettes supportées par l’État.

Malgré de fréquentes demandes du Parlement, autant les services du ministère en charge du logement que les services de Bercy en charge du budget et de la fiscalité reconnaissent avoir de grandes difficultés à mesurer l’impact réel de ces avantages fiscaux, en particulier quand il s’agit d’estimer le nombre de logements produits ou rénovés. Un rapport d’évaluation de l’efficacité des dépenses fiscales est bien remis chaque année au Parlement. Cependant, non seulement il lui est communiqué trop tardivement par rapport à l’examen du PLF ; mais surtout, en dépit de réels efforts pour enrichir ces analyses, il ne permet, souvent, au mieux que de connaître les coûts générationnels de certains dispositifs et le nombre des bénéficiaires (particuliers, entreprises…) déclarés pendant un exercice fiscal – qui se cumulent quand l’avantage est pluriannuel. Enfin, il ne traite que d’une dizaine de dispositifs.

En 2010–2011, l’Inspection générale des finances a été chargée de mener une évaluation sur l’ensemble des dépenses fiscales et niches sociales compensées par l’État en France. Le comité d’évaluation a remis son rapport en juin 2011. Il s’est efforcé d’examiner la grande majorité de ces dispositifs pour les classer et les noter selon leur degré d’efficience ; il a également étudié de manière plus approfondie un petit nombre de dépenses fiscales, dont les divers avatars du dispositif de soutien à l’investissement locatif privé.

Le comité a ainsi « évalué » quarante–sept dépenses fiscales et trois niches sociales liées aux politiques du logement et de la ville (réunies dans une même mission à l’époque, mais hors dispositifs spécifiques à l’outre–mer) – négligeant les neuf autres. Selon sa méthode :

– sept dispositifs sont apparus comme totalement inefficaces (score = 0 aux questions « Atteinte de l’objectif principal direct » et « Effet principal recherché ») ;

– trente–et–un montraient une efficience mitigée (score = 1 ou 2) ;

– et dix répondaient bien aux critères d’efficience (« Ciblage correct », « Coût raisonnable au regard de son efficacité », « Outil efficient en lui–même » et « Mesure plus adaptée qu’une dépense budgétaire ou une mesure non financière »).

Depuis, les dépenses fiscales n’ont jamais plus fait l’objet d’évaluations aussi poussées.

S’agissant des opérations de logements sociaux, des divers prêts à taux zéro bénéficiant d’une garantie de l’État ou des locations sous convention avec l’ANAH, le ministère en charge du logement peut encore croiser les dépenses constatées avec ses bases de données dédiées ou celles de la SGFGAS et de l’agence. Mais pour d’autres dispositifs, au mieux peut–il trouver certaines données d’acteurs qui participent à leur mobilisation, telle la Fédération des promoteurs immobiliers qui assure un suivi statistique des investissements locatifs privés vendus par ses membres.

Quoi qu’il en soit, l’insuffisance de ces informations fondamentales ne peut que compliquer l’évaluation de l’efficience des dépenses fiscales.

ii. Le contrôle du respect des conditions pour en bénéficier

Le Rapporteur spécial avait notamment été alerté sur le fait que les plafonds de loyer imposés par le dispositif « Pinel » ne seraient pas respectés, du moins après la première année de mise en location – quoique, les dépassements resteraient modérés.

Les services de Bercy ont assuré que des moyens étaient mis en œuvre pour contrôler le respect des obligations exigées pour bénéficier d’un dispositif. Au–delà du croisement de données, des vérifications sur pièces et sur place sont effectuées. Si elles ne sont pas systématiques, elles sont faciles à réaliser. Et un redressement fait non seulement perdre le bénéfice de l’allégement fiscal, mais impose le remboursement des gains passés.

La direction générale des finances publiques s’est engagée à suivre attentivement les dossiers à fort enjeu. En revanche, elle admet qu’elle est plus vigilante la première année où un contribuable sollicite un avantage fiscal et n’a pas les moyens de le suivre quand il s’étend sur plusieurs années. Elle n’a pas davantage les moyens de traiter statistiquement ces contrôles.

iii. Les pistes de simplification ou d’allégement budgétaire

L’absence de chiffrage du coût pour certains dispositifs peut laisser penser qu’il est très limité par manque de succès. La question de leur suppression se poserait donc. Mais en dernière analyse, il apparaît que ce silence couvre divers cas de figure : le peu d’impact du dispositif, l’approche du terme de sa mise en extinction, le décalage entre le fait générateur et l’impact budgétaire, mais aussi que le dispositif a été ouvert récemment et sur une courte durée ne permettant pas de mesurer les dépenses induites – ce que Bercy appelle les « impacts budgétaires perlés » dont l’attractivité et l’efficacité sont alors très difficiles à apprécier.

En tout état de cause, l’État a entrepris ces dernières années de supprimer les niches dont le peu d’impact se confirme dans la durée ou dont la légitimé apparaît désormais contestable, à l’instar de ce que propose l’article 13 du PLF.

Quant aux pistes de simplification par la fusion ou la globalisation des dispositifs, elles restent complexes. Un système « unique » (comme une formule d’amortissement à l’allemande) serait vraisemblablement plus onéreux si l’on veut préserver sa force incitative tout en élargissant son assiette.

Il ne s’agit pas de renoncer aux simplifications de bon sens, qui font souvent gagner les dispositifs en efficacité. Mais l’enjeu premier des dépenses fiscales est de concrétiser les priorités et objectifs politiques du gouvernement. La diversité des formules permet un meilleur ciblage.

Par ailleurs, les problèmes, les enjeux et les marchés diffèrent d’un segment du logement à un autre. Entre ancien et neuf, location nue et résidence avec services…, les besoins appellent des réponses diverses. Sans parler que ces problèmes ne se posent pas dans les mêmes termes selon que les territoires connaissent de fortes tensions en matière de logement ou souffrent d’une désertification rapide, qu’ils disposent de ressources importantes ou doivent gérer des contraintes fortes.

Néanmoins, les services fiscaux constatent que les micro–niches sont toujours plus coûteuses à gérer pour peu de résultats et que la stabilité est plus efficace que les dispositifs ponctuels.

iiii. La correction des effets d’aubaine 

La correction de certains effets d’aubaine peut participer des démarches de simplification, mais elle s’impose surtout comme un impératif de bonne gestion des deniers publics.

L’attention du Rapporteur spécial a été attirée notamment sur le dispositif du « Borloo ancien » (article 31–I–1°–m du code général des impôts), qui accorde, entre autres, une déduction de 30 % sur les revenus locatifs des particuliers qui ont signé une convention avec l’ANAH les engageant à pratiquer des loyers de niveaux intermédiaires. Cet allégement fiscal a peu de légitimité en zones non tendues où les logements ne manquent pas et où les loyers du marché sont peu différents ; il n’a plus du tout d’utilité si la convention est conclue sans travaux de rénovation ouvrant droit à des aides de l’ANAH. Or, c’est le cas d’une grande partie des bénéficiaires du dispositif, qui coûte tout de même 44 millions d’euros par an.

Il avait donc souhaité porter un amendement visant à recentrer cet avantage fiscal sur ses cibles les plus légitimes, éventuellement en le renforçant, tout en le supprimant pour les locations en zones tendues qui n’auraient pas bénéficié de travaux d’amélioration.

Il a toutefois appris qu’un projet porté par la Fondation Abbé Pierre propose de refondre le « Borloo ancien » et le « Besson ancien » en faveur de mises en location à des loyers très sociaux couplés à des dispositifs d’intermédiation locative. En commission élargie du 3 novembre, la ministre en charge du logement a, en effet, annoncé qu’un projet de réforme serait présenté dans la prochaine loi de finances rectificative.

C. LE REMANIEMENT PROBLÉMATIQUE DE CERTAINS CIRCUITS FINANCIERS

La modération des prévisions de dépenses en 2017 résultera aussi en partie de deux montages financiers proposés à l’article 17 du projet de loi de finances.

En effet, c’est grâce à la suppression de l’attribution d’une fraction du produit de la taxe sur les bureaux franciliens (TSB) à l’Union des employeurs et des salariés pour le logement (UESL, également dite Action logement) qu’il peut affecter 146 millions d’euros de ce même produit au Fonds national d’aide au logement (FNAL – cf. partie II.B) ;

De même, peut–on considérer que le prélèvement de 50 millions d’euros qui sera opéré en janvier 2017 sur les fonds propres de la caisse de garantie du logement locatif social contribuera au financement des 200 millions d’euros en AE et CP inscrits au budget général pour le Fonds national des aides à la pierre (FNAP – cf. partie II.C)

Or, ces montages ne sont pas sans soulever de sérieuses questions immédiates ou à venir.

1. Vers un remaniement des accords avec l’UESL ?

Le X.C de l’article 17 du projet de loi de finances pour 2017 supprime, à compter du 1er janvier prochain, le versement d’une partie de la taxe sur les bureaux franciliens dont l’UESL bénéficiait depuis 2006 pour assurer aux entreprises ne payant pas la participation des employeurs à l’effort de construction (le « 1 % logement ») (7) et employant entre dix et vingt salariés les mêmes services et aides que pour ses affiliées.

Il s’agit de réorienter ces produits (pour un montant un peu supérieur, de 146 millions d’euros) vers le FNAL qui finance les aides personnelles au logement et partant, d’alléger la subvention d’équilibre apportée par le budget de l’État.

Cela représente aujourd’hui une non–dépense d’environ 133 millions d’euros par an. En première analyse, cela pourrait être autant de ressources nettes en moins pour financer les engagements d’Action logement. Tous les partenaires sociaux, employeurs comme salariés, ont dénoncé cette réforme qui n’avait pas été évoquée lors des négociations du dernier accord signé en mai avec l’État et qui remet frontalement en cause des dispositions explicites de la convention conclue en 2014. Ils craignaient en particulier qu’elle ne déséquilibre leur situation financière.

Dans le projet de loi de finances, ceci est présenté comme une simplification des circuits financiers, dans la mesure où Action logement a contribué au FNAL de 2013 à 2015 (à hauteur de 400, puis 300 millions d’euros en 2014 et 2015) et qu’il aura encore versé 100 millions d’euros cette année. Mais cette contribution constituait précisément un des principaux points de désaccord avec le Gouvernement ; la convention signée avec l’État en décembre 2014 en prévoyait explicitement la suppression – en principe dès 2016.

Cette convention encadre les emplois du « 1 % logement » sur la période 2015–2019. Résultat d’une négociation serrée entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, elle doit aussi assurer à Action logement d’être en capacité de rembourser l’emprunt de 3 milliards d’euros que le réseau a contracté auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour soutenir le logement social, et de retrouver un équilibre positif entre ses ressources et leurs emplois à partir de 2021. La répartition arrêtée dans cette première version est décrite ci–après.

RÉPARTITION DES EMPLOIS DU « 1 % LOGEMENT » ENTRE 2015 ET 2019

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

 

Mini

Maxi

Mini

Maxi

Mini

Maxi

Mini

Maxi

Mini

Maxi

Politiques publiques nationales

PNRU–NPNRU (8)

 

850

 

850

 

850

 

700

 

500

ANAH

 

50

 

50

 

50

 

 

ANIL/ADIL

 

9

 

9

 

9

 

9

 

9

FNAL

 

300

 

 

 

 

Non défini

 

 

100

 

 

 

Enveloppe globale

 

1 209

 

1 009

 

909

 

709

 

509

Prêts à la Foncière Logement

 

200

 

Total 200 sur 2 ans

     

 

Aides aux personnes morales

Logement locatif social

1 098

1 464

1 074

1 431

1 064

1 418

1 067

1 423

1 075

1 434

Logement intermédiaire

112

160

114

163

116

166

118

169

120

172

Aides aux personnes physiques (fongibles, hors dispositif de sécurisation du logement privé)

Prêts accession et travaux

 

600

 

600

 

600

 

600

 

600

Aides en faveur de la mobilité

                   

GRL puis

nouveau dispositif de sécurisation

 

100

 

120

 

122

 

124

 

126

Aides très sociales

                   

Enveloppe globale

800

1 000

800

1 010

800

1 020

800

1 030

800

1 040

Source : Convention 2015–2019 État–UESL.

En contrepartie du renforcement des engagements du mouvement « 1 % logement », l’État s’était, entre autres, expressément engagé à maintenir sur la période le versement des 133 millions d’euros issus de la taxe sur les bureaux.

En 2015, Action logement aura perçu 4,126 milliards d’euros de ressources (avec l’emprunt de la CDC) et aura versé 1,209 milliard d’euros pour le financement des politiques publiques, 1,423 milliard pour les bailleurs sociaux privés et publics et engagé 842 millions d’euros pour des aides et interventions en faveur des salariés de leurs entreprises affiliées.

En 2016, l’enveloppe dédiée aux politiques nationales devait être ramenée à 1,009 milliard d’euros. Toutefois, le 2 juin 2016, le conseil d’administration d’Action logement a adopté un avenant à la convention 2015–2019 qui augmente la mobilisation des ressources de près de 800 millions d’euros pour le reste de la période, répartis entre :

– 100 millions d’euros pour les actions de rénovation énergétique financées par l’ANAH ;

– 300 millions d’euros pour bonifier, à moitié avec la CDC, la nouvelle enveloppe de 2 milliards d’euros débloqués par la Caisse pour des « prêts de haut de bilan bonifiés ». Une convention a été signée entre les deux organismes sur cette base le 28 septembre 2016. Mais la situation a évolué depuis l’annonce par le Premier ministre d’un renforcement de l’enveloppe de 1 milliard d’euros supplémentaires ;

– 75 millions d’euros pour financer des structures collectives pour les jeunes et travailleurs migrants ;

– 150 millions d’euros pour développer du logement intermédiaire dans les quartiers prioritaires via son association Foncière logement ;

– et 120 millions d’euros pour soutenir l’accession à la propriété.

Par ailleurs, l’avenant prévoit d’étendre la caution solidaire gratuite VISALE à de nouveaux publics.

Tout en comprenant les contraintes financières de l’État, le Rapporteur spécial regrettait une réforme qui revient sur les accords passés entre le mouvement et l’État, alors même qu’Action logement s’engage dans des efforts supplémentaires. Cette évolution ravivait enfin les interrogations sur l’avenir du modèle financier d’Action logement. À deux titres : si 133 millions d’euros paraissent faibles au regard des ressources annuelles propres du mouvement (environ 3 milliards d’euros), c’est une perte qui se cumulera au fil des années. En outre, les ressources du réseau résultent non seulement de la collecte du « 1 % logement » (pour environ 1,6 milliard d’euros) mais aussi des remboursements de prêts passés. Or, avec le fort développement de la part des subventions dans les emplois du « 1 % logement » depuis 2009, ces retours diminuent substantiellement. La convention 2015–2019 proposait de nouvelles approches pour qu’Action logement poursuive et même accentue son soutien aux politiques du logement, tout en lui permettant de reconstituer ses capacités d’action à terme.

C’est ainsi que ses contributions au Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) comme au logement ne se concrétiseront plus seulement sous forme de subvention, mais aussi de prêts comportant un niveau élevé d’équivalent–subvention, mais remboursables.

Si ces cibles ne sont pas remises en cause, la base financière d’Action logement aurait pu être inexorablement rognée par la perte du versement sans perspective de reconstitution.

Mais lors de son audition le 3 novembre, la ministre du logement et de l’habitat durable a assuré que l’équilibre financier d’Action logement n’est pas menacé ni à court ni à long terme. L’importante réorganisation qu’il a entreprise doit en effet permettre de dégager de vraies économies de fonctionnement et de structure. L’UESL en escomptait elle–même un doublement en six mois de la production de logements par ses organismes et filiales.

En outre, il est désormais acté que l’essentiel de la bonification du troisième milliard de prêts de haut de bilan bonifiés sera essentiellement assumé par la Caisse des dépôts et consignations, et non partagé à parité avec le « 1 % logement ».

