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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 8 octobre 2013

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 7

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition du général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014.

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

Mme la présidente Patricia Adam. Je suis sûre que nous aurons certainement des questions sur les mesures de restructurations annoncées récemment par le ministre de la Défense et je vous cède immédiatement la parole.

Général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air. C’est toujours avec fierté et plaisir que je m’exprime devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale. Après une année passée à la tête de l’armée de l’air, j’ai pu mesurer avec beaucoup de satisfaction combien les hommes et les femmes de l’air savaient être au rendez-vous lorsque notre pays fait appel à eux quand les circonstances l’exigent. Ce fut le cas en début d’année au Mali, où la totalité nos capacités ont été mobilisées avec une extrême réactivité et une grande efficacité. C’est le cas aussi et il ne faut pas l’oublier, au quotidien lorsque nous assurons nos missions de dissuasion et de protection sur le territoire national. Partout où ils sont engagés, les aviateurs forcent mon admiration par leur motivation et leur niveau opérationnel fondé sur une formation et un entraînement de haut niveau mais aussi et surtout sur leur aptitude à toujours innover, à travailler ensemble et avec leurs partenaires des autres armées ou d’armées de l’air alliées et à s’adapter à toutes les situations. Ils sont la première capacité de l’armée de l’air et ce sont eux qui nous ont permis les nombreux succès que nous avons connus dans l’exécution de nos missions permanentes ou d’intervention.

Dans le cadre des travaux de rédaction du dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale auxquels j’ai eu l’honneur de contribuer, j’ai toujours défendu l’idée que, au-delà des formats, le maintien de la cohérence entre les capacités est essentiel. Les choix que nous avons proposés et qui ont été repris dans le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 permettent à l’armée de l’air de maintenir cette cohérence.

Même si d’importants efforts nous sont demandés, la poursuite de la modernisation de nos équipements et la priorité donnée à l’activité opérationnelle sont les leviers qui préservent cette cohérence. Ces efforts s’accompagneront aussi d’une diminution des effectifs que le contexte budgétaire rend nécessaire pour atteindre les objectifs fixés dans la LPM. Ces trois points sont pour moi essentiels : ils concernent directement les aviateurs à travers leur aptitude à assurer leurs missions, la garantie de leurs conditions de vie et de travail et la valorisation de leurs compétences. C’est ce projet de loi de programmation et sa première déclinaison, avec le projet de loi de finances (PLF) 2014, que je souhaiterais aborder avec vous avant de répondre à vos questions.

Depuis le début des années 60, l’armée de l’air s’est structurée autour de deux missions permanentes : la protection de notre espace aérien national et la mission de dissuasion, avec la mise en œuvre de la composante aéroportée. Deux missions dont l’importance est confirmée dans le dernier Livre blanc.

Ces deux missions exécutées 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, nécessitent un système de détection performant, la mise en réseau de nos bases aériennes avec des centres de commandement et de conduite armés en permanence, une capacité d’appréciation juste et précise des situations, des équipements, des systèmes d’armes et un personnel très entraîné en raison de la complexité et de la grande réactivité des missions qui leur sont confiées.

La mission de sûreté aérienne est une mission permanente qui garantit la souveraineté de notre espace aérien national. Grâce à la couverture radar de cet espace aérien et la mise en œuvre de capacités d’intervention immédiates nous sommes en mesure de faire face à l’ensemble des situations qui peuvent se présenter comme l’interception d’un aéronef hostile ou l’assistance à des appareils en difficulté. La LPM 2008-2013 a décalé de plusieurs années la rénovation de nos radars. La 4étape du programme SCCOA (système de commandement et de conduite des opérations) a été scindée en deux phases dans la précédente LPM, avec un décalage de trois ans a minima de la livraison de nouveaux radars de surveillance et de défense aérienne. Nous ne pouvons plus décaler les livraisons de ces radars car les obsolescences profondes du parc actuel, à la disponibilité de plus en plus précaire, et aux coûts de maintenance élevés, fragilisent la protection du territoire national.

Le projet de LPM 2014-2019 a pris en compte ce besoin avec l’inscription de la poursuite du programme SCCOA qui amènera les centres français de détection et de contrôle au standard OTAN en 2015 et débutera le renouvellement indispensable des radars de défense aérienne. Dans ce cadre, le PLF 2014 prévoit la livraison de trois radars haute et moyenne altitude ainsi que la poursuite du processus de qualification de nos centres de détection et de contrôle.

Deuxième de nos missions permanentes : la mise en œuvre de la composante aéroportée de la dissuasion. C’est une mission dont nous célébrerons le cinquantième anniversaire l’année prochaine. Depuis 1964 l’armée de l’air contribue à la préservation de nos intérêts vitaux. C’est une composante, dont le coût actuel ne représente que 7 % du budget global alloué à la dissuasion et qui a été réduite d’un tiers lors de la précédente LPM, puisque nous sommes passés de trois à deux escadrons de chasse, suivant le respect du principe de stricte suffisance. La modernisation de cette composante a été inscrite dans la prochaine LPM et se traduira notamment dès l’année prochaine par le lancement de l’acquisition de la flotte d’avions ravitailleurs de type MRTT. En outre, l’année 2014 verra la poursuite des travaux liés à la rénovation à mi-vie de l’ASMP-A et les premiers travaux pour la définition de son successeur. Le PLF 2014 prévoit des mesures de modernisation des transmissions nucléaires ainsi que les livraisons de Rafale biplace destinés à remplacer nos Mirage 2000N. Ces derniers équiperont notre second escadron nucléaire qui sera transformé sur Rafale, au cours de la LPM à venir. Je souligne que les avions des forces aériennes stratégiques (FAS) ne sont pas dédiés exclusivement à la mission nucléaire. Ils sont aussi capables d’agir sur tout le spectre des missions conventionnelles. Ce fut le cas lors des opérations en Libye et au Mali où des avions et des équipages des FAS ont été engagés avec succès. La préparation et l’exécution des raids lointains de Rafale armés de missiles de croisière SCALP présentent de nombreuses similitudes avec les missions exécutées dans le cadre de la dissuasion.

Je tiens à le préciser car nos deux missions structurantes de défense aérienne et de dissuasion nous ont permis de construire, autour d’une permanence forte centrée sur la réactivité, nos capacités de planification et de conduite des opérations aériennes, notre aptitude à recueillir et à fusionner tous les types de renseignement, à travailler en réseau, à basculer instantanément du temps de paix au temps de crise et à conduire des missions longues et complexes depuis le territoire national. Agrégées, ces capacités nous permettent d’être capables d’intervenir en toute autonomie dans une vraie cohérence d’ensemble. Si une de ces capacités venait à manquer, c’est l’efficacité globale du dispositif qui serait menacée.

Aujourd’hui, l’armée de l’air dispose d’une véritable capacité d’intervention dans un large spectre de crises. Parce que nous disposons d’avions ravitailleurs nous sommes en mesure d’agir, à partir de nos bases aériennes, avec une très forte réactivité pour atteindre n’importe quel point dans la zone géographique d’intérêt définie par le Livre blanc. C’est ce que nous avons pu démontrer en Libye en 2011 et au Mali cette année. Capable de monter en puissance de façon très discrète au sein de nos bases aériennes, ou au contraire de façon visible, l’armée de l’air a démontré qu’elle pouvait offrir au décideur politique une large variété de modes opératoires, réversibles et dont la force peut être adaptée au contexte particulier de chaque crise.

La LPM 2014-2019 nous garantit le maintien de cette cohérence parce que, justement, elle préserve ces capacités socles en les modernisant, sans en privilégier une par rapport à une autre. Une modernisation qui se fera à un rythme moins rapide que nous l’avions souhaité initialement, une modernisation qui se fera sur des formats plus réduits, mais une modernisation qui privilégiera la cohérence de notre capacité opérationnelle globale. Le PLF 2014, avec les livraisons et commandes prévues, s’inscrit dans la poursuite de notre modernisation. Mais il est indispensable pour cela qu’il s’appuie sur une loi de programmation qui garantit la cohérence pour l’avenir et permet un meilleur contrôle des engagements.

L’opération Serval au Mali a démontré le potentiel et le niveau d’expertise acquis par l’armée de l’air qui, pour la première fois depuis très longtemps, a mené une opération multinationale en assumant, sous l’autorité du chef d’état-major des armées, le commandement de la composante aérienne. Nous avons pu planifier et conduire des opérations aériennes complexes à partir de la métropole, comme le 13 janvier lorsque nous avons conduit le raid aérien le plus long de l’histoire de l’armée de l’air et comme le 27 janvier avec l’opération aéroportée sur Tombouctou. Cette capacité de commandement et de contrôle sera modernisée dans la LPM avec la poursuite, que j’évoquais précédemment, de l’évolution de nos centres d’opérations et de nos centres de contrôle vers le système ACCS (Air Command and Control System) de l’OTAN, un système otanien mis en œuvre par les Européens et développé avec l’industrie européenne. L’interopérabilité avec nos partenaires de l’Alliance atlantique et européens constitue un axe majeur de la modernisation de ces moyens. La poursuite de la rénovation de nos centres de contrôle locaux et de nos avions AWACS contribuera à améliorer encore cette capacité de commandement et de contrôle. Le premier avion AWACS rénové sera livré l’année prochaine.

Ces avions AWACS participent également à notre capacité à recueillir du renseignement. Au cœur de la fonction connaissance anticipation, l’armée de l’air possède une aptitude naturelle à recueillir du renseignement parce qu’elle agit dans tout le spectre de la troisième dimension. Sur la période 2014-2019 cette capacité bénéficiera de l’acquisition de nombreux équipements comme en atteste la commande prévue de quatre systèmes de drones MALE (moyenne altitude longue endurance) représentant 12 vecteurs. Afin de répondre au besoin opérationnel immédiat, deux drones Reaper ont été commandés pour être déployés en opérations et compléter l’action de nos Harfang très sollicités sur le théâtre malien puisqu’ils viennent récemment de franchir la barre des deux mille heures de vol depuis leur engagement le 17 janvier dernier.

