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Commission des affaires étrangères

Mercredi 11 juillet 2012

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 3

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente, puis de M. Michel Vauzelle, vice-président

– Audition de M. François Zimeray, ambassadeur pour les droits de l’Homme (ouverte à la presse)

– Informations relatives à la commission 17

Audition de M. François Zimeray, ambassadeur pour les droits de l’Homme.

La séance est ouverte à dix heures.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous sommes très heureux d’accueillir M. François Zimeray, ambassadeur de France pour les droits de l’Homme depuis 2008, mais également ambassadeur en charge de la dimension internationale de la Shoah, des spoliations et du devoir de mémoire depuis 2009. Merci, monsieur l’ambassadeur, d’avoir répondu à notre invitation. Cette audition est la deuxième à laquelle procède notre commission, après celle du ministre délégué chargé des affaires européennes : c’est dire l’importance que nous accordons à la mission qui vous est confiée.

Nous avons souhaité vous entendre sans tarder afin de réfléchir aux moyens d’action de notre diplomatie dans le domaine des droits de l’Homme et à la manière dont nous pouvons, nous, parlementaires, alerter l’opinion publique sur telle ou telle situation – tâche difficile, assez ingrate, mais qu’il est de notre devoir d’accomplir.

Je vous propose, monsieur l’ambassadeur, de nous présenter d’abord votre action en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’Homme au niveau international. De quels moyens disposez-vous ? Comment concevez-vous votre mission ? Comment faire en sorte que la défense des droits de l’Homme ne se réduise pas à un simple message sans résultats tangibles ?

Vous êtes par ailleurs candidat au poste de représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’Homme dans le service de Mme Ashton, poste dont la création a été décidée en juin dernier. D’autres se sont également portés candidats ; pour notre part, nous soutenons évidemment la candidature française. Dans ce contexte, votre audition fournit également l’occasion de faire le point sur l’action que peut mener l’Union européenne en la matière. Pourriez-vous nous éclairer sur le cadre stratégique et sur le plan d’action adoptés le 25 juin dernier ? Comment remédier au manque de visibilité dont souffre l’Union européenne, dans ce domaine comme dans tous les autres, hélas, quoique peut-être un peu moins ? Comment concilier les droits de l’Homme avec les autres objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune, ainsi qu’avec les autres politiques extérieures de l’Union européenne ?

Après votre exposé liminaire, les membres de la commission auront de nombreuses questions à vous poser. Je vous remercie, mes chers collègues, de bien vouloir limiter la durée de vos questions à deux minutes, afin de laisser à monsieur l’ambassadeur suffisamment de temps pour vous répondre.

Monsieur l’ambassadeur, vous vous êtes rendu récemment en Ukraine. Que pouvez-vous nous dire de Mme Timochenko ? Le tour que prennent les événements en Roumanie nous préoccupe également, après la Hongrie, que visent plusieurs procédures ouvertes par la Commission européenne. Nous évoquerons aussi des situations individuelles. Je songe en particulier au cas des deux Turkmènes emprisonnés qui a conduit notre commission à bloquer la ratification de l’accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et le Turkménistan au cours de la précédente législature. Que sont-ils devenus ? Sont-ils encore en vie ? Si tel est le cas, que pouvons-nous faire pour eux ? Je songe également à M. Ibni Oumar Mahamat Saleh, opposant tchadien disparu à N’Djaména.

Ambassadeur en charge de la dimension internationale de la Shoah, vous savez enfin que la SNCF fait l’objet de procédures de demande d’indemnisation pour son rôle dans les déportations au cours de la Seconde Guerre mondiale. Pourriez-vous, si vous en avez le temps, faire le point sur le projet de loi déposé devant le Congrès américain et qui tend à remettre en cause l’immunité de juridiction reconnue à la SNCF ?

M. François Zimeray, ambassadeur de France pour les droits de l’Homme. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, l’occasion trop rare qui m’est offerte de vous présenter mon action est pour moi un honneur et un plaisir. Ce n’est pas là simple propos diplomatique ; j’espère que vous le sentirez.

En France, la fonction que j’occupe a été créée en 2000 à l’initiative d’Hubert Védrine. Elle existe dans six autres pays européens ainsi qu’aux États-Unis ; le Chili envisage de l’instituer à son tour. Les débats qui ont eu lieu au Parlement européen sur la stratégie européenne en la matière et sur la désignation d’un représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’Homme devraient avoir pour conséquence indirecte la multiplication de ce type de postes dans les différentes capitales européennes.

Cette fonction qui m’a été confiée en février 2008, et que je suis le premier à exercer sans être diplomate de carrière, comporte trois dimensions. La première est institutionnelle. Comme tout ambassadeur, je représente mon pays dans les échanges bilatéraux ou devant les institutions qui traitent des droits de l’Homme. J’ai ainsi présenté le rapport de la France à Genève au moment de l’Examen périodique universel, lors duquel chaque État membre rend compte devant les autres de sa propre situation en matière de droits de l’Homme. J’ai aussi siégé au Conseil de sécurité des Nations unies dans le cadre du groupe de travail sur les enfants soldats et, sur le même sujet, présidé à deux reprises le Forum de suivi des engagements de Paris, qui se tient en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Cette dimension de ma fonction m’a également conduit à Vienne, devant l’OSCE, à Strasbourg, devant le Conseil de l’Europe et, plus rarement, devant l’Union européenne.

La deuxième dimension de ma fonction, à mes yeux essentielle, est la présence sur le terrain. En quatre ans et demi, j’ai effectué 97 missions de terrain, guidé par les exigences de l’actualité mais aussi par le souci de me soustraire à la logique médiatique qui jette la lumière sur certains lieux de souffrance au détriment des autres. Je me suis ainsi rendu en Tchétchénie, à Grozny, où j’ai probablement été le dernier à voir Natalia Estemirova en vie, en Ukraine où j’ai assisté au procès de M. Loutsenko et tenté à deux reprises de rencontrer Ioulia Timochenko. J’ai représenté la France au procès Khodorkovski, à Moscou, au procès Zhovtis, au Kazakhstan. Je me suis rendu dans la région des Grands Lacs, en Colombie, au Guatemala et, plus récemment, à la frontière syrienne. Il s’agit, je le répète, d’appeler l’attention, au-delà de l’actualité, sur des conflits oubliés : ainsi me suis-je rendu au Kirghizstan au lendemain des massacres qui y ont eu lieu il y a deux ans.

Cette dimension de terrain est primordiale. Les mots « torture », « réfugiés », « procès équitable », « disparitions forcées » ne renvoient pas seulement à des concepts, à des abstractions, mais à des réalités, à des visages. Vous qui êtes des élus de terrain savez ce que le contact avec ces réalités a d’irremplaçable. Grâce à lui, je puis témoigner, rapporter au ministre ce que j’ai vu et entendu, lui permettant ainsi d’appréhender la situation autrement que par des télégrammes ou des rapports, voire d’anticiper certains événements. Il s’agit aussi d’être à l’écoute des populations, car un ambassadeur doit parler au nom de la France mais également savoir écouter – comme un élu, d’ailleurs.

Surtout, ces visites de terrain me permettent de sensibiliser nos postes à la dimension des droits de l’Homme. « Faire de chaque ambassade une maison des droits de l’Homme » : ce beau slogan doit devenir réalité. Et en quatre ans et demi, d’ambassade en ambassade, il a pris un sens concret. Faire de chaque ambassade une maison des droits de l’Homme, c’est ouvrir la porte aux défenseurs des droits de l’Homme, les accueillir, les écouter, les encourager, les protéger ; c’est créer, comme je le propose, le Prix des droits de l’Homme de l’ambassade de France ; c’est veiller à ce que, dans chaque ambassade, un diplomate se consacre spécifiquement aux droits de l’Homme, non de manière académique mais pour servir de point de contact avec les défenseurs des droits de l’Homme – pratique aujourd’hui généralisée. C’est encore systématiser la formation des diplomates dans ce domaine, ce qui est également nouveau. Désormais, les diplomates qui partent en poste sont formés aux droits de l’Homme et bénéficient avant leur départ d’un briefing avec toutes les ONG compétentes en la matière. De même, cette dimension est maintenant intégrée à la formation initiale des jeunes diplomates que nous accueillons au Quai, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors.

