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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 8 octobre 2014

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 10

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition de M. Philippe Errera, directeur chargé des affaires stratégiques, sur le projet de loi de finances pour 2015.

La séance est ouverte à dix-huit heures trente.

Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le directeur, soyez le bienvenu. Le programme 144, dont vous avez la responsabilité, comprend notamment les crédits dédiés aux études amont, et donc la préparation de l’avenir : son évocation nous permettra donc de prendre un peu de hauteur par rapport aux considérations pratiques.

M. Philippe Errera, directeur chargé des affaires stratégiques. C’est toujours un privilège pour le directeur chargé des affaires stratégiques (DAS) de s’exprimer devant votre commission, en particulier dans le cadre de ses fonctions de responsable du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » qui, comme vous le savez, traduit en termes d’organisation budgétaire toute l’importance donnée à la fonction stratégique « Connaissance et anticipation ».

La mise en œuvre des réformes de la gouvernance du ministère aura plusieurs impacts sur ce programme en 2015, notamment la réforme de la fonction personnel et la réorganisation de la fonction relations internationales et stratégie.

Dans le cadre la rénovation des principes et des modalités de gestion de la masse salariale évoquée devant vous par le ministre le 1er octobre dernier, la réforme de la fonction personnel, effective à partir du 1er janvier 2015, aura en pratique deux conséquences pour le programme 144 : une conséquence financière puisque ce programme, comme tous les autres du ministère, ne disposera plus, à compter du 1er janvier prochain, d’aucun crédit de titre 2 en raison du transfert de la masse salariale des différents programmes LOLF – loi organique relative aux lois de finances – vers le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » placé sous la responsabilité du secrétariat général pour l’administration, le SGA ; une réorganisation de la gestion et du suivi des effectifs, qui relèveront désormais d’une concertation entre les employeurs des agents et les budgets opérationnels de programme (BOP) de gestion. Pour des raisons de confidentialité, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) maintiendra son propre dispositif.

Les relations internationales et la stratégie font partie des cinq domaines prioritaires de la réforme de la gouvernance du ministère. Dans la continuité des décisions prises en juillet 2013 et à l’issue de travaux internes au ministère, le ministre a statué en avril dernier sur les missions et les ressources de la future direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). Celle-ci assumera certaines missions jusqu’alors exercées par l’état-major des armées (EMA) et la direction générale de l’armement (DGA) dans le domaine des relations internationales. Présenté aux instances de concertation internes au ministère le 29 septembre dernier, le projet de décret portant organisation de la future DGRIS est actuellement à Matignon. Cela aura aussi un impact sur l’architecture budgétaire du programme 144.

Je rappellerai brièvement les priorités fixées par le Livre blanc de 2013 et la loi de programmation militaire (LPM) pour le programme 144, avant de présenter les grands axes du PLF s’agissant de ce dernier ; enfin, j’aborderai la fin de gestion de l’exercice 2014, dont les conditions d’exécution influent naturellement sur le budget de 2015.

Comme le souligne le Livre blanc de 2013, « la fonction connaissance et anticipation a une importance particulière parce qu’une capacité d’appréciation autonome des situations est la condition de décisions libres et souveraines ». Cette fonction stratégique recouvre notamment le renseignement et la prospective, soit les deux grandes missions du programme 144.

La LPM accorde des crédits élevés aux deux missions du programme 144, en particulier à travers les études amont et le renforcement des services de renseignement, DGSE et direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), en termes d’effectifs et d’investissements, tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

La LPM permet le maintien d’un effort substantiel en matière de recherche et technologie à travers les ressources consacrées aux études amont, dotées en moyenne de 730 millions d’euros par an sur la période 2014-2019. Ces ressources traduisent notre volonté de garantir l’effort de recherche et de consolider la base industrielle et technologique de défense française. Le Gouvernement entend ainsi maintenir à un niveau élevé les moyens dévolus à la maîtrise des capacités technologiques et industrielles, qui constituent l’un des fondements de notre autonomie stratégique.