Des avions légers de surveillance et de renseignement, dont l’emploi répond au besoin mutualisé des services de renseignement, permettront de compléter le dispositif d’évaluation et de suivi des crises. L’acquisition d’une première capacité est inscrite dans le PLF 2014. Les capacités de renseignement d’origine électromagnétique du Transall Gabriel, appareil indispensable présent sur tous les théâtres d’opérations, seront remplacées, à l’horizon de l’arrêt de la flotte Transall, avec l’entrée en service de la charge universelle de guerre électronique (CUGE), qui sera mise en œuvre sur un vecteur à déterminer. Enfin, le domaine spatial bénéficiera de la consolidation de moyens existants de surveillance de l’espace extra-atmosphérique ainsi que de la mise sur orbite durant la LPM de deux nouveaux satellites d’observation MUSIS et du développement du programme CERES, prévu pour une mise en service au plus tard en 2020.

Comme vous pouvez le constater, la LPM nous permet d’accroître notre capacité à recueillir du renseignement. C’est pourquoi nous travaillons actuellement sur l’organisation destinée à tirer le meilleur parti de tous ces capteurs afin d’être capables de traiter la considérable quantité d’informations qu’ils permettront d’obtenir, en temps différé ou en temps réel selon la situation.

Nos capacités d’intervention vont se moderniser avec la poursuite de la montée en puissance de la flotte Rafale dont la livraison s’effectuera à un rythme différent de celui qui était prévu : 19 Rafale rejoindront l’armée de l’air sur la période de la LPM. L’année prochaine ce sont neuf avions issus de la quatrième tranche qui nous seront livrés, avec des évolutions majeures puisqu’ils seront notamment équipés du nouveau radar à antenne active, une première pour un appareil de combat en Europe, ainsi que d’une nouvelle version du système SPECTRA de guerre électronique. Parallèlement à ces livraisons, les capacités des Rafale en service vont évoluer puisque la LPM prévoit l’intégration sur cet appareil du missile air-air longue portée METEOR et du pod de désignation de dernière génération.

Le ralentissement des livraisons de Rafale sera compensé par la rénovation des Mirage 2000D et l’utilisation prolongée de flottes plus anciennes comme celle des Mirage 2000-5, ce qui nous permettra de préserver la cohérence de notre aviation de chasse en suivant le principe de différenciation des forces défini par le livre blanc. La répartition Rafale-Mirage 2000 évoluera dans le temps en fonction des besoins de remplacement de la flotte Mirage 2000 après 2020 et nous travaillons à un schéma directeur de l’aviation de combat qui éclairera l’avenir afin d’y intégrer les réflexions sur les futures évolutions du Rafale et l’arrivée des futurs systèmes de combat aériens.

Je rappelle que le format de notre aviation de chasse aura été diminué deux fois d’un tiers en deux lois de programmation. La première diminution en 2008 a été compensée par la polyvalence du Rafale. Celle à venir le sera grâce aux efforts portés sur le MCO et à la différenciation de l’entraînement possible avec la mise en place du projet « Cognac 2016 ». Cette dernière évolution est la dernière marche pour que notre aviation de chasse reste encore une capacité de combat majeure capable d’être engagée sur tous les théâtres d’opérations extérieures et sur le territoire national.

La cohérence passe nécessairement par la détention de capacités de projection qui sont essentielles à l’ensemble de nos missions.

Les avions ravitailleurs sont la clé de voûte de toutes nos opérations aériennes. Sans eux, nous ne pouvons disposer de la réactivité, de l’allonge et de l’endurance nécessaire pour assurer nos missions de dissuasion et d’intervention. Sans eux, l’emploi de notre aviation de chasse serait peu ou prou limité au territoire national. Sans eux il n’y aurait pas de composante aéroportée de la dissuasion. Le raid du 13 janvier vers le Mali a nécessité cinq ravitaillements en vol impliquant trois C135. L’âge avancé de ces 14 appareils, bientôt cinquante ans, fait peser un risque de rupture capacitaire constant et leur utilisation impose de nombreuses heures de maintenance. Leur remplacement constitue pour moi une priorité essentielle. Je suis heureux de voir que la commande de 12 avions de type MRTT (Multi Role Tanker Transport), dont deux seront livrés sur la période de la LPM, est prévue dans le PLF 2014. Il s’agit d’une avancée importante, mais qui nous impose une vigilance accrue sur nos C135 que nous allons conserver de nombreuses années encore en raison du calendrier de livraison. Si nous devions connaître une embellie budgétaire dans les années à venir, je recommande que la priorité soit donnée à l’accélération des livraisons des MRTT, projet par ailleurs porteur de belles coopérations européennes. Par leur polyvalence et leurs performances ces avions vont nous offrir de nombreuses et nouvelles perspectives d’emploi. Ils remplaceront nos C135 et ces avions nous sont indispensables pour le transport de troupes sur de très longues distances.

Dans le domaine du transport tactique nous disposerons en fin de LPM de 15 A400M. L’opération Serval a démontré combien cette composante était indispensable à la manœuvre aéroterrestre pour se poser au cœur des zones de combat sur des terrains sommaires. L’A400M va donner une nouvelle dimension à notre aviation de transport et la faire entrer dans une nouvelle ère. L’arrivée officielle du premier appareil, baptisé « ville d’Orléans » a été marquée par une cérémonie la semaine dernière en présence monsieur le ministre de la Défense. Un deuxième avion devrait bientôt rejoindre la base aérienne orléanaise ainsi que quatre autres en 2014, comme le prévoit le PLF.

Le décalage du calendrier de livraisons de ces appareils nous oblige à maintenir en service 14 C160 afin de préserver les compétences tactiques de nos équipages et notre capacité opérationnelle. C’est le même principe qui a prévalu pour l’aviation de chasse : maintenir des flottes plus anciennes pour pallier l’étalement des livraisons et préserver la cohérence d’ensemble. C’est une nécessité mais aussi un défi. Je suis également très satisfait de la rénovation des 14 C130, utilisés notamment par les forces spéciales, indispensables pour l’exécution de leurs missions dans l’avenir.

Enfin la modernisation de nos équipements prévue dans la LPM prend également en compte nos capacités d’entraînement qui sont essentielles pour que nous disposions d’équipages prêts à intervenir sans délais. Pour cela la refonte de l’entraînement et de la formation des pilotes de chasse dans le cadre du projet « Cognac 2016 » est fondamentale. Ce projet s’appuie sur l’acquisition d’avions d’entraînement turbopropulsés de dernière génération. Ils nous permettront de mieux former nos jeunes pilotes et de mettre en œuvre le principe d’un entraînement différencié qui garantira notre aptitude à soutenir les opérations dans la durée dans un format réduit. C’est une approche innovante, dont je constate qu’elle intéresse de nombreuses armées de l’air, qui permet de nous adapter de façon réaliste au contexte budgétaire tout en modernisant nos capacités de formation. Ce projet permettra en outre de diminuer significativement les coûts de fonctionnement de notre flotte école. C’est pourquoi je lui accorde tant d’importance en visant un lancement au plus tôt, pour être au rendez-vous de la livraison des appareils en 2017.

La modernisation de nos équipements constitue donc ma priorité pour préserver la cohérence de l’armée de l’air. Elle est indissociable du maintien d’une activité aérienne suffisante qui représente aussi une priorité. Une priorité essentielle parce que toutes les opérations récentes ont démontré que, pour réaliser les missions les plus difficiles, notamment l’entrée en premier sur un théâtre d’opérations, qui se joue toujours en quelques heures après la décision du Président de la République, il est indispensable de disposer d’équipages entraînés au meilleur niveau.

Notre capacité opérationnelle repose sur le maintien en conditions de nos matériels aéronautiques qui nécessite un pilotage au plus près des forces et de leur activité réelle et une dotation suffisante en entretien programmé du matériel (EPM).

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique est le cœur du domaine d’expertise de la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle de la défense (SIMMAD) et de l’armée de l’air. Nous avons réorganisé nos structures et mobilisé tous les acteurs du MCO, les forces bien sûr mais aussi l’industrie étatique et privée. La SIMMAD, aux côtés des unités de soutien aéronautique et en lien avec les industriels et la direction générale de l’armement (DGA), a ainsi fait évoluer les marchés d’une logique de disponibilité vers une logique d’activité, en préservant la flexibilité exigée par les engagements opérationnels et avec un souci constant de maîtrise et de réduction des coûts. Le plus important est de disposer du nombre suffisant d’aéronefs disponibles lorsque nous en avons vraiment besoin. La mise en place de plateaux techniques dans la dynamique du pôle de MCO aéronautique bordelais, a très rapidement porté ses fruits. L’identification des difficultés technico-logistiques et la définition en commun de solutions appropriées ont permis d’aboutir à des résultats significatifs. À Saint-Dizier par exemple, la qualité de l’activité des Rafale a été considérablement augmentée alors que la disponibilité en OPEX reste exceptionnelle. Ces résultats démontrent la pertinence et la cohérence des choix qui ont été faits dans le domaine de la gouvernance du MCO, tant au niveau de la SIMMAD qu’à celui du soutien opérationnel sur les bases aériennes. Ces succès nous encouragent à poursuivre dans cette voie mais il ne s’agit que d’une première étape, de nombreux efforts restent à faire.

