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Commission des affaires étrangères

Mercredi 18 juin 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 72

présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente

– Georgie/UE – espace aérien (n° 193) et Jordanie/UE – service aérien (n° 194) – Mme Odile Saugues, rapporteure

Georgie/UE – espace aérien (n° 193) et Jordanie/UE – service aérien (n° 194).

La séance est ouverte à seize heures trente.

La commission examine, sur le rapport de Mme Odile Saugues, le projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part (n° 193) et le projet de loi autorisant la ratification de l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d’autre part (n° 194).

Mme Odile Saugues, rapporteure. En décembre 2010, l’Union européenne et ses Etats membres ont signé à Bruxelles deux accords relatifs aux transports aériens, domaine de compétence partagée, qui nous sont aujourd’hui soumis. Le premier a été signé le 2 décembre 2010 avec la Géorgie et porte sur la création d’un espace aérien commun. 18 Etats membres et la Géorgie l’ont ratifié. Le second accord a été signé le 15 décembre 2010 avec la Jordanie et est un accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens. 13 Etats-membres et la Jordanie l’ont ratifié.

Ces deux accords s’inscrivent dans une politique générale de l’Union européenne à l’égard du voisinage aux fins d’harmonisation des règlementations et de fluidification du trafic aérien formalisée par une « feuille de route » adoptée par le Conseil de l’Union européenne en juin 2005. Dans ce cadre ont également été signés : un accord multilatéral créant un espace aérien commun aux États membres de l’Union, à l’Islande, à la Norvège et aux États des Balkans de l’Ouest en 2006 (accord EACE), des accords avec le Maroc en 2006, la Moldavie en 2012 et Israël en 2013, un projet d’accord avec l’Ukraine en 2013, et le Conseil a également autorisé la Commission à ouvrir des négociations avec l’Algérie, l’Azerbaïdjan, le Liban et la Tunisie.

Dès lors, je ne présenterai pas dans mon propos la situation de chacun des deux pays et les relations bilatérales que nous entretenons avec eux – j’y consacre quelques développements dans le rapport. En revanche, s’agissant d’une application concrète de la politique de voisinage, j’aimerais rappeler quelques éléments utiles concernant les relations entretenues par les deux pays avec l’UE.

Les relations UE-Géorgie sont régies par un accord de partenariat et de coopération entré en vigueur le 1er juillet 1999, auquel doit se substituer un accord d’association paraphé à Vilnius le 29 novembre 2013 et dont la signature définitive est prévue le 27 juin 2014. Cet accord comprend notamment la création d’une zone de libre-échange approfondi et complet. Le gouvernement géorgien est parvenu à trouver un équilibre entre rapprochement avec l’Union européenne et rétablissement d’un rapport plutôt apaisé avec la Russie, qui n’a d’ailleurs pas essayé d’entraver la signature de l’Accord d’association, même si la question des territoires sécessionnistes demeure. La Géorgie reçoit de la part de l’Union européenne un soutien financier au titre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat – IEPV (180,7 millions d’euros sur la période 2011-2013). Elle fait partie du Partenariat oriental, créé en 2009, au titre duquel elle a bénéficié de 22 millions d’euros entre 2009 et 2013.

La Jordanie est quant à elle un acteur central du partenariat euro-méditerranéen. Elle est un membre particulièrement actif de l’Union pour la Méditerranée dont elle assure la co-Présidence Sud depuis 2012. Le pays a notamment largement contribué à donner un nouvel élan au dialogue régional pour la coopération énergétique. C’est à Amman que se sont réunis les 29 et 30 mai 2013 de hauts représentants des pays membres pour concrétiser le Plan solaire méditerranéen (PSM), officiellement adopté à la conférence interministérielle du 11 décembre dernier à Bruxelles.

De manière générale, la Jordanie bénéficie de relations privilégiées avec l’Union européenne, qui lui a accordé le « statut avancé » en 2012, seul pays du voisinage Sud à l’avoir obtenu avec le Maroc. Ce dernier implique notamment l’organisation régulière de sommets UE-Jordanie et la mise en place d’un espace économique commun. Un Partenariat pour la mobilité est également en négociation.

