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Commission des affaires étrangères

Mercredi 5 juin 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 68

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Martine Aubry, représentante spéciale pour la diplomatie économique avec la Chine

Audition, ouverte à la presse, de Mme Martine Aubry, représentante spéciale pour la diplomatie économique avec la Chine

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Soyez la bienvenue, madame Aubry. Vous êtes la représentante spéciale pour la diplomatie économique avec la Chine, pays que vous connaissez bien pour y avoir effectué plusieurs voyages en tant qu’élue. Vous êtes maire de Lille, et l’agglomération lilloise a participé à l’exposition universelle de 2010 à Shanghai.

Comment voyez-vous aujourd’hui les relations bilatérales – commerciales et industrielles – entre la France et la Chine, ainsi que l’insertion de ce pays dans l’économie mondiale ? Nos entreprises profitent de la croissance chinoise : 10 000 d’entre elles exportent en Chine – ces exportations, en forte augmentation, ont crû de près de 12 % l’an dernier – et 2 200 y sont implantées, employant plus de 500 000 personnes. Notre relation reste en revanche très asymétrique : le déficit commercial de la France à l’égard de la Chine atteint 26 milliards d’euros et notre part du marché chinois – 1,27 % – demeure quatre fois moindre que celle de l’Allemagne.

Depuis la reconnaissance de la Chine populaire par le général de Gaulle en 1964, nos relations politiques avec ce pays n’ont cessé d’être excellentes ; en témoigne la récente visite du Président de la République à Pékin, où vous l’avez accompagné. Michel Destot, rapporteur de notre mission d’information sur la Chine présidée par Patrice Martin-Lalande, a également pris part au voyage. Comment profiter de ce contexte favorable pour développer nos relations économiques ? La désignation des représentants spéciaux peut-elle nous y aider ? Quelles opportunités l’économie chinoise offre-t-elle à notre pays ?

L’insertion de l’économie chinoise dans les échanges mondiaux pose de sérieux problèmes : son poids est tel qu’une simple annonce de la contraction de son activité a suffi à provoquer un krach à la bourse japonaise. Par ailleurs, dix ans après l’entrée de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les sujets de préoccupation ne manquent pas. Le pays est régulièrement accusé de dumping, comme récemment sur les panneaux solaires. Face aux mesures prises par l’UE, la Chine réplique par une enquête sur les vins européens, alors que l’exportation du vin de Bordeaux – Alain Juppé l’a rappelé dans le cadre de sa mission en Chine – nourrit l’économie de cette région. Parmi les autres problèmes, notons les engagements chinois plus que sommaires en matière environnementale, la question du travail forcé des prisonniers, la valeur du yuan et les multiples barrières dans le domaine des marchés publics et des services.

La Chine reste d’ailleurs écartée des grandes négociations commerciales. L’accord de libre-échange transpacifique que les États-Unis proposent aux autres pays asiatiques est clairement tourné contre elle. Quant à l’UE – qui en a conclu un avec la Corée du Sud et souhaite négocier avec les États-Unis et le Japon –, elle n’envisage pour l’heure qu’un simple accord sur les investissements avec la Chine.

Nous comptons sur vous pour nous éclairer sur toutes ces questions.

Mme Martine Aubry, représentante spéciale pour la diplomatie économique avec la Chine. Cette séance arrive à point nommé après la visite du Président de la République en Chine. Et puis, l’Europe est aujourd’hui même engagée dans une partie de bras de fer avec ce pays, qu’elle pousse à respecter ses engagements à l’OMC. La décision de la Commission européenne de taxer les panneaux solaires laisse néanmoins une marge à la négociation, puisque ce n’est qu’en absence d’accord, que le taux de 11 % passera à plus de 40 % au mois d’août. Suivant son habitude, la Chine a aussitôt réagi par une mesure de rétorsion, lançant une enquête antidumping sur les vins et spiritueux européens – décision particulièrement préjudiciable à la France qui exporte pour près de 790 millions d’euros de ces produits en Chine. Mais ne dramatisons pas la situation : c’est ce type de relations – où l’on durcit le ton pour ensuite pouvoir discuter – qui fonctionne généralement avec la Chine.

En mettant l’accent sur la diplomatie économique, Laurent Fabius s’est inspiré de la mutation, il y a une vingtaine d’années, du rôle des préfets que l’on a incités à ne pas se limiter aux seules actions administratives et juridiques pour se consacrer au développement des régions ou des départements qui leur étaient confiés. Laurent Fabius a encouragé les ambassadeurs à se mettre au service de nos entreprises afin de les aider à développer des parts de marché dans différents pays. Si cette orientation s’applique à l’ensemble de la diplomatie française, le ministre a souhaité que, dans certains pays centralisés, des personnalités politiques reconnues localement puissent créer des liens de confiance – stratégie adoptée depuis longtemps par les Allemands. Malgré les efforts notables de Jean-Pierre Raffarin, la France n’occupe pas, en Chine, une place à sa mesure ; la nomination d’un représentant spécial pour ce pays – tout comme en Russie, au Mexique, en Algérie ou au Japon – constitue donc une bonne initiative.