La réforme de l’organisation d’Action logement

Depuis avril 2015, Action logement a entamé une réforme en profondeur de son organisation afin, notamment, de créer une structure unique assurant trois missions distinctes concrétisées par trois entités (une structure centrale de pilotage, un pôle « service unique », notamment chargé de la collecte pour supprimer la concurrence entre les organismes collecteurs, et un pôle « immobilier » chargé de mettre en œuvre la politique immobilière précisée par les conventions quinquennales et de rationaliser la gestion des opérateurs immobiliers du réseau).

Le 19 mai 2016, le Gouvernement a été habilité à mener à bien cette réforme par ordonnances.

2. Une croissance des risques financiers à ne pas sous–estimer

Le XIII de l’article 17 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit de prélever 50 millions d’euros sur les ressources de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Celle–ci a notamment pour mission de garantir les prêts accordés sur le fonds d’épargne par la Caisse des dépôts et consignations aux opérateurs de logements sociaux lorsque la garantie des collectivités territoriales n’a pu être obtenue par l’emprunteur.

Certes, les fonds propres de la caisse de garantie (412,9 millions d’euros) lui permettent aujourd’hui de présenter une solvabilité supérieure (22 %) au minimum (8 % des engagements pondérés) exigé par les ratios prudentiels, pour des prêts n’ayant jamais connu qu’une faible sinistralité.

Toutefois, avec le renforcement des opérations de production et de réhabilitation souhaité par le Président de la République, la caisse de garantie constate une nette fragilisation de ses autres marqueurs :

– les engagements considérés comme des grands risques (lorsque leur valeur pondérée dépasse 10 % de ses fonds propres) augmentent vite et, sur les 2,9 milliards d’euros d’encours (bruts) garantis par la caisse fin 2015, ils représentaient un total de 1,1 milliard d’euros ;

– en 2015, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a exempté la caisse de garantie jusqu’en 2019 de l’interdiction de s’engager à plus de 25 % de ses fonds propres sur un même organisme. Mais il y aura bientôt trois importants opérateurs, par ailleurs très actifs, qui dépasseront cette limite avec des encours dont le cumul atteint 1,2 milliard d’euros. L’ACPR peut toujours considérer que ces risques deviennent trop sensibles et s’opposer à ce que de nouveaux engagements soient pris à leur égard.

Or, les contraintes devraient rapidement s’alourdir dans les deux–trois prochaines années :

– le taux minimum de solvabilité passera de 8 à 10,5 % en 2019 ;

– et le nouveau dispositif des prêts de haut de bilan bonifiés par la Caisse des dépôts et consignations et Action logement, lancé avec une enveloppe de 3 milliards d’euros sur 2016–2019, est assuré de connaître une rapide mobilisation, puisque plus de 6,5 milliards d’euros de projets de réhabilitation et de production ont déjà été soumis à la caisse. Or, les différents partenaires financiers pensent que les collectivités s’engageront nettement moins sur ces types de prêts. La prise en charge reviendra donc plus largement à la caisse de garantie. Celle–ci estime que le niveau actuel de ses fonds propres lui permet de s’engager jusqu’à 1,5 milliard d’euros d’encours. Au–delà, la situation serait bloquée. Le prélèvement de 50 millions d’euros réduirait encore ses capacités de garantie et pourrait rapidement être un obstacle à l’accélération des investissements des opérateurs de logements sociaux souhaitée par le Gouvernement.

D’autant qu’une reconstitution ultérieure des fonds propres de la caisse de garantie apparaît d’ores et déjà difficile. En effet, la dernière collecte des deux contributions des opérateurs, qui constitue la quasi–totalité de ses ressources, permet seulement d’atteindre les montants nécessaires pour qu’elle assure ses autres missions (notamment d’aide au redressement des organismes en difficulté), finance l’ANRU et l’Agence nationale de contrôle du logement locatif social (ANCOLLS) et verse les 270 millions d’euros destinés à subventionner les opérations de logement social via le nouveau Fonds d’aide à la pierre.

La caisse de garantie n’escompte dégager qu’environ 10 millions d’euros d’excédent fin 2016 et ses marges de modulation des contributions ne permettent pas d’espérer beaucoup mieux les exercices suivants.

Il apparaît ainsi que ce prélèvement ne créera sans doute pas de difficulté immédiate, la solvabilité de la caisse de garantie n’étant pas menacée, mais il pourrait être à l’origine d’une impasse dès 2019. Sans le supprimer totalement, le Rapporteur spécial aurait donc trouvé plus pertinent que l’on divise par deux son impact financier en ramenant son montant de 50 à 25 millions d’euros en 2017. Au reste, la ministre a assuré rester très vigilante sur la solidité financière de la caisse.

II. LE GOUVERNEMENT N’EN RENFORCE PAS MOINS TOUS SES OBJECTIFS OPÉRATIONNELS

A. LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES VULNÉRABLES : DES MOYENS ENFIN À LA HAUTEUR ; DES AMBITIONS QUALITATIVES RÉAFFIRMÉES

L’action 12 Hébergement et logement adapté du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables finance une des principales missions sociales de l’État. Elle vise en effet à répondre aux besoins les plus urgents en matière d’hébergement mais plus fondamentalement à aider, autant que faire se peut, les personnes sans domicile à accéder à un logement digne.

Les crédits demandés s’élèvent à 1,669 milliard d’euros en AE et CP. Ils traduiraient un rebasage budgétaire d’une ampleur inédite en valeurs relative (+ 16 %) et absolue puisqu’il s’inscrit de presque 230 millions d’euros en AE et CP au–delà des dotations votées pour 2016.

1. Un rebasage sans précédent

Pour un peu moins de 42 millions d’euros, ce renforcement budgétaire correspond à la prise en charge par l’État de la totalité du financement de l’aide aux organismes qui logent temporairement des personnes défavorisées (ALT 1), jusqu’alors assurée à parité avec les organismes de protection sociale. Elle participe au subventionnement d’un parc de logements pour accueillir, en urgence et à titre temporaire, des personnes sans ressources et n’ayant pas accès aux aides personnelles au logement. Proposant une prise en charge limitée à six mois, cette formule n’est pas encouragée, mais l’ampleur des besoins justifie le maintien d’un parc conventionné de 30 000 logements.

Les dotations prévues représentent donc un abondement net de 188 millions d’euros en faveur des dispositifs de veille sociale, d’hébergement et de logements adaptés.

Certes, pour répondre à des besoins d’hébergement en très forte croissance depuis le début de la crise, les crédits de l’action 12 ont été abondés chaque année en cours d’exercice. Mais jusqu’en 2012, ses dotations initiales n’ont guère suivi la réalité des demandes, loin s’en faut. Dès sa prise de responsabilités, le Gouvernement s’est au contraire activement engagé dans un important rattrapage budgétaire, en dépit des contraintes financières s’imposant à l’État français, tout en travaillant concomitamment à optimiser les réponses. Un plan d’urgence pour les sans–abri a été adopté dès l’automne 2012, suivi par le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 21 janvier 2013. Ces plans ont mobilisé 31 puis 111 millions d’euros qui ont été reconduits au fil des exercices suivants pour pérenniser des places ou en créer de nouvelles en hébergement comme en logement adapté. Ces plans ont en effet parallèlement entrepris ou accéléré des réformes structurantes visant à améliorer l’accès à des logements plus adaptés et durables. Grâce à ces efforts inédits, les prévisions ne s’étaient jamais autant rapprochées des besoins exprimés, en dépit d’une pression accentuée par la reconnaissance par le Conseil d’État (9) d’un droit à hébergement d’urgence et par la part grandissante des demandes émanant de familles avec de jeunes enfants – ces dernières mobilisent en effet davantage de places par cas et bénéficient nécessairement d’une priorité d’hébergement et d’un maintien durable dans le dispositif une fois qu’elles sont prises en charge.

Les écarts entre consommations et dotations peuvent traduire un excès d’optimisme quant aux économies attendues du développement des solutions pérennes (les hôtels s’avérant souvent plus onéreux). Le choix de maintenir une certaine sous–budgétisation est aussi une façon d’obliger les opérateurs à être économes.

Quoi qu’il en soit, le développement des besoins s’est encore accéléré avec les récentes crises migratoires. Assumant la charge des engagements internationaux de notre pays et de ses devoirs à l’égard des migrants fuyant les conflits et les persécutions, le Gouvernement a complété ses dotations de 219 millions d’euros en 2015 et ajouté 150 millions d’euros (10) de crédits en LFI pour 2016.

Un plan Migrants (« Répondre au défi des migrations : respecter les droits – faire respecter le droit ») a ainsi été lancé en juin 2015 pour accompagner les évacuations de campements à Paris ou dans la zone de Calais. Une circulaire du 22 juillet commune aux ministères du logement et de l’intérieur a organisé le dispositif devant permettre la mise à l’abri puis l’accès au logement de 5 000 réfugiés grâce à la mobilisation de toutes les ressources d’appoint identifiées, puis de logements sociaux vacants. 5 000 places de logement accompagné spécialement créées et 1 500 nouvelles places d’hébergement d’urgence réservées devaient coûter en année pleine environ 38 millions d’euros totalement imputés sur le programme 177.

Par la suite, le Premier ministre a présenté en septembre 2015 un Plan Réfugiés pour la relocalisation des 30 784 migrants syriens et irakiens que la France s’est engagée à accueillir sur deux ans dans le cadre du programme européen, et la réinstallation des migrants des camps du Haut–commissariat aux réfugiés (6 000 d’ici septembre 2017). La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) estimait à 70 millions d’euros leur coût total pour le seul programme 177.

Les moyens de la mission Immigration, asile et intégration ont également été renforcés. Mais il a été acté que la prise en charge de ces migrants incombe aux dispositifs financés par la présente mission dans la phase préalable à l’enregistrement de leur demande d’asile, puis une fois que le statut de réfugié leur est reconnu ou qu’ils sont déboutés. Au demeurant, les dispositifs généralistes accueillaient et continueront à accueillir des demandeurs d’asile, les capacités du dispositif national d’accueil (DNA) qui leur est dédié restant encore insuffisantes. Enfin, les migrants ne pouvant prétendre à une protection internationale ont toujours accès aux hébergements d’urgence de droit commun, en vertu du principe d’accueil inconditionnel.

Si les acteurs du secteur déplorent que ces nouvelles capacités n’aient pas été mobilisées avant, contrairement à leurs premières craintes, il n’y a pas eu substitution entre les places ouvertes, notamment en région parisienne pour le premier accueil des réfugiés, et les offres d’hébergement de droit commun.

Leur relogement durable s’effectue en zones détendues hors d’Île–de–France en tout état de cause pour répartir la charge sur l’ensemble du territoire national, profiter des capacités disponibles et décongestionner les communes les plus sollicitées. 2 700 relogements ont été réalisés en dix mois ; le délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement (DIHAL), qui est chargé de coordonner ces actions, vise un rythme de 400 à 500 par mois.

La relocalisation des réfugiés : progrès et difficultés

Ces relocalisations ne sont pas toujours aisément acceptées par les populations et les élus locaux, ni parfois par les intéressés eux–mêmes ; elles nécessitent aussi de nombreuses démarches. Mais le délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement considère que le traitement de ces parcours vers le logement est « en voie d’industrialisation » : les procédures auprès des caisses d’allocations familiales ont pu être accélérées ; les packs langues ont été globalisés ; des accompagnements vers des formations ou à la recherche d’un emploi se sont structurés… Ces acquis pourraient bénéficier à d’autres publics.

La seule critique entendue par le Rapporteur spécial sur le déroulement de ces plans est que les évacuations sont réalisées sans passer par les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) pourtant mis en place pour être les pivots de toutes prises en charge et assurer le suivi des personnes.

Le Rapporteur spécial constate aussi que les réponses apportées ne traitent pas du devenir des réfugiés. Les instructions relatives aux nouveaux centres d’acceuil et d’informations (CAO) insistent sur le caractère nécessairement bref des séjours, mais les crises à l’origine de ces vagues migratoires ne se résoudront pas avant longtemps ; la pression de la demande perdurera cependant que les solutions de sortie ne se développeront pas forcément aussi vite, même en centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). La fluidité des CAO pourrait se gripper si on n’y prend garde.

Nonobstant ces difficultés, de l’avis de tous les acteurs qu’il a auditionné, les solutions apportées à la crise des migrants sont en train de « dynamiser » très positivement le fonctionnement des dispositifs généralistes.

Pour autant, ces efforts budgétaires se sont avérés insuffisants face à la poursuite du développement des campements sauvages. Une fois encore, le Gouvernement a eu le courage de mobiliser d’importants moyens pour permettre leur évacuation par la mise à l’abri de ses occupants, choisissant de se donner le temps d’étudier leurs situations et préférant un traitement plus décent que de les éparpiller sans solution comme le faisaient ses prédécesseurs. Selon le préfet de police de Paris, 19 083 personnes venant de camps en région parisienne auraient été ainsi prises en charge depuis mi 2015.

Des instructions du 9 novembre 2015 et du 22 janvier 2016 ont notamment créé sur l’ensemble du territoire 148 nouveaux centres d’accueil et d’orientation (CAO) temporaires dédiés à ces publics. Près de 2 000 places étaient ouvertes en fin d’année 2015 ; 3 000 autres devaient être créées d’ici l’automne 2016. Une plateforme est par ailleurs mise en place à Paris pour gérer les premiers accueils. Et pour accompagner ces évolutions, un décret d’avance a apporté en octobre dernier 84 millions d’euros supplémentaires pour la veille sociale et l’hébergement d’urgence.

Le nouveau renforcement prévu en 2017 s’inscrit dans cette démarche responsable – tout en accentuant parallèlement les offres s’adressant aux publics « classiques » de l’hébergement. Il est d’abord remarquable par son volume, dans l’absolu, et parce que, pour la première fois, il permettra de dépasser très largement les consommations constatées l’année passée.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 12 ENTRE 2009 ET 2017

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

LFI

975,2

990,6

1 087,2

1 095,7

1 131,3

1 242,5

1 289,4

1 439,6

1 669,3

Consommation

1 101

1 121,6

1 126,3

1 168,5

1 303,6

1 387,2

1 508,5

Sources : commission des finances, rapports et projets annuels de performances.

L’action 12 Hébergement et logement adapté du programme 177 devrait donc consacrer 1,386 milliard d’euros aux seuls dispositifs de veille sociale et d’hébergement en 2017, en progression d’environ 176 millions d’euros. Ces dotations se répartiraient entre :

– 121,7 millions d’euros (+ 31 par rapport aux dotations votées pour 2016) pour les dispositifs de veille sociale qui établissent un premier contact voire un premier accueil avec les personnes sans abri et les orientent vers les structures d’hébergement, d’accompagnement et d’orientation. Cette hausse de 35 % est une réponse à l’augmentation des flux qu’ils ont à gérer, mais financera aussi la consolidation des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) ;

– 646,9 millions d’euros pour les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), soit un renforcement de 1,7 % (+ environ 10 millions d’euros) par rapport à la programmation 2016 en cohérence avec la démarche de mise sous statut d’établissement social des places d’hébergement ;

– et 617,8 millions d’euros (+ 135 ou + 28 %) pour l’hébergement d’urgence (dont les nuitées en hôtel) et les places de stabilisation. Cette enveloppe finance aussi les places hivernales et les places en CAO.

Enfin, l’action 12 dédiera une enveloppe de 283 millions d’euros aux divers dispositifs de logement adapté, en augmentation de 6 % (+ 13 millions d’euros) par rapport aux crédits votés pour 2016 si l’on neutralise la reprise par l’État de la totalité des dépenses d’ALT 1 (cf. supra).