Le MCO aéronautique nécessite également de disposer d’une dotation suffisante en entretien programmé du matériel, l’EPM. Cela n’a pas été le cas lors de la précédente LPM puisque la sous affectation de crédits budgétaires pour l’EPM a conduit à un déficit, sur la période 2009-2014, de plus d’un milliard d’euros de crédits d’activité par rapport au besoin. En 2013, l’armée de l’air a dû limiter l’activité des équipages et prendre des mesures affectant le niveau de formation et d’entraînement.

Les perspectives 2014-2015 conduisent à maintenir le niveau d’activité de 2013, grâce à l’effort financier important consenti sur l’EPM par la LPM, mais cette activité restera insuffisante (environ -20 % par rapport aux normes d’entraînement). Elle ne pourrait être maintenue à ce niveau dans le temps sans dégradation considérable du niveau opérationnel. C’est pour moi une préoccupation majeure car le maintien de certaines compétences est dès à présent fragilisé. Notre objectif est de remonter l’activité aérienne au niveau requis après 2016, en s’appuyant sur le développement du nouveau modèle, sur la mise en place de l’entraînement différencié et sur un plan d’optimisation du MCO élaboré par la SIMMAD en associant bien sûr la DGA.

Enfin, la dernière priorité, la plus importante, que je souhaiterais aborder devant vous, concerne les hommes et les femmes de l’armée de l’air. Au cours de la dernière LPM, ils ont su faire face avec beaucoup d’abnégation aux différentes réformes qui les ont directement touchés. Je rappelle que suite aux réformes annoncées en 2008 nous avons dû procéder à la fermeture de 12 bases aériennes et à la dissolution d’une quinzaine d’unités majeures, ainsi qu’à la diminution de nos effectifs de 15 900 personnes sur la période de la LPM précédente, ce qui correspond à une baisse du quart de nos effectifs.

De nouveaux efforts importants seront demandés aux aviateurs. Les cibles en effectifs définies dans le projet de LPM prévoient une réduction de 34 000 postes au sein du ministère sur la période 2014-2020. Pour 2014, la cible de déflation de nos effectifs est de 2 400 personnes sur les 7 881 du ministère de la Défense, soit 30 % du total.

Pour l’armée de l’air, qui vient de mener une réforme importante depuis 2008, il n’y a quasiment plus de réduction d’effectifs possibles par des réorganisations fonctionnelles. Nous les avons faites lors de la précédente LPM. Réduire les effectifs nécessite donc la mise en place d’un nouveau plan de restructurations. Les mesures à venir en 2014 ont été annoncées la semaine dernière par le ministre de la Défense et concernent de nombreuses de nos implantations. Parmi ces mesures je souligne à titre d’exemple la fin de l’activité aérienne à Dijon et le transfert à Cazaux de l’escadron d’entraînement 2/2 « Côte d’Or », la dissolution de l’escadron de défense sol/air de Luxeuil, la fermeture du détachement air de Varennes sur Allier, la transformation des bases de Saintes et de Châteaudun en éléments air. Pour parler franchement, ce plan me paraît indispensable car certains rapprochements nous permettront de mieux fonctionner avec une armée de l’air resserrée mais dont la réussite opérationnelle est conditionnée par son aptitude à engager toutes ses capacités dans une manœuvre d’ensemble.

Ces restructurations ne peuvent être conduites isolément. Elles prennent en considération les bases de défense, dont j’aime souligner qu’elles participent aux missions opérationnelles de l’armée de l’air qui opère au quotidien à partir de ses implantations, que ce soit pour les missions permanentes ou pour les missions d’intervention. Elles intègrent aussi les services et directions interarmées dans lesquels travaillent 22 % des aviateurs.

Nous conduisons une vaste réflexion sur le modèle futur de ressources humaines de l’armée de l’air intégrant notamment le recrutement, l’avancement dans le contexte de limites d’âge allongées, la mobilité, etc. C’est un chantier important qui prend en compte les aspirations de notre personnel et vise avant tout à le valoriser car comme je le soulignais au début de cette intervention, il constitue notre première capacité opérationnelle. Ce travail s’accompagne d’une réflexion sur l’identité de l’aviateur dans le contexte interarmées que nous connaissons.

Pour conclure je souhaiterais vous indiquer que les aviateurs sont conscients de l’effort que la Nation réalise à travers cette loi de programmation pour préserver leur capacité à exécuter leurs missions. Ils sont aussi conscients des efforts qui leur seront demandés pour que les objectifs de cette loi de programmation soient atteints.

Avec eux j’ai souhaité mettre en place un projet « Unis pour Faire Face » afin de ne pas subir notre destin, mais de le prendre en main. C’est un projet qui s’inscrit dans les priorités du Livre blanc et de la loi de programmation que nous venons d’évoquer : modernisation de nos capacités, activité aérienne, simplification de nos structures, ouverture vers l’extérieur, valorisation des aviateurs, sont autant d’axes d’effort portés par ce projet. Ce dernier donne à l’armée de l’air une direction cohérente avec les moyens qui nous sont alloués. Cette modernisation est lancée, elle nous permettra de nous ouvrir toujours plus vers l’extérieur car les projets qu’elle porte sont des viviers de coopération formidables, notamment au niveau européen.

L’A400M, porté par sept pays européens, va donner une dynamique encore plus forte au commandement du transport aérien européen (EATC) qui est engagé sur une voie d’ouverture et de standardisation des normes européennes. S’agissant des ravitailleurs MRTT, nous travaillons à la mutualisation de leur emploi avec six autres nations européennes dans des domaines ciblés comme la formation et la maintenance. L’acquisition de drones Reaper ouvre la voie à la création d’un groupe d’utilisateurs européens, l’évolution du SCCOA vers le système ACCS va renforcer les coopérations, la mise en œuvre de normes européennes communes est un chantier prometteur. Ces quelques exemples montrent que la future LPM ouvre de nombreuses opportunités dans le domaine aéronautique que nous devons absolument saisir pour avancer de façon réaliste et pragmatique vers une défense plus européenne, sans abandonner notre autonomie d’action et de décision.

Vous le constatez notre projet est résolument tourné vers l’avenir. Un avenir qui nous est ouvert par les perspectives de la loi de programmation. La vertu d’une loi de programmation est de fixer les engagements pour les années à venir. C’est pourquoi nous en avons tant besoin, notre modèle nécessitant ces engagements sur l’avenir qui sont ensuite déclinés par les PLF. En revanche, c’est de sa réalisation, plus tendue que les précédentes, mais je l’espère plus vertueuse, que dépendront notre cohérence et notre capacité à assurer nos missions. L’exercice est difficile mais je peux vous assurer que notre pays pourra compter sur les capacités d’adaptation et d’innovation des aviateurs pour parvenir aux objectifs fixés.

Mme la présidente Patricia Adam. Notre commission entend bien contrôler que la prochaine LPM soit effectivement exécutée dans sa totalité.

M. Serge Grouard. Je tiens à saluer le personnel militaire des armées, et en particulier de l’armée de l’air, dont il faut reconnaître le professionnalisme et le dévouement. C’est important de le souligner en cette période difficile.

Les efforts demandés aux armées ne sont pas nouveaux, puisque cela fait plus de vingt ans au moins qu’on leur en impose et de plus en plus exigeants. Il faut le conserver à l’esprit.

On demande aujourd’hui encore un effort de grande ampleur. J’ai bien compris ceux que vous faites, mon général, pour essayer de conserver la cohérence globale de votre format. Ma question porte sur les réductions d’effectifs : il ne faut pas que celle-ci soit mécanique, car elle entraînerait irrémédiablement la perte d’un certain nombre de compétences. Comment y faites-vous face ? Par ailleurs, comment gérez-vous cette absence de visibilité à long terme vis-à-vis de votre personnel, qui est un élément psychologique à ne pas négliger ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Je voudrais que vous nous indiquiez la répartition des diminutions d’effectifs entre les officiers, sous-officiers et militaires du rang, entre civils et militaires, entre forces opérationnelles et soutien.

Pouvez-vous également nous apporter des précisions sur la coopération entre l’Inde et la Russie sur le projet d’avion de chasse russe de cinquième génération, le T-50 ?

M. Yves Fromion. J’ai bien entendu vos propos sur la nécessaire préservation de la cohérence de votre format mais ne craignez-vous pas un « effet bonzaï » ? On peut certes être cohérent, mais de plus en plus petit !

J’aimerais donc que vous nous disiez si, avec une armée de plus en plus petite, vous êtes toujours en mesure de répondre à l’ensemble du contrat opérationnel. Par ailleurs, vous dites que vous avez un déficit d’un tiers en matière d’avions de combat et que vous comptez le combler grâce à vos marges de manœuvre sur le MCO. Dans la mesure où le budget 2014 n’est pas supérieur à celui de 2013, je ne vois pas très bien comment vous comptez combler ce déficit. Pouvez-vous nous l’expliquer ?

Général Denis Mercier. Je remercie M. Grouard pour ses propos sur le personnel car j’ai une grande admiration pour nos aviateurs qui font face à d’importantes restructurations tout en continuant à assurer leurs missions opérationnelles avec le plus grand dévouement.

Comment gardons-nous les compétences de nos effectifs ? C’est un vrai sujet de préoccupation pour moi. 2 400 des 7 881 suppressions de postes prévues dans les armées pour 2014 concernent l’armée de l’air. La manœuvre RH est très complexe car lorsque nous supprimons environ 250 postes sur la plateforme aéronautique de Dijon, les personnes existent toujours, il faut gérer la déflation sur l’ensemble des compétences de l’armée de l’air. Par ailleurs nous devons trouver pour chaque aviateur restructuré une solution personnalisée, quel que soit son statut, de carrière ou sous contrat ! C’est de plus en plus difficile car, afin de maintenir des compétences là où elles sont nécessaires, on pourra moins, comme par le passé, tenir compte de toutes les volontés de chacun. Il faudra à l’avenir affecter les personnes qui disposent de certaines qualifications là où on en a vraiment besoin. Mon absence de maîtrise sur les effectifs qui se situent en dehors du budget opérationnel de programme (BOP) Air renforce la difficulté de l’exercice.