Priorité est aussi donnée, dans le cadre de la LPM, aux moyens du développement de nos capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement. Cette priorité se traduit également par un renforcement des moyens et des crédits affectés au programme 146 pour les équipements – tels que les drones – et au programme 178 pour la direction du renseignement militaire (DRM), et par un effort d’investissement majeur dans de nombreux domaines : le renforcement des ressources humaines des services de renseignement mais aussi, au-delà du renseignement d’origine humaine (ROHUM), l’amélioration des capacités techniques de recueil ainsi que des moyens d’exploitation dans les cinq milieux que sont l’espace extra-atmosphérique, l’air, le cyberespace, la terre et la mer. Les capacités de maîtrise et de traitement de l’information sont également développées et les effectifs renforcés, en termes quantitatifs mais aussi qualitatifs, le niveau de compétence des agents étant ajusté aux besoins induits par la mise en œuvre de ces équipements et l’analyse de flux d’informations accrus.

En dépit de ces ambitions réaffirmées, le programme 144 est évidemment impliqué dans les efforts de maîtrise budgétaire du ministère. Ils se concentrent tout d’abord sur les lignes de fonctionnement des services de renseignement, même si l’on observe une hausse des dépenses liées à la construction, à la modernisation et à l’adaptation des locaux dans le cadre de l’accueil des nouveaux moyens techniques et des effectifs supplémentaires de la DGSE. Ces efforts visent aussi les ressources accordées aux opérateurs, qu’il s’agisse des écoles de la DGA ou de l’office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), qui verront leurs subventions baisser, dans des proportions mesurées, sur la période de la LPM, conformément à la politique générale du Gouvernement vis-à-vis des opérateurs de l’État.

Malgré ce contexte de contraintes budgétaires, les priorités du ministère ont été préservées en matière de connaissance et d’anticipation : le programme 144, cette année, en témoigne.

S’agissant du PLF pour 2015, le détail des demandes de crédits exprimées par le programme dans le projet annuel de performance (PAP) vient d’être déposé sur le bureau des assemblées. Je vous présenterai donc les points les plus marquants du prochain exercice : le regroupement du titre 2 au programme 212 ; les évolutions de l’architecture du programme 144 – hors titre 2 – liées à la réorganisation de la fonction relations internationales (RI).

L’un des points clefs de la nouvelle architecture budgétaire réside dans la localisation de toute la masse salariale du ministère au sein du programme 212. La rationalisation du suivi des dépenses de personnel et la recherche d’une réduction des déficits de gestion enregistrés les années précédentes sont au cœur des ambitions de cette réforme.

Le programme 144 générera, au terme du présent exercice, un excédent de gestion de 18,4 millions d’euros sur le titre 2 – réserve de précaution levée. Les moindres dépenses tiennent surtout aux rémunérations des agents, en particulier pour la DGA et la DGSE, BOP pour lesquels on constate un écart prévisionnel entre les effectifs moyens rémunérés en fin d’exercice et la cible initiale : cela s’explique en partie par les difficultés, pour la DGSE, de recruter des agents aux niveaux de qualification requis.

La DPSD achèvera la gestion de l’exercice 2014 en ayant consommé la quasi-totalité de son enveloppe budgétaire : cela lui aura permis de recruter le nombre de cadres civils requis par l’orientation de ses missions et le développement de ses systèmes d’information. Les dépenses sont aussi conformes aux prévisions pour la partie du programme 144 relative à la rémunération des agents de l’EMA spécialisés dans la diplomatie bilatérale de défense.

Il en ira différemment en 2015 avec le transfert du titre 2 vers le programme 212. Les employeurs, y compris la future DGRIS et la DPSD, réaliseront par conséquent leur ressource physique en concertation avec les BOP gestionnaires – armées ou services.