Pour autant, bien qu’il soit très généreux, ce rebasage pourrait être à nouveau insuffisant. En effet, le Rapporteur spécial a été informé que 300 millions d’euros supplémentaires pourraient être demandés d’ici la fin de l’année pour financer l’accélération de l’ouverture des 3 000 places prévues en CAO et – peut–être en partie seulement – la création des 9 000 nouvelles places dédiées aux réfugiés évacués de la « Jungle » de Calais, mais aussi un projet de rachat d’hôtels pour l’hébergement hors CAO (cf. infra). Si ces nouvelles dépenses traduisent des besoins reconductibles, la consommation réelle atteinte en 2016 serait alors supérieure d’environ 150 millions d’euros aux prévisions pour 2017.

2. Des progrès substantiels aussi bien en capacités qu’en qualité

Même si les efforts ne sont pas tout à fait à la hauteur des besoins, ces mesures successives ont contribué à un conséquent et rapide développement des capacités d’accueil des personnes vulnérables depuis 2012.

ÉVOLUTION DES CAPACITÉS D’HÉBERGEMENT ET DE LOGEMENTS ACCOMPAGNÉS FINANCÉS PAR LE PROGRAMME 177 ENTRE FIN 2007 ET FIN 2015

(en nombre de places)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Urgence et stabilisation (hors CHRS)

15 911

17 535

17 535

18 593

19 766

22 091

28 692

30 537

31 846

Hôtel (1)

10 377

13 025

13 025

13 948

16 235

20 727

25 496

32 300

38 530

CHRS

38 159

39 442

39 442

39 525

39 346

39 142

39 145

40 690

42 176

Total hébergement

64 447

70 002

70 002

72 066

75 347

81 960

93 333

103 527

112 552

Maisons–relais

5 289

7 909

9 909

n.c.

10 269

11 527

12 702

14 038

14 843

Intermédiation locative

n.c.

n.c.

n.c.

n.c.

n.c.

15 657

18 378

21 643

25 575

Résidences sociales, FTM et FJT bénéficiant de l’AGLS

n.c.

n.c.

n.c.

n.c.

n.c.

114 737

149 902

174 068

178 475

Total logement accompagné

n.c.

n.c.

n.c.

n.c.

n.c.

141 921

180 982

209 749

218 893

Total

223 881

274 315

313 276

331 445

Situation au 31 décembre de chaque exercice. (1) Hors places hivernales. Sources : Projets annuels de performances.

Les efforts pour sortir d’une gestion saisonnière de l’hébergement ont en particulier permis la pérennisation de 2 000 places en 2015, puis de 2 300 autres en 2016 évitant les massives remises à la rue à l’issue des périodes hivernales.

La Direction générale de la cohésion sociale observe que même si ces capacités sont toujours dépassées par des besoins très dynamiques, les investissements nationaux obtiennent des résultats satisfaisants du point de vue de la stabilisation du taux des demandes non satisfaites autour de 30–31 % (après corrections des doublons et neutralisation des personnes déjà hébergées mais voulant changer de structures) sur une population croissante.

Le budget pour 2017 prévoit de financer le coût en année pleine de l’ensemble de ces nouvelles capacités, ainsi que les dispositifs dédiés aux réfugiés et migrants (les 5 000 places temporaires prévues en CAO, en principe décomptées à part), mais aussi l’ouverture en 2017 de 850 places supplémentaires en centres d’hébergement d’urgence pour des familles.

Ces dotations auront aussi à financer tout ou partie des 9 000 places supplémentaires ouvertes en hébergement d’urgence pour accompagner l’évacuation de la « Jungle » de Calais et qui n’ont vraisemblablement pas été anticipées par le projet annuel de performances.

ÉVOLUTION DES DOTATIONS ET DES PLACES FINANCÉES ENTRE 2015 ET 2017

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement et Crédits de paiement

 

Exécution 2015

LFI 2016

PLF 2017

2017/2016 (en %)

12. Hébergement et logement adapté

1 508,9

1 439,6

1 669,3

+ 16

dont hébergement d’urgence

547,4

482,8

617,8

+ 28

places financées, y c. hôtels, hors dispositif hivernal *

69 808

+ 3 150 + 3 000 (+ 9 000)

 

dont CHRS

636,2

636

646,9

+ 1,7

places financées *

42 176

+ 1 079

 

dont dispositifs de logement adapté

204,1

228

283

+ 6

hors reprise ALT1

places financées ou aidées *

218 893

+ 3 500

 

* Depuis la fin 2015 à la fin 2017. Sources : DGCS et projets annuels de performances.

Le projet de budget intègre enfin la création de 500 nouvelles places en pensions de famille d’ici fin 2017 et l’ouverture de 3 000 places en intermédiation locative conformément au plan de substitution des nuitées hôtelières.

Car les efforts du Gouvernement ont aussi porté, et continueront à porter sur l’amélioration de l’accès à un logement plus adapté.

•  Lancé en février 2015, le plan triennal relatif à la substitution de dispositifs alternatifs aux nuitées hôtelières et à l’amélioration de la prise en charge à l’hôtel se révèle un instrument d’une grande efficacité de l’avis des responsables administratifs comme des associations.

Il prévoit de réduire, ou, à tout le moins, d’éviter le recours à 10 000 nuitées hôtelières sur trois ans et de créer à coût constant 13 000 solutions alternatives (à raison de 2 500 places en hébergement d’urgence pour les familles, 9 000 en intermédiation locative et 1 500 en pension de famille).

Il prévoit également la généralisation d’un accompagnement social renforcé pour les personnes encore hébergées à l’hôtel.

Cette stratégie vise une meilleure maîtrise des dépenses d’urgence et une meilleure utilisation des crédits en offrant davantage et mieux que des chambres d’hôtel inadaptées et plus onéreuses que tout autre dispositif. En zones très sollicitées, certaines chambres coûtent en effet plus cher qu’un hébergement accompagné. L’objectif est aussi de fluidifier l’ensemble du dispositif en ouvrant les possibilités de sortie des structures de première urgence, dans lesquelles certaines personnes restent des années, et, fondamentalement, d’accélérer la réinsertion des bénéficiaires, en particulier des familles.

Tous les acteurs auditionnés témoignent que la mise en œuvre du plan avance bien. La part des places exceptionnellement ou temporairement ouvertes a fortement chuté pour des réponses plus adaptées et le recours à l’hôtel est plus limité – y compris en période hivernale : ainsi, en 2015, le dispositif hivernal n’a plus mobilisé que 7 022 nuitées en moyenne par soir, contre 7 319 pendant l’hiver 2013–2014.

Le ministère en charge du logement a lancé un appel d’offres pour le rachat d’hôtels prêts à être vendus afin d’en rationaliser la gestion et de renforcer l’accompagnement social des bénéficiaires. Il en escompte la livraison de 5 000 places pour le parc généraliste au premier semestre 2017. Parallèlement, un appel à projets « Hébergement citoyen » a été lancé, dont les premiers candidats offriraient jusqu’à 1 500 places.

Il n’en reste pas moins que les demandes des familles débordent l’offre existante. En outre, l’hôtel reste la formule la plus simple pour une personne sans droits administratifs. Les capacités d’accueil aménagées doivent donc toujours être complétées par des places d’hôtel, dont le nombre a continué à augmenter en 2015, passant de 32 300 à 37 962 (11) (+ 5 662). Avec la difficulté supplémentaire que le réseau hôtelier commence lui–même à être saturé dans certains territoires comme l’Île–de–France.

Or, ce recours pourrait être partiellement fluidifié. Une enquête menée par le Samu social de Paris en 2014 a notamment montré qu’une proportion significative des ménages hébergés à l’hôtel y réside depuis des années alors qu’ils auraient les capacités d’en sortir s’ils obtenaient un titre de séjour. En effet, seules les personnes en situation régulière quant à leur séjour en France peuvent solliciter un logement.

Le Rapporteur spécial recommande donc que soit enfin régularisée, au cas par cas, la situation de ces personnes hébergées depuis suffisamment d’années pour prouver l’ancienneté de leur résidence en France ou de ces familles qui ne seront jamais expulsables. Pour des raisons humanitaires évidentes, mais a minima pour débloquer des situations devenues absurdes même du point de vue de la bonne gestion des deniers publics.

•  Les conversions de statut de places d’hébergement d’urgence en centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), initiées en 2014, représentent également un progrès social, car elles assurent un meilleur accompagnement vers l’insertion des personnes accueillies.

1 413 places ont ainsi été pérennisées dans leur nouveau statut en 2014, 1 480 en 2015, et 1 079 devraient l’être en 2016. Pour autant, l’enveloppe des centres d’hébergement et de réinsertion ne progressera que de 1,7 % grâce au développement concomitant de la contractualisation des opérateurs locaux avec l’État censée permettre une meilleure convergence des coûts.

•  Enfin, plus fondamentalement, le parc de logements adaptés poursuit son développement. Peut–être la mobilisation exigée par la gestion de la crise migratoire a–t–elle un peu ralenti le processus ; mais le Rapporteur spécial constate que la dynamique enclenchée sous l’impulsion du plan de substitution des nuitées hôtelières est toujours productive.

Tous les observateurs s’entendent en effet pour dénoncer l’insuffisance de logements accessibles comme une des raisons majeures des difficultés à sortir du mal–logement ou de l’hébergement. Mais le logement classique n’est pas adapté à tous, ou il peut être nécessaire à certains ménages de passer par des solutions de transition pour regagner leur autonomie en réapprenant à gérer un logement et à en assumer toutes les obligations. Cette dimension est prise en compte dans les différents modes de logement accompagné, ainsi que dans les actions d’« accompagnement vers et dans le logement ». Quant aux autres ménages, ces dispositifs offrent au moins des opportunités pour sortir de l’hébergement d’urgence vers des solutions plus durables à défaut d’être pérennes.

Le projet de budget pour 2017 y contribuera avec une enveloppe renforcée de 283 millions d’euros en AE et CP. Pour mémoire, sa consommation n’avait été que de 204 millions d’euros – hors dépenses d’accompagnement vers et dans le logement – 236 millions en réintégrant la part de l’ALT 1 assurée par les régimes sociaux. Ainsi, est–il prévu de financer :

– pour 90 millions d’euros en AE et CP (+ 4) les maisons–relais, un type particulier de résidences sociales qui repose sur l’association de logements privatifs à des locaux collectifs et sont censées offrir un cadre de vie favorisant la réinsertion sociale. La participation de l’État est affectée à la rémunération de l’hôte, sur la base d’un forfait journalier maintenu à 16 euros par place. Malgré la rareté des logements disponibles en zones tendues, le parc est passé de 14 038 places en 2014 à 14 843 au 31 décembre 2015. Le plan de substitution en prévoit la création de 500 supplémentaires d’ici fin 2017 ;

– pour 76,5 millions d’euros en AE et CP (+ 8,9) l’intermédiation locative. Celle–ci aide les associations ou les organismes de logement social à prendre à bail des logements du parc privé et à les sous–louer à un tarif social à des ménages défavorisés, jusqu’à ce qu’ils puissent devenir locataires en titre. La dépense permet de couvrir le différentiel de loyer entre un loyer social et le prix du marché en sous–location, les charges de fonctionnement pour les opérateurs, ainsi que les coûts d’accompagnement social des ménages bénéficiaires. La captation des logements ordinaires s’est accélérée sous l’impulsion du plan de substitution. Les capacités ont augmenté de 3 932 places au cours de l’année 2015. 3 000 places supplémentaires sont prévues entre 2016 et fin 2017, dont une part importante en Île–de–France grâce au dispositif Solibail. (12)

Ces crédits permettront enfin la poursuite de l’expérimentation « Un chez–soi d’abord » sur quatre grandes villes, les premières observations ayant montré l’impact positif d’une réponse durable apportée aux personnes sans–abri souffrant de troubles psychiques et d’addiction. Son déploiement est envisagé sur seize nouveaux sites entre 2018 et 2022, à un rythme de 400 places par an ;

– pour 26 millions d’euros en AE et CP, l’aide à la gestion locative sociale (AGLS), qui est versée par l’État aux gestionnaires de résidences sociales afin de mettre en œuvre des réponses adaptées aux besoins des populations accueillies. Fin 2015, on décomptait 1 012 résidences sociales offrant plus de 112 867 places (+1 318 par rapport à 2014), auxquels s’ajoutent 65 608 logements en foyers (+ 3 088) qui ont vocation à être transformées en résidences sociales. Mais l’attribution de cette aide dépend des publics accueillis et des actions mises en œuvre ;

– et pour 79 millions d’euros en AE et CP (au lieu de 37,3) l’aide au logement temporaire (ALT1 – cf. supra) qui se développerait aussi au–delà de la mesure de périmètre financier.

L’État ne finance plus directement les mesures d’accompagnement « vers et dans le logement » qui s’attachent à favoriser les sorties réussies des structures d’hébergement et de logement temporaires vers le logement grâce à un accompagnement adapté. Depuis 2015, elles reposent entièrement sur les crédits du Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL) lui–même alimenté par les astreintes versées par l’État condamné au titre du DALO (cf. partie I–A). 39,9 millions d’euros sont inscrits à l’action 4 du programme 135 de la présente mission pour couvrir les liquidations d’astreinte en 2017.

•  Parmi les démarches de progrès engagées par l’État, il faut enfin évoquer la poursuite volontariste de la structuration du secteur de l’hébergement.

La démarche des diagnostics territoriaux partagés « du sans–abrisme aux difficultés de logement », dits à 360 °, a été généralisée en 2015. Leur actualisation annuelle vise à développer l’observation sociale et à objectiver les besoins des territoires en les rapportant à l’offre d’hébergement et de logement mobilisable dans chaque département. Ces documents alimenteront les nouveaux plans locaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisés.

De même, ont été consolidés d’autres chantiers visant à renforcer la connaissance du parc d’hébergement, des publics et de leurs parcours et à faire évoluer le dispositif pour apporter des réponses toujours plus adaptées. Le renforcement de 35 % de l’enveloppe de la veille sociale doit notamment contribuer à consolider la réforme des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), outils fondamentaux d’orientation, de coordination et d’observation sur les territoires dont l’existence juridique a été consacrée par la « loi ALUR ».

En effet, selon la stratégie du « Logement d’abord », il ne s’agit pas seulement de permettre un accès plus rapide au logement, mais de privilégier l’orientation des demandeurs d’hébergement vers un logement adapté sans passer par l’étape de l’hébergement. Les SIAO sont ainsi chargés de centraliser les demandes, les données sur les offres d’hébergement et de logement adapté et de réguler les orientations sur leur périmètre. Une enquête de la DGCS montre une nette bonification des services rendus par ces structures. La mise en place d’un service unique par département et compétent pour les demandes d’hébergement d’urgence comme d’insertion est actuellement en cours.

L’année 2017 verra aussi la généralisation du système d’information national unique qui permet la gestion des places d’urgence et d’insertion, et bientôt du 115, ainsi que le suivi individuel des demandeurs, le SI–SIAO, actuellement déployé dans 43 départements.

B. DES AIDES AU LOGEMENT QU’IL ESPÈRE MIEUX MAÎTRISÉES

•  Les aides personnelles au logement (APL) représentent un des dispositifs centraux de la politique du logement et le plus lourd financièrement avec 18,1 milliards d’euros de dépenses en 2015. Elles sont vitales pour 6,52 millions de ménages aux ressources modestes (effectifs en 2015) qu’elles aident en payant une partie de leurs dépenses de logement.

Les trois aides personnelles au logement et leurs modalités de calcul

Il existe trois catégories d’aides personnelles au logement :

– l’allocation de logement familiale (ALF) relevant de l’article L. 542–1 du code de la sécurité sociale ;

– l’allocation de logement sociale (ALS), qui relève également du code de la sécurité sociale (article L. 831–1) ;

– et l’aide personnalisée au logement (APL), régie par le code de la construction et de l’habitation (art. L. 351–1 et suivants du CCH).

Elles aident à solvabiliser les ménages, locataires ou accédants, aux revenus modestes par la prise en charge d’une part de leurs dépenses de logement (loyers, charges locatives ou mensualités d’emprunt), réduisant ainsi leur taux d’effort. Elles sont modulées en fonction de leurs ressources et de leur composition familiale, ainsi que du montant des charges assumées dans la limite de plafonds dépendant de la taille de la famille et de la zone géographique où se situe le logement.