Nous n’avons effectivement pas de visibilité sur le calendrier des restructurations post 2014. Il est normal que notre personnel attende ces décisions et je souhaite qu’il puisse en être informé le plus rapidement possible.

On nous demande aujourd’hui de « dépyramider » en diminuant notamment les effectifs des officiers et des sous-officiers les plus gradés. Aujourd’hui, les promotions d’officiers sont ralenties et, si nous devons continuer à recruter en nombre, nous essayons de revoir la gestion des carrières pour qu’à un certain moment, l’officier ou le sous-officier puisse avoir le choix de poursuivre sa carrière dans la défense ou d’exercer ses talents dans le civil dans un souci constant de progression. Il s’agit clairement pour nous de mettre en place un nouveau modèle RH.

Je n’ai pas d’informations récentes sur la coopération entre l’Inde et la Russie au sujet du T-50. L’Inde continue à se doter d’une aviation de combat très forte et ce contrat devrait comporter des transferts de technologie. En tout état de cause, ce projet n’entre pas en compétition avec l’acquisition de Rafale par l’Inde.

Pour répondre à M. Fromion : ce n’est pas tant le MCO qui nous permettra de trouver des marges de manœuvre pour notre aviation de combat et de diminuer le format de l’armée de l’air que la mise en œuvre du principe d’entraînement différencié de nos pilotes précédemment évoqué. En tout cas, je considère que cette diminution du format, nécessaire pour faire augmenter l’activité aérienne, est la dernière avant de changer foncièrement de modèle d’armée et de ne plus remplir l’ensemble des missions qui sont aujourd’hui les nôtres.

Nous disposons, contrairement à d’autres pays qui ont fait le choix de diminuer les heures de vol de leurs pilotes, d’une capacité d’entrée en premier sur un théâtre d’opérations, qui a été démontrée récemment en Libye ou au Mali. Pour cela, il est fondamental que ceux de nos pilotes, de Rafale notamment, qui assurent cette mission d’entrée en premier ne se contentent pas de 120 à 150 heures de vols annuelles mais en fassent 250 heures, dont 70 sur des simulateurs. Cette exigence impose de remonter à 180 heures le niveau d’activité en priorité de ceux qui assurent la mission d’entrée en premier. Il est important de souligner que nous sommes aujourd’hui arrivés à un socle.

M. Jean-Michel Villaumé. Ma question concerne la base aérienne 116 de Luxeuil. Deux escadrons ont disparu en 2010-2011 et le ministre de la Défense a annoncé récemment la dissolution d’un escadron sol-air en 2014. Quel est l’avenir de cette base, sachant qu’elle est passée en moins de dix ans de 1 900 personnes à un peu plus de 1 000 ? L’inquiétude est très forte sur l’avenir de cette base maintenue dans un format réduit.

M. Jean-Yves Le Déaut. Vous avez rappelé l’importance pour notre armée d’acquérir des drones et précisé qu’un certain nombre de nos pilotes étaient actuellement en formation aux États-Unis sur les Reaper. S’agissant des Reaper Block 1, les chaînes de pilotage et de capteur de ces drones sont imbriquées : est-ce que nous pourrons décider en complète autonomie de leurs plans de vol, notamment en zone sahélienne ?

Concernant la nouvelle génération des Reaper Block 5, qui se caractérisent par des chaînes distinctes et une capacité d’atterrissage automatique, avons-nous négocié la francisation de ces appareils ? Le coût de cette francisation est-il intégré dans le coût de 670 millions des douze appareils ? Le délégué général pour l’armement a été très évasif sur cette question. Par ailleurs, est-ce que nous ne risquons pas d’avoir des ennuis sur les certificats de navigabilité de ces appareils, comme les Allemands en ont rencontrés ? Enfin, est-ce que les incertitudes sur nos relations avec les Américains en matière de drones Reaper ne vont pas retarder voire obérer le projet de drone MALE européen ? Ne risque-t-on pas, in fine, de ne voir aboutir aucun de ces deux programmes ?

M. Philippe Vitel. Chacun sait qu’il se passe un délai de vingt à trente ans entre la conception et la mise en service d’un avion de combat et que nos avions actuels ont une durée de vie longue. D’après les industriels rencontrés, nous n’aurions entamé aucune étude amont et recherche et développement autour de nos avions de nouvelle génération – alors que la Russie, l’Inde, la Chine et le Pakistan en seraient déjà à la cinquième génération et que les États-Unis travailleraient même sur la sixième. Quel est votre avis sur ce sujet ? N’y a-t-il pas là un risque de perte d’avantage technologique et même d’éventuel décrochage ?

Général Denis Mercier. Monsieur Villaumé, la base de Luxeuil restera ouverte. Le Livre blanc a prévu de réduire de dix à huit le nombre de systèmes SAMP, et il y a une vraie logique opérationnelle à privilégier les sites nucléaires, d’où la fermeture de l’escadron de défense sol-air de Luxeuil. Luxeuil continuera néanmoins à accueillir à la fois une base aérienne et la base de défense de Luxeuil-Épinal. Nous réfléchissons actuellement aux moyens de densifier cette implantation, pour optimiser l’usage de ses infrastructures dans un cadre interarmées. En tout état de cause, les moyens mis en œuvre pour étendre de 7 000 à 9 000 heures la durée d’activité de nos Mirage 2000-5 constituent un gage de pérennité pour la composante aérienne de cette base, qui constitue en outre une base de déroutement.

Monsieur le Déaut, comme vous le soulignez, la chaîne de pilotage du drone et celle de pilotage des capteurs sont en effet imbriquées dans le Reaper Block 1, mais ces appareils pourront être « rétrofités » à partir de 2017 dans une configuration identique à celle du Reaper Block 5, ce qui permettra la francisation – ou, plutôt, l’européanisation – de ces capteurs. Nous y réfléchissons en effet en lien avec l’Italie, ainsi qu’avec le Royaume-Uni et nous pourrons y associer d’autres pays qui se doteraient du même type de drones. C’est un programme de travail qui comporte trois volets : d’abord, l’autonomie d’emploi des matériels, dans la lignée des enseignements de nos opérations au Sahel. Ensuite, l’intégration dans l’espace aérien européen, selon une démarche dont l’efficacité suppose, à mon sens, d’avancer de manière pragmatique et bilatérale, en débutant par exemple avec nos partenaires italiens. J’ajoute que le fait que nous ayons pu faire voler nos Harfang au-dessus des Champs-Élysées le 14 juillet 2012 démontre que nos capacités en matière d’intégration de drones dépassent à certains égards celles de tous nos partenaires. Enfin, nous pourrons travailler dans le futur à l’intégration de capteurs européens.

L’important pour notre autonomie, dans l’immédiat, était de pouvoir choisir librement le satellite que nous utiliserons pour nos deux premiers Reaper. Ce point essentiel est acquis. Certes, le personnel de maintenance de ces appareils est pour l’instant fourni par les États-Unis, mais il n’aura pas accès aux cabines d’opérateurs sans notre autorisation.

Si elle était décidée, la mise en place d’une véritable chaîne de drone MALE en Europe se projetterait à l’horizon 2023–2025. La constitution d’une telle chaîne, dans son ensemble, représenterait, de mon point de vue, un enjeu important, car elle permettrait de répondre à un besoin sur des marchés extra-européens – pour des pays qui ont de longues frontières à surveiller – sur lesquels, en même temps que nous vendrions des appareils européens, nous ferions partager les standards et les normes européens que nous aurions définis. C’est autant du point de vue des normes que du point de vue des vecteurs qu’il y a une véritable concurrence entre l’espace aérien américain et l’espace aérien européen. Personne ne sous-estime cet enjeu, et pourtant, les projets peinent à être mis en œuvre concrètement : les investissements ne suivent pas la prise de conscience. In fine, il faut savoir si oui ou non, on veut « vendre » des standards européens.

L’achat de drones Reaper ne nous empêche pas de poursuivre ce projet : il nous permet simplement de répondre à un besoin capacitaire immédiat. En effet, nos drones Harfang ne pourront pas raisonnablement être exploités après 2017 : le Reaper constitue ainsi une capacité indispensable dans l’attente d’un hypothétique drone européen.

Monsieur Vitel, la construction d’un nouvel avion de combat constitue un véritable enjeu, mais on ne peut pas dire que celui-ci soit totalement négligé. En effet, on finance d’ores et déjà des études sur un drone européen de combat, qui fera partie du système de combat du futur. À cet égard, je crois qu’il ne faut pas opposer avion de combat et drone de combat : les systèmes de combat du futur seront en réalité des architectures mettant en lien des capteurs – qu’il s’agisse de satellites, de drones, d’appareils embarqués sur des aéronefs ou des navires, etc. – et des vecteurs de toute nature – qu’il s’agisse d’avions, de drones ou de navires – qui attaqueront la menace. L’important est de réfléchir aujourd’hui, à l’échelon européen, à nos systèmes de combat du futur au sein d’une architecture globale où il faudra définir notamment la place de l’homme. Quant au Rafale, s’il fallait le qualifier comme relevant de telle ou telle « génération » d’avions – avec tout ce que cela a d’artificiel –, je dirais volontiers qu’il est par bien des aspects un avion de cinquième génération plutôt que de quatrième génération. On pourrait m’objecter qu’il n’est pas assez furtif, mais je ne crois guère à la pertinence de la furtivité.

