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Commission d’enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Jeudi 12 mai 2016

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Olivier Falorni, Président

– Table ronde, ouverte à la presse, réunissant chercheurs et instituts techniques, avec la participation de Mme Claudia Terlouw, chercheuse à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), M. Pierre Le Neindre, ancien chercheur de l’INRA, M. Pierre Frotin, ingénieur développement coordination et promotion services et produits à l’Institut de la filière porcine (IFIP) et M. Luc Mirabito, chef de projet « bien-être animal » à l’Institut de l’élevage.. .

La séance est ouverte à onze heures.

M. le président Olivier Falorni. Madame, messieurs, nous vous remercions de votre présence devant cette commission.

Madame Claudia Terlouw, vous avez soutenu une thèse en Écosse sur la physiologie et le comportement au stress des animaux de ferme. Depuis 1992, vous travaillez à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Vous avez notamment été la co-auteure d’articles sur les origines des mouvements présentés par les bovins après l’étourdissement et pendant la saignée, ainsi que sur l’évaluation et la gestion du bien-être animal.

Monsieur Pierre Le Neindre, vous êtes ingénieur agronome, diplômé de l’Institut national agronomique (INA) de Paris ; vous avez obtenu un doctorat d’État de l’Université de Rennes. Désormais retraité, vous avez longtemps travaillé au sein de l’INRA ; vous avez été impliqué dans différents groupes d’expertise européens, et vous avez participé à un groupe de travail de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) sur le bien-être des animaux ainsi qu’à une expertise collective de l’INRA sur la conscience animale.

Monsieur Pierre Frotin, vous êtes le spécialiste du bien-être animal au sein de l’Institut de la filière porcine (IFIP), organisme français de recherche et de développement, créé en 2006 au service de la filière. Cet institut agit à la fois pour le développement et la compétitivité du secteur et de ses acteurs et pour garantir une qualité des produits aux consommateurs. Il dispense notamment des formations aux abatteurs-découpeurs, et a aussi comme domaine d’expertise le bien-être animal à l’abattoir.

Monsieur Luc Mirabito, vous êtes chef de projet « bien-être animal » à l’Institut de l’élevage (IDELE), organisme de recherche et de développement dont la mission est notamment d’améliorer la compétitivité des élevages herbivores et des filières, et l’élaboration des techniques et outils destinés aux techniciens et éleveurs.

Je vous rappelle que nos auditions sont ouvertes à la presse et diffusées en direct sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative aux commissions d’enquête, je vais vous demander de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Claudia Terlouw, M. Pierre Le Neindre, M. Pierre Frotin et M. Luc Mirabito
prêtent successivement serment.)

Mme Claudia Terlouw, chercheuse à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Je travaille en effet à l’INRA depuis plus de vingt ans sur les questions de stress à l’abattage ; je m’intéresse à la fois aux causes et aux conséquences de ce stress, sous l’angle du bien-être animal mais aussi de la qualité de la viande. Je travaille sur toute la période de l’abattage, c’est-à-dire depuis la préparation de l’animal par l’éleveur en vue de son départ à l’abattoir jusqu’à la mort de l’animal.

Dans l’approche que nous adoptons, c’est la perception de l’animal qui compte, son expérience du stress. Nous nous fondons notamment sur l’étude des différences entre les individus d’un groupe : nous effectuons sur les animaux en cours d’élevage, plusieurs semaines avant l’abattage, des tests de réactivité, afin de mieux connaître leur réaction à la nouveauté, à la présence de l’homme… Ensuite, nous étudions leur comportement et leur physiologie lors de l’abattage. Et comme les animaux montrent une cohérence dans leur façon de réagir, nous trouvons des liens. Ainsi, nous avons découvert que les bovins les plus réactifs à la nouveauté sont aussi ceux qui donnent le plus de signes de stress à l’abattage. Et cela se retrouve également dans la qualité de la viande.

Récemment, nous nous sommes beaucoup intéressés à la période de l’étourdissement et de la mise à mort. Nous avons notamment réalisé une étude bibliographique sur les bases neurobiologiques de la perte de conscience et de la mort de l’animal. Nous avons également travaillé sur le gazage des porcs.

Je souligne que nous travaillons tout à la fois dans un abattoir expérimental, c’est-à-dire dans des conditions très contrôlées, mais aussi dans des abattoirs commerciaux, ce qui nous permet d’être en contact avec la réalité du terrain – je m’empresse de préciser que j’y ai toutefois moins de contacts que nos deux collègues.

Nous avons noté à quel point la mise en place du règlement européen a été vécue comme un soulagement dans ces abattoirs : les choses sont beaucoup plus claires. Les directeurs peuvent tenir un discours plus formel. Mais les personnels des abattoirs souhaitent encore plus de clarté, et ils attendent beaucoup des politiques.

M. Pierre Le Neindre, chercheur retraité. Lorsque j’étais plus jeune, j’ai travaillé sur la relation mère-jeune (1) : l’élevage, je veux le dire en introduction, ce n’est pas que de la douleur ; c’est aussi du plaisir.

Entre 1990 et 2009, j’ai participé à différents groupes d’experts, en particulier européens. J’ai vu évoluer notre dispositif ; les relations entre les experts et le monde de l’action ont été grandement clarifiées.

J’ai piloté à l’INRA une expertise consacrée à la douleur animale. Je vous ai transmis un document à ce sujet, qu’il faut lire comme une invitation à revisiter l’ensemble des processus d’élevage. Nous disions en 2009 qu’il y avait des choses à faire, et qu’il était possible de les faire.

Nous préparons actuellement un rapport sur la conscience animale. Nous partons de l’idée que l’important n’est pas ce que vivent les animaux, mais la façon dont ils le ressentent : c’est une approche légèrement différente de ce qui se faisait auparavant.

Concernant la qualité de vie des animaux à l’abattoir, j’ai participé à l’évaluation par l’ANSES des guides de bonnes pratiques : ce sont des documents riches, complets, qui constituent des outils de progrès.