Pour préserver leur efficacité solvabilisatrice, un mécanisme de revalorisation a été mis en place par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Les paramètres représentatifs de la dépense de logement entrant dans le calcul des aides personnelles (13) sont indexés sur l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL) (14) et remis à niveau chaque année.

Si l’on fait abstraction des étudiants, souvent sans revenus mais non sans soutiens, ces aides sont bien concentrées sur les ménages les plus modestes : les locataires représentaient 93 % des bénéficiaires fin 2015, dont 56 % sont logés dans le parc non conventionné ; 80 % d’entre eux avaient un revenu inférieur à un SMIC et 99 % à deux SMIC fin 2013. Les ménages composés d’une personne seule ou d’un couple sans enfant représentaient 59,3 % des bénéficiaires fin 2015. On compte aussi un grand nombre de personnes de plus de 60 ans (18 % des bénéficiaires, soit 1,2 million). Les jeunes de moins de 25 ans non étudiants étaient environ 463 000.

Avec 769 000 allocataires fin 2015, les étudiants représentaient, quant à eux, 11,8 % des bénéficiaires mobilisant 1,492 milliard d’euros d’aides (avec les frais de gestion). Environ la moitié des étudiants (dont les salariés et les apprentis) logés hors du domicile familial percevraient une de ces aides.

Selon le projet annuel de performances (15), ces aides permettent de maintenir un taux d’effort médian après aide à 18,9 % en 2015 laissant un reste à vivre plus soutenable – avec toutefois une forte disparité entre parc public (taux moyen de 11,4 %) et le parc privé (à 25,4 %). Mais tous connaissent une relative dégradation de leur taux d’effort réel en raison, notamment, du décalage entre la périodicité de revalorisation des aides et la révision des loyers. Les allocations n’en restent pas moins les aides sociales les plus redistributrices du système de solidarité nationale.

Ces aides soutiennent aussi les marchés du logement en solvabilisant les locataires ou accédants les moins aisés. Les 7,9 milliards d’euros d’APL versées aux locataires des bailleurs sociaux sont aussi une forme d’aide financière au secteur en ce qu’ils garantissent un minimum de revenus locatifs.

Depuis 2016, les trois aides sont financées par le Fonds national d’aide au logement (FNAL). En effet, pour compenser l’allégement des cotisations sociales des entreprises prévu par le Pacte de responsabilité et de solidarité, la LFI pour 2015 a d’abord mis fin au remboursement par les régimes sociaux d’une part des dépenses du FNAL et transféré à la sécurité sociale des recettes initialement reçues par le fonds (16). Enfin, la LFI pour 2016 a transféré le financement de la troisième aide (ALF) au FNAL lorsque l’exonération de charges patronales a été étendue jusqu’à 3,5 SMIC.

En outre, comme ces aides sont toujours distribuées et contrôlées par les caisses d’allocations familiales et la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, les frais de gestion versés par le FNAL aux organismes de sécurité sociale sont désormais calculés sur l’ensemble de l’assiette, à raison de 2 % des montants. Les commissions payées en 2015 représentaient 271 millions d’euros ; elles devraient s’élever à 357 millions d’euros en 2016 (359 en 2017).

Sous l’effet de la crise économique et sociale qui sévit depuis 2008, le nombre (ils étaient 6,4 millions fin 2011) et les besoins des allocataires ont fortement augmenté. Selon les comptes du logement, les dépenses d’aides personnelles au logement seraient passées de 13,9 milliards d’euros en 2004 à un peu plus de 17,9 milliards en 2015 (hors frais de gestion ou 18,1 milliards au total).

La modération des mécanismes de revalorisation des APL

S’il est vital pour les bénéficiaires, le mécanisme d’indexation des aides participe aussi à la dynamique des dépenses : étant donnés les volumes concernés, une revalorisation de seulement 1 % représente un coût budgétaire pour l’État d’environ 270 millions d’euros en année pleine (dans le nouveau périmètre). Cela étant, la faiblesse actuelle de l’inflation a conjoncturellement limité son impact.

La nécessité de contenir l’évolution des dépenses de l’État a conduit à plafonner le mécanisme d’actualisation à 1 % en 2012, puis à décaler du 1er janvier au 1er octobre la date de la revalorisation des paramètres de calcul des aides à partir de l’exercice 2014. Enfin, en 2015, un nouveau régime d’indexation des paramètres de ressources en location est mis en place : ils restent actualisés au 1er janvier de l’année, mais le paramètre R0 du barème locatif (hors foyers), qui détermine l’abattement forfaitaire pratiqué sur les revenus pris en compte dans le calcul des aides personnelles, passe d’une indexation sur l’évolution du revenu de solidarité active (RSA) socle – plus avantageuse pour les allocataires – à une indexation sur l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’année n–2, en cohérence avec l’année prise en compte pour les revenus des ménages.

Enfin, il a été décidé qu’en 2016, les allocations seront arrondies à l’euro inférieur (ce qui minimiserait les dépenses de 40 millions d’euros).

Les ressources de base du FNAL pour faire face à ses charges sont :

– le produit des prélèvements mis à la charge des employeurs en application de l’article L. 834–1 du code de la sécurité sociale : ils se décomposent en une contribution de 0,1 % assise sur les salaires plafonnés, due par tous les employeurs – publics ou privés – et une contribution de 0,5 % sur la part des salaires dépassant le plafond, due par l’ensemble des employeurs occupant au moins vingt salariés, à l’exception de ceux relevant du régime agricole ;

– et une subvention d’équilibre portée par l’action 1 Aides personnelles du programme 109 Aide à l’accès au logement qui assure l’équilibre du fonds.

Sous le double effet de la croissance des besoins en APL et de la perte d’une partie des ressources du FNAL, cette subvention n’a cessé de s’alourdir, à l’exception de deux exercices bénéficiant de recettes exceptionnelles. Avec la « budgétisation » des aides, elle aura presque triplé depuis deux ans.

CONTRIBUTION DE L’ÉTAT AU FINANCEMENT DES AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT

(en millions d’euros)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Total État

5 086

5 496

5 553

5 535

5 734

5 144

5 177 (1)

10 743(1)

1,48 % des droits sur les tabacs

143

148

153

162

165

Contribution de solidarité sur les revenus du capital

546

675

– 21

Contribution PEEC

400

300

300

Total employeurs + régimes sociaux

10 093

10 317

10 515

10 880

11 115

11 559

11 727

7 047

Total ALF, ALS et APL

15 472

15 961

16 221

16 578

17 014

17 649

17 879

18 069

Part de l’État dans le total (%)

33

34,4

34,2

33,38

33,7

29,1

29

59,5

Sources : ministère de l’égalité des territoires et du logement et Notes d’exécution budgétaires de la Cour des comptes.

(1) Auxquels s’ajoutait une dette de 171 millions d’euros à l’égard des régimes sociaux fin 2014, portée à 401,3 millions d’euros fin 2015.

Depuis le début, Gouvernement est confronté à un double enjeu : il faut à la fois préserver l’efficacité sociale des aides et réussir à contenir, au moins à ralentir l’évolution des dépenses pour le budget général. Il s’est donc efforcé d’agir sur plusieurs leviers :

– les mécanismes internes d’évolution des dépenses (cf. supra) ;

– les conditions pour bénéficier des aides. Poussé par la pression des dépenses, que l’allocation de nouvelles ressources au FNAL ne suffit pas à couvrir ou pas durablement, le Gouvernement a entrepris des réformes de fonds pour ralentir la dynamique de ces charges – toutefois sans jamais remettre en cause la finalité première des aides qui est d’aider les plus modestes. Ces réformes ont toujours visé les situations les moins fragiles ou certains effets d’aubaine à l’origine de rentes injustifiées. En LFI pour 2015, le Gouvernement a proposé, en particulier, de recentrer les aides en accession sur les ménages subissant une perte substantielle de leurs ressources. Très réticente à cette réforme, qui aurait vraisemblablement abouti à empêcher la vente d’au moins 10 000 logements neufs, l’Assemblée nationale avait obtenu le report de sa mise en œuvre en contrepartie de l’identification de nouvelles pistes d’économies sur les aides personnelles au logement.

À la suite des travaux parlementaires, la LFI pour 2016 a abrogé le dispositif (annulant les économies qui en étaient attendues à savoir 19 millions d’euros en 2016 et 91 par an à partir de 2017 selon l’évaluation préalable), mais introduit de nouvelles modalités de calcul des aides : la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires dans les ressources retenues pour ce calcul et la dégressivité de l’aide pour les niveaux de loyers très élevés – considérant qu’ils révèlent des capacités financières plus larges que celles déclarées par les allocataires. Enfin, un amendement parlementaire a supprimé le droit à une aide personnelle au logement pour les ménages rattachés à un foyer fiscal redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Face à certaines critiques suscitées par la prise en compte du patrimoine et les réductions d’aide qui en découlent, le Rapporteur spécial rappelle qu’il s’agit autant d’une indispensable source d’économie que d’une mesure d’équité entre les allocataires. Les règles de valorisation sont directement inspirées du dispositif du revenu de solidarité active (RSA) mais avec une atténuation puisqu’elles ne déclenchent le mécanisme qu’à partir d’un patrimoine minimum de 30 000 euros. Elles intègrent tous les revenus ainsi que ceux qui seraient issus d’une mobilisation du patrimoine partant de l’idée que les bénéficiaires pourraient couvrir une partie de leurs besoins en louant ou vendant leurs biens. Il est évident au demeurant que les aides personnelles au logement ne servent pas à aider les ménages à se constituer une épargne. Le Rapporteur spécial invite néanmoins l’administration à étudier avec bienveillance les situations individuelles les plus fragiles et quand les ménages se retrouvent pénalisés par la possession d’une maison de famille dont ils ont hérité.

Le projet de loi évaluait à 95 millions d’euros en 2016 et 256 millions à partir de 2017 les économies résultant de ces dispositions. Il est trop tôt pour mesurer l’ampleur réelle des économies dégagées par ces évolutions.

On relèvera toutefois que le projet annuel de performances prévoit 18,317 milliards d’euros de dépenses en 2017, ce qui ne représenterait qu’une progression de 162 millions d’euros par rapport aux consommations constatées en 2015 (complétées des commissions qui auraient pu être versées au titre de l’allocation de logement familiale). La hausse serait modeste au regard des revalorisations attendues, et de l’impact de la prise en charge des réfugiés syriens et irakiens. Déjà en LFI pour 2016, les dotations du programme 109 avaient été complétées dans cette optique à hauteur de 26,2 millions d’euros. Mais ce sont plutôt 70 millions d’euros de dépenses en année pleine qui sont anticipées.

De fait, ces prévisions sont fondées sur des hypothèses d’évolution des déterminants de la dépense plutôt optimistes, telles que la baisse du nombre des chômeurs en 2017. Le Rapporteur spécial n’est pas non plus certain que les dettes accumulées en 2014 et 2015 par le FNAL (et donc l’État) à l’égard des régimes sociaux (dont le total atteignait 401,3 millions d’euros en fin d’année dernière) soient prises en compte dans ces évaluations. Mais jusqu’à aujourd’hui, les prévisions envisagées pour 2016, dont elles sont proches, n’ont pas fait l’objet d’abondement en cours d’exercice, contrairement à une longue tradition, ce qui leur donne une certaine crédibilité.

La question du financement de la subvention d’équilibre qui en découle pour l’État reste cependant entière ;

– Parmi les leviers également actionnés par l’État pour contenir ces dépenses, il y a eu aussi la recherche de ressources complémentaires pour le FNAL.

Comme on l’a vu précédemment, au fil des exercices précédents, des recettes ont été attribuées, puis retirées au FNAL (droits sur les tabacs, prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine).

De 2013 à 2015, le fonds a aussi reçu des contributions exceptionnelles de la participation des employeurs à l’effort de construction (« 1 % logement » – successivement 400, 300 et 300 millions d’euros). Mais ce versement ne constitue pas une des catégories d’emploi de cette participation définies par l’article L. 313–3 modifié du code de la construction et de l’habitat ; et la lettre d’engagement mutuel signée le 12 novembre 2012 entre l’État et l’Union des employeurs et des salariés pour le logement (UESL) supposait son arrêt en 2016. La nouvelle convention passée entre l’État et Action logement le 2 décembre 2014, pour la période 2015–2019, entérinait le prélèvement de 300 millions d’euros en faveur du FNAL en 2015, mais ne prévoyait rien à compter de 2016. En LFI pour 2016, une dernière contribution de 100 millions d’euros a néanmoins été votée, en utilisant le reliquat de l’enveloppe allouée aux politiques nationales par la convention de 2014. Il devait s’agir du dernier prélèvement en faveur du FNAL.

La LFI pour 2016 a parallèlement prévu un renfort plus durable en transférant le produit de la surtaxe sur les plus–values immobilières supérieures à 50 000 euros (17) auparavant affecté au financement des aides à la pierre, dans la limite d’un plafond maintenu à 45 millions d’euros. Au regard de l’évolution de ces recettes, 43 millions d’euros sont attendus en 2017.

Toutefois, ce complément ne peut suffire, ni la hausse espérée des cotisations des employeurs à 2,706 milliards d’euros au lieu des 2,657 milliards budgétés pour 2016. L’article 17 du projet de loi de finances pour 2017 propose donc une nouvelle ressource.

Le FNAL recevrait une fraction de 146 millions d’euros sur le produit de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les surfaces de stationnement annexées (TSB). Le Rapporteur spécial se réjouirait de ce nouvel apport financier, censément durable, qui rendra la charge des aides personnelles au logement plus soutenable pour le budget de l’État, s’il ne s’agissait d’une réaffectation de recettes qui remet unilatéralement en cause les accords passés entre l’État et l’UESL–Action logement (cf. partie I.C.1).

BUDGET DU FONDS NATIONAL D’AIDE AU LOGEMENT EN 2016 ET 2017

(en millions d’euros)

Prévisions des charges en 2016

Charges en 2017

Recettes en 2017

Prévisions des recettes en 2016

 

Prestations APL

8 340

Cotisations employeurs

2 706

2 657

Prestations ALS

5 217

Taxe sur les bureaux

146

Prestations ALF

4 401

Surtaxe sur les plus–values immobilières

43

45

Frais de gestion

359

Contribution de l’État

15 422

15 386

 

Prélèvement sur la PEEC

100

18 188

18 317

18 317

18 188

Source : rapport annuel de performances pour 2015 et projets annuels de performances pour 2016 et 2017.

En tout état de cause, c’est à ce prix que l’action 1 du programme 109 serait maintenue en 2017 au niveau prévu pour 2016 de 15,422 milliards d’euros.

•  L’autre instrument national de sécurisation des parcours locatifs (après l’aide au paiement des charges de logement, mais avant les procédures curatives de prévention des expulsions (18)) était le dispositif de garantie des risques locatifs (GRL) au financement duquel contribuait jusqu’alors l’action 3 du programme 109.

Il avait été créé pour faciliter l’accès à un logement à un plus grand nombre de locataires en élargissant les conditions de solvabilité et remobiliser les logements vacants en assurant une plus grande sécurité aux bailleurs privés. Ce dispositif assurantiel permettait d’accepter tout locataire dès lors qu’il présente un taux d’effort (19) inférieur à 50 % – quand la norme est à 33 % – sans considérer la nature de son contrat de travail et la stabilité de son revenu. Le locataire est alors dispensé d’apporter une caution. Le surcroît de risque (« sur sinistralité ») par rapport au seuil de sinistralité considéré comme normal est intégralement financé soit par Action Logement, soit par l’État. Celui–ci ne rembourse que les excédents de sinistralité constatés au titre des publics « État » (20), Action logement faisant l’avance de la totalité des compensations aux assureurs et assumant la part liée à « son » public (21).