Nul besoin de s’étendre sur l’importance de nos relations avec la Chine. Deuxième économie du monde, premier exportateur mondial, premier détenteur de réserves de change, pays qui envoie désormais le plus de touristes à l’étranger, cette grande civilisation est passée du Moyen Âge au XXIe siècle en l’espace d’une génération. La croissance chinoise, actuellement ralentie par rapport aux prévisions du plan, reste considérable – 7,7 % au premier semestre 2013 –, et la Chine ne devrait pas tarder à devenir la première économie mondiale.

Le pays affronte pourtant de nombreux défis. Au vieillissement de la population, porteur de problèmes de santé et de main d’œuvre, s’ajoutent les conséquences de l’urbanisation forcée, les conditions de production industrielle qui abîment profondément l’environnement. La pollution atteint des records : cet hiver, à Pékin, on a dû fermer les écoles et empêcher les personnes âgées de sortir de chez elles, tout en mettant plusieurs fois les usines à l’arrêt. Depuis deux ou trois ans, la population civile se mobilise contre ce fléau, et les autorités chinoises sont obligées de s’en saisir. Enfin, les inégalités territoriales et sociales restent fortes.

La Chine se développe rapidement, et de plus en plus de Chinois voyagent. Aujourd’hui, 200 millions d’entre eux appartiennent aux catégories moyennes et supérieures ; ils seront 600 millions en 2020. Cet essor génère une consommation importante, la demande étant accompagnée de deux attentes majeures : la qualité, et la sécurité alimentaire et sanitaire, ce qui ouvre des perspectives à la France.

Mme Guigou l’a rappelé, quelque 10 000 entreprises françaises exportent vers la Chine, et 2 000 y sont implantées, parfois depuis 30 ou 40 ans, y compris dans le domaine industriel. La France ne détient cependant que 1,27 % du marché chinois, contre 5,3 % pour l’Allemagne qui nous dépasse même dans le secteur de l’agroalimentaire – situation paradoxale au regard de la qualité de nos produits et de la réputation de la gastronomie française en Chine.

Notre relation commerciale reste très déséquilibrée, nos 27 milliards de déficit à l’égard de la Chine représentant 40 % du déficit commercial total de la France. Pour y remédier, plutôt que de réduire les importations chinoises, le Président de la République souhaite gagner des parts de marché en développant nos exportations en Chine mais aussi nos investissements, comme nous souhaitons accueillir les investissements chinois en France. Ces derniers créent des emplois, mais également des relations utiles pour tisser les relations commerciales. Aussi vaut-il mieux que la Chine investisse dans notre pays plutôt que chez nos voisins, en dehors bien sûr des secteurs hautement stratégiques.

Ma mission ne porte pas sur les secteurs stratégiques traditionnels qui relèvent de discussions au niveau des gouvernements, tels que le nucléaire civil ou l’aéronautique. La construction des deux Evolutionary Power Reactors (EPR) à Taishan se déroule bien, et Airbus continue sa progression en Chine : le Président de la République a, lors de son voyage, signé un accord d’intention pour la vente de 60 appareils, et la visite en France du Président chinois devrait permettre, nous l’espérons, d’aller au-delà. J’ai souhaité pour ma part privilégier trois domaines – la santé, l’agroalimentaire et le développement durable – dans lesquels nos parts de marché peuvent croître rapidement. En effet, il s’agit de secteurs en forte croissance en Chine, dans lesquels la France possède des compétences particulières et où l’on retrouve la demande de qualité et de sécurité. Cette priorité ne m’empêche naturellement pas d’aider les autres entreprises en difficulté, comme par exemple Caddie, actuellement victime d’une escroquerie.

La santé tout d’abord : l’exportation de médicaments en Chine de nos entreprises représente 800 millions d’euros en 2012. À côté des grandes entreprises, telles que Sanofi Aventis, Servier, Sanofi Pasteur, BioMérieux ou Beaufour Ipsen, de petits laboratoires obtiennent également des marchés sur des niches particulières. Les délais imposés aux études cliniques avec toutes les autorisations nécessaires, la mise sur le marché d’un médicament qui n’interviennent qu’au bout de 7 à 10 ans, soit au moment même où le brevet tombe, autorisant les entreprises chinoises à produire des génériques, tout cela constitue la plus grande difficulté de ce secteur. Malgré cet obstacle – et malgré un prix des médicaments beaucoup plus bas qu’en France –, les représentants des grands laboratoires en Chine avouent réaliser de confortables bénéfices. Nous essayons d’accompagner nos entreprises pour réduire ces délais, y compris dans le domaine vétérinaire, comme dans le cas de l’entreprise Ceva qui a inventé le premier vaccin contre la grippe aviaire. Malgré une épizootie très importante dans le pays, Ceva peinait depuis trois ans à se faire reconnaître ; grâce à nos efforts, l’entreprise vient d’obtenir la possibilité de tester son vaccin sur des volailles chinoises et de le produire dans le pays.

Dans son douzième plan quinquennal, la Chine a décidé de mettre l’accent sur l’hôpital ; or, la France jouit aujourd’hui du meilleur système hospitalier du monde, en matière de qualité médicale, de gestion des établissements, de suivi du malade, de la lutte contre les maladies nosocomiales. La Chine cherchant toujours ce qui marche chez les autres, nous devons exposer notre savoir-faire dans des vitrines exemplaires. Le groupe lyonnais de cliniques privées Noalys projette par exemple d’ouvrir une maternité franco-chinoise à Shanghai. Ce type d’initiative nous ouvrirait d’autres marchés, notamment celui des systèmes d’information et du matériel médical.

