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Commission des affaires étrangères

Mercredi 15 mai 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 57

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Gilbert Benhayoun, Président du groupe d’Aix, M. Saeb Bamya, coordinateur palestinien du Groupe d’Aix, et de M. Arie Arnon, professeur d’économie de l’Université Ben Gourion du Néguev, sur les relations israélo-palestiniennes dans le domaine de la coopération économique.

Audition, ouverte à la presse, de M. Gilbert Benhayoun, Président du groupe d’Aix, de M. Saeb Bamya, coordinateur palestinien du Groupe d’Aix, et de M. Arie Arnon, coordinateur israélien du Groupe d’Aix, sur les relations israélo-palestiniennes dans le domaine de la coopération économique

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous recevons ce matin M. Saeb Bamya, ancien ministre palestinien adjoint à l’économie nationale, et M. Arie Arnon, professeur au département d’économie de l’Université Ben Gourion du Néguev, pour une réunion consacrée aux relations israélo-palestiniennes dans le domaine de la coopération économique. M. Ron Pundak qui devait initialement participer à cette réunion, ne peut malheureusement pas être parmi nous. Avant que vous vous exprimiez, je passerai la parole à M. Gilbert Benhayoun, universitaire français réputé pour l’intérêt qu’il porte à ces questions depuis de nombreuses années et président du groupe d’Aix, dont le travail a permis cette réunion.

Vous êtes respectivement le coordinateur palestinien et le coordinateur israélien de ce groupe, qui a pour particularité de regrouper des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des responsables politiques. Les recherches que vous menez dans ce cadre ont pour but d’identifier des scénarios et des recommandations économiques afin de promouvoir des solutions « gagnant-gagnant » pour les Palestiniens et pour les Israéliens.

Le protocole de Paris, signé en 1994 en complément des accords d’Oslo, constitue aujourd’hui le cadre légal des échanges économiques israélo-palestiniens. Il a créé une union douanière, tout en prévoyant le reversement à l’Autorité palestinienne des taxes et droits de douane collectés pour son compte par le gouvernement israélien. Sur le terrain, les conditions de circulation des biens et des services demeurent limitées par la politique de sécurité israélienne. Les dispositifs de contrôle, l’obligation de décharger les biens et de changer de transporteur, ainsi que le blocus commercial de Gaza constituent des entraves et des coûts supplémentaires.

Jusqu’à présent, les échanges commerciaux restent très déséquilibrés en faveur d’Israël et se caractérisent par une situation de dépendance des Territoires palestiniens. Les exportations israéliennes vers la Cisjordanie, qui s’élevaient à 3 milliards de dollars en 2011, sont 3,5 fois supérieures aux exportations palestiniennes. Ces dernières sont dirigées à 90 % vers Israël, alors que les relations économiques avec les Territoires palestiniens ne représentent qu’un enjeu très faible pour Israël : les flux vers la Cisjordanie ne représentaient en 2011 que 3 % de ses exportations et 1 % de ses importations.

Nous serons très attentifs à ce que vous pourrez nous dire sur la forme que pourrait prendre une relance de la coopération israélo-palestinienne au plan économique. Elle constitue un enjeu essentiel pour les Territoires palestiniens dans de nombreux domaines, notamment celui de l’eau. Depuis les accords de Taba, en 1995, qui ont établi un partage des ressources à titre intérimaire, la population palestinienne a en effet doublé en Cisjordanie, sans progression significative des volumes d’eau qui lui sont octroyés. Dans le même temps, les travaux du comité mixte palestino-israélien, chargé de se prononcer sur les projets concernant la Cisjordanie, semblent bloqués.

Cette dimension économique des relations israélo-palestiniennes est un aspect important des efforts déployés par le secrétaire d’État américain, John Kerry. Celui-ci a déclaré, début avril, qu’il comptait s’impliquer dans de nouvelles initiatives pour « promouvoir le développement économique et lever une partie des obstacles et des barrières qui existent en matière de commerce en Cisjordanie ». Selon vous, quels seraient les projets prioritaires pour garantir la viabilité et le développement des Territoires palestiniens ? Leur situation demeure en effet très précaire : le taux de chômage est passé à près de 23 % à la fin de l’année 2012 et l’ampleur des déficits des comptes extérieurs et des comptes publics constitue un sujet d’inquiétude majeur.

Quelle pourrait être la contribution des relations économiques à la relance du processus de paix ? Il semblerait que l’offre d’une simple « paix économique » reste très loin de ce que les Palestiniens attendent pour une relance des négociations. En revanche, pensez-vous que des mesures de nature économique permettraient d’améliorer significativement le climat général ? Pour y parvenir, dans quels secteurs faudrait-il agir en priorité ?

M. Gilbert Benhayoun, professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille et président du groupe d’Aix. Je vous remercie, madame la présidente, de nous avoir conviés à présenter le travail du groupe d’Aix.

En 2002, j’ai pris l’initiative d’inviter à Aix-en-Provence des Israéliens, des Palestiniens, mais aussi des représentants de la Banque mondiale, de la Commission européenne et du Fonds monétaire international (FMI), et, à ma grande surprise, tout ces experts ont accepté de participer à cette réunion de travail. Nous avons alors décidé de créer un groupe de travail permanent, le groupe d’Aix.

