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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 2 octobre 2013

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 5

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition de M. Philippe Errera, directeur chargé des affaires stratégiques, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014 2

La séance est ouverte à dix-huit heures trente.

M. Philippe Errera, directeur chargé des affaires stratégiques. C’est un honneur et un privilège pour le directeur chargé des affaires stratégiques de pouvoir s’exprimer devant vous. Cet honneur est d’autant plus grand, que j’ai pris mes fonctions très récemment au sein de la délégation aux affaires stratégiques (DAS) et que j’ai désormais la responsabilité du programme 144 qui, comme vous le savez, concentre l’essentiel de la fonction stratégique « connaissance et anticipation ».

Je m’exprime aujourd’hui devant vous au seuil d’une année charnière et ce à double titre.

D’abord, la DAS connaît en 2013, une période de métamorphose qui va se poursuivre jusqu’au début de l’année prochaine. Il a en effet été décidé de créer à partir de l’actuelle DAS, une direction générale d’administration centrale unique rattachée directement au ministre et chargée du pilotage de l’action internationale du ministère de la Défense et des affaires stratégiques.

Ensuite, l’année 2013 est celle du nouveau Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale qui décrit les orientations et les perspectives stratégiques pour les cinq prochaines années déclinées et traduites dans la durée par la loi de programmation militaire (LPM) qui vous est actuellement présentée.

Comme le rappelle le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, « la fonction connaissance et anticipation a une importance particulière parce qu’une capacité d’appréciation autonome des situations est la condition de décisions libres et souveraines ». Cette fonction recouvre notamment le renseignement et la prospective, qui sont les deux grandes missions du programme 144. Ces deux missions sont renforcées grâce à la LPM selon deux voies principales : le maintien des crédits consacrés aux études amont à un niveau élevé et le renforcement des services de renseignement que sont la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), qu’il s’agisse d’effectifs ou d’investissements.

J’aborderai en premier lieu la LPM en insistant sur les sujets qui concernent le programme 144 car je sais que vous venez d’entendre le ministre ; je présenterai ensuite les grands axes du projet de loi de finances pour 2014 concernant le programme 144, et j’évoquerai, en conclusion, la fin de la gestion 2013, dont les conditions d’exécution auront nécessairement une influence sur l’exercice qui s’ouvrira le 1er janvier prochain.

Comme vous le savez, si le choix a été fait de maintenir dans la LPM un effort de dépense significatif, avec chaque année 31,4 milliards d’euros dévolus à la mission « Défense », le ministère de la Défense porte une part des efforts d’économies sur la dépense publique. Il est donc confronté, ainsi que la quasi-totalité des départements ministériels, à une maîtrise des enveloppes dont il a la charge et cherche à faire peser les économies demandées davantage sur le soutien que sur les fonctions opérationnelles. Le programme 144 est évidemment concerné par ces efforts qui se concentrent en priorité sur les lignes de fonctionnement mais également sur les ressources accordées aux opérateurs de l’État. Celles-ci connaîtront une baisse mesurée sur la période de la LPM, conformément à la politique générale du gouvernement.

Malgré ce contexte de légitime contrainte budgétaire, les priorités du ministre ont été traduites de manière ambitieuse dans la programmation pluriannuelle que nous présentons aujourd’hui. Ainsi la LPM met l’accent sur la recherche de défense au travers des études amont, d’une part, et de la fonction stratégique « renseignement », qui voit ses effectifs se renforcer encore, d’autre part.

Les études amont visent à disposer de « briques technologiques matures », en cohérence avec les besoins des futurs systèmes d’armes. Elles représentent un enjeu de taille puisqu’elles soutiennent directement l’industrie de défense, ses bureaux d’études, de recherche et plus spécifiquement le réseau des PME/PMI. Nous savons d’ailleurs que les efforts de l’État en ce domaine ont évidemment des répercussions à plus ou moins long terme sur les technologies à usage civil. Ces crédits participent donc étroitement de la politique industrielle et de la politique de recherche conduites par le gouvernement. La part du budget consacrée aux études amont restera ainsi constante sur la période 2014-2019, à hauteur de 730 millions d’euros en moyenne, renouvelant l’effort consenti en 2013.