Les points de vue comme les objectifs sont multiples, parfois inconciliables ; s’il faut supprimer la mort, alors il faut supprimer l’abattoir. Tout n’est pas qu’économie.

Il faut s’interroger davantage sur le savoir-être des acteurs que sur leur savoir-faire : la formation est importante, mais il faut avant tout un bon état d’esprit. Je ne m’étends pas sur le rôle des différents intervenants, dont le responsable de la protection animale et le vétérinaire officiel.

Il faut également noter que le souci de l’animal est brouillé par la coexistence de systèmes d’abattage avec et sans étourdissement.

Les industriels veulent bien faire, et agissent ; mais il faudrait que tout cela se passe dans la plus grande transparence, avec des procédures de contrôle et d’échantillonnage claires. Elles sont en cours de réalisation. C’est très important pour l’avenir.

M. Pierre Frotin (Institut de la filière porcine). L’Institut de la filière porcine est un centre technique, qui appartient au réseau ACTA (Association de coordination technique agricole), qui réunit une quinzaine de centres techniques agricoles en France liés aux activités de production – animales, mais aussi végétales. L’IFIP est devenu, depuis 2006, un institut agricole et agro-industriel, avec le rachat d’une partie des activités du centre technique de la salaison, de la charcuterie et des conserves de viande (CTSCCV). L’IFIP regroupe tous les métiers, de la génétique à la fabrication du saucisson, et environ 85 experts. Nous développons des expertises très pointues sur l’ensemble des sujets qui concernent le porc, et nous nous intéressons depuis longtemps à la période qui va de la sortie de l’élevage jusqu’à la fin de la vie de l’animal.

Je suis moi-même plutôt spécialiste de la protection animale à l’abattoir, aussi bien du point de vue du comportement de l’animal que du matériel utilisé, de la gestion humaine, de la formation, de la rédaction du guide de bonnes pratiques en matière d’abattage des porcs.

La France compte, vous le savez, quelque 250 abattoirs, dont 29 spécialisés dans l’abattage de porcs. Ces derniers sont plutôt des abattoirs industriels : ce sont des outils calibrés, équipés, structurés, avec du personnel qualifié. Globalement, cela fonctionne bien. À côté de ces unités spécialisées, il existe des abattoirs multi-espèces, dont il est logique que le niveau d’équipement et de compétence soit moins élevé en matière porcine. C’est un détail qui a son importance.

La protection animale n’est pas pour nous un sujet nouveau ; nous n’avons pas commencé à nous en préoccuper avec les films de l’association L214, même si ceux-ci ont pu avoir le mérite de réveiller les consciences.

J’ai commencé mes missions en 2001 ; depuis, l’évolution est extrêmement importante. Les générations se renouvellent, et le rapport avec l’animal change. Les équipements sont devenus plus précis ; les procédures se modifient, les méthodes de protection animale aussi. L’intérêt des industriels ne date pas d’hier, il faut en avoir conscience : des choses existent déjà, même si on peut certainement en mettre en place de nouvelles. Après, il faut que ça tourne, nous en sommes d’accord.

Ce qui fait tourner un abattoir, c’est la main-d’œuvre. Le facteur humain est tout à fait essentiel : les hommes doivent être formés, et avoir, comme l’a dit Pierre Le Neindre, conscience de travailler avec des animaux vivants, et non avec des parpaings ou des palettes de boîtes de conserve. Ce n’est pas le plus facile à faire comprendre. La majorité des opérateurs sont sérieux et compétents ; mais, comme dans toute population, on trouve parmi les personnels des abattoirs des gens que nous qualifierons de moins concernés…

La formation est réglementée depuis 2013. Elle existait auparavant, sous différentes formes, mais elle s’est renforcée : il ne s’agit pas d’apprendre aux gens à travailler, car ils savent travailler, mais de les amener à comprendre pourquoi on fait tel ou tel geste. On n’apprend pas à un opérateur qui saigne 600 porcs à l’heure comment on saigne un animal ! Mais on peut lui enseigner que s’il vise correctement les deux artères carotides, l’animal mourra plus vite.

M. Luc Mirabito (Institut de l’élevage). J’apporterai d’abord un petit complément à la présentation que vous avez faite, monsieur le président, de l’Institut de l’élevage : nous travaillons non seulement sur la compétitivité, mais aussi sur l’adaptation au marché, aux attentes des consommateurs.

Nous avons commencé à agir en matière de bien-être et de protection des animaux à la fin des années 1980 ou au début des années 1990. Nous nous sommes d’abord concentrés sur les questions d’élevage, en raison des nouvelles réglementations européennes. Mais nous avons assez vite travaillé sur la protection des animaux à l’abattoir, principalement sur la conception des équipements – une synthèse avait été réalisée sur ce point au milieu des années 1990 – et sur la formation, mais aussi les aspects de sécurité. Nous pensons en même temps la sécurité des opérateurs et la protection des animaux : on travaille en effet avec un binôme homme-animal. Notre approche est couplée.

Dans les années 2000, l’approche du bien-être animal a changé : d’une approche essentiellement centrée sur les moyens mis à disposition des animaux, on a basculé vers une approche qui tente d’évaluer le bien-être des animaux en réalisant des mesures sur l’animal lui-même. À partir de la fin des années 2000, date de l’entrée en vigueur du règlement européen, nos travaux ont particulièrement porté sur cette question de l’évaluation du bien-être animal sur l’animal lui-même.

Nous avons développé des guides de bonnes pratiques de la protection animale à l’abattoir, qui formalisent tout à la fois la conception des bâtiments, la méthode de travail des opérateurs et les indicateurs objectifs de la performance des opérateurs et du système. Je fais mienne ici une formule de Temple Grandin : « On gère ce que l’on mesure ». Il fallait donc proposer une formalisation : si l’on sait mesurer, alors le plus souvent on peut adopter une démarche de progrès – ce qui constitue l’objectif de nos instituts techniques.