Mme la présidente Patricia Adam. L’enjeu que représentent les normes en matière de systèmes de combat aérien ne pourrait-il pas utilement être discuté lors du Conseil européen de décembre prochain ?

M. Guy Chambefort. Le ministre de la Défense a annoncé récemment la fermeture du détachement air de la base de Varennes sur Allier. Les personnels civils et militaires concernés s’en doutaient, dans la mesure où aucun investissement de modernisation n’avait été entrepris sur cette base depuis longtemps. Une polémique est née autour de la date où la décision de fermeture a été réellement arrêtée. Il faudrait peut-être que les intentions des armées concernant l’avenir des bases soient annoncées plus clairement et plus tôt.

M. Nicolas Dhuicq. Vous exercez avec brio un exercice difficile ! Il ne faudrait toutefois pas croire que la réduction du format de nos armées, menée pour des raisons comptables, contribuera au redressement de notre pays : il se retrouvera simplement déclassé militairement, sans en être revigoré économiquement. C’est un cercle délétère que d’écouter seulement les comptables. L’heure est très grave, car on détruit le cœur de la Nation !

Vous souhaitez compenser la casse humaine et le blocage des carrières des officiers par des facilités de reclassement dans le secteur privé. Mais à l’heure où l’État réduit ses commandes aux industries d’armement, les perspectives d’embauches dans ces industries sont-elles vraiment importantes ? On peut en effet s’interroger sur la survie de notre industrie aéronautique à moyen terme.

Par ailleurs, nous avons mené ces dernières années des campagnes sur des théâtres où il n’y avait ni aviation de combat, ni défenses antiaériennes modernes. Mais pour le cas où nous aurions à faire à des adversaires mieux équipés, qu’en est-il de la nouvelle génération de missiles air-air transhorizon ?

Mme Marie Récalde. Je tiens à saluer la réussite de l’exercice mené récemment à Cazaux qui démontre que l’Europe de la Défense avance concrètement.

Il est prévu d’optimiser les dépenses de MCO de l’armée de l’air afin d’accroître l’activité aérienne opérationnelle à partir de 2016, dans le cadre d’un plan élaboré de façon concertée avec la SIMMAD, la DGA et les industriels. L’objectif fixé pour 2016 vous semble-t-il réaliste ? Quelles modifications sont prévues dans la gouvernance du MCO aéronautique pour atteindre cet objectif ?

Général Denis Mercier. S’agissant des restructurations, les armées ont étudié plusieurs plans, mais la décision finale appartient naturellement aux autorités politiques. S’agissant de Varennes sur Allier, nous savions qu’en cas de réduction du format de l’armée de l’air, ce site de stockage constituerait un doublon de celui de Romorantin, ce qui nous a conduits à concentrer les stocks de l’armée de l’air sur ce dernier site.

Monsieur Dhuicq, soyez sûr que ce n’est pas de gaîté de cœur que je conduis la réduction du format de l’armée de l’air ! Mais compte tenu des orientations fixées par le Livre blanc, aux travaux duquel j’ai participé, et des contraintes budgétaires qui pèsent sur nous, nous nous devons de poursuivre une démarche responsable d’adaptation de notre format qui vise avant tout à maintenir la cohérence indispensable de notre outil de défense. Les choix budgétaires sont des choix politiques, et les premières options qui avaient été évoquées, avant d’être heureusement écartées, représentaient de véritables scénarios de rupture. S’agissant de la gestion des ressources humaines, vous avez parlé de « casse humaine », terme qui ne me convient pas. Nous avons besoin de recruter en assez grand nombre des aviateurs et de les former correctement. Je note d’ailleurs que la qualité de nos formations est appréciée au-delà même du milieu militaire : ainsi, l’École de l’air, que j’ai eu l’honneur de commander, a mis en place des partenariats avec des grandes écoles de commerce notamment comme l’école des Hautes études commerciales (HEC) ou avec Sciences-Po Paris, pour partager nos savoir-faire en matière d’apprentissage du leadership, et ce avec un bilan très positif. Les écoles d’ingénieurs pourraient utilement s’inspirer de ces expériences concluantes. Notre projet consiste à la fois à ne pas diminuer la base de notre pyramide, dont la qualité est reconnue, et à offrir à certains de nos officiers de carrière, comme de nos sous-officiers, des moyens d’exercer leurs compétences en dehors des armées dans la dernière partie de leur carrière, et pas seulement dans les industries de défense. Leurs valeurs et leur aptitude au leadership sont appréciées par tous types de grandes entreprises, avec lesquelles nous tissons des liens. Mettre en place ce nouveau modèle de gestion des ressources humaines constitue une mission essentielle pour nous. Nous ne nous séparerons pas brutalement de nos officiers lorsque nous n’aurons plus besoin d’eux. Je souhaite bannir le terme de reconversion et préfère parler de progression, sachant pertinemment que nous ne pouvons pas offrir à tous nos officiers et sous-officiers une progression au sein du secteur de la Défense. Les jeunes officiers le comprennent d’ailleurs très bien, et nous avons pu le vérifier à l’occasion d’expériences que nous avons mises en œuvre, consistant à insérer des officiers prometteurs dans des entreprises partenaires – en dépit d’ailleurs du risque qu’il y a de les voir nous quitter plus tôt que nous ne le souhaitons.

Pour moi, offrir des pécules d’incitation au départ pour les personnels du haut de la pyramide n’est pas une politique d’avenir pour la gestion des ressources humaines. C’est le seul levier dont nous disposons aujourd’hui, mais je crois qu’il est plus intéressant, pour l’État comme pour nos officiers, de leur financer un MBA plutôt qu’un pécule.

S’agissant des missiles air-air, le programme Meteor est en bonne voie, et les évolutions de nos Rafale vers le standard F3R permettent de l’intégrer.

Pour ce qui est des missiles air-sol, je ne crois pas aux missiles électromagnétiques. Cette conception de la guerre aérienne remonte à la guerre du Vietnam. Aujourd’hui, les radars sont dissociés des missiles : notre système de défense doit donc viser à attaquer l’ensemble des systèmes adverses, y compris ses capteurs, par des moyens qui reposent aussi sur des outils de guerre électronique. C’est plus complexe, mais nécessaire.

Madame Récalde, l’exercice de Cazaux a vu treize nations européennes coordonner leurs forces autour d’une mission de récupération de personnes en zone hostile. Il est à noter que ce type d’opération ne fait l’objet d’aucun référentiel de l’OTAN. Les Européens ont ainsi développé une compétence, en créant en juillet dernier un centre européen et en mettant en place des standards d’interopérabilité que reprendra l’OTAN – c’est là une première.

S’agissant de la réorganisation du MCO des forces aériennes, deux propositions sont sur la table. Celle de la DGA, qui propose de reprendre une grande partie des missions de la SIMMAD en faisant valoir son expertise dans la négociation de contrats avec les industriels. Ce n’est pas notre approche car, pour nous, les activités de MCO ne relèvent pas d’une logique de contrats mais d’une logique d’activité, au plus près des forces. On peut certes déléguer le MCO de certaines flottes à la DGA, mais pas celui de toutes nos flottes. Les efforts que nous avons faits depuis un an sur la base de Saint-Dizier nous ont par exemple permis d’améliorer considérablement notre activité à coûts constants : c’est donc flotte par flotte qu’il nous faut examiner ce qui est le plus pertinent en étant au contact des problématiques de terrain.. Il faut aussi rappeler que certains opérateurs industriels du MCO n’ont pas d’activité de construction de matériels aériens : la DGA n’a pas de relation privilégiée avec eux, à la différence de la SIMMAD, dont c’est le métier. Au-delà de cette question qui doit être tranchée d’ici la fin de l’année, il me semble que le plus important est de mettre en place une véritable filière des achats au sein du ministère, au sein de laquelle les acheteurs suivraient des parcours variés, passant par la DGA comme par la SIMMAD. En résumé, il faut travailler non pas projet contre projet mais ensemble avec tous les acteurs du MCO.

Madame la présidente, la question des standards et des normes est un sujet qui me tient à cœur et pourrait certes utilement être étudiée au Conseil européen, mais je crains qu’il ne soit trop tard pour que les membres du Conseil se voient soumettre des projets concrets et suffisamment avancés d’ici le mois de décembre. Néanmoins, des progrès sont possibles : ainsi, à l’instar de ce qui se fait dans l’aviation civile, nous essayons de mettre en place, dans le cadre du soutien de l’A400M, des projets avec les Britanniques, qui nous permettent de développer ensemble des normes communes pour la mise de pièces détachées, avec l’appui de l’Agence européenne de défense (AED). Et si les Européens s’équipent tous des mêmes drones américains, cela peut également constituer une occasion d’harmoniser les normes applicables en la matière. Enfin nous devrions travailler à un « ciel unique » européen qui intègre la dimension militaire

Mme Sylvie Pichot. Merci, Général, pour votre présentation. Compte tenu des évolutions futures de notre modèle d’armée, comment envisagez-vous la cohabitation entre les avions de chasse et les drones de combat ? Ma deuxième question, à laquelle s’associe mon collègue Daniel Boisserie, a trait à la réserve opérationnelle et à la réserve citoyenne. Quels sont les effectifs actuels de la réserve au sein de l’armée de l’air ? Quelle est votre politique de recrutement et d’où viennent les réservistes ? Sont-ils des civils ou d’anciens militaires ? Comment sont-ils mis à contribution ? Participent-ils aux OPEX ?