Ce sont toutes ces actions réunies qui contribuent à modifier l’attitude de nos postes. J’ai pu mesurer ce changement depuis 2008 : il existe de plus en plus d’ambassadeurs audacieux, proches de la réalité, qui n’ont pas peur, car ils ont compris que le contact avec la société civile a autant de valeur que le contact avec les gouvernants et les États puisque sans lui, c’est le pays lui-même qui nous échappe.

Certaines missions m’ont conduit au cœur du terrain. Être au cœur du terrain, ce peut être passer des nuits avec des enfants des rues au Caire ou découvrir par hasard, ou presque, une oubliette où des enfants meurent de faim sous le palais de justice de Kinshasa. Il m’est arrivé d’entendre le diplomate qui m’accompagnait me dire que certaines réalités lui apparaissaient pour la première fois après quatre ans de résidence sur place.

C’est aussi à cela que servent nos missions : inciter nos postes à être en contact avec la réalité et à faire preuve de discernement, par exemple en remettant le Prix des droits de l’Homme de l’ambassade de France. Voilà l’une des leçons que nous pouvons tirer des printemps arabes : il faut être attentif à ce qui fermente, ce qui bourgeonne, ce qui germine. Car on croit savoir, mais on ne sait pas ; on croit connaître, mais on ne connaît pas.

Le troisième aspect de ma fonction se joue au Quai d’Orsay. Ma lettre de mission me confie la tâche d’« animer et d’incarner cette dimension de l’action extérieure de la France ». Cette tâche est plus conceptuelle : il s’agit de « mainstreamer » la dimension des droits de l’Homme, si j’ose employer cet anglicisme faute d’en trouver un équivalent français…

Mme la présidente Élisabeth Guigou. « Infuser » ?

M. François Zimeray. Oui : de l’infuser dans chacun de nos actes, ce qui demande une grande énergie.

Vous m’avez interrogé sur la manière dont je conçois ma fonction. Je suis personnellement convaincu de deux ou trois choses. Tout d’abord, je rejette l’opposition traditionnelle, quelque peu primaire, entre, d’une part, le monde de l’idéal et de la vertu, dont relèveraient les droits de l’Homme, et, d’autre part, le monde du cynisme et de la Realpolitik. La défense des droits de l’Homme est une politique des réalités. Les droits de l’Homme, ce n’est pas de la morale. Ce sont des droits qui existent ou qui n’existent pas, qui sont appliqués ou qui sont violés – le droit de ne pas être torturé, le droit à l’enfance, le droit à un procès équitable – et, au bout du compte, ce sont des hommes, des femmes et des enfants. C’est du point de vue de ces réalités que nous devons nous situer pour évaluer l’efficacité de nos politiques en nous gardant de la tentation narcissique de défendre les droits de l’Homme pour nous-mêmes, au nom de l’image que nous avons de nous-mêmes, individuellement ou collectivement. En d’autres termes, les droits de l’Homme ne relèvent pas du registre déclaratoire, mais bien de l’action – action patiente, parfois ingrate, toujours recommencée, jamais aboutie.

Si les droits de l’Homme constituent une dimension essentielle de l’action extérieure de la France, celle-ci ne s’y réduit pas. Il ne serait pas honnête de prétendre ignorer que nos ambassadeurs, chargés de soutenir les partisans des droits de l’Homme, ont aussi pour mission de défendre nos intérêts économiques, militaires, stratégiques, culturels et scientifiques. Or si l’on oppose les droits de l’Homme à ces autres missions, ils seront presque assurément perdants. Voilà pourquoi, de mon point de vue, il faut tenter de concilier autant que possible les droits de l’Homme et les autres intérêts que nous devons défendre, en évitant de tomber dans le piège qui consisterait à les opposer. Du point de vue personnel, narcissique, il peut être très satisfaisant de se refuser à prendre tel ou tel intérêt en considération, au nom des droits de l’Homme, de son éthique et de sa déontologie personnelles. Pour Jeanne Hersch, l’une des philosophes qui a le plus étudié les droits de l’Homme, ces droits sont absolus et insolubles, insolubles parce qu’absolus. Mais si la défense des droits de l’Homme est une politique des réalités, alors il faut bien qu’ils soient solubles, conciliables avec les autres dimensions de notre action extérieure.

Concrètement, cela implique d’abord d’être à l’écoute des ONG. Voilà pourquoi je veille pour ma part, je l’ai dit, à ce que chaque départ en mission soit précédé d’un briefing avec les ONG compétentes en matière de droits de l’Homme et suivi, au retour, d’un débriefing. Nos liens avec les ONG – nos juges et, bien que le terme soit sans doute impropre, nos « clients » – sont donc étroits et d’autant plus précieux que ces organisations ont considérablement gagné en professionnalisme et en rigueur méthodologique. Nous avons beaucoup à apprendre de ces partenaires indispensables de l’action extérieure de la France dans tous les domaines. Il s’agit donc d’insister sur cette dimension de notre action aussi au Quai d’Orsay, en lien avec nos partenaires extérieurs et avec les différentes directions, géographiques et transversales.

Cela implique également de suivre les situations individuelles qui me sont rapportées. Mon écran d’ordinateur est une sorte d’écran radar sur lequel vient s’afficher un concentré de toutes les violences et de toutes les souffrances du monde, individuelles et collectives. Et derrière mon poste, il y a au Quai d’Orsay, à Genève et à New York plusieurs dizaines d’agents très spécialisés et très actifs auxquels je veux rendre hommage, qui se lèvent le matin en pensant aux droits de l’Homme, qui se couchent le soir en pensant aux droits de l’Homme ; on le sait encore trop peu.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous avons bien compris votre conception générale. Pourriez-vous répondre brièvement aux quelques questions plus précises que je vous ai posées ?

M. François Zimeray. En ce qui concerne Mme Timochenko et, plus généralement, la situation en Ukraine, je me suis rendu à deux reprises sur place depuis le début de l’année et j’ai fait deux fois le voyage de Kharkov, dans l’est du pays. La première fois, alors que j’avais obtenu l’autorisation de rendre visite à Ioulia Timochenko, on m’a indiqué au dernier moment, devant le portail de la prison, qu’elle était convoquée chez le magistrat, à l’insu de ses avocats eux-mêmes – ce qui en dit long sur la procédure pénale ukrainienne. Lors de ma seconde visite, j’ai pu entrer dans la prison mais je n’ai pas été autorisé à voir Mme Timochenko. J’ai demandé au directeur de la prison si je pouvais lui laisser un mot ; cela m’a été refusé. J’ai demandé de ses nouvelles ; on a refusé de m’en donner. J’ai également assisté à l’ouverture de son procès, dont son état de santé l’a tenue elle-même éloignée.

Même si je n’ai pu entrer directement en contact avec Mme Timochenko, la présence de la France n’est pas passée inaperçue. Toute la presse ukrainienne et russophone était là et la présence de votre serviteur a été une grande source de réconfort pour les défenseurs des droits de l’Homme en Ukraine.