Aujourd’hui, nous continuons à travailler sur l’amélioration des équipements et des systèmes, en gardant toujours à l’esprit le binôme homme-animal, en envisageant ensemble protection animale et sécurité humaine. Nos recherches portent également sur la question de l’évaluation, autrement dit les méthodes statistiques de traitement ou méthodes d’échantillonnage, mais aussi des sujets plus prometteurs à long terme, tels que l’objectivation des indicateurs d’évaluation. Nous travaillons par exemple sur l’objectivation de l’évaluation de la perte de conscience ; nous essayons avec l’IFIP de construire des systèmes d’évaluation assistée. Nous avons des collègues en Allemagne qui creusent ces mêmes sujets. Ces pistes nous paraissent prometteuses pour essayer de sortir de certaines querelles de chapelle et réfléchir à partir d’éléments plus objectifs.

Nous travaillons sur l’abattage classique comme sur l’abattage sans étourdissement. Chacun peut avoir là-dessus son opinion personnelle, naturellement, mais les scientifiques n’ont pas à décider s’il faut ou pas un étourdissement : notre rôle, c’est d’essayer de mettre au point les systèmes qui soient les meilleurs possible pour les animaux – en tenant compte, je l’ai dit, du risque pour les humains.

Enfin, la question de la formation est souvent revenue au cours de vos premières auditions. L’IDELE est organisme formateur ; je suis moi-même animateur du réseau mixte technologique (RMT) « bien-être animal » qui a élaboré la base de données de questions qui permet l’évaluation des opérateurs. La formation ne doit surtout pas être prise à la légère ; il y a un corpus de connaissances, y compris didactiques et pédagogiques. Changer les attitudes, les représentations, les comportements est toujours difficile, d’autant que nous avons affaire ici à une activité très particulière, avec un binôme animal-homme. Nous réfléchissons donc aussi à cet aspect.

M. le président Olivier Falorni. Je voudrais vous entendre sur la question de la perte de conscience de l’animal après l’étourdissement. Pouvez-vous définir précisément les phénomènes de perte et de reprise de conscience des animaux ? Quels sont selon vous les délais optimaux entre l’étourdissement et la saignée ? Existe-t-il des signes sûrs de perte de conscience, et lesquels ? Quels tests doivent effectuer les opérateurs pour constater la perte de conscience ? Ces opérateurs sont-ils vraiment en mesure de déceler ces signes sur une chaîne d’abattage ?

En quoi consiste précisément l’étourdissement réversible, souvent évoqué lorsqu’il est question d’abattage rituel ? Est-il ou a-t-il déjà été pratiqué en France ou dans d’autres pays ?

Un responsable de fédération d’abattoirs a évoqué devant nous, la semaine dernière, la technique du « soulagement » c’est-à-dire un « étourdissement post-jugulation pour que les animaux soient inconscients quelques secondes après la saignée ». Est-ce une méthode de soulagement efficace de l’animal ? De la même façon, est-elle ou a-t-elle déjà été pratiquée en France ou dans d’autres pays ?

Serait-il utile selon vous que les abattoirs ne soient dédiés qu’à un seul type d’abattages, autrement dit qu’ils soient tous mono-espèce, conventionnels ou rituels ?

Monsieur Frotin, les associations de protection animale ont notamment soulevé le problème de l’utilisation du CO2 dans l’abattage porcin. Pouvez-vous revenir sur ce sujet ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur. Vous représentez ici la recherche, les instituts techniques, et une bonne transmission des connaissances issues de ces recherches vers la pratique est indispensable : ce continuum est-il correctement assuré dans notre pays ? Y a-t-il, inversement, des retours du monde de la pratique vers la recherche, des échanges ?

Nous avons en effet le sentiment que les connaissances ne sont pas toujours bien exploitées : la réglementation ne prend pas en considération tout ce que l’on sait, les formations pratiques délivrées aux opérateurs, les matériels, la conception des abattoirs eux-mêmes ne sont pas toujours au niveau. Bref, on s’aperçoit que certaines choses ne marchent pas, alors qu’on dispose des connaissances et des compétences idoines.

Vous avez dit, madame Terlouw, que les animaux présentaient des réactions très différentes. Quiconque d’ailleurs a élevé des animaux le sait… Reste que ces animaux sont destinés à être abattus. N’est-il pas étonnant qu’on n’ait pas sélectionné des animaux et des modes d’élevage qui permettent que l’abattage se fasse le mieux possible ? L’animal ne veut pas être tué ; il va tout faire pour s’en sortir. Il est logique que les plus performants soient les plus difficiles à amener à l’abattoir. Est-ce que je me trompe, ou avons-nous laissé de côté le choix des races et des modèles d’élevage ? Dans ma région du Charolais, l’élevage se fait à l’air libre, les bêtes ne voient pas souvent de bonshommes… Arrivent un camion et trois personnes, ils réagissent immédiatement !

Je voudrais également vous entendre sur l’organisation géographique de l’élevage : les abattoirs sont en ville, et de plus en plus concentrés ; les animaux sont à la campagne, loin – et le moins que l’on puisse dire est que les conditions d’existence à l’entrée d’un abattoir et dans un pré sont assez différentes. N’y a-t-il pas là un problème ? L’a-t-on pris en compte ? Faut-il modifier les structures pour éviter ces grandes distances ?

S’agissant enfin de la souffrance et de la mise à mort, plus la souffrance est courte, mieux c’est. C’est une question délicate, mais à choisir, quel est le meilleur équilibre à adopter entre l’intensité de la douleur et la rapidité de la perte de conscience ?

Mme Sylviane Alaux. Lors de son audition, M. Jean-Pierre Kieffer, président de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), nous a notamment déclaré que beaucoup de mauvaises pratiques proviennent de non-vérification de la perte de conscience. Il précisait qu’un groupe de travail consacré à la perte de conscience des porcs allait être mis en place avec l’ANSES. Ce groupe est-il déjà en place, a-t-il commencé ses travaux ?

