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Commission des affaires étrangères

Mardi 24 juillet 2012

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 8

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente

– Afghanistan – traité d’amitié et de coopération (n° 101) – M. Michel Vauzelle, rapporteur

– Amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires (n° 11) – M. Guy-Michel Chauveau, rapporteur 11

– Accord relatif aux pêches dans le sud de l'Océan Indien (n° 7) – M. Serge Janquin, rapporteur 13

– Informations relatives à la commission 15

Afghanistan – traité d’amitié et de coopération (n° 101)

La séance est ouverte à dix-sept heures trente cinq.

La commission examine, sur le rapport de M. Michel Vauzelle, le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité d'amitié et de coopération entre la République française et la République islamique d'Afghanistan (n° 101).

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Le traité franco-afghan dont nous sommes aujourd’hui saisis, après le Sénat, a été signé, à Paris, le 27 janvier dernier, par les présidents Sarkozy et Karzaï. C’est un traité d’amitié et de coopération, le premier signé par notre pays avec l’Afghanistan mais aussi le premier signé par ce pays avec un Etat situé en dehors de son proche environnement régional. L’objet de ce traité est simple : organiser la coopération bilatérale franco-afghane dans les domaines essentiels au développement de l’Afghanistan. L’examen de ce texte était attendu à l’heure où la fin de notre présence militaire sur le sol afghan se profile. Il importe désormais de réussir cette nouvelle orientation et le traité que nous examinons y contribuera grandement.

En effet, après 11 ans de présence en Afghanistan, le temps est maintenant venu de redéfinir notre relation avec ce pays. Lorsqu’à la suite du 11 septembre 2001, la France décida d’intervenir en Afghanistan, c’était tant par solidarité avec nos amis et alliés américains que parce que le sol afghan était devenu un sanctuaire pour le terrorisme international auquel il convenait de mettre fin. Le cadre de cette intervention était précis et impliquait un détachement militaire limité. Cela est très important pour la suite de mes propos. Rapidement, cependant, notre présence s’accrut. À partir de 2003, la FIAS – Force internationale d’assistance et de sécurité – créée par l’ONU à la fin de 2001, passa sous le commandement de l’OTAN et la France décida d’envoyer des forces spéciales combattantes, marquant ainsi un pas supplémentaire dans notre engagement. L’année 2008 représenta un tournant. A la suite du sommet de l’OTAN de Bucarest, parallèlement au retour de la France dans le commandement intégré de l’Alliance, le Président Sarkozy décida d’accroître considérablement le nombre de soldats déployés alors même que des signes d’enlisement étaient déjà patents. L’opposition d’alors – devenue la majorité d’aujourd’hui – ne manqua pas de contester cette approche n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation préalable et n’étant pas entourée de perspectives suffisamment précises pour les Afghans. Malheureusement, les mois qui suivirent confirmèrent l’impasse dans laquelle se trouvait la coalition. La faute n’en revient certainement pas à nos soldats. 87 d’entre eux ont perdu la vie sur le théâtre afghan. Je pense me faire votre interprète pour leur rendre encore une fois l’hommage qu’ils méritent, tout comme d’ailleurs aux 700 blessés français tout au long du conflit.

L’année 2010 vit une nouvelle stratégie apparaître avec le lancement d’un processus de transition visant à transférer la sécurité du pays aux autorités afghanes d’ici la fin de l’année 2014. La menace terroriste qui visait notre territoire national – comme celui de nos alliés – à partir de l’Afghanistan, sans avoir totalement disparu, avait été en partie jugulée. De même, il était évident que la présence internationale sur le sol afghan n’avait pas vocation à durer éternellement, au risque de ressembler davantage à une armée d’occupation. Les Afghans aspiraient à retrouver le plein exercice de leur souveraineté.

La récente décision prise par le Président de la République de retirer nos troupes combattantes d’ici la fin de l’année s’inscrit donc dans ce cadre-là. Elle a été expliquée à nos alliés qui l’ont parfaitement comprise. Elle a été approuvée par le gouvernement afghan qui vient de prendre le contrôle de la Surobi et s’apprête à le faire totalement, d’ici novembre, pour la Kapisa.

Car le retrait des forces combattantes a déjà commencé. Alors que la planification précédente prévoyait un retrait de 1000 soldats en 2012, 2200 d’entre eux auront quitté l’Afghanistan d’ici la fin de l’année. S’agissant du matériel, plusieurs rotations aériennes ont déjà eu lieu. L’essentiel aura lieu à l’automne et à l’hiver prochains lorsque les conditions climatiques rendront plus aisés les mouvements des gros porteurs. En ce qui concerne les matériels les moins sensibles, la voie terrestre sera privilégiée. Il semble que les voies « nord », c'est-à-dire via l’Ouzbékistan et le Kazakhstan, seront prioritaires même si la voie « sud », via le Pakistan, vient de rouvrir à la suite du récent dégel des relations américano-paskistanaises.

Bien entendu, ce retrait ne signifie pas abandon. L’Afghanistan a besoin d’aide et la France entend participer à l’effort international en faveur de ce pays qui est encore loin de la stabilité. Nous connaissons tous sa fragilité, celle de ses institutions mais aussi – et surtout – de son peuple. L’espérance de vie des Afghans est aujourd’hui de 44 ans à peine. La violence et la corruption y sont omniprésentes et bon nombre de droits fondamentaux sont quotidiennement bafoués. Je pense notamment aux droits des femmes. Au début du mois, la diffusion sur internet de l’horrible exécution d’une jeune femme de 22 ans résume à elle-seule bon nombre de difficultés que rencontre l’Afghanistan. Car au-delà de l’horreur du crime, on constate qu’aujourd’hui, à moins de 100 kilomètres de Kaboul, des hommes à visage découvert n’hésitent pas à assassiner lâchement une femme et à s’en vanter devant le monde entier. Manifestement, le chemin à accomplir est encore long.