Je n’en suis pas moins très pessimiste sur le sort de Ioulia Timochenko. N’oublions pas non plus celui des autres détenus à caractère politique, en particulier MM. Ivachenko et Loutsenko. J’ai également assisté au procès de ce dernier, qui a été très lourdement condamné sur un prétexte fantaisiste. L’Ukraine est l’un des seuls pays que je connaisse où un article du code pénal – l’article 365 – sanctionne comme un crime des décisions politiques jugées mauvaises alors même qu’elles ne constituent aucune infraction pénale au sens où nous l’entendons. Mme Timochenko fait en outre l’objet d’un acharnement judiciaire puisqu’à cette accusation s’ajoutent aujourd’hui de nouvelles poursuites pour fraude fiscale.

Plus généralement, l’Ukraine offre un tableau décevant. Voilà un pays qui avait goûté aux fruits de la démocratie et dont le recul depuis deux ans est assez impressionnant. On le compare souvent à la Biélorussie, ce qui est excessif car l’Ukraine est beaucoup plus ouverte que sa voisine. Mais, d’une certaine façon, le bilan y est d’autant plus décevant. Voilà qui doit nous inciter, nous, Européens, à nous interroger sur les limites de notre attractivité et de nos moyens d’influence : nos incitations, nos pressions alors que nous négociions des accords privilégiés avec l’Ukraine n’ont pas exercé un effet assez dissuasif sur un pays pourtant incapable de se passer de son partenariat avec l’Europe.

En ce qui concerne la Roumanie et la Hongrie, la situation à laquelle vous faites allusion est récente ; je ne me suis pas encore rendu dans ces pays. Vous le savez, c’est toujours avec une grande prudence que l’on se prononce à propos d’un État européen. Cela étant, qu’il s’agisse de l’Europe ou de la France, l’on ne peut rester prisonnier de l’idée que les diplomates, chargés de l’action extérieure, resteraient en quelque sorte au balcon. Dans notre monde ouvert, chacun doit rendre compte de sa propre situation auprès des autres. En d’autres termes, comment défendre les droits de l’Homme sur la scène extérieure si l’on ne peut répondre des problèmes qui se posent sur la scène intérieure, qu’elle soit européenne ou française ? Pour ces raisons, nous ne pourrons nous désintéresser bien longtemps de la situation qui prévaut en Roumanie et en Hongrie.

Quant au Turkménistan, je vous remercie d’en avoir parlé, car il fait partie, comme le Kirghizstan, des pays situés dans l’angle mort médiatique. « Ici, il n’y a pas de violations des droits de l’Homme puisqu’il n’y a pas de droits de l’Homme ! » Cette boutade que j’ai entendue là-bas comporte une part de vérité puisqu’une grande partie des conventions internationales n’ont été ni signées ni ratifiées par le Turkménistan.

Deux personnes y sont effectivement détenues pour avoir participé à un reportage réalisé pour l’émission Envoyé spécial. J’ai parlé de leur cas au ministre des affaires étrangères turkmène lors de ma mission sur place, il y a deux ans, mais je n’ai obtenu aucune réponse. L’entretien a d’ailleurs été assez vif, à la limite de l’incident. J’ai demandé à les voir ; on m’a répondu qu’ils étaient au secret. J’ai demandé à voir leurs avocats ; cela m’a été refusé. J’ai demandé à voir leurs familles ; cela m’a été également refusé. J’ai alors mis fin à l’entretien.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Pourriez-vous nous prévenir par écrit si vous avez de leurs nouvelles ? Nous avons tout de même bloqué une ratification.

D’autre part, avez-vous des nouvelles de M. Ibni Oumar Mahamat Saleh ?

M. François Zimeray. Aucune. Sauf erreur de ma part, la première résolution adoptée par votre Assemblée en application de la réforme constitutionnelle portait sur cette disparition. De notre côté, nous avons exercé de fortes pressions. Mais ce cas est lui aussi dans l’angle mort des médias : qui se souvient aujourd’hui qu’il y a eu dans les rues de N’Djaména, début 2008, des milliers de viols et 908 disparitions, dont celle de ce mathématicien, survenue dans des conditions extrêmement douteuses ? Il en va de même de Floribert Chebeya, président de l’ONG La Voix des Sans-Voix, disparu en République démocratique du Congo. En ce qui concerne M. Ibni Oumar, le travail d’enquête avait pourtant bien avancé, mais nous devons constater qu’il n’a pas abouti.

Je vous communiquerai des nouvelles plus récentes s’il y en a, mais je ne crois pas qu’il y en ait et je le déplore.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie d’avoir précisé votre conception. Si la diplomatie française ne peut se réduire aux droits de l’Homme, ceux-ci en sont une composante essentielle et l’« infusion » dont vous avez parlé – si l’on peut traduire ainsi mainstreaming – est primordiale.

D’autre part, les droits de l’Homme incluent naturellement les droits des femmes – voilà pourquoi la langue européenne parle de « droits des personnes » – ainsi que les droits des enfants. Peut-être nous en parlerez-vous.

Mes collègues ayant beaucoup de questions à vous poser, je leur donne maintenant la parole.

M. Jacques Myard. Monsieur l’ambassadeur, vous avez parlé des ONG. Elles sont nombreuses, au moins vingt mille à l’échelle mondiale, et j’ai pu constater, en rédigeant l’année dernière avec Jean-Michel Boucheron un rapport sur les vecteurs privés d’influence dans les relations internationales, qu’il y avait de bonnes et de mauvaises ONG et que certaines étaient instrumentalisées. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

Deuxièmement, vous avez évoqué votre pratique, tout à fait louable, des droits de l’Homme concrets, au quotidien. Vous avez également parlé de droits absolus. À la lumière de votre expérience, et sans tomber, naturellement, dans les élucubrations des talibans, pensez-vous qu’il existe une conception non occidentale des droits de l’Homme, qui aurait son intérêt propre ?

Mme Marie-Louise Fort. J’aimerais parler des droits des femmes. L’exécution sommaire et sauvage de Najiba, une jeune Afghane de 22 ans accusée d’adultère, est passée relativement inaperçue en France, de manière assez surprenante. Que pensez-vous de l’évolution du statut des femmes, notamment à la suite des récentes révolutions – même si le pays dont je viens de parler connaît encore, lui, un conflit que l’on espère en voie de résolution ?

M. François Loncle. S’agissant de votre fonction, il y a manifestement, monsieur l’ambassadeur, un problème de communication. Nombre de mes collègues ignoraient tout de votre action ; je n’en connaissais pour ma part qu’une partie. Que dire alors de la presse et du grand public ?

C’est aussi une question de structure gouvernementale. Il y a eu à certaines périodes un ou une ministre des droits de l’Homme. La dernière expérience en la matière fut malheureuse puisque le ministre des affaires étrangères de l’époque, ne supportant pas cette situation, a renvoyé Mme Yade dans ses foyers. Il s’agissait de M. Kouchner ; c’est tout dire… Pourtant, avant même cette décision, il existait déjà un ambassadeur pour les droits de l’Homme dont on peut se demander à quoi il servait puisqu’il induisait un doublon. C’est à n’y rien comprendre, ou presque. D’autre part, vous êtes doté du statut d’ambassadeur. Dès lors, quel est votre interlocuteur gouvernemental ? Le Quai d’Orsay, sans doute ; mais devez-vous rendre des comptes à la Présidence de la République, à Matignon, voire à je ne sais quel autre ministre ?

Je ne mets en aucune façon en cause votre volonté, votre talent ni votre bonne foi. Mais, très franchement, quels sont les résultats ? Ils sont inconnus de nous, des médias et du grand public. Mme la présidente a rappelé à juste titre l’affaire Saleh, dans laquelle nous nous sommes fortement impliqués, surtout Gaëtan Gorce, dont l’action fut remarquable. Il en est résulté, vous l’avez dit, la première résolution adoptée – à l’unanimité – par notre Assemblée. Le résultat est absolument lamentable à tous points de vue : du côté tchadien, du côté européen, du côté français.