La Jordanie reçoit elle aussi de l’UE un soutien financier au titre de l’IEPV (223 millions d’euros sur la période 2011-2013), une aide complémentaire destinée à appuyer la transition politique (crédits SPRING, 70 millions d’euros en 2012, 21 millions en 2013) ainsi que, depuis 2012, une aide humanitaire importante (fonds ECHO de 115 millions d’euros) pour faire face à l’afflux de réfugiés syriens. Enfin, l’Union européenne a accordé à la Jordanie, en octobre 2013, une aide macro-financière de 180 millions d’euros (prêt à moyen terme).

La politique de voisinage de l’Union européenne se traduit avec ces pays par une intégration plus forte dans des secteurs pour lesquels un tel rapprochement est mutuellement bénéfique. C’est le cas en matière de transports aériens, d’où ces accords qui organisent l’ouverture progressive des relations aériennes sous condition de reprise de l’acquis communautaire. L’harmonisation des normes sur la base des règles européennes est la garantie de la mise en œuvre de standards élevés et uniformes et favorise l’émergence d’un cadre concurrentiel juste et équitable. Pour les entreprises de transport, les accords offrent la possibilité de librement fournir leurs services sur la seule base de considérations commerciales. L’ouverture des marchés peut permettre par ailleurs d’accroître l’offre de transport aérien.

Il convient de souligner que la libéralisation opérée ne provoquera pas d’éviction du marché. Le volume du trafic aérien entre l’Union européenne et la Géorgie est faible : environ 250 000 passagers par an en 2010, 2011 et 2012. Seuls onze États mais pas la France disposent de liaisons directes avec la Géorgie, principalement entre leur capitale et Tbilissi. C’est la raison pour laquelle la France n’a pas signé d’accord bilatéral relatif au transport aérien. Quant à la Jordanie, il existe un accord bilatéral du 30 avril 1966. Le nouvel accord n’emportera pas de conséquences en termes de captation du marché, car il est déjà mature. Entre 2010 et 2012, le marché du transport aérien entre l’Union européenne et la Jordanie s’est avéré stable, avec un peu plus d’un million de passagers transportés ; 15% du trafic s’effectuant avec la France.

Les deux accords ont été négociés sur un modèle commun élaboré dans le cadre de la politique de voisinage. Néanmoins, dans la conduite de cette politique, la Commission européenne distingue les pays déjà engagés dans une coopération paneuropéenne dans le domaine du transport aérien, essentiellement des pays du partenariat oriental, et les autres partenaires bordant le pourtour méditerranéen intégrés dans le volet méridional. À terme, la Commission prévoit de renforcer encore l’intégration régionale par le biais de deux accords aériens multilatéraux spécifiques à chacun de ces deux volets.

L’accord avec la Jordanie s’inscrit dans une logique dont l’aboutissement ultime serait la mise en place d’un espace aérien euro-méditerranéen commun avec les autres États du pourtour méditerranéen liés à l’Union par des accords de services aériens similaires, comme l’énonce expressément l’article 24 de l’accord. Il répond donc à la même logique que celle qui a conduit à la signature d’un accord aérien avec le Maroc en 2006, pas encore entré en vigueur.

L’accord avec la Géorgie est une étape vers l’intégration de ce pays dans cet espace aérien commun européen. Son article 14, relatif à la sécurité aérienne, prévoit une coopération renforcée entre l’UE et la Géorgie, qui sera associée en qualité d’observateur aux travaux de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Son article 16, relatif à la gestion du trafic aérien, prévoit qu’elle sera associée en qualité d’observateur aux travaux du Comité du « Ciel unique européen ». Enfin, l’accord fait référence à la Cour de justice de l’Union européenne aux fins d’interprétation et d’application des dispositions.

Les deux accords comportent vingt-neuf articles ainsi que quatre annexes qui en sont parties intégrantes. Sur le plan institutionnel, un comité mixte composé de représentants des Parties et responsable de l’administration sera chargé de la bonne application des accords, les décisions étant prises par consensus et étant contraignantes. A défaut de consensus, une procédure d’arbitrage est prévue, étant précisé qu’elle n’intervient, s’agissant de la Jordanie, qu’en cas d’échec de la saisine préalable du conseil d’association institué par l’accord d’association. Le comité est aussi chargé de la mise à jour des règles communautaires applicables à l’aviation civile.