Hors titre 2, le programme 144 se voit doté, dans le PLF pour 2015, de 1 350 millions d’euros en autorisation d’engagement (AE) et de près de 1 334 millions d’euros en crédits de paiement (CP), en augmentation, respectivement, de 1,28 % et de 0,08 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

La nomenclature du programme 144 se compose de trois actions : l’action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » ; l’action 7 « Prospective de défense » ; l’action 8 « Relations internationales et diplomatie de défense ». Cette dernière action a évolué dans son périmètre et son libellé, qui traduisent les réformes en cours de la fonction RI : certaines missions jusqu’alors partagées par des entités diverses – DAS, DGA et EMA –, seront en effet regroupées au sein de la future DGRIS, chargée d’assurer la cohérence et la mise en œuvre de la ligne politique fixée par le ministre en matière internationale et stratégique.

La réaffirmation du rôle central du renseignement se traduit, pour l’action 3, par une augmentation des ressources en CP de plus de 2 %. L’objectif de cette hausse est de satisfaire les nouveaux besoins liés à l’augmentation des effectifs, à la mise en œuvre de nouveaux équipements techniques, à l’analyse de flux d’informations accrus et à la cyberdéfense. Un effort d’investissement significatif est ainsi consenti, qui se traduit par un accroissement des dépenses programmées sur l’agrégat « Équipement » de plus 52 % en AE et de plus 3 % en CP. Cet effort est à mettre en rapport, notamment, avec l’augmentation des crédits d’équipement liés aux commandes du système de renseignement par satellite CERES et d’un deuxième système de drones MALE – moyenne altitude longue distance – Reaper.

L’action 7 est, en volume, la plus importante du programme 144 ; elle recouvre l’ensemble de l’analyse prospective, domaine essentiel de la fonction stratégique « Connaissance et anticipation », et se décompose en quatre sous-actions, qui elles-mêmes déclinent les trois catégories d’études de défense : les études prospectives et stratégiques (EPS), les études opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO) et les études amont (EA), principale composante du programme en matière de prospective.

La sous-action 7.1 « Analyse stratégique » finance principalement les études prospectives et stratégiques commandées à des instituts de recherche afin de répondre aux besoins d’expertise des différents organismes du ministère dans les domaines politico-militaires, géopolitiques, économiques et sociaux. Si les EPS constituent le volet le plus visible de la mission de la DAS, la sous-action 7.1 recouvre également une contribution au renforcement de la visibilité de l’action prospective à travers le budget d’étude de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), les subventions à la publication ou le programme « Personnalités d’avenir défense ». Cette sous-action représente, en 2015, 6,12 millions d’euros en AE et en CP, soit une stabilité en AE et une baisse de 12 % en CP.

La sous-action 7.2 « Prospective des systèmes de forces » regroupe les activités destinées à identifier les besoins opérationnels, à orienter et à exploiter les études de défense pour éclairer les choix ultérieurs en matière de capacités opérationnelles. Elle est donc un instrument essentiel pour la planification et la programmation. Il s’agit principalement des études opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO) éclairant les réflexions en matière d’équipement et d’emploi des forces. Pilotées par l’EMA, ces études identifient les besoins militaires afin de préparer les opérations d’armement en conséquence. Leur budget, en 2015, se monte à 20,81 millions d’euros ; il reste donc stable par rapport à 2014.

Les sous-actions 7.3 et 7.4 forment l’agrégat « Recherche et Technologie » ; à l’enveloppe allouée aux études amont s’ajoutent les subventions de recherche et technologie qui, avec un montant de 863,7 millions d’euros, restent stables par rapport à 2014.

Depuis 2014, la gouvernance des études amont est assurée, au sein du ministère, sur la base d’une segmentation de la recherche scientifique et technologique en agrégats sectoriels présentant une cohérence accrue en termes d’objectifs capacitaires, industriels et technologiques. De ce fait, les crédits ne sont plus répartis par systèmes de force mais par domaines sectoriels – aéronautique et missiles, information et renseignement ou secteur naval.

En cohérence avec la LPM, de nouvelles orientations pour les travaux de science, recherche, technologies et innovation (S&T) au sein du ministère ont été approuvées par le ministre au premier semestre 2014. Elles sont détaillées dans le document d’orientation des travaux de S&T pour cette période.