En dépit de vos explications, de ce que vous appelez votre présence sur le terrain, on ne perçoit donc pas l’utilité de votre fonction. Je serais heureux que vous me détrompiez, aujourd’hui ou plus tard.

M. Serge Janquin. Monsieur l’ambassadeur, je souhaite vous poser deux questions. L’une est territoriale, l’autre touche aux principes, et la seconde est liée à la première comme à une illustration.

En ce qui concerne la zone sahélo-malienne, que doit à votre avis la situation actuelle à la gestion de la question libyenne ? Je songe d’une part au soutien algérien avéré au colonel Kadhafi et à l’audience aujourd’hui accordée par Alger aux mouvements islamistes qui sont partie prenante sur place ; d’autre part, aux insuffisances de la gestion collective de l’après-Kadhafi, et notamment à la dispersion des armes lourdes ; enfin, au souhait exprimé par l’Union africaine et les pays de la CEDEAO d’un soutien international à une intervention militaire africaine. Voilà les éléments essentiels, et pourtant assez contradictoires, d’une solution au problème.

Au niveau des principes – je fais suite à votre déclaration sur l’intérêt des missions humanitaires –, entre la souveraineté des États, que nous avons souvent plaidée, comme le sait bien mon cher collègue Myard, et le devoir d’ingérence, un nouveau concept onusien est apparu depuis 2000 : le devoir de protéger les populations en cas de carence des États. Ce concept est encore incertain. Il exclut de ses objectifs le changement de régime politique, mais on a vu en Libye le mandat de l’ONU singulièrement débordé. Comment préciser, conforter et confiner les missions de défense des droits de l’Homme de sorte qu’elles soient reconnues comme justement opératoires au niveau international ?

M. François Zimeray. Vous avez raison, monsieur Myard : certaines ONG ont montré qu’elles étaient manipulées, instrumentalisées et détournées de leurs objectifs ; je songe notamment à la conférence de Durban II, qui a laissé un très mauvais souvenir à la communauté internationale. Mais les ONG auxquelles je faisais référence sont – si vous me permettez ce terme – les « grandes marques » des droits de l’Homme ; elles ont fait la preuve de leur professionnalisme, de leur rigueur méthodologique, et comptent d’excellents spécialistes. Je songe à Human Rights Watch, à Amnesty International, à la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme – la FIDH – et à des organisations plus spécialisées comme La Voix de l’Enfant. Dans ce domaine comme dans tous les autres, il y a des partenaires crédibles et solides mais aussi des amateurs. Assurément, la loi de 1901, la facilité avec laquelle elle permet de constituer une association et la richesse du réseau associatif français qui en découle peuvent aussi engendrer l’amateurisme ; et cela donne L’Arche de Zoé. Il faut être vigilant sur ce point. Mais les partenaires « accrédités » de la politique des droits de l’Homme du Quai d’Orsay sont des ONG reconnues.

D’excellentes plumes ont d’ailleurs pu reprocher au Quai d’Orsay d’être géré comme une ONG, ce qui n’est pas très gentil pour ces organisations ! En réalité, celles avec qui je travaille sont remarquablement bien gérées, et nous gagnerions parfois à nous inspirer de leur sérieux, de leurs méthodes et de leur exigence. Je parle naturellement des plus grandes et des plus sérieuses, celles avec lesquelles il serait difficile de ne pas travailler. Mais vous avez raison : il faut, ici comme ailleurs, faire preuve de discernement.

Vous avez d’autre part évoqué une question récurrente et importante : les droits de l’Homme sont-ils un concept occidental ? Pour montrer qu’il s’agit au contraire d’une aspiration partagée par toute l’humanité, on peut mobiliser des arguments théoriques ou juridiques, par exemple en faisant valoir qu’une majorité d’États a adopté les textes de référence, ce qui est censé mettre fin au débat. En ce qui me concerne, je me fonderai une fois encore sur mon expérience. Lors de mes missions, je n’ai pas constaté que les souffrances endurées sous la torture variaient selon les latitudes.

M. Jacques Myard. Je ne parlais pas de la pratique, mais de la conception. Existe-t-il deux conceptions parallèles des droits de l’Homme ?

M. François Zimeray. Oui, mais il faut rejeter cette dualité. Soixante-trois ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, seul texte qui revendique jusque dans son titre ce beau mot d’« universel », l’universalité des droits de l’Homme est menacée. Ses ennemis s’appellent le relativisme, le régionalisme, le culturalisme,…

M. Jacques Myard. Le communautarisme !

M. François Zimeray. Ils peuvent prendre la forme des « valeurs asiatiques » chères à l’ancien Premier ministre malaisien Mahathir : l’homme asiatique aurait plus besoin de développement économique et de droits économiques et sociaux que de droits civils et politiques. On peut aussi songer à la Charte islamique des droits de l’Homme : « nous n’avons rien contre les droits de l’Homme », nous dit-on ; « voyez, nous avons les nôtres » – mais ce ne sont pas les mêmes, surtout vis-à-vis des femmes.

Genève, New York sont les champs de bataille de cette confrontation conceptuelle entre ceux pour qui les droits de l’Homme sont une aspiration partagée par toute l’humanité et ceux qui les considèrent comme un concept occidental. La réfutation la plus récente de cette dernière affirmation est venue des printemps arabes, dont la dimension la plus intéressante n’est justement pas arabe : il s’agit de l’aspiration universelle à goûter les fruits de la liberté, à accéder aux libertés fondamentales dont jouit une grande partie du monde. Voilà ce que nous disaient les protestations des rues arabes, au moins dans les premiers temps, et qu’une grande partie de la rue arabe continue d’affirmer aujourd’hui. Parmi les lignes de front de ce combat, on trouve la diffamation des religions et la tentative de certains pays du Sud de faire inscrire le blasphème dans l’ordre international, tentative à laquelle nous nous sommes fermement opposés, avec les Européens, lors de la conférence de Durban II, mettant tout notre poids diplomatique dans la balance – avec succès puisque nos contradicteurs ont reculé. Voilà un exemple de situation où l’engagement de la France au nom des droits de l’Homme a été utile, monsieur Loncle.

Ainsi, paradoxalement, plus nos mœurs, nos codes, notre économie, notre environnement sont globalisés, plus nous avons l’impression d’appartenir à un village global, et plus décroît le sentiment d’appartenance à ce que René Cassin appelait dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’Homme la « famille humaine ». C’est pour nous une grande source de préoccupation qui mériterait de plus amples développements.

Madame Fort, s’il est une chose universelle, c’est bien la violation des droits des femmes. C’est ce qui me frappe lorsque je me remémore mes différentes missions. Récemment, pour la première fois, j’ai pu me rendre en Algérie ; même si je n’y ai pas été reçu par les autorités, j’y ai vu beaucoup de choses, rencontré de nombreuses personnes qui soutiennent les migrants, les familles des disparus, les homosexuels – vrais oubliés des printemps arabes –, les femmes, les enfants. Et il m’y est venu ce mot : à Alger comme dans le reste du monde, l’enjeu essentiel est la décolonisation des femmes par les hommes.

En prenant ses fonctions, Rama Yade m’avait dit que les droits des femmes seraient sa priorité. À l’époque, je n’aimais pas cette idée, car aucun des droits fondamentaux n’a, par définition, la moindre priorité sur les autres : qui prétendrait que le foie est plus important que le rein ou qu’un autre organe vital ? Tous les droits fondamentaux concourent également à la dignité humaine. Mais j’ai révisé mon jugement : si je devais ne retenir qu’une catégorie de mesures ou qu’une ligne directrice, ce seraient les droits des femmes, en particulier le droit à l’éducation des filles. Je suis très fier d’être un ambassadeur – un homme – chargé des droits des femmes ; c’est une part très importante de l’action extérieure de la France.