Pourtant, la France ne doit pas rougir des résultats de sa présence – et de ceux de la communauté internationale – depuis 11 ans, en Afghanistan. Des progrès ont malgré tout été faits. Le pays est désormais doté d’une constitution. Une armée et des forces de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’hommes existent. Certes, elles sont loin d’être parfaites mais on partait de zéro ! L’enseignement a progressé, notamment celui des jeunes filles. Il était inexistant sous les Talibans. 90 % des enfants sont aujourd’hui vaccinés contre la poliomyélite contre à peine un quart avant l’intervention de la coalition. 85 % de la population a aujourd’hui accès à un dispensaire médical contre 9 %, seulement, en 2002.

Des progrès ont été faits mais ils sont largement insuffisants. L’aide internationale a eu des résultats et ne doit pas être interrompue. C’est dans cette perspective que le traité franco-afghan qui nous est soumis revêt une grande utilité.

Ce texte énumère les principaux domaines dans lesquels les partenariats franco-afghans doivent être noués ou approfondis. Dans ce cadre, il envisage plusieurs projets et actions mais le détail de leur mise en œuvre est renvoyé à des programmes de 5 ans. Le premier de ce programme, directement applicable, a été signé le 27 janvier 2012, en même temps que le traité et n’a pas à être ratifié. Je le publierai en annexe de mon rapport.

Neuf secteurs de coopération sont donc envisagés et précisés par ce traité.

Le premier est la défense. C’est là un secteur majeur dans lequel la France s’est particulièrement investie depuis 10 ans en particulier au niveau de la formation. Ces actions seront poursuivies et le traité exclut expressément que les soldats que nous enverrons sur le sol afghan, à cette fin, puissent participer à des combats. De même, ce partenariat ne signifie pas clause de défense ou d’assistance et n’entend pas rentrer en conflit avec les actions qui sont ou seront entreprises dans un cadre multilatéral.

Le deuxième secteur couvert par le traité du 27 janvier 2012 est la coopération en matière de sécurité intérieure. La France s’engage à aider l’Afghanistan à créer une gendarmerie et à poursuivre des missions de formation en matière de police judiciaire, de lutte contre la criminalité organisée et les trafics. L’enjeu est d’importance. La drogue, par exemple, entrave sérieusement le développement de l’économie afghane, mine les chances de reconstruction du pays, gangrène l’Etat et nourrit le terrorisme avec une imbrication croissante entre les Talibans et les réseaux de trafiquants. La solution contre ce fléau ne viendra pas de la seule coopération franco-afghane mais il est heureux de constater que les deux pays entendent continuer de travailler sur cette question à l’avenir.

Le troisième secteur couvert par le traité franco-afghan est l’agriculture. Jusqu’à présent, ce secteur a été le principal bénéficiaire de l’aide bilatérale apportée par notre pays. Afin de poursuivre cette coopération, il est notamment envisagé d’aider l’Afghanistan à créer un réseau de lycées techniques agricoles et de mettre en place un plan d’aide à la création de coopératives agricoles.

La santé est le quatrième domaine couvert par le traité d’amitié. Les objectifs sont ambitieux et visent à aider l’Afghanistan à sortir de la situation sanitaire « médiévale » dans laquelle souffre son peuple. Il est prévu que l’Institut médical français de l’enfant, créé en 2006 à partir de fonds privés et soutenus par la France, joue un grand rôle en la matière.

Cinquième domaine évoqué par le traité, l’éducation et la recherche. C’est un domaine emblématique de la coopération franco-afghane, tout comme l’est celui de la culture et de l’archéologie, le sixième cité par le traité. L’accent est notamment mis sur l’enseignement de la langue française ainsi que sur les lycées Esteqlal et Malalaï de Kaboul. Ces deux établissements emblématiques, respectivement fondés en 1923 et 1946 ont pendant des décennies formé l’élite francophone de l’Afghanistan. L’ayant quitté en 1985, ils ont été parmi les premiers à revenir en mars 2002 et sont aujourd’hui de dynamiques ambassadeurs de notre culture sur lesquels les coopérations futures devront s’appuyer. En matière de culture et d’archéologie, le traité souligne la nécessité de faciliter les activités de l’Institut français d’Afghanistan et de la Délégation archéologique française en Afghanistan, fondée en 1922, par le biais d’emphytéoses d’une durée de 99 ans.

L’administration et l’Etat de droit forment le septième secteur de coopérations cité par le traité. Les coopérations menées jusqu’à ce jour par la France seront maintenues. C’est notamment le cas s’agissant du parlement afghan qui, depuis 2004, entretient des liens avec notre Assemblée et le Sénat. Il y a à peine un mois, deux administrateurs de notre assemblée étaient à Kaboul pour assurer des formations de rédaction de textes de lois et de sensibilisations aux enjeux des réformes électorales.

Huitième secteur de coopération entre la France et l’Afghanistan : les infrastructures. La France a particulièrement aidé ce pays dans ce domaine-là, notamment en Kapisa et dans le district de Surobi par l’intermédiaire du « Pôle de stabilité », une structure civile interministérielle, adossée à la Task Force La Fayette. Il est envisagé que la France poursuive les actions menées sous son égide, notamment l’électrification de la Kapisa.