Ne serait-il pas utile d’adapter le rythme de l’abattoir à ces nécessaires vérifications de la perte de conscience, pour le bien-être animal et plus généralement pour le bien-être de tous ? Cela devrait être une obligation, me semble-t-il.

Mme Claudia Terlouw. Monsieur le rapporteur, l’animal est effectivement conçu pour survivre ; mais c’est aussi ce que l’on veut : il doit pouvoir se défendre. Les éleveurs ne veulent pas d’un animal totalement amorphe… Même à l’abattoir, ce ne serait pas souhaitable : les recherches ont montré que les animaux qui ont le moins peur de l’homme sont précisément ceux qui reçoivent le plus interventions de la part du personnel de l'abattoir, parce qu’ils n’avancent pas. Il faut donc trouver un juste équilibre.

Cet équilibre, on le recherche, et depuis longtemps : les éleveurs eux-mêmes, bien avant que des recherches formelles ne soient lancées, gardaient plutôt les animaux manipulables, et pas ceux qui étaient dangereux. C’est encore le cas : les directeurs d’abattoirs vous diront qu’il leur arrive parfois des animaux dangereux, et qu’il leur faut se débrouiller avec. Un animal trop dangereux et difficile à manipuler, on n’en veut pas, et on ne le fait pas se reproduire.

Des chercheurs – par exemple Alain Boissy, à l’INRA – s’intéressent depuis longtemps à ces questions. M. Le Neindre connaît d’ailleurs très bien ces travaux sur l’irritabilité et la réactivité ; il en a même été à l’origine, me semble-t-il. Une partie de ces traits de caractère sont héritables – la réactivité, mais aussi le comportement maternel chez les brebis, par exemple – et il est possible de s’en servir comme critère de sélection.

M. Pierre Le Neindre. Nous avons en effet traité ces questions dans les années 1990, en nous intéressant au cas de la race limousine.

M. le rapporteur. Elle est également excellente !

M. Pierre Le Neindre. Je prends mes précautions… Nous avons travaillé avec les sélectionneurs pour étudier la variabilité des réactions par rapport à l’homme. C’est un facteur essentiel. La sélection des meilleurs taureaux a, il faut le souligner, un impact extraordinaire : les animaux envoyés en centre d’insémination artificielle ont tellement de petits que les conséquences de ce type de sélection sont extrêmement fortes.

Nous avons également essayé de travailler sur l’importance du mode d’élevage, des contacts entre l’homme et l’animal. Deux semaines de contact gentil dans les semaines suivant la naissance suffisent à atténuer la violence des réactions des animaux lorsqu’ils sont manipulés des années plus tard.

M. Jacques Lamblin. C’est l’effet de l’imprégnation…

M. Pierre Le Neindre. Tout à fait. Les éleveurs en ont pris conscience au cours des dernières années.

S’agissant de la perte de conscience, il faut d’abord noter que le terme de conscience revêt des significations assez variées : ce peut être le simple éveil, la perception du monde, ou la conscience des autres, ou encore la conscience de soi-même… Ici, nous parlons de la seule conscience d’éveil.

Mme Claudia Terlouw. Très grossièrement, on peut distinguer deux aspects de la conscience : il y a un premier niveau de conscience, celui de l’éveil, du niveau de vigilance ; il y a un autre niveau, avec un contenu. Sans éveil, il n’y a pas de contenu.

En étourdissant l’animal, on veut abolir soit le contenu, soit l’éveil – ce qui abolit aussi le contenu. L’idée est que le cerveau d’un animal inconscient est incapable d’intégrer les informations de l’environnement : il ne pourra donc pas percevoir le stress, la peur, la douleur.

Différentes techniques ont donc été développées. L’utilisation du pistolet vise à supprimer l’éveil, et par conséquent tout contenu de la conscience. Il brise la formation réticulée qui se trouve à la base du cerveau, et qui, avec le thalamus, est une des structures impliquée dans l’éveil. Le but est de l’endommager suffisamment pour qu’elle ne fonctionne plus. Quant à l’électronarcose, elle consiste à faire passer à travers le cerveau un courant suffisant pour dépolariser l’ensemble des neurones : c’est tout le cerveau qui cesse de fonctionner. On supprime l’éveil et le contenu de la conscience.

Pour savoir si ce travail a été bien fait, il existe différents indicateurs. Tous ont leur intérêt et leurs limites.

Le plus connu, facilement observable, c’est la perte de posture : l’animal ne tient plus debout et il tombe. Il faut que ce soit immédiat, sauf dans le cas de l’étourdissement progressif qu’est le gazage.

La perte de réflexe cornéen est un second indicateur. Il est stimulé lorsqu’on effleure la cornée : une information part vers le cerveau, produit une connexion au niveau de la base du cerveau et actionne un nerf moteur qui ferme la paupière. C’est un circuit court, qui passe à travers la formation réticulée, responsable, je l’ai dit, de l’éveil de l’animal : si ce circuit ne fonctionne plus, il est extrêmement probable que la formation réticulée ne fonctionne plus non plus et que l’animal est correctement étourdi. En revanche, le fait que l’animal présente un réflexe cornéen ne signifie pas nécessairement qu’il soit conscient : c’est donc un indicateur que je qualifierai de « conservateur ».

La respiration est un troisième indicateur. Les centres de contrôle de la respiration sont encore plus bas dans la base du cerveau : c’est une fonction que l’on perd la plupart du temps plus tardivement. S’il n’y a plus de respiration, on peut donc également penser que les structures de la base du cerveau sont suffisamment atteintes pour qu’il n’y ait plus d’éveil.

Chacun de ces indicateurs présente des limites.