Si les droits de l’Homme ne sont pas un concept occidental, c’est aussi parce qu’il ne s’agit pas, en réalité, d’un concept. Car ce qui est universel, ce ne sont pas les droits de l’Homme : c’est l’homme lui-même, ce sont ses souffrances, ses aspirations et, hélas, le désir qu’a l’homme d’opprimer ses semblables, notamment les femmes.

La France est engagée sur ce terrain. Concrètement, nos ambassadeurs ont pour mission de soutenir les ONG et les responsables des associations de défense des droits des femmes, ce qu’ils font effectivement, le plus souvent ; nous finançons en outre des programmes de soutien aux fillettes victimes d’abus sexuels dans les faubourgs de Kinshasa et des programmes de formation d’avocats en Afrique orientale et de journalistes en Europe centrale. Il est vrai, monsieur Loncle, que peu de gens le savent. Une grande partie de ces programmes sont liés aux droits des femmes, par exemple la Maison des femmes à Istalif, en Afghanistan.

Monsieur Loncle, il ne m’appartient naturellement pas, comme ambassadeur, de me prononcer sur l’architecture gouvernementale. Je le ferai néanmoins, à ma façon. Je le répète, il faut proscrire toute architecture dont découlerait une opposition entre les droits de l’Homme et les autres missions qui nous incombent. Ce ne sont pas les hommes qui sont ici en cause, mais bien l’architecture. Imaginons un ministre des transports dont les priorités déclarées sont des transports rapides, économiques et sûrs. Si l’on nomme un secrétaire d’État à la rapidité, un secrétaire d’État aux coûts et un secrétaire d’État à la sécurité, il s’ensuivra mécaniquement une confrontation. J’ai très bien travaillé avec le secrétariat d’État aux droits de l’Homme ; je travaille très bien sans lui. Cela ne pose en tout cas aucun problème de lisibilité. Le ministre définit la politique et l’incarne ; l’ambassadeur exécute. Ici, la dimension des droits de l’Homme ne risque pas d’entrer en conflit avec les autres dimensions. C’est peut-être plus facile ainsi. Mais je ne saurais m’avancer davantage.

Vous avez également évoqué la discrétion de la fonction, qu’il m’arrive à moi aussi de déplorer. Elle résulte toutefois de ce que je viens d’indiquer : cette fonction s’exerce par nature dans l’ombre, ce qui a aussi ses avantages – des missions plus longues et plus approfondies, par exemple. Il m’est arrivé de penser qu’un rang gouvernemental rendrait impraticables les actions que je mène dans le cadre de mes missions, par le cadre officiel, la solennité, le protocole, les effectifs – fussent-ils réduits – et le programme strict qu’il supposerait. Au Sri Lanka, pour négocier, avec les Britanniques, l’ouverture des camps de Vavunyia et de Manik Farm, où 250 000 personnes étaient en garde à vue, j’ai fait la navette entre le camp de réfugiés et la capitale. Voilà un exemple parmi tant d’autres de l’utilité de ma fonction. Un secrétaire d’État ou un ministre n’auraient pu improviser comme j’ai dû alors le faire. Ainsi, l’action conjuguée de la France et de l’Union européenne et la menace de suspension des accords de préférence douanière – le « SPG plus » – ont permis l’ouverture des camps et, grâce à ma mission, le journaliste Tissainayagam, qui avait été condamné à vingt ans de prison pour avoir usé de sa liberté d’expression, a été libéré. Il ne s’agit que d’un exemple. Naturellement, il n’a pas fait la une des journaux, et je trouve dès lors parfaitement légitime que l’on m’interroge sur mon utilité, à condition que je puisse répondre.

Aux cas individuels s’ajoutent les situations plus générales. Quels sont les résultats ? me demandez-vous. Ils vont de la libération d’un camp de réfugiés à celle d’un individu en passant par les encouragements prodigués aux militants des droits de l’Homme, dont on ne mesure pas la portée. Pour l’avocat Zhovtis, jugé au fin fond du Kazakhstan, à sept heures de route d’Almaty, comme pour les défenseurs des droits de l’Homme dans le pays, il était essentiel que la France ait délégué un ambassadeur à son procès, auquel lui-même n’avait pas le droit d’assister. Certes, cela ne l’a pas empêché d’aller en prison – mais il en est sorti aujourd’hui.

Notre action se heurte à deux contraintes principales : nous agissons généralement avec d’autres – souvent les Européens, mais aussi l’OTAN ou le Conseil de sécurité de l’ONU ; et nous agissons toujours chez les autres. Or nous ne pouvons résoudre comme par magie tous les problèmes relatifs aux droits de l’Homme dans le monde, et nous n’en avons pas la prétention. Cela étant, par notre présence, nos financements, nos ONG, par l’échange d’expériences, par l’accueil et la protection juridique, bref par tous les moyens dont nous disposons, nous encourageons ceux qui défendent les droits de l’Homme au risque de leur liberté ou de leur vie. Car les droits de l’Homme sont portés non par des États ou des institutions, mais par des gens courageux ; le rôle de la France est d’être à leurs côtés et je vous assure que nous y veillons.

Il est aussi des causes qui progressent grâce à la diplomatie française des droits de l’Homme. En voici quelques exemples. Paradoxalement, alors que la France a été l’un des derniers pays d’Europe à abolir la peine de mort, l’abolition fait aujourd’hui partie de l’identité française et nous évoque immédiatement les grandes figures nationales qui ont livré ce combat, de Victor Hugo à Robert Badinter. Au niveau international, la France reste à l’avant-garde de cette lutte, marquée ces dernières années par d’importantes avancées. Il y a dix ans, trente-neuf pays avaient aboli la peine de mort ; aujourd’hui, cent quarante, soit plus de trois fois plus, y ont renoncé en fait ou en droit. Et c’est en grande partie à la France qu’on le doit. L’adoption de la convention sur les disparitions forcées a nécessité quant à elle vingt ans d’efforts diplomatiques – de la France et de l’Argentine –, comme l’adoption de la convention sur la torture. Quant aux enfants soldats, qui ont toujours existé – par exemple dans les armées napoléoniennes –, c’est la France qui s’est saisie de ce sujet de société mondial, qui en a fait une cause de mobilisation multilatérale et qui a contribué à la création au sein du Conseil de sécurité d’un mécanisme de suivi des démobilisations bataillon par bataillon, grâce auquel j’ai pu annoncer l’année dernière lors de l’Assemblée Générale des Nations unies, avec le directeur général de l’Unicef, qu’à ce rythme il n’y aurait plus d’enfants soldats dans vingt ans – même s’il faut rester prudent puisque l’on ne connaît même pas leur nombre exact aujourd’hui : 150 000, 200 000 ? Tout cela n’empêche pas Joseph Kony et d’autres, en Colombie et ailleurs, de circuler librement. Mais la France s’est très fortement impliquée dans cette affaire et a joué un rôle décisif, incitant les pays à des politiques de démobilisation, de réinsertion et de prévention.

Il est d’autres batailles d’avant-garde, difficiles, ingrates, que nous n’avons pas encore gagnées. Je songe à la dépénalisation de l’homosexualité, qui reste un délit dans soixante-dix pays et un crime puni de mort dans neuf pays. La France est à la pointe de ce combat, d’autant plus difficile qu’il se heurte non seulement à des obstacles politiques, mais à des préjugés profondément ancrés dans les mentalités.