Enfin, le dernier secteur de coopération cité par le traité est l’économie. Il y a un marge de manœuvre importante car les relations commerciales franco-afghanes sont aujourd’hui marginales. Nos exportations vers l’Afghanistan se sont élevées à 43,7 millions d’euros en 2011, loin derrière un pays comme l’Allemagne avec 268 millions. Les raisons liées à cette faible présence économique sont nombreuses. La sécurité joue un rôle important tout comme aussi un environnement peu favorable aux affaires. Pourtant, l’Afghanistan est susceptible d’offrir des perspectives intéressantes dans le secteur de la construction, des hydrocarbures ou de l’eau par exemple. Le secteur minier, en revanche souvent cité parmi les principales opportunités du pays, a déjà été largement préempté par l’Inde et la Chine, principaux consommateurs de minerais dans le monde.

En échange de ces engagements, la France a obtenu les traditionnelles exemptions fiscales, inviolabilités et immunités de juridictions qui bénéficieront à ses coopérants. L’Afghanistan s’est bien évidemment engagé à lutter contre toute menace émanant de son territoire et visant nos intérêts mais aussi à coopérer en matière de lutte contre la drogue et le terrorisme. Cela va de soi mais il est utile que ces objectifs soient officiellement rappelés et endossés par les plus hautes autorités afghanes. Si notre pays entend demeurer au côté de l’Afghanistan, il serait inconcevable de continuer dans cette voie s’il redevenait un sanctuaire du terrorisme international ou si ses gouvernants décidaient d’entrer dans un intolérable « double jeu » à nos dépens.

Par ailleurs, je signale que le traité créé trois commissions qui institutionnaliseront le dialogue franco-afghan à un niveau élevé. Une sera spécialisée dans les questions de défense, une autre dans les questions de sécurité intérieure et l’autre aura une compétence plus générale. Elles se réuniront alternativement, chaque année, à Paris ou à Kaboul.

Je viens de vous décrire succinctement un traité ambitieux mais, comme tous ici, je suis loin d’être certain des conditions dans lesquelles il sera mis en œuvre. Le succès de ce traité est loin d’être acquis.

Il devra notamment affronter une situation budgétaire tendue. La France devrait consacrer 308 millions d’euros à l’Afghanistan entre 2012 et 2016, soit environ 50 millions par an, contre 30 auparavant. L’effort est loin d’être anodin. Le traité ne vaut pas engagement de crédits. Ces derniers devront être votés chaque année par le Parlement et il est difficile de garantir la pérennité de l’effort dans un contexte budgétaire dégradé. De surcroît, il n’est pas certain que l’Etat afghan ait les capacités d’absorber toute l’aide internationale qui lui est promise. La majorité de nos actions ne transiteront donc pas par son budget tant par souci d’efficacité que volonté d’assurer un contrôle efficace des sommes versées.

La deuxième ombre qui pèse sur le traité que nous examinons aujourd’hui est la violence. La situation sécuritaire de l’Afghanistan s’est considérablement dégradée depuis 2006. Il serait inacceptable que nos coopérants aient à en pâtir. 300 soldats devraient assurer la sécurité de nos installations. De même, des mesures ont été prises pour éviter les infiltrations. En tout état de cause, la sécurité doit être une priorité absolue devant même primer, le cas échéant, sur le calendrier.

A ce problème de violence s’ajoute celui de la corruption et, plus largement, d’un environnement défavorable aux affaires. Autant de facteurs incitant peu nos entreprises à investir en Afghanistan.

Enfin, on peut se poser la question, cruciale, de savoir si l’Afghanistan parviendra à surmonter le départ de la coalition en 2014. Au-delà de considérations financières et de la capacité de l’Afghanistan à encaisser – certes en étant aidé – le choc que constituera le départ de milliers de soldats occidentaux, il est difficile de prévoir l’évolution du pays lorsque reviendra aux seules armée et police afghanes d’assumer elles-mêmes la responsabilité de la sécurité. Peut-on espérer que, certes confronté à de lourdes difficultés, l’Afghanistan réussira malgré tout à progresser vers une relative normalité et à s’éloigner du modèle du « narco-Etat » vers lequel il a tant dérivé ? L’avenir y répondra et le sens de cette réponse dépendra en partie de l’aide que la communauté internationale continuera à apporter à l’Afghanistan. Mais elle dépendra surtout de la capacité des Afghans eux-mêmes à se réconcilier. Elle dépendra également de l’attitude qu’adopteront ses voisins au premier rang desquels le Pakistan qui, trop longtemps « manipulateur », doit désormais saisir la chance historique de devenir un « facilitateur » et de contribuer à la stabilisation et à la pacification de la région.

En tout état de cause, il conviendra de faire preuve de vigilance. Comme l’a réaffirmé le ministre des affaires étrangères à la récente conférence de Tokyo, il y a des « lignes » rouges à ne pas franchir. L’Afghanistan doit s’engager résolument dans la voie d’une bonne gouvernance, de l’organisation d’élections équitables dans les délais impartis, de la mise en œuvre des recommandations économiques internationales, de la lutte contre la corruption, du respect des droits de l’Homme et notamment du droit des femmes. Les projets de coopération qui seront mis en œuvre en application du traité devront réellement profiter à l’ensemble de la population afghane et ne devront associer que ceux qui respecteront les engagements que je viens de mentionner. Il appartiendra aussi au Parlement de se tenir régulièrement informé et de suivre avec attention la poursuite et l’approfondissement de nos partenariats avec l’Afghanistan. A cette fin, j’émets le vœu que le Gouvernement nous tienne régulièrement informé de l’état d’avancement des différents dossiers et fasse également le point sur l’évolution de la situation sécuritaire de nos coopérants restés sur place ou envoyés en Afghanistan.

En dépit des doutes que je viens d’exprimer, il me semble cependant que le traité que nous examinons cet après-midi peut constituer un cadre intéressant pour l’avenir des relations franco-afghanes.