S’agissant de la perte de posture, il faut ainsi s’assurer que l’animal n’a pas été simplement paralysé : le pistolet, lorsqu’il est mal utilisé, peut sectionner la moelle épinière ; l’animal est alors paralysé, mais conscient.

Le réflexe cornéen n’est pas toujours observable : ainsi, après l’électronarcose, l’animal est en phase tonique ; tous ses muscles sont tendus, y compris ceux des yeux. Il est également possible, dans le cas d’un abattage sans étourdissement, qu’il y ait du sang dans les yeux et que le réflexe cornéen soit difficile à déclencher.

Enfin, l’absence ou la présence de la respiration n’est pas toujours facile à constater. C’est une fonction vitale, et le corps se défend bien. On voit souvent quelque chose qui ressemble à une respiration : l’évaluation n’est pas facile. Par ailleurs, il arrive que l’on ne puisse pas voir l’animal : dans l’abattage sans étourdissement, il est enfermé dans le piège, et il peut être difficile de vérifier s’il respire.

Du fait même de ces limites, il est important d’associer les différents indicateurs.

M. le président Olivier Falorni. Qu’en est-il de l’étourdissement réversible ? De quoi s’agit-il précisément ?

M. Pierre Le Neindre. Cette technique est utilisée dans le cadre de l’abattage religieux. Le rapport de 2009 que j’évoquais dressait une liste de solutions adoptées dans différents pays. Certaines choses ont pu changer depuis, mais on peut en tout cas constater que certains groupes religieux, dans certains pays, acceptent un étourdissement, selon différentes modalités. Cet étourdissement est plus ou moins réversible : si on laisse l’animal sans le saigner, il revient à la vie. Nous avions été surpris d’apprendre qu’en Nouvelle-Zélande, il y a systématiquement un étourdissement réversible avant la saignée, et qu’une grande partie de ces animaux sont vendus au Moyen-Orient. En fait, les règles adoptées sont le fruit de négociations sociales.

Mme Claudia Terlouw. Le « matador », le pistolet, provoque dans le cerveau des dommages tels que l’étourdissement est irréversible. En revanche, certaines techniques d’électronarcose permettent une réversibilité de l’étourdissement : c’est par exemple le cas de l’électronarcose à deux points, où le courant passe seulement au travers du cerveau. Les neurones ne fonctionnent plus jusqu’à ce qu’ils soient de nouveau polarisés, ce qui prend un certain temps. Il existe d’autres techniques d’électronarcose, à trois points, où le courant passe également à travers le cœur : la fibrillation provoquée entraîne le plus souvent un arrêt cardiaque. Dans ce second cas, on considère donc que l’étourdissement est irréversible.

Il faut souligner que, le cœur battant mal, l’étourdissement est prolongé, ce qui nous amène aux questions que vous avez posées sur le délai dont on dispose entre l’étourdissement et la saignée. C’est en effet un point majeur.

Tout dépend de l’espèce de l’animal et des techniques utilisées tant pour l’étourdissement que pour la saignée. L’animal ne doit pas se réveiller.

Ainsi, un porc met en moyenne 14 à 23 secondes pour mourir après la saignée ; il faut se fonder sur la durée la plus longue. Or après une électronarcose, la respiration reprend après 38 secondes. On peut donc estimer que le délai doit être de 15 secondes entre l’étourdissement et la saignée. Je précise que cet exemple se fonde sur une étude seulement, avec un seul opérateur.

Si l’on utilise un étourdissement irréversible, le raisonnement change.

Précisons que le gazage peut être réversible. Mais ce qui est difficile, c’est d’assurer une réversibilité sur 100 % des animaux, ce qui est nécessaire pour un abattage rituel.

M. Pierre Frotin. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Je voudrais seulement apporter quelques précisions et faire le lien avec le guide de bonnes pratiques sur la protection animale, utilisé par l’ensemble des opérateurs.

En ce qui concerne la vérification de la perte de conscience, on raisonne aujourd’hui à deux niveaux. Tout d’abord, on fournit aux opérateurs quelques signes faciles, visuels, qui permettent de réagir : perte de posture, absence de vocalisation, certains mouvements… Les guides proposent de combiner l’observation de plusieurs signes, un signe isolé n’étant pas forcément assez robuste. Ensuite, il y a le niveau du responsable de la protection animale – le règlement européen impose certaines exigences, dont une démarche de contrôle interne. Dans ce cas, on proposera des signes qui demandent une manipulation de l’animal : réflexe cornéen, tests de nociception, de sensibilité… Ces signes supplémentaires demandent plus de temps.

S’agissant de la réversibilité, les opérateurs raisonnent étape par étape. On estime que l’effet de l’électronarcose dure 35 à 40 secondes, et le chiffre de 18 à 23 secondes est en effet retenu pour la durée nécessaire pour que l’animal meure. Les opérateurs ont en tête ce délai de 10 à 15 secondes. Mais il faut souligner que tous les abattoirs ne sont pas forcément conçus pour tenir de tels délais.

S’agissant enfin du CO2 et de la réversibilité, les délais sont fonction du temps d’immersion de l’animal dans le gaz, sous réserve que la proportion de gaz dans la cuve soit suffisante. Réglementairement, il faut 80 % de CO2 ; dans la réalité, c’est plutôt 90 % dans le fond de la cuve. Le temps d’immersion moyen tourne autour de 120 secondes : quand l’animal ressort, l’étourdissement n’est en principe pas réversible. Malheureusement, les effets de gaz sont assez aléatoires. Le rapport EFSA (European Food Safety Authority, Autorité européenne de sécurité des aliments) de 2004 indique donc un délai entre l’étourdissement et la saignée de 30 secondes – valable seulement pour les porcs, s’entend.