La première étape a été de définir une feuille de route économique après la feuille de route du président Bush, dans laquelle le volet économique manquait. Notre méthode a été de rejeter le gradualisme et de définir les éléments de la fin du conflit par un cheminement à rebours, ainsi que le contenu d’un accord qui pourrait être définitif. D’autant plus que la confiance n’existe pas des deux côtés : les Israéliens pensent que tout accord définitif risque d’être transitoire et les Palestiniens craignent que tout accord transitoire devienne définitif.

Le groupe d’Aix, qui réunit des experts israéliens, palestiniens et internationaux, était au départ tout à fait informel. Nous avons travaillé de manière relativement discrète, mais les documents que nous avons produits sont reconnus de part et d’autre.

Puis nous nous sommes intéressés à la question des réfugiés, pour laquelle nous avons fait des propositions raisonnables, y compris sur Jérusalem, la vallée du Jourdain et le lien territorial entre la Cisjordanie et Gaza. Le dernier document, qui est sur le point d’être publié, porte sur l’évaluation du Protocole de Paris et les recommandations du groupe à ce sujet.

M. Arie Arnon, professeur au département d’économie de l’Université Ben Gourion du Néguev et coordonnateur israélien du groupe d’Aix. Merci de l’occasion que vous nous donnez de présenter nos positions.

Cela fait des années que nous travaillons, ce qui montre que nous voulons aller de l’avant, mais aussi que nous n’avons pas encore de solution aux problèmes auxquels nous faisons face. Le groupe d’Aix a été mis en place en s’appuyant sur l’idée, économique et politique, de l’absence de partenaire de l’autre côté. Cette idée s’est renforcée dans l’opinion publique mais aussi parmi les responsables politiques.

Le statu quo, qui prévaut depuis 1967 et surtout 1993-1994 avec le début des accords d’Oslo et la signature du protocole de Paris – lesquels ont défini les relations politiques et économiques entre Israéliens et Palestiniens –, va à l’encontre de leurs intérêts respectifs.

Notre objectif est de trouver un compromis politique entre eux, mais aussi d’en définir les contours économiques, ce qui n’est pas facile. Je vous renvoie aux détails de nos travaux, notamment sur la solution des deux États, qui soulève un certain nombre de problèmes. Le protocole de Paris a institué une union économique, un peu à l’image de celle qui existe en Europe, mais il s’agit d’un arrangement imposé. Bien que les Palestiniens étaient d’accord à ce sujet, il ne devait durer que cinq ans et être remplacé ensuite par un dispositif permanent, lequel n’a malheureusement jamais vu le jour.

Nous essayons de sortir de cette impasse en promouvant un nouveau régime économique. S’il y a aujourd’hui une Autorité palestinienne, elle n’a pas le pouvoir de définir des politiques économiques, commerciales, monétaires, et, sur les questions budgétaires et fiscales, ses prérogatives sont très limitées.

Le statu quo serait désastreux à plusieurs égards. Il risquerait de conduire les deux parties à poursuivre leur affrontement.

Je rappelle que l’économie palestinienne est très inférieure à celle d’Israël : son PIB représente à peine 5 % de celui de ce dernier et elle enregistre un niveau de vie bien plus faible. La Palestine est donc très dépendante de lui, ce qui n’est pas sain pour établir des relations de qualité entre eux. Israël collecte une grande partie des revenus fiscaux des autorités palestiniennes et, lorsque nous avons des conflits, il opère des retenues sur le transfert. Cette situation doit évoluer, en transférant par exemple le contrôle des douanes aux Palestiniens eux-mêmes.

Israël met en place sur le terrain des mesures visant à faire de la Cisjordanie une partie intégrante de sa politique. Aujourd’hui, plus de 500 000 Israéliens juifs vivent dans les territoires occupés et, à ce rythme, ils seront bientôt un million. Une solution à deux États deviendrait alors impossible et nous ne pourrions pas obtenir de voie politique satisfaisante pour les deux parties.

Les alternatives qui ont été proposées sont à mon sens bien pires que la solution à deux États. Nous estimons que la communauté internationale, notamment l’Union européenne, les États-Unis et la France, doit nous venir en aide. Je tire la sonnette d’alarme pour nos deux peuples. Nombre d’Israéliens affirment qu’ils soutiennent une telle solution : il faut donc aller de l’avant – la solution à un État présentant aussi des inconvénients – car c’est la dernière chance de la mettre en application avant que les faits sur le terrain n’évoluent complètement.

Nous suggérons que les deux parties renouvellent les négociations économiques et que l’économie palestinienne soit un territoire douanier séparé. Si nous avons une solution à deux États, les Palestiniens devront développer la vallée du Jourdain pour avoir plus de ressources en eau, et permettre qu’il y ait des liens entre la Cisjordanie et la bande de Gaza : ils doivent pouvoir se déplacer librement de l’une à l’autre sans devoir traverser des lignes israéliennes. Nous devons planifier tout cela dès aujourd’hui car nous aurons besoin de temps pour le mettre en œuvre. Beaucoup de détails doivent encore être réglés.

Nous ne pensons donc pas, comme certains, que cette solution, qui est la meilleure d’un point de vue moral, économique et politique, n’est plus possible : c’est une question de volonté. L’Europe doit prendre position à cet égard.

M. Saeb Bamya, ancien ministre palestinien adjoint à l’économie nationale et coordonnateur palestinien du groupe d’Aix. La solution à deux États n’a jamais été la position de la Palestine. Il s’agit au départ d’une initiative de l’Union européenne : au début des années 1980, les Européens ont fait pression sur les responsables de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) pour qu’ils l’acceptent et ceux-ci se sont de leur côté efforcés de convaincre la majorité des Palestiniens pour qu’ils approuvent ce compromis historique.