Une anecdote en témoigne. Nous accueillons ces jours-ci à Paris, pour la première fois, 120 jeunes militants des droits de l’Homme venus de 89 pays. Ils vont d’ailleurs visiter l’Assemblée nationale où vous pourrez, si vous le souhaitez, les recevoir et les guider. Plusieurs débats entre eux ont été organisés.

Quand s’est posée la question de l’homosexualité, il s’en est trouvé quelques-uns pour dire qu’il s’agissait d’une maladie qu’il convenait de soigner, et non d’un problème de droits de l’Homme !

Il m’est arrivé dans certains pays des printemps arabes, en allant voir des militants LGBT – lesbiens, gays, bisexuels et transgenres –, qui militent pour le droit d’être ce qu’ils sont et d’aimer qui ils veulent, de constater qu’ils étaient critiqués, voire menacés par d’autres militants des droits de l’Homme, et dans un isolement total. La France est à leurs côtés, ce qui est bien ; je veille à ce que les ambassadeurs de France les reçoivent : pour eux, c’est très important.

Présidence de M. Michel Vauzelle, vice-président.

M. François Zimeray. Autre exemple de l’utilité des diplomates œuvrant pour les droits de l’homme – peut-être trop dans l’ombre, je suis le premier à le déplorer, la presse ayant ses propres préoccupations – : Lubanga a été aujourd’hui condamné par la Cour pénale internationale pour avoir recruté des enfants soldats et fait commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Or, ce fait a été rendu possible par le statut de Rome, lequel a été porté par la France pendant vingt ans, c’est-à-dire négocié dans les enceintes internationales, amendé, adopté, puis appliqué et financé.

Lorsque je me suis entretenu avec Aung San Suu Kyi – j’ai été l’un des premiers envoyés occidentaux qu’elle ait reçus à Rangoun –, elle m’a indiqué que le risque, pour certains dirigeants, d’être poursuivis devant une juridiction internationale avait joué dans la transformation positive du régime. C’est un grand succès pour ceux qui il y a vingt ans rêvaient d’une justice internationale, de même que pour toutes les équipes travaillant autour de moi au Quai d’Orsay.

À Goma, à l’est de la République démocratique du Congo, dans la région des Grands Lacs, qui concentre toute la panoplie des violations des droits de l’Homme, nous sommes un des seuls pays à avoir des diplomates sur place, qui sont à l’écoute, protègent et financent des programmes de soutien aux femmes victimes de viol ou aux enfants, alors que l’État est au mieux absent et au pire une menace pour ses citoyens.

On est confronté à des besoins illimités avec des moyens limités : il faut donc inventer des leviers nouveaux, comme le levier culturel. Avoir le premier réseau diplomatique et culturel du monde est à cet égard à la fois une chance et une responsabilité. Pour la journée mondiale de l’abolition de la peine de mort, nous avons ainsi donné instruction à nos ambassades et postes culturels d’organiser des événements sur ce thème dans les pays où elle est encore pratiquée : ce fut le cas notamment à N’Djaména, à Shanghaï ou à Pékin. Ces actions sont peu connues mais permettent aussi d’obtenir des résultats.

Monsieur Janquin, il faut dépasser l’opposition entre souveraineté d’une part et ingérence et responsabilité de protéger d’autre part, en disant que nous ne remettons pas en cause la souveraineté – qui est la base des relations internationales, de la paix dans le monde et des Nations unies – dès lors qu’elle n’est pas une menace pour les populations. La légitimité de la souveraineté des États est justement leur capacité à protéger leur population : ceux qui y dérogent portent donc atteinte à leur propre souveraineté. Cette responsabilité incombe d’ailleurs avant tout aux États.

M. Michel Terrot. Vous vous êtes rendu à la frontière syrienne de la Jordanie pour rencontrer de nombreux réfugiés syriens : quel est votre point de vue sur la gravité de leur situation ?

M. François Zimeray. Je n’ai jamais vu autant de cruauté dans la violence dans les missions que j’ai accomplies.

Je me suis rendu sur place pour vérifier par moi-même les accusations portées contre le régime syrien. Après avoir discuté notamment avec des blessés, dont certains dans un état très grave, je peux dire, au regard des sévices qui ont été infligés, que la Syrie est dirigée par un véritable « gang des barbares ». J’ai en tête par exemple le témoignage d’un père qui avait accompagné son fils asthmatique dans une pharmacie pour acheter un spray : alors qu’il l’attendait dans la voiture, un agent de sécurité aérienne a demandé au fils qui sortait de l’officine s’il était dans les manifestations. Celui-ci lui répondit que oui, après quoi l’agent lui tira une balle dans la tête, lui mit le spray dans la bouche et alla chercher le père en lui disant que son fils l’attendait… J’ai rencontré aussi un directeur d’hôpital, qui m’a raconté avoir reçu pour instruction d’y enlever tous les médicaments afin de le transformer en centre de torture. J’ai eu également connaissance d’un déserteur tankiste qui avait dû tirer dans la foule.

Il y a donc bien dans ce pays des crimes contre l’humanité : j’en ai rendu compte au ministre des affaires étrangères et nous ferons tout pour que ces actes, dont beaucoup touchent des enfants, ne restent pas impunis. Il convient de désigner dans l’appareil d’État les noms des responsables. À cet égard, je me suis assuré que l’on puisse recueillir des témoignages conformément aux règles de la justice internationale – les procès en ex-Yougoslavie ayant notamment montré que certaines personnes ayant sans doute commis des crimes très graves pouvaient être relaxées pour nullité de procédure faute d’avoir réuni les preuves selon les exigences prévalant en la matière.

M. Michel Vauzelle, vice-président. N’a-t-on pas une capacité d’action plus forte à l’égard de violations de droits de l’Homme plus faibles, éparses et n’étant pas le fait d’États importants ? N’y a-t-il pas une inégalité de traitement, voire une injustice, entre la façon dont on poursuit le combat pour ces droits face à des États très puissants comme la Chine, la Russie ou Israël, et celle utilisée par exemple à l’égard du peuple kurde qui touche quatre pays différents ? Ainsi, mène-t-on le même combat contre la peine de mort aux États-Unis et dans d’autres pays où il est plus facile de rappeler le droit de l’homme à la vie ?

M. François Zimeray. Vous posez la question de la cohérence de notre politique, qui est la condition de notre crédibilité. Cohérence d’abord entre ce qu’on s’impose à soi-même et ce qu’on attend des autres. À cet égard, j’organise depuis plusieurs années des visites des prisons françaises pour nos diplomates – lesquels sont amenés à se rendre dans celles des pays où ils se trouvent en poste et à dénoncer parfois des conditions de détention arbitraires ou indignes, voire des procès inéquitables –, sachant que la France a elle-même été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme à ce sujet. Cohérence aussi dans notre action vis-à-vis des différents pays, ce qui est le plus difficile, dans la mesure où l’on se heurte à la réalité subjective de nos liens historiques avec tel ou tel : ma fonction sert aussi à cela, en contrariant au besoin les pentes de l’amitié ou de relations économiques fortes. Autrement dit, ce n’est pas parce que nous avons un programme militaire avec la Russie que je ne vais pas aller en Tchétchénie. La polémique au sujet de l’affaire du Mistral et de la construction de navires de guerre russes en coopération avec la France ne m’a ainsi pas empêché d’aller trois ou quatre fois en Russie, d’être le premier à me rendre en Tchétchénie, d’être présent au procès de Khodorkovski – ce qu’aucun autre ambassadeur occidental n’avait fait –, d’organiser au Quai d’Orsay un grand événement pour donner le nom d’Anastasia Babourova – jeune journaliste de 24 ans abattue en février 2008 dans les rues de Moscou avec l’avocat Stanislas Markelov – à une promotion de jeunes journalistes, d’aller au siège du journal d’opposition Novaya Gazeta ou apporter notre soutien à la Fondation Memorial à Moscou. Nous avons aussi développé avec l’administration pénitentiaire russe un travail conjoint sur la détention des mineurs, qui permet d’aborder des questions très concrètes telles que l’armement des gardiens ou le changement éventuel de régime pour les mineurs accédant à leur majorité. Les organisations défendant les droits de l’Homme et le barreau de Moscou ont d’ailleurs pris part à des séminaires organisés à cet effet.