La GRL avait bien touché son public, mais peinait à se diffuser ou était utilisée comme une étape de test des locataires avant que les assureurs ne fassent basculer le contrat sur la garantie contre les loyers impayés (GLI), plus lucrative pour eux. Pour dépasser ces réticences et supprimer le recours encore majoritaire au cautionnement – mais pas toujours possible pour les familles modestes –, la « loi ALUR » avait prévu la création d’un dispositif universel, la garantie universelle des loyers (GUL). Finalement, le Gouvernement a mis en place des solutions plus ciblées :

– une caution locative étudiante (CLE) a été ouverte à l’ensemble des étudiants de moins de 28 ans sans caution familiale, amicale ou bancaire (22) contre une cotisation de 1,5 % du loyer (celui–ci ne pouvant être supérieur à 500 euros en province, 600 en Île–de–France et 700 à Paris). Un fonds de garantie a été constitué entre le ministère de l’enseignement supérieur, le Centre national des œuvres universitaires et sociales (Cnous) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ;

– plus substantiellement, suite à la convention quinquennale signée le 2 décembre 2014 entre l’État et l’UESL–Action logement, un nouveau dispositif de sécurisation, sans financement de l’État, VISALE s’est mis en place à partir du 1er janvier 2016, au bénéfice des salariés précaires. Il remplace la GRL qui n’est plus diffusée mais dont les contrats pourront faire l’objet d’un ultime renouvellement pendant l’année. À terme, le budget de l’État ne devrait plus supporter ces dépenses.

Pour les publics visés, le dispositif VISALE propose une garantie remboursable sous forme d’un engagement d’assurer le paiement du loyer et des charges locatives en cas d’impayés du locataire. Il s’applique aux seuls logements en location ou en colocation dont le total « loyer plus charges » est inférieur à un plafond mensuel. Une enveloppe de 120 millions d’euros est réservée sur les ressources du « 1 % logement ».

En juin, un avenant à cette convention a prévu d’étendre cette caution solidaire gratuite à de nouveaux publics : s’ajouteront tous les jeunes de moins de trente ans entrant dans un logement, quel que soit leur statut (sous conditions pour les étudiants).

C. DE NOUVELLES MODALITÉS DE FINANCEMENT PROMETTEUSES POUR LES LOGEMENTS SOCIAUX

En termes de dotations budgétaires directes, les aides de l’État au développement et à l’amélioration du parc locatif social (23) ne représentent que le troisième poste de la présente mission, et un poste qui diminuera fortement en 2017, puisque les crédits qui leur sont consacrés au sein de l’action 1 Construction locative et amélioration du parc du programme 135 (dits aides à la pierre) reculeront de 300 millions d’euros en AE (– 60 %) et de 50 millions d’euros en CP (– 20 %) par rapport à 2016 en étant ramenés à 200 millions d’euros en AE et CP.

En réalité, l’effort financier de l’État au soutien des opérateurs du secteur ou des opérations de logements sociaux dépasse très largement cette enveloppe.

Sans même décompter les dotations allouées à l’aide aux maires bâtisseurs (80 millions d’euros en AE et 48,4 millions en CP inscrits pour 2017 – cf. partie I.A) ou mobilisées dans le Fonds d’aide à l’investissement local (500 millions d’euros en 2015) qui, en récompensant les municipalités qui construisent ou soutenant leurs investissements induits, participent au déblocage des opérations locales, le budget de l’État contribue aussi à la solidité du secteur grâce aux APL versées aux locataires du parc social. De fait, s’élevant à 8 milliards d’euros, sur un peu plus de 20 milliards d’euros de loyers perçus, elles sécurisent substantiellement les ressources des organismes de logement social.

Le budget de l’État supporte par ailleurs plusieurs dépenses fiscales venant alléger le coût des opérations ou les charges des organismes et confortant ainsi leur marge d’autofinancement. On citera en particulier :

– le taux réduit de TVA sur les livraisons à soi–même d’opérations de construction, amélioration ou rénovation de logements sociaux ou d’hébergements qui coûterait 1,8 milliard d’euros en 2017 – auxquels se rajoutent 195 millions d’euros d’allégement de TVA sur les achats de terrains à bâtir ;

– les organismes bénéficient également d’une exonération d’impôt sur les sociétés évaluées à 1 milliard d’euros, ainsi que d’une exonération ou d’un abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties sur leurs immeubles sociaux, dont l’État compense une partie ;

Ce sont au total plus de 3 milliards d’euros d’économies fiscales directes pour le secteur du logement social.

Il faut y ajouter l’exonération des intérêts et produits des livrets A, livrets de Développement durable (LDD) et livrets d’épargne populaire (LEP), pour plus d’1,2 milliard d’euros prévus en 2017, supportée par l’État, qui contribue à l’attractivité de ces placements permettant de mobiliser une très importante épargne en faveur des politiques nationales, et du secteur social tout particulièrement. Grâce à la centralisation d’une partie de leur collecte, la Caisse des dépôts et consignations a les capacités de prêter des sommes importantes à des taux très bonifiés, souvent nuls, parfois négatifs.

Quelques chiffres sur le Fonds d’épargne en 2015

403 milliards d’euros d’épargne ont été collectés par les réseaux bancaires au titre des livrets A, LDD et LEP, à nouveau en retrait de 7,7 milliards d’euros (après – 8,7 entre 2013 et 2014), en partie atténuée par la capitalisation de 2,2 milliards d’euros d’intérêts.

Les encours centralisés ont diminué de 243,5 à 238 milliards d’euros entre fin 2014 et fin 2015 ; mais le Fonds d’épargne les a complétés par 17 milliards d’euros de fonds propres et autres ressources. Pour renforcer ses fonds propres de 1 à 9,6 milliards d’euros, le portefeuille d’actifs financiers (qui assure la liquidité de l’épargne réglementée) a été encore réduit de 15 milliards pour s’établir à 78,4 fin 2015.

La marge du Fonds d’épargne était, malgré tout, en sensible progression passant de 816 millions d’euros en 2014 à 1,26 milliard en 2015, notamment grâce à l’abaissement des commissions des établissements collecteurs.

Après un certain recul depuis deux ans, la caisse a indiqué au Rapporteur spécial que la collecte se stabiliserait. Les livrets réglementés sont redevenus compétitifs pour l’épargne de précaution depuis qu’il a été décidé de ne pas suivre la baisse des taux interbancaires, contrairement aux années précédentes, pour maintenir le taux du livret A à 0,75 %.

Enfin, si la faiblesse actuelle des taux de prêts bancaires minimise l’aide de taux accordée, incitant certains organismes de logements sociaux à s’adresser aux banques, la Caisse offre toujours une facilité d’accès à des prêts de très longs termes (jusqu’à quarante voire soixante ans) que les établissements bancaires ne veulent pas porter.

Le soutien de la Caisse de dépôts et consignations au logement

En 2015, la CDC a signé pour 21,1 milliards d’euros de prêts (20,7 en 2013 et 20,5 en 2014), dont 17,2 pour le logement social et la politique de la ville (16,4 en 2013, 16,7 en 2014), en hausse de 3 %. Les encours totaux sont ainsi montés de 168 à 176,1 milliards d’euros, dont 151,9 pour le logement et la ville (86 %) ;

Grâce aux prêts bonifiés, 134 000 logements ou places d’hébergement auraient été construits ou acquis (+ 9 %) et plus de 311 000 réhabilités (+ 13,5 %), dont 49 800 grâce à l’éco–prêt (+ 25 %).

Cette situation pose également la question de l’adaptation des encours de prêts à une inévitable – même si on ignore quand – remontée des taux. Aujourd’hui, les prêts sont, sauf exception, indexés sur le taux du livret A. Leur renchérissement coûtera très cher. Une réflexion sur l’avenir de la formule des prêts CDC a été lancée pour trouver une réponse qui garantisse tant la durabilité du modèle financier que la préservation de cette épargne.

En attendant, la caisse fait évoluer son offre vers des produits innovants tels les prêts de haut de bilan bonifiés (cf. infra).

Enfin, le 31 mai, il a été acté entre la caisse et le Gouvernement que la baisse des commissions versées aux établissements collecteurs permettra de dégager deux enveloppes : l’une de 100 millions d’euros pour accompagner la reconfiguration et la démolition du parc social en territoires « en déprise » ; la deuxième, de 70 millions d’euros, pour accompagner les baisses de loyers permettant le logement des ménages les plus modestes en transformant notamment des PLS en PLAI.

Parmi les manques à gagner supportés par l’État ou ses établissements publics pour débloquer les opérations de logements sociaux dans les territoires tendus où le foncier constructible est rare et pour alléger leurs coûts, il faut aussi citer la décote qui peut être accordée sur la cession de terrains (et d’immeubles) appartenant à leur domaine privé en vertu de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement. Depuis sa mise en œuvre, le total des décotes accordées atteint plus de 89,5 millions d’euros avec un taux moyen d’abattement de 55 %. (24)

La piste d’une Foncière solidaire

Dans un rapport présenté le 15 septembre dernier, le président de la commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (CNAUF), M. Thierry Repentin, proposait de passer à une étape supérieure avec un projet de Foncière solidaire.

Qualifiée de « nouvelle aide à la pierre », elle disposerait d’un capital initial de 750 millions d’euros, apporté à part égale par l’État et la CDC, afin d’accélérer et simplifier l’acquisition de terrains publics et privés, pratiquer la dissociation foncière auprès des organismes de logement social pour réaliser 50 000 nouveaux logements, dont la moitié de logements sociaux ou en accession sociale, en priorité sur les zones tendues. Elle pourrait aussi bénéficier d’une décote de 60 % sur la cession des terrains publics. La revente des terrains aux promoteurs de logements privés alimenterait sa trésorerie. Enfin, ayant la capacité d’emprunter, elle pourrait mobiliser jusqu’à 2 milliards d’euros d’investissements.

Toutefois, ce fonds doit être instauré par voie législative. Or, l’amendement qui devait le créer dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, actuellement en deuxième lecture au Sénat, vient d’être repoussé par celui–ci.

Ce sont autant de dépenses assumées par l’État pour aider, en tout ou partie, au développement du parc de logements sociaux et qui donnent la vraie ampleur budgétaire de cette politique centrale, à tout le moins la deuxième par son poids financier au sein de la présente mission.

Au demeurant, dans ce secteur, le Gouvernement avait la possibilité d’actionner d’autres leviers et d’autres acteurs bien dotés. Cette stratégie lui a permis de relancer la dynamique des investissements sociaux à un haut niveau, et de la maintenir même quand il a du faire porter sur l’enveloppe « État » des aides à la pierre l’essentiel des économies nécessaires sur la mission pour contrebalancer – partiellement – le renforcement des moyens alloués aux besoins de première urgence.

Action logement est à ce titre – notamment (cf. partie I.C.1) – un partenaire de premier rang, par ses propres investissements et par l’emprunt de 3 milliards d’euros qu’il a contracté auprès de la CDC pour distribuer lui–même des subventions ou des prêts bonifiés au soutien des programmes développés dans le parc social.

De fait, après une forte décrue du nombre des logements sociaux programmés depuis 2010, la stratégie du Gouvernement a accéléré leur production. Malgré les apparences, le relatif ralentissement qui a marqué 2014 et 2015 dans une moindre mesure ne résulte pas de la baisse des aides à la pierre mais en bonne partie des annulations ou des retards pris dans les opérations sociales autour des dernières élections municipales.

LOGEMENTS LOCATIFS SOCIAUX OU D’HÉBERGEMENT FINANCÉS DE 2012 À 2015

Nombre de logements financés

ou agréés

Total 2012

Total 2013

Total 2014

Total 2015

Prévisions LFI 2016

PLAI (1)

23 600

29 734

28 449

27 634

35 000

dont PLAI hébergement

191

309

487

228

 

PLUS

48 720

54 788

51 490

51 224

69 000

PLS, PLS Foncière ou PLS privés

30 599

32 543

26 475

30 063

36 000

TOTAL

102 728

117 065

106 414

108 921

140 000

Coût budgétaire de l’offre nouvelle

419 M€

435,90 M€

377,10 M€

315,8

Réhabilitation et amélioration de la qualité de service

351

670

937

514

 

Démolition

1 984

447

301

206

1 000

Coût budgétaire de ces opérations

428,90 M€

445,70 M€

384,70 M€

324,6

400

(1) PLAI : prêt locatif aidé d’intégration ; PLUS : prêt locatif à usage social ; PLS : prêt locatif social.

Les chiffres s’entendent hors Rénovation urbaine et Outre–mer. En comptant ces programmes spécifiques, les résultats montent à 120 000 unités en 2014 et 125 103 en 2015.

Sources : rapports annuels de performances 2013, 2014 et 2015.

En outre, les progrès n’ont pas été seulement quantitatifs, mais aussi qualitatifs puisque la proportion des logements les plus sociaux s’est nettement renforcée, en particulier en territoires tendus (39 % des PLAI agréés en 2016 se situent en zones A).

La baisse de l’enveloppe « État » des aides à la pierre et son accentuation dans le projet de budget pour 2017 doivent donc être relativisées. D’autant plus, que s’agissant des AE, leur baisse globale est bien plus limitée que ne le laisse croire le budget général, comme nous le verrons plus loin.

Le Rapporteur spécial défend l’utilité de ces subventions : même amoindri, leur volume de 200 millions d’euros n’est pas anodin pour le bouclage financier des programmes très sociaux ou en zones tendues. Et les organismes qui investissent dans ces projets n’ont pas nécessairement l’autofinancement suffisant. Mais dans l’absolu, il n’est pas indispensable que ce complément financier vienne de l’État lui–même. Les autres avantages auxquels l’agrément ministériel ouvre droit ont autrement plus de poids.

Le Rapporteur spécial reconnaît que le maintien d’une contribution directe de l’État conforte sa position dans le choix des opérations à aider, mais l’enjeu fondamental est ailleurs : comment garantir un certain volume de ressources mobilisables ? Et comment déterminer leur répartition entre les priorités d’investissement ?

Enfin, dès lors que l’on a posé le principe d’une mutualisation des capacités financières du secteur, comment l’organiser pour qu’elle serve efficacement les objectifs nationaux ?

Autant de questions auxquelles le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) créé par la loi de finances pour 2016 et à l’œuvre depuis juillet devrait apporter des réponses plus satisfaisantes.

1. Le Fonds national des aides à la pierre : un financement consolidé et plus transparent

Établissement public national à caractère administratif, et nouvel opérateur du programme 135, le FNAP a pour objet principal de financer les aides à la pierre, de les compléter pour favoriser la production de logements très sociaux. Il peut aussi, de manière plus accessoire, financer la mise en œuvre de dispositifs d’intermédiation locative dans les territoires déclarés en carence du point de vue de leurs obligations au regard de l’article 55 de la « loi SRU » (25), le système national d’enregistrement de la demande de logement social, des actions d’ingénierie ou d’accompagnement social.

Plus précisément, le fonds est chargé de fixer les enveloppes annuelles globales de fonds de concours qu’il apportera par types d’opérations et de programmer la répartition territoriale des objectifs et des montants des nouvelles opérations et actions à engager par l’État. Auparavant, le projet annuel de performances affichait globalement les objectifs et enveloppes budgétaires seulement répartis par types de logements (PLAI, PLUS, PLS etc.). Le ministère les déclinait ensuite et répartissait les enveloppes par territoires (aux collectivités délégataires de compétence ou aux préfets) en fonction des projets identifiés sur le terrain et de la primauté donnée aux communes en retard sur leurs obligations au titre de la « loi SRU » et aux zones tendues en matière de logement.