C’est donc au bénéfice de ces observations que je vous invite à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

Mme Elisabeth Guigou, présidente. Je remercie le rapporteur pour son excellent et très exhaustif rapport.

M. Jean-Paul Bacquet. Ce rapport est effectivement excellent. J’ai toutefois une inquiétude et un doute quant à l’efficacité de ce traité. On dit que l’espérance de vie est de 44 ans. Quelle est, alors, le taux de fécondité ? L’article 5 du traité concerne le domaine de la santé, il prétend contribuer à la réduction de la mortalité maternelle et fait de la lutte contre la mortalité infantile une priorité. Mais le parallèle peut-être fait en Afghanistan avec la situation du Niger dont on parlait tout à l’heure avec le ministre, à savoir qu’il y aurait surtout un effort majeur à faire quant à l’éducation des femmes et leur contraception : comment espérer diminuer la mortalité maternelle lorsqu’on a des taux de natalité aussi importants ?

Quant au volet concernant la gendarmerie, est-ce que ce seront des gendarmes français ou des policiers qui seront envoyés faire de la formation, alors qu’on sait qu’ils ne vont déjà plus dans les territoires d’outre-mer pour des raisons de confort ?

Enfin, on ne parle pas de l'AFD alors même que la crédibilité de notre action se pose lorsqu’on intervient majoritairement par des prêts plutôt que par des dons ; il s’agit de pays pauvres – et de nouveau le parallèle peut être fait avec le Niger – qui ne sont pas solvables.

Même si les situations ne sont pas comparables, je pense aussi au Kosovo, et à la corruption généralisée ; nous allons travailler à former des troupes de sécurité en puisant dans des viviers d’extrémisme : la crédibilité de notre action se pose.

M. Axel Poniatowski. Je félicite le rapporteur pour son accouchement talentueux mais néanmoins douloureux ! Je rappelle que ce texte a été négocié par le précédent gouvernement, qu’il était lié au retrait des forces armées françaises et que cette politique n’a cessé d’être critiquée par l’opposition de l’époque. Pendant 20 minutes, par des circonvolutions hasardeuses, le rapporteur a surtout tenté de justifier le positionnement du parti socialiste sur la question alors même qu’il ne s’agit que de problématiques techniques.

La reconstitution historique est en fait des plus simple : en janvier 2002, une décision a été prise d’envoi d’un contingent français ; en 2003, des combattants ont été ensuite envoyés sur place, alors même que la France n’avait pas encore réintégré l’OTAN et en 2010, enfin, il a été décidé d’augmenter ce contingent pour des actions de formation. La seule nouveauté introduite par le Président Hollande a porté sur l’anticipation du retour d’un an par rapport à ce que Nicolas Sarkozy avait décidé, et il n’était pas nécessaire de mettre autant de complexité dans les explications pour indiquer que l’on est pour l’approbation de ce traité.

Cela étant, j’ai une question technique : l’article 3 aborde la question de matériels militaires importés en Afghanistan à titre éventuellement non onéreux. S’agit-il de matériels pour la formation ou pour l’équipement des forces armées afghanes ?

M. Jean-Paul Dupré. Les relations entre la France et l’Afghanistan sont anciennes, tant sur le plan diplomatique que sur celui de la coopération, qui a porté traditionnellement sur l’éducation ou l’archéologie. Celle qui est aujourd'hui prévue est plus large. Quelles sont les exigences mises dans le traité en matière de respect des droits des femmes par la Partie afghane et quel est le degré de loyauté des forces armées afghanes par rapport au gouvernement de ce pays ?

Mme Odile Saugues. Une question sur les filles et l’enseignement : quel est le pourcentage de filles ayant accès à l’enseignement et quels moyens la France met-elle en œuvre dans cet accord pour augmenter l’enseignement des filles ?

Mme Seybah Dagoma. Ma question porte sur l’article 3 du traité et la volonté en matière de lutte contre le crime organisé et les trafics notamment de stupéfiants ou de migrants. Au-delà de cette coopération juridique entre les deux Parties, des conventions internationales s’appliquent, notamment la convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés. En 2011, 28 000 demandeurs d’asile venaient d’Afghanistan, dont plus de 13 000 ont bénéficié d’une protection. Je voudrais des précisions sur ce sujet quant à la protection des réfugiés afghans et qu’une distinction soit faite par rapport à l’immigration légale.

M. Michel Vauzelle, rapporteur. En ce qui concerne la santé, les données sur la mortalité sont effrayantes et le nombre moyen d’enfants par femme est supérieur à 5. La mortalité infantile est également considérable et la France porte une attention soutenue à ces questions depuis longtemps. Je ne sais ce qu’il en est des gendarmes, mais en ce qui concerne les médecins, la réputation de la coopération de la France n’est plus à faire. C’est la même chose, par exemple au Vietnam. En Afghanistan, notre coopération en la matière est fort appréciée, je vous renvoie par exemple à l’hôpital français de Kaboul qui est devenu très important, et qui pourrait avoir un rôle en matière de formation de médecins et d’aides-soignants.

Sur mon accouchement laborieux, je dirais qu’au contraire, le texte me paraît important. Depuis les années 1920, nous avons des devoirs vis-à-vis de l’Afghanistan, c'est-à-dire depuis l’époque où l’intérêt manifesté par les élites de ce pays vis-à-vis de notre pays n’était pas le même qu’ils avaient envers le Royaume-Uni, par exemple. Tout cela est donc important en regard de ces engagements et, plus récemment, de ceux que la gauche et la droite ont pris ensemble en 2002. Un changement est intervenu en 2008 avec la décision de réintégrer le commandement militaire de l’OTAN, ce que je continue de trouver fâcheux pour ma part, mais un grand pays comme la France doit savoir adapter sa politique si besoin est, notamment quand il y a comme ici un danger d’enlisement. C’est aussi une question morale vis-à-vis de la douleur des morts pour la France en Afghanistan. Si François Hollande n’a pas fait de geste plus tôt, c’est simplement qu’il n’était pas Président de la République. Mais le geste est clair : il témoigne d’une solidarité avec l’Afghanistan. Ce n’est pas une impasse, et l’analyse est partagée avec les Etats-Unis et les autres membres de l’alliance. C’est la seule question. Ce n’est pas un abandon, c’est un retrait. Ce traité signé par Nicolas Sarkozy le prouve et il y a eu un accord à ce sujet, par exemple à la réunion de Chicago, encore récemment.