M. Christophe Guilloteau. Mon Général, je souhaiterais revenir sur l’A400M. Le souhait de la France était d’acquérir au total 50 A400M. Or j’ai ici deux documents qui m’indiquent deux chiffres pour la LPM – l’un 14 et l’autre 15. Quel est le bon chiffre, sachant que, sauf erreur, l’année 2014 doit voir l’acquisition de quatre appareils ? Est-ce que les appareils qui viennent d’être livrés à Orléans s’ajoutent aux quatre avions prévus pour 2014 ? Par ailleurs, dès lors que vous réceptionnerez ces nouveaux avions, à partir de quand comptez-vous vous séparer des anciens équipements, Hercules et Transall ?

M. Joaquim Pueyo. Mon Général, je souhaitais vous poser une question sur l’Europe de la défense, vous y avez déjà partiellement répondu concernant les normes. Je pense qu’il est important que nous aboutissions sur ce dossier si l’on veut imaginer un véritable usage commun de l’A400M et des avions MRTT. Vous avez parlé de ciel militaire unique européen à plusieurs reprises dans votre intervention ; il est important que ce langage soit utilisé au prochain Conseil Européen.

D’après vous, peut-on encore avoir des avancées dans la mutualisation, notamment en matière de formation des pilotes de chasse ? Nous avons déjà une bonne coopération avec la Belgique : peut-on imaginer une coopération plus forte avec le reste de l’Europe ? J’ai été l’auteur, avec mon collègue Yves Fromion, d’une résolution appelant au renforcement de la coopération et de la mutualisation à l’échelle européenne. L’objet de cette résolution était de formuler des propositions qui, je l’espère, seront reprises par le ministre de la Défense au prochain Conseil Européen dans l’optique de faire avancer l’Europe de la défense.

Par ailleurs, j’étais il y a 15 jours à Pau pour une visite auprès des forces spéciales. L’armée de l’air met à disposition du commandement des opérations spéciales (COS) deux hélicoptères Caracal et trois équipages, ces derniers évoluant aux côtés de l’armée de terre au sein du 4régiment d’hélicoptères des forces spéciales. Il est actuellement prévu un regroupement de l’ensemble de la flotte d’hélicoptères Caracal : où en est-on et quelle est votre analyse sur cette question ? L’armée de terre souhaiterait pour sa part un regroupement à Pau, dans un souci de cohérence logistique.

Général Denis Mercier. La cohabitation entre les avions de combat et les drones de surveillance est d’ores et déjà clairement effective. Ainsi, le drone de surveillance Harfang est capable d’éclairer au laser des objectifs au profit de nos avions de combat – c’est ce que nous avons fait pour l’opération Serval. Cette cohabitation existe même entre des équipages éloignés, c’est-à-dire entre des équipages au sol qui pilotent le drone et des équipages de pilotes d’avions de chasse.

Tout cela sera bien plus compliqué avec les drones de combat. La difficulté est en effet qu’aucun pays n’est capable de dire quelles seront les capacités du futur drone de combat et quels seront ses concepts d’emploi. Aujourd’hui, l’industrie produit des prototypes, des démonstrateurs, qui ont ceci pour vertu qu’ils nous permettent de nous ouvrir l’esprit vis-à-vis des capacités qu’offrent les nouvelles technologies. La difficulté vient également du fait qu’à l’horizon 2025, c’est une architecture de combat complète qu’il nous incombe de concevoir, à l’intérieur de laquelle s’intégrera ce futur drone de combat.

Pour votre information, l’armée de l’air compte dans ses rangs un capitaine qui vient d’obtenir un doctorat à Salon-de-Provence, et qui a eu l’idée, dès lors que les drones de combat et les pilotes d’avions de chasse seraient amenés à collaborer ensemble, qu’il faudrait implémenter des « lois humaines » dans la réaction du drone de combat, alors que les drones sont plutôt régis aujourd’hui par des « lois d’ingénieur ». Ce capitaine a fait des évaluations sur une grande quantité de pilotes, et a modélisé avec des algorithmes leurs réactions. Tâche à nous de valoriser ce travail exceptionnel ! Ceci pour vous illustrer le fait que nous avançons progressivement sur tous ces sujets. Une réflexion éthique devra également être menée sur les drones de combat, dès lors qu’il pourrait y avoir autonomie de décision pour donner la mort. Cette problématique éthique est très différente de celle posée par les drones MALE, pour lesquels un pilote reste « dans la boucle » pour prendre lui-même la décision et qui ne diffèrent donc pas fondamentalement des autres systèmes d’armes.

La réserve citoyenne est en quelque sorte une réserve de rayonnement, qui n’a pas d’activité opérationnelle proprement dite. Les trois armées l’appréhendent différemment. L’armée de l’air compte pour sa part de nombreux réservistes issus de la société civile qui viennent de tous horizons – parlementaires, journalistes, industriels… – et qui nous aident à travailler différemment en étant parfois critiques vis-à-vis de nos manières de procéder. Ils nous apportent souvent des idées novatrices : à titre d’exemple, nous sommes en train de réaliser un projet de « base aérienne virtuelle » sur lequel ils ont contribué. En effet, nous nous sommes aperçus que de nombreux aviateurs sont en quête d’une identité propre à leur armée d’origine, notamment ceux qui sont placés dans des structures interarmées. La base aérienne virtuelle est un projet de réseau social de nouvelle génération – existant déjà dans de très grandes entreprises – qui permettra de récréer un sentiment de communauté en rapprochant les aviateurs autour de sujets d’intérêts communs, où qu’ils soient. Cet espace, nous le voulons déhiérarchisé : le caporal pourra échanger directement avec le général au travers de sujets communs.

La réserve opérationnelle de l’armée de l’air compte 4 400 membres et je considère que réviser la manière dont elle est aujourd’hui utilisée doit faire partie de notre projet. Je distingue trois types de réservistes opérationnels : le réserviste qui est utilisé pour le rayonnement de l’armée de l’air et de l’esprit de défense au travers des associations et des cérémonies, le réserviste que l’armée de l’air forme ab initio, destiné à des missions opérationnelles et le réserviste qui est souvent un ancien militaire et qui apporte ponctuellement son concours. Je souhaite personnellement que l’effort se fasse sur les réservistes ab initio. Comme toutes les armées, l’armée de l’air dispense des formations militaires initiales pour les réservistes, mais nous éprouvons des difficultés à fidéliser ceux qui les suivent. Des expériences sur les bases aériennes ont été menées, et l’on s’est aperçu que l’on obtient une bien meilleure fidélisation du réserviste dès lors que l’on lui confie des responsabilités – de formation par exemple – vis-à-vis d’un groupe. On est donc en train d’identifier des fonctions opérationnelles qui nous amèneront à fidéliser non pas un individu mais un groupe.

M. Guilloteau, la question que vous posez sur l’A400 M est celle de la cible finale et de la cible de la LPM. Le ministre l’a réaffirmé à Orléans : la cible finale n’a pas changé, c’est 50 A400M. La cible fixée par le projet de LPM est de 15 A400M, y compris celui que nous possédons déjà et celui supplémentaire que nous aurons cette année. Le calendrier de livraison est le suivant : deux avions cette année, quatre en 2014, quatre en 2015, trois en 2016, et deux en 2017. Nous connaîtrons ensuite quelques années sans livraisons, puis celles-ci reprendront avec une atteinte de la cible finale au-delà des années 2020. Au total, le projet de LPM assure une montée en puissance de 15 premiers appareils.

M. Yves Fromion. Avez-vous déjà des idées concernant les noms de baptême des avions ?

Général Denis Mercier. J’ai choisi de donner un nom de ville à chaque A400 M. Assez naturellement, le premier s’appelle « Ville d’Orléans ». Pour les autres appareils, j’attends les propositions des maires intéressés !

M. Yves Fromion. Nous en ferons !

Général Denis Mercier. Nous pourrions notamment choisir des noms de villes dont la base aérienne a été fermée, afin de maintenir un lien avec les « déserts militaires ».

M. Patricia Adam, présidente. Cela sera utile !

Général Denis Mercier. En effet Mme la Présidente, c’est nécessaire. En tout état de cause, je serais heureux de recevoir des suggestions en ce sens.

J’en viens au remplacement des C160 et C130. Initialement, nous anticipions une livraison plus rapide des A400 M pour remplacer les C160. Comme la montée en puissance des A400 M ne se produira pas aussi rapidement que prévu mais également parce que nous l’avons choisi afin de privilégier d’autres capacités – nous allons garder 14 C160 jusqu’en 2023. Nous garderons également 14 C130 mais, comme le prévoit la LPM, ces C130 seront modernisés ; il s’agira notamment d’une modernisation tactique pour les opérations spéciales.

Sur l’Europe de la défense, nous avons beaucoup de projets sur lesquels nous allons continuer à travailler. Prenons le cas du MRTT. Deux groupes travaillent sur un projet européen à ce sujet : un groupe « acquisitions » et un groupe « soutien, formation, pôle commun ». Nous avons choisi de ne pas participer au groupe « acquisitions » car nous devons à tout prix passer la commande en 2014. Par ailleurs, quant à l’expression des besoins, nous avons des spécificités liées à la dissuasion que l’on peut difficilement partager. En revanche, je suis prêt à mettre le premier MRTT en « pool » avec nos partenaires dès qu’il sera livré. Nous allons travailler avec l’EATC dans ce domaine. En effet, même si l’on commandait 20 A330 de plus au niveau européen, cela ne changerait rien en termes de coûts car Airbus enregistre les commandes des compagnies civiles par centaines d’appareils. En revanche, sur l’emploi commun des matériels, un certain nombre d’actions intéressantes peuvent être envisagées. Il convient de donner des capacités à l’EATC dans ce domaine. Je suis persuadé que si nous commandons effectivement 12 MRTT en 2014, cela aura un effet d’entraînement sur nos partenaires. Nous sommes une des plus fortes armées en Europe et il nous incombe donc de jouer un rôle moteur dans la construction de l’Europe de la défense.