Quant à l’enjeu des brevets et de la propriété intellectuelle, les Chinois en prennent eux-mêmes conscience. Un laboratoire chinois ayant découvert une molécule qui soigne les maladies du foie autres que le cancer craint ainsi que son brevet ne lui offre pas une protection suffisante en Chine. Nous l’aidons donc à venir s’installer en France dans une joint venture avec un laboratoire français.

Dans le domaine agroalimentaire, nous essayons actuellement – longtemps après les pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie – d’obtenir l’agrément pour nos produits de charcuterie tels que le foie gras. L’exportation en Chine des produits agroalimentaires français atteint 1,5 milliard d’euros par an, soit bien moins que leurs homologues allemandes. Ce domaine – premier objet de nos efforts – nous offre des opportunités considérables. Il existe par exemple en Chine une demande considérable de viennoiseries et de pain, et des entreprises coréennes ouvrent, à Pékin et à Shanghai, des boulangeries baptisées « Le pain parisien » et ornées d’une tour Eiffel. Nous essayons donc d’accompagner des boulangeries françaises telles – Chez Paul ou Eric Kayser – sur ce marché.

La France compte également beaucoup de petites entreprises très performantes de biscuiterie, confiserie ou chocolaterie, qui s’opposent à des grands groupes comme Kraft ou Ferrero. Il faut les aider à s’organiser pour entrer en contact avec les distributeurs qui pourront ensuite les faire connaître aux commerçants chinois.

Enfin, pour prendre un autre exemple, la Chine importe du lait en poudre de Nouvelle Zélande et d’Australie, mais ces pays arrivent au bout de leurs capacités. Ce marché est en expansion considérable. La France est très attendue dans ce secteur, surtout depuis le scandale du lait frelaté, mais nos agriculteurs, fiers de la qualité de leur production, hésitent à investir dans ce qu’ils considèrent comme un sous-produit. Il faut les pousser à saisir ce marché en pleine expansion. Aujourd’hui à Carhaix, en Bretagne, c’est un groupe chinois qui va investir une usine.

En développement rapide, la Chine construit énormément, sans aucun plan d’urbanisme et sans anticiper les problèmes de déchets, de chauffage et de transport. Alors que nous comptons les deux plus grands groupes mondiaux dans ce domaine, Suez et Veolia, ainsi que d’autres fleurons tels qu’Alstom ou Keolis, la concurrence que se livrent nos entreprises nous empêche d’intervenir sur ce marché. Nous avons donc décidé de présenter aux Chinois une offre commune, leur demandant de nous offrir deux ou trois terrains sur lesquels nous pourrons appliquer nos savoir-faire. Afin de ne pas plaquer sur les réalités locales nos schémas français, nous travaillerons avec des entreprises du bâtiment chinoises, avec pour projet de concevoir un quartier durable – ce qui peut représenter, en Chine, un million d’habitants. Un premier terrain doit nous être alloué à Wuhan, et nous nous y rendrons dès le mois de juillet pour montrer ce que nous sommes capables de faire.

Parmi les problèmes auxquels se heurtent les entreprises françaises, citons la mise en quarantaine des produits alimentaires, le changement continuel des normes, la difficulté à obtenir les licences et l’incertitude quant à la protection des brevets. Pour investir en Chine, il faut obligatoirement constituer une joint venture ; nous essayons de mettre en place un réseau de consultants français pour aider nos investisseurs à trouver des interlocuteurs sûrs aux côtés de nos intervenants publics particulièrement performants que sont Ubifrance ou l’AFII. Enfin, les marchés publics chinois restent totalement fermés aux entreprises européennes, comme le Président de la République l’a rappelé au Premier ministre chinois lorsque celui-ci s’était plaint de l’ouverture insuffisante des marchés publics français.

Le nombre de touristes chinois ne cesse d’augmenter ; l’année dernière, 52 millions de Chinois sont partis à l’étranger grâce au seul site de voyages en ligne Ctrip. La France – qui en a accueilli un million – représente la destination préférée des Chinois, mais ce tourisme se concentre trop sur la capitale. Nous travaillons désormais en partenariat avec les tour opérators chinois pour proposer des circuits – organisés par thèmes – dans toutes les autres régions françaises.

Le Président de la République a eu raison de souligner que les Chinois étaient les bienvenus dans notre pays, car ces derniers ont trop souvent l’impression que la France crie au « péril jaune ». Or, s’il faut protéger les secteurs stratégiques, nous devons encourager les entreprises et les investisseurs chinois à s’implanter en France. L’entreprise chinoise qui a réalisé les intérieurs des TGV vient de signer un accord avec Alstom pour venir s’installer à Valenciennes. De même, puisque le fabriquant d’ascenseurs chinois –une des plus grandes fortunes mondiales– veut s’établir en Europe, nous l’incitons à venir créer des emplois en France.