Aujourd’hui, nous sommes proches de la fin d’une telle solution : l’occasion est venue pour vous de porter secours à votre propre initiative. La situation actuelle est très dangereuse : nous risquons de gaspiller tous les efforts consacrés depuis trente ans et de revenir à une instabilité qui nous ramènerait à l’état des lieux prévalant avant les accords de Camp David de 1978 ; il n’y aurait alors plus de voie de paix entre nos deux pays.

Je rappelle que le déficit de la balance commerciale entre la Palestine et Israël atteint 3,5 milliards de dollars, qu’au moins 20 % des Palestiniens sont en dessous du seuil de pauvreté, que le chômage augmente en Palestine de façon désastreuse et que le secteur privé palestinien est le seul dans le monde à ne pouvoir jouir d’une concurrence commerciale équitable – qui est le principe le plus important dans le système commercial multilatéral.

Depuis 1984, nous avons tiré beaucoup d’enseignements de notre participation aux négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), grâce à nos collègues français et européens, concernant l’importance de créer des marchés ouverts et une compétition équitable. Nous avons essayé de notre mieux de favoriser de telles conditions dans le secteur privé palestinien. Mais les restrictions imposées par les Israéliens ont été telles que les coûts de transaction pour celui-ci ont augmenté trois ou quatre fois plus vite que dans les autres secteurs privés de la région. Malgré tous nos accords préférentiels – accords de libre-échange avec les vingt-sept membres de l’Union européenne et les quatre pays de l’Asean Free Trade Area (AFTA), participation à l’union de libre-échange arabe, ou bien accords de libre-échange avec le Mercosur ou la Turquie –, ces coûts ne lui ont pas permis de développer ses exportations.

Nous avons ainsi un accord de libre-échange avec les États-Unis, signé en 1996 et inspiré de l’accord entre ce pays et Israël : or le montant de nos exportations vers les États-Unis est au maximum de 6 millions de dollars par an, alors que celles de la Jordanie, qui a signé un accord de ce type en 2002, représentent 1,4 milliard de dollars ! Il n’y avait pourtant pas un immense différence de potentiel entre les deux pays à l’origine.

Par ailleurs, si 18 millions d’euros sont exportés vers l’Union européenne, une récente étude menée par les ONG européennes indique que les exportations des colonies vers l’Union sont quinze fois plus importantes que celles des Palestiniens.

Or si l’Union considère ces colonies comme illégales, elle soutient indirectement leur expansion, ce qui menace de mettre un terme à la solution à deux États dans un proche avenir.

Le protocole de Paris a expiré : la seule voie est de réfléchir à la souveraineté palestinienne. En effet, 60 % de la Cisjordanie est contrôlée par l’armée et l’administration civile israéliennes. Récemment, les Français ont financé un petit projet pour construire des tentes pour les Bédouins : trois jours après, l’armée israélienne les a détruites ! Comment entendez-vous défendre vos investissements, l’argent de vos contribuables ? L’aide internationale par tête est l’une des plus élevées du monde mais nous ne parvenons pas à tirer parti de votre soutien à cause des obstacles posés par les Israéliens. Le secteur privé est incapable de se développer et les fonds dont bénéficie la Palestine ne servent qu’à assurer la survie de son peuple.

Le développement économique est devenu un rêve impossible à atteindre.

Le défi est devant nous. Le nouveau plan d’action entre l’Union européenne et la Palestine a donné la priorité à Jérusalem. Une telle priorité doit être le reflet d’une volonté politique, permettant que tous les investissements de l’Union soient garantis : sinon, aucun plan d’action ne pourra être mis en œuvre.

L’eau est contrôlée par les Israéliens. Dans la vallée du Jourdain, les Palestiniens consomment cinq fois moins d’eau que les colons. Or 95 % de cette vallée, qui représente le potentiel le plus important pour le développement économique, est contrôlée par l’armée israélienne. Nous devons engager une action immédiate pour modifier le protocole de Paris et changer la structure de l’enveloppe douanière. Les Palestiniens doivent détenir la souveraineté économique, contrôler les ressources naturelles de leur pays et mener des politiques commerciales, douanières, fiscales, financières, budgétaires et monétaires qui leur sont propres. Ils doivent aussi pouvoir collecter les recettes fiscales : les Israéliens volent plus de 200 millions de dollars par an de nos recettes. Ainsi, les revenus tirés des importations indirectes destinées aux Palestiniens vont au Trésor israélien.

Il faut donc y remédier. Nous pensons que la France a été, est et sera toujours un acteur essentiel : nous croyons en vous, les parlementaires, qui représentez la voie de la paix, de la démocratie, des droits de homme et des lois commerciales internationales.

M. Jean Glavany. Merci pour ces informations.

Comment expliquez-vous l’abandon de ce dossier par la communauté internationale ? Une des causes ne vient-elle pas du déplacement – favorisé probablement par Israël – du débat politique au Proche et Moyen-Orient vers l’affrontement dans le monde arabo-musulman entre le chiisme et le sunnisme et la menace du bloc constitué par l’Iran, la Syrie et l’Irak pour partie contre les grandes puissances du golfe sunnite – ce qui détourne l’attention du conflit israélo-palestinien ?