Les études représenteront, en 2015, 55 % du volume financier du programme 144, soit respectivement 743 millions d’euros en AE et 739 millions en CP. Les crédits qui leur sont associés sont en légère diminution, de moins de 1 % en CP par rapport à l’année dernière.

J’en viens au régime d’appui pour l’innovation duale (RAPID), mis en place en 2009 pour les PME et étendu en 2011 aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) : dans le cadre du pacte Défense-PME mis en place en 2013, les crédits qui lui sont consacrés ont été augmentés de 25 % en trois ans. Le montant programmé du dispositif s’élève donc à 50 millions d’euros en 2015, contre 45 millions en 2014.

La sous-action 7.4 « Soutien et subventions » recouvre les subventions octroyées aux opérateurs qui participent à des études et des recherches en matière de défense. Il s’agit des subventions pour charges de service public des écoles de la DGA – Polytechnique, École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA), ENSTA Bretagne et Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE) – ; s’y ajoutent, à partir de 2015, les ressources correspondant à la masse salariale des élèves de l’« X ». Ces subventions relèvent, depuis 2014, des dépenses de fonctionnement hors effort de R&T, auquel elles ne sont donc plus imputées. Les subventions relevant de la sous-action 7.4 sont, d’autre part, celles versées à l’ONERA et à l’Institut Saint-Louis, qui, elles, sont comptabilisées en R&T.

La dotation globale de cette sous-action représente, en 2015, 264,2 millions d’euros en AE et en CP ; à périmètre constant – et compte tenu du versement, en gestion, de 7 millions supplémentaires à l’ONERA en 2015 –, elle est donc en hausse de 2,4 % par rapport à 2014.

Ainsi corrigée, l’évolution programmée des dépenses de fonctionnement de l’action 7 satisfait les objectifs d’économies décidées en programmation budgétaire triennale 2015-2017 pour les opérateurs de l’État et se traduit, à périmètre constant, par une diminution de 2 % des subventions pour charges de service public versées aux établissements publics sous tutelle.

Quant à l’action 8, son périmètre a été réduit aux seuls crédits des actions de coopération et d’influence internationales après la suppression de la sous-action « Soutien aux exportations », dont les crédits de promotion des exportations sont transférés au programme 146. Le périmètre des crédits destinés à la fonction relations internationales comprendra donc en 2015 le financement des actions de coopération internationale : aide versée par la France au Gouvernement de la République de Djibouti ; crédits couvrant la part française du budget de fonctionnement de l’Agence européenne de défense (AED) ; contribution du ministère de la Défense aux actions de coopération bilatérales et multilatérales, notamment dans le cadre du partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes (PMG8) ; enfin, participation française aux actions liées à l’élimination des mines anti-personnel.

L’action 8 recouvre également les crédits d’activité de la nouvelle DGRIS – pour les dépenses de déplacement, de représentation et de documentation spécialisée – et les crédits de fonctionnement – auparavant répartis entre l’EMA et la DGA – des postes permanents à l’étranger (PPE).

En crédits de paiement, le budget de cette action se monte à 35 millions d’euros, chiffre comparable, à périmètre constant, à celui de 2014. Cette stabilité tient en premier lieu à celle de la contribution versée au Gouvernement de la République de Djibouti, en second lieu aux mesures structurelles d’économies portant sur les dépenses de fonctionnement courant des missions de défense – puisque la diminution des PPE compense la hausse des frais de déplacements et de missions qu’elle induit –, et, enfin, à la stabilité de la participation du ministère au PMG8, ramenée depuis 2014 à environ un million d’euros par an.

J’en viens à la fin de gestion 2014, qui conditionne naturellement l’entrée dans l’exercice 2015 et la poursuite des objectifs de la LPM. S’agissant du titre 2, le programme 144 devrait, selon les prévisions les plus récentes, dégager un excédent de 18,4 millions d’euros. Cela facilitera, en 2015, l’entrée en gestion des anciennes structures et la poursuite des objectifs fixés par la LPM en termes de recrutement pour les fonctions renseignement et cyberdéfense.