Essayer de rendre ma mission opérationnelle ne m’empêche pas de penser qu’avec la Chine, il faut toujours combiner deux approches. D’abord, la fermeté, car les Chinois aiment un langage clair et direct : ils ont apprécié que Mme Merkel dise qu’elle recevrait le dalaï-lama, alors que l’ambiguïté du Président de la République française à l’époque l’avait au contraire desservi. Mais les Chinois recherchent également une relation de confiance, affective et sentimentale. L’année 2014 – 50e anniversaire de la reconnaissance de la Chine par le général de Gaulle – permettra à l’ensemble des communes et des régions françaises d’y contribuer. Cette date, très attendue par les Chinois, nous offrira l’occasion de leur montrer que loin de se réduire aux délocalisations et aux désaccords sur les droits de l’homme, nos rapports s’inscrivent dans une relation historique entre deux terres chargées de culture, véritable tremplin pour l’avenir ; que nous ne les craignons pas, mais voulons recréer une relation de franchise et de réciprocité. Cette tonalité, qui a prévalu lors de la visite du Président de la République en Chine, a été très appréciée de nos partenaires chinois et ses retombées s’avèrent d’ores et déjà importantes. Notre ambassadeur m’a confirmé hier que ce voyage a permis de débloquer les projets de plusieurs entreprises françaises.

M. Michel Destot. Je me réjouis de votre engagement et de votre dynamisme dans cette mission essentielle. Je rentre de Yangzhou – « petite » ville chinoise de 5 millions d’habitants non loin de Shanghai – où j’ai participé à la table ronde des maires français et chinois. Les Chinois apprécient non seulement la personnalité de Martine Aubry, mais également le fait qu’elle soit maire de Lille et présidente d’une grande métropole française. La diplomatie économique devrait comprendre un volet régional : à côté des visites du Président de la République en Chine, il faudrait multiplier les voyages ministériels, mais également ceux des responsables des grandes collectivités territoriales – présidents de régions, maires des grandes villes. En effet, l’urbanisation constitue un problème majeur en Chine, et nous possédons un savoir-faire considérable dans le domaine des smart-cities : développement durable, déplacement et assainissement. Inversement, si nous voulons attirer des investissements chinois en France, nos territoires constituent notre meilleur atout.

L’année 2014, 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre nos deux pays, constituera une date symbolique. Nous devrions saisir cette occasion pour organiser des événements sur l’ensemble de nos territoires, mais également pour promouvoir la présence d’étudiants chinois dans nos universités et nos grandes écoles, ainsi que le tourisme. Il y a aujourd’hui plus de Français en Chine que de Chinois en France, alors que la population chinoise est vingt fois supérieure à la nôtre. Il faudrait simplifier le régime des visas, car les Chinois se plaignent des délais d’obtention, bien plus longs qu’au Royaume-Uni ou en Allemagne.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous sommes tous convaincus des vertus de la coopération décentralisée !

M. Patrice Martin-Lalande. Les Chinois portent un grand intérêt à la France comme destination touristique. Mais leur sentiment d’insécurité a sans doute été renforcé par les événements récents.

Quels enseignements tirez-vous, pour votre démarche, de celles de nos amis et concurrents européens ? Une action européenne groupée peut-elle améliorer notre pouvoir de négociation face à la Chine ou bien faut-il privilégier la relation bilatérale ? Comment doser ces deux ingrédients ?

Quelle évolution peut-on anticiper en matière d’inégalités territoriales et sociales en Chine, une des menaces latentes pour les gouvernants chinois ?

M. Philippe Baumel. L’Afrique représente un terrain où nos entreprises affrontent, souvent de façon douloureuse, leurs homologues chinoises. Très présente sur ce continent dont elle a compris le potentiel de croissance, mais aussi la richesse en matières premières, la Chine y développe des pratiques pour le moins originales : troc de diamants contre routes, achat de concessions de bois sans contrôle douanier des États, constitution de véritables principautés où des salariés chinois cultivent l’huile de palme. Ses entreprises y tissent enfin des relations avec des États africains très éloignés de la nouvelle donne que la France cherche à installer – lutte contre la corruption, développement durable, respect des ressources et des droits de l’homme. Dans ce contexte, que penser du repositionnement des groupes français sur le continent africain pour essayer d’y imposer nos valeurs et de nourrir des relations économiques différentes ?

M. Avi Assouly. Alors que la France représente 1,27 % et l’Allemagne presque 6 % du marché chinois, vous n’avez évoqué que les points forts de notre pays : l’urbanisme, l’agroalimentaire, l’aéronautique. Mais ne faudrait-il pas développer, à l’instar de l’Allemagne, une implantation conjointe de petites et de grandes entreprises, celles-ci – déjà présentes en Chine – permettant à celles-là de s’y insérer ? La France a d’énormes atouts, à vous de les faire connaître !

M. Michel Terrot. Qu’en est-il réellement des installations chinoises en France ? Combien d’emplois génèrent-elles chez nous, comment progressent-elles d’une année sur l’autre ?

Si la Chine importe pour 100 milliards de dollars par an de produits agroalimentaires, le développement de la charcuterie, du lait et du pain français ne suffira pas à rattraper, encore moins à dépasser l’Allemagne ; quelle dynamique supplémentaire faudrait-il pour y parvenir ?

M. Jean-Paul Dupré. Les régions françaises sont-elles assez présentes en Chine ? Vu leurs compétences en matière économique, devraient-elles investir dans des maisons de région assurant une permanence d’accueil et un soutien aux entreprises exportatrices ?

M. Jean-René Marsac. Un exemple illustre l’ampleur de l’ambition chinoise en Afrique, tout en faisant écho à vos remarques sur le domaine de la santé : la Chine a récemment financé la construction d’un hôpital dans une grande ville du Burundi.