Le fonds est donc le nouveau cadre de cette programmation stratégique, jusque dans sa déclinaison territoriale, introduisant trois évolutions fondamentales :

– une gouvernance partagée. Il se substitue notamment à un ancien fonds de péréquation alimenté par un prélèvement sur les contributions des organismes de logements sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). L’utilisation de ces ressources était jusqu’alors déterminée par une commission composée uniquement de représentants de l’État. Désormais, le FNAP est doté d’une gouvernance collégiale et tripartite avec l’État, les collectivités territoriales et les bailleurs (26) sous forme d’un conseil d’administration.

L’État conserve les prérogatives associées à sa responsabilité d’assurer une mise en œuvre conforme aux priorités nationales. Dans les statuts du fonds, il garde le dernier mot en cas d’arbitrage. Mais l’association des différentes parties prenantes à la déclinaison, notamment territoriale, des objectifs et des moyens est un véritable progrès. Elle devrait favoriser une répartition au plus près des besoins des territoires et permettre à chaque acteur de partager ces choix parce qu’il aura participé à leur détermination ;

– une transparence sur les critères de répartition. Une méthodologie et une nomenclature sont en cours d’élaboration ; des groupes travaillent sur les « principes et déterminants de la programmation des aides à la pierre » : notamment les nombres et catégories de financement (PLAI, PLUS etc.), la répartition territoriale des objectifs, les enveloppes à déléguer et les montants unitaires des subventions. Pour les affiner, ces groupes de travail ont eu l’idée de faire remonter les besoins des territoires à travers des questionnaires.

– la sécurisation des montants disponibles : le Gouvernement s’est en effet engagé à mettre à disposition du nouveau fonds l’intégralité des AE et CP inscrits au budget général. Le fonds détermine ensuite les montants à verser au programme 135 pour financer les opérations déjà engagées.

Même si les dotations de l’État ne constituent qu’une partie des ressources du FNAP, celui–ci en connaîtra le montant exact ; et l’État n’aura plus la possibilité de procéder à des annulations de crédits comme il a pu le faire ces dernières années (à nouveau – 150 millions d’euros en 2016 avant reversement du solde au FNAP).

Outre la visibilité qu’elle apporte sur les AE, cette stabilisation des crédits assure que le ministère disposera des moyens de paiement pour couvrir les engagements financiers pris auprès des organismes de logements sociaux ou des collectivités territoriales délégataires de compétence. Pour mémoire, au 31 décembre 2015, le solde des engagements antérieurs non encore liquidés atteignait environ 1,9 milliard d’euros. Mais surtout, l’État commençait à prendre du retard dans ses règlements, se mettant en dette à l’égard des délégataires (Voir le commentaire du Rapporteur spécial sur l’exécution budgétaire de 2015).

Ces financements à venir seront d’autant mieux garantis qu’un autre principe a été posé : selon son statut, « le montant annuel des nouvelles opérations et actions ne peut être supérieur au montant total des versements effectués par le FNAP au profit de l’État au cours de l’exercice. »

En 2016, année de transition, le FNAP dispose pour l’ensemble de l’exercice :

– des 270 millions d’euros prélevés sur les contributions des bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social, conformément aux dispositions de la LFI pour 2016. Le fonds des aides à la pierre remplace l’ancien fonds de péréquation mais le circuit financier reste le même ;

– 500 000 euros de solde disponible sur ce fonds de péréquation ;

– d’une contribution de l’État de 100 millions d’euros. La LFI avait inscrit 250 millions d’euros ; mais complétée par les 270 millions d’euros précédents, cette enveloppe aurait dépassé les besoins de paiement de l’exercice. Le Gouvernement a alors réalloué 150 millions d’euros de CP au financement du Fonds d’aide à la rénovation thermique (FART) gérée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) par un décret d’avance de juin 2016 ;

– enfin, le produit de la majoration des pénalités versées par les communes qui n’ont pas atteint leurs objectifs de rattrapage de leurs « quota SRU » et sont déclarées en état de carence. Il était versé à l’ancien Fonds national de développement de logements locatifs très sociaux également absorbé par le FNAP. Ces ressources conservent toutefois leur destination, soit le financement de logements destinés à des ménages très modestes dits « PLAI adaptés », mais aussi la mise en œuvre de dispositifs d’intermédiation locative dans les communes carencées. La somme du solde et des prévisions de recettes s’élèverait à 31 millions d’euros.

Son conseil d’administration a donc prévu le versement au budget général de 371 millions d’euros pour le règlement des aides à la pierre « ordinaires » et de 14,5 millions d’euros pour les logements très sociaux. Côté engagements, avant juillet, 144 millions d’euros avaient déjà été pris en charge par l’État et délégués aux préfets de région. Le conseil d’administration du fonds a sollicité à son tour l’ouverture au budget général de 233 et 14,5 millions d’euros de crédits pour les nouvelles opérations à programmer. Le total des engagements pourrait donc atteindre 377 millions d’euros (hors enveloppe très sociale).

En 2017, le FNAP partirait sur une base de financement consolidée (hors « pénalités SRU ») puisqu’il doit recevoir à nouveau 270 millions d’euros des bailleurs sociaux via la caisse de garantie – l’article 17 du PLF pérennisant ce montant – ainsi que 200 millions d’euros de CP de l’action 1 du programme 135. Si par ailleurs, les AE sont affichées en fort recul au budget général, leur enveloppe totale réelle s’établira à 470 millions d’euros, soit à seulement – 30 millions d’euros des dotations prévues en LFI pour 2016. Dans les deux cas, les capacités du FNAP seront supérieures de 100 millions d’euros à aux montants réellement mobilisés en AE et CP sur 2016.

Le projet annuel de performances ne précise plus la ventilation de ces moyens. Mais, concernant la programmation 2016 de 140 000 nouveaux logements, l’État souligne qu’il « veillera à ce que ces objectifs s’accompagnent d’un fléchage social fort ainsi que d’un fléchage territorial permettant de mieux adapter l’offre à la demande, qui est maintenant connue précisément grâce au système national d’enregistrement de la demande locative sociale… » On peut espérer qu’il aura la même vigilance en 2017, quels que soient les prochains responsables ministériels.

Les organismes s’insurgent contre le déséquilibre entre leurs contributions et celle de l’État. Mais il s’agit davantage d’une question de principe qu’une vraie difficulté économique. L’État contribue déjà massivement au logement social. Mais alors qu’il doit faire face à de fortes contraintes budgétaires, le secteur social présente quant à lui une situation financière globalement florissante et saine malgré des niveaux très élevés d’investissements de long terme.

L’étude Analyse financière rétrospective et prospective des bailleurs sociaux publiée en septembre par la Caisse des dépôts et consignations le confirme une nouvelle fois. Elle se serait même consolidée. Les charges des organismes étudiés sont à la hauteur d’un parc de plus de 4,6 millions de logements, qui vieillit et se développe. Elles s’accentueront avec l’accélération des investissements, notamment dans la rénovation. Toutefois, les ressources progressent aussi en parallèle. Ces bailleurs présentaient fin 2014 un taux d’autofinancement très confortable équivalant 16 % des loyers (soit 3,3 milliards d’euros) et une trésorerie de long et court termes de 11 milliards d’euros. Leurs dettes atteignaient seulement 62 % du total de leur bilan alors que les fonds propres et provisions étaient consolidés à 34 % de celui–ci.

La Caisse des dépôts et consignations concluait de son étude que « le secteur a su absorber des niveaux très élevés d’investissement depuis cinq ans sans subir de dégradation de sa situation financière » et que l’accélération de l’investissement des bailleurs sociaux (en réhabilitation comme en production) est soutenable à long terme.

À l’évidence, les organismes de logements sociaux sont en mesure de faire face à cette contribution annuelle de 270 millions d’euros. D’autant que ces ressources reviennent au secteur.

Avec cette contribution, les programmes de logements sociaux seront soutenus par la plus volumineuse enveloppe d’AE et de CP depuis le Plan de relance de 2009–2010 ; et grâce au FNAP le secteur social peut être assuré qu’elle n’ira pas à d’autres usages, mais servira bien à réaliser les objectifs prioritaires.

Au demeurant, cette contribution répond aussi à une préoccupation ancienne de mieux utiliser les ressources parfois dormantes du secteur. Tous les organismes n’ont en effet pas besoin d’investir dans les mêmes proportions ; tous ne se mobilisent pas non plus avec la même ambition. La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion du 25 mars 2009 avait instauré une taxe sur les « dodus–dormants » qui venait déjà alimenter un fonds de concours contribuant au financement des aides à la pierre de l’État ; elle a été renforcée sous la forme d’un prélèvement sur le potentiel financier des organismes par la loi de finances pour 2011. En 2013, les bailleurs sociaux ont obtenu la suppression de ce prélèvement (qui était complété, pour atteindre un total de 245 millions d’euros, par un prélèvement – lui maintenu – sur les contributions versées par les organismes à la caisse de garantie) contre l’engagement d’organiser un dispositif interne de mutualisation de leurs capacités financières au profit des organismes qui investissent. Si le pacte d’objectifs et de moyens signés entre les bailleurs sociaux fédérés par l’Union sociale de l’habitat (USH) et l’État en juillet 2013 a bien confirmé cet objectif, il ne s’est concrétisé que fin 2014.

Depuis, l’on constate que la bonne volonté est réelle mais les résultats sont un peu décevants : par le jeu des compensations entre les sommes dues et reçues par chaque organisme selon les règles définies au sein de l’USH, ce ne seraient au final que quelques 70 millions d’euros qui changent de mains dans l’année – sans compter que le mouvement HLM a suspendu ce mécanisme pendant six mois, jusqu’à la signature d’un « accord de mutualisation rénové » le 26 mai 2016.

La mise en œuvre du dispositif de mutualisation USH

En 2014 et 2015, l’enveloppe théorique des appels de fonds avait été de, respectivement, 223 et 221 millions. Selon l’accord, l’enveloppe devrait se situer autour de 250 millions en 2016 ; la mutualisation serait ensuite amplifiée jusqu’à 350 millions d’euros environ en 2017 et 2018.

Toutefois, le nouveau prélèvement de 50 millions d’euros sur les fonds propres de la Caisse de garantie du logement locatif social pourrait le remettre en cause.

Quoi qu’il en soit, la contribution au FNAP organise, pour sa part, une véritable mutualisation des ressources du secteur au service des priorités nationales. S’il s’agit d’un dispositif obligatoire – à la différence du système USH –, les conditions de sa répartition entre les organismes, qui sont celles des contributions classiques à la caisse de garantie, ne sont pas réellement contestées. Enfin, le fonds permet désormais aux bailleurs sociaux de peser sur l’affectation de ces financements.

2. L’accélération des opérations de logements sociaux grâce aux nouveaux prêts de haut de bilan bonifiés

Cette nouvelle forme de prêts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a été officiellement présentée au dernier congrès de l’USH en septembre ; mais la souscription en avait été lancée dès l’été.

Il s’agit de prêts aux organismes de logement social de trente à quarante ans avec une première phase d’amortissement de vingt ans au taux de 0 % et sans remboursement, puis une deuxième phase avec des remboursements sur dix ou vingt ans à un taux indexé au livret A + 0,60 %.

25 % de l’enveloppe initiale de 2 milliards d’euros était consacrée à la construction (environ 20 000 logements) et 75 % à la rénovation thermique (environ 150 000). 1 milliard d’euros supplémentaire a été annoncé par le Premier ministre lors de ce même congrès, ouvrant la possibilité d’une nouvelle répartition.

Les 2 milliards d’euros initiaux viennent pour moitié d’un emprunt auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI) et pour l’autre d’un recours de la section générale de la CDC sur les marchés financiers. Le milliard d’euros supplémentaire sera apporté intégralement par la CDC. La première enveloppe devait être bonifiée à part égale par la caisse et Action logement, à raison de 300 millions d’euros chacun. Une convention a été signée en ce sens le 28 septembre 2016. En revanche, la question de la participation financière d’Action logement sur le milliard d’euros supplémentaire n’est pas encore réglée.

Ces prêts de haut de bilan bonifiés visent non à renforcer les aides financières aux organismes mais à accélérer leurs investissements. Les initiateurs du dispositif comptent aussi sur l’effet levier qu’il provoquera en renforçant la crédibilité financière des bailleurs sociaux face aux banques. Leurs modalités permettent en effet de considérer les prêts comme de puissants équivalents–subventions, même s’ils doivent être remboursés à terme.

Toutefois, le secteur n’a pas attendu ces nouveaux stimulants pour s’engager, enfin, vigoureusement non seulement dans la production, mais aussi, semble–t–il, dans de grands programmes de réhabilitation de son parc.

L’analyse financière de la CDC déjà citée témoigne de niveaux élevés d’investissement passés. Et l’étude n° 14 La réhabilitation énergétique des logements sociaux de 2010 à 2014 de sa revue Éclairages, publiée en juin 2016, montre en particulier une progression de 32 % de la part des rénovations comportant un volant énergétique financé par l’éco–prêt de la caisse ou éco–PLS.

Depuis sa création en 2009, près de 250 000 logements auront été rénovés grâce à ce dispositif. Après une chute en 2012 due au durcissement de ses modalités, les nouvelles générations d’éco–PLS ont connu une nette remontée en charge : selon les informations fournies par la CDC, la rénovation énergétique de plus de 54 000 logements a été engagée en 2015, contre 46 300 logements en 2014, 34 000 en 2013 et 15 000 en 2012.

Au surplus, les bailleurs sociaux disposent d’autres soutiens publics pour la rénovation de leurs logements :

– les subventions de la politique de rénovation urbaine, qui contribuent massivement au renouvellement du parc social et dont la distribution par le Nouveau programme national de renouvellement urbain est fortement « verdie », les aides ou subventions d’Action logement, voire des organismes eux–mêmes via leur dispositif de mutualisation interne, et même de l’Union européenne via le Fonds européen de développement économique régional (Feder) à raison de 475 millions d’euros sur 2014–2020 ;

– les prêts bonifiés de la CDC : à commencer par l’éco–PLS, mais aussi le prêt anti–amiante, le prêt à l’amélioration « PAM » dédié à la réhabilitation, et désormais les prêts de haut de bilan bonifiés ;

– les bonus reversés par la CDC grâce aux économies qu’elle a réalisées sur les commissionnements des établissements distribuant l’épargne réglementaire ;

– les dépenses fiscales spécifiques : taux intermédiaire ou réduit de TVA sur les travaux de rénovation et de performance énergétique (le coût total de ces avantages fiscaux s’élève à 1,8 milliard d’euros opérations de construction incluses) et dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties de 25 % sur les logements rénovés ;

– ainsi qu’une ressource générée par leurs travaux, les certificats d’économie d’énergie (CEE).

D. L’AMÉLIORATION DU PARC PRIVÉ : DES DISPOSITIFS DÉBORDÉS PAR LEUR SUCCÈS ?

Pour les ménages qui ne peuvent bénéficier des aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), ou pour compléter ces aides, de puissantes aides fiscales ont été créées ou renforcées :

– l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux travaux de performance énergétique ainsi que d’un taux à 10 % sur les autres travaux de rénovation, qui représenterait des dépenses pour l’État de, respectivement, 3,4 et 1,2 milliards d’euros en 2017 comme en 2016 ;

– le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), réformé par la loi de finances pour 2015, qui a immédiatement connu un grand succès, emportant un coût estimé à 1,67 milliard d’euros (cf. partie I.B) ;

– l’éco–PTZ déjà évoqué, qui peut être cumulé avec le CITE ;

– enfin, le prêt à taux zéro (PTZ) ré–ouvert, dans le cadre du Plan de revitalisation des centres–bourgs lancé en juin 2014, à l’acquisition, sous condition de rénovation (25 % de travaux), de logements anciens dans les quartiers centraux des villes connaissant un rapide dépeuplement, puis étendu à l’ensemble de la zone C l’année suivante avec la même exigence de réhabilitation.

Pour les ménages modestes cependant, quelle que soit l’efficacité de ces aides, les subventions de l’ANAH restent le levier le plus déterminant pour les convaincre de s’engager dans des travaux de rénovation souvent onéreux.