M. Luc Mirabito. Il faut bien garder en tête que les signes de perte de conscience sont très liés à la méthode utilisée, les conditions d’observation étant très différentes selon que l’on utilise un pistolet à tige perforante pour les bovins ou l’électronarcose, telle qu’elle est pratiquée sur les ovins ou les porcins. Dans le cas de l’électronarcose en effet, l’observation des signes de perte de conscience ne doit pas empêcher de pratiquer la saignée au plus vite, pour éviter que l’animal ne se réveille avant d’être mort, tandis que chez les bovins, le dispositif utilisé est théoriquement irréversible s’il est bien pratiqué.

Pour détecter ces signes, les opérateurs s’appuient sur une série d’indicateurs, sachant que la plupart des abattoirs suivent la ligne que nous défendons depuis plusieurs années, à savoir que le doute profite à l’animal. Au moindre signe d’une potentielle reprise de conscience, l’opérateur doit immédiatement réagir. Nous développons en outre des systèmes d’assistance automatisés qui marquent un véritable progrès et sécurisent les opérateurs dans leur travail. Reste que leur capacité de détection est pour l’essentiel liée à leur motivation et à la qualité de leurs conditions de travail. Il peut arriver que l’observation de l’animal mette en danger l’opérateur ou que l’équipement empêche à certains moments de voir l’animal et donc de l’observer. En cas de dysfonctionnement, ce sont donc la conception des lieux, la fatigue ou la routine qui peuvent être mises en cause plutôt que les compétences des opérateurs, d’autant que, depuis plusieurs années, l’accent est largement mis sur les connaissances qu’ils doivent maîtriser.

En ce qui concerne la réversibilité, à côté de l’électronarcose, il existe également un procédé d’étourdissement mécanique non létal, pratiqué à l’aide d’une tige ou d’une masse percutante. Certaines communautés musulmanes les tolèrent – par exemple en Malaisie –, à condition que les lésions sur la tête de l’animal soient limitées, ce qui implique de trouver le bon équilibre entre efficacité et absence de lésions.

M. le président Olivier Falorni. Qu’en est-il de la technique du soulagement ?

M. Luc Mirabito. Il s’agit d’une technique pratiquée par quelques abattoirs, qui d’ailleurs ne s’en cachent pas. Elle a fait l’objet d’un gros travail de Troy Gibson, un collègue néozélandais qui, dans sa thèse, a évalué la nociception de la douleur dans le cadre de l’abattage sans étourdissement. Mais il a montré par la même occasion qu’un étourdissement pratiqué dans les secondes suivant la saignée était efficace car il abolissait les réactions électrophysiologiques. C’est la raison pour laquelle c’est une des pratiques envisagées dans le Guide de bonnes pratiques pour la protection animale des bovins à l’abattoir.

M. le rapporteur. On a évoqué l’étourdissement réversible chez les ovins, mais peut-on pratiquer l’électronarcose sur des bovins avec le même effet de réversibilité ?

Mme Claudia Terlouw. Oui. Il existe des systèmes d’électronarcose pour les bovins, utilisés en Angleterre et en Nouvelle-Zélande. Mais il faut savoir que chaque système a ses inconvénients. En l’occurrence, l’électronarcose provoque des réactions tonico-cloniques qui rendent un gros bovin, même étourdi, très dangereux. Pour limiter ces mouvements, on a donc recours à l’électro-immobilisation qui consiste à faire passer un courant faible à travers la moelle épinière : l’animal ne bouge plus, mais on ne peut plus observer s’il est correctement étourdi.

J’en profite pour revenir en un mot sur la question de la compétence des opérateurs : il ne faut pas hésiter à faire confiance à leur professionnalisme. Ils ont l’œil et captent des signes que nous-mêmes ne percevons pas. Ils savent intervenir quand il le faut.

M. Luc Mirabito. Je précise pour ma part que l’étourdissement mécanique à la masse ne figure pas dans la liste des méthodes autorisées figurant à l’annexe I du règlement européen sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.

En ce qui concerne l’utilisation de l’électronarcose réversible chez les bovins, non seulement elle nécessite une électro-immobilisation mais se pose également le problème de la faible durée de l’insensibilisation induite par l’électronarcose chez les bovins. Les Néo-Zélandais, qui ont beaucoup travaillé la question, soulignent que la saignée doit être effectuée quasi immédiatement après l’électronarcose et qu’il faut parfois pratiquer une double saignée.

Il n’y a donc pas de solutions simples acceptées par tous, sinon nous les aurions adoptées depuis longtemps. Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients. Selon les zones géographiques et les cultes, les interprétations de ce qui est autorisé ou non divergent. Nous sommes là au-delà des réponses que peuvent apporter les scientifiques ; c’est surtout aux musulmans et aux juifs qu’il faut poser la question de la réversibilité et de l’acceptabilité.

M. Pierre Le Neindre. Pour ce qui concerne l’intensité de la souffrance, il ne me semble pas qu’elle puisse se mesurer. C’est la raison pour laquelle on s’est toujours concentrés sur la durée d’inconscience.

Mme Claudia Terlouw. Il est en effet impossible de mesurer la souffrance. Lorsque l’on parle d’une souffrance intense sur une durée courte, de quelle intensité et de combien de secondes parle-t-on ? Par ailleurs, non seulement la perception de la souffrance varie selon les individus mais l’on a également tendance à mal juger comment l’autre perçoit la souffrance. Un chercheur israélien, victime d’une attaque à la bombe, s’était retrouvé brûlé sur 60 % du corps. Tandis que les infirmières avaient décrété que l’arrachage de ses bandages devait être fait le plus rapidement possible pour abréger la douleur, lui aurait préféré un arrachage plus lent, c’est-à-dire souffrir plus longtemps mais moins intensément. Il n’a pas su les convaincre… Il est difficile de juger pour l’autre, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un humain qui doit évaluer la souffrance d’un animal.

M. le rapporteur. Ma question n’avait pas uniquement une portée physiologique ou philosophique : il s’agissait surtout de savoir si, lorsqu’il faut faire un choix technique en fonction de différentes contraintes, un arbitrage était possible entre durée et intensité de la douleur. Il semble que non. Autrement dit, il faut que cela dure le moins longtemps possible.