La mutualisation des pilotes de chasse est un projet qui avait bien avancé à une certaine époque. Comme je l’ai précédemment indiqué, si l’on traite ces sujets par le haut, on court le risque que chaque pays avance ses propres idées nationales. Ce projet, Advanced European Jet Pilot Training (AEJPT), comportait deux volets : Euro Training et Euro Trainer.

Euro Training constituait « le syllabus » commun de formation, ce qui faisait tout son intérêt. Euro Trainer concernait les moyens. Certains pays souhaitaient proposer leurs avions dans le projet, d’autres leurs bases aériennes. Les efforts se sont focalisés sur ces sujets accessoires au détriment de l’essentiel, ce qui in fine a fait capoter le projet. Il aurait mieux valu initier les actions par le bas.

Il existe toutefois un projet, porté par l’AED, qui pourrait voir le jour : il concerne la formation des pilotes de transport et, à mon sens, son avenir est plus assuré que le projet de formation commune des pilotes de chasse, pour lequel nous continuerons de travailler avec nos partenaires belges et tous ceux qui souhaiteraient nous rejoindre. Mais à l’heure actuelle, les différentes nations intéressées adoptent, pour ce qui concerne les pilotes de chasse, des positions trop divergentes.

Sur la partie transport, je rappelle que nous allons procéder à une mutualisation de la partie soutien avec les Britanniques, et de la partie formation avec les Allemands. Il y a quelques jours, à Orléans, nous avons signé un arrangement technique avec nos partenaires allemands : ils procéderont à toutes les qualifications de type tandis que nous aurons la charge des qualifications tactiques. Certains journalistes nous ont demandé pourquoi nous n’ouvrions pas cette initiative à d’autres pays. Mais en réalité, elle est ouverte ! Nous allons débuter ce projet à deux partenaires et si cela fonctionne, d’autres nous rejoindront naturellement. En tout état de cause, nous ne pouvions pas attendre de mettre tout le monde d’accord pour lancer une telle initiative. En conclusion, dans ce domaine, je suis persuadé qu’il faut débuter avec des « briques » bilatérales ou trilatérales, et ouvrir progressivement la coopération aux pays intéressés.

Les forces spéciales constituent un vaste sujet et je vous remercie pour votre question ! Deux équipages de l’armée de l’air volent en effet à Pau. Le Livre blanc nous enjoint de faire un effort sur les forces spéciales. Nous avons la chance d’avoir, dans le Sud-Ouest, tous les ingrédients pour que les armées qui concourent aux forces spéciales puissent travailler. On y trouve le régiment d’hélicoptères de combat avec ses Tigre et ses Caracal ; l’escadron Pyrénées qui mène des actions de combat search and rescue et qui pourrait être davantage mis à disposition des opérations spéciales car son savoir-faire – y compris dans le haut du spectre – est à mon sens sous-utilisé ; le CPA 10 et l’escadron Poitou basés à Orléans, le CPA 30 à Bordeaux, etc. Même les marins sont présents, au sein de l’escadron Pyrénées. Nous réfléchissons à l’évolution de l’organisation et l’emploi de nos trois commandos parachutistes de l’air afin de les impliquer davantage aux opérations spéciales. Actuellement, l’escadron Poitou et le CPA 10 sont directement placés sous l’autorité des opérations spéciales. La marine a conservé son commandement propre, ALFUSCO, qui fournit les moyens requis par les opérations spéciales sur demande de celles-ci. Cette méthode me paraît intéressante. Je l’ai d’ailleurs évoquée avec le nouveau commandant du COS, le général de Saint-Quentin. Le but n’est en effet pas de créer une quatrième armée avec les opérations spéciales. Ce qui importe, ce n’est pas le fait d’exercer le commandement direct mais d’avoir une possibilité de « tirage » plus fort sur certaines capacités. Je vais donner à l’escadron de Rafale Normandie-Niemen de Mont-de-Marsan le rôle de « référent opérations spéciales » afin de pouvoir travailler avec les hélicoptères de combat et le 13RDP de Souges. Ils s’habitueront ainsi à travailler ensemble et pourront porter leur expérience aux autres escadrons de chasse, notamment les escadrons Rafale. Je précise par ailleurs qu’ils sont colocalisés avec le Centre d’expériences aériennes militaires. En résumé, on trouve dans le Sud-Ouest tous les outils pour augmenter considérablement la capacité de travail interarmées qui fait la force des opérations spéciales.

C’est dans ce cadre que s’inscrit le rapprochement des Caracal. L’armée de terre souhaiterait les baser à Pau. Personnellement, je préférerais les implanter à Cazaux, qui abrite déjà un escadron interarmées multi-missions. En outre, Eurocopter y est présent et mène des actions de maintenance de niveau soutien industriel. Or même si nos Caracal se retrouvent à Pau, ils devront revenir à Cazaux pour ce type de maintenance. Même si nous avons des points de vue divergents, nous abordons le sujet de façon dépassionnée avec mon homologue de l’armée de terre. La question sera tranchée, mais on peut évoquer au crédit de Cazaux la proximité d’un champ de tir qui permet de décoller et de tirer immédiatement, ou encore une base aérienne avec d’excellentes infrastructures pour les hélicoptères. Toutefois le vrai sujet n’est pas la localisation, mais la manière dont on fait travailler toutes ces unités ensemble. Nous avons des commandants remarquables à la tête de toutes les unités concernées.

M. Damien Meslot. Je souhaiterais revenir sur la base d’Abu Dhabi. Elle est idéalement placée et, manifestement, s’est avérée extrêmement utile en permettant des économies substantielles lors des opérations de désengagement de l’Afghanistan. Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? Plus généralement, en ce qui concerne les forces prépositionnées, j’ai cru comprendre qu’une réflexion était en cours, tendant à réorganiser l’ensemble de nos implantations. Les forces aériennes seront-elles concernées ?

M. Philippe Meunier. La loi de programmation militaire prévoit une diminution du nombre d’avions, et vous nous annoncez une diminution de la qualification pour 50 de nos pilotes, ce qui va inéluctablement affecter nos capacités. Vous avez évoqué la possibilité d’utiliser des avions « moins perfectionnés » pour intervenir en Afrique. Tout ceci ne remet-il pas en cause le choix fait par notre pays d’acquisition du Rafale multirôles ?

M. Philippe Nauche. Mon général, je vous remercie de nous faire partager vos convictions. Je souhaiterais que vous nous reparliez des processus d’entraînement différencié, que vous défendiez antérieurement à la LPM. S’agit-il d’une pure construction intellectuelle, d’une conviction, ou existe-t-il des retours d’expérience suffisamment concluants pour que vous ayez pu les faire valider dans le cadre de la LPM ?

Général Denis Mercier. M. Meslot, la difficulté à laquelle nous étions confrontés lors de la sortie d’Afghanistan était la quantité de matériel à rapatrier. Différentes voies de sortie ont été imaginées par l’EMA : par avion,  par le train et le bateau via le Pakistan, ce qui s’avérait très compliqué ; par le train via les pays d’Asie centrale et la Russie, etc. Pour finir, la voie la plus sûre et la plus rapide est restée la voie aérienne via le Golfe persique.

La réflexion sur les forces prépositionnées concerne également les forces de souveraineté, même si l’armée de l’air est davantage concernée par les premières. Cette réflexion n’est pas encore aboutie : elle consiste à déterminer si l’on peut réduire les forces pour utiliser davantage de missions de moyenne durée comme aux Émirats arabes unis, où nous avons peu de permanents et beaucoup de personnel tournant. C’est une autre méthode de travail, que l’on étudie pour Djibouti et qui a cours au Tchad depuis longtemps. La difficulté est la suivante : du fait de la réduction du format en France, il sera très difficile d’alimenter différents sites en missions de courte ou moyenne durée.

M. Meunier, il y a certes diminution du nombre d’avions, mais en aucun cas diminution de la qualification des pilotes. Simplement, nous allons les entraîner différemment. Le format de l’aviation de combat air et marine tel que déterminé par le Livre blanc est de 225 avions en parc, soit environ 185 appareils en ligne. Pour la mission la plus exigeante, nous devons en déployer 45, auxquels il faut ajouter les besoins liés à la dissuasion et à la protection du territoire. Certains s’interrogent alors : avez-vous réellement besoin de 225 avions ? La réponse est : oui car il faut tenir compte du nombre d’équipages à entraîner. Si l’on veut mener une opération dans la durée et entraîner suffisamment d’équipages, nous avons besoin de 270 avions, comme dans la précédente LPM. Nous nous sommes interrogés pour savoir si nous pouvions gagner en marge de manœuvre sur ce volet. C’est ce que nous permet le nouveau principe de l’entraînement différencié : dans un format réduit nous pouvons à la fois garantir l’entraînement de nos pilotes et assurer notre capacité à durer dans les opérations. Pour cela notre idée est de constituer deux cercles de pilotes. Le premier comprend les pilotes qui doivent être très bien entraînés sur tout le spectre des opérations. Les équipages du deuxième cercle seront issus de ce premier cercle et seront utilisés pour durer en opérations. Au quotidien ils voleront comme instructeurs sur des avions dont la configuration interne est très proche de celle du Rafale. Les pilotes du deuxième cercle feront aussi une quarantaine d’heures de Rafale, contre 180, et constitueront alors des moniteurs très expérimentés qui pourront aussi assurer la relève en opérations des équipages du premier cercle.