Les parties contractantes doivent se conformer à la réglementation communautaire visée à l’annexe III des accords dans différents domaines du transport aérien : la sécurité et la sûreté de l’aviation civile, la gestion du trafic aérien, l’environnement, la protection des consommateurs, les systèmes informatisés de réservation et les aspects sociaux du transport aérien. La mise en œuvre de cette obligation fait l’objet d’une évaluation relevant de la responsabilité de l’Union européenne.

En dépit du fait qu’aucun des deux accords n’est encore formellement entré en vigueur, la Géorgie et la Jordanie s’impliquent d’ores et déjà dans la transposition de l’acquis communautaire dans leur droit national et dans sa mise en œuvre. Ces deux Etats bénéficient notamment de programmes européens de jumelage. Lors de la première réunion du comité mixte avec la Jordanie, en janvier 2013, la délégation jordanienne a indiqué que sa réglementation est désormais conforme aux règles européennes à quelques exceptions près.

Je ne vais pas présenter en détail l’ensemble des règlementations européennes concernées, mais insisterai sur quelques-unes. La Géorgie et la Jordanie devront appliquer des dispositions européennes relatives aux conditions de travail des personnels, notamment les directives du 27 novembre 2000 et du 4 novembre 2003 relatives à l’aménagement du temps de travail (congé annuel payé de 4 semaines au minimum, temps de travail annuel maximal de 2000 heures, dont temps de vol total limité à 900 heures, période minimale de repos journalier de 11 heures consécutives par 24 heures..).

La protection de l’environnement a été l’une des priorités des négociateurs de la Commission et l’intégration de dispositions spécifiques à l’environnement dans ce type d’accords aériens marque une certaine avancée de la politique de l’Union européenne qui fait figure de précurseur. Les deux accords préservent le droit de chacune des parties d’imposer des mesures appropriées pour prévenir ou traiter les conséquences du transport aérien sur l’environnement. La Géorgie et la Jordanie devront aussi appliquer différentes règles européennes relatives aux nuisances sonores : règlementation du bruit des aéronefs et restrictions d’exploitation pour les aéronefs les plus bruyants.

Les règles européennes en matière de gestion du trafic, de sûreté aérienne et de sécurité aérienne devront évidemment être reprises. Il faut souligner que la Géorgie a accepté d’appliquer l’ensemble des normes européennes en matière de sécurité aérienne. Cette démarche a des conséquences importantes, notamment pour les transporteurs aériens géorgiens qui seront tenus d’exploiter exclusivement des aéronefs certifiés par l’AESA alors que leur flotte actuelle comporte de nombreux appareils de conception ancienne. L’annexe II-7 organise un retrait progressif de ces matériels.

Enfin, la réglementation relative à la protection des consommateurs devra être appliquée. En particulier, la directive du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données devra être transposée.

Les accords prévoient ensuite l’ouverture progressive des marchés, qui s’accompagne de l’allégement de certaines procédures administratives afin de favoriser la réactivité et le dynamisme des entreprises de transport aérien. La libéralisation de l’investissement autorisera la détention du capital et le contrôle effectif d’une compagnie géorgienne ou jordanienne par des intérêts européens, et réciproquement. Cela devrait en pratique favoriser l’intégration des transporteurs géorgiens dans les alliances existantes : Skyteam, Oneworld ou Star Alliance. Les accords posent les principes d’un cadre concurrentiel loyal qui interdit, sauf exception, les subventions publiques et pose le principe de la libre fixation des tarifs, avec dans les deux cas une procédure de saisine du comité mixte qui doit adopter une décision préalable par consensus. La partie européenne dispose donc d’un droit de véto lui permettant de s’opposer à une opération donnée.