M. Philippe Cochet. Il y a eu en effet beaucoup d’espoirs déçus. Quels calendrier et actions concrètes attendez-vous de l’Union européenne ?

M. Jean-Paul Bacquet. Il y a eu, à l’initiative des maires de la bande de Gaza, juste avant la décolonisation de celle-ci, un congrès sur la gestion de l’eau, qui avait fait naître une espérance et l’acceptation de concessions pour qu’Israël n’ait pas la maîtrise totale des nappes phréatiques de la zone. J’avais alors noté la difficulté liée au contingentement des matériaux, qui empêchait de construire dans cette bande.

À vous entendre, la situation non seulement ne s’est pas améliorée, mais s’est peut-être dégradée. À partir de quel moment a-t-on enregistré un décrochage ?

M. Avi Assouly. La solution au problème que vous soulevez ne semble ni pour aujourd’hui ni pour demain. Les deux peuples veulent très majoritairement la paix, mais la sécurité prévaut. Il faut une gouvernance et une souveraineté économiques : le nouveau mandat confié au président Obama peut donner des motifs d’espérance. Mais si les représentants d’Israël étaient là, ils nous auraient dit le contraire de vous : il faudrait peut-être essayer de rapprocher les points de vue, ce qui est très compliqué. J’espère que vous pourrez faire avancer le débat.

M. Jacques Myard. Une question se pose : quel est l’écho de vos propositions dans les deux parties ? N’êtes-vous pas l’exception de l’exception ?

La solution des deux États est à la limite d’échouer : lorsqu’il y aura 1 million de colons israéliens en Cisjordanie, il sera difficile de déplacer les populations ! Si j’ai bien compris, vous voulez taxer la production israélienne au profit de la Palestine, c’est-à-dire nationaliser les colonies israéliennes : pourquoi pas ?

M. Jean-Pierre Dufau. Vos exposés sont très éclairants. L’aspect économique va de pair avec l’aspect politique : il faut donc aborder le problème de façon globale et concrète.

Au sujet des exportations, certaines ONG demandent le boycott des produits issus des colonies et d’autres un système d’étiquetage permettant au consommateur d’exercer librement ce boycott. Quel est votre avis à ce sujet ?

Dans quelle mesure peut-on revenir en arrière sur la situation des colonies ? Comment sortir des difficultés existantes, qui tendent à s’accumuler ?

M. François Rochebloine. Vos déclarations donnent de l’espoir pour l’avenir. Vous avez lancé à plusieurs reprises des appels à la paix, à la démocratie et aux droits de l’homme. Mais quels véritables espoirs de paix peut-on avoir aujourd’hui après la construction du mur ? Celui-ci n’est-il pas un phénomène irréversible, qui accroît les difficultés, y compris dans le domaine économique ?

M. François Asensi. Merci pour vos exposés.

Au nom des députés communistes, je suis scandalisé par ce que nous venons d’entendre, qui confirme ce que nous savions sur l’évolution de la Palestine. Le processus d’Oslo est aujourd’hui pratiquement caduc du fait de la volonté des dirigeants israéliens conservateurs de ne pas s’orienter vers la solution à deux États.

La Palestine constitue une colonie dirigée par Israël et une économie administrée par lui – la Palestine ne pouvant commercer avec d’autres pays malgré les accords existants. Cela est inadmissible.

Quant à l’Union européenne, elle est totalement absente. Quand j’ai posé la question au ministre des affaires étrangères de la reconnaissance de la Palestine par la France, il m’a dit qu’il fallait pour cela une initiative de l’Union européenne : or celle-ci n’existe pas ! Certains de ses pays sont alignés politiquement sur les États-Unis qui, lorsque l’État palestinien a été reconnu à l’ONU, ont pris la même décision qu’Israël et suspendu leur aide économique. Je ne vois donc pas aujourd’hui de solution.

Je me demande si le boycott n’est pas une nécessité : il est impossible d’accepter que les colonies commercent avec l’Union européenne au détriment des Palestiniens.

Pensez-vous que le processus d’Oslo est effectivement caduc ? Faut-il une relance politique et, si oui, laquelle ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je rappelle que la France a reconnu à l’ONU l’Autorité palestinienne au cours d’une séance historique de l’Assemblée générale où je siégeais personnellement sur les bancs de la délégation française.

M. Axel Poniatowski. Quelles sont de part et d’autre les conditions préalables effectives à la reprise des négociations ?

Par ailleurs, où en est-on exactement de la relation entre le Fatah et le Hamas ? Y a-t-il une unité de vue entre eux sur la reprise des négociations ?

M. Michel Terrot. Je souhaite rendre hommage au groupe d’Aix pour les efforts qu’il déploie, dans un contexte particulièrement difficile, afin d’essayer de maintenir un lien et de faire avancer les dossiers.

On connaît la dépendance de la Palestine vis-à-vis des bailleurs de fonds étrangers : est-on assuré du maintien durable des aides dont elle bénéficie ? Est-il sain pour elle de vivre ainsi sous perfusion, même si d’autres solutions sont difficiles à trouver ?

S’agissant des start-up spécialisées dans la haute technologie, qui sont nombreuses en Palestine, ont-elles des relations avec Israël ? N’est-il pas possible d’ouvrir par ce biais des pans plus prometteurs de coopération ?