Il faut faire preuve de beaucoup de volontarisme, lequel consiste non à proclamer que lorsqu’il y a une volonté il y a un chemin, mais que lorsqu’on trouve un chemin, si ténu soit-il, il faut qu’il y ait la volonté. En l’occurrence, le chemin, pour moi, était de favoriser ce travail sur la détention des mineurs.

S’agissant de la Chine, s’il est difficile d’évoquer publiquement des questions liées aux droits civils et politiques, des actions plus discrètes peuvent être conduites. On y constate aussi certains progrès : alors que ce pays est un de ceux où l’on enregistre le plus grand nombre de personnes exécutées, l’an dernier, la cour suprême chinoise a réduit le champ des incriminations susceptibles d’être punies de mort. Je n’exclus pas dans ces conditions qu’il abolisse cette peine avant les États-Unis !

Au sujet de l’affaire du lait frelaté ou des écoles du Sichuan s’effondrant parce que construites par des entrepreneurs corrompus avec des bétons de farine, les victimes ne sont pas mortes d’une catastrophe sanitaire ou naturelle, mais d’un effondrement du droit ! Nous, qui échangeons beaucoup avec la Chine, pouvons montrer que l’avantage de nos produits est de se conformer à certaines normes françaises et européennes attestant un respect des consommateurs, de la santé publique, des origines, des matières ou de la propriété intellectuelle. Le commerce peut donc aussi être une façon de promouvoir les droits de l’Homme. Avec certains pays, quand on ne peut entrer par la porte, il faut le faire par la fenêtre ! Et l’on trouve toujours des interlocuteurs pour parler de ces sujets…

Cela étant, nous avons aussi commis des erreurs. Si nul ne pouvait prévoir les printemps arabes, nul n’aurait dû les exclure, notamment chez nous, qui sommes si proches. La leçon que j’en tire est que nous devons être au contact des réalités et ne pas avoir peur de dire les choses, ce qui ne passe pas forcément par l’offense ou la déclaration publique !

Ce qui a nui à l’image de la France au cours des vingt dernières années, ce sont avant tout nos silences – alors que les paroles peuvent toujours se corriger. Je me bats pour que nous ne soyons pas prisonniers de la peur du faux pas, que les diplomates ont tendance à redouter, ce qui est normal.

L’existence de la peine de mort aux États-Unis et la force des liens que nous avons avec ce pays ne nous ont ainsi pas empêchés d’organiser ici des manifestations pour Troy Davis, d’aller rencontrer plusieurs fois son avocat à Washington et à New York ou de recevoir sa sœur Martina au Quai d’Orsay.

La force des liens que nous avons avec un pays ne doit donc pas être un obstacle à un discours sur les droits de l’Homme mais au contraire le conforter. A contrario, il faudrait beaucoup d’orgueil pour imaginer que notre voix serait entendue de pays avec lesquels nous n’aurions pas d’intérêts communs : elle ne peut l’être que si on compte pour eux ! Pour cela, il faut créer de l’interdépendance, sur tous les plans – culturel, scientifique, économique – et profiter de celle-ci pour donner sa force à un dialogue sur les droits de l’Homme.

M. Philippe Cochet. Vous avez lancé Medbridge, initiative pour le dialogue euro-israélo-arabe : quelle est la situation des droits de l’Homme dans cette partie du Moyen-Orient ?

Par ailleurs, votre action donne-t-elle lieu à un rapport annuel ?

M. René Rouquet. En Biélorussie, l’exécution d’un jeune a ému le Conseil de l’Europe ; de même, celui-ci est intervenu au sujet de l’Ukraine, sans obtenir beaucoup de résultats, alors qu’existe une interdépendance : quelle est notre capacité d’action en la matière et comment l’améliorer ?

M. François Rochebloine. Concernant la Syrie, vous avez parlé de « gang des barbares » : or, on a l’air de s’étonner aujourd’hui alors qu’on a fait la part belle à Bachar el-Assad et à son père, auxquels nous avons réservé un accueil favorable. Peut-être n’aurions-nous pas dû le faire. Il en est de même s’agissant des anciens dirigeants libyens.

Par ailleurs, quelle est votre action s’agissant de Gaza ? Quelles sont vos relations avec votre homologue du Conseil de l’Europe ? Menez-vous une action en matière de mines antipersonnel et de bombes à sous-munitions, contre lesquelles la France a beaucoup œuvré ?

M. François Zimeray. S’agissant de Gaza et du Moyen-Orient, les droits de l’Homme ne se divisent pas : il n’y a pas des violations qu’il faille dénoncer et d’autres qu’il faille occulter, de même qu’il n’y a pas de bonnes victimes et de mauvaises.

La France a une position équilibrée, qui a pu varier dans le style, mais non sur le fond au sujet du conflit israélo-arabe. Du côté israélien, le sort réservé aux migrants nous préoccupe, notamment à la suite de certaines expulsions massives et de déclarations assez troublantes.

Il en est de même des questions liées au conflit avec Israël et à l’occupation de la Cisjordanie, ainsi que des querelles interpalestiniennes, qui sont porteuses de violations des droits de l’Homme assez féroces – le Hamas n’étant pas respectueux des droits fondamentaux, comme l’attestent certains cas d’exécution, de torture, de disparition forcée, de détention arbitraire ou de procès inéquitable. Sur les détentions arbitraires, notamment la détention administrative, nous avons aussi fait des remarques au gouvernement israélien.

Se pose également la question du droit des femmes, en particulier à Gaza, ou celui des homosexuels. Je me suis rendu deux fois à Gaza, avant et après le conflit, et j’y ai rencontré Richard Goldstone.

Je n’ai pas le sentiment que nous soyons partiaux : il n’est pas de violations des droits de l’Homme que nous ne sachions dénoncer, d’où qu’elles viennent. Mais il est vrai que la question des droits de l’Homme est souvent masquée derrière la question politique et a tendance à passer au second plan, ce qui n’est pas sans poser problème. La prééminence de la dimension politique dans ce conflit rend plus difficile l’évocation de ces droits, qui risquent d’être instrumentalisés. Si vous dénoncez les violations faites par le Hamas, vous risquez d’être accusé d’être pro-israélien et, réciproquement, de subir le reproche inverse si vous critiquez Israël ! Notre ambassade à Tel Aviv et notre consulat général à Jérusalem évoquent objectivement tous ces sujets avec nos interlocuteurs ; à cet égard, notre présence à Gaza est essentielle, même si cela est peu connu : je me suis rendu sur place dans notre centre culturel, lequel est un lieu de promotion des droits de l’Homme – je me souviens y avoir vu des femmes se dévoiler, y exprimer leur sentiment de liberté et échanger sur ordinateur.

Monsieur Cochet, mon action ne donne pas lieu à un rapport annuel, mais j’estime qu’un tel rapport – non sur les droits de l’Homme dans le monde, qui demanderait trop de moyens et pourrait donner lieu à critique, mais sur la défense de ces droits dans l’action extérieure de la France – serait justifié, car peu savent le travail que nous faisons. Si le Parlement nous le demande, je serais heureux de venir vous en rendre compte.