D’autre part, en ce qui concerne le renforcement de la fonction stratégique « renseignement », l’effort sera porté sur les ressources humaines et sur des investissements complémentaires. Le développement de nos capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement étant prioritaire, les efforts portent sur les composantes spatiales et aériennes : renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) et renseignement d’origine image (ROIM) spatiales avec les programmes CERES et MUSIS, développement de la capacité en drones MALE et acquisition d’une capacité de recueil piloté « légère » en complément des capacités existantes. En adéquation avec les nouveaux équipements de recueil du renseignement, sont également développées les capacités de maîtrise et de traitement de l’information, qu’il s’agisse des réseaux de télécommunications ou des systèmes d’information.

Les effectifs consacrés à la fonction renseignement seront eux aussi mis en cohérence avec les nouveaux besoins, associés au renforcement de la mise en œuvre d’équipements techniques et de l’analyse de flux d’informations. Ainsi les projections pour 2014-2019, établies conformément aux orientations fixées par le Livre blanc, prévoient une hausse des effectifs des services de renseignement. Cette évolution s’inscrit dans la continuité de la LPM précédente puisque la période 2009-2014 a enregistré une hausse de 689 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Les effectifs de la DPSD quant à eux resteront constants compte tenu de la nécessité de poursuivre une action conséquente en matière de contre-ingérence.

J’en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2014, première annuité de la LPM. Le détail des demandes de crédits exprimées par le programme 144 figure dans le projet annuel de performance (PAP) qui vient d’être déposé sur le bureau des assemblées. Je me contenterai donc d’évoquer avec vous les points les plus marquants du prochain exercice.

La nomenclature du programme 144, inchangée cette année, se compose de trois actions la recherche et l’exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France (action 3) la prospective de défense (action 7) et la diplomatie de défense (action 8).

Le programme 144 enregistre, pour 2014, une perspective de croissance tant en effectifs qu’en ressource budgétaire et reste, à cet égard, une originalité au sein du ministère de la Défense. Au total, les crédits du programme 144 représenteront 1 979,5 millions d’euros en 2014 contre 1 905,5 millions d’euros en 2013, soit une augmentation de + 3,9 %.

Pour le titre 2, le schéma d’emplois présente en 2014 une variation quantitative à la hausse de 1,8 %, passant de 8 820 ETPT à 8 848 ETPT en 2014.

La politique de ressources humaines ne subira pas d’inflexion qualitative majeure en 2014: elle restera en effet axée sur l’ouverture d’emplois d’encadrement et de haute technicité requis par les besoins fonctionnels des quatre budgets opérationnels de programme (BOP) du programme 144, pour mémoire EMA/DGA/DPSD/DGSE, et sur la préservation d’un rapport de proportion de deux tiers/un tiers entre civils et militaires.

En conséquence du développement qualitatif et quantitatif des effectifs, la dotation en masse salariale croît de manière proportionnelle. Le socle financier passe d’une dotation de 633 millions d’euros en 2013 à 644 millions d’euros en 2014, soit une augmentation de 1,8 %.

Hors titre 2, les crédits du programme 144 s’élèvent en 2014 à 1 335 millions d’euros, et connaissent, à périmètre identique, une baisse de 1,08 % en autorisations d’engagement et une augmentation de 4,94 % en crédits de paiement.

Je vais maintenant revenir sur chacune des actions, au sein desquelles le programme répartit ses compétences et ses moyens.