Hors titre 2, le programme 144 devrait engager, cette année, environ 1 340 millions d’euros – chiffre provisoire – et payer 1 332,7 millions, réserve comprise. Cette dernière représente cependant une hypothèque sur la ressource, donc sur le niveau de consommation, à hauteur de près de 84 millions en AE et en CP.

Comme les années précédentes, l’enjeu de la fin de gestion 2014 réside donc, pour les paiements, dans la levée de la réserve organique. Une levée complète de la réserve permettrait de diminuer le report de charges sur 2015 de près de 25 millions d’euros par rapport à 2014 ; à l’inverse, en cas d’annulation de l’intégralité de la réserve, le report de charges serait accru de près de 60 millions, préemptant une partie des ressources ouvertes au PLF pour 2015. Cette aggravation du report de charge pourrait compromettre la soutenabilité à moyen terme des investissements dans la recherche et le renseignement, partant l’exécution de la LPM dans ces domaines. C’est là un grave sujet de préoccupation.

Parce qu’il concentre l’essentiel de la fonction stratégique « Connaissance et anticipation », le programme 144 confère à la Défense les justes moyens d’une appréciation aussi complète et autonome que possible de notre environnement international. Il permet aussi d’assurer la bonne articulation entre l’expression des besoins stratégiques et la construction de programmes d’armement adaptés. L’enveloppe dévolue par la LPM permet de répondre à cette ambition, et le PLF pour 2015 s’inscrit dans la même perspective.

M. Nicolas Dhuicq. Au-delà de cette avalanche de chiffres déjà consignés dans le projet annuel de performance, sur combien de traducteurs supplémentaires pourra-t-on compter dans le domaine du renseignement, en particulier pour le fārsi ?

L’achat de nouveaux algorithmes est-il envisagé pour éviter le « syndrome de la Stasi », en d’autres termes la prolifération de données non traitées ?

Enfin, quelles sont les zones prioritaires ?

M. Philippe Nauche. Quelles sont les spécialités dans lesquelles la DGSE peine à trouver les profils adéquats ?

La DGRIS succédera bientôt à la DAS : qu’est-ce que cela changera pour vous ? Comment voyez-vous l’évolution de cette grande direction ? Quelles pourront être, sur des sujets communs, ses relations avec la DGA et avec le Quai d’Orsay ?

Mme la présidente Patricia Adam. Quels sont les thèmes de vos études amont en matière technologique et industrielle ?

M. Nicolas Dhuicq. Et notamment quid de l’hypervélocité ?

Mme la présidente Patricia Adam. Y a-t-il des réflexions en cours sur les écoles de la Défense, au vu notamment de la réduction du nombre d’officiers ? Envisage-t-on, par exemple, d’ouvrir le recrutement hors du champ militaire ? Votre direction s’est-elle penchée sur le cas de l’École polytechnique, à laquelle M. Cornut-Gentille a consacré un rapport ? L’ENSTA, par exemple, a progressivement ouvert son recrutement à de futurs ingénieurs civils.

Qu’en est-il de l’évaluation du programme RAPID, dont nous avons le sentiment qu’il fait ses preuves sur le terrain ?

Enfin, la diplomatie parlementaire vous paraît-elle nécessaire ? Envisagez-vous de l’associer à vos travaux ?

M. Philippe Errera. S’agissant du nombre de traducteurs, notamment en fārsi, je vous invite à interroger la DGSE, qui pourra vous donner si elle le souhaite des éléments plus précis.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous pouvons en effet, pour ce type de question, passer par la délégation parlementaire au renseignement (DPR).

M. Philippe Errera. Les difficultés de recrutement se rencontrent surtout dans les spécialités telles que la cyberdéfense qui, malgré le relèvement des moyens programmé par le Livre blanc de 2008 et plus encore de 2013, se caractérisent par une ressource rare et une demande croissante, compte tenu de l’augmentation de la menace ; c’est là un sujet majeur, non seulement pour la DGSE, mais aussi pour l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, et pour les entreprises.