Mme Claudia Terlouw. En effet.

M. Pierre Frotin. Vous nous avez également interrogés sur le recours au CO2. Cette technique, adaptée au caractère grégaire des bêtes, était à l’origine utilisée en amont de l’étourdissement : il permettait de les amener en groupe. Il était pratiqué dans les pays du Nord, au Danemark ou en Angleterre, et pendant longtemps on ne s’est guère intéressé à ce qui se passait dans la cuve.

Aujourd’hui, en France, seuls six abattoirs étourdissent les animaux au CO2. Cela ne concerne que 15 à 18 % du nombre de porcs abattus. C’est un chiffre très faible en comparaison d’autres pays européens comme l’Espagne et l’Allemagne, où 85 % des abattoirs utilisent le CO2, ou encore le Royaume-Uni et le Danemark, où cette proportion monte à 90 %.

Quant à savoir si c’est une technique recommandable, elle comporte comme toutes les autres des avantages et des inconvénients. Ne nous le cachons pas, le CO2 est un gaz aversif qui, pendant les 15 à 20 secondes que dure l’inhalation, plonge l’animal dans une grande souffrance jusqu’à la phase d’induction, où il bascule dans l’inconscience. Plus la proportion de gaz sera importante dès la première strate, plus la durée d’inhalation, et donc de souffrance, sera faible. Cela étant, si les paramètres – proportion de gaz et durée d’immersion – sont respectés, l’animal est correctement, indiscutablement étourdi, dans des conditions visuellement moins traumatisantes que l’électronarcose. L’impact sur le tissu musculaire aboutit également une qualité de viande plus homogène : les raisons qui plaident pour l’utilisation de cet outil peuvent donc aussi être d’ordre commercial.

J’ajoute que la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et le Bureau de la protection animale vont financer dans les deux prochaines années un état des lieux et une étude des six abattoirs français qui ont recours à la technique d’étourdissement par CO2, afin de voir ce qui peut être amélioré, notamment dans le choix du gaz utilisé, qui pourrait être moins aversif.

Mme Claudia Terlouw. Je pense comme Pierre Frotin que plus la concentration en CO2 est élevée mieux c’est : avec une concentration à 70 %, la durée d’induction d’inconscience est beaucoup plus longue alors que l’expression comportementale laissant penser que l’animal souffre est quasiment au même niveau qu’avec une concentration plus forte. Autrement dit, la souffrance est là même, mais pendant un temps plus long.

M. Pierre Le Neindre. Pour ce qui concerne la fluidité des échanges entre le monde de la recherche et le monde professionnel, le débat ne date pas d’hier. Depuis une quarantaine d’années, j’ai pour ma part constaté que les synergies entre la recherche, les instituts de développement et les différentes instances professionnelles avaient considérablement progressé.

M. Luc Mirabito. La question du continuum entre la recherche et le terrain n’est pas propre à l’abattage ni même à l’agriculture ; elle concerne structurellement l’ensemble des activités. Dans le cadre de cette commission, il me paraît important néanmoins de souligner trois points.

Le premier concerne la formation, que l’on a fait l’effort de formaliser, la France ayant choisi de renouveler cette formation tous les cinq ans pour les personnels.

Il faut ensuite insister sur les guides de bonnes pratiques qui ont été réalisés par les chercheurs et les acteurs de terrain. Le guide sur les bovins a été officiellement validé, mais il en existe pour toutes les espèces. Cela a véritablement contribué à faire évoluer le fonctionnement des abattoirs, où l’on s’est efforcé de formaliser et d’optimiser les méthodes de travail, en particulier dans l’optique d’améliorer la protection animale.

La mise en place de responsables de la protection animale (RPA) dans chaque abattoir s’inscrit dans la même optique. C’est un métier qui reste à inventer, et cela se fera à travers des actions dédiées et la mise en place de réseaux professionnels. Le règlement européen faisait référence au bien-être animal ; nous avons préféré le terme de protection animale, et c’est cette notion qui a guidé la conception des formations, axées autour de la mise en œuvre concrète sur site de modes opératoires inspirés des bonnes pratiques. Le RPA aura la charge de ces modes opératoires, de leur contrôle, mais il sera aussi un référent par qui transitera l’information. Il aura donc un véritable rôle dans l’approfondissement du continuum entre la recherche et ses applications sur le terrain.

Mme Claudia Terlouw. L’INRA est également investi dans ce continuum. Nous collaborons avec les instituts ; je participe moi-même directement à la formation de vétérinaires ou de techniciens vétérinaires qui travaillent dans les abattoirs.

M. Pierre Le Neindre. Le métier de RPA est en effet à construire, ce qui peut être délicat car ils peuvent avoir un rôle de lanceur d’alerte qui ne sera pas forcément évident à gérer.

M. Jacques Lamblin. On a compris que l’abattage sans étourdissement entraînait de la douleur pour l’animal pendant un certain temps. Pour contourner cette difficulté dans le cas de l’abattage rituel, il a été proposé de recourir soit à un étourdissement réversible, selon des méthodes qui ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients, soit à un étourdissement dit post-cut, post-abattage. Ou alors, on laisse les choses en l’état, et on a la certitude que les animaux souffrent. Comment sortir de ce dilemme ? D’après vous, quel est donc le meilleur choix pour préserver au maximum de la souffrance les animaux voués à l’abattage rituel ? Des chercheurs israéliens travaillent, paraît-il, sur la question : savez-vous où ils en sont de leurs travaux ?

Mme Françoise Dubois. La formation du personnel est à mes yeux primordiale. Vous dites intervenir, madame Terlouw, auprès des vétérinaires. Certes, mais ce ne sont pas eux qui portent le coup de grâce. Quel est leur rôle auprès des salariés qui, eux, portent ce coup fatal ?

