Accueil > Travaux en commission > Commission de la défense nationale et des forces armées > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 15 octobre 2014

Séance de 8 heures

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Philippe Nauche, vice-président

— Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les mesures de lutte contre le risque terroriste.

La séance est ouverte à huit heures.

M. Philippe Nauche, président. Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui Monsieur le ministre de l’Intérieur, ancien membre de notre commission, qui vient nous présenter les mesures prises pour faire face au risque terroriste sur notre sol national. Cette audition me semble particulièrement importante, du fait du continuum qui existe aujourd’hui entre notre sécurité extérieure et notre sécurité intérieure.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Je tiens à souligner que le risque que vous évoquez est à la fois réel et sérieux.

Si ce risque est réel et sérieux, c’est d’abord du fait de la situation internationale, avec notamment le développement de Daech. En effet, non seulement ce mouvement commet les crimes que nous savons en Syrie et en Irak, mais son expansion est la cause de flux migratoires intenses : une grande partie des personnes qui quittent la région pour la France fuient les violences de Daech. De plus, paradoxalement, plus ce mouvement est violent, plus est grande l’attractivité des groupes terroristes pour des ressortissants européens. Or la situation internationale est d’autant plus préoccupante qu’il n’y a pas que la Syrie et l’Irak qui soient touchés : les terroristes profitent également de la déréliction de l’État libyen pour étendre leur emprise sur la bande sahélo-saharienne, où l’on trouve une myriade de groupes terroristes – Boko Haram, Ansar al Charia, Al Qaïda au Maghreb islamique, etc. –, qui n’ont pas tous des liens entre eux, mais qui, tous, constituent des foyers d’instabilité et des recruteurs potentiels de ressortissants européens tentés par le terrorisme.

Mais si je qualifie le risque de réel et sérieux, c’est aussi en raison du nombre d’Européens engagés dans les groupes terroristes, non seulement pour commettre des crimes sur leurs théâtres d’action, mais aussi pour déstabiliser nos États. Il est par nature difficile d’en faire un recensement extrêmement précis, mais nous disposons d’ordres de grandeur fiables. Ainsi, on compte environ 10 000 étrangers parmi les 50 000 membres de Daech. Sur ces 10 000 étrangers, 2 000 sont européens – les autres viennent du reste du monde : Maroc, Tunisie, mais aussi Australie, États-Unis, etc. Parmi les pays européens, la France est particulièrement concernée, avec 1 000 ressortissants environ impliqués dans Daech. Mais il faut être précis quand on avance un tel nombre. Sur ces 1 000 ressortissants français, 350 environ sont déjà sur le théâtre des opérations (leur effectif ayant augmenté de 70 % depuis le début de l’année), 190 sont sur le chemin du retour (une centaine d’entre eux a déjà rallié le sol national), 185 seraient actuellement en transit pour le Proche-Orient, et les autres sont encore en France, mais ont manifestement l’intention de se rendre un jour sur le théâtre. Il s’agit donc de personnes qui sont dans des situations différentes, mais qui ont tous un intérêt pour les groupes terroristes. Par son ampleur, le phénomène est inédit.

Ceux qui reviennent du Proche-Orient sont particulièrement dangereux : toute digue psychologique est souvent tombée, de sorte qu’ils reviennent animés par le seul instinct de la violence.

Enfin, si je dis que le risque est réel et sérieux, c’est aussi parce que la situation est très différente de celles que l’on a connues dans les années 1980 ou 1990, lorsque le groupe islamique armé (GIA) agrégeait d’anciens combattants du djihad en Afghanistan : il s’agissait alors de groupes relativement fermés, alors qu’aujourd’hui, nous sommes passés à l’heure du « terrorisme en accès libre ». En effet, les groupes terroristes d’aujourd’hui mènent une propagande très soignée, utilisant toutes les techniques modernes de communication – Internet étant l’un de leurs principaux vecteurs de communication.

Face à ce risque, nous avons à nous armer, c’est-à-dire à prendre toutes les mesures nécessaires.

Ces mesures ne sont pas toutes d’ordre législatif : il ne faut pas que le projet de loi que le Sénat examine en première lecture aujourd’hui, après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, fasse oublier toute la dimension préventive de notre action. Nous avons en effet mis en place un « numéro vert », comme je l’ai annoncé en Conseil des ministres en avril dernier. Il permet aux familles de signaler les situations de risque, celles dans lesquelles un de leurs proches risque de basculer dans le terrorisme. En aval du recueil de ces « signaux faibles », tous les services publics concernés se mobilisent, suivant une procédure établie par une circulaire que j’ai cosignée avec la Garde des Sceaux. Ainsi, dans chaque département, est constitué autour du préfet et du procureur un groupe rassemblant toutes les administrations concernées : l’éducation nationale, les autorités sanitaires – pour l’aspect psychiatrique de certains cas – la protection judiciaire de la jeunesse, les services d’aide sociale à l’enfance des conseils généraux, etc. Ces groupes sont saisis de chaque cas signalé et chargés de l’accompagnement des familles. Leur activité fait l’objet d’un rapport hebdomadaire. Ce dispositif de prévention est moins médiatisé que le projet de loi que je défends, mais il n’en est pas moins important. Nous cherchons à en approfondir la dimension interministérielle, par exemple pour mieux traiter les tendances à la radicalisation de certains musulmans en prison – l’envoi d’aumôniers musulmans peut permettre de recadrer les choses.