En réponse à la question de Jean-Paul Dupré sur les droits des femmes, je dirais que l’intérêt du traité est précisément de donner un moyen de pression sur le gouvernement pour que ces droits soient respectés. Ce n’est pas un vœu pieux. Il ne s’agit pas de partir d’Afghanistan sans engagement du gouvernement et avec l’assurance que les choses avancent. Il y a des discussions sur les questions de sécurité, de santé. En matière d’éducation, des progrès très nets ont été faits depuis 10 ans. Des écoles ont été construites partout, le nombre des inscriptions a été multiplié par 6 et, aujourd'hui, sur les 7 millions d’enfants scolarisés, 3 sont des filles, chiffre jamais atteint jusqu’alors dans le pays.

M. Guy Teissier. Essentiellement dans la région de Kaboul.

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Avec l’espoir que cela s’étende à d’autres régions.

Mme Seybah Dagoma. Le traité n’évoque que l’immigration légale. Or, on sait que 10 % des demandeurs d’asile en Europe sont Afghans.

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Je ne peux malheureusement répondre avec précision à votre question. Le sujet est limité car il y a peu de ressortissants français en Afghanistan et également peu d’Afghans en situation régulière en France. Je vais me renseigner pour vous apporter une réponse plus précise.

M. Alain Marsaud. M. le rapporteur a commencé son intervention en nous dressant le tableau d’une contrée paisible et prospère qui aurait bien pu être la Finlande ou le Canada. Cette description est hélas très éloignée de ce qu’est aujourd’hui l’Afghanistan et de ce qu’il sera demain.

Opposé à l’engagement de nos forces armées dans ce pays dès 2002, j’étais plus opposé encore à l’intensification de nos opérations décidées par M. Sarkozy, car le sacrifice de nos soldats pour M. Karzaï, ce chef corrompu, est intolérable. L’Etat afghan est un échec : dépourvu de toute administration digne de ce nom, il ne repose que sur la corruption et les trafics en tous genres. Pire encore, le gouvernement de M. Karzaï a déjà trahi notre confiance avec le Pakistan, et la trahit encore aujourd’hui avec les talibans, dont chacun sait bien qu’ils reprendront le pouvoir en 2014, une fois les troupes alliées parties. M. Karzaï, quant à lui, a d’ores et déjà préparé sa retraite en plaçant sa fortune aux Etats-Unis.

C’est pourquoi le traité qui nous est proposé est une insulte à nos soldats et à l’ensemble de nos concitoyens. L’Afghanistan, demain comme hier, sera fait de trois ingrédients : les talibans, la burka et la drogue ! Dans ces conditions, je voterai contre le projet de ratification de ce traité.

M. Jean Glavany. Quant à moi, je voterai pour ce texte, car il se fonde sur une analyse politique qui devrait dépasser les clivages partisans : il est plus noble de cesser la guerre par un geste d’amitié que par un départ piteux.

Je me réjouis que le Président de la République ait tenu l’engagement pris devant les Français d’anticiper le retrait de nos troupes, engagement qu’il a fait accepter par nos alliés, dont M. Obama, en dépit des cris d’orfraie entendus pendant la campagne électorale. Cela étant, je m’interroge sur le contrôle démocratique des missions confiées à nos armées. En effet, l’engagement initial de nos troupes en 2001, objet d’un consensus entre MM. Chirac et Jospin, avait été décidé sous l’égide de l’ONU afin non seulement de manifester notre solidarité envers les Etats-Unis, mais surtout de renverser le régime taliban et de combattre Al Qaida. Or, très vite, les talibans ont été renversés et Al Qaida a déplacé ses camps d’entraînement hors du pays au point qu’aujourd’hui, rien ne sert de combattre en Afghanistan pour lutter contre ce réseau terroriste, que l’on combat bien mieux par le renseignement ou des opérations militaires très ciblées. Dans le même temps, la nature même des missions confiées à nos troupes évoluait considérablement pour dépasser leur cadre initial, sans qu’il ait été possible au Parlement d’anticiper ou de contrôler ces décisions. A cet égard, il est indispensable d’améliorer nos moyens de contrôle sur de telles évolutions.

M. Serge Janquin. Les réserves que j’éprouvais moi aussi sur notre engagement militaire en 2002 n’ont cessé de s’accroître à mesure que les missions confiées à nos forces armées s’éloignaient de l’objectif initial. Alors que M. Poniatowski présidait encore notre commission, j’en avais fait part à M. Juppé, que nous auditionnions, en lui signalant que la France n’avait rien à gagner en Afghanistan mais que nos soldats avaient tout à y perdre, et qu’il convenait de les faire rentrer dès le lendemain. Le ministre m’avait apporté une réponse embarrassée et apparemment peu convaincue, invoquant les engagements pris auprès de nos partenaires et des questions de sécurité pour ne pas revenir sur la date de retrait fixée en 2014. En réalité, nos soldats n’avaient plus leur place dans le cadre d’une mission telle que celle qui leur était confiée ; ils devaient revenir, pour que nous ne soyons plus contraints d’annoncer aux familles le décès de leur enfant comme j’ai dû le faire dans ma commune.