De fait, l’agence et ses dispositifs ont fait la preuve de leur efficacité sur toutes les missions qui lui sont attribuées, mais tout particulièrement en matière de lutte contre la précarité énergétique. Le programme « Habitat mieux » dont elle a reçu la charge en 2010 a ainsi connu un vrai décollage à partir de 2013, et l’agence n’a cessé depuis de dépasser ses objectifs annuels.

1. L’augmentation des objectifs de l’ANAH

BILAN DES ACTIONS DE L’ANAH (HORS FART) EN 2014 ET 2015 – PROGRAMME PRÉVISIONNEL 2016

 

Nombre de logements

Montants engagés (en millions d’euros)

 

Réalisé 2014

Réalisé 2015

Prévisions 2016

Dépenses 2014

Dépenses 2015

Prévisions 2016

Lutte contre l’habitat indigne et dégradé, hors RHI

10 844

10 521

14 450

153,9

135,4

nc

dont propriétaires bailleurs (PB)

4 739

3 580

3 450

84,4

66

nc

dont propriétaires occupants (PO)

2 376

2 367

5 000

46,3

42,9

nc

dont copropriétés

3 729

4 574

6 000

23,3

26,5

nc

Opérations de résorption de l’habitat insalubre (RHI)

 

5

11,2

12

Aides aux propriétaires occupants modestes hors HI

55 355

55 959

nc

317,5

320,6

nc

dont rénovation énergétique

40 305

39 827

nc

267,6 (*)

262,8

nc

dont autonomie

15 050

15 739

15 000

49,9

49

nc

Aides aux propriétaires bailleurs pour la rénovation énergétique

885

1 131

nc

10,7

8,3

nc

Copropriétés en difficulté

7 574

10 010

15 000

20,1

20,3

nc

Humanisation des centres d’hébergement

 

3,3

7,8

8

Ingénierie (dont MOUS insalubrité)

 

30,2

31,8

nc

TOTAL

74 812

77 621

nc

537,5

535,3

nc

(*) Auxquels s’ajoutent des aides complémentaires au titre du FART

Totaux PB

4 739

4 711

nc

84,4

74,3

nc

Totaux PO

58 770

58 326

nc

371,3

363,5

nc

Totaux copropriétés

11 303

14 584

15 000

43,3

46,8

nc

Totaux précarité énergét. (objectif direct ou intégré) PREH

49 831

49 706

1er : 50 000

2e : 70 000

 

Sources : ANAH et Commission des finances.

Les missions de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ont fortement évolué ces dernières années, recentrées sur quatre grandes priorités : la lutte contre l’habitat indigne et très dégradé, la lutte contre la précarité énergétique, le traitement des copropriétés dégradées et l’adaptation du logement aux besoins des personnes âgées ou handicapées. L’agence est, en particulier, devenue l’opérateur central de la lutte contre la précarité énergétique, dans le cadre du plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH) lancé par le Président de la République en janvier 2013. Ses aides sont renforcées par le Programme « Habiter mieux » porté par le Fonds d’aide à la rénovation thermique (FART) créé en 2010 et financé par les investissements d’avenir. Elle est aussi étroitement associée à la mise en œuvre du plan de revitalisation des centres–bourgs et à l’accompagnement des copropriétés en difficulté, notamment dans le cadre des programmes de renouvellement urbain.

Sous l’impulsion du plan de rénovation énergétique de l’habitat, le programme « Habiter mieux » qui végétait jusqu’alors est rapidement monté en puissance : alors que fin 2012, seuls 21 500 logements en cumulé avaient bénéficié de travaux aidés par le FART, ces interventions ont touché 34 157 « passoires thermiques » en 2013 (pour un objectif de 30 000), 49 831 en 2014 (au lieu de 38 000) et 49 706 en 2015. Au total, le nombre de logements rénovés dans le cadre du programme est de plus de 150 000 logements.

C’est aussi sur le plan qualitatif que le programme a démontré toute sa pertinence. On constate qu’il agit en profondeur sur les causes de la précarité énergétique et permet d’obtenir un gain énergétique moyen de l’ordre de 40 % grâce aux bouquets de travaux. Sa cible sociale est également atteinte puisque 90 % des aides ont été attribuées à des propriétaires définis comme très modestes. Ainsi, près d’un ménage sur deux soutenu par le programme vit sous le seuil de pauvreté, et les trois–quarts déclarent s’imposer des restrictions sur leurs dépenses alimentaires et de chauffage.

Les très bons résultats de l’agence et la loi relative à la transition énergétique ont conforté l’État dans sa volonté de fixer des objectifs encore plus ambitieux. L’ANAH a notamment été invitée à porter à 70 000 le nombre de logements à rénover au titre du programme « Habiter mieux » en 2016 et pour 2017 le Gouvernement a annoncé un objectif de 100 000 logements, avec l’ouverture du programme aux copropriétés fragiles.

L’ÉVOLUTION DES OBJECTIFS PRIORITAIRES DE L’ANAH

En nombre de logements

2015

Révisés en 2016

Possibles en 2017 :

estimations PAP

Lutte contre la précarité énergétique (Habiter mieux)

50 000

70 000

100 000

Adaptation à la perte d’autonomie

15 000

15 000

sans doute maintenu

Lutte contre l’habitat indigne et très dégradé

 

14 450

sans doute maintenu

Accompagnement et traitement des copropriétés dégradées ou fragiles

17 000

15 000

15 000 en copptés dégradées

30 000 en copptés fragiles

N.B. : Un même logement peut être décompté dans plusieurs catégories. Source : Commission des finances et projet annuel de performances.

2. Les incertitudes sur leur financement

Déjà en 2014, victime du succès de ses nouvelles aides, l’ANAH a été obligée non seulement de trouver de nouvelles ressources, mais aussi de suspendre à partir du mois d’octobre la distribution concrète de ces aides et d’écarter du programme « Habiter mieux » les propriétaires bailleurs. Depuis, l’agence jongle entre les objectifs toujours renforcés qui lui sont assignés, ses capacités sous tension et les solutions financières qui sont trouvées à la dernière minute.

Car l’ANAH ne reçoit plus de subvention pour service public depuis plusieurs années. Sa principale ressource est le produit des cessions de quotas carbone. En 2013, quand il lui a été attribué – dans la limite d’un plafond théorique de 590 millions d’euros – il devait presque doubler ses capacités d’intervention. Mais les cours se sont révélés très inférieurs aux attentes, et trop fluctuants pour consolider le programme des interventions de l’ANAH et donner à l’agence et à ses relais la visibilité indispensable pour continuer à développer leurs actions.

En 2015, la remontée des cours a exceptionnellement permis (avec 312,1 millions d’euros de recettes contre 215,3 en 2014) de couvrir un programme prévisionnel qu’elle avait défini avec une certaine prudence. Le budget d’interventions exécuté en 2015 s’est ainsi établi à 535,3 millions d’euros
(– 2,2 millions d’euros par rapport à 2014), complétés par 140,2 millions d’euros (– 39,3 millions) du FART, soit un total de 675,5 millions d’euros. Ces aides ont permis de rénover 77 621 logements, dont 49 706 avec le programme « Habiter mieux », et d’engager un volume de travaux éligibles de 1,35 milliard d’euros.

Sur cette base plus optimiste, le budget d’interventions prévisionnel pour 2016 a été défini à 701 millions d’euros, avec l’objectif de réhabiliter près de 97 000 logements, dont 70 000 au titre de la rénovation énergétique.

Les ressources attendues en 2016 étaient :

– 343,3 millions d’euros issus de la cession des quotas carbone ;

– 19,1 millions d’euros de taxe sur les logements vacants, temporairement portée à 61 en 2015 ;

– la contribution des fournisseurs d’énergie au titre des certificats d’économie d’énergie (CEE), estimée à 55 millions d’euros ;

– la contribution annuelle d’Action logement qui a été portée de 50 à 100 millions d’euros en 2016 pour suivre la révision à la hausse des objectifs ;

– et 20 millions d’euros de contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie de la CNSA pour le financement des travaux d’adaptation des logements à la perte d’autonomie.

Mais, de même que l’ANAH n’a jamais reçu cette contribution en 2015, il apparaît probable aujourd’hui que cette subvention soit, dans le meilleur des cas, reportée à 2017. Et les cours des ventes de quotas carbone ayant à nouveau chuté cette année, l’agence subirait un manque à gagner de 100 millions d’euros. Il devrait être équilibré par le versement par Action logement d’une avance de 50 millions d’euros sur sa contribution pour 2017, et par une révision à la baisse des dépenses d’interventions d’environ 50 millions d’euros. Mais la trésorerie de l’ANAH n’en restera pas moins faible et fragile avec un nouveau risque d’interruption temporaire des paiements qui serait très dommageable s’il touchait des ménages modestes.

140 millions d’euros du FART devaient par ailleurs compléter le budget en 2016. Or, avec l’accélération de la mise en œuvre du programme « Habiter mieux », celui–ci a vu ses fonds s’épuiser rapidement, nécessitant des réabondements successifs : y compris 43 millions d’euros inscrits en loi de finances rectificative fin 2015, et à nouveau 150 millions d’euros par redéploiement de CP du programme 135 en juin 2016, grâce auxquels il devrait rester un reliquat de 80 millions d’euros à la fin de l’année. En revanche, cela ne pourra suffire pour couvrir les besoins en 2017, qui sont estimés à 200 millions compte tenu de l’objectif de 100 000 logements bénéficiaires.

Un abondement supplémentaire de 120 millions d’euros serait donc nécessaire. Il pourrait venir du troisième programme d’investissement d’avenir PIA 3 « territoires d’innovation de grande ambition », mais rien n’est encore acté.

L’incertitude est encore plus grande s’agissant des ressources de base de l’ANAH. Le respect des engagements pris sur les exercices antérieurs et la forte augmentation de son activité induisent pour 2017 une prévision de dépenses de 620 millions d’euros.

Mais ses recettes attendues se situent entre 400 et 500 millions d’euros, en fonction des hypothèses retenues pour les quotas (entre 4,5 et 6,40 euros la tonne), avec entre 240 et 340 millions d’euros du produit de leurs ventes, 65 millions de la vente des certificats d’économie d’énergie, 50 de contribution d’Action logement (après déduction de l’avance de 50 millions d’euros), 21 de la taxe sur les logements vacants et le report de la contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie prévue pour 2016. Selon les hypothèses, le besoin de ressources supplémentaires de l’ANAH en 2017 se situerait donc entre 120 et 220 millions d’euros sans que le Gouvernement n’ait jusqu’à présent annoncé de solutions.

Lors de son audition le 3 novembre, la ministre du logement et de l’habitat durable a toutefois annoncé que l’ANAH pourrait recevoir 50 millions d’euros du Fonds de financement de la transition énergétique et 20 millions d’euros supplémentaires de la CNSA. Cela couvrirait une partie des besoins au moins.

E. UN DÉVELOPPEMENT DU PARC PRIVÉ QUI RETROUVE UNE VRAIE DYNAMIQUE

1. Le redémarrage des constructions

Les résultats à fin septembre 2016, publiés par le Commissariat général au développement durable (27) le 28 octobre, montrent que la reprise de la construction observée depuis plus d’un an se confirme et même s’amplifie : les mises en chantier de logements sur douze mois (367 000 unités) augmentent de 8,1 % par rapport à la même période l’année dernière.

De même, le nombre de logements autorisés à la construction s’établit à 432 000 unités sur un an, progressant de 14,3 % par rapport à la période précédente, avec une accélération non démentie sur les six derniers mois.

En août, le Commissariat général au développement durable constatait par ailleurs que le nombre de réservations à la vente au cours des douze derniers mois atteignait 113 200 logements (+ 15,4 %). Et dans l’ancien, les transactions dépassaient leur niveau de 2011.

En septembre, la Fédération française du bâtiment espérait une année 2016 avec une croissance de l’activité du bâtiment (tous secteurs) en volume de 1,2 %. Elle souligne toutefois les disparités entre territoires et entre les segments de marchés. Elle s’attend à 375 000 mises en chantier de logements, soit une hausse de 8,6 % ; mais le marché de l’amélioration–entretien peine à montrer une vraie dynamique.

De fait, les efforts du Gouvernement pour réactiver la production de logements sociaux, locatifs privés ou en accession ont été visiblement efficaces, et fructueux. Cela étant, le volontarisme et la mobilisation massive de moyens ne peuvent suffire s’il n’y a pas de foncier constructible disponible là où s’expriment les besoins, ou si les municipalités tardent à accorder leurs autorisations de construire.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’est aussi efforcé, tout au long de ces années, de réduire ou dépasser ces difficultés : entre autres, par des incitations ou des « sanctions » fiscales (telles les facultés données aux collectivités d’augmenter les taxes foncières sur les terrains à bâtir en zones tendues), par le dispositif de mobilisation du foncier public et sa décote sur les prix de cession, mais aussi par l’aide aux maires bâtisseurs ou le renforcement des sanctions prises à l’encontre des municipalités en situation de carence au titre de leurs obligations découlant de la « loi SRU »… Ainsi, depuis deux ans, les préfets ont d’abord passé des contrats de mixité sociale avec ces communes, puis repris leurs pouvoirs d’urbanisme et notamment de délivrance des permis de construire quand elles n’en respectaient pas les termes ou refusaient leur signature.

2. L’accession à la propriété

Au même titre que le développement du parc social ou les investissements dans l’amélioration du parc privé, le dynamisme de l’accession à la propriété est un enjeu crucial pour la réussite de la politique du logement et pour la santé du secteur du bâtiment. Elle est, en effet, une des grandes composantes de la demande privée ; elle est aussi une des clés pour résoudre la crise du logement que connaît notre pays en ce qu’elle encourage la production de logements neufs, peut permettre la remise en état de logements restés vacants faute de réhabilitation ou aide à libérer des logements sociaux…

L’accession à la propriété est une aspiration forte de nombre de ménages. Mais, outre les incertitudes créées par la crise actuelle, le fort renchérissement de la construction (+ 47 % en dix ans) a creusé l’écart entre les prix et les capacités des ménages modestes et même moyens. Le Plan de relance du logement engagé en 2014 a donc fait de l’accession sociale à la propriété une des cibles de sa stratégie. Ne pouvant envisager une aide universelle – comme ce fut fait à une époque –, non seulement très coûteuse pour les finances de l’État mais injustifiée, le Gouvernement s’est plutôt attaché à renforcer les soutiens ciblés sur les ménages modestes.

Il existe plusieurs dispositifs : les aides personnelles en accession, dont une réforme devait initialement fortement réduire le périmètre mais que le Gouvernement a heureusement abandonnée en LFI pour 2016 ; des prêts conventionnés comme le prêt d’accession sociale (PAS), dont il a aligné les plafonds de revenus sur ceux du prêt à taux zéro (PTZ) pour en faciliter le cumul…

La LFI pour 2015 a par ailleurs prévu un abattement exceptionnel de 100 000 euros sur les donations de logements neufs aux enfants et petits–enfants réalisées jusqu’à la fin 2016, et surtout étendu l’application du taux réduit de TVA sur l’acquisition d’un logement neuf pour les ménages modestes dans les 1 300 nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville et un périmètre de 300 mètres autour – un dispositif qui connaît un succès certain puisque son coût est évalué à 137 millions d’euros en 2016.

Mais depuis 2011, le principal dispositif de soutien à l’accession à la propriété est le prêt à taux zéro (PTZ) (28). Toutefois, ses réformes successives (sa légitime mise sous conditions de ressources, puis son recentrage sur les logements neufs – hors cadre de la vente du parc social à ses occupants) avaient fortement diminué ses flux annuels. Les prêts émis étaient alors tombés à 43 167 contrats en 2013 et 47 192 en 2014, quand ils atteignaient près de 352 000 en 2011 et encore 80 000 en 2012 après recentrage.