M. Hervé Gaymard. Merci pour votre présentation et vos exhortations sur ce sujet si important.

On sait qu’à la fin des années 1980 et au début des années 1990, avant même le processus d’Oslo, un certain nombre d’ONG et de fondations aux États-Unis – avec le West Bank Data Base Project et des universitaires, y compris israéliens, comme Meron Benvenisti – ont commencé à travailler sur des projets concrets de développement en Palestine. J’ai eu le privilège de diriger la délégation française à la conférence économique de la paix à Amman en octobre 1995 : on sentait à ce moment-là un surplomb politique favorable, mais aussi l’émergence de beaucoup de projets de ce type. Ceux-ci sont-ils morts aujourd’hui ou peut-on, avec une volonté politique, les mettre en œuvre dans tel ou tel secteur ?

Par ailleurs, la maîtrise des politiques monétaire et de change est-elle un élément essentiel du développement économique des Territoires palestiniens ?

M. Serge Janquin. Tout ce qui peut contribuer à l’établissement d’une souveraineté économique de la Palestine est utile. Je salue donc les travaux de votre groupe, qui s’apparentent d’ailleurs à ceux du comité Moyen-orient de l’Union interparlementaire, lequel travaille quotidiennement sur des questions concrètes.

Peut-on cependant constituer, à travers des bribes de souveraineté économique, une souveraineté politique ?

Je ne suis pas sûr qu’Israël accepte aujourd’hui la solution à deux États : l’a-t-il d’ailleurs jamais souhaitée, sauf sous Yitzhak Rabin ?

Depuis la période des accords d’Oslo, la Palestine est divisée en trois zones de souveraineté inégale. On pouvait penser que dans certaines d’entre elles, il y aurait des éléments de souveraineté, ce qui n’a pas été le cas. Chacun sait bien que pour construire un pont, une route, une adduction d’eau, il faut l’accord des autorités israéliennes. Il n’y a donc pas de souveraineté, ni économique, ni politique, dans ce pays.

Dès lors, la question de la médiation internationale est posée. Si les États-Unis s’y dérobent, pour les raisons que l’on connaît bien, quelle autre solution y a-t-il que l’intervention de l’Europe, avec toutes les faiblesses et les carences soulignées par notre collègue François Asensi ? Nous ne pouvons pas nous défausser de cette question. La France doit porter en Europe un projet de négociation entre Israël et la Palestine, qui ne doit pas seulement être fondé sur un dialogue direct, car les autorités israéliennes réussissent toujours à engranger les résultats qui leur sont favorables et accusent les autorités palestiniennes – au travers du Hamas aujourd’hui – d’encourager les attentats et de ne pas être fréquentables politiquement. Nous sommes dans une situation bloquée, qu’on ne peut pas laisser régler par un dialogue inégal, qui piège la Palestine. Il faut une forte implication internationale.

M. Jean-Luc Reitzer. Le rapport établi par la Banque mondiale le 12 mars dernier dresse un bilan accablant des restrictions économiques imposées par Israël aux territoires palestiniens. Il rappelle que les check-points et autres restrictions et déplacements imposés par Israël dans les territoires occupés affectent durablement la compétitivité de l’économie palestinienne. Il précise également que la part des exportations dans cette économie a constamment décliné depuis 1994 – date de l’entrée en vigueur des accords d’Oslo – pour tomber à quelque 7 % en 2011, qui est l’un des taux les plus faibles du monde.

Enfin, il indique que l’aide financière étrangère aux territoires palestiniens, qui s’élevait à 932 millions de dollars en 2012, est en réduction constante.

Comment ce rapport a-t-il été perçu par l’opinion palestinienne ? Pensez-vous que, venant d’une institution qui n’est pas soupçonnée d’être anti-israélienne, il puisse infléchir la position d’Israël vis-à-vis des territoires palestiniens ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Vous voyez, messieurs, au nombre de députés présents et à la précision de leurs interventions, à quel point vos exposés nous ont intéressés et combien nous portons attention à cette tragédie et souhaitons apporter une contribution pour y remédier. Je souhaite moi aussi que la France et l’Europe puissent prendre des initiatives dans ce domaine.

M. Gilbert Benhayoun. Monsieur Myard, des diplomates français et européens assistent aux réunions du groupe d’Aix, la Commission européenne et les États-Unis envoient systématiquement un représentant et, depuis quelque temps, les Allemands s’intéressent beaucoup à nos travaux, ce qui fait que nous sommes très bien suivis. Si nous n’avons pas cherché la publicité, nous avons essayé de convaincre les décideurs politiques : nous sommes allés plusieurs fois à Washington, à Bruxelles, très souvent à Paris, et nous travaillons beaucoup avec le Quai d’Orsay et la cellule diplomatique. Ceux qui ont autorité connaissent très bien nos travaux, qui se trouvent sur notre site Internet en anglais, en hébreu et en arabe.

M. Jacques Myard. Et en français ?

M. Gilbert Benhayoun. Une partie a été traduite en français, même si toutes nos réunions ont lieu en anglais. Je m’efforce en tout cas que la totalité le soit, mais j’ai aussi besoin de crédits pour cela !

Lorsque la négociation a repris avec Ehud Olmert et les Palestiniens, le groupe officiel de négociation a été coprésidé par deux membres du groupe d’Aix. Les Israéliens et les Palestiniens sont alors arrivés avec les documents de notre groupe. Nous espérons, si les négociations reprennent, que nos travaux pourront les influencer.