J’approuve ce traité de coopération, qui mentionne notamment des domaines comme l’éducation et la santé où la France est déjà active, et je souhaite sa réussite. Je m’interroge sur un point précis : le gouvernement afghan s’engage-t-il à ouvrir aux jeunes femmes l’accès des lycées techniques agricoles ?

M. Pouria Amirshahi. Parce que j’étais moi aussi opposé à l’intensification de notre engagement militaire en Afghanistan, j’approuve la ratification de ce traité qui est la traduction concrète du retrait de nos troupes : à la guerre se substitue la coopération civile. Cela étant, j’approuve également les réserves émises par M. le rapporteur. En matière de corruption, l’organisation Transparency International classe l'Afghanistan au 180ème rang sur 182 pays, et chacun sait que la livraison de matériels destinés au développement du pays se heurte en chemin à la multiplication des satrapes et autres chefs de guerre, au point qu’il a parfois fallu payer des talibans pour leur faire la guerre ! Il est donc indispensable qu’un suivi précis et régulier soit entrepris, et que des conditionnalités strictes soient respectées, surtout pour lutter contre la corruption, car on ne saurait accepter de financer des projets qui, d’une manière ou d’une autre, bénéficient aux talibans.

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Je partage l’indignation de M. Marsaud, même si à aucun moment je n’ai comparé l’Afghanistan à un second canton de Genève. Toutefois, ce traité de coopération est un geste d’amitié qui participe de la sécurité internationale. Il est vrai que la mission initiale de nos troupes, sous l’égide de l’ONU, s’est peu à peu muée en une mission différente que l’opposition de l’époque avait d’ailleurs refusée. Aujourd’hui, en dépit des nombreux obstacles que constituent la corruption des élites afghanes, la culture et le trafic de l’opium et la présence persistante des talibans, la France, par ce traité d’amitié, témoigne de son engagement moral envers l’Afghanistan. Le contexte difficile auquel se heurtera son application ne justifie pas que l’on refuse sa ratification : l’éthique républicaine nous oblige à contribuer au développement de ce pays tourmenté, particulièrement à l’amélioration de la condition de la femme.

C’est au nom de cette éthique républicaine que l’on ne saurait prétendre que nos soldats ne sont pas morts pour la France, mais pour l’ONU ou d’autres. Non, nos soldats sont bien morts pour la France dès lors que le Président de la République, chef des armées, a pris la responsabilité de les engager sur le théâtre afghan même si ce choix politique était difficilement acceptable pour l’opposition que nous étions à l’époque.

M. Janquin a rappelé l’embarras de M. Juppé sur cette question : celui-ci, pourtant signataire avec M. Védrine d’une tribune dans Le Monde qui a fait date, a néanmoins endossé loyalement les choix de M. Sarkozy sans pouvoir justifier cet écart de vues. Je constate que c’est aujourd’hui à M. Védrine que l’on fait appel pour analyser la place de la France dans l’OTAN…

En somme, j’approuve les réserves manifestées par la plupart des orateurs. Encore une fois, ce traité est une manifestation de la morale républicaine et un élément important de l’image de la France dans le monde. Les commissaires ici présents le savent : il existe aujourd’hui une soif de France sur tous les continents, alors même que notre outil diplomatique est appauvri. Ce traité est l’occasion d’y répondre en portant haut les valeurs de la République. Il est une nécessité morale qui ne doit pas nous dispenser d’une grande prudence dans son application, comme cela est déjà prévu : la mise en œuvre des différents projets de coopération sera étroitement et régulièrement suivie par le Gouvernement et par le Parlement, lequel examinera chaque année des crédits engagés à cet effet dans la loi de finances. Chacun sait que le risque d’échec est réel, mais la France ne saurait se retirer d’Afghanistan en catimini alors qu’elle a déjà consenti d’immenses sacrifices. Ce traité est un geste d’amitié à l’égard de l’Afghanistan et aussi un engagement à l’égard de la communauté internationale.

M. Jean Glavany. Je rappelle que le terme de « retrait » a pour la première fois été utilisé dans un rapport parlementaire bipartisan, dont j’étais l’auteur avec M. Plagnol, que notre commission a adopté à l’unanimité sous la précédente législature. C’est dire si l’on a trop attendu avant d’écouter l’avis de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée !

Mme la présidente Elisabeth Guigou. L’intensification de notre engagement militaire en Afghanistan avait, rappelons-le, donné lieu à une motion de censure du Gouvernement déposée par l’opposition de l’époque. Aujourd’hui, la polémique n’est plus de mise : il est temps de voter sur ce projet de ratification.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 101).

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Amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires (n° 11)

La commission examine, sur le rapport de M. Guy-Michel Chauveau, le projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires (n° 11).

M. Guy-Michel Chauveau, rapporteur. Le projet de loi dont nous sommes saisis autorise l’approbation d’un amendement, adopté le 8 juillet 2005, à la convention sur la protection physique des matières nucléaires, elle-même adoptée en octobre 1979 et entrée en vigueur en 1991 pour la France.

Avant de présenter l’amendement, je crois utile de rappeler les grandes lignes de cette convention. La protection physique des matières nucléaires désigne l’ensemble des mesures juridiques, administratives et techniques, notamment les barrières de nature physique, instaurées pour mettre des matières fissiles, définies à l’article 1er et susceptibles d’entrer dans la fabrication d’une arme nucléaire, à l’abri d’actes de malveillance et de toute forme d’utilisation illégale. La convention établit plusieurs niveaux de protection applicables lors des opérations de transport international, les matières en cours d’utilisation, de stockage ou de transport sur le territoire national n’étant pas concernées.