L’action 3 concentre la fonction « recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France ». Les services de renseignement verront en 2014, leur action renforcée et consolidée. Outre la mutualisation de leurs moyens et une plus grande interopérabilité, ils verront leurs effectifs croître de 65 agents en 2014, afin de répondre aux besoins nouveaux, notamment l’analyse de flux d’informations accrus. Hors masse salariale, leur budget sera également augmenté de 39 millions d’euros en 2014. L’action 3 voit donc son budget augmenter de 16,57 % en crédits de paiement pour atteindre 263 millions d’euros de CP, répartis entre la DGSE (252 millions d’euros) et la DPSD (11 millions d’euros).

L’action 7, « prospective de défense » est, en volume, la plus importante du programme 144. Elle couvre en totalité l’analyse prospective qui constitue l’un des domaines majeurs de la fonction stratégique « connaissance et anticipation ». Cette action se décompose en quatre sous actions déclinant les trois catégories d’études de défense : les études prospectives et stratégiques (EPS), les études opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO) et enfin les études amont (EA), qui représentent le plus gros effort du programme en matière de prospective de défense.

La sous action 7.1 « analyse stratégique » rassemble les études prospectives et stratégiques. Celles-ci constituent le cœur de la mission de la DAS, mais recouvrent également une contribution au renforcement de la visibilité de l’action prospective en matière de défense au travers des aides à la publication et des programmes personnalités d’avenir et post-doctorat. Cette sous-action représente en 2014, 6,08 millions d’euros en AE et 6,89 millions d’euros en CP. Ces crédits sont en baisse de 25 % en AE et en hausse de 35 % en CP. Ces évolutions reflètent des ajustements de gestion (passations de contrats-cadre, paiement d’engagements antérieurs...).

La sous-action 7.2 « prospective des systèmes de forces » rassemble les EOTO qu’il est prévu d’engager en 2014, conformément aux orientations du plan prospectif à 30 ans (PP30). Ces études pilotées par l’état-major des armées visent à identifier les besoins militaires et préparer en conséquence les opérations d’armement. Le budget 2014 des EOTO, d’un montant de 25,35 millions d’euros est stable par rapport à celui voté en loi de finances 2013.

Les sous actions 7.3 et 7.4 forment l’agrégat « Recherche et Technologie » (R&T). Le budget de R&T prévu en 2014 pour les études amont, auxquelles s’ajoutent les subventions de recherche et technologie (R&T), s’élève à 868 millions d’euros (en CP). Il est en diminution par rapport à 2013 du fait de la baisse des crédits pour les opérateurs. On notera que cet agrégat représente aujourd’hui environ 2 % du budget de la défense française alors que les Britanniques et les Allemands y consacrent respectivement 1,5 % et un peu plus d’1 % de leur budget de défense.

Pour ce qui concerne l’action 7.3 « études amont », il est à noter qu’à compter de 2014, la gouvernance des études amont sera assurée au sein du ministère de la Défense sur la base d’une segmentation de la recherche scientifique et technologique par agrégats sectoriels présentant une cohérence en terme d’objectifs capacitaires, industriels et technologiques. De ce fait, les crédits d’études amont ne sont plus répartis par systèmes de force mais par domaines sectoriels (dissuasion, aéronautique et missiles...).

En 2014, ces études représenteront 60,6 % des AE et 56 % des CP du programme, soit respectivement 809 millions d’euros et 746 millions d’euros. Les crédits qui leur sont associés sont en hausse de 6,2 % en CP par rapport à l’année dernière.

Depuis 2009, le régime d’appui pour l’innovation duale (RAPID) permet aux PME de soumettre spontanément leurs projets technologiques innovants qui présentent des applications sur les marchés militaires ainsi que de nombreuses retombées sur les marchés civils. Ce dispositif, qui a été étendu aux entreprises de taille intermédiaire, est mis en œuvre conjointement avec le ministère chargé de l’Industrie. Dans le cadre du pacte Défense/PME, les crédits qui y seront consacrés augmenteront de 25 % pour atteindre 50 millions d’euros à l’horizon 2015. Une première étape portera ces crédits à 45 millions d’euros en 2014.