Nos propositions sont raisonnables. Elles ne sont pas naïves : nous savons que l’économie est seconde par rapport au politique, sans être pour autant secondaire. Un échec économique peut remettre en cause tout accord politique. Nous avançons donc pas à pas à l’appui d’une vision politique. Nous travaillons ainsi actuellement sur le coût économique de l’occupation.

Nous attendons des députés français un soutien. La France peut jouer un rôle : le protocole de Paris comme l’aide à la Palestine ont en effet été discutés ici. En septembre prochain, pour les vingt ans des accords d’Oslo, pourquoi ne prendrait-elle pas une initiative ? En tout cas, le groupe d’Aix est prêt à travailler avec vous. Nous refusons le théorème de l’impossibilité consistant à dire qu’il n’y a pas de solution !

M. Arie Arnon. Vous avez posé d’excellentes questions, auxquelles il est difficile d’apporter une réponse.

Si le processus entre Israéliens et Palestiniens a connu des hauts et des bas, il a continué d’aller de l’avant. Puis on s’est demandé pourquoi les peuples ont pris la décision de travailler à l’encontre de leurs intérêts, au point que certains d’entre vous ont été amenés à croire la situation irréversible.

Le statu quo est complexe : Israël n’a pas souhaité annexer les Territoires palestiniens, pour de bonnes raisons. D’abord, la communauté internationale s’y est opposée. De plus, les responsables israéliens ont été intelligents : ils ont compris, depuis quarante ans, que si leur pays procédait à cette annexion et s’il devait accorder des droits politiques complets, comme le droit de vote, il y aurait un État binational, avec toutes les complexités que cela suppose. Ils ont donc préféré maintenir le statu quo, sachant qu’Israël contrôlait ces territoires.

La cause de l’arrêt des progrès résulte de cette réalisation négative. On a non seulement réussi à maintenir le statu quo, mais aussi à s’écarter de la solution à deux États – laquelle ne peut consister à partager la Cisjordanie entre Israéliens et Palestiniens.

Lors des négociations qui ont eu lieu en 2000, qui correspondent à un moment crucial de notre histoire, les Israéliens ont beaucoup contribué à l’effondrement des accords de Camp David, même si les Palestiniens ont aussi commis des erreurs. Par ailleurs, les Américains n’étaient pas prêts à négocier, dans la mesure où les discussions sur une vraie solution à deux États devaient tout résoudre : les questions ardues des territoires, des réfugiés et de Jérusalem.

Nous pensons néanmoins que cette solution est possible : nous sommes allés parler du statut de Jérusalem dans ce cadre et de la façon de résoudre le problème des réfugiés. Or la majorité des Israéliens a soutenu et soutiendra un tel compromis s’il s’accompagne de la garantie politique que les Palestiniens et le monde arabe l’acceptent – ce qui est possible.

Il y a des réponses au problème des colonies : il ne s’agit pas de faire sortir 500 000 personnes des territoires ni de s’emparer de 10 ou 20 % de la Cisjordanie. Nous savons tous que grâce à de petits échanges territoriaux, de qualité et de taille égales, une majorité des colons peut rester où elle est. Le principe est que chaque peuple dispose d’une souveraineté, d’une sécurité et d’une indépendance.

L’Intifada et tout le prix qu’elle a coûté des deux côtés ont aussi été un facteur essentiel : plus de 5 000 Palestiniens ont été tués, sans parler des blessés et des dommages matériels, et plus d’un millier d’Israéliens sont morts. Ce conflit, marqué par le terrorisme et la violence, a été extrêmement négatif et a changé l’opinion des gens. Mais on peut renverser leur point de vue si l’initiative arabe est remise sur la table et que la communauté internationale soutient un accord.

Les États-Unis ont dramatiquement échoué depuis quatre ans. Nous ne pouvons pas enregistrer un nouvel échec de ce type. Si l’économie ne remplacera jamais la politique, elle peut la soutenir. Inversement, les problèmes auxquels l’économie palestinienne est confrontée ne peuvent être résolus sans accord politique. Israël a essayé la paix économique, qui devait donner des moyens de survie et de la prospérité au lieu de l’indépendance et des droits politiques. Mais ce qui n’a pas marché au cours des quarante dernières années ne marchera pas non plus à l’avenir.

Le fait que l’Autorité palestinienne s’investisse très peu dans les actifs productifs est dû au fait que, pour les investisseurs privés, le risque politique est trop important, en raison de l’instabilité de la région. Ces investissements pourront survenir et favoriser le développement quand la stabilité sera assurée. Mais il est très difficile de l’instaurer de l’intérieur.

Le problème est que le pouvoir politique israélien est actuellement entre les mains de factions favorables aux colons. C’est le prix à payer de l’échec enregistré il y a trente ans.

Je ne pense pas que les États-Unis déserteront totalement, mais nous devons nous préparer à cette éventualité. Les Européens auront à faire face à la réalité sur le terrain : ils devront intervenir avant que ne survienne une deuxième, troisième ou quatrième explosion de violence. Nous lançons un appel à l’aide, au soutien et aux encouragements. Présenter une réelle alternative aux deux parties peut leur apporter une puissance politique : il n’est pas impossible de les convaincre que c’est la meilleure voie à suivre.