La convention de 1979 comporte, par ailleurs, une liste d’infractions à transposer en droit interne, notamment le vol des matières nucléaires, leur détention et utilisation sans habilitation s’il peut en résulter des dommages importants, ainsi que la menace de les utiliser dans le but de causer la mort, d’infliger des blessures graves ou de causer des dommages substantiels.

La convention instaure également une coopération dans divers domaines – des échanges de renseignements en cas d’infraction, une aide mutuelle pour récupérer des matières disparues, ainsi que des consultations sur la conception des systèmes nationaux de protection.

Une première conférence d’examen, réunie en 1992 pour évaluer l’application et la pertinence de ces stipulations, n’avait certes pas conclu à la nécessité d’apporter des modifications, mais le contexte a considérablement changé depuis cette date.

La première des préoccupations nouvelles auxquelles répond l’amendement est ainsi le développement du trafic illicite des matières radioactives. Une partie des 2 000 cas signalés concerne des matières utilisées en médecine ou dans l’industrie, posant surtout des problèmes en termes de santé publique. D’autres cas impliquent, en revanche, des échantillons de matières à usage militaire ou de qualité militaire, exposant à des risques sérieux en matière de prolifération.

Les craintes liées au terrorisme nucléaire ont également pris une importance croissante depuis le 11 septembre 2001. Dans ce domaine, le risque principal n’est pas tant l’acquisition ou la fabrication d’une arme nucléaire par des groupes terroristes que l’utilisation de bombes diffusant des matières radioactives.

C’est dans ce contexte que l’amendement de 2005 a été adopté et c’est au regard de ces risques qu’il faut en apprécier la portée.

Tout d’abord, l’amendement étend le champ d’application de la convention aux matières nucléaires en cours de stockage, d’utilisation ou de transport au plan national. Les applications militaires demeurent, toutefois, exclues.

Les normes de protection sont également renforcées par l’incorporation de douze « principes fondamentaux », issus d’un important travail réalisé dans le cadre de l’AIEA. La portée de ces principes n’est pas contraignante, car les Etats s’engagent à les appliquer autant que possible, mais ils serviront clairement de référence au plan international, ce qui devrait aider à renforcer les régimes nationaux de protection physique.

Enfin, la coopération est étendue par diverses mesures que je présente dans mon rapport, notamment en matière d’extradition.

Sur tous ces points, l’amendement contribue à répondre aux préoccupations de la communauté internationale dans le domaine de la sécurité nucléaire et il constitue un progrès utile par rapport à la convention initiale. Il est vrai qu’il ne devrait pas avoir de conséquences juridiques sur notre droit, car ses exigences nouvelles sont déjà satisfaites si l’on en croit l’étude d’impact, mais on peut tout de même en espérer des conséquences positives dans d’autres pays dont le cadre législatif et réglementaire serait moins développé que le nôtre.

Malgré ces aspects indéniablement positifs, qu’il faut saluer, mon sentiment reste mitigé. Tout d’abord, seules les matières « nucléaires » sont concernées, et non les matières radioactives. Or, ces dernières peuvent être utilisées pour fabriquer des bombes dites « sales ». Il me paraît d’autant plus regrettable de ne pas avoir inclus ces matières qu’elles sont visées par une autre convention, relative à la répression des actes de terrorisme nucléaire, également adoptée en 2005.

De plus, aucun moyen n’est prévu pour vérifier l’application de la convention telle qu’elle est amendée. Il était sans doute nécessaire de ménager la souveraineté des Etats, très susceptible dans ce domaine, mais il faut également rappeler que des régimes relativement intrusifs de contrôle ont été adoptés sur d’autres sujets très proches et très sensibles, tels que la non-prolifération des armes nucléaires et la sûreté.

Enfin, seul un nombre limité des parties à la convention de 1979 ont ratifié l’amendement – 56 Etats sur 145, soit beaucoup moins que le seuil des deux tiers prévu pour son entrée en vigueur.

Si importantes qu’elles soient, ces réserves ne justifient pas, à mes yeux, un rejet du projet de loi dont nous sommes saisis. En effet, tout progrès est bon à prendre en matière de sécurité nucléaire, et cet amendement va dans le bon sens. Son approbation enverra, en outre, un signal politique vertueux qui encouragera nos partenaires à nous suivre sur cette voie et soutiendra les efforts, très nombreux, déployés par l’AIEA pour améliorer la sécurité nucléaire au plan international, que ce soit par l’élaboration de recommandations pour l’établissement des régimes nationaux de protection physique, par des offres de formations pratiques, par la sécurisation de sources radioactives dans certains Etats ou encore par la mise à disposition de services d’évaluation sur la base du volontariat – la France a fait l’objet d’une telle évaluation au deuxième semestre de l’année dernière.

Dans la mesure où la convention de 1979 reste, aujourd’hui encore, le seul instrument juridique contraignant en matière de sécurité nucléaire, cet amendement qui la renforce présente une importance singulière, malgré ses lacunes. J’invite donc la commission à adopter le projet de loi.

M. Jean-Pierre Dufau. Je salue l’excellent travail du rapporteur qui a su nous présenter de manière concise cet accord qui porte sur une matière complexe. Ce texte va dans le sens d’une meilleure sécurisation dans la gestion des matières nucléaires. Il nous faut enregistrer tous les progrès. C’est pourquoi le groupe SRC votera en faveur de ce texte.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 11).

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Accord relatif aux pêches dans le sud de l'Océan Indien (n° 7)

La commission examine, sur le rapport de M. Serge Janquin, le projet de loi autorisant la ratification de l'accord relatif aux pêches dans le sud de l'Océan Indien (n° 7).