Quel effort les Chinois consentent-ils en matière de recherche, d’innovation et de développement ? Dans quelles technologies investissent-ils le plus et risquent-ils de percer au niveau mondial ?

M. Jacques Myard. Madame la ministre, je salue votre enthousiasme, mais les Chinois ne recherchent aucune relation affective ; matérialistes, ils se contentent de défendre leurs intérêts, et les paroles d’amitié n’y changeront rien.

Que la Chine ou l’Allemagne parviennent à accumuler autant de réserves de change indique un problème d’ajustement monétaire préjudiciable à nos exportations. Les Chinois peuvent-ils évoluer sur cet enjeu fondamental des relations internationales actuelles ? Les exportations de l’Allemagne correspondent à sa puissance industrielle dans les domaines de la métallurgie et de la chimie lourde. Mais les Allemands n’éviteront pas éternellement les difficultés : tout comme Alstom, Siemens peine à accéder aux marchés chinois, et n’en obtient que des miettes.

La situation économique et sociale de la Chine – secouée par 200 à 300 émeutes par an – doit d’autant plus nous interpeller que la théorie du chaos, qu’affectionnent les Chinois, enseigne que tout système peut tout à coup s’écrouler. Les conséquences d’un tel effondrement seraient incalculables.

Alors que les Chinois nous imposent de créer des entreprises conjointes pour investir dans leur pays, pourquoi ne leur applique-t-on pas la même règle en Europe ?

Enfin, si l’action du Gouvernement – que vous représentez – doit être saluée, pourquoi ne suit-on pas l’exemple allemand en impliquant dans l’effort la Chambre de commerce ?

M. André Schneider. Madame la ministre, on ne peut qu’applaudir au concept de diplomatie économique, bien utile face au pragmatisme et au sens séculaire du commerce des Chinois. Mais disposez-vous des moyens nécessaires pour coordonner l’action sur ce terrain et fédérer les personnes qui s’en chargent ?

Que pensez-vous de l’impact des très petites entreprises ? L’Alsace est, par exemple, bien implantée à Shanghai.

M. Philip Cordery. Depuis les grandes grèves et les suicides chez Foxconn, les Chinois prennent conscience de la nécessité de créer un système de sécurité sociale, d’autant que pour les Chinois des campagnes, cet enjeu recouvre la question de la citoyenneté. Les y aider conforterait notre objectif de juste échange.

Les relations économiques profitent toujours du rapprochement culturel, aussi l’action éducative fait-elle partie des investissements à long terme. L’apprentissage du chinois en France progresse ; comment renforcer cette coopération ?

M. Boinali Said. Madame la ministre, pouvez-vous en dire plus sur la coopération régionale, élément incontournable de la diplomatie économique ?

Mme Chantal Guittet. L’agroalimentaire représente un enjeu important dans mon département du Finistère. Si, dans le monde, un porc sur deux est aujourd’hui chinois, la Chine n’en produit pas assez pour sa consommation domestique et fait face à de nombreux scandales alimentaires. Les produits français jouissent d’une excellente réputation en matière de sécurité sanitaire, mais risquent la contrefaçon. Quant aux investissements chinois, ils fragilisent nos entreprises : les producteurs laitiers du Finistère n’apprécient guère le rachat, par les Chinois, de 90 % d’une coopérative laitière à Carhaix. Comment éviter que notre agroalimentaire ne soit pillé par la Chine, et amener celle-ci à respecter les conditions sanitaires de production ?

Les entreprises françaises qui souhaitent s’implanter en Chine bénéficient de leur notoriété, mais leur manque de savoir-faire en matière de marketing leur fait perdre cet avantage initial.

S’agissant de l’enseignement, bien des étudiants chinois accueillis dans nos universités ont été refusés par les établissements chinois en raison de leur niveau insuffisant. Pour promouvoir notre agriculture, il faudrait diffuser notre enseignement agricole ; contrairement à nos filières d’ingénieurs, très présentes en Chine, l’exportation de cet enseignement de qualité n’est prévue par aucun accord.

M. Jean-Claude Guibal. L’Empire du milieu joue au go, nous Occidentaux aux échecs ; comment concilier ces deux stratégies très différentes dans la confrontation économique ?

Notre préférence pour le consommateur nous a longtemps conduits à importer des produits à bas prix ; peut-on obtenir davantage de réciprocité de la part de la Chine et rééquilibrer nos conditions d’échange de façon à améliorer la situation de nos producteurs ?

À votre avis, le développement de la Chine reposera-t-il encore sur l’exportation ou bien de plus en plus – et le cas échéant, à quel rythme – sur l’expansion du marché intérieur ?

M. Noël Mamère. Coprésident du groupe d’études « Question du Tibet », je n’oublie ni la répression de Tian’anmen vieille de 24 ans, ni les conditions de travail déplorables des salariés chinois, qui les poussent aux révoltes et aux suicides. L’Allemagne – vous l’avez rappelé – n’a jamais hésité à affirmer son soutien à l’autonomie du Tibet ; comment, au travers de nos relations commerciales et économiques avec la Chine, pouvons-nous pousser ce pays à respecter les droits de l’homme et les libertés syndicales et à améliorer les conditions de travail des salariés ?

Certains produits chinois importés en Europe sont fabriqués dans les laogais – camps de détention similaires aux goulags. Comment la France et l’Europe peuvent-elles agir pour nous éviter d’être inondés de ces produits ?