Nous ne souhaitons pas que les États-Unis ou l’Union européenne imposent une solution. Je ne crois pas que le boycott soit une réponse efficace. Nous souffrons plutôt d’un manque d’alternative sur le terrain, qui pourrait prendre la forme par exemple d’une conférence internationale, au cours de laquelle le monde et la région se rejoindraient. Les modérés pourraient alors proposer une solution à deux États pour sortir de l’impasse. Cela constitue pour nous la meilleure voie pour les deux parties, les Européens, les États-Unis et le reste de la région.

M. Saeb Bamya. Vous posez en effet des questions très difficiles.

Ce conflit nécessite la fin de l’occupation des Territoires palestiniens qui prévaut depuis 1967. Il ne s’agit pas d’une question de dispute sur les terres. Si le gouvernement israélien ne reconnaît pas que cette occupation doit cesser et que ces territoires doivent constituer un État indépendant pour les Palestiniens, il n’y aura pas de solution. Aucun Palestinien ni aucun arabe n’acceptera une autre voie : le maximum de compromis selon l’initiative européenne et la légitimité internationale passe par la fin de cette occupation. Nous sommes le dernier peuple subissant une occupation sur la planète : Cela suffit !

Or nous manquons d’une volonté politique de la communauté internationale, notamment de l’Europe, pour envoyer un message clair pour dire qu’il est temps d’en venir à une solution à deux États. On poursuit des négociations pour les négociations – et pour les médias – : cela devient dangereux. Il semble que les Israéliens et même les Américains apprécient cette situation. Ne les laissons pas mener la danse !

Les Français et les Européens connaissent et comprennent beaucoup mieux la région. Les Américains ont besoin de votre expérience. Si vous voulez donner une chance à la paix, ne les laissez pas agir seuls ! Les diplomaties française, anglaise et européenne pourront utilement informer John Kerry pour qu’il comprenne mieux le problème. Il a mal commencé en s’adressant aux Israéliens : avec une telle approche, nous ne parviendrons jamais à des résultats sérieux. L’administration américaine doit comprendre que le temps ne joue pas en notre faveur.

Nous faisons actuellement des paris lourds de conséquences pour l’avenir de la région. Les Israéliens comme les Palestiniens seront tous ensemble des victimes si ce conflit ne s’achève pas bientôt. Il nous faut adopter des mesures préventives réversibles, y compris concernant le mur.

Une autre idée doit par ailleurs être évoquée : l’analyse la plus importante de la Banque mondiale est que la compétitivité de l’économie palestinienne est sérieusement menacée pour les dix ou vingt ans à venir si le statu quo perdure. Jamais, alors, quels que soient les changements d’environnement, nous ne connaîtrons de reprise, ou bien il faudra très longtemps pour cela. Le peuple palestinien vit déjà dans une situation humaine et économique précaire.

Quant au contrôle des ressources, les colons utilisent celles de la Palestine sans payer de taxe au gouvernement israélien, alors qu’ils réalisent des exportations. J’ai été impliqué dès le premier jour dans toutes les relations avec l’Union européenne et le comité conjoint entre Palestiniens et Israéliens : on essaye toujours de trouver une solution technique, zigzagante, et, au bout du compte, 60 % de ces exportations sont réalisées en tant que produits israéliens, de façon frauduleuse. La part restante est déclarée comme des produits venant des colonies et fait l’objet de droits de douane, mais le gouvernement israélien subventionne leurs producteurs. La Communauté européenne le sait. Ces produits pénètrent ensuite le marché européen à un rythme quinze fois supérieur aux exportations palestiniennes. Nous, les Palestiniens, sommes, comme les Israéliens, membres depuis le premier jour du processus de Barcelone ainsi que du partenariat euro-méditerranéen, mais nous ne pouvons en tirer profit. Or il n’y a aucune réaction sérieuse de nos partenaires pour faire pression sur Israël pour qu’il interrompe ses restrictions illégales.

La Cisjordanie représente 6 000 kilomètres carrés. Depuis 2002, elle est divisée en 500 parcelles, ce qui un cas unique au monde. Or la communauté internationale regarde les bras croisés ce système impensable et attend qu’Israël fasse un geste de bonne volonté. Mais celui-ci ne changera pas de position si elle ne lui envoie pas de message clair en ce sens.

Vous nous avez enseigné les valeurs des droits de l’homme et nous avez fait croire en la démocratie, aux droits de chacun à subvenir à ses besoins, ainsi qu’aux marchés libres. L’interdiction des colonies doit être la seule voie à suivre : ce qui est illégal au regard de vos propres lois doit être considéré comme tel en Palestine. Si vous défendez vos propres principes, les produits provenant des colonies ne devraient pas avoir l’autorisation de pénétrer sur le marché européen

Au sein du groupe d’Aix, nous réfléchissons ensemble et avons une compréhension et un concept communs : c’est la raison pour laquelle nous atteignons nos objectifs. Nous pourrions avoir une influence si on nous en donnait l’occasion. Il nous a été demandé de façon officielle de mener des travaux supplémentaires, car ce que nous faisons est considéré comme important et utile aux négociations israélo-palestiniennes. Le leader de la délégation palestinienne nous a rencontrés à cet effet pour aider l’équipe de négociation. Notre groupe constitue donc une valeur ajoutée.

Nous essayons aujourd’hui de dégager un consensus, mais je crains que nous ne puissions avoir un impact véritable. Il y a trois semaines, nous étions à l’université de Tel Aviv, où nous avons présenté nos idées, qui ont suscité des réactions tout à fait positives ; cela n’est cependant pas suffisant. Sans votre soutien, nous ne pourrons modifier l’environnement actuel.