Mon souci est la capacité à durer sur un théâtre. Au Mali, nous avons engagé des équipages Rafale. Entre janvier et début avril, tous avaient été engagés au moins une fois, certains ayant volé plus de 90 heures sur des missions longues. Il me faut donc des pilotes pour durer. Des pilotes qui ont été opérationnels, qui continuent de voler sur Rafale et de s’entraîner régulièrement, peuvent être mobilisés à nouveau sur le terrain en un mois et demi, sur des missions plus simples que celles de l’entrée en premier. Ce faisant, on ne perd pas de capacité opérationnelle. Pour répondre concrètement à votre question : non, ce concept n’a pas encore été expérimenté. Nous avons tout de même les exemples de pilotes de chasse devenus moniteurs et qui, alors qu’ils n’avaient plus volé sur un avion de combat, redevenaient rapidement opérationnels lors de leur retour en unité de combat. Cette idée a beaucoup séduit certains de nos partenaires qui cherchent à la développer également.

M. Philippe Meunier. Je vous entends mon général, mais ce concept ne me semble valable que contre un ennemi « neutralisé », sur des missions simples. Face à un ennemi endurci, bénéficiant d’un matériel de bonne technologie, ce système ne tient plus.

Général Denis Mercier. En effet. C’est la raison pour laquelle ces pilotes ont vocation à intervenir sur un espace aérien maîtrisé. Mais je constate que la maîtrise d’un espace aérien complexe ne se fait jamais seule : elle s’opère toujours en coalition. Par ailleurs cette maîtrise se compte en mois. À l’issue de cette période, nous pourrions utiliser ce second cercle de pilote. Surtout pas au début, je suis d’accord avec vous. Ce concept est cohérent avec la zone géographique qui nous a été déterminée par le Livre blanc.

Est-ce une remise en cause du Rafale ? Au contraire cela ne remet pas en cause l’intérêt du Rafale. Sa polyvalence a été particulièrement précieuse et a été démontrée, quotidiennement, sur les différentes opérations menées ces dernières années. Ce choix est tout à fait pertinent. On a besoin d’un avion de très grande précision, capable de faire des missions de très longue durée, de varier son armement, d’emporter des pods de reconnaissance, etc. Sans le Rafale, nous aurions dû déployer deux fois plus d’appareils. L’avion multi-rôle est pertinent pour l’aviation de combat, même si nous allons conserver un peu plus longtemps des Mirage 2000 qui sont utiles pour des missions complémentaires. Le Mirage 2000D n’a pas la polyvalence du Rafale. On a pu l’utiliser intelligemment au Mali pour un certain nombre de missions mais on ne le verra plus entrer en premier sur un théâtre complexe. Enfin, l’acquisition d’avions plus légers, pour la reconnaissance notamment, est prévue par la LPM.

M. Philippe Folliot. Dans le cadre des précédentes LPM et de la diminution qu’elles prévoyaient déjà, vos prédécesseurs nous ont dit qu’il s’agissait de la dernière. Vous nous dites à votre tour que c’est la dernière, je vous félicite donc d’aller au-delà de la dernière !

Je m’interroge sur l’avenir de l’aviation tactique. Il existe en effet des inquiétudes quant à la livraison de l’A400M, avion exceptionnel, car si l’armée de l’air a des missions qui lui sont propres, elle remplit également des missions pour d’autres armées, dont l’armée de terre. Je pense notamment aux capacités d’entraînement de nos forces parachutistes qui sont souvent bloquées par l’absence d’avion disponible. Pensez-vous que les moyens mis à disposition dans le cadre de la prochaine LPM permettront de remplir le contrat d’objectif de l’armée de terre en matière d’entraînement, notamment pour la 11e brigade parachutiste ?

M. Olivier Audibert Troin. Je vous remercie pour votre exposé très complet. J’observe toutefois que vous avez été plus prolixe dans vos propos liminaires quant à la déflation des effectifs que dans les réponses aux questions qui vous ont été posées à ce sujet. Les restructurations que vous avez évoquées sont des décisions politiques et nous n’attendons certes pas de vous que vous nous présentiez un plan complet de restructurations. Néanmoins, nous sommes la représentation nationale, le lien armée-Nation, et si nous ne siégeons pas dans les organismes de concertation tels que le conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), nous allons débattre de cette LPM pour laquelle nous avons besoin de précisions. Vous avez indiqué que vous ne pouviez pas procéder à la déflation demandée de 4 000 hommes sans plans de restructuration, êtes-vous en mesure de nous indiquer approximativement quelle en sera la répartition ?

M. Alain Moyne-Bressand. Les restructurations et les diminutions de personnels posent des problèmes humains. Existe-t-il des organes de dialogue qui permettent aux militaires de mieux comprendre la situation et de nourrir une espérance au sein de l’armée et de l’aviation en particulier ?

Général Denis Mercier. J’espère aussi que cette diminution sera la dernière ! Il n’y a toutefois pas que des diminutions, le nombre de drones va augmenter par exemple, ce dont je me félicite. En revanche, à mon sens, un socle est atteint pour l’aviation de combat. Il doit permettre de conserver une capacité opérationnelle réelle parallèlement à la montée en puissance du Rafale et de ses évolutions, dont le radar à antenne active qui équipe les deux appareils de série récemment réceptionnés et qui ouvre de grandes possibilités. L’aviation de combat aura été diminuée environ de moitié en deux LPM et il n’est pas possible d’aller plus loin sans un déclassement total vis-à-vis de nos homologues européens et de nos capacités actuelles. L’aviation de combat est en effet une capacité utile qui a été de toutes les opérations récentes.

Vous avez raison pour ce qui concerne le transport tactique. Il souffre d’un déficit que la LPM commence à combler sans toutefois nous permettre d’atteindre le niveau requis pour remplir nos contrats opérationnels, en dépit des qualités de l’A400M, qui est bien supérieur au C160. Les parachutistes du général Ract-Madoux, qui me pose la question régulièrement, devront attendre 2014 pour sauter de l’A400M. C’est pourquoi nous disposons de vingt-sept Casa, dont huit ont été acquis lors de la précédente LPM. Il s’agit d’un appareil plus petit que le C160 qui nous permet de remplir des missions variées. Mais je souhaite être en mesure de faire sauter nos camarades de l’armée de terre de l’A400M le plus vite possible. L’aviation de transport tactique, dont la capacité s’améliore lentement, restera déficitaire de nombreuses années encore au regard des missions qui nous sont dévolues.

Chaque armée a une structure différente. L’armée de l’air ne peut pas diminuer ses effectifs sans restructurations qui doivent faire l’objet d’une validation par le pouvoir politique qui prend en compte d’autres critères comme l’aménagement du territoire. Lorsque certaines de nos propositions ne sont pas acceptées, les effectifs correspondants doivent alors être défalqués des diminutions prévues.

La répartition des diminutions d’effectifs va s’échelonner, si les restructurations sont acceptées, sur les cinq ans à venir. Nous recrutions autrefois 4 000 personnes par an pour autant de départs mais nous avons limité le nombre de recrutement à 2 000 au cours des cinq dernières années. L’armée de l’air est une armée de sous-officiers qui compte environ 52 % de sous-officiers, 13 % d’officiers, 11 % de civils et 24 % de militaires du rang. Cette répartition est appelée à rester relativement stable avec une diminution du nombre d’officiers.

La communication avec le personnel est essentielle et cela représente pour moi une priorité à laquelle je consacre beaucoup de temps. En dehors des structures syndicales classiques pour le personnel civil, nous disposons de trois structures pour le personnel militaire : participation, représentation et concertation. Il existe au sein des bases aériennes des structures participatives pour quasiment tous les sujets. De plus, chaque catégorie de personnel dispose d’un représentant élu par ses pairs qui assure cette fonction en plus de son travail (certaines bases importantes ont professionnalisé cette fonction). De mon côté, j’ai, au niveau de l’état-major, un représentant officiers, un représentant sous-officiers, un représentant militaire du rang, qui travaillent au sein de mon cabinet et sont en lien avec les représentants élus afin de faire remonter les sujets directement. S’ajoutent à ce dispositif les conseils de la fonction militaire d’armée (CFM) dont sont issus les membres du conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) qui s’adressent au ministre.

Les représentants de catégorie se réunissent durant une semaine tous les semestres afin d’évoquer les problèmes qui se posent. D’ailleurs, je tiens à rencontrer systématiquement les représentants de catégorie lorsque je me rends dans une base aérienne, ce que je fais environ une fois par mois. Je vois également les membres du CFM air tous les six mois. Mais au-delà de cela, j’organise régulièrement un repas auquel je convie tour à tour dix personnes, représentants du CFM air ou représentants de catégorie, issues des différentes bases. Au cours de ces déjeuners, la parole est libre, mes réponses sont franches et peuvent être répercutées sans filtre. Ce retour direct est très important pour moi car, dans notre système, les chefs sont pour ainsi dire les représentants syndicaux de notre personnel et il est très important de jouer ce rôle-là pour maintenir une proximité. Ce sont pour moi des moments privilégiés, au cours desquels peuvent s’exprimer des refus argumentés, des adhésions, des idées, comme ce fut le cas aujourd’hui lorsqu’un major m’a dit, à juste titre, que sa catégorie avait été négligée. Un groupe de travail sera donc consacré à cette question.

La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Olivier Audibert Troin, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Isabelle Bruneau, M. Guy Chambefort, M. Alain Chrétien, M. Nicolas Dhuicq, M. Philippe Folliot, M. Jean-Pierre Fougerat, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Serge Grouard, Mme Edith Gueugneau, M. Christophe Guilloteau, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Christophe Léonard, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, Mme Sylvie Pichot, Mme Émilienne Poumirol, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Gwendal Rouillard, M. François de Rugy, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Claude Bartolone, M. Sylvain Berrios, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Candelier, M. Francis Hillmeyer, M. Éric Jalton, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Jean-Pierre Maggi

Assistait également à la réunion. - M. Franck Montaugé