L’action 7.4 « crédits consacrés aux subventions à des opérateurs qui participent aux études et recherches en matière de défense » concerne les écoles de la DGA, comme l’école polytechnique, l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA), l’ESNSTA Bretagne (ex-ENSIETA), l’institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE), mais également l’office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), ou encore l’institut Saint-Louis. Ces subventions s’élèvent en 2014 à 253 millions d’euros, ces crédits enregistrent une baisse d’environ 12 millions d’euros par rapport à 2013, cette évolution à la baisse permettant un équilibre au sein de l’agrégat R&T.

J’en viens à la troisième et dernière action du programme 144, l’action 8 « relations internationales » qui regroupe les crédits consacrés au soutien aux exportations d’armement et à la diplomatie de défense. Cette action représente 35 millions d’euros en CP, soit une baisse de 19,6 % par rapport à 2013.

La sous action 8.1 concerne le soutien aux exportations d’armement. Elle soutient les industriels exportateurs dans leurs actions, notamment à travers l’organisation de manifestations pouvant accroître leur visibilité (salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, par exemple) afin de développer les exportations d’armement. Elle enregistre cette année, une baisse de 5,7 % de son budget hors titre 2 pour s’établir à un montant de 6,5 millions d’euros environ. Cette baisse est cependant cyclique et correspond à l’absence de salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget en 2014. La sous action 8.2 couvre les crédits nécessaires au fonctionnement et aux activités des postes permanents à l’étranger (PPE) des 88 missions de défense, l’aide versée par la France au gouvernement de la République de Djibouti, et l’implication financière au partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes (PMG8).

Cette sous action voit une baisse de son budget de près de 22 %, soit 28,6 millions d’euros de dépenses pour 2014, conséquence de plusieurs mesures d’économies ou de réorganisation :

• Les dépenses d’activité des missions de défense (MDD) hors titre 2, supportées par l’action 8 du programme 144 « diplomatie de défense », représentent 6,3 millions d’euros. Le nombre des missions de défense reste à peu près constant mais pour compenser la réduction du nombre d’attachés de défense résidents, les dépenses de déplacement des attachés de défense non-résidents augmentent ;

• La contribution annuelle forfaitaire au gouvernement de la république de Djibouti, en compensation de l’implantation des forces françaises sur son sol s’élève à 21,23 millions d’euros, son montant étant en baisse par rapport à celui inscrit au PAP 2013 (- 3,32 millions d’euros).

Enfin, la part des crédits relevant du ministère de la Défense et des anciens combattants au PMG8 a été ramenée à environ un million d’euros alors qu’elle s’élevait à six millions d’euros en 2013.

J’en viens maintenant à la fin de gestion 2013, dont j’aimerais vous présenter les grandes lignes, car elle conditionne l’entrée dans la LPM 2014-2019.

Pour ce qui concerne le titre 2, l’effectif moyen réalisé prévisionnel (EMRP) cible, soit 8 682 ETPT, attribué à l’ensemble du programme 144 correspondra à peu près à sa trajectoire d’atterrissage à la fin de l’exercice 2013, soit 8 703 ETPT, trajectoire prévisionnelle calculée au 31 juillet 2013. On notera par ailleurs que les deux services de renseignement ont bénéficié en 2013 d’une progression en personnel civil d’encadrement, plus importante à la DGSE qu’à la DPSD.

S’agissant des autres titres, le programme 144 devrait engager cette année environ 1 399,3 millions d’euros (chiffre provisoire) et payer 1 204,8 millions d’euros, hors consommation de la réserve, qui représente à ce jour 88,13 millions d’euros d’AE et 83,48 millions d’euros de CP.

Comme les années précédentes, l’enjeu de la fin de gestion 2013 concernant les paiements réside donc dans la levée de la réserve organique. Une levée de la réserve complète associée à une autorisation à consommer les reports donnerait une capacité de paiement de 1 401,54 millions d’euros. La non-levée de la réserve aurait des conséquences non négligeables sur l’application initiale de la LPM et sur les objectifs fixés par le Livre blanc, une partie de la ressource 2014 étant hypothéquée par les années antérieures.