Quant à la création de la DGRIS, les travaux préparatoires internes au ministère ont été achevés et les arbitrages rendus cet été. Un projet de décret fixe les missions, l’organisation et le mandat de cette future direction générale ; la modification des attributions du chef d’état-major des armées (CEMA) et du délégué général pour l’armement (DGA) a fait l’objet de concertations en interne, y compris avec les organisations syndicales en comité technique ministériel, fin septembre.

Le texte a été transmis au Secrétaire général du gouvernement pour recueillir les contreseings, et soumis pour avis aux autres ministères concernés ; le directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères a déjà fait savoir qu’il l’approuvait, moyennant quelques ajustements mineurs, qui nous conviennent très bien. Pour répondre à votre question donc, le ministère des Affaires étrangères ne voit pas la future DGRIS comme un instrument qui empiéterait sur ses propres compétences, mais comme un outil permettant d’améliorer l’efficacité de notre action internationale. La réforme améliorera la cohérence de cette action, et elle se fait, je le rappelle, à périmètre constant pour le ministère de la Défense.

Dès l’origine, il a été décidé que la mission de soutien aux exportations resterait, selon moi avec raison, de la responsabilité de la DGA. Le transfert des équipes internationales vers la DGRIS aurait au demeurant distendu leurs liens avec les équipes dévolues aux programmes, alors même que ces liens garantissent l’adéquation des produits à la demande. La réforme ne bouleversera donc pas les relations avec la DGA : elle fluidifiera les échanges grâce au transfert des personnels de la sous-direction de la coopération et du développement européen et par la désignation, dans le nouvel organigramme, de référents de la DGA. Si le succès des exportations passe par l’adéquation aux besoins, il suppose aussi une relation politique dense avec les partenaires considérés.

M. Philippe Nauche. Qui assurera la cohérence des orientations politiques entre la DGA, le Quai d’Orsay et la DGRIS ?

M. Philippe Errera. Le futur responsable de la DGRIS veillera au respect de la cohérence de la ligne politique d’ensemble fixée par le ministre s’agissant de l’action internationale du ministère ; les éventuelles divergences peuvent bien entendu se régler en amont par le dialogue ; si elles subsistent – ce qui est rare –, il appartiendrait au ministre ou à son cabinet de se prononcer, de manière tout à fait classique. Une instance clé dans ce processus de partage d’information et d’élaboration des orientations : le comité ministériel sur les exportations de défense. Présidée par le directeur de cabinet du ministre, cette instance réunit à peu près tous les mois et demi notamment le DGA, le CEMA, et le DAS, ainsi qu’un représentant du Quai d’Orsay qui peut ainsi s’assurer de la convergence des orientations ; de son côté, le ministre réunit régulièrement un comité exécutif, le Comex, où sont évoqués des sujets généraux ou spécifiques, y compris ceux touchant aux exportations.

C’est peut-être dans l’évolution des relations avec l’EMA que la réforme va le plus loin. Le CEMA restera bien entendu responsable des relations internationales militaires, avec l’aide d’un officier général qui en est responsable, mais la suppression de la sous-chefferie « relations internationales » et la diminution des personnels affectés à ce secteur au sein de l’état-major déplaceront le centre de gravité vers la DGRIS, à laquelle incomberont la cohérence de l’ensemble et le cadrage politique des coopérations militaires.

En tout état de cause, la réussite de cette réforme passe d’abord par les échanges et le travail au quotidien ; quels que soient les textes, c’est au niveau de la confiance et de l’échange entre les hommes que tout se noue. De ce point de vue, ma confiance va croissant car, au sein de l’EMA comme de la DGA, émerge l’idée que la DGRIS ne sera pas une DAS renforcée, mais bien une instance qui, alimentée par la contribution de chacun, sera mise à leur disposition comme à celle du ministre. Quant aux études amont, madame la présidente, je vous transmettrai une liste illustrative, ainsi que le document d’orientation S&T pour la période 2014-2019. Je puis néanmoins énumérer quelques-uns des principaux agrégats : l’aéronautique de combat ; les missiles et les bombes ; le combat naval et la lutte sous-marine ; le positionnement par satellite ; le renseignement et la surveillance ; la cybersécurité.