Le processus d’Oslo est en effet aujourd’hui caduc. Il a tourné à un véritable désastre. La transition ne mènera nulle part tant que nous aurons une asymétrie et que nous comparerons la situation des Palestiniens avec celle des Israéliens.

Pour avoir personnellement participé à des négociations, je puis dire que nous n’en avons jamais eues de sérieuses. Le comité économique conjoint, qui a commencé à fonctionner de manière bilatérale, est devenu après un an une instance unilatérale, où seuls les Israéliens prenaient les décisions. Ainsi, en 1997, le ministre du commerce et de l’industrie du premier gouvernement de M. Netanyahou a décidé, sans nous en informer, que les importateurs palestiniens ne seraient pas autorisés à vendre des biens dans les territoires israéliens : ils devaient signer un document à cette fin et risquaient d’être traduits devant un tribunal. Israël était en mesure de poursuivre ces ventes au sein du territoire palestinien, ce qui allait à l’encontre de tous les principes commerciaux. Nous leur avons fait valoir que cela violait le protocole de Paris et le principe même d’une union douanière, mais ils nous ont répondu qu’ils n’en avaient cure et qu’ils avaient pour mission de défendre les intérêts des entreprises israéliennes. Aujourd’hui encore, les importateurs palestiniens n’ont pas le droit de vendre sur les marchés israéliens.

L’argent des bailleurs de fonds est un substitut aux mesures israéliennes. En tant que secteur privé palestinien, nous ne bénéficions absolument pas de cet argent. En effet, le commerce représente un montant plus important : si nous ne sommes pas en mesure de réaliser des échanges et que nos revenus sont réduits, nous ne pourrons survivre. Les fonds servent donc à la survie de l’Autorité palestinienne, qui garantit elle-même la sécurité d’Israël – comme elle l’a fait au cours des cinq dernières années. Elle a en effet montré sa capacité à respecter ses engagements.

Mahmoud Abbas a fait de son mieux, de même que son prédécesseur. Quant à Salam Fayyad, il était apprécié par la communauté internationale et l’Union européenne ; il a mis en place sa stratégie. Nous avons eu un rapport très complet du FMI, de l’Union européenne et de la Banque mondiale, mais les mesures prises par Israël ont immédiatement fait en sorte qu’il ne puisse véritablement aider le peuple et le secteur privé palestiniens.

Au cours des quatre derniers mois de 2012, certaines entreprises n’ont pas été en mesure de verser des salaires. Salam Fayyad est affaibli par ses alliés internationaux, les Américains, mais aussi, à mon grand dam, les Européens, qui le considèrent pourtant comme un allié très proche. Il est isolé.

Or les Palestiniens n’accepteront pas que ce statu quo se prolonge, même si cela devait mener à la dissolution de l’Autorité palestinienne et à un retour à une véritable occupation.

Israël profite aujourd’hui d’une occupation de fait, garantit sa sécurité et ne délivre finalement absolument rien.

M. Gilbert Benhayoun. Je voudrais rendre hommage, pour terminer, à ceux qui ont soutenu depuis le début le groupe d’Aix : le conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, le conseil général des Bouches-du-Rhône, le Quai d’Orsay, la Caisse des dépôts et Consignations, la Commission européenne, la Banque mondiale, et aussi la coopération allemande, qui a décidé dernièrement d’aider le Groupe de manière substantielle.

Nous avons maintenant une certaine audience auprès de l’Union européenne, notamment de la Commission, et nous avons été reçus à Londres, et très souvent à la Maison Blanche. Notre groupe est aujourd’hui reconnu comme un organisme relativement sérieux : s’il n’a pas recherché la publicité, il est temps qu’il fasse un peu plus parler de lui.

Ainsi, sur l’initiative arabe de paix, qui correspond à un document de seulement deux pages, nous avons rédigé une étude de 600 pages – que vous pouvez consulter sur notre site Internet – par le biais de quatre groupes de travail sur les institutions, le type de commerce et les déclinaisons possibles de cette initiative : elle mériterait d’être mieux connue.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci, messieurs. Nous vous souhaitons bon courage et allons d’essayer de relayer autant que possible vos initiatives.

La séance est levée à onze heures.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 15 mai 2013 à 9 h 30

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. Pouria Amirshahi, Mme Sylvie Andrieux, M. François Asensi, M. Avi Assouly, M. Jean-Paul Bacquet, M. Patrick Balkany, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Claude Buisine, M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-Louis Christ, M. Philippe Cochet, M. Philip Cordery, M. Édouard Courtial, M. Jean-Louis Destans, M. Jean-Luc Drapeau, M. Jean-Pierre Dufau, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. François Fillon, M. Hervé Gaymard, M. Jean Glavany, Mme Estelle Grelier, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, Mme Thérèse Guilbert, M. Jean-Jacques Guillet, Mme Chantal Guittet, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Laurent Kalinowski, M. Pierre Lequiller, M. François Loncle, M. Jean-Philippe Mallé, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Guy Teissier, M. Michel Terrot, M. Michel Zumkeller

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Christian Bataille, M. Gérard Charasse, Mme Seybah Dagoma, M. Michel Destot, M. Jean-Paul Dupré, Mme Marie-Louise Fort, M. Paul Giacobbi, M. Patrick Lemasle, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mignon, M. René Rouquet

Assistait également à la réunion. - M. Michel Ménard