M. Serge Janquin, rapporteur. Le projet de loi que je vous présente a été préparé sous l’autorité de M. François Fillon, alors Premier ministre, et de M. Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères. Il est repris par M. Jean-Marc Ayrault et M. Laurent Fabius ; c’est un bon exemple de continuité. J’ai eu l’occasion d’en parler avec M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui ne voit pas d’inconvénient à ce projet.

L’accord dont nous débattons vise à créer une organisation régionale de gestion de la pêche (ORGP) dans le sud et l’ouest de l’océan Indien. La création des ORGP répond à un constat. Longtemps les ressources de la mer sont apparues inépuisables. Mais avec la surpêche, nous savons que ce n’est plus le cas et certaines espèces sont menacées. Les ORGP se consacrent donc à la gestion durable des ressources.

Quelques points à signaler sur cet accord. Tout d’abord, il a été signé en 2006. Cela fait donc six ans que ce dossier est en maturation ! Il a également été signé par l’Union européenne, qui est compétente au titre du territoire communautaire qu’est l’île de La Réunion. Cependant, la France a souhaité y être également partie prenante en son nom propre. Nous le pouvons au titre des quelques îlets que nous possédons dans l’extrême sud de l’océan indien. Ces territoires nous valent un vaste domaine maritime et, comme les poissons, naturellement, migrent entre les eaux nationales et les eaux internationales, nous avons intérêt à ce que ces dernières soient également couvertes par des mesures de gestion. Or, actuellement, cette partie de l’océan Indien est seulement concernée par une ORGP consacrée aux thonidés. Le présent accord permettra de disposer d’une ORGP consacrée aux autres espèces.

Il est à noter que les pays riverains ne semblent pas se dépêcher de ratifier la création de cette organisation, certains souhaitant manifestement accumuler des références historiques de captures, dans l’optique de la future détermination de quotas alloués à chacun. Notre pays, qui a dans ces eaux quatre bateaux dépendant de quatre armements, a intérêt à ce que ce processus d’adoption aille relativement vite.

Un point d’actualité maintenant. La commissaire européenne chargée de la pêche vient d’émettre une proposition de règlement européen concernant l’atlantique nord-est, qui suscite de vives réactions. Il est clair que l’Union européenne pourrait avoir le même genre de démarche pour d’autres espaces marins.

La France doit donc être partie prenante en tant que telle à l’ORGP qui va se mettre en place dans l’océan Indien. Comme je l’ai dit, d’autres pays de la zone ne sont pas très empressés de faire avancer ce processus. Notre pays applique déjà des mesures de contrôle à ses navires dans la zone : des contrôleurs des pêches sont présents à bord ; il y a également un système de suivi satellitaire. La mise en place de cette nouvelle ORGP permettra d’aller plus loin dans une démarche qui est déjà la nôtre. Je vous invite donc à adopter ce projet de loi.

M. Boinali Said. Pourriez-vous indiquer précisément quels sont les États parties ?

Mme Estelle Grelier. J’aimerais savoir, pour ma part, pourquoi l’Union européenne est partie prenante aux côtés des Etats-membres – ce n’est pas toujours le cas.

Le règlement proposé par Maria Damanaki, la commissaire européenne, met tout le littoral français en émoi : à terme, le chalutage sera interdit en eaux profondes, au mépris des évaluations nécessaires dans ce domaine. Ce projet menace des pêcheries pourtant exemplaires, au regard des efforts réalisés, ainsi que des emplois qui ne pourront pas subsister autrement tant ils sont spécifiques.

M. Serge Janquin, rapporteur. Je vois que j’ai affaire à des collègues qui sont des connaisseurs ! Outre la France et l’Union européenne, les parties contractantes de l’accord sont l’Australie, les Comores, les îles Cook, le Kenya, Madagascar, Maurice, le Mozambique, la Nouvelle Zélande et les Seychelles.

Grâce à sa participation, la France pourra demander le renforcement des garanties scientifiques et techniques, ainsi que des contrôles. Je rappelle aussi que les décisions importantes seront prises à l’unanimité des membres de l’ORGP. Les intérêts de chacun seront donc préservés.

Le projet de règlement qui fait l’actualité ne concerne que l’Atlantique nord-est, mais on peut penser que l’Union européenne pourrait développer le même genre de démarche ailleurs, par exemple dans l’océan Indien, où elle concernée par le biais de La Réunion. Nous devons nous y préparer en travaillant dans le cadre de l’ORGP et en engageant un dialogue avec les autorités européennes et les experts, très nombreux, des ONG mais aussi de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) et du Muséum national d’histoire naturelle.

Sur la question du règlement communautaire, le ministre de la mer a consenti une ouverture en acceptant de discuter des termes d’un accord, pourvu qu’il n’y ait d’oukase ni d’un côté ni de l’autre.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification, à l’unanimité, le projet de loi (n° 7).

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Informations relatives à la commission

La commission des affaires étrangères a nommé :

La séance est levée à dix-neuf heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 24 juillet 2012 à 17 h 30

Présents. - M. Pouria Amirshahi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Philippe Baumel, Mme Pascale Boistard, M. Jean-Claude Buisine, M. Guy-Michel Chauveau, M. Philip Cordery, M. Jacques Cresta, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Louis Destans, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Hervé Gaymard, M. Jean Glavany, M. Philippe Gomes, Mme Estelle Grelier, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, Mme Chantal Guittet, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Patrice Martin-Lalande, M. Axel Poniatowski, M. Boinali Said, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. Guy Teissier, M. Michel Vauzelle

Excusés. - Mme Nicole Ameline, Mme Danielle Auroi, M. Alain Bocquet, M. Gérard Charasse, Mme Marie-Louise Fort, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, M. Thierry Mariani

Assistait également à la réunion. - M. Avi Assouly, M. Gwenegan Bui