La tutelle des écoles de la Défense, M. Cornut-Gentille l’a rappelé, est exercée non par la DAS mais par la DGA.

Mme la présidente Patricia Adam. Mais la réflexion prospective est de votre ressort, et c’est précisément ce qui nous intéresse, au-delà du fonctionnement actuel de ces écoles, au sujet duquel nous disposons de toute l’information souhaitable.

M. Philippe Errera. Nous menons avec elles des programmes de prospective que nous pouvons approfondir.

Mme la présidente Patricia Adam. Ce n’est pas le sens de ma question : je veux parler du devenir de ces écoles compte tenu de la situation que je rappelais. Auront-elles moins d’élèves ? Le recrutement sera-t-il diversifié ? Des partenariats seront-ils signés ? C’est là une réflexion qui, au-delà de la DGA, concerne aussi les états-majors.

M. Nicolas Dhuicq. Les observations pertinentes de Mme la présidente tiennent au fond en une question : à quoi servez-vous et quelle pensée produisez-vous ? Je m’interroge notamment sur le maintien d’une culture et d’un modèle français, y compris dans le domaine scientifique : voilà ce à quoi l’on souhaite que vous réfléchissiez. Les agrégats que vous avez cités, tout le monde les connaît. Les recherches sur l’hypervélocité, les nanotechnologies ou le graphène vous intéressent-elles ? À défaut de réponse, en écoutant France culture nous en savons autant.

M. Philippe Errera. Le ministre n’a pas confié cette réflexion à la DAS, qui serait d’ailleurs bien en peine de la nourrir puisqu’elle ne siège pas dans les conseils d’administration desdites écoles. Il appartient à d’autres, notamment au DGA et au SGA, de vous répondre sur ce point.

La diplomatie parlementaire est indispensable, en particulier avec ceux de nos alliés dont les responsables parlementaires jouent un rôle politique majeur dans les domaines de la défense et des affaires étrangères : je pense, par exemple et entre autres, à l’Allemagne, au Royaume-Uni et à la Pologne. J’espère que l’appui du ministère, en particulier de la DAS, vous est utile à cet égard ; nous nous tenons en tout cas à votre disposition pour aller plus avant en matière de prospective, notamment avec les pays où les tensions politiques au sein des assemblées parlementaires ont des conséquences politiques pour l’exécutif. De ce point de vue, les actions que vous pouvez mener pour expliquer nos objectifs et nos priorités sont bien entendu très utiles.

Mme la présidente Patricia Adam. Une rencontre est prévue en début d’année prochaine avec nos homologues allemands, qui sont bien entendu des partenaires indispensables.

Je vous remercie par ailleurs de nous transmettre le détail de vos données sur le programme RAPID.

M. Nicolas Dhuicq. S’agissant des algorithmes, quelle est, au-delà des chiffres logiquement confidentiels, votre réflexion sur la gestion des données ?

M. Philippe Errera. Elle n’est évidemment pas nouvelle. Dans le domaine du contre-terrorisme, la DGSE et l’ex-direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ont créé des plateformes communes afin d’assurer un meilleur traitement des données. Sur la question plus précise des nouveaux algorithmes, je vous invite, là aussi, à interroger la DGSE.

Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le directeur, je vous remercie.

La séance est levée à dix-neuf heures trente.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Nicolas Dhuicq, Mme Marianne Dubois, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Christophe Guilloteau, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Pierre Maggi, M. Damien Meslot, M. Philippe Nauche, M. Philippe Vitel

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Candelier, M. Jean-David Ciot, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Michel Voisin