La loi de finances pour 2015 s’est donc attachée à améliorer l’efficacité du dispositif en relevant le montant d’achat pris en compte et la quotité de prêt, en élargissant les tranches de revenus pour l’ouvrir davantage aux classes moyennes et en allongeant le différé de remboursement pour alléger les mensualités des ménages les plus modestes et augmenter ainsi la solvabilité des candidats à l’accession.

Elle a également ré–ouvert le PTZ à l’acquisition, sous condition de 25 % de travaux de rénovation, de logements anciens dans les quartiers centraux des villes moyennes et petites connaissant un rapide dépeuplement en soutien du Plan de revitalisation des centres–bourgs lancé en juin 2014.

Un volet réglementaire a par ailleurs renforcé l’aide dans les zones où son effet de levier est plus important parce que les prix sont plus accessibles. Ainsi, non seulement les plafonds de ressources ont été augmentés en zones B2 et C (aux marchés du logement moyennement et peu tendus) afin d’élargir le dispositif à davantage de ménages, mais les autres barèmes (seuils de tranches de ressources, profils de remboursement et plafonds d’opération) y ont été améliorés – et diminués en contrepartie en zones A (très tendues), le Gouvernement partant du constat que les prix y sont de toute façon trop élevés pour les plus modestes. Enfin, l’enveloppe des crédits d’impôts dus par l’État a été portée à 1 milliard d’euros, soit une hausse de près de 22 % par rapport au plafond de 820 millions d’euros qui avait été retenu pour l’année 2014.

Ces évolutions ont été payantes puisque le nombre de PTZ distribués en 2015 est remonté à 58 800, en hausse de 25 % par rapport à 2014 – dont 21 318 couplés avec un prêt d’accession sociale.

La LFI pour 2016 est allée encore un peu plus loin en élargissant l’éligibilité du PTZ à l’acquisition de logements à réhabiliter dans l’ensemble de la zone C, pour que le dispositif gagne en simplicité et en visibilité. Au demeurant, ces territoires non tendus doivent plutôt lutter contre l’étalement urbain alors que la rénovation de l’habitat y a pris du retard.

Le ministère en charge du logement a indiqué au Rapporteur spécial que 70 000 prêts seraient déjà émis à fin septembre 2016, dont 23 % dans l’ancien.

En tout état de cause, la baisse de la dépense fiscale correspondante, mentionnée par le rapport annuel de performances (de 190 millions d’euros entre 2015 et 2016 et de 90 supplémentaires entre 2016 et 2017) jusqu’à atteindre un total de 785 millions d’euros en 2017, ne traduit pas un nouveau recul de la distribution des prêts. Elle reflète d’abord le décalage des remboursements d’impôts sur les sociétés réclamés par les établissements prêteurs, sur des périodes précédant les dernières réformes justement marquées par un net reflux des prêts, ainsi que le moindre différentiel de taux avec les prêts bancaires ordinaires.

Parmi les dépenses supportées par le budget de l’État pour soutenir l’accession à la propriété, il faut aussi rappeler les dotations précédemment évoquées : 3,7 millions d’euros versés à la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS) par l’action 2 du programme 135 et 21,9 millions d’euros par le programme 114, ainsi que 217 millions d’euros pour les frais de gestion, versements de primes et bonifications d’intérêts de l’épargne logement assurés par le programme 145.

3. L’investissement locatif intermédiaire

Tous les observateurs du marché du logement affirment aujourd’hui la nécessité de renforcer le segment intermédiaire entre le logement social et le parc privé dit libre. En comblant un manque, il peut faciliter et fluidifier les parcours résidentiels en zones tendues et favoriser la sortie du parc social des ménages qui en ont la capacité. Mais cette production n’est pas spontanée.

•  Dans cet objectif, les dernières mutations du dispositif de soutien à l’investissement locatif ont été recentrées sur un produit plus social depuis 2013, dont la dernière en date est la réduction d’impôt sur le revenu dite « Pinel » (article 199 novovicies du code général des impôts) (évoquée en partie I.B).

Dans un contexte de crise du logement, ce dispositif a pleinement contribué aux objectifs du Gouvernement de relance de la construction, et en particulier sur le segment intermédiaire. Les chiffres publiés par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) montrent un redressement constant des ventes de logements neufs à des investisseurs depuis son lancement en septembre 2014 : 33 609 ventes en 2014, 49 564 en 2015. Elles seraient en hausse de 12,9 % au premier semestre, et le second trimestre s’accélérerait à + 26,6 % par rapport au premier.

Mais le « Pinel » arrive à extinction le 31 décembre 2016 sans que les besoins ne soient encore résorbés. Pour consolider la reprise, l’article 40 du projet de loi de finances propose alors de proroger d’une nouvelle année ce dispositif qui a fait ses preuves. Selon l’évaluation préalable de l’article, le coût d’une génération supplémentaire s’élèverait à 1,6 milliard d’euros, dont 31 millions d’euros à partir de 2018.

•  Parallèlement à ce dispositif s’adressant aux particuliers, un nouveau régime fiscal a été mis en place par la loi de finances pour 2014 pour favoriser l’investissement intermédiaire des « institutionnels » en zones tendues, associant un taux de TVA intermédiaire et l’exonération pendant vingt ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties (articles 279–0 bis A et 1384–0 A du code général des impôts).

On constatait en effet que la part des bailleurs institutionnels (autres que les bailleurs sociaux) dans le secteur locatif privé avait été divisée par quatre depuis 1984 pour ne plus représenter que 2 % en 2014.

Ces opérations doivent faire l’objet d’un agrément du représentant de l’État dans le département. Le bailleur s’engage à louer les logements sous des plafonds de ressources et de loyers identiques à ceux du « Pinel » mais pendant au moins vingt ans – avec toutefois la possibilité de revendre jusqu’à 50 % des logements bénéficiant de l’avantage fiscal à partir de la onzième année.

Pour prétendre au taux intermédiaire de TVA, les logements intermédiaires doivent être inclus dans un ensemble comportant au moins 25 % de logements sociaux. La LFI pour 2016 a cependant supprimé cette condition de mixité dans les communes disposant de plus de 50 % de logements sociaux et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville en renouvellement urbain.

Cet assouplissement était nécessaire pour des territoires déjà largement dotés. Mais le Rapporteur spécial se demande s’il ne faudrait pas aller un peu plus loin pour des communes qui ont déjà atteint un quota élevé de logements sociaux, à tout le moins supérieur à leurs obligations au regard de l’article 55 de « la loi SRU ».

Dans ces territoires en effet, le besoin de logements sociaux n’est plus vraiment avéré alors qu’ils peuvent manquer d’un parc intermédiaire. Des investisseurs potentiels affirment se heurter aux réticences voire au refus des municipalités concernées, ce qui retarderait, voire enterrerait nombre de programmes.

Il y a bien la question des limites imposées par la règlementation européenne aux aménagements des taux de TVA. On ignore jusqu’à quel seuil (en–deçà de 50 % de logements sociaux) elle considérerait que l’avantage accordé n’est plus légitime. En revanche, le coût d’un assouplissement ne serait pas forcément excessif : parce que cette dépense fiscale ne concernera jamais qu’un nombre limité de programmes au regard des conditions imposées. Aujourd’hui, les prévisions l’évaluent à 50 millions d’euros en 2017 comme en 2016. Et parce que ce renchérissement apparaîtrait raisonnable au regard des gains en termes de mixité sociale, de décongestionnement des parcs et de fluidité des parcours.

Enfin, l’État s’est lui–même fixé comme objectif d’intervenir dans la production de 35 000 logements intermédiaires, à travers plusieurs dispositifs :

– en s’associant avec des assureurs et de grands investisseurs institutionnels, la Société nationale immobilière (SNI), filiale du groupe CDC, a créé en 2014 le Fonds pour le logement intermédiaire (FLI, ex–ARGOS) avec pour objectif la production de 10 000 logements. Il dispose aujourd’hui de 1,045 milliard d’euros de fonds propres, apportés par chaque partie, et d’une capacité d’investissement de 1,8 milliard d’euros. Plus de la moitié des logements prévus seraient d’ores et déjà engagés ;

– les fonds d’épargne de la CDC ont, de leur côté, mis en place un nouveau prêt dit PLI Investisseurs institutionnels permettant de financer ces projets en complétant l’enveloppe du PLI actuel, et engagé 190 millions d’euros dès 2014 dans un premier prêt accordé au Fonds pour le logement intermédiaire ;

– La SNI compte réaliser elle–même 12 000 autres logements ;

– Enfin, l’État a directement mis en place (29) et doté d’1 milliard d’euros un fonds d’investissement nommé « Société pour le logement intermédiaire », dont la gestion a été confiée à un groupement constitué de la SNI et de sa filiale AMPERE Gestion SAS. Ce fonds a pris la forme d’une société à prépondérance immobilière à capital variable. Il vise la construction de 13 000 logements intermédiaires en zones tendues sur les cinq prochaines années.

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EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable (voir le compte rendu de la commission élargie du 3 novembre 2016 à 21 heures(30)), la commission des finances examine les crédits de la mission Égalité des territoires et logement (M. Christophe Caresche, rapporteur spécial).

Suivant l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission adopte les crédits les crédits de la mission Égalité des territoires et logement.

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ANNEXE :
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Ministère du logement et de l’habitat durable

– M. Paul Delduc, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) ;

– M. Laurent Girometti, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) ;

– Mme Clémentine Pesret, sous–directrice du financement et de l’économie du logement et de l’aménagement.

Ministère des Affaires sociales et de la santé – Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

– M. Jean–Philippe Vinquant, directeur général ;

– Mme Delphine Aubert, adjointe au chef de bureau "Urgence sociale et hébergement" ;

– M. Alexandre Picard, adjoint à la cheffe de bureau "Budgets et performance".

Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans–abri ou mal logées (DIHAL)

– M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel ;

– Mme Cécile Cristia–Leroy, adjointe au délégué interministériel.

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

– Mme Blanche Guillemot, directrice générale ;

– M. Jacques Berger, directeur général adjoint en charge des fonctions support et de la direction administrative.

Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS)

– Mme Catherine Aubey–Berthelot, directrice générale ;

– M. Philippe Hourez, secrétaire général.

Ministère de l’Économie et des finances – Direction générale des finances publiques – Direction de la législation fiscale (DLF)

– M. Aulne Abeille, chef du bureau C2 Fiscalité du patrimoine ;

– M. Arnaud Billoue, inspecteur principal.

Rapporteurs du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP)

– M. Jacques Friggit, membre du Conseil général de l’environnement et du développement durable ;

– M. Jérôme Dian, inspecteur général des finances.

Caisse des dépôts et consignations (CDC)

– M. Olivier Mareuse, directeur des fonds d’épargne ;

– M. Laurent Zylberberg, directeur de relations institutionnelles, internationales et européennes.

Union sociale pour l’habitat (USH)

– M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières ;

– Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement.

Fédération française du bâtiment (FFB) et Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL)

– M. Jacques Chanut, président de l’UESL et de la FFB ;

– M. Jean–Baptiste Dolci, vice–président de l’UESL ;

– M. Bruno Arbouet, directeur général de l’UESL ;

– M. Bernard Coloos, directeur des affaires économiques (FFB) ;

– M. Benoit Vanstavel, directeur des relations institutionnelles (FFB).

Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB)

– M. Alain Chouguiat, directeur du pôle Économique ;

– M. Sébastien Sauvaget, chargé de mission au sein du pôle Économique ;

– M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes.

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) et Kaufman & Broad

– Mme Alexandra François–Cuxac, présidente de la FPI ;

– M. Jean–Michel Mangeot, délégué général;

– Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles ;

– Mme Bérengère Joly, directrice juridique ;

– M. Nordine Hachemi, président de Kaufman & Broad.

Samu social de Paris

– Mme Christine Laconde, directrice générale.

Fondation Abbé Pierre

– M. Christophe Robert, délégué général ;

– M. Manuel Domergue, directeur des Études à la fondation Abbé Pierre France.

© Assemblée nationale

1 () Équivalents temps plein travaillé.

2 () Loi n° 2014–366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

3 () Loi n° 200–1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

4 () Pour un commentaire de cette mission se reporter au rapport spécial n°24 de Victorin Lurel.

5 () Indicateur 1.3 du programme 135 Part des personnes auxquelles une offre de logement adaptée a été faite dans le cadre de la mise en œuvre du droit au logement opposable.

6 () La déduction des revenus des travaux de grosse s réparations supportées par les nus propriétaires (2° quater du II de l’article 156 du code général des impôts) et le crédit d’impôt au titre des primes d’assurance contre les impayés de loyer (article 200 nonies du code général des impôts). Pour un commentaire de cet article, se reporter au rapport de la Rapporteure générale.

7 () Désormais toutes les entreprises employant moins de 20 salariés en sont exemptées.

8 () Programme national de rénovation urbaine et Nouveau programme national de renouvellement urbain.

9 () Arrêt n° 356 456 du 10 février 2012.

10 () Soit un rebasage initial de 81 millions d’euros complétés par amendement du Gouvernement avant le vote des crédits de la mission.

11 () Sans compter 568 places en résidences hôtelières à vocation sociale.

12 () Lors de son audition en commission élargie le 28 octobre 2015, la ministre avait annoncé qu’une prime de 1 000 euros serait versée par l’ANAH aux propriétaires offrant leur logement à l’intermédiation locative.

13 () Cela concerne les plafonds de loyers, les plafonds de mensualités pour les nouveaux accédants, le montant forfaitaire des charges, les équivalences de loyer et de charges locatives en foyer et le terme constant de la participation personnelle du ménage.

14 () Défini à l’article 17 de la loi n°89–462 du 6 juillet 1989.

15 () Indicateur 1.1 Taux d’effort net médian des ménages en locatif ordinaire ou en accession selon le type de parc du programme 109.

16 () Le produit du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement (défini à l’article 1600–0 S du code général des impôts), dont le FNAL percevait une fraction, est désormais intégralement versé à l’assurance maladie ; et la cotisation finançant le FNAL a été ramenée de 0,5 % à 0,1 % sur les salaires plafonnés.

17 () Cf. article 1609 nonies G du code général des impôts.

18 () Sur cet important enjeu, on signalera les 40 propositions élaborées par le DIHAL sur la base d’un rapport de l’IGF–IGAS publié en 2014.

19 () Rapport entre le montant du loyer, des charges et des taxes locatives nets des aides personnelles au logement et le montant des ressources.

20 () Soit les statuts non précaires au taux d’effort supérieur à 28 % mais au plus égal à 50 % ou les locataires précaires autres que ceux pris en charge par l’UESL.

21 () Soit les salariés des entreprises du secteur privé non agricole au taux d’effort compris entre 28 % et 50 % ou hors contrat à durée indéterminée stabilisé, ou, si leur situation est précaire, les jeunes de moins de trente ans en recherche ou en situation d’emploi et les étudiants boursiers.

22 () Elle est également ouverte aux doctorants ou post doctorants de nationalité étrangère, avec un doctorat obtenu depuis moins de 6 ans, occupant un poste de chercheur non titulaire dans un laboratoire de recherche.

23 () Hors opération de renouvellement urbain, relevant du programme 147 Politique de la ville, et des investissements en outre–mer soutenus par la mission Outre–mer.

24 () Pour une analyse de la mise en œuvre de ce dispositif, ainsi que du projet de Foncière solidaire, se reporter au rapport spécial N°29 Gestion du patrimoine immobilier de l’État de notre collègue Jean–Louis Dumont

25 () Loi n° 200–1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

26 () Les élus siégeant au conseil ne peuvent présider un organisme HLM, une société d’économie mixte de construction ou un organisme agréé au titre de la maîtrise d’ouvrage.

27 () Le Commissariat général au développement durable assure notamment le suivi statistique des résultats des politiques publiques.

28 () Il est accordé sans intérêt, le manque à gagner étant compensé pour les établissements prêteurs sous forme de crédit d’impôt sur les sociétés.

29 () Décret du 24 septembre 2015.

30 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2017/commissions_elargies/