Le programme 144 va par ailleurs disposer, pour la dernière fois cette année, des ressources du compte d’affectation spéciale « Fréquences » pour un montant de 42 millions d’euros, qui, comme vous le savez, sont affectés aux études amont.

Pour conclure, le programme 144, parce qu’il concentre l’essentiel de la fonction stratégique « connaissance et anticipation », permet une connaissance juste, rigoureuse, aussi complète que possible de notre environnement international, et assure la bonne articulation entre l’expression des besoins militaires et la construction de programmes d’armement adaptés. La hauteur de la dotation de la LPM permet de répondre à cette ambition et la LFI 2014 en constitue la première illustration.

M. Jean-Michel Villaumé. Quelles économies a permis la mutualisation des moyens des différents services de renseignement ? Par ailleurs, quels liens existent entre la DAS et le ministère des Affaires étrangères, qui dispose d’un centre d’analyse et de prospective ?

M. Philippe Errera. S’agissant des services de renseignement, il est difficile de chiffrer les économies permises par leur rapprochement. Mais il est certain que ce rapprochement a permis de renforcer leurs capacités d’analyse, à effectifs constants.

Concernant le ministère des Affaires étrangères, nous travaillons en collaboration étroite avec son centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS). Il s’agit de part et d’autre d’équipes d’effectifs restreints, qui se connaissent bien et constituées pour une part d’anciens chercheurs. Nous coopérons tant pour nos activités quotidiennes que pour de grands exercices de prospective, comme la rédaction du rapport « Horizons stratégiques 2025 ». Je tiens d’ailleurs à souligner l’intérêt qu’il y a à préserver la diversité de recrutement au sein de la délégation aux affaires stratégiques, qui comprend non seulement des militaires, mais aussi des civils dont d’anciens chercheurs recrutés à titre contractuel.

M. Damien Meslot. En achetant des drones « sur étagère » aux États-Unis, la France a fait le choix de ne pas développer aujourd’hui de filière industrielle compétente en la matière. Soit. Mais je me suis laissé dire que lors des opérations au Mali, nous n’avions pas été en mesure de diriger les caméras de drones vers la frontière algérienne, car les Américains ne nous avaient pas laissé la maîtrise de tous les paramètres fonctionnels des appareils et se refusaient à le faire dans le cas d’espèce. Cela montre bien que même nos alliés ne partagent pas toujours nos buts. Dès lors, ne serait-il pas préférable que nous fabriquions nos propres drones ?

M. Philippe Errera. Les choix concernant les drones ne relèvent pas du programme 144. Sur le fond, l’autonomie d’appréciation est une composante essentielle de notre autonomie stratégique et fait partie à ce titre des préoccupations qui guident le ministère dans les discussions relatives aux conditions d’emploi de nos futurs drones et au développement de leurs senseurs.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Dans le cadre de la refonte des effectifs affectés à notre dispositif de prépositionnement, il est prévu d’inverser le ratio entre personnels permanents et personnels en mission de courte durée. Quelles économies pourraient en résulter ? Concernant les crédits alloués à la diplomatie de défense et au réseau des postes permanents à l’étranger, dans quelle mesure ce réseau contribue-t-il au soutien de nos exportations ?

M. Philippe Errera. L’armement des prépositionnements fait l’objet de réflexions en cours, dans le cadre desquelles entrent des préoccupations économiques, mais pas seulement.

S’agissant de notre réseau de diplomatie de défense, son rôle va bien au-delà de la gestion des coopérations militaires bilatérales qui sont le cœur de sa mission. L’appui aux exportations en fait partie, au moins à deux titres : d’une part, notre réseau nous permet de connaître nos interlocuteurs, leurs besoins et de « sentir » le terrain, ce qui est essentiel ; d’autre part, dans certains pays auxquels nous lie une coopération en matière d’armement ou vers lesquels l’exportation est importante, nous disposons également d’attachés d’armement qui relaient la direction générale de l’armement dans l’exercice de ses compétences.