M. Philippe Cochet. Cela me semble utile, en effet.

M. François Zimeray. Monsieur Rochebloine, je ne suis pas choqué qu’on ait reçu les dirigeants syriens ou Kadhafi – on continuera à recevoir des gens peu respectables, dans la mesure où il faut tenir compte des réalités si l’on veut espérer les faire changer ! Mais ce que je regrette, c’est que, les ayant reçus, on n’ait pas essayé de construire avec eux une politique de progrès sur les droits de l’Homme, alors que la situation commençait alors à évoluer en la matière, notamment en Libye. Human Rights Watch avait fait pour la première fois, en 2008-2009, un rapport critique sur la Libye – présenté dans un grand hôtel de Tripoli en présence de la presse libyenne – saluant un début d’amélioration de la liberté d’expression dans ce pays. Beaucoup des futurs révolutionnaires étaient présents et on aurait pu, à ce moment-là – où la Libye avait un désir de respectabilité et de normalisation de ses relations avec le monde –, saisir la main tendue, en revenant tous les trois mois sur place pour construire une politique des droits de l’Homme comme nous le faisons aujourd’hui, au travers de la formation d’avocats ou de magistrats ou d’une collaboration avec des journalistes.

S’agissant de la Syrie, les analyses dont nous disposions à l’époque nous laissaient penser que ce régime aurait pu évoluer autrement. Nous avons essayé une voie fondée sur le dialogue qui a échoué : il n’y a pas lieu après coup de le déplorer. A contrario, quand on opte pour la force, on nous reproche d’agir en matamores et de nous servir de la responsabilité de protéger pour mener des croisades sans donner suffisamment sa chance à la diplomatie. La politique de dialogue a un prix : mettre un peu l’esthétique, le narcissisme ou le romantisme dans sa poche !

M. François Loncle. Le rapport de la mission parlementaire menée par Élisabeth Guigou et Renaud Muselier sur la place de la Syrie dans la communauté internationale allait d’ailleurs dans ce sens.

M. François Zimeray. La Biélorussie et l’Ukraine sont deux pays très différents – celle-ci étant beaucoup plus ouverte – ayant en commun d’être aux portes de l’Europe et très dépendants d’elle.

S’agissant de la Biélorussie, pour la femme d’Alès Bialiatski, vice-président de la FIDH, grand défenseur des droits de l’homme, qui recevra peut-être un jour le prix Nobel de la paix et est incarcéré pour abus de la liberté d’expression à Minsk, avoir été reçue au Quai d’Orsay est un encouragement considérable.

Nous n’hésitons pas en effet à soutenir ouvertement les défenseurs des droits de l’Homme : j’ai ainsi reçu l’équipe de Ioulia Timochenko à l’ambassade de France à Kiev et je suis heureux d’entendre ses amis me dire que c’est de l’ambassade de France qu’ils se sentent le plus proche, même si cela ne fait pas la une des journaux ni ne produit de résultat spectaculaire.

Faut-il aller plus loin dans les sanctions ? À titre personnel, je pense que les conditions de circulation en Europe pourraient être rendues plus difficiles à certains, ce qui, pour un pays ouvert comme l’Ukraine, pourrait être dissuasif. Notre boycott politique de l’Euro de football 2012 a joué à cet égard un rôle important.

S’agissant de la Biélorussie, j’ai demandé à y aller – je ne sais pas si j’aurai le visa – pour voir notamment Alès Bialiatski dans sa prison.

Ce sujet pose à nouveau la question de notre propre attractivité, les perspectives offertes par l’Europe ne suffisant pas à obtenir les changements que nous demandons. Nous devons en tirer les leçons au niveau européen.

M. François Rochebloine. Quelles sont vos relations avec le Conseil de l’Europe ?

M. François Zimeray. Le bras armé sur ces questions est la Cour européenne des droits de l’Homme qui en dépend ainsi que les rapports du Conseil sur les droits de l’Homme. Je reçois régulièrement son commissaire sur les droits de l’Homme La jurisprudence de la Cour est essentielle pour nous et nous sommes très impliqués à Strasbourg en la matière. Cette juridiction est de plus en plus respectée et dispose d’une aire géographique importante. Elle fait d’ailleurs des émules, la France ayant proposé une coopération avec la Cour interaméricaine des droits de l’Homme et la nouvelle Cour africaine des droits de l’Homme, qui s’inspire du modèle européen.

M. François Rochebloine. Elle est de plus en plus embouteillée…

M. François Zimeray. Oui, elle est victime de son succès. Elle n’en joue pas moins un rôle très utile, y compris en Russie.

S’agissant de la lutte contre les mines antipersonnel et les bombes à sous-munitions, elle relève plus du droit humanitaire, du droit de la guerre et de la direction des affaires stratégiques que de la direction des droits de l’Homme. La France joue en effet un rôle moteur dans ce domaine.

M. Michel Vauzelle, vice-président. Merci, monsieur l’ambassadeur. Nous avons à la fois gratitude et respect pour votre travail et votre engagement.

Souvent, on nous fait à l’étranger une réputation de donneur de leçons, mais on sait bien que la France ne restera une grande puissance morale que par le type d’actions que vous menez.

La séance est levée à douze heures.

*

Informations relatives à la commission

La commission nomme les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2013.

– Affaires européennes :

– Action extérieure de l’Etat :

– Action extérieure de l’Etat :

– Aide publique au développement :

– Défense :

– Ecologie, développement et aménagement durables :

– Economie

– Immigration, asile et intégration :

– Médias :

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Au cours de sa séance du mercredi 11 juillet 2012, la commission a nommé :

– M. Michel Vauzelle, rapporteur du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération civile franco-afghan ;

– M. Noël Mamère, rapporteur du projet de loi autorisant la ratification de la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires (n° 8) ;

– M. Guy-Michel Chauveau, rapporteur du projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires (n° 11) ;

– Mme Odile Saugues, rapporteure du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques (n° 6) ;

– M. Serge Janquin, rapporteur du projet de loi autorisant la ratification de l'accord relatif aux pêches dans le sud de l'Océan Indien (n° 7) ;

– M. Jean-Louis Christ, rapporteur du projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres (n° 9) ;

– Mme Chantal Guittet, rapporteure du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la république française et le Gouvernement de la république socialiste du Vietnam pour la création et le développement de l'université des sciences et technologies d'Hanoï (n° 10) ;

– M. Michel Terrot, rapporteur du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques du 19 décembre 1938 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique (n° 12) ;

– M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur la coopération policière (n° 497 Sénat (2011-2012)) ;

– Mme Seybah Dagoma, rapporteure du projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre la République française et la République fédérale d'Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts (n° 372 Sénat (2010-2011)) ;

– M. Henri Plagnol, rapporteur du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État des Émirats arabes unis (n° 496 Sénat (2011-2012)) ;

– M. Jacques Myard, rapporteur du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'établissement du bloc d'espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d'Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse (n° 421 Sénat (2011-2012)) ;

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 11 juillet 2012 à 10 heures

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, Mme Pascale Boistard, M. Jean-Claude Buisine, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-Louis Christ, M. Philippe Cochet, M. Philip Cordery, M. Édouard Courtial, M. Jacques Cresta, Mme Seybah Dagoma, M. Michel Destot, M. William Dumas, M. Jean-Paul Dupré, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, Mme Estelle Grelier, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, Mme Chantal Guittet, M. Serge Janquin, M. Laurent Kalinowski, M. Pierre Lellouche, M. Pierre Lequiller, M. François Loncle, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Alain Marsaud, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. Guy Teissier, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Gérard Charasse, M. Frédéric Cuvillier, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean Glavany, M. Jean-Jacques Guillet, Mme Françoise Imbert, M. Lionnel Luca, M. Jean-Claude Mignon, M. Henri Plagnol, M. André Schneider