M. Jean-Paul Bacquet. Madame la ministre, merci de nous avoir rappelé des évidences trop rarement assimilées ! Si un million de touristes chinois viennent en Auvergne, les Auvergnats se retrouveront en minorité ; avec ses 32 millions d’habitants, la seule ville de Chongqing pèse, dans une négociation, autant que la moitié de la France. Nous réalisons 58 % de nos exportations en Europe, négligeant la Chine, alors que gagner 1 % de ce marché d’une ampleur exceptionnelle est à la fois plus facile qu’en Europe et bien plus avantageux.

En matière de gestion des hôpitaux, parvenons-nous à exporter le modèle français de la délégation de service public (DSP) ?

Plutôt que d’aider la Chine par le biais de l’Agence française de développement (AFD), n’aurions-nous pas intérêt à lui apporter des aides liées ?

Vu les difficultés administratives que nos entreprises rencontrent en Chine, on ne peut réussir sur ces marchés porteurs qu’avec un accompagnement de qualité. Or la multiplication des intervenants aux actions redondantes ou contradictoires nuit à l’efficacité. Ne faudrait-il pas limiter la coopération décentralisée pour lui préférer un système plus coordonné ?

M. Jean-Luc Reitzer. La France ne détient en Chine que 1,27 % de part de marché, et présente un déficit commercial de 27 milliards d’euros. Si je salue vos efforts dans l’agroalimentaire, il ne faut pas oublier la commande publique ; en effet, aucune réciprocité n’existe dans ce secteur qui pèse 10 % de notre PIB. Bien que membre de l’OMC, la Chine n’a toujours pas signé l’accord sur les marchés publics (AMP), seul cadre juridiquement contraignant dans ce domaine. Dans quelle mesure pouvez-vous influencer les autorités chinoises pour les amener à le ratifier ?

Mme Seybah Dagoma. La Chine représente aujourd’hui le premier bailleur de fonds du continent africain. En 2008, elle a envisagé de prêter 4 milliards d’euros à la République démocratique du Congo (RDC), alors même que le FMI négociait un rabais de 80 %. La pression du FMI l’avait à l’époque conduite à réduire de moitié le montant de ce prêt. Lors du sommet sino-africain de 2012, la Chine a pourtant annoncé qu’elle allait continuer cette pratique. Les prêts chinois sont souvent assortis de taux d’intérêt élevés et garantis sur des ressources minières ou des hydrocarbures. Membre du conseil du FMI, la Chine mène pourtant une stratégie africaine incompatible avec les programmes de cet organisme, notamment ceux d’annulation de dettes. Quand endossera-t-elle une responsabilité internationale à la hauteur de la puissance qu’elle représente désormais ?

M. François Rochebloine. De quelle manière la France a-t-elle participé à l’exposition universelle de Shanghai en 2010 et quelles retombées en a-t-elle obtenues ? Aujourd’hui encore, quel bénéfice pouvons-nous en tirer ?

M. Gwenegan Bui. Bien que potentiellement porteur, le secteur des industries agroalimentaires françaises est affaibli par ses divisions, qui l’empêchent de conquérir des parts de marché importantes à l’export. Comment mieux organiser la filière pour attaquer la Chine de façon collective ?

De même, s’il convient de saluer l’investissement chinois à Carhaix, tout comme à Lampaul-Guimiliau – où les Chinois deviennent propriétaires de la marque Jean Caby –, il faudrait améliorer la concertation entre les deux parties, afin de parvenir à un partenariat mutuellement profitable. Peut-on identifier les domaines agroalimentaires à protéger et à promouvoir ? Comment rapprocher les entreprises des investisseurs potentiels ?

M. Thierry Mariani. Pour me rendre régulièrement en Chine en tant que député de cette circonscription, je sais que nos entreprises y attendent avec impatience la signature de l’accord sur les charges sociales des travailleurs expatriés. Sans cet accord – d’ores et déjà signé par les Allemands – ces charges bondiront de 50 %, freinant, voire empêchant l’expatriation.

Mme Martine Aubry. Monsieur Myard, les Chinois défendent certes leurs intérêts, comme nous défendons les nôtres ; dans ce pays qui a tant souffert, le matérialisme permet aussi de rattraper le temps perdu. Mais fermeté et confiance ne sont pas incompatibles ; au contraire, les capacités de négociation de la Chine rendent d’autant plus indispensable de bâtir une relation de long terme, fondée sur un dialogue politique.

La coopération décentralisée est en forte progression, mais elle exigeait une meilleure coordination ; le ministère des affaires étrangères projette d’ailleurs de créer une commission spéciale sur cette question. Beaucoup peut être fait sur notre sol même : certaines régions financent ainsi à 100 % les délégations de PME qui partent au salon Sial de Shanghai, d’autres à 20 %, d’autres encore pas du tout. Dans l’accompagnement des PME, il faut veiller à éviter les concurrences.

Parmi les exemples de coopération régionale réussie, mentionnons Rhône-Alpes et l’Aquitaine. Bordeaux vient notamment de gagner un contrat sur le bilan carbone de la ville de Wuhan, et la région travaille aujourd’hui sur la conception d’un micro-éco-quartier.

S’agissant des freins à nos échanges, le ministre des affaires étrangères a pris des dispositions pour renforcer les services de visas dans les grandes conurbations chinoises.

