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Commission de la défense nationale et des forces armées

Jeudi 17 octobre 2013

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 16

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition, ouverte à la presse, de représentants des syndicats des personnels civils de la défense, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014.

La séance est ouverte à seize heures quinze.

Mme la présidente Patricia Adam. Mes chers collègues, nous allons procéder à l’audition des représentants des syndicats des personnels civils de la défense sur le projet de loi de programmation militaire (LPM) et sur le projet de loi de finances pour 2014.

Il s’agit, dans l’ordre de représentativité, de MM. Gilles Goulm et Patrick Daulny, pour Force ouvrière-défense, de MM. Luc Scappini et Didier Moor, pour la CFDT Défense, de MM. Laurent Tintignac et Bruno Jaouen, pour l’UNSA-défense, de MM. Francis Dubois et Roland Denis pour Défense CGC, et de MM. Yves Naudin et Éric Archat, pour la CFTC.

Nous vous avons tous reçus avant l’été et nous étions convenus de nous revoir. Je rappelle qu’avec ma collègue Geneviève Gosselin-Fleury, co-rapporteure, nous avons auditionné chaque syndicat pour le rapport sur la LPM.

M. Gilles Goulm, secrétaire général de Force ouvrière-défense. Mon intervention portera principalement sur trois axes : d’abord sur la LPM, le budget, les équipements et les conséquences des choix effectués sur l’industrie de défense et le maintien en condition opérationnelle, ensuite sur les effectifs et le rééquilibrage des effectifs militaires-civils dans les fonctions de soutien, enfin sur les éléments budgétaires relatifs à la condition des personnels civils.

La LPM fixe un cap d’ici à 2019 et prévoit des crédits présentés comme constants, soit 189,98 milliards d’euros dont 6,1 milliards de recettes exceptionnelles. Nous émettons des réserves sur ces dernières puisque leur réalisation n’est en aucun cas garantie. Même si le projet de LPM prévoit qu’en cas de modifications substantielles, d’autres recettes exceptionnelles seraient mobilisées, nous pouvons légitimement nous interroger. Pardonnez-moi l’expression, ça ne mange pas de pain et n’engage que ceux qui y croient. N’est-ce pas le même artifice budgétaire qui explique en partie le trou de quelque trois milliards d’euros de l’actuelle LPM ?

Quand bien même ces 6,1 milliards d’euros seraient au rendez-vous, encore faudrait-il nous préciser leur répartition et, par exemple, ce que l’on entend par « produit de cessions additionnelles de participation d’entreprises publiques ». Quant au produit de cessions immobilières, permettez-nous là aussi d’être plus que dubitatifs. Du reste, si l’on se réfère au rapport d’information de votre commission sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la Défense, qui lui-même se réfère au rapport de la Cour des comptes, il aura manqué au budget de la Défense quelque 1,14 milliard d’euros.

Mieux, nous découvrons que 29 emprises pour une valeur globale de 51,64 millions d’euros ont été cédées à l’euro symbolique. Vendre 29 euros des biens qui en coûtent presque 52 millions, vous avouerez qu’on peut mieux faire en matière de bonne gestion des deniers publics, dont de nombreux donneurs de leçons nous parlent à longueur d’année. Même si le sujet ne prête pas à l’humour, nous espérons au moins que les 29 euros ont bien été recouvrés.

Nous avons déjà abordé devant vous la question de la sous-dotation budgétaire des bases de défense et ses conséquences, tant en matière de service rendu aux forces et établissements embasés, qu’en ce qui concerne la vie quotidienne et les conditions de travail des agents, civils comme militaires. Nous dénoncions ici – même si tout ne s’explique pas par un manque de crédits, du fait d’une certaine désorganisation – l’absence de chauffage, d’eau chaude, de savon, de papier hygiénique, d’ampoules, de cartouches d’imprimantes, de stylos, d’enveloppes… Force est de constater que la situation ne s’améliore pas franchement et que, trop souvent, le minimum décent que l’on doit à tout salarié n’est même pas offert aux agents de la Défense, ce qui n’empêche nullement tel général de dépenser plusieurs millions d’euros pour construire un musée et une salle d’honneur.

Si certains dysfonctionnements s’expliquent aussi par une désorganisation découlant directement de la réforme de 2008, nous pouvons également espérer que la décision du ministre en matière de gouvernance des groupements de soutien des bases de défense permettra d’y apporter les solutions nécessaires.

Même si Force ouvrière a pour principe de ne pas s’exprimer sur la politique de défense de la France, rejetant ainsi toute forme de cogestion sur les questions opérationnelles, nous appelons votre attention sur l’importance des décisions en matière d’équipements et leurs conséquences sur l’emploi dans l’industrie d’armement notamment. C’est vrai pour le programme Scorpion pour Nexter, mais aussi pour le programme de frégates FREMM pour DCNS. Le ministre a confirmé les grands programmes prévus tout en évoquant le lissage de certains d’entre eux ; or nous savons tous que des lissages de programmes permettent d’économiser sur un exercice budgétaire mais finissent par entraîner un surcoût non négligeable sur la totalité de la durée du programme.

Les décisions en matière d’équipements ont également un impact important sur le maintien en condition opérationnelle, et par voie de conséquence sur l’emploi des personnels civils au service industriel de l’aéronautique (SIAé) ou au service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer). Quand on aborde la situation de ces deux services, on en vient inexorablement à aborder la question des effectifs, deuxième axe de mon intervention.

En effet, combien de temps encore allons-nous demander à ce ministère de réduire ses effectifs sans mettre en péril nos capacités en matière de soutien aux forces, l’opérationnel, nous le rappelons, restant de la responsabilité des états-majors sous les ordres de l’exécutif ? Après les 54 000 suppressions d’emplois imposées par la révision générale des politiques publiques (RGPP), que le ministre actuel a maintenues, ce sont encore 24 000 postes, dont 7 400 de personnels civils, qui seront supprimés sur la période couverte par la LPM. Encore une fois, ce ministère s’apprête à faire supporter les efforts en priorité aux services de soutien et à l’administration.

Alors que nous étions 145 000 personnels civils il y a une quinzaine d’années, nous ne sommes plus que 64 000. Pour reprendre la formule consacrée, il y a longtemps que n’avons plus de gras et que nous sommes en train d’attaquer l’os. J’en reviens d’ailleurs à la situation des services industriels, notamment au SIAé auquel on demande d’adapter sa charge à ses effectifs. En effet, alors que la LPM prévoit 3 700 suppressions d’emplois d’ouvriers de l’État, soit la moitié des réductions d’effectifs, c’est la capacité des services industriels à répondre à la demande qui est remise en cause. À titre d’exemple, il faut savoir que l’armée de terre va perdre 46 % de ses effectifs d’ouvriers de l’État d’ici à 2022, ce qui mettra inévitablement en péril le SMITer.

Quand allons-nous sortir de la logique de Bercy selon laquelle les ouvriers de l’État constitueraient une catégorie de personnels à éradiquer ? Même si le ministre a annoncé 700 embauches, dont 300 consacrées à l’intégration des opérateurs de maintenance aéronautique, contractuels, c’est loin d’être suffisant pour permettre au SIAé et au SMITer d’affronter l’avenir sereinement. À moins, mais vous m’objecterez que c’est un procès d’intention, que l’on ne prévoie de placer ces deux services dans la situation de devoir recourir à l’externalisation.

Force ouvrière revendique depuis plusieurs années un rééquilibrage des effectifs entre militaires et civils dans les fonctions de soutien, expression plus proche de la réalité et moins caricaturale que le terme « civilianisation », qui ne veut pas dire grand-chose et ne sert qu’à agiter un chiffon rouge finissant par irriter la composante militaire.

Quelques chiffres parlent d’eux-mêmes : rien que sur la chaîne CPCS – centre de pilotage et de conduite du soutien –, fonctions dévolues aux personnels civils s’il en est, nous comptons 1 800 officiers pour seulement 230 civils de catégorie A, avec les conséquences que l’on sait sur la masse salariale. Cette situation que nous dénonçons depuis des années ne trouvera de règlement qu’au prix d’une volonté politique forte. Même si, là encore, nous considérons que les décisions du ministre en matière de gouvernance et de pilotage de la masse salariale vont dans le bon sens, il y a encore loin de la coupe aux lèvres, a fortiori dans une période de réduction d’effectifs.

Une solution pour parvenir à améliorer cette situation consisterait à mettre un terme à la déconnexion entre l’organisation et la gestion. En effet, l’élaboration des fameux référentiels des effectifs en organisation (REO) s’effectue aujourd’hui par les états-majors et sont validés sans recoupement ni même dialogue avec les services gestionnaires de personnels civils. C’est ainsi qu’on annonce à des agents, du jour au lendemain, que leur poste est supprimé, ou qu’il n’a jamais existé, ou encore que c’est un poste identifié « militaire » et qu’il convient de le libérer. La direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD) n’intervient qu’au bout de la chaîne à travers la mission d’accompagnement des restructurations (MAR) et ne fait que du traitement social pour les personnels touchés par l’application de ces REO. Il est donc crucial de faire preuve de plus de cohérence et nécessaire que la DRH-MD soit enfin capable de bâtir des parcours professionnels pour les personnels civils, ce que les militaires savent particulièrement bien faire pour leurs personnels.

Bâtir des parcours professionnels pour des agents passe aussi par des plans de requalification pour les filières administrative et technique. Hélas, si, en effet, le budget 2014 prévoit un tel plan – certes pas à la hauteur de nos attentes – pour les fonctionnaires administratifs, il n’en est rien pour les agents de la filière technique qui se voient refuser la deuxième phase d’un plan pourtant engagé il y a maintenant deux ans. Et ce n’est certainement pas la baisse des crédits alloués à la condition des personnels civils, passés en deux exercices budgétaires de 25 à 11 millions d’euros, qui permettra de remédier à cette situation.

Je terminerai par l’utilisation de la réserve opérationnelle. La LPM prévoit le maintien des efforts en la matière et le projet de loi de finances pour 2014 fixe le montant des crédits alloués à cette réserve à 71 millions d’euros, sensiblement équivalent à 2013. Soit. C’est un choix à caractère opérationnel qu’il ne nous appartient pas de remettre en cause. Encore faut-il que ces crédits soient correctement employés et que les réservistes soient affectés à des tâches opérationnelles et non à des fonctions administratives comme nous le constatons trop souvent. Nous avions souhaité, afin de lever toute ambiguïté, qu’une étude objective soit menée sur l’utilisation de cette réserve. Nous n’avons toujours pas été entendus à ce jour.

M. Luc Scappini, secrétaire général de la fédération CFDT défense. Je regrette vivement l’absence de nombreux députés membres de la commission alors que la loi de programmation militaire est en discussion au Parlement.

Pour la CFDT, le défi de « penser autrement » le long terme est posé. Si cela est vrai pour nombre de secteurs confrontés à la crise, c’est devenu crucial pour la Défense. En témoignent les débats et les arbitrages pour la préparation du projet de LPM 2014-2019. Le pire semble avoir été écarté en matière de PIB consacré, mais qu’en sera-t-il à l’avenir ? La CFDT, qui avait demandé à être auditionnée par la commission du Livre blanc, a remis l’an dernier un document regroupant son analyse et ses propositions pour la défense de demain. Consciente des enjeux géostratégiques, et l’actualité n’est pas pour nous rassurer sur ce point, elle a saisi le chef des armées sur les risques d’une réduction de la part consacrée au budget de la Défense, et, afin de préparer la défense de demain, proposé l’organisation d’états généraux rassemblant tous les acteurs concernés pour débattre de l’impact économique, industriel et social de cette réduction.

Le projet de LPM a suivi les principes posés par le Livre blanc, évitant un scénario qualifié de catastrophe, mais ajoutant 24 000 suppressions de postes au plan social en cours. Cette LPM représente des risques sociaux importants pour le ministère et ses personnels comme pour l’industrie. Pour le ministère, c’est la réduction des postes dans la poursuite de la logique de la RGPP, l’externalisation de certaines fonctions et la mise en concurrence avec le secteur privé. Pour les industriels, c’est l’abandon ou le glissement des programmes, la cession de parts de capital par l’État et la pression sur les résultats pour faire remonter du cash. La LPM 2014-2019 est synonyme d’équilibre impossible : elle entend maintenir un effort de Défense tout en dépensant moins, à l’aide de leviers virtuels et risqués comme les six milliards d’euros cumulés de recettes exceptionnelles, l’hypothèse du contrat Rafale à l’export et le pari d’une consolidation à l’échelle européenne.

L’effort demandé à la défense est considérable avec une perte de 80 000 emplois cumulés entre 2009 et 2019. En 2014, 8 000 emplois seront supprimés sur 13 000 dans les secteurs ministériels qui ne correspondent pas aux missions prioritaires. Au premier rang toujours, la défense « paye » 60 % du total alors qu’elle ne représente que 10 % des emplois publics de l’État. En dix ans, les armées ont perdu un quart de leurs effectifs.

Cette « LPM plancher » suscite la méfiance, les précédentes n’ayant jamais été pleinement exécutées. Aussi, inquiets, les PDG des groupes industriels français réclament-ils la garantie du socle minimum dessiné par la LPM, cela sans aucune dérive. Est-ce possible, les ressources de la LPM paraissant avoir été garanties au cours du débat au Sénat ? Les récentes déclarations de M. Collet-Billon, délégué général pour l’armement (DGA), ne sont guère rassurantes. Selon lui, le report de charges du programme 146, qui concerne les équipements, flirte avec la ligne rouge, sans aucune marge pour gérer les aléas sur les futures ressources. C’est la première fois qu’une LPM démarrera avec un tel niveau de report de charges : près de deux milliards d’euros. Selon les experts, ce texte qualifié d’équilibré met en danger près de 20 000 emplois issus des PME-PMI dans les années à venir, la fermeture de bases et de garnisons mettant en jeu la politique territoriale et d’aménagement du territoire.

Le ministre a reçu les fédérations syndicales en réunions bilatérales au début de l’été avant la présentation de la LPM en Conseil des ministres. La CFDT a fait part de ses inquiétudes et de ses propositions et ne partage pas l’optimisme du ministre.

En matière de dialogue social, la CFDT a pris acte de la mise en place d’un agenda social au ministère de la Défense mais attend que certains chantiers fassent preuve de plus d’ambition et d’audace au regard des enjeux, pour les ouvriers de l’État ou en matière de formation professionnelle par exemple. Il faut protéger le statut spécifique des ouvriers de l’État de la Défense face aux velléités de la fonction publique de créer un quasi-statut pour l’ensemble des personnels concernés et répartis dans plusieurs ministères. Les ouvriers de l’État de la Défense ont leur histoire et des compétences reconnues dans les secteurs techniques et stratégiques de la DGA, du SMIter, du SIAé et du service interarmées des munitions (SIMu), sans parler de DCNS ou Nexter. La CFDT souhaite poursuivre la négociation ouverte en 2010 sur la projetabilité d’ouvriers de l’État, sur la base du volontariat, afin d’étoffer les textes en vigueur.

La CFDT prend acte du lancement du chantier de « civilianisation » qui répond à une demande des syndicats depuis la réforme de 2008. La feuille de route en a été confiée au DRH-MD. La première réunion sur le sujet nous a permis de recenser les difficultés de réalisation pour le DRH-MD, qui ne dispose pas d’une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et qui s’appuie sur des outils non stabilisés en matière d’effectifs, d’organisation et de métiers.

La CFDT a averti qu’il ne faudra pas souffler sur les braises ni provoquer de césure dans la communauté de la défense entre civils et militaires confrontés à la même réforme qui détruit l’emploi et la présence des armées sur le territoire. Si les civils doivent pouvoir légitimement prétendre participer à de nombreuses missions du soutien, la condition militaire doit également faire l’objet d’une évolution, qu’il s’agisse de la durée des contrats courts ou d’un droit d’expression et d’organisation. Sur ce dernier point, le Président de la République a demandé qu’une réflexion soit lancée sur l’évolution du dialogue social pour les militaires. Cela devient urgent car les tensions sont vives et ce n’est pas le projet de 34 000 suppressions d’emplois supplémentaires qui renforcera la cohésion au sein de la communauté de la défense.

Nous le martelons : les services du ministère de la Défense sont incontestablement en sous-effectifs et en surcharge de travail. La CFDT ne peut que contester la nouvelle saignée prévue dans les effectifs d’ici à 2019, qui ne pourra malheureusement que provoquer toujours plus de souffrance au travail et accroître les risques pour la qualité du soutien au service de nos armées.

La CFDT souhaite également appeler votre attention sur la DGA qui s’oriente vers un renforcement de sa capacité d’ingénierie. La DGA a réduit ses implantations géographiques et subi de fortes réorganisations en termes de soutien, avec des transferts vers le service infrastructure de la Défense. Les relations entre agents soutenants et soutenus se sont dégradées : les procédures sont aujourd’hui jugées trop cloisonnées et inadaptées à la réactivité attendue à la DGA. Son efficacité, autant dans la recherche que dans le soutien pour l’industrie, est déterminante, à l’exemple du pacte défense-PME qui doit soutenir l’innovation auprès de 62 projets sélectionnés. La CFDT a d’ailleurs demandé au ministre un bilan du pacte PME-PMI après un an de fonctionnement.

En matière de cyberdéfense, la DGA s’efforce d’intégrer l’ensemble des moyens techniques pour suivre les menaces et y répondre. Mais pour être à la hauteur de ces enjeux, la DGA doit maintenir ses effectifs et son soutien logistique car, depuis 2008, sa réorganisation a eu des répercussions sur le moral des personnels.

Tout n’est pas rose non plus dans le secteur aéronautique et spatial. Malgré les bons chiffres annoncés, la CFDT demeure inquiète sur l’avenir de la filière que n’épargnent pas délocalisations, poids accru des actionnaires, désengagement de l’État, vente des actifs étatiques et chasse au coût. Les savoir-faire techniques et technologiques acquis au cours de décennies ne doivent pas être délocalisés dans le seul but d’accéder à de nouveaux marchés. Entre 2005 et 2012, le chiffre d’affaires du groupe Safran a ainsi bondi de 28 %, l’activité de Thales a progressé de 3 % quand, dans le même temps, l’emploi reculait en France de 5 % et augmentait de 6 % hors du pays.

Le ministre a rassuré les fédérations syndicales sur l’avenir et l’organisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs. Le MCO aéronautique, assuré notamment par les ateliers industriels de l’aéronautique (AIA), demeurera étatique. Dont acte.

Le projet de LPM laisse également apparaître des coupes franches dans les budgets affectés aux groupements de soutien de base de défense (GSBdD), qui subissent des coups de rabot sans précédent, en toute méconnaissance des besoins du terrain. Nous avons des exemples sur les bases navales où les enveloppes affectées aux transports de personnels ou le débarquement des matériels remettent en question un fonctionnement minimum. Et nous ne parlerons pas ici des économies de bouts de chandelle, qu’il s’agisse du chauffage ou des tentatives de remise en question des droits en matière de congés payés des personnels en imposant des fermetures de sites.

Dans le secteur industriel, les salariés de DCNS et de Nexter ont démontré jusqu’ici qu’une entreprise publique pouvait être performante et se développer. Mais l’État actionnaire devra montrer l’exemple et jouer pleinement son rôle en donnant les moyens à DCNS et à Nexter de construire leur avenir. Pour DCNS, les deux programmes majeurs FREMM et Barracuda sont maintenus dans leur intégralité mais avec un calendrier de livraison modifié. La CFDT souligne, avec d’autres, que le glissement des programmes aura des conséquences sur le plan de charge des établissements. Ainsi, nos équipes comptent sur l’implication du ministre pour la conclusion des contrats exports en cours ou à venir.

DCNS se positionne également dans le secteur de l’énergie – nucléaire civil et énergies marines renouvelables. Ces développements adjacents sont primordiaux pour maintenir et développer les emplois industriels sur le territoire. Il en est de même pour Nexter et ses salariés qui attendent de décrocher une vente de véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) à l’export face à une concurrence acharnée. Tout le monde se pose la question de savoir où en est le contrat avec le Canada. Il semble, aux dernières nouvelles, qu’il soit repoussé, avec, encore une fois, les conséquences que cela implique pour Nexter.

Quant aux véhicules blindés multi-rôles (VBMR) et aux engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) qui sous-tendent l’avenir du groupe, la CFDT attend que la notification de ces programmes coïncide avec la fin de ceux en cours pour lisser les plans de charge des établissements. Il faudra également veiller à l’inscription d’une commande pluriannuelle moyen-calibre dès 2014 ainsi que de munitions pour le char Leclerc. Dans ces deux secteurs, l’heure est au soutien de l’innovation et des études amont, aux recrutements nécessaires, ainsi qu’au développement d’activités duales. Le contexte de crise ne doit pas inciter à baisser la garde, bien au contraire. La CFDT attend de l’État actionnaire un autre comportement concernant les dividendes issus des résultats des entreprises et, surtout, s’agissant de l’implication de leurs salariés.

Enfin, un grand rendez-vous est prévu en fin d’année qui mettra sous les feux des projecteurs l’Europe et ses ambitions en matière de défense. Comme d’autres, la CFDT est favorable à une Europe de la défense concrète, synonyme de progrès, de cohésion, au service des États membres, cela sans oublier les enjeux d’emploi et de progrès social. Nous sommes conscients que le Conseil européen n’a pas évoqué la défense depuis bien longtemps et que tout ne se sera pas réglé à l’issue de ce grand rendez-vous. Or nous attendons des actes concrets à court et moyen termes. La communication de la Commission européenne, en préparation de cet événement, intègre des enjeux forts qu’il restera à lancer et à réaliser à l’avenir.

M. Bruno Jaouen, interlocuteur CMG Brest pour l’UNSA-défense. Je vais vous présenter une déclaration conjointe de l’UNSA et de la CGC.

Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 sur lequel vous allez vous prononcer engagera la Nation sur une durée bien plus longue que les six années à venir.

Si UNSA-défense et Défense-CGC entendent exprimer leur attachement à la préservation d’une capacité de défense assurant la souveraineté de la France, elles restent conscientes de la nécessité de préserver les finances publiques. Trouver un équilibre entre ces deux enjeux pour la Nation nécessite la mise en place de modèles de gestion modernisés et efficients. Il s’agit d’enjeux qui nécessitent de la représentation nationale, comme de toutes les parties prenantes, une réelle volonté de changement, donc des décisions courageuses, des actions volontaristes, un accompagnement à visage humain et une évaluation objective. Les conséquences de la nouvelle LPM pèsent, une fois encore, sur les structures de soutien puisque deux tiers de la déflation envisagée concerneront cette composante pourtant essentielle, indispensable par ailleurs à la qualité et la pertinence de l’opérationnel. C’est donc sur celles-ci que l’UNSA-CGC portera son attention, étant entendu que nous ne nous prononcerons pas sur les choix opérationnels ou d’équipements qui relèvent de la responsabilité du chef des armées.

Quel visage aura la défense en 2019 ?

C’est bien en ces termes que se pose la question tant la reproduction des erreurs du passé nous paraît engagée. La priorité à la déflation des effectifs, annoncée comme le préalable à une meilleure organisation de la défense, nous paraît dangereuse. La suppression de quelque 24 500 postes, sans compter les 10 000 suppressions héritées de la LPM de 2008, est posée comme le postulat, alors que le découpage des implantations de défense, le fonctionnement et l’organisation ne sont pour leur part pas clairement identifiés : c’est, d’une certaine manière, la charrue que l’on met avant les bœufs. Soyons francs : la Défense, de notre point de vue, a rogné tout ce qu’elle pouvait en termes de structures, de réorganisations, de mutualisation par le choix de l’interarmisation, à l’image de bases de défense, comme de nombreux secteurs relevant du soutien : commissariat, munitions, MCO, infrastructure…

Vous comprendrez dès lors que voir porter l’effort d’une nouvelle déflation principalement sur le soutien, à hauteur des deux tiers de la baisse totale, nous fait craindre le pire. Le pire en termes de fermetures de sites : même si la prudence semble pour l’heure de mise, qu’en sera-t-il en 2015, une fois les élections municipales et européennes passées ? Le pire aussi en matière de soutien aux forces, de sécurité et d’équipement des femmes et des hommes qui s’engagent pour la France et souvent très loin. Pour l’UNSA et la CGC, on ne peut pas puiser sans fin dans les structures de soutien sans remettre en cause, à terme, l’opérationnel lui-même. La condition d’efficacité de l’un est liée à l’existence de l’autre et, pour le coup, la volonté de faire porter l’effort à venir sur le soutien met en péril cet équilibre. Aussi appelons-nous votre attention sur vos choix au moment de voter le texte. En asphyxiant le soutien, les capacités opérationnelles ne seront plus tout à fait les mêmes.

Bien sûr, nous avons conscience de la situation budgétaire, comme de la dérive de la masse salariale de la Défense, de l’ordre d’un milliard d’euros sur l’actuelle LPM – dérive sujette à bien des lectures, certains l’imputant aux mesures catégorielles des agents civils. L’UNSA-CGC condamne cette interprétation alors que, depuis bientôt quatre ans, les salaires des personnels civils sont gelés et qu’on sait bien quelle est la teneur des enveloppes budgétaires consacrées aux mesures catégorielles.

Notre analyse s’articule autour de cinq axes et concerne tous les niveaux de décision.

La Défense a payé un lourd tribut aux restructurations, perdant une grande partie de sa capacité industrielle et réduisant à un seuil critique son niveau de compétence technique. De nombreuses emprises et établissements ont été dissous, fermés, restructurés, engendrant localement des situations sociales difficiles, très difficiles même. Dans les choix à venir, la compétence technique doit être préservée, les efforts devant porter principalement sur la réduction des coûts de structure.

La France doit conforter son industrie d’armement et ne pas la mettre en péril par des décisions prises sous le seul aspect comptable. Il en va du maintien des emplois mais aussi de la pérennité d’un secteur où la France figure parmi les leaders mondiaux.

L’armée française doit être dimensionnée, entraînée et dotée d’équipements et d’un soutien logistique opérationnel performants, adaptés à ses missions de défense et de sécurité nationale.

Les emplois à caractère non opérationnel doivent être très majoritairement « civilianisés » et valorisés grâce à des parcours professionnels attractifs. Ces derniers, par le biais d’une gestion unique des ressources humaines, devront assurer une complémentarité entre personnels militaires et civils. La « civilianisation » sera porteuse de gains significatifs sur la masse salariale du ministère que nos organisations ont estimé de l’ordre de trois milliards d’euros par an au terme de la démarche de rééquilibrage, hors gains induits sur les autres dépenses. Ce point a déjà été évoqué dans de nombreux rapports parlementaires, le dernier en date étant celui de Mme Gosselin-Fleury et M. Meslot.

Cinquième et dernier axe, le dialogue social doit être réellement modernisé et s’ouvrir sans tabou à l’organisation et au fonctionnement des services conformément à la loi sur la modernisation du dialogue social. Les comités techniques doivent avoir compétence pour traiter tous ces aspects. Pour cela, il conviendra d’abandonner la dérogation propre à la défense interdisant le dialogue à ce niveau. Enfin, comment ne pas dénoncer ici la décision du Gouvernement de mettre fin au processus de requalification des techniciens supérieurs d’études et de fabrications (TSEF) qui, avec le soutien appuyé de nombre d’entre vous, s’était concrétisé par un décret aujourd’hui remis en cause. Peut-on encore parler de dialogue social et accorder du crédit à un engagement politique fort ? Nous n’insisterons pas sur le symbole que constitue la remise en cause, par le Gouvernement actuel, d’une action de promotion sociale décidée par le Gouvernement Fillon. Nous rappellerons également le soutien dont nous avions bénéficié de la part de Bernard Cazeneuve alors qu’il était député de la Manche.

Nous appelons également votre attention sur les mesures d’externalisations, conséquence directe de la réduction de voilure de la Défense. Comme le besoin existe toujours mais que les effectifs et les compétences auront disparu, le recours à l’externalisation ne saurait valoir grille de lecture et solution universelles. Présentées de manière partiale et toujours répondant à la logique du moins-disant, ces mesures gagent de fait le fonctionnement même de l’opérationnel, ses capacités, parfois même sa sécurité. Nombre d’exemples, hélas, étayent cette assertion, à l’image de la récente délocalisation, au Portugal, du MCO des avions de transport tactique C 130 Hercules ou, plus récemment, celui des hélicoptères Puma de l’armée de terre. Cela est en totale contradiction avec le made in France et l’ambition affichée de réindustrialiser notre pays. L’UNSA-CGC attend sur ce sujet précis une intervention de votre part au plus haut niveau de décision afin de mettre un terme à la conduite des opérations industrielles exclusivement envisagées sous l’angle du « faire faire » plutôt que du « faire ». La survie du SIAé est en jeu.

Nous ne revenons pas sur la structure du budget de la Défense reposant sur d’hypothétiques recettes exceptionnelles. L’UNSA-CGC demande que la LPM sanctuarise le fait que celles-ci soient obligatoirement compensées chaque année par un abondement équivalent en crédits budgétaires si elles venaient à ne pas être réalisées en totalité ou en partie.

Sur la « manœuvre ressources humaines », l’UNSA-CGC a accueilli avec satisfaction l’autorité fonctionnelle renforcée de la DRH-MD sur l’ensemble de la chaîne RH. Mais nous exprimons notre crainte de voir la démarche dénaturée par le manque d’outils dont dispose la DRH-MD. Le dispositif doit rapidement évoluer en confiant à cette dernière le pilotage de l’ensemble des flux de personnels du ministère. Au-delà, il est important de sortir du « fléchage » par arme des postes des référentiels des effectifs en organisation. Cette doctrine est contraire à la recherche de cohérence et de compétences ; pire, elle est sclérosante. La place des personnels civils, indépendamment de l’analyse fonctionnelle des emplois du ministère demandée par le ministre au DRH, doit être réaffirmée, non par dogme de notre part, mais simplement parce que la continuité du soutien ne peut s’affranchir d’une stabilité professionnelle sur la durée, celle-ci, par nature, n’étant pas caractéristique des emplois militaires. Stabilité parfois remise en cause, les exemples sont nombreux, au gré du « mercato » des officiers en termes d’organisation et de fonctionnement, quand l’institution a besoin de lisibilité dans le temps.

M. Yves Naudin, secrétaire général de la Fédération CFTC-défense. Comme les représentants de la CFDT, nous regrettons l’absence d’un certain nombre de députés, de même que celle de nos collègues de la CGT.

La CFTC, en 2012, vous souhaitait bon courage en tant que première femme présidente de cette commission. Nous voilà tous courageux devant ces deux projets de loi traçant à court et moyen termes les moyens de l’une des meilleures armées du monde, et évitant un scénario catastrophe comme cela a pu être notre crainte au cours de la préparation du triptyque Livre blanc, projet de loi de programmation militaire et projet de loi de finances pour 2014. Les personnels, toujours les mêmes et ce depuis la chute du mur de Berlin, vont encore trinquer.

On peut souligner une relative cohérence entre la programmation des ressources pour la période 2014-2019 et le modèle 2025. « Les projets de LPM 2014-2019 et de PLF pour 2014 prennent en compte les priorités de nos armées pour le court et le moyen terme. En conséquence, des domaines jugés moins prioritaires sont mis sous tension », vous a déclaré le chef d’état-major des armées le 3 octobre dernier. Le projet de LPM prévoit que les crédits consacrés à l’entretien programmé du matériel (EPM) progresseront en valeur de 4 % par an en moyenne sur la période 2014-2019, et de 5,5 % dès 2014. Nous compterons donc sur 190 milliards d’euros courants pour l’ensemble de la législature. Pour l’année 2014, les ressources totales de la mission « Défense » sont de 31,4 milliards d’euros hors pensions, dont 1,8 milliard d’euros de ressources exceptionnelles.

Cependant, si le budget est préservé en valeur, cela signifie qu’il supporte pleinement le coût de l’inflation. Il manque en réalité un milliard d’euros. Le projet de loi comporte des incertitudes en faisant un pari risqué, unique, celui par exemple de prévoir l’exportation de 40 avions de chasse Rafale. Si ces ventes devaient se réaliser trop tard ou, pire, ne pas se réaliser du tout, ce sont près de quatre milliards d’euros que la France devra assumer.

Le ministère, et singulièrement la DGA, resteront le premier investisseur de l’État avec près de 16 milliards d’euros par an. On peut au passage déplorer que l’insuffisance de la ligne « Recherche et développement » nous laisse trop à la merci du monde industriel.

Il ne nous appartient pas de nous prononcer ici dans le détail sur le financement des programmes d’armement, même si l’on constate le coût inchangé, car sanctuarisé par le Président de la République, du maintien de notre force de dissuasion nucléaire à hauteur de quatre milliards d’euros par an.

Il reste que le Gouvernement persiste à voir deux types de ministères : les prioritaires et ceux qui ne le sont pas. Parmi ces derniers, on en relève deux en particulier : celui de la Défense et celui des Finances.

Le 25 septembre dernier, le ministre nous a dit comprendre notre absence d’enthousiasme pour la suppression de 24 000 plus 10 000 postes. Le ministre a déclaré : « C’est une loi de programmation d’équilibre ; si l’un des éléments tombe, l’édifice pourrait s’écrouler. » Nous notons la clause de sauvegarde budgétaire en cas d’une moindre réalisation des 6,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles sur le quinquennat.

Le ministère de la Défense, qui reste le plus gros contributeur en nombre de suppressions de postes – soit 7 881 équivalents temps plein –, subira certes, en 2014, selon le Rapporteur général du budget, M. Eckert, une restriction proportionnellement deux fois moins importante – 2,9 % des effectifs. Toutefois, la baisse de 7 400 postes de personnels civils sur la période 2014-2019 représente 21,97 % de la totalité déflatée alors que nous représentons une part de 22,85 % au bilan social 2012. Ces deux pourcentages quasi similaires ne viennent-ils pas corroborer les suggestions de votre commission, par la voix de Mme Gosselin-Fleury et de M. Meslot, selon lesquels l’une des « marges de manœuvre limitées » serait la « civilianisation » accrue des postes ? Dans le détail, on comptera 300 postes de catégorie A de moins, soit une baisse de 4 % ; 1 100 postes de catégorie B de moins, soit une baisse de 15 % ; 2 300 postes de catégorie C de moins, soit une baisse de 31 % ; et 3 700 postes d’ouvriers d’État en moins, soit une baisse de 50 %. Mme Gosselin-Fleury et M. Meslot s’étonnent que la masse salariale du ministère de la Défense ait continué d’augmenter alors que les effectifs diminuaient : « On assiste à un curieux paradoxe : moins le ministère a d’effectifs, plus il a de dépenses de personnel. Cela s’explique notamment par une tendance au repyramidage des effectifs : on supprime des emplois dans les catégories les moins payées, et fort peu de postes d’officiers généraux. »

Les explications que les représentants des armées ont données et donneront encore à la commission ne nous convainquent pas. Il en est ainsi de cette réponse de l’amiral Guillaud à Mme Gosselin-Fleury le 3 octobre : « S’agissant de la civilianisation, notre problème est en réalité que de nombreux postes civils ne sont pas pourvus. Le taux de militaires augmente donc par répercussion. Et la solution de transformer un militaire en civil pour lui proposer l’un de ces postes apparaît comme un tour de passe-passe. » Au-delà du cynisme de cette réponse, nous aurions pu lui demander combien il manque de personnels civils...

En 2014, il est prévu pour le personnel civil une contribution à hauteur de 22 % : 1 855 suppressions et 121 recrutements au titre du renseignement. Il convient par ailleurs d’ajouter le recrutement de 105 ouvriers de l’État dans quatre professions : aéronautique, pyrotechnique, diéséliste et frigoriste. La « civilianisation » des fonctions de soutien demeure un objectif. Le volume de recrutement dépendra de la situation fin 2013. Un groupe de travail sur la « civilianisation » vient d’ailleurs de se réunir sous l’égide de M. Feytis et devra rendre son rapport à M. Le Drian fin novembre. Il devra notamment prévoir une analyse fonctionnelle sérieuse des postes civils et militaires.

En ce qui concerne les mesures catégorielles pour le personnel civil prévues pour 2014, le constat est amer. Le montant des mesures catégorielles programmées est de 11,075 millions d’euros. Pour mémoire, il était de 15,8 millions d’euros en 2013, de 24,2 millions en 2012, de 25,5 millions en 2011 et de 15 millions en 2010 et en 2009. L’essentiel de l’effort sera consacré au titre des mesures statutaires et indemnitaires de la catégorie C, technique et administrative, soit 7,8 millions d’euros sur les 11 millions inscrits au budget.

« La situation budgétaire paupérisée des bases de défense conduit une large part des personnels du ministère à adhérer de moins en moins à la réforme », s’inquiétait M. Meslot. Le chef d’état-major des armées vous a déclaré le 3 octobre dernier : « Et il suffit d’aller voir pour constater que le train de vie sur ces bases n’est pas somptuaire. Les économies réalisées sur le soutien courant sont en effet absorbées, notamment par la hausse du coût des fluides et de l’énergie. Ces postes représentent 40 % des dépenses des bases de défense. »

Pour la deuxième ou troisième fois, en novembre, les budgets de fonctionnement de nos bases de défense auront été consommés. Dès lors, on retarde la mise en route du chauffage, on va jusqu’à remettre en cause l’achat de médailles du travail pour le personnel civil, on essaie de demander aux personnels de nettoyer leurs bureaux et puis on se laisse tenter à nouveau par les externalisations dans le dos de certaines autorités. Ainsi, alors que les fédérations syndicales tenaient réunion le 25 septembre dernier avec le ministre de la Défense sur le projet de LPM, notre syndicat apprenait que le GSBdD de Bourges-Avord projetait l’externalisation de la restauration sur les sites de Salbris et Neuvy-Pailloux, ainsi que du gardiennage de Neuvy-Pailloux. Certes, les travaux de construction du REO 2014 imposent une nouvelle déflation dans la chaîne du soutien. Une pétition intersyndicale a été remise au CPCS et à la DRH-MD.

Pour finir, les dépenses d’action sociale, heureusement, dans ce cinquième plan de restructuration que nous subissons, sont maintenues à 92,7 millions d’euros alors que l’année dernière le PLF prévoyait qu’elles ne seraient que de 78,4 millions d’euros, ce qui avait valu à l’époque, après un tollé des syndicats, un rectificatif du ministre.

Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir remis à qui de droit le tract concernant notre préavis de grève des personnels soignants à l’Institution nationale des Invalides. En effet, la réforme engagée par le ministère de la santé ne paraît pas avoir touché une des catégories de personnels paramédicaux et infirmiers qui ne bénéficient pas de la catégorie active et qui ne peuvent donc pas bénéficier de la retraite à cinquante-sept ans, ce qui revient à ne pas tenir compte de la pénibilité de leur métier. Or vous avez relayé, madame la présidente, la préoccupation légitime de ces personnels, dont nous espérons qu’ils seront traités de manière équitable.

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie pour vos interventions. Comme vous l’avez rappelé, la LPM est issue du Livre blanc et ce n’est qu’au terme de nombreuses discussions que nous sommes parvenus à un équilibre fragile, au maintien duquel il nous faudra veiller. Vous avez raison d’insister sur le risque pesant sur le secteur de la Défense.

Je partage la satisfaction que vous avez exprimée à l’égard de la nouvelle organisation du personnel au sein de la DRH-MD, considérant pour ma part qu’elle correspond à une juste décision du ministre de la Défense. Eu égard à vos attentes en la matière, laissons le temps à ce service de s’installer : ses nouveaux outils lui permettront de mieux contrôler la masse salariale, sachant que bien que de nombreux emplois aient déjà été supprimés en application de la LPM en vigueur, cette masse a malgré tout augmenté.

Concernant le dialogue social, je sais que vous avez été reçus à de nombreuses reprises par le ministre de la Défense – ce qui n’a pas toujours été dans les habitudes de ce ministère. Et notre commission souhaiterait elle aussi pouvoir instaurer avec vous un dialogue et voir s’améliorer la représentation du personnel militaire au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire – souhait que partage votre ministre de tutelle.

Enfin, nous espérons comme vous que le Conseil européen de décembre prochain se traduira par des mesures pragmatiques de façon à ce que l’Europe de la défense trouve à se concrétiser. Cela signifiera cependant également qu’il nous faudra mutualiser nos capacités car on ne peut réclamer une défense européenne tout en critiquant simultanément les accords de mutualisation et de partage conclus avec d’autres États. Le partage se justifie d’ailleurs tout particulièrement dans le domaine du soutien, où il nous permettra de réaliser des économies et à chacun des États membres d’intégrer l’Europe de la défense.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. La réforme de la gouvernance des ressources humaines et l’installation d’un nouvel outil de contrôle de la masse salariale au sein du ministère de la Défense lui permettront d’assurer un meilleur suivi de son personnel et de se fixer des objectifs précis. La mission de refonte du REO, confiée à M. Feytis, devrait notamment nous permettre de contribuer à la civilianisation dont mon collègue Damien Meslot et moi-même avons beaucoup parlé dans notre rapport d’information sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère. Il est en effet prévu de revenir à un ratio de 75 % de personnel militaire pour 25 % de personnel civil, contre 78 % pour 22 % actuellement.

Si le code de la défense interdit par dérogation aux représentants du personnel d’aborder les questions d’organisation, êtes-vous néanmoins en mesure de formuler des propositions susceptibles d’être prises en compte dans le cadre de cette mission – dont les conclusions seront rendues à la fin du mois de novembre –, de nature à assurer une répartition plus équitable et plus réaliste entre les postes civils et militaires ?

M. Gilles Goulm. Sans vouloir attaquer de front la composante militaire, il convient d’identifier les responsables là où ils se trouvent : lorsque nous demandons un rééquilibrage entre les effectifs militaires et civils sur les fonctions de soutien, et ce, à commencer par les postes à responsabilité – dans la mesure où ce rééquilibrage est intimement lié à la capacité des personnels à être mobiles –, on nous renvoie trop souvent aux chiffres des effectifs de catégorie A. Ainsi citez-vous dans votre rapport les ratios d’un officier pour six sous-officiers et militaires du rang, et, pour les personnels civils, d’un cadre de catégorie A pour huit agents de catégorie B. Or, il me semble que vous comptez parmi les cadres de catégorie A les ingénieurs technico-commerciaux (ICT) qui, la plupart du temps, n’exercent aucune fonction d’encadrement dans la mesure où ils ont été recrutés à d’autres fins – principalement pour la DGA ! Il conviendrait donc de pondérer certains aspects car ce pyramidage a plutôt bénéficié à la composante militaire qu’à la composante civile. Ne serait-ce que sur le CPCS, on recense aujourd’hui 1 800 officiers pour 230 agents administratifs de catégorie A. Et il n’y a, au ministère de la Défense, que quelque 1 400 attachés d’administration – qui peuvent très bien occuper des postes à responsabilité d’adjoint ou de chef de groupement de soutien de base de défense (GSBdD), ou bien de chef de bureau ou de service. Or on ne le leur propose pas actuellement.

Concernant la gestion de la masse salariale et la réforme de la DRH-MD, nous avons bien compris que cette direction devait se doter d’outils tels que le référentiel des emplois du ministère (REM) ou le système d’information des ressources humaines (SIRH), afin de conférer une certaine lisibilité à la structure de nos établissements. Mais la réelle difficulté réside dans le fait que les REO sont aujourd’hui élaborés par les autorités centrales d’emploi que sont les états-majors – ce qui est bien normal dans la mesure où ce sont eux qui savent de quels effectifs ils ont besoin dans le cadre de leurs contrats opérationnels et pour exercer leurs missions. Sauf que la DRH-MD n’intervient, elle, à aucun moment dans l’élaboration des REO, mais uniquement une fois ces référentiels connus. Et l’on est en train de procéder de la même manière pour 2014. Si elle intervient dans le cadre de la mission d’accompagnement des restructurations pour régler socialement la situation des personnels qui voient leurs postes supprimés, c’est parce que les REO ont été élaborés par les états-majors, sans que la réalité de la situation ait véritablement été prise en compte. Il convient donc de mettre un terme à cette déconnexion entre les niveaux organisationnel et gestionnaire. Cela est d’ailleurs effectivement dans les intentions du ministre, qui a engagé à cette fin une réforme de la masse salariale et de la chaîne des ressources humaines. Mais il devient urgent de le faire ! Car alors que l’on établit le même constat à chaque nouvelle LPM, on continue, les bras ballants, à regarder fondre les effectifs des personnels civils plus rapidement que ne le prévoient les objectifs assignés par le Législateur. Nous supprimons même davantage de postes de personnel civil que nous ne le voudrions.

S’agissant de l’interdiction d’intervention des instances de concertation dans l’organisation des services, on se fait peur à bon compte et il conviendrait plutôt de supprimer cette disposition dérogatoire ! De fait, les états-majors étant tétanisés par une sorte de fantasme, on part du principe qu’il ne faut pas discuter de l’organisation des services avec les syndicats – de peur qu’ils n’en viennent à évoquer l’organisation de l’armement nucléaire alors qu’il est parfaitement évident qu’ils ne le feront pas ! Mais lorsque nous assistons à des comités techniques locaux dans nos bases de défense, de deux choses l’une : soit les commandants de la base ne nous disent rien, considérant qu’ils n’ont pas à aborder avec nous l’organisation des services ; soit – et c’est ce qui se produit dans la majorité des cas – ils nous réunissent pour évoquer la situation. Or, dès lors que l’on parle de restructurations, on évoque nécessairement l’organisation des services ! Une telle interdiction limite donc le champ d’intervention des syndicats qui se font trop souvent exclure des instances de concertation, alors qu’ils sont capables de discuter de l’organisation des services sans aller diffuser sur la place publique des informations qui n’ont pas à l’être !

M. Luc Scappini. Madame la présidente, vous avez souligné à juste titre le fait que nous nous félicitions de la nouvelle gouvernance des ressources humaines. Vous avez néanmoins évoqué notre regard critique sur la question, considérant que nous étions quelque peu pressés et qu’il nous fallait accorder un peu plus de temps à la DRH-MD pour mettre en application cette réforme. Cela étant, on a déjà perdu cinq ans : car lorsque, dès 2008, le ministre Morin avait annoncé aux organisations syndicales une nouvelle vague de restructurations très importante et que la CFDT – en désaccord sur ce point – avait réclamé la conclusion d’un accord de méthode de telle sorte que l’on commence à travailler de façon plus professionnelle sur ces questions au sein du ministère, cela lui a été refusé.

Sur l’accompagnement social, ont été organisées quatre ou cinq réunions à l’ancienne, c’est-à-dire sur le mode des concertations dans la fonction publique, alors que dès 2008, on ne pouvait plus continuer à procéder ainsi face à une réforme d’une telle ampleur. De la même manière, dès cette époque, la CFDT et d’autres organisations ont mis en exergue la question des compétences et des métiers : en d’autres termes, nous parlions déjà de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

Nous ne pouvons donc que souscrire à la volonté du ministre de réformer la gouvernance. Sauf que ce qui est exigé de M. Feytis, le directeur des ressources humaines du ministère, est mission impossible, à court terme du moins, dans la mesure où il s’appuie sur des outils du passé – SIRH, REO et REM – ne correspondant pas à la réalité. Il conviendra d’ailleurs de conserver les compétences très importantes dont dispose le ministère – ce qui aurait posé moins de problèmes dans le passé, lorsque le budget de la Défense était l’un des premiers de l’État. Aujourd’hui, nous craignons le pire pour l’avenir : c’est pourquoi nous nous montrons très exigeants vis-à-vis du directeur des ressources humaines.

Puisque vous nous demandez de formuler des propositions, sachez que la CFDT souhaiterait l’organisation d’une négociation sur la GPEC. Je rappelle en effet que lorsqu’au moment de sa prise de fonction, le ministre a reçu les organisations syndicales de façon bilatérale, nous avons immédiatement réclamé un agenda social – ce qui nous avait été refusé précédemment – afin de sortir du système des concertations de type « fonction publique ». Le fait qu’il ait enfin été établi un tel agenda dans la fonction publique nous a d’ailleurs beaucoup aidés à obtenir gain de cause. Notre agenda social porte donc sur cinq thèmes de négociation – auxquels la CFDT a demandé que l’on en ajoute un sixième relatif à l’égalité professionnelle femmes-hommes. Nous réclamons aussi une plus grande ambition concernant les ouvriers d’État et la formation professionnelle. Car encore une fois, la DRH-MD s’appuie sur des outils anciens et fonctionne sur un mode administratif très lourd alors qu’il lui faudrait adopter une démarche moderne qui soit à la hauteur des enjeux. Ainsi, dans le cadre de la civilianisation, il nous a été proposé de nous appuyer sur un SIRH, un REO et un REM pour définir un ratio : or nous voulons en finir avec les ratios ! Il serait en effet préférable d’appréhender la réforme par filières et par métiers en évaluant nos besoins en personnel civil. Dans le cadre de la réforme du régime des ouvriers de l’État qui a été lancée, la DRH-MD, s’appuyant sur son organisation à l’ancienne, s’est adressée aux autorités centrales d’emploi (ACE) alors que celles-ci ne connaissent pas les besoins sur le terrain. Autre exemple bien connu du SIAé : on a demandé à l’ACE qu’est l’armée de l’air d’évaluer les besoins nécessaires en aéronautique au lieu de s’adresser aux AIA qui seuls les connaissent ! C’est pourquoi la CFDT souhaite l’ouverture d’un septième chantier sur la GPEC.

M. Bruno Jaouen. Je partage les propos qui viennent d’être tenus par mes collègues. Quant au mandat confié au directeur des ressources humaines du ministère, on lui a demandé, d’une part, de procéder à une analyse fonctionnelle des emplois susceptibles d’être pourvus par des personnels civils et, d’autre part, de définir les moyens de pourvoir ces emplois et de jeter les bases de parcours professionnels attractifs et dynamiques.

Il conviendrait de moderniser la gestion des métiers et des compétences au sein du ministère. Cette gestion est en effet inexistante actuellement, comme l’illustre la définition des REO 2014, qui seront très affectés par les suppressions de poste sans qu’ait eu lieu la moindre discussion sur le sujet – sauf chez quelques employeurs. C’est donc probablement sur le portail de l’Intranet du ministère que l’on découvrira ces REO en début d’année ! On nous demande de ne pas en parler au motif que cette information aurait un caractère secret. Or, l’Intranet du ministère n’est pas particulièrement protégé. Cessons de flécher les postes par armée, par catégorie et par niveau dans les REO, et donc de négliger les compétences des agents et de bloquer toute évolution. Alors que de nombreux postes vacants pourraient être pourvus par du personnel touché par les restructurations, ce mode d’affectation nous en empêche.

Bref, revenons-en au mandat confié au directeur des ressources humaines mais donnons-nous aussi les moyens de faire progresser la situation, sinon les personnels risquent d’être démotivés.

M. Francis Dubois, secrétaire général adjoint de Défense CGC. J’irai dans le même sens : nous ne disposons pas des outils adaptés pour favoriser la mobilité des parcours professionnels car nous continuons à utiliser des méthodes anciennes. Et les quelques réunions auxquelles nous avons assisté avec les services des ressources humaines ne nous paraissent pas suffisantes. Souvent, parce qu’il n’y a aucun candidat aux postes de catégorie A, on y place des militaires. Or lorsqu’un agent civil se voit accorder une mobilité géographique, cela affecte directement ses moyens financiers car les personnels civils ne bénéficient pas du même régime indemnitaire que les militaires. Si nous ne réclamons pas les mêmes avantages qu’eux, il conviendrait néanmoins que les services de la DRH-MD accélèrent ce cycle de réunions afin de mettre en application nos propositions.

Par ailleurs, dans cette phase de fortes restructurations, la CGC n’est pas opposée à ce que des personnels militaires changent d’uniforme dans le courant du week-end pour devenir des civils le lundi matin. Lorsque l’on effectue des sondages auprès de sous-officiers et d’hommes du rang, ils répondent que cela ne les dérange pas d’être affectés à des postes civils non opérationnels, à condition de conserver le même niveau de rémunération. Cela permet de réaliser des économies dans la mesure où personnels civils et militaires ne peuvent demeurer le même nombre d’heures à leur poste de travail. En cette forte période de restructuration, nous nous devons d’accueillir nos camarades militaires.

Enfin, puisque l’on nous parle de civilianisation, commençons déjà par mettre un terme au gel des recrutements de personnel ICT à la DGA – comme ce fut le cas il y a une semaine.

M. Yves Naudin. Quant au fait que l’on ne puisse parler de l’organisation des services dans le cadre des comités techniques, nous avons contesté cette disposition dérogatoire propre aux agents de la défense lors de réunions de concertation ministérielles qui se sont tenues en aval des accords de Bercy – dont la CFTC, à l’instar de FO, n’est pas signataire. Il conviendrait donc de mettre un terme à cette interdiction, qu’elle relève de la loi ou du décret. Dans cette dernière hypothèse, c’est à nous qu’il reviendra de faire entendre cette revendication auprès du pouvoir exécutif. Mais relayez-nous !

Si nous en sommes aujourd’hui au cinquième plan de restructuration, à l’époque de ces accords, Hervé Morin venait d’annoncer 54 000 réductions de poste, qui se conjuguaient avec un empilement de réformes indigestes : on a supprimé des unités entières et désorganisé le travail des agents dans certains établissements. Or, la désorganisation ainsi générée est devenue toxique pour les agents, leur faisant courir des risques psychosociaux. Vous connaissez d’ailleurs le nombre de suicides consécutifs à ces restructurations déstructurantes. C’est pourquoi nous souhaiterions pouvoir évoquer au sein de nouvelles instances de dialogue social, non pas l’organisation des états-majors, mais les conséquences, sur la vie quotidienne des agents, de la désorganisation et de l’empilement des réformes intempestives auxquels nous avons assisté ces dernières années.

S’agissant de la civilianisation des personnels du ministère et de la fixation, à terme, d’un taux de 75 % de personnels militaires pour 25 % de civils, il s’agit d’un ratio global, d’autant plus hypothétique que les taux ne sont plus très à la mode aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, concentrons-nous sur les postes d’administration générale et de soutien commun (AGSC) et que chacun retourne à son métier : l’opérationnel pour les militaires, l’AGSC pour le personnel civil. S’agissant de cette dernière, j’inverserais bien les rôles en fixant un ratio de 60 % de personnel civil et de 40 % de personnel militaire. On pourrait même aller plus loin, compte tenu de nos 1606 heures de travail annuel et des 1 000 heures que les personnels militaires peuvent offrir sur ces postes. Je regrette d’ailleurs que ce point ne soit pas repris textuellement dans le Livre blanc.

Enfin, nous tenons à votre disposition une copie du tableau des mobilités du personnel civil indemnisé – le fait qu’il s’agisse du personnel indemnisé signifiant que l’information est vérifiable. Il fait état de 15 830 mobilités sur la période 2009-2013 : que l’on cesse de nous répéter que le personnel civil est insuffisamment mobile ! Il conviendrait en revanche de nous accorder les moyens nécessaires à cette mobilité et de rendre fongible la nouvelle bonification indiciaire (NBI) afin qu’elle soit identique pour un poste à responsabilité donné – que son titulaire soit un civil ou un militaire.

M. Joaquim Pueyo. Tout d’abord, l’accompagnement social vous paraît-il suffisant ? En outre, puisque vous êtes en lien avec d’autres organisations syndicales européennes, que pensez-vous de l’Europe de la défense ? Conviendrait-il de développer les coopérations industrielle, technologique et dans le domaine de la recherche, compte tenu du fait que les budgets militaires diminuent dans la plupart des pays de l’Union européenne – même si quelques-uns résistent, tels le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, ou encore la Pologne qui, elle, augmente légèrement ses crédits en la matière ?

M. Luc Scappini. Avant de s’engager dans une Europe de la défense qui soit intégrée, encore faudrait-il que nous ayons une politique extérieure commune – ce qui est loin d’être le cas, comme on a pu le constater dans bon nombre de situations ! Je vous remercie d’ailleurs d’avoir mentionné à cette occasion nos contacts avec d’autres organisations affiliées à la Confédération Européenne des Syndicats (CES), au sein de laquelle nous débattons et formons des groupes de travail. C’est également le cas avec la Fédération Européenne de l’Industrie (IndustriALL Trade Union) et la Fédération européenne de la fonction publique.

Quant à la nécessité, évoquée par Mme la présidente, d’accepter le partage et la coopération au niveau européen, les organisations syndicales ont opté pour une démarche offensive, jugeant surtout nécessaire de définir des programmes structurants, puisque ce ne sont pas les besoins qui manquent – pour les drones comme sur d’autres programmes. Il convient donc d’œuvrer à une mutualisation en matière de recherche et d’innovation afin de définir les besoins de demain, plutôt que d’adopter une position défensive qui consisterait à « partager la misère ». Car la plupart des États européens ont effectivement tendance à réduire leurs budgets de défense.

La CFDT s’est en outre toujours opposée dans le passé aux tentatives de rapprochement entre entreprises européennes, telles que DCNS et TKMS dans le secteur de l’armement naval, ou Krauss-Maffei et Nexter dans celui de l’armement terrestre. Car s’il n’est question que de rapprocher des entreprises sur des produits déjà construits et entretenus par celles-ci, cela se soldera immanquablement par un plan social. Ce dont l’Europe et le secteur de la défense ont besoin, c’est surtout de travailler sur l’innovation, la recherche et donc de définir très rapidement des programmes structurants pour lesquels des entreprises européennes s’engageront à mutualiser leurs efforts. De tels programmes nous mettront en position concurrentielle à l’échelle internationale et seront ainsi créateurs d’emplois.

M. Gilles Goulm. Il nous est difficile d’affirmer si les crédits alloués au plan d’accompagnement des restructurations sont suffisants ou non : ils s’élèvent à 82 millions d’euros environ pour les personnels civils et à 113 millions d’euros pour les personnels militaires, soit un total de 195 millions d’euros. Si nous avons discuté des modalités de ce plan – plus avantageux que ce qui se fait normalement dans la fonction publique –, nous aurions préféré que cette somme serve à préserver l’emploi au sein du ministère plutôt qu’à réduire les effectifs.

Quant à l’Europe de la défense, elle n’existe tout simplement pas – c’est d’ailleurs généralement navré et les bras ballants que l’on observe les situations internationales et surtout l’incapacité de l’Europe à réagir aux crises dramatiques actuelles. Cela étant, nous y sommes bien sûr favorables. Et nous sommes nous aussi membres de la Confédération européenne des syndicats, dont nous constituons l’une des organisations fondatrices. Notre syndicat est donc par définition particulièrement attaché à la construction européenne. Mais entendons-nous bien : la façon dont elle est mise en œuvre depuis plusieurs décennies ne correspond en rien à ce que nous souhaitons ! Avant d’instituer une Europe de la défense ou de l’industrie, soyons déjà en mesure de fonder une Europe sociale – ce qui suppose une harmonisation des normes sociales et de la fiscalité.

J’entends bien qu’il faille partager nos fonctions de soutien et ainsi faire progresser l’Europe de la défense, mais nous ne souhaitons pas non plus que celle-ci entraîne un sacrifice des personnels civils de notre ministère sur l’autel de Bruxelles, comme c’est le cas dans d’autres secteurs d’activité dans notre pays. Et si l’édification d’une industrie de défense à l’échelle européenne n’a d’autre but que de favoriser des alliances capitalistiques, cela ne nous intéresse pas non plus ! L’exemple des drones illustre la nécessité de former des alliances pour être capable de fournir une offre face à l’industrie écrasante des États-Unis. Mais cela ne peut se payer par des sacrifices pour l’industrie française !

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie d’autant que je ne suis pas en total désaccord avec votre propos.

M. Laurent Tintignac, secrétaire national Ouvriers de l’État de l’UNSA-défense. En matière d’accompagnement social des restructurations, nous nous trouvons face à un paradoxe. Car il est forcément excessif d’y consacrer 195 millions d’euros et nous préférerions que cet argent serve à créer de l’emploi plutôt qu’à le sacrifier. Mais dans le même temps, chaque fois qu’il y a accompagnement social, on le considère comme concrètement insuffisant pour soutenir nos agents au quotidien. Sur ce point particulier, nous souhaiterions d’ailleurs que l’ensemble des agents civils percevant des indemnités de départ volontaire (IDV) puissent bénéficier du même régime de fiscal que celui des ouvriers de l’État.

Quant à la question de l’Europe de la défense, elle nous renvoie systématiquement à celle de la souveraineté de la nation française. Et la balle est le plus souvent dans le camp des politiques. Car dans le cadre des programmes d’armement européens, chaque pays a tendance à vouloir sa propre acquisition patrimoniale et à éviter de partager. Vous avez indiqué, Madame la présidente, que dès lors qu’il y aurait des programmes européens, il faudrait aussi partager le soutien. Sauf qu’en réalité aujourd’hui, on ne le partage pas : on le délocalise ! C’est ainsi que l’on assiste à une course au moins-disant et que certains pays font dans le low cost industriel, profitant de la capacité industrielle des établissements de la Défense nationale pour augmenter leurs parts de marché sur certains matériels. Non seulement cela représente une difficulté pour le SIAé et le SMITer mais encore une fois, cette politique du moins-disant au niveau européen conduit à la délocalisation d’emplois hors de notre pays – sachant que le ministère de la Défense a créé lui-même les outils pour l’assumer. Il s’agit là d’un point sur lequel nous souhaiterions que l’ensemble des parlementaires réagissent.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous vous avons entendu.

M. Francis Dubois. Concernant le plan d’accompagnement des restructurations, j’ajouterai à la liste des agents qui devraient bénéficier d’une équivalence de traitement fiscal les personnels contractuels. Et je consacrerai un point particulier aux personnels d’Île-de-France : depuis les premières lois de décentralisation, le code général des impôts exonère certaines indemnités afin d’inciter les agents à faire leur mobilité en province. Or, par exception, les indemnités perçues par les personnels subissant des restructurations en région parisienne sont, elles, assujetties à l’impôt. Il serait donc souhaitable de lever cette dérogation.

En matière de défense européenne, nous n’avons pas le choix ! Les coûts de développement exorbitants des programmes d’armement ne pouvant plus être supportés par des États seuls, il nous faut absolument coopérer, sinon l’outil de défense français s’effondrera. Cela étant, il ne faudrait pas que l’on aboutisse à produire du low cost, tant pour la fabrication que pour le maintien en condition opérationnelle.

M. Yves Naudin. Nous souhaiterions un accompagnement des restructurations qui soit plus ambitieux en termes de mobilité. Nous avions également déjà évoqué sous la précédente législature la nécessité de défiscaliser les IDV pour les fonctionnaires au même titre que pour les ouvriers de l’État et les personnels militaires victimes de restructurations. Toujours sous l’angle de l’égalité de traitement, il conviendrait aussi de mettre fin à l’interdiction, pour le personnel civil restructuré ayant touché l’IDV, de concourir à un emploi public pendant cinq ans, dans la mesure où l’article L. 4139-3 du code de la défense l’autorise pour les personnels militaires.

Concernant l’Europe de la défense, vous paraît-il normal d’imposer les mêmes critères de Maastricht à des pays de grande tradition de défense, tels que le nôtre ou tels que le Royaume-Uni et l’Allemagne, et aux pays de taille modeste n’ayant qu’un petit effort de défense à assurer mais qui sont néanmoins heureux, pour l’image de l’Europe, que la France soit en première ligne, usant et abusant de son propre matériel au profit de la collectivité européenne ? Le Conseil européen de décembre pourrait être l’occasion pour les chefs d’État et de gouvernement européens d’inviter la Commission de Bruxelles à y regarder à deux fois avant d’imposer les mêmes critères de convergence à tous les pays concernés.

Enfin, compte tenu de la carte des centres de recherche et d’essais européens en matière d’armement, nous ne serions pas surpris que ceux-ci fassent l’objet d’une rationalisation, sachant que la France est en pointe en ce domaine. Or nous souhaitons préserver cet outil de travail au profit de notre architecte de la défense – la DGA.

Mme la présidente Patricia Adam. Messieurs, je vous remercie. Je souhaite que nous puissions vous rencontrer régulièrement, ainsi que nous avons commencé à le faire depuis le début de cette législature.

La séance est levée à dix heures trente.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Nicolas Bays, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Christophe Guilloteau, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Pierre Maggi, Mme Sylvie Pichot, Mme Émilienne Poumirol, M. Joaquim Pueyo

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Olivier Audibert Troin, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Candelier, M. Bernard Deflesselles, M. Yves Foulon, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. François de Rugy, M. Jean-Michel Villaumé