D’ailleurs, la création de la nouvelle direction générale des relations internationales que j’évoquais permettra de décloisonner au niveau central le pilotage des différentes fonctions des attachés de défense et s’inscrit dans une cohérence accrue des activités internationales de l’EMA, de la DGA et de la DAS.

M. Nicolas Dhuicq. L’Iran est appelé à devenir une grande puissance régionale ; les liens étroits que la France entretient avec le Qatar ne sont-ils pas de nature à compliquer pour nos entreprises la pénétration des marchés d’armement qui pourraient s’ouvrir en Iran ? S’agissant des services relevant du programme 144, des difficultés sont bien identifiées dans le recrutement d’interprètes : des actions significatives seront-elles menées pour y remédier ? Enfin, l’accès aux métaux rares fait-il partie des sujets sur lesquels vous avez engagé des travaux de prospective ?

M. Philippe Errera. Le suivi de la situation en Iran, qu’il s’agisse de son programme nucléaire ou de son programme balistique, fait partie des priorités de nos services. Concernant les interprètes, nous mettons en œuvre les efforts nécessaires pour que nos services disposent des compétences adéquates. Quant aux métaux rares et aux matières premières stratégiques, plus largement, la DAS a mis en réseau ses compétences avec celles de l’ensemble des organes concernés, dont le SGDSN et la DGA, pour mener des travaux d’identification des dépendances françaises, des flux commerciaux et des acteurs impliqués dans leur exportation. Il s’agit là d’un exemple utile de mise en réseau de capacités d’expertise et de prospective.

M. Jacques Lamblin. Votre délégation est chargée du pilotage des études amont ; dans cet exercice, comment la définition des besoins des armées est-elle articulée entre votre délégation et la direction générale de l’armement ? Par ailleurs, lorsque vous investissez dans les capacités de renseignement, achetez-vous des matériels existants – par exemple en matière de ROEM ou ROIM – ou développez-vous des équipements nouveaux ?

M. Philippe Errera. Il y a peu de chevauchement de compétences entre la DAS, qui pilote le budget des études amont et les études prospectives, et la direction générale de l’armement, qui pilote le contenu des études amont. Pour éviter tout hiatus dans la gouvernance du système, nous avons mis en place au sein du ministère un comité de cohérence de recherche et de prospective (CCRP) dont la DAS assure le secrétariat, et qui fonctionne véritablement bien et permet de décloisonner et d’orienter les études. Il peut certes y avoir des phénomènes de « fertilisation croisée », en matière de nanotechnologies ou de matériaux rares par exemple, entre les études prospectives et stratégiques (EPS) pilotées par la DAS, les études amont pilotées par la DGA, qui visent à identifier des briques technologiques matures, et les études opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO) pilotées par l’état-major des armées mais les angles d’étude restent toujours différents et il est utile que les uns et les autres soient tenus informés de leurs travaux respectifs.

S’agissant de nos investissements en matière de ROEM et de ROIM, tout ce que je puis dire publiquement est qu’ils s’appuient également sur une vision prospective.

M. Christophe Guilloteau. Je voudrais savoir si la cyberdéfense dépend de vos attributions et notamment l’Agence nationale de la sécurité et des systèmes d’information (ANSSI).

M. Philippe Errera. L’ANSSI relève du SGDSN et non du programme 144 qui lui apporte néanmoins une contribution en matière de budget et d’effectifs, sans parler des nombreux échanges intellectuels qu’entretiennent la DAS et l’ANSSI.

La séance est levée à dix-neuf heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Nicolas Dhuicq, M. Philippe Folliot, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Laurent Kalinowski, M. Jacques Lamblin, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, Mme Sylvie Pichot, Mme Émilienne Poumirol, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Olivier Audibert Troin, M. Claude Bartolone, M. Sylvain Berrios, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Candelier, M. Lucien Degauchy, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Jacques Moignard, M. Eduardo Rihan Cypel, M. François de Rugy