Longtemps sous-évalué, le yuan a pris 20 % entre 2006 et début 2013, et 30 % encore depuis le début de l’année. Le FMI et les Etats Unis considèrent qu’il correspond aujourd’hui à peu près à sa valeur, même si aux yeux des Européens, il reste encore du chemin à faire. Les prix ont augmenté en Chine de 30 à 35 %. Quant au salaire, il s’élève aujourd’hui à 3 500 euros par an – contre 2 000 euros en 2010 – dans les zones urbaines du Nord, à 700 euros environ dans les régions rurales. Cette hausse rapide amène d’ailleurs certaines entreprises françaises telle Décathlon, à relocaliser leur production pour le marché européen.

Si les grèves et les suicides constituent une réalité, les Chinois rencontrent des difficultés dans la délocalisation de leur production au sud du pays. En effet, les Chinois du sud – agriculteurs habitués à se défendre individuellement – répugnent à travailler de manière collective et organisée sur des tâches répétitives. Ce phénomène, tout comme la hausse des salaires et la revalorisation du yuan, joue en notre faveur.

La France exprime aujourd’hui clairement sa position sur toutes les questions sensibles, se prononçant pour l’autonomie du Tibet dans le cadre de la souveraineté chinoise, pour la liberté religieuse et les droits culturels. L’Europe devrait intervenir davantage en matière de droits de l’homme, et notamment de travail des prisonniers. Mais il faudrait surtout soutenir la population civile qui s’approprie désormais ces revendications et les porte sur les réseaux sociaux.

En matière de tourisme, trois incidents récents aux environs de la tour Eiffel ont ravivé la question de la sécurité. Le yuan n’étant pas convertible, les voleurs savent que les Chinois transportent des euros en liquide sur eux. Il faut conseiller aux touristes de se munir de cartes bancaires acceptées en France, ce qui exige la convertibilité du yuan. Mais d’autres problèmes relèvent de mesures qui apparaissent mineures, mais sont importantes pour les Chinois. Ainsi une étude sur les touristes chinois révèle qu’ils regrettent l’absence, dans nos hôtels, de plats chauds au petit déjeuner, au point de vouloir investir dans des établissements fonctionnant à la manière chinoise. Ces problèmes culturels doivent être pris au sérieux ; un travail d’information s’avère donc nécessaire en direction des professionnels du secteur. Au total, je crois à l’essor du tourisme chinois, surtout si l’on arrive à le développer dans les régions.

Le producteur chinois Synutra n’a pas acheté, comme vous l’avez dit, Madame la Députée, mais signé un accord avec Sodiaal, coopérative à laquelle adhèrent beaucoup de producteurs de lait en Bretagne. Sans lui, cette usine de lait en poudre – créatrice d’emplois – n’aurait pas existé, car aucun intervenant français ne souhaitait y investir. Du reste, à l’exception des secteurs stratégiques, quelle importance de savoir si c’est le Qatar, l’Allemagne ou la Chine qui achète une entreprise française ? Lorsque les Chinois viennent en Europe, ils travaillent avec les salariés locaux, n’impliquant qu’un ou deux cadres chinois, et s’adaptent à nos règles sociales et fiscales.

Cooperl – principale coopérative bretonne de production de porc – vient de signer un accord avec le ministère de l’agriculture chinois : l’établissement a été choisi pour aider à la modernisation des entreprises chinoises de production porcine. Il conseillera la Chine sur le problème de la pollution des nappes phréatiques, la sélection des races – nos porcs offrent cinq fois plus de viande que leurs homologues chinois –, la protection de l’environnement. En amenant les Chinois à respecter davantage de règles, cet accord nous ouvrira d’autres portes.

L’accompagnement des PME constitue un sujet majeur. À la différence des Allemands ou des Italiens, nous n’avons jamais réussi à persuader les grands groupes d’amener les petites entreprises dans leur sillage ; il s’agit d’organiser cette synergie. Plusieurs biscuiteries, confiseries et chocolateries s’apprêtent ainsi à former un groupement d’intérêt économique (GIE) que nous aiderons à s’installer en Chine. Je proposerai ensuite aux présidents d’Auchan et de Carrefour qu’en 2014, ces deux grands groupes bien implantés dans le pays fassent la promotion de ces produits dans leurs magasins. Travailler avec les distributeurs constitue le meilleur moyen de lancer nos produits sur le marché chinois, et le Gouvernement français doit s’y employer, suivant l’exemple des autres pays.

Pour faire connaître nos opportunités et nos talents, nous travaillons avec l’ensemble des ministères. Nous avons par exemple décidé, avec Marisol Touraine, que quatre hôpitaux français – et non plus seulement celui de la Pitié-Salpêtrière – pratiqueraient la médecine chinoise, utile notamment aux malades en fin de vie. Alors que nous vendons à la Chine pour près d’un milliard d’euros de médicaments, nos partenaires chinois ont apprécié ce signe de reconnaissance ; l’aspect affectif n’est donc pas sans effet sur la qualité de la relation.

Je travaille en pleine collaboration avec l’ensemble des ministres. Ainsi pour avoir été ministre chargée de la santé, je sais que le ministre n’a pas le temps de s’occuper de l’exportation des produits pharmaceutiques ou des savoir-faire français en matière d’hospitalisation, en Chine ou ailleurs. En revanche, pouvoir saisir chaque ministre d’une question précise – comme j’essaie de le faire – permet de régler bien des problèmes.

On ne saurait sous-estimer l’importance de l’AMP (accès aux marchés publics). Alors que la Chine fait partie de l’OMC depuis déjà dix ans, elle prépare actuellement sa troisième offre pour faire partie de l’accord, les deux précédentes ayant été refusées. Aujourd’hui, nous n’avons pas accès à ses marchés publics, alors que la réciprocité devrait être de rigueur en cette matière.

S’agissant des moteurs de la croissance, les Chinois ont compris que l’augmentation du prix de leurs produits interdit de compter éternellement sur l’exportation. Comme en Inde, le développement devra être rééquilibré par l’essor du marché intérieur et aller de pair avec le progrès social tant attendu. L’instauration de la sécurité sociale de base encore faible et ne touchant d’ailleurs que l’assurance maladie, participe de ce mouvement.

Nous devons à la fois développer nos relations bilatérales – comme nos voisins le font depuis longtemps – et agir au niveau européen pour obtenir plus de réciprocité dans nos relations avec la Chine. Sans critiquer l’Europe -comme le fait l’Allemagne- lorsqu’elle prend des mesures anti-dumping, on peut lui laisser le soin de s’occuper de ces questions.

Actuellement, 30 000 étudiants chinois sont inscrits dans nos universités, soit dix fois plus qu’il y a dix ans ; grâce aux programmes annoncés par le Président de la République, ce nombre devrait encore doubler dans les cinq ans. Les boursiers qui ne viennent pas aux cours doivent être radiés ; reste à attirer chez nous les meilleurs éléments.

La présence chinoise en Afrique – que j’ai pu observer au Mali et au Burkina Faso – profite peu à ce continent puisque les Chinois y amènent leur main-d’œuvre tout en y acquérant les sources d’énergie et de matières premières. Nous devons leur proposer d’avancer ensemble, comme au Niger où nous avons acheté une mine d’uranium en commun. Plus l’Europe s’investira en Afrique, plus elle imposera son modèle de développement ; les Chinois prennent d’ailleurs conscience qu’il leur faut changer de stratégie.

À l’exposition universelle de 2010 à Shanghai, beaucoup de nos régions – notamment Rhône-Alpes – étaient au rendez-vous. Mais le pavillon français au-delà de l’architecture intéressante, proposait une vision passéiste de notre pays, limitée à la peinture du XIXe siècle, à la marque Vuitton et aux mariages. C’est un avis personnel. Il y a néanmoins eu beaucoup de visiteurs, ce qui montre l’attachement à la France. Or la France recèle bien d’autres trésors à mettre en avant.

En matière d’outils d’intervention enfin, si la profusion d’acteurs rend délicat le choix des partenaires, nos grandes agences – UBIFRANCE et l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) – proposent toujours des services de grande qualité. Le caractère payant des prestations d’UBIFRANCE pose cependant problème aux PME. S’il est normal qu’une grande entreprise qui demande une étude de marché paie pour ce service, les PME devraient pouvoir bénéficier à titre gracieux d’informations et d’études déjà réalisées.

M. Jean-Paul Bacquet. Cette situation trouve son origine dans le désengagement de l’État, car pour survivre, il faut dégager des recettes.

Mme Martine Aubry. Essayons d’y travailler ensemble ; chacun à sa place, nous pouvons tous être utiles à notre pays. En 2014, il s’agira de montrer que nous sommes ouverts à la Chine.

M. André Schneider. De quels moyens disposez-vous pour coordonner ces actions ?

Mme Martine Aubry. Pour 2014, l’ensemble des ministères travaille à la préparation de quelques grands événements – ainsi que des manifestations plus locales – sous la supervision du ministère des affaires étrangères et de l’Élysée. Le Président de la République tient beaucoup à la réussite de cette année symbolique. Le Premier ministre chinois nous rendra visite en automne 2013, et le Président en 2014 ; à nous d’en profiter pour aider nos entreprises.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci, madame la ministre, pour vos réponses à la fois concrètes et explicites quant aux principes qui animent votre action. Vous avez réussi à nous transmettre l’idée de l’attitude offensive qu’il nous faut adopter.

La séance est levée à onze heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 5 juin 2013 à 9 h 30

Présents. - M. Pouria Amirshahi, M. François Asensi, M. Avi Assouly, Mme Danielle Auroi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, Mme Pascale Boistard, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Claude Buisine, M. Gérard Charasse, M. Guy-Michel Chauveau, M. Philip Cordery, M. Jacques Cresta, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Louis Destans, M. Michel Destot, M. Jean-Luc Drapeau, M. Jean-Pierre Dufau, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Jean-Paul Dupré, Mme Marie-Louise Fort, M. Jean Glavany, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, Mme Chantal Guittet, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Laurent Kalinowski, M. Patrick Lemasle, M. Lionnel Luca, M. Jean-Philippe Mallé, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, M. Boinali Said, M. André Santini, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Guy Teissier, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Jean-Louis Christ, M. Philippe Cochet, Mme Thérèse Guilbert, M. Pierre Lellouche, M. Pierre Lequiller, M. François Loncle, M. Axel Poniatowski, M. Thierry Robert, Mme Odile Saugues, M. Michel Vauzelle