Les dispositions prévues aux annexes I et II des deux accords précisent les conditions dans lesquelles les droits commerciaux des transporteurs aériens pourront être exercés avec deux phases. Les transporteurs pourront d’abord desservir, au départ de tout aéroport de l’Union européenne, tout aéroport sur le territoire de Jordanie ou de Géorgie (droits de 3e et 4e libertés). Ils pourront aussi effectuer des vols via un point intermédiaire dans certains Etats tiers expressément listés avec la possibilité d’exercer des droits de trafic sur cette escale (droits de 5e liberté). Dans le cas de la Géorgie, les transporteurs européens pourront aussi effectuer des vols se poursuivant vers un Etat tiers. Mais l’extension aux vols de 5e liberté, y compris entre deux Etats membres de l’UE pour les transporteurs géorgiens ou jordaniens, sera subordonnée à une décision du comité mixte validant l’achèvement de la reprise de l’acquis communautaire par la Géorgie et la Jordanie. Enfin, il faut souligner que les services intérieurs aux Etats concernés sont explicitement exclus du champ des droits ouverts : il n’y aura ni droit d’exploitation d’une ligne intérieure, ni droit de cabotage (pas d’embarquement à Paris de passagers sur un vol Amman–Toulouse par exemple).

En conclusion, l’approfondissement des liens avec les pays du voisinage de l’Union européenne et la libéralisation sous condition de reprise de l’accord communautaire, ne peuvent que recueillir l’assentiment. Le contenu des accords, très complets et négociés sur la base d’un accord-type, n’appelle pas de réserves et n’aura qu’un effet marginal pour notre pays, peu concerné en termes de trafic, si ce n’est de disposer d’un cadre juridique pertinent alors qu’il n’existe même pas d’accord bilatéral avec la Géorgie. Sous le bénéfice de ces observations, votre Rapporteure vous propose d’adopter ces deux projets de loi.

M. Jean-Paul Bacquet. Madame la rapporteure, pouvez-vous nous donner des informations relatives à l’état de la flotte aérienne jordanienne, notamment en ce qui concerne les normes de sécurité ? Ces normes sont-elles conformes aux standards européens ?

Mme Odile Saugues, rapporteure. Dans un premier temps, il est possible de se reporter aux « listes noires » européennes que l’AESA rend publiques. Ensuite, de façon plus précise, permettez-moi de vous donner les informations suivantes. Royal Jordanian, compagnie aérienne nationale de la Jordanie, est l’acteur dominant du marché. Elle contrôle 62% de l’offre du marché européen, exploite une trentaine d’appareils, essentiellement de la famille Airbus, et affichait en 2012 un chiffre d’affaires de 820 millions d’euros. La compagnie privée Royal Falcon Airlines est le second acteur jordanien sur le marché européen.

Nous n’avons pas de réserves ou d’interrogations particulières à émettre quant à la qualité et les normes de sécurité de ces appareils. Les accords que nous examinons apporteront des garanties en la matière. La règlementation européenne est stricte. L’AESA, qui est chargée de l’ensemble de la réglementation des aéronefs, définit des obligations d’inspection des avions. Les compagnies jordaniennes et géorgiennes devront se soumettre aux normes communes de l’Union européenne et seront sujettes à des inspections.

M. Jean-Paul Bacquet. Je précise que je n’ai pas consulté les « listes noires » car je vous ai régulièrement entendu dire que ces listes n’étaient pas très fiables.

Mme. La Présidente Élisabeth Guigou. En l’absence d’autres remarques et questions, les projets de loi sont soumis à l'avis de la Commission.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n° 193 et n° 194).

La séance est levée à dix-sept heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 18 juin 2014 à 16 h 30

Présents. - M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Claude Buisine, M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-Pierre Dufau, M. Hervé Gaymard, Mme Élisabeth Guigou, M. François Loncle, M. Jean-Philippe Mallé, M. Patrice Martin-Lalande, Mme Odile Saugues

Excusés. - Mme Nicole Ameline, Mme Danielle Auroi, M. Alain Bocquet, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Paul Dupré, M. Meyer Habib, Mme Françoise Imbert, M. Lionnel Luca, M. Didier Quentin, M. Jean-Luc Reitzer, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle