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Commission des affaires étrangères

Mercredi 14 décembre 2016

Séance de 9 heures 15

Compte rendu n°028

Présidence de Michel Vauzelle, Vice-Président

– Examen, ouvert à la presse, de cinq projets de loi relatifs aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements de la République du Panama (n° 4210), de la République démocratique du Congo (n° 4209), de la République du Congo (n° 4205), de la République des Philippines (n° 3383) et de l’Union des Comores (n° 3384) – M. Michel Terrot, rapporteur.

– Examen, ouvert à la presse, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin (n° 4170) – M. Michel Destot, rapporteur.

Examen, ouvert à la presse, de cinq projets de loi relatifs aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements de la République du Panama (n° 4210), de la République démocratique du Congo (n° 4209), de la République du Congo (n° 4205), de la République des Philippines (n° 3383) et de l’Union des Comores (n° 3384) – M. Michel Terrot, rapporteur.

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

M. Michel Vauzelle, président. Nous examinons, sur le rapport de M. Michel Terrot, cinq projets de loi relatifs aux services aériens entre la France et le Panama (n° 4210), la France et la République démocratique du Congo (n° 4209), la France et la République du Congo (n° 4205), la France et les Philippines (n° 3383) et la France et les Comores (n° 3384).

M. Michel Terrot, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter cinq projets de loi autorisant respectivement l’approbation des accords relatifs aux services de transport aériens entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements de la République du Panama, de la République démocratique du Congo, de la République du Congo, de la République des Philippines et de l’Union des Comores.

Ces accords, très similaires entre eux, visent à établir un cadre juridique pour l’exploitation des services aériens entre la France et le territoire de chacun des cinq États concernés.

Parmi ces cinq États, trois ont déjà signé un accord bilatéral avec la France : la République démocratique du Congo en 1964, la République du Congo en 1974 et les Philippines en 1968. Le trafic avec les Comores et le Panama n’est régi par aucun accord bilatéral.

Si les transports aériens entre États sont fréquemment régis par des accords bilatéraux, ces derniers doivent être conformes au cadre réglementaire mis en place par l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale, OACI, qui a défini cinq objectifs : la sécurité ; la capacité et l’efficacité de la navigation aérienne ; la sûreté et facilitation des liaisons aériennes ; le développement économique du transport aérien et la protection de l’environnement.

C’est bien sûr le cas des cinq accords soumis à notre examen, qui sont formellement très proches du modèle d’accord bilatéral sur les services aériens élaboré par la Direction générale de l’aviation civile, lui-même issu du modèle que l’OACI a élaboré en application de ses principes. Ces accords sont enfin conformes aux exigences de la politique européenne en matière de services de transport aérien puisqu’ils contiennent les clauses types de désignation et d’assistance en escale, développées conjointement par les États membres et la Commission, qui ont permis à cette dernière d’autoriser la France à signer chacun de ces accords.

Les cinq accords consacrent la possibilité pour les parties contractantes d’exploiter les quatre premières « libertés de l’air » définies par l’OACI, c’est-à-dire les droits de survol, d’escale non commerciale, de débarquement et d’embarquement de passagers, fret ou courrier en provenance ou à destination de l’un des États contractants. Ils excluent, en revanche, les droits de cabotage qui font l’objet des 8ème et 9ème libertés). Dans le cas de l’accord avec les Philippines, les droits de trafic, dits de 5ème liberté, préalablement accordés par l’accord bilatéral sur les services aériens de 1968 ont été confirmés et maintenus dans le nouveau cadre juridique.

Dans chaque accord, une clause de multidésignation permet aux deux parties de désigner plusieurs transporteurs aériens. Conformément aux règles européennes, la France peut donc désigner toute compagnie européenne établie en France pour des vols à destination du territoire de l’autre État contractant.

Les accords déterminent le cadre juridique dans lequel les transporteurs peuvent exploiter les liaisons aériennes, conformément aux principes de l’OACI et de l’Union européenne. En matière de sûreté, les accords déterminent enfin les règles de consultation entre les parties, de suspension d’autorisation en raison du non-respect des normes de l’OACI, d’inspection au sol ainsi que les principes de coopération et d’assistance mutuelle.

Deux cas particuliers peuvent cependant être relevés. L’accord avec les Philippines, en raison de la grande distance qui nous sépare de ce pays, comporte l’octroi des droits dits de « cinquième liberté », qui permettent la mise en place d’escales entre la France et les Philippines, dans le but de permettre de rentabiliser d’éventuelles liaisons directes entre les deux pays, de telles liaisons n’existant plus depuis 2004.

Deuxièmement, l’accord avec les Comores, devrait permettre de faire de Mayotte une nouvelle correspondance possible pour les vols à destination de cet État et entraîner des conséquences favorables pour l’économie de ce territoire.

Plus généralement, ces accords contribuent à homogénéiser les règles en matière de transport aérien en créant un cadre juridique plus clair et conforme aux règles de l’OACI qui devrait faciliter les liaisons aériennes entre la France et respectivement, la République du Congo, la République démocratique du Congo, les Comores, les Philippines et le Panama.

Je vous recommande par conséquent d’approuver sa ratification.

M. Thierry Mariani. Comme l’a dit le rapporteur, il n’y a plus de liaisons directes depuis 2004 avec les Philippines. A-t-on agréé des compagnies des Philippines pour faire des liaisons directes entre la France et Manille ?

M. Jacques Myard. Je vois avec une certaine satisfaction la conclusion de ces accords. Les accords bilatéraux réglaient les problèmes de transports aériens entre les Etats conformément à la convention OACI de Chicago, et de ses annexes. Il y a eu entre temps le ciel unique, et la Commission européenne a élaboré un tas de règles. C’est donc devenu depuis une compétence quasi-communautaire.

Or ici, la commission accepte, et l’UE accepte, qu’il y ait des accords bilatéraux, tout en incluant des clauses dans ces accords. La jurisprudence de la Cour, qui est la jurisprudence AETR, selon laquelle dès lors qu’une compétence interne est accordée à l’Union, elle emporte compétence externe. Ici, la commission fait un pas en arrière, et je ne l’explique pas connaissant sa boulimie de compétences. Qu’en est-il à ce sujet ?

M. Michel Terrot, rapporteur. Tout d’abord, Air France demeure la seule compagnie désignée par les autorités françaises pour l’exercice des droits de trafics entre la France et les Philippines, même s’il n’y a plus de lignes directes. L’ensemble des transporteurs philippins figuraient sur la liste d’interdiction de l’UE, dite « liste noire ». Mais Philippines Airlines a été autorisé dès le 11 juillet 2013 à reprendre une desserte de l’UE, a l’occasion d’une révision de la liste. Il en a été de même pour Cebu-Pacific Air.

Concernant la question de M. Myard, la démarche suivie est la suivante : les Etats présentent des accords bilatéraux, les soumettent à l’UE, qui les agréé ou non. En l’occurrence, ces accords ont reçu l’agrément de la Commission. Il me semble que les droits de survol restent de la compétence des Etats. Ils ont leur mot à dire, même si cela se fait dans le cadre d’une approbation de la Commission européenne.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les projets de loi n° 4210, 4209, 4205, 3383 et 3384 sans modification.

*

Examen, ouvert à la presse, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin (n° 4170) – M. Michel Destot, rapporteur.

M. Michel Vauzelle, président. Nous poursuivons avec l’examen, sur le rapport de M. Michel Destot, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et l’Italie signé le 24 février 2015 pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin (n° 4170)

M. Michel Destot, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, c’est la quatrième fois que le Parlement est appelé à autoriser la ratification d’un accord international sur la liaison ferroviaire entre Lyon et Turin. Le premier accord, en date du 15 janvier 1996, instaurait une commission intergouvernementale pour la réalisation de cette liaison ; l’accord du 29 janvier 2001 a institué un promoteur public, la société Lyon Turin Ferroviaire, chargée de conduire les études, les reconnaissances et les travaux préliminaires. Enfin, l’accord du 30 janvier 2012 a défini les modalités de gestion du projet, en instituant un nouveau promoteur public, la société Tunnel Euralpin Lyon Turin, dite TELT, en charge de la conception, de la réalisation puis de l’exploitation de la section ferroviaire transfrontalière.

Le quatrième accord, en date du 24 février 2015, qui fait l’objet de ma présente intervention, marque le lancement effectif des travaux et établit le coût certifié de cet ambitieux projet. Il précise également certaines conditions de sa réalisation, avec principalement un dispositif anti mafieux, à la demande de l’Italie.

Monsieur le Président, mes chers collègues, je rappellerai brièvement ce que représente la liaison Lyon Turin pour la France et pour l’Union européenne, avant de vous décrire les grandes lignes de l’accord de février 2015. L’ancien Premier ministre, M. Manuel Valls, l’a très bien résumé en inaugurant le tunnelier le 21 juillet dernier. « A sa manière, ce tunnel nous parle d’Europe, une Europe par la preuve », a-t-il déclaré.

Que représente le projet Lyon Turin ?

Un court rappel. Dans les années 90, les premières études portaient principalement sur la nécessité d’un report modal de la route vers le rail, en raison de la saturation croissante des vallées alpines et du littoral méditerranéen. Parallèlement, l’Union européenne a mis en place les Réseaux transeuropéens à partir de 1994 pour les transports, l’énergie et le digital. Après un départ trop timide en raison de l’insuffisance des crédits européens, la Commission a décidé en 2011 de faire de ces réseaux un moteur de croissance et a inscrit 50 milliards d’euros de crédits pour la période allant de 2014 à 2020.

La liaison Lyon Turin doit être considérée sous un angle triple :

Premier point : elle constitue un élément majeur de la connexion des grandes zones économiques européennes. Elle ne relie pas uniquement Lyon à Turin ; elle constitue l’élément clé de la liaison entre Paris et Milan, c’est-à-dire qu’elle rapproche l’Ile de France, qui assure 4 % du PIB européen, du Piémont et de la Lombardie, qui forment de leur côté 7 % de ce PIB. Elle permet également de relier la péninsule ibérique à l’Europe centrale.

Deuxième point : cette liaison résout le problème de la saturation du littoral français et des vallées alpines. Le report modal soulagera les infrastructures et diminuera les nuisances sonores ainsi que les émissions de carbone.

Troisième point, rarement abordé par les observateurs : à l’instar de la liaison transmanche, qui génère un trafic d’une valeur annuelle de 110 milliards d’euros grâce à la création de nouveaux marchés, la liaison Lyon Turin va stimuler l’ensemble de l’activité des régions qu’elle traversera, qu’elle reliera ou à proximité desquelles elle passera.

Tels sont, à titre de rappel, les enjeux de ce projet.

J’en arrive aux grandes lignes de l’accord qui nous est soumis par le gouvernement. Il comporte trois volets :

L’accord du 24 février 2015, qui comporte sept articles, relatifs aux conditions de réalisation des travaux définitifs de la section transfrontalière de la liaison Lyon-Turin.

Le protocole additionnel à l’accord du 24 février 2015, signé le 8 mars 2016, qui comprend quatre articles, principalement sur le coût des travaux et le dispositif anti mafia.

Le règlement des contrats annexé à l’accord de 2015 et au protocole de 2016 précités, dont le principal objet est de prévenir toute infiltration mafieuse dans la réalisation des travaux.

L’accord du 24 février est très simple : il marque la volonté de la France et de l’Italie de passer à la phase effective des travaux qui, sauf incident, se dérouleront de 2017 à 2029 et il confie à TELT le soin de les conduire. Il engage également les deux parties à lutter contre toute infiltration mafieuse.

Le protocole additionnel du 8 mars 2016 est relatif au coût du projet : établi par un certificateur extérieur, ce coût est évalué à 8,3 milliards d’euros. Comme l’Union européenne a décidé de financer la liaison à hauteur de 40 % et que la part de la France dans le financement total dépasse légèrement 25%, la somme que devra acquitter notre pays est de 2,21 milliards d’euros.

En tenant compte des hypothèses d’actualisation prévues par l’accord, indiquant que le coût à terme pourrait atteindre 9,6 milliards d’euros, la France devrait contribuer à la liaison à hauteur de 2,46 milliards d’euros.

Le protocole additionnel et le règlement des contrats annexé contiennent un dispositif très détaillé pour prévenir les infiltrations mafieuses. Il a été demandé par le Parlement italien, qui a indiqué à son gouvernement, lors des négociations, qu’il n’autoriserait pas la ratification de l’accord si un tel dispositif n’existait pas. Il convient de garder à l’esprit que 4 entreprises italiennes liées à la mafia ont obtenu des contrats de sous-traitance, lors de travaux préliminaires en territoire italien, et que le ministre des transports a été contraint à la démission en mars 2015, après la découverte de faits de corruption du directeur technique de son ministère. La question n’est donc pas abstraite… En conséquence, le règlement des contrats instaure une procédure pilotée par un préfet français et par le préfet de Turin et permet d’écarter toute entreprise suspecte des appels d’offre.

Vous noterez que le Quai d’Orsay a consulté le Conseil d’Etat sur le contenu du règlement afin de s’assurer qu’il ne remettait en aucun cas en cause des éléments fondamentaux de la souveraineté de la France, comme le contrôle juridictionnel sur les décisions qui seront prises, le pouvoir de police administrative ou les règles françaises applicables aux marchés publics. Il est donc clair que le règlement des contrats vient en complément du droit national français, conformément aux dispositions des articles 6 et 10 de l’accord du 30 janvier 2012, qui prévoit l’application du droit français pour les contrats passés par TELT.

Tels sont les éléments essentiels de l’accord du 24 février 2015. Le gouvernement français et les collectivités territoriales, notamment la région Auvergne Rhône Alpes, doivent rapidement réfléchir aux investissements à lancer afin de recueillir les bénéfices de ce nouvel équipement. Je pense notamment aux plateformes multimodales.

Monsieur le Président, mes chers collègues, compte tenu des avantages économiques et environnementaux de ce projet, compte tenu de son importance pour le maillage de l’Europe, je propose à notre commission d’adopter ce projet de loi.

M. Philippe Cochet. Nous sommes très attentifs à ce rapport. La liaison Lyon-Turin, comme vous l’avez indiqué, ne concerne pas uniquement cette région, son impact est très large. Vous faites fort justement le parallèle avec le tunnel du Saint-Gothard qui a été ouvert. Les deux projets sont nés dans les années 1990, mais l’un est terminé, l’autre est en cours. On ne va pas revenir sur toutes les péripéties, et en particulier les incohérences d’un certain nombre de leaders politiques, notamment écologistes, qui veulent tout et son contraire. La diminution des transporteurs routiers, et donc le désengorgement d’un certain nombre de vallées qui provoquent aujourd’hui nuisances et accidents, me paraissent plus importants que la protection des « crapauds à poil dur ». Sur ce genre d’infrastructures, il est nécessaire que l’on puisse avancer rapidement.

Deuxièmement, l’accord marque l’engagement définitif des travaux. Cela devrait nous permettre d’y voir plus clairement. Cela fait des années que ce dossier revient, les acteurs économiques le portent depuis longtemps. Le commerce se fait dans les deux sens. Nos régions et notre pays sont en capacité d’exporter sur cette partie de l’Europe. Cet atout supplémentaire devrait permettre une meilleure compétitivité de notre pays. Je voterai avec enthousiasme cet accord.

M. Philippe Baumel. Nous avons tous envie d’approuver le rapport de M. Destot et cet accord. Il est un élément clé pour une relance que nous attendons tous, celle d’une politique de grands travaux poussée par l’Union européenne, même si elle ne participe qu’à 40% de son financement. C’est à travers une politique de grands travaux que nous arriverons à faire redémarrer une partie de notre économie.

Ma question porte sur les conditions d’exploitation de ce tunnel, et plus précisément de la ligne. Des interrogations sont apparues ces derniers mois sur la rentabilité d’un certain nombre de liaisons à moyen terme. Vu l’importance de l’investissement, peut-on avoir des précisions sur les conditions d’exploitation et les gares où les trains s’arrêteront ? Vous avez souligné que l’impact serait important à condition de pouvoir irriguer l’ensemble des territoires concernés. Mais il faut déterminer à la fois les arrêts pour les voyageurs, et pour l’implantation des plateformes multimodales, afin de stimuler l’impact économique de ce projet.

M. Thierry Mariani. Dans le cadre de mes anciennes fonctions de ministre des Transports, j’ai eu la charge de renégocier ces accords au niveau financier entre la partie italienne et la partie française. Chacun approuve l’utilité du projet dans les deux pays. Néanmoins, le climat politique italien et la situation actuelle remettent-ils en cause, côté italien, le montant des financements prévu par l’accord signé en 2012 ?

M. Jacques Myard. En matière d’investissement dans l’UE, il est vrai que c’est plutôt l’atonie. Ce projet va dans le bon sens pour relancer l’économie. Il faut aller plus loin et sortir de l’idéologie de la purge prônée par Bruxelles et Francfort. Il faut revenir à des avances aux Etats par les banques centrales pour favoriser l’investissement. La quatrième République a fonctionné de cette manière et cela a été une réussite. Il faut sortir des dogmes prussiens et revenir à plus de réalité.

Je me félicite de cette réalisation, où le pays des Allobroges et des Ségusaves va être relié à la Gallia Cisalpina. Hannibal aurait pu passer par là : il a franchi les Alpes dans des conditions difficiles. C’est un excellent projet et il faut passer outre les vaticinations des écologistes décadents.

M. Hervé Gaymard. Je ne vais pas être redondant avec l’excellent rapport de Michel Destot dont je partage les attendus et les conclusions en tout point. Je veux juste rappeler que le conseil général puis départemental de la Savoie a, à toutes les étapes de ce projet, toujours délibéré à l’unanimité en sa faveur.

M. François Loncle. Etre normand n’interdit pas de s’intéresser à cette grande région Rhône Alpes connue pour sa puissance industrielle, économique, et sa gastronomie. J’ai le souvenir d’être intervenu il y a une dizaine d’années sur ce sujet passionnant, indispensable au développement, et d’intérêt national. Je félicite Michel Destot pour son travail et je souhaite, comme mes collègues, que ce projet se réalise. C’est un grand projet pour la France.

Mme Bernadette Laclais. J’ai tenu à être avec vous ce matin en raison du sujet et de son importance. Je souhaitais en tant que savoyarde apporter mon soutien à ce dossier. Je remercie notre rapporteur pour la qualité de son travail. Cela a été une vraie chance pour nous d’avoir un rapporteur issu du territoire concerné, qui connait le sujet.

Je confirme ce qu’a dit notre collègue Hervé Gaymard : il y a un consensus des collectivités sur ce sujet. Il est même porté par une partie des écologistes, qui sont confrontés, comme nos populations, au passage des camions et aux pics de pollution. Nous connaissons de tels pics dans nos agglomérations d’une durée inégalée jusqu’à présent. Nous pouvons témoigner de l’exaspération de nos concitoyens en Haute-Savoie. Se posent la question de la santé, et celle des accidents. Il n’y pas de doutes à avoir sur la pertinence de ce projet pour nos territoires.

Au-delà, c’est un projet européen. Voici quelques chiffres pour ceux qui douteraient de sa viabilité : on estime à 70 milliards d’euros les échanges entre la France et l’Italie. Les trois passages ferroviaires alpins d’orientation nord-sud concernent des échanges évalués à 105 milliards d’euros. Ces chiffres montrent bien que la liaison Lyon-Turin n’est pas sous dimensionnée ou sur dimensionnée, mais telle que ce que nous avions toujours annoncé. Ils démontrent que ceux qui voudraient remettre en cause ce projet ne sont pas objectifs, et n’ont pas une vision de ce que sont les échanges entre la France et l’Italie, ou de ce qu’ils peuvent être demain. Ce projet a une importance pour l’ensemble de notre pays et pour l’ensemble de l’Europe. Nous avons tout intérêt à conforter ces échanges.

Je voudrais remercier notre collègue M. Baumel. Nous nous inscrivons dans cette logique de grands travaux. Pour des raisons géographiques, 70% du chantier se situent sur le territoire français. Il y aura donc beaucoup de retombées positives sur notre territoire. Les principaux employeurs de la vallée concernée sont les entreprises qui creusent les galeries. A ce propos, nous ne sommes plus seulement dans les tunnels de reconnaissance, nous travaillons à la construction du tunnel principal depuis un certain nombre de mois.

Je vous remercie donc de votre soutien. C’est la quatrième fois que nous avons un traité entre la France et l’Italie relatif à ce sujet, et la troisième fois que l’Assemblée est saisie. Il est, pour les populations locales, très rassurant que leurs représentants soient à leurs côtés pour faire avancer ce dossier. Pour ceux qui auraient encore des doutes, j’aurai une suggestion : calculer ce que couterait la non-réalisation en termes économiques et en termes de santé.

M. Michel Destot, rapporteur. Merci monsieur le Président. Merci à toutes et à tous de vos interventions très positives. Merci à Mme Laclais, M. Loncle, M. Gaymard, M. Cochet, qui de la Savoie à la Normandie en passant par le Rhône soutiennent avec enthousiasme ce projet comme ils l’ont très bien dit.

Monsieur Baumel, concernant les conditions d’exploitation, voilà ce que l’on peut dire. On a beaucoup attendu malheureusement. Les accidents dans le tunnel routier du Mont Blanc et même du Fréjus ont coûté beaucoup en termes de trafic. L’ouverture du tunnel en Suisse a beaucoup concurrencé les trafics qui passaient par notre propre pays, par les Alpes du Nord surtout. Depuis deux-trois années les trafics sont à nouveau en augmentation. La rentabilité est toujours à long terme mais on peut faire le parallèle avec le tunnel sous la Manche : on sait que ce n’est pas simplement un report mécanique de trafic de la route vers le rail, mais aussi une organisation nouvelle avec notamment les plateformes multimodales, qui vont permettre justement de pouvoir stimuler ces échanges économiques et ces échanges de passager – puisque c’est un trafic mixte de voyageurs et fret.

Je dois dire que de ce point de vue je me réjouis beaucoup de ce que le directeur général d’Eurotunnel Jacques Gounon soit devenu le président de la Transalpine, cette association où sont représentés les milieux économiques, les chambres de commerce, les transporteurs, les chargeurs et où vont également les élus, qui vont pouvoir désormais définir précisément le type de plateformes multimodales et le lieu où elles seront installées.

Monsieur Mariani, s’agissant du climat politique en Italie, d’après notamment les échos qui me reviennent à travers la CIG, il n’y a pas, du moins dans l’immédiat, de modification côté italien. S’agissant de la ratification de l’accord, il est déjà passé au Sénat italien et devrait être ratifié dans les jours à venir, comme en France.

Monsieur Myard, il est difficile de donner une vitesse car il y a plusieurs vitesses lors d’un parcours de 800 km. Dans le tunnel, ce sera du même ordre que dans le tunnel sous la Manche, c’est-à-dire une centaine de km/h. Je préfère donner la durée sur la distance entre Paris et Milan, même distance qu’entre Paris et Marseille pour laquelle on met trois heures : la durée de trajet sera d’à peu près 4 heures car le franchissement des Alpes induit quelques ralentissements.

Concernant les investissements ; vous avez parfaitement raison. Il n’y a pas assez d’investissements européens, qui marqueraient l’engagement de l’Union européenne. S’agissant d’éventuels emprunts, la BEI, comme la Caisse des dépôts et consignations, nous ont donné un accord préalable sur la possibilité d’intervenir sur ce grand projet. Je terminerai d’ailleurs en citant le général de Gaulle, qui disait il y a cinquante ans, que la politique la plus chère et la plus ruineuse, c’était d’être petit.

Mme Cécile Duflot. Monsieur le président, Monsieur Destot, je viens de vous entendre évoquer le financement et je voudrais aborder ce point qui ne passionne pas forcément tout le monde, mais qui est un sujet majeur. L’article 16 du traité franco-italien du 4 septembre 2014 prévoit que le financement doit être disponible préalablement au lancement des travaux. Or, y compris dans votre réponse à M. Myard, les choses sont très claires : ce financement n’existe pas. En ratifiant l’accord et en engageant le lancement des travaux on contredit le point qui était un préalable, pas seulement d’ailleurs au regard de l’accord intergouvernemental du 30 janvier 2012 qui a été transcrit dans le traité franco-italien, mais aussi de l’article 14 de la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI), confirmé à plusieurs reprises par le Conseil d’État et qui dit clairement qu’une décision d’utilité publique pour des projets dont le financement n’est pas défini est rejetée. C’est le point principal du texte que vous nous présentez : il ne respecte pas les engagements précédents. Il y a deux autres sujets complémentaires, qui n’intéressent pas forcément tous mes collègues, mais au moins sur ce point je tenais à dire qu’il y a une difficulté légale majeure avec une condition préalable qui n’est pas remplie.

M. Michel Destot, rapporteur. Je rappelle que l’objet de ce projet de loi n’est pas le financement, mais l’engagement sur le projet. La somme n’est pas prévue en stock, mais en revanche, le Premier ministre, M. Manuel Valls, notamment dans son discours à Saint-Martin la Porte le 21 juillet dernier, a annoncé un financement sécurisé et ne provenant pas uniquement du budget de l’Etat.

Il y a un montant ferme pour 2017 à hauteur de 293 millions d’euros de dotations prévus par la loi de finances pour 2017 et passant par l’AFITF, ressources issues du Fonds pour le développement d'une politique intermodale des transports dans le massif alpin, alimenté notamment par les résultats des tunnels routiers du Mont Blanc et du Fréjus et qui s’appuient sur les décisions de la Convention alpine. Les autres ressources proviennent de l’AFITF, qui a déjà financé une partie des travaux du tunnel Lyon-Turin depuis 2015, que ce soit pour les études, les travaux préliminaires, les acquisitions financières conduites par l’État, et l’eurovignette, c’est-à-dire ce sur-péage de montagne en négociation avec l’Union européenne parce qu’il faut une transcription en France pour équilibrer les recettes entre l’eurovignette et certaines taxes sur les axes routiers et taxe d’aménagement du territoire. Je rappelle d’ailleurs que Michel Bouvard et moi-même avions été missionnés par le Premier ministre sur cette question-là, travail que nous poursuivons.

Je veux dire avec précision que la somme n’est pas en stock mais nous ne demandons pas que cette somme de 2,21 milliards d’euros le soit. Le financement est sécurisé par l’engagement de l’Etat. Ensuite s’applique le principe d’annualité budgétaire, année après année, de 2017 à 2029. Pour 2017, une dotation de 293 millions est inscrite en loi de finances.

Mme Cécile Duflot. Dans votre réponse, vous confirmez que l’article 16 du traité franco-italien du 4 septembre 2016 n’est pas respecté puisque le financement des travaux n’est pas disponible à ce jour, c’est le référé de la Cour des Comptes sur l’AFITF qui le dit, et vos préconisations que vous venez de nous rappeler …

(protestations sur les bancs)

Respecter des traités n’est pas complètement inintéressant et d’ailleurs les débats sur cette question comme sur d’autres infrastructures sont très intéressants

Philippe Cochet. Intéressant quand on arrive à l’heure !

Mme Cécile Duflot. Je suis d’accord. On pourrait ouvrir un débat intéressant sur le financement des infrastructures de la région parisienne et notamment du RER D…

M. Michel Vauzelle, président. Permettez-moi, pour une fois que je préside la commission, de souhaiter un climat pacifique.

Mme Cécile Duflot. Effectivement car je représente une voix très minoritaire et je le redis : M. Destot, vous avez remis des préconisations qui n’ont pas été validées par le Gouvernement et à l’instant présent, vous dites que les financements ne sont pas bouclés, que l’article 16 du traité n’est pas respecté et que vous allez lancer des travaux non financés. Je n’en dirai pas plus. J’aborderai d’autres points en séance.

M. Michel Destot, rapporteur. Je n’ai rien à ajouter à mon intervention qui me semblait très claire : principe d’annualité budgétaire qui ne permet pas de s’engager au-delà de la loi de finances pour 2017 et sécurisation, compte tenu des déclarations du Premier ministre, du financement du chantier du Lyon-Turin.

M. Michel Vauzelle, président. Je suis un peu gêné car M. Mamère vient d’arriver. Je ne vous fais aucun reproche, cependant nous devons recevoir l’ambassadeur de France au Liban. Mme Laclais souhaite aussi reprendre la parole et y renonce.

M. Noël Mamère. Je serai très bref. Je vous prie d’excuser ce retard indépendant de ma volonté comme on disait à l’ORTF. Je voudrais simplement confirmer ce qui a été dit par Mme Duflot, même si je ne l’ai pas entendue

(… rires…)

mais à plusieurs reprises les écologistes – et pas simplement eux – ont eu l’occasion d’exprimer leur refus à l’égard de ce que nous classons dans la catégorie des grands projets inutiles imposés. Mme Duflot a sans doute évoqué devant vous les raisons principales qui constituent notre opposition. Toutes les études – indépendantes – qui ont été menées prouvent que l’actuelle ligne est sous-employée et qu’il suffirait d’augmenter le trafic sur cette ligne et de l’aménager pour éviter les sommes astronomiques qui sont engagées dans le projet Lyon-Turin. Je rappelle que la ville de Turin est aujourd’hui opposée à cette ligne. Ce n’est pas la première fois que nous nous opposons à ce type de projets, même s’il s’agit de transport ferroviaire alors que les écologistes l’ont toujours défendu, car nous estimons qu’il y a des voies alternatives qui sont moins coûteuses en termes d’investissements, en termes de pollution de l’environnement et de conséquences sur la santé publique. Le Lyon-Turin fait malheureusement partie des grands projets dont les apparences font croire qu’il constitue une solution pour le transport des camions sur les trains, alors qu’il n’en est rien. Il existe d’autres solutions beaucoup moins coûteuses et beaucoup plus judicieuses. C’est la raison pour laquelle je voterai contre ce projet de loi, quelle que soit les qualités de celui qui l’a présenté.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 4170 sans modification.

La séance est levée à dix heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 14 décembre 2016 à 9 h 15

Présents. - M. Kader Arif, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Guy-Michel Chauveau, M. Philippe Cochet, M. Édouard Courtial, Mme Seybah Dagoma, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Cécile Duflot, Mme Françoise Dumas, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, Mme Chantal Guittet, Mme Françoise Imbert, Mme Bernadette Laclais, M. Jean Launay, M. Pierre-Yves Le Borgn', Mme Marylise Lebranchu, M. Bernard Lesterlin, M. François Loncle, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Didier Quentin, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, M. Boinali Said, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Alain Bocquet, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Gérard Charasse, M. Jean-Louis Destans, M. Jean-Paul Dupré, M. Éric Elkouby, M. François Fillon, Mme Valérie Fourneyron, M. Jean-Marc Germain, M. Paul Giacobbi, M. Philippe Gomes, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, M. Meyer Habib, M. Benoît Hamon, M. Serge Janquin, M. Pierre Lellouche, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Jean-Luc Reitzer, M. René Rouquet, M. Guy Teissier

Assistait également à la réunion. - M. Patrick Lemasle