S’agissant du projet de loi en cours d’examen, il poursuit plusieurs buts, sur lesquels je reviendrai rapidement.

D’abord, il vise à empêcher le départ des candidats au djihad. Contrairement à ce que certains responsables politiques non représentés au sein de cette commission peuvent dire, nous n’avons rien à gagner à laisser ces personnes partir au Proche-Orient : sauf dans le cas où ils auraient une nationalité étrangère, le droit international s’oppose à ce que nous leur interdisions de rentrer en France. Or, après un passage en Syrie ou en Irak, ils n’y reviendraient que dans un état de violence plus grand encore et n’en seraient que plus dangereux. C’est pourquoi nous souhaitons établir un régime d’interdiction administrative de sortie du territoire.

Il s’agit d’une mesure de police administrative visant à éviter un trouble à l’ordre public : loin d’être une mesure discrétionnaire, elle ne pourra être prise qu’au vu d’un dossier très fourni, à l’image par exemple de ce que l’on fait dans le cas des inculpations pour association de malfaiteur en lien avec une entreprise terroriste. Ce régime empiète-t-il sur les libertés publiques, comme certains le prétendent ? Non : il reste placé sous le contrôle du juge, en l’occurrence du juge administratif. Et il n’est qu’à se souvenir des arrêts Benjamin ou Canal pour se convaincre que celui-ci est autant que le juge de l’ordre judiciaire un gardien des libertés fondamentales. D’ailleurs, toute personne faisant l’objet d’une mesure d’interdiction administrative de quitter le territoire pourra en saisir en juge en la forme des référés, et celui-ci devra se prononcer sous 24 heures. Le requérant aura accès à l’entièreté du dossier – c’est d’ailleurs dans l’intérêt de l’administration elle-même que de présenter un dossier exhaustif, ne serait-ce que pour éviter de voir sa décision annulée par le juge.

Nous proposons également de bloquer les sites Internet les plus dangereux et apologétiques. Pourquoi est-ce que nous le faisons ? Tous les témoignages que nous recueillons, notamment celui de cette mère de famille dont nous avons accompagné le retour de Turquie vers la France de la fille, sont concordants sur ce point : les départs se font après une période d’enfermement de la personne sur Internet pendant plusieurs semaines, jusqu’au départ. Internet joue un rôle majeur dans la radicalisation, plus que la fréquentation de certaines mosquées.

C’est la raison pour laquelle la loi prévoit que, sous l’autorité d’une personnalité qualifiée et sous le contrôle du juge administratif, on puisse prendre des mesures de blocage de ces sites, dès lors que les contenus en question ne sont pas retirés par les opérateurs eux-mêmes. Le juge administratif, en référé, pourra naturellement faire connaître les droits de ceux qui s’estiment sanctionnés par ce blocage.

Le blocage des sites pose plusieurs défis. Le premier est celui de l’efficacité technique du blocage. Pour que ce dernier soit efficace, il faut que les dispositifs utilisés soient très intrusifs, donc attentatoires aux libertés publiques. Il y a trois modalités de blocage et nous n’avons pas l’intention d’utiliser celle qui est la plus intrusive. Si je prends cette mesure, c’est surtout pour sensibiliser les opérateurs. Même si nous n’utilisions que les méthodes les moins intrusives et que celles-ci nous permettent d’empêcher 20 % des départs, cela serait déjà remarquable en termes d’efficacité.

Par ailleurs, j’ai participé, avec mes homologues européens, à une réunion avec les opérateurs Internet à Luxembourg, le 8 octobre. Cette réunion était extrêmement intéressante. Les opérateurs Internet nous ont dit être très préoccupés par ce sujet et avoir déjà mis en place des polices internes pour couper eux-mêmes ces accès et nous ont invités à leur signaler les cas qui auraient pu leur échapper. Ils ont regardé le dispositif français avec beaucoup d’intérêt.

Le troisième point de la loi est la définition de l’entreprise individuelle terroriste. La loi de 1986, qui avait créé l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, n’est plus suffisante. Beaucoup de personnes, nous l’avons vu, se radicalisent toutes seules grâce à la fréquentation de différents sites Internet. Les juges anti-terroristes ont souhaité disposer de cette incrimination pénale nouvelle. Cela a suscité également quelques débats. Je tiens à préciser qu’il faudra plusieurs éléments – la fréquentation des sites, la détention d’armes, etc. – et c’est leur effet cumulatif qui fera entrer la personne dans le champ de l’incrimination pénale.

Je voudrais aborder un dernier point, sur les techniques que nous mettons à la disposition de nos services pour être plus efficaces : possibilité d’utiliser Internet pour intervenir sur un forum, sous pseudonyme, possibilité de faire des perquisitions, à distance, sur les Clouds, possibilité d’augmenter le temps de détention des interceptions de sécurité, pour pouvoir les décrypter plus facilement, etc. Tout cela fait l’objet, en contrepartie, d’un contrôle renforcé de la part de la CNCIS, pour préserver l’équilibre entre la sécurité et la liberté.

Je voudrais à présent aborder la dimension européenne et internationale de cette question.

Tout ce dispositif n’aurait aucun intérêt sans un renforcement de notre coopération avec nos partenaires européens. Je pense qu’il nous faut renforcer le système d’information Schengen. Cela a été acté au Conseil Justice et Affaires intérieures de la semaine dernière, nous allons mettre en place un signalement spécifique, « combattant étranger », dans le système d’information Schengen. Ce signalement spécifique est indispensable pour renforcer la traçabilité de ces combattants étrangers qui circulent au sein de l’Union européenne– et il serait, à cet égard, absurde de suspendre notre participation au dispositif de Schengen car nous ne verrions alors plus ces mouvements.

Il nous faut aussi mettre en place un système de connexion des fichiers de passagers européen. Si le PNR français sera opérationnel en 2015, le projet de PNR européen est actuellement bloqué par la commission Libertés du Parlement européen. Celle-ci souhaite en effet que ce projet de PNR soit discuté en même temps que la directive relative à la protection des données personnelles. Si je comprends cette position, je pense que l’on peut avancer plus rapidement sur ces deux sujets.

Voilà nos principaux combats. Nous avons évoqué ces sujets, avec mes homologues des différents pays européens, lors du dernier Conseil Justice et Affaires intérieures, et sommes parvenus à un accord. Nous sommes convenus d’aller, avec quelques-uns d’entre eux, expliquer ces enjeux à la commission Libertés du Parlement européen. Et nous en reparlerons lors de la réunion ministérielle du G6 du 6 novembre que je présiderai à Paris.

M. Philippe Nauche. J’ai une question sur la dimension préventive du dispositif. Si malgré celui-ci, quelqu’un quitte le territoire, quelles sont les conséquences pour lui, à son retour ? N’est-ce pas finalement une manière de mieux identifier ces personnes pour les interpeller plus efficacement à leur retour ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Qu’advient-il aux personnes que vous interceptez à leur retour, notamment les jeunes mineurs ? Est-ce que vous pouvez nous indiquer le nombre de signalements qui ont été faits depuis la création de la plate-forme de signalement ?

M. Jean-Jacques Candelier. Dans un avis rendu public, la commission nationale consultative des droits de l’homme appelle à la plus grande vigilance. Certaines mesures du projet de loi conduiraient à fragiliser l’État de droit : qu’en pensez-vous ? Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas saisi la commission nationale ?

M. Christophe Guilloteau. Je suis allé ce week-end dans un pays d’Afrique : on m’a pris en photo et relevé l’empreinte de mes dix doigts. À mon retour en France, on ne m’a rien demandé, je n’ai vu personne…

Ce qui me choque, ce ne sont pas tant les départs que les retours. On devrait se poser la question de savoir si certains doivent revenir. J’ai été surpris d’apprendre la semaine dernière, dans la presse, que quelqu’un demeurant dans ma circonscription avait été interpellé. J’aurais aimé être informé en amont par vos services, car cela suscite toujours beaucoup d’émotion auprès des élus et de la population.

J’ai une question plus technique. Le COS met à disposition des hélicoptères au 4e RHFS, qui les met à disposition du groupement interarmées d’hélicoptères de Villacoublay, et qui les remet à disposition du GIGN. Est-ce que le GIGN ne pourrait pas disposer de ses propres hélicoptères, pour des raisons de simplification budgétaire ?

M. Daniel Boisserie. Tout le monde est conscient des dangers qui nous guettent et il faut saluer le travail remarquable de vos services, de la police, de la gendarmerie. Mais l’État ne peut pas tout faire. Il y a des installations très sensibles, très vulnérables. On pourrait peut-être mettre en place des dispositifs d’alerte, de sécurisation de ces sites – châteaux d’eau, écoles, centrales nucléaires. Est-ce qu’il n’y a pas des mesures à faire prendre par les propriétaires de ces installations pour les protéger ?

M. Philippe Vitel. Vous avez évoqué les techniques de communication utilisées et le rôle majeur d’Internet dans la radicalisation. Dans le cadre de la prévention, alors qu’on observe des comportements qui s’apparentent à des dérives sectaires, la Miviludes n’aurait-elle pas un rôle à jouer ?

La DGSI semble parfois cantonnée dans des tâches qui ne la grandissent pas – dossiers de naturalisation des « sans-papiers », par exemple. N’aurait-elle pas un rôle de renseignement sur le terrain à jouer de manière plus active ? Les moyens qui lui sont alloués sont-ils suffisants pour lui permettre de remplir pleinement sa mission ?

Ceux qui ne respectent pas l’interdiction administrative du territoire, prononcée en s’appuyant sur des éléments convergents traduisant une volonté d’engagement au service du terrorisme, font immédiatement l’objet d’une mesure de police sous le contrôle du juge administratif. Si cette interdiction est enfreinte, il s’agit d’une infraction à caractère pénal qui est systématiquement judiciarisée au retour. Nous avons déjà procédé à l’occasion de ces retours à de nombreuses auditions : 75 à 80 dossiers ont ainsi été ouverts au plan judiciaire concernant 394 personnes, dont 70 ont été mises en examen et 50 écrouées. L’activité judiciaire au retour est donc extrêmement intense.

Les signalements sur la plateforme dédiée n’ont cessé d’augmenter depuis fin avril avec 484 signalements concernant 471 personnes, qui ont abouti à éviter près de 80 départs. Pour répondre à la question de M. Candelier, qui s’interrogeait pour savoir pourquoi je n’avais pas consulté la commission nationale consultative des droits de l’Homme, je veux indiquer que j’ai reçu sa présidente, Mme Christine Lazerges, et lui ai indiqué par courrier ma disponibilité pour lui présenter le projet de loi. J’ai découvert, en l’absence de débat avec les membres de la CNCDH, un avis qui ne tenait pas compte des informations fournies. Je regrette d’autant plus qu’on ne m’ait pas donné la possibilité de m’exprimer que j’aime les débats et que j’étais prêt à donner tout élément d’explication et à répondre en droit à toutes les objections légitimes formulées ; mais on ne m’en a pas donné la possibilité, peut-être parce que l’avis était déjà rédigé.

Pour répondre à M. Guilloteau, on peut toujours souhaiter empêcher le retour de personnes impliquées dans une entreprise terroriste, mais cela n’est pas possible en droit si ceux-ci sont Français. Les sanctions pénales s’appliquent dans le cadre des nouvelles incriminations prévues par le texte de loi. Pour ce qui concerne les hélicoptères du groupe interarmées d’hélicoptères (GIH), je vous apporterai une réponse écrite dans les meilleurs délais.

Le plan Vigipirate est construit de manière à ce que tous les sujets les plus sensibles soient traités par les opérateurs privés en liaison avec l’État. Nous veillons avec une vigilance absolue à ce principe, mais vous comprendrez facilement que je ne communiquerai pas sur les protections apportées aux centrales nucléaires. La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) est naturellement impliquée dans ce dossier et nous avons ainsi sollicité son président, M. Serge Blisko, pour y adjoindre une spécialiste compétente auprès des familles en la personne de Mme Dounia Bouzar. La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a perdu 720 emplois de 2007 à 2012, mais nous avons décidé de recruter 436 postes, avec une première tranche de 127 personnes, et d’augmenter le budget d’équipement des collaborateurs de la DGSI de 12 millions d’euros de crédits hors titre 2, afin qu’ils disposent de moyens plus performants.

M. Guy Delcourt. Nous savons tous que le milieu carcéral est un « véritable bouillon de culture ». Le personnel pénitentiaire est-il suffisamment formé pour ce type de population ? Compte tenu de la surpopulation des prisons et avec toutes les précautions nécessaires, a-t-on envisagé, sans aller jusqu’à créer une sorte de Guantanamo, un centre pénitencier particulier pour ces personnes à haut risque ?

M. François Lamy. Pouvez-vous nous faire un bref compte rendu de votre voyage en Turquie et de l’état des relations avec les autorités turques ?

S’agissant de la politique de prévention, le plan Vigipirate est en place depuis 1995 et on constate que, pour reprendre une de vos formules, si la menace n’a jamais été aussi grande, la vigilance générale semble n’avoir jamais été aussi faible, le public semblant moins réceptif à force d’alertes successives. Lors de l’assassinat d’Hervé Gourdel, une partie des citoyens musulmans s’est sentie montrée du doigt. Existe-t-il une réflexion interministérielle pour éviter une ostracisation d’une partie de nos concitoyens si un attentat venait malheureusement à se produire ?

M. Gilbert Le Bris. Y a-t-il une géographie française des départs ? Vous avez indiqué qu’une cinquantaine de personnes sur le retour se trouvaient actuellement en prison : comment éviter qu’ils se fassent les thuriféraires de leur cause ? On comprend les nécessaires limitations des libertés publiques, mais comment envisagez-vous de revenir en arrière si le danger venait le cas échéant à s’estomper ?

M. Alain Moyne-Bressand. Nos services de sécurité sont-ils bien organisés pour surveiller et combattre les terroristes ou méritent-ils d’être réorganisés ? J’aimerais par ailleurs connaître le pourcentage des mineurs ainsi que la sociologie des départs.

M. Damien Meslot. Nous avons appris ce matin sur YouTube qu’un islamiste francophone a réussi à mettre en ligne une vidéo appelant au meurtre de nos concitoyens. A-t-on les moyens d’empêcher un tel acte ? Il y a quelque temps, les départs en Syrie concernaient quelques dizaines de personnes, ils sont maintenant plusieurs centaines. A-t-on les moyens de suivre ces individus ? Nous sommes certes en démocratie mais ne croyez-vous pas que le recours à des tribunaux et à des centres de détention spécifiques pour ces cas de terrorisme pourrait être envisagé dans le respect des droits de l’Homme et de la réglementation internationale ?

M. le ministre. Je ne crois pas qu’il faille présenter les mesures comme nous proposons comme un dispositif exceptionnel résultant d’une situation exceptionnelle et grave à laquelle nous devrions faire face. Dans le texte que je présente, vous ne trouverez aucune disposition qui soit contraire au droit commun démocratique : ni en droit par la mobilisation de moyens d’exception, ni en termes d’organisation de nos centres de détention ou de nos services par exemple. En outre, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de recourir à des moyens d’exception pour être efficace. Je pense même que si nous le faisions en obérant les libertés publiques, nous consacrerions une première victoire des terroristes qui agissent pour que la liberté recule le plus possible chez nous afin que la terreur puisse faire son œuvre le plus possible. Tout ce que nous proposons et faisons pour être efficaces s’effectue dans le respect rigoureux des principes de la démocratie, des principes généraux du droit, des principes constitutionnels et des principes généraux qui président à l’élaboration de nos textes tels que la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

C’est la raison pour laquelle je me bats toujours pour prendre le temps d’expliquer à la commission consultative des droits de l’homme ou aux médias qu’il ne s’agit pas d’un texte d’exception, contrairement à ce que certains prétendent. Il s’inscrit dans la continuité des textes élaborés depuis 1986 et qui reposent sur un équilibre entre la nécessité d’assurer la sécurité des Français et la préservation des libertés publiques. C’est une bonne manière d’être efficace sur ces sujets.

Pour ce qui concerne les personnels pénitentiaires et sur le sujet de la radicalisation en prison et du terrorisme, nous travaillons avec la Garde des Sceaux à des dispositifs prenant en compte la spécificité de ceux qui se radicalisent en prison ou ceux qui, s’étant radicalisés et ayant commis des actes de terrorisme, reviennent en prison et peuvent radicaliser d’autres détenus. Un traitement particulier doit être mis en œuvre en termes d’isolement de ces détenus au sein des centres pénitentiaires, de mobilisation des compétences et d’accompagnement de ces individus afin de les déradicaliser. De nombreux pays, en Europe et dans le monde, assurent une prise en charge particulière de tels détenus. Nous devons faire davantage d’efforts dans ce domaine et nous attaquer à la radicalisation en prison qui s’effectue via des individus qui prêchent un Islam dévoyé. À cet égard, nous devons pouvoir former des aumôniers en nombre suffisant.

Je ne suis pas favorable à la mise en place tribunaux d’exceptions. Les nouvelles incriminations pénales que nous proposons dans le cadre du projet de loi sont de nature à assurer l’efficacité du système judiciaire.

J’en viens au suivi des combattants étrangers et aux questions de MM. Meslot et Moyne-Bressand. Si nous augmentons les moyens de la DGSI, c’est précisément pour assurer cette mission ; je rappelle que la DGSI y consacre la moitié de son temps. Nous avons certes besoin de ces moyens, mais cela ne suffira pas. Vous m’avez également demandé si l’organisation des services était optimale à cet égard. Cette organisation ne peut pas perdurer telle qu’elle a fonctionné jusqu’à présent, avec des services en tuyaux d’orgue qui rendent compte à leur direction centrale à partir de ce qui se passe sur le terrain, sans qu’il y ait nécessairement de transversalité dans la transmission d’information entre le service central du renseignement territorial, la direction générale de la police judiciaire, la DGSI et même la direction de la sécurité publique. Il faut un échange permanent entre l’ensemble des directions du ministère de l’Intérieur mais aussi, le cas échéant, avec les directions des autres ministères mobilisés sur ces questions. Nous organisons ce décloisonnement autour des préfets, de l’unité de coordination de lutte antiterroriste (UCLAT) et une fois par semaine de moi-même, dans le cadre d’une réunion spécifique.

M. Lamy m’a interrogé sur mon déplacement en Turquie. Celui-ci s’est bien passé même si ce n’était pas évident car il fallait se dire des choses pas forcément agréables. La Turquie est un pays souverain qui jusqu’à présent a refusé que des agents de liaison étrangers – et donc français – soient présents dans les zones d’embarquement de ses aéroports pour s’assurer des bonnes conditions de retours des ressortissants éloignés. Il faut savoir qu’une grande partie de ceux qui reviennent de Syrie en passant par la Turquie sont considérés, dans ce pays, comme étant en contravention avec le droit au séjour des étrangers. Ils sont donc placés dans des centres de rétention administrative – comme les étrangers en situation irrégulière en France – avant d’être éloignés au titre des procédures du droit au séjour. Leur situation n’est pas encore judiciarisée pour la bonne et simple raison qu’ils n’ont pas encore été auditionnés par des juges français. Les trois djihadistes dont les conditions de retour ont abondamment été commentées n’avaient aucun mandat d’arrêt émis à leur égard, aucune charge pénale ne pesait sur eux lorsqu’ils sont arrivés sur le territoire national. S’ils n’ont pas été accueillis à Roissy, c’est parce que les autorités turques les ont placées, sans nous en informer, dans un autre avion que celui qui devait les emmener à Paris, au motif que le pilote turc avait refusé de les embarquer ainsi qu’il en a le droit. Certains estiment que la police aux frontières (PAF) aurait pu les arrêter à Marseille et que le logiciel CHEOPS (Circulation Hiérarchisée des Enregistrements Opérationnels de la Police Sécurisés) aurait dû fonctionner. Premièrement, la PAF n’aurait jamais pu les arrêter même si elle les avait identifiés parce que la commission rogatoire avait été délivrée à la DGSI et non à la PAF et parce qu’ils n’étaient sous le coup d’aucun mandat d’arrêt international. Par ailleurs, le système CHEOPS date des années 1990 et n’a jamais fait l’objet d’aucun investissement depuis 15 ans. Je suis d’ailleurs en train de reprendre cette question en main afin de voir comment adapter nos logiciels informatiques. En outre ce logiciel, déjà technologiquement ancien, a vu se greffer sur lui un grand nombre de fichiers. Au total, on se trouvait avec un logiciel obsolète et de plus en plus sollicité. Mais même s’il avait fonctionné, je le répète, l’absence de commission rogatoire établie au profit des services concernés aurait rendu l’arrestation juridiquement impossible.

Vous remarquerez que ce sujet précis, et c’est l’une des difficultés de la lutte contre le terrorisme en démocratie, il s’est trouvé assez peu d’articles, de reportages ou de commentaires qui rentraient dans le fond et le détail du dispositif juridique et technique afin d’identifier où se trouvaient réellement les insuffisances. Or, celles-ci n’étaient pas en France. Elles relevaient de la relation entre la Turquie et la France et, plus généralement, entre la Turquie et l’Europe.

Nous avons obtenu de la Turquie d’inscrire les retours dans un protocole précis. Nous serons dorénavant prévenus avec un préavis, nous pourrons placer nos officiers de liaison dans les zones d’embarquement, nous assurer de l’embarquement de nos ressortissants dans les avions et, par conséquent les réceptionner dans le bon aéroport.

J’en viens à la politique de prévention et au sentiment que vous avez d’absence de vigilance. Il est vrai que prévention et vigilance sont efficaces dès lors elles sont co-produites. Il faut que les citoyens soient eux-mêmes mobilisés. Beaucoup d’informations ont été délivrées via les préfets à l’occasion du rehaussement du plan Vigipirate. Toutefois je partage votre sentiment sur le fait que cette information doit être complétée et renforcée. Dans le même temps, il faut éviter que l’appel à la vigilance provoque une peur généralisée qui consacrerait le début de la victoire des terroristes. Il faut de la vigilance, de la précaution, mais également de la maîtrise et du sang-froid. Sur ces sujets – radicalisation, déradicalisation, prévention, vigilance – nous allons lancer une campagne nationale, vraisemblablement avant la fin de l’année. Nous y travaillons avec le service d’information du Gouvernement et la présenterons aux commissions parlementaires. Elle doit permettre d’intensifier la nécessaire vigilance.

Concernant la communauté musulmane, je pense que si nous voulons éviter tout problème dans l’hypothèse où un acte criminel surviendrait, il convient de traiter le sujet en amont de cet acte et non pas en aval. Il est de notre responsabilité collective de dire ce qu’est la réalité et d’expliquer ce qu’est l’Islam de France, qui n’a rien à voir avec les crimes commis par ces barbares. Ces personnes ne respectent ni la lettre ni l’esprit de la religion musulmane et n’ont strictement rien à voir avec elle. À l’occasion de la fête de l’Aïd, je me suis rendu à la mosquée de Carpentras où plusieurs milliers de fidèles étaient présents. Ils ont tenu sur le terrorisme un discours extrêmement fort, profondément républicain et sans aucune ambiguïté. Autour d’eux étaient réunis tous les représentants des cultes – le rabbin, le prêtre, le pasteur – qui ont fait une déclaration commune. Il faut expliquer partout que ces actes criminels sont un dévoiement de l’Islam. C’est la meilleure manière d’inciter les musulmans à se positionner sur ce sujet. Faire croire qu’il y a un doute, que les musulmans ne s’expriment pas assez est un discours très dangereux. Il met la communauté musulmane, qui n’a pas à être tenue comptable de ces actes barbares, en position défensive et il la conduit à ne pas être à l’offensive sur ce discours de condamnation. Il faut dire la vérité, rappeler que ces crimes n’ont rien à voir avec l’Islam et accompagner les musulmans de France dans la formulation de leur condamnation dans le cadre de rassemblement le plus large possible. C’est que je m’emploie à faire en tant que ministre des cultes, en me rendant le plus souvent possible dans des manifestations œcuméniques. La mobilisation de toutes les religions monothéistes en soutien des chrétiens d’Orient, où les musulmans étaient en première ligne, est utile.

80 % des départements sont concernés par les départs et les retours. J’ai ici une cartographie qui révèle l’ampleur du phénomène et que nous pourrons vous transmettre, de même que nous vous communiquerons toutes les informations nécessaires à ce sujet. Pour répondre à M. Guilloteau quant à l’information des parlementaires, les préfets ont reçu des instructions en ce sens et sont censés assurer ce travail de transmission.

M. Christophe Guilloteau. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas.

M. le ministre. Vous avez raison et je vais demander à ce que les préfets relaient l’information. Mais j’ai également constaté que certains parlementaires, dont je connais les noms, faisaient des déclarations à l’emporte-pièce, écrivaient des « J’accuse » et demandaient sur leur blog à ce que l’on mette en place des centres de signalement dans leur municipalité sous prétexte que celui de l’État ne ferait pas son travail. Or, à mon humble avis, plus nous maîtriserons collectivement notre expression en faisant en sorte d’être ensemble sur ces sujets d’unité nationale, mieux nous nous porterons.

M. Damien Meslot. Le parlementaire auquel vous faites référence n’est pas membre de notre commission M. le ministre.

M. le ministre. M. Le Bris, je le redis, les libertés ne sont pas remises en cause. Tout notre dispositif consiste à ne pas remettre en cause les libertés « d’avant ». Le combat dans lequel nous sommes engagés et un combat au long cours qui va nécessiter notre mobilisation pendant longtemps.

S’agissant de la vidéo mise en ligne sur YouTube, nous en connaissons l’auteur, que nous suivons, mais qui n’est pas en France. Cette vidéo est très intéressante car elle est diffusée le jour même où le débat doit se dérouler au Sénat. À cet égard, je demande à tous ceux qui estiment que les libertés sont obérées par le dispositif que nous proposons de me dire si cette vidéo, qui appelle à tuer nos ressortissants en France, relève de la liberté d’expression ou si elle constitue un délit. Devons-nous, sans réagir laisser ces messages sur la Toile au nom de la liberté d’expression ? Est-ce que le fait de couper cette vidéo, qui est un appel à la haine et au crime, constitue une entrave grave à la liberté d’expression ? Je ne le crois pas. Le texte que nous présentons permet précisément d’empêcher la diffusion de tels messages. En réalité, c’est lorsque de telles vidéos sont diffusées que les libertés sont remises en cause. Lorsque l’on passe à l’acte après les avoir vues, alors la peur s’installe, les citoyens craignent d’aller et venir. Encore une fois, sur ce sujet, j’appelle chacun à la responsabilité.

M. Marc Laffineur. Sur les centrales nucléaires, ne doit-on pas renforcer notre arsenal législatif et judiciaire pour les cas d’intrusion ? Il faut que les citoyens comprennent que de tels actes peuvent s’avérer extrêmement dangereux. En ce qui concerne les retours, n’y a-t-il pas une proportion assez importante de personnes dont on ignore qu’elles sont revenues ?

Mme Marianne Dubois. Ma question va recouper l’interrogation de notre collègue sur le plan Vigipirate. Nous avons tous l’habitude de voir les militaires qui y participent mais nous en ignorons parfois les modalités concrètes. Pouvez-vous nous rappeler comment il fonctionne, par quelles autorités il est décidé, la manière dont il est mis en œuvre et le coût budgétaire que chacun de ses niveaux représente ?

M. Charles de la Verpillière. Je tiens tout d’abord à exprimer mon accord avec vous M. le ministre : j’estime que les mesures de police administrative envisagées pour empêcher les départs et bloquer les sites Internet ne sont pas attentatoires aux libertés individuelles, ne serait-ce que parce qu’elles s’opèrent sous le contrôle de la juridiction administrative. Vous avez eu raison de le rappeler et si, un jour, j’avais un reproche à vous adresser, ce serait de ne pas en faire assez plutôt que trop ! Ma seconde remarque concerne la Turquie. Avec notre collègue Marietta Karamanli nous avons conduit une mission sur les sujets de transit et d’immigration irrégulière au nom de la commission des Affaires européennes. J’ai retiré de notre déplacement en Turquie un sentiment assez mitigé. Nous avons rencontré beaucoup de personnes à Istanbul et Ankara et les structures de sécurité ont certainement des cadres compétents. Toutefois j’ai noté qu’ils étaient très nombreux – ce qui n’est jamais un bon signe – et curieusement « nouveaux » du fait de la « purge » opérée à la fin de l’année 2013. J’ai également remarqué que l’aéroport Istanbul était assez pagailleux. Quel est le véritable degré de détermination des autorités politiques turques ? Sur ce point, je nourris quelques doutes.

M. Philippe Meunier. M. le ministre, vous défendez les terroristes en rappelant qu’ils ont aussi des droits et vous avez raison de le faire. Mais permettez-moi de vous rappeler qu’il convient aussi de respecter le principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif peut s’exprimer comme il l’entend, même si cela ne vous convient pas et même si certaines prises de positions peuvent parfois être discutables, sans pour autant se trouver sous la menace d’apparaître sur une liste de noms que vous semblez en train de constituer.

M. le ministre. De quoi parlez-vous ?

M. Philippe Meunier. De notre collègue auteur de posts sur son blog. Je me contente de reprendre votre propos ; vous avez affirmé détenir une liste de noms de parlementaires. J’estime qu’il n’est pas très correct vis-à-vis du pouvoir législatif de tenir ce genre de propos ici. J’ignore l’identité de ce collègue bloggeur, j’ignore le contenu de votre liste, mais je considère que ce n’est pas la manière dont les pouvoirs doivent s’organiser dans une démocratie apaisée.

M. le ministre. Le droit au respect fonctionne dans les deux sens. Ce parlementaire a tenu des propos sur l’action du Gouvernement et sur moi-même que je ne m’autoriserai jamais à tenir sur lui. Si j’ai évoqué ce sujet tout à l’heure c’est uniquement pour rappeler que sur le sujet dont nous traitons aujourd’hui, le respect de la vérité compte. C’est une question de responsabilité. Par ailleurs, j’estime que ce qui a été dit sur le rôle de mes services, compte tenu de leur engagement et du risque quotidien qu’ils assument, méritait un autre traitement que celui qui a été fait. Il n’y a dans mes propos aucun manque de respect ; aucune liste de noms n’existe, il y a simplement une indignation légitime de ma part lorsque je vois la manière dont des services qui se dévouent sont traités par des acteurs qui font de la démagogie.

M. Philippe Meunier. J’en prends acte et comme il a été rappelé, ces événements ont eu lieu en dehors de notre commission. Pour autant je ne pense pas que l’on puisse évoquer une liste de noms de parlementaires à la légère J’en viens à ma question. Vous nous avez précisé que sur 2 000 combattants on comptait 1 000 Français. Or, la population française ne représente pas la moitié de la population européenne. Comment analysez-vous cette situation et quelles sont vos anticipations par rapport à la progression exponentielle du nombre de combattants Français ? En outre, parmi ces 1 000 ressortissants, combien compte-t-on de binationaux ?

M. le ministre. Il existe dans le plan Vigipirate deux niveaux de vigilance : un niveau de vigilance « attentat » et un niveau permanent qui a été rehaussé, avec des mesures particulières concernant les moyens de transport et les centres commerciaux. Le plan Vigipirate est élaboré par le secrétariat général de la défense nationale (SGDN) et les ministères compétents, avec un rôle particulier assigné au ministère de l’Intérieur. Concrètement et même si j’ai mobilisé les préfets à cet effet, c’est le ministère de l’Économie qui est, par exemple, compétent pour les grandes surfaces. Le plan Vigipirate est adaptable et souple. Il existe effectivement des dispositifs particuliers pour les installations nucléaires mais ceux-ci sont classifiés. L’amélioration du traitement de cette problématique avec la Turquie est un sujet complexe. Celle-ci voit en effet transiter des milliers de combattants étrangers sur son territoire et arriver 1,5 million de réfugiés venant de Syrie. Vient s’ajouter à cela la situation particulière des Kurdes qui combattent Daech tout en entretenant une relation difficile avec la Turquie. Cette dernière se trouve ainsi dans un contexte particulier et bien spécifique. La stratégie du ministère des Affaires étrangères vise à multiplier les contacts avec la Turquie afin d’entretenir des relations diplomatiques reposant sur la confiance.

Vous avez indiqué, monsieur Meunier, que les terroristes avaient des droits.

M. Philippe Meunier. Je tiens à préciser ma pensée. Vous défendez les droits de la défense des terroristes, c’est tout à fait normal en démocratie.

M. le ministre. Les droits fondamentaux doivent effectivement être respectés. Il ne s’agit pas d’une loi d’exception mais d’une loi reposant sur un équilibre entre la protection des Français et les libertés publiques. Si nous avons mis en place une nouvelle incrimination pénale et une interdiction de sortie du territoire, c’est parce que nous avons la volonté d’être intraitables et implacables vis-à-vis du terrorisme.

Il n’est pas facile de fournir des statistiques concernant les binationaux car il n’existe aucune obligation de déclarer une autre nationalité. Je peux en revanche vous assurer que pour ceux qui ont la double nationalité et qui ont été engagés dans des actes terroristes, le retour pourra être empêché, une disposition sera introduite à cet effet au Sénat. Par ailleurs, le retrait de la nationalité en cas d’entreprise terroriste et de remise en cause grave de l’intérêt national est déjà prévu par les textes et a déjà été engagé dans un ou deux cas depuis quelques mois.

La séance est levée à neuf heures trente.

*

* *

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Sylvie Andrieux, M. Sylvain Berrios, M. Daniel Boisserie, M. Malek Boutih, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Laurent Cathala, M. Guy Chambefort, M. Jean-David Ciot, Mme Catherine Coutelle, M. Lucien Degauchy, M. Guy Delcourt, Mme Marianne Dubois, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Serge Grouard, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Marc Laffineur, M. François Lamy, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Bruno Le Roux, M. Jean-Pierre Maggi, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, M. Jean-Claude Perez, Mme Émilienne Poumirol, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Alain Rousset, M. Stéphane Saint-André, M. Philippe Vitel, Mme Paola Zanetti

Excusés. - Mme Patricia Adam, Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Éric Jalton, M. Frédéric Lefebvre, M. Maurice Leroy, M. Eduardo Rihan Cypel, M. François de Rugy