Ces salariés sont-ils parfaitement informés sur les différentes techniques ? Reçoivent-ils une formation scientifique ? Compte tenu du débit important de certains abattoirs, prennent-ils véritablement le temps de vérifier tous les signes d’inconscience avant d’achever l’animal ?

Ne faudrait-il pas par ailleurs que ce personnel bénéficie d’un accompagnement et au besoin d’un soutien psychologique ?

M. Pierre Frotin. En matière de protection animale, la formation dispensée aujourd’hui aux opérateurs consiste essentiellement à leur faire prendre conscience du sens et de la portée des gestes qu’ils accomplissent, qu’il s’agisse des personnels qui conduisent les animaux vers la zone d’étourdissement, de ceux qui les saignent ou de ceux qui les observent. Tous reçoivent la formation obligatoire et réglementaire composée d’une journée par espèce principale et d’une demi-journée par espèce complémentaire, dans le cas des abattoirs multi-espèces. Lors de cette formation, sont abordés la réglementation, le comportement animal et les éléments de physiologie – à des stades opérationnels, s’entend –, dont la connaissance est indispensable pour chaque poste de travail.

Mme Françoise Dubois. Tout cela en une seule journée ?

M. Pierre Frotin. Ce qu’il faut comprendre, c’est que si un opérateur occupe un poste de travail, c’est parce que l’entreprise a jugé qu’il en avait les capacités techniques. Ce que nous lui enseignons, c’est à comprendre et à gérer les réactions des animaux, par exemple la manière de gérer un porc récalcitrant dans un troupeau de vingt-cinq porcs qu’il faut amener dans un entonnoir… On aura d’instinct tendance à pousser le vingt-cinquième, même si c’est en fait le premier qui bloque. Il faut mettre l’opérateur en situation de comprendre le problème en l’aidant à prendre du champ par rapport au contexte opérationnel, grâce à des vidéos, des arrêts sur image, où il se rendra compte de son erreur. Il comprendra qu’on va finalement plus vite en amenant les animaux dix par dix plutôt que par paquet de vingt-cinq. Alors que dans une formation pratique, sur quatre ou cinq personnes, une seule est en train de manipuler, les autres regardent, et progressivement regardent ailleurs… L’objectif de ces journées de formation doit être remis dans son contexte : l’objectif est de leur faire prendre conscience d’eux-mêmes. Il me semble qu’elles ont réellement amélioré la prise de conscience des opérateurs par rapport à leur métier.

M. Luc Mirabito. La formation a été mise en place sous l’égide de la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) et de la DGAL, au terme de trois ans de discussions et d’élaboration. L’objectif, dans cette première phase qui s’adressait à une population déjà en activité, était la délivrance du certificat de compétences pour la protection des animaux (CCPA) imposé par le règlement de 2009 et axé sur les messages-clés de la protection animale dans les abattoirs. Le dispositif fonctionne, ce qui mérite d’être souligné : nous avons réussi en moins de deux ans à former plusieurs milliers d’opérateurs et à élaborer un système d’évaluation qui a fait ses preuves. Les instructions n’étaient en aucun cas d’élaborer une énième formation pratique.

L’Institut de l’élevage organise des sessions de formation pratique sur la manipulation des bovins, par exemple, sur la manipulation des bovins dans les élevages, et dans le contexte de l’abattoir depuis les années quatre-vingt-dix. D’autres organismes dispensent des formations spécifiques à l’affûtage des couteaux, et les fabricants de matériel d’étourdissement eux-mêmes sont censés apporter une formation spécifique aux équipements qu’ils fournissent.

Nous poursuivons nos travaux sur la didactique et la pédagogie à développer, et réfléchissons à des démarches nouvelles comme la formation en réalité virtuelle, déjà pratiquée dans beaucoup de domaines industriels, et qui présentent un intérêt certain en termes de risques ou de coûts. Ces pistes de recherche sont développées dans l’optique de la nouvelle session de formation qui se profilera dans trois ans et, à terme, dans la perspective plus large de la formation tout au long de la vie.

Si je considère le CCPA comme une grande réussite, son contenu didactique, pédagogique et opérationnel a été conçu à un instant donné pour des besoins donnés. Mais son contenu n’est pas voué à rester figé, étant entendu, d’une part, que des évolutions scientifiques et technologiques vont nous obliger à évoluer et, d’autre part, que cette formation initiale s’adressait à une population déjà en activité. Mais j’espère bien que dans deux ans, on pourra par exemple envisager d’élargir la formation à l’échantillonnage et aux plans de contrôle, ou encore aux anti-recul dans les bouveries – autant de techniques dont le grand public ne sait rien, mais qui présentent une grande importance sur le plan de la manipulation des animaux comme de la prévention des risques. Quoi qu’il en soit, nous misons beaucoup sur les nouvelles techniques pédagogiques pour aborder des questions qui, éthiquement, sont complexes. Mais si nous formons des opérateurs qui se ratent sur un bovin sur deux, cela ne me convient pas tellement sur le plan éthique… D’où l’idée de travailler sur l’utilisation de nouvelles technologies comme la réalité virtuelle, dont se servent déjà les médecins et les vétérinaires pour s’entraîner avant leurs premières opérations.

M. Pierre Le Neindre. La question de l’échantillonnage – quel est le nombre d’animaux sur lequel il faut mesurer l’inconscience ? – est d’autant plus importante que le flux de ces animaux est dense, comme c’est le cas dans les abattoirs de volailles. C’est pourquoi l’ANSES s’est emparée du dossier.

Par ailleurs, Mme Françoise Dubois a raison d’évoquer la situation anxiogène dans laquelle se trouvent les abatteurs. Certains inspecteurs vétérinaires parlent même de situations de souffrance psychologique. Cela doit être dit, et il est indispensable d’envisager des mesures d’accompagnement de ces personnels.

Mme Claudia Terlouw. La formation des vétérinaires à laquelle je participe dure une semaine. Ils ont un rôle clé dans l’abattoir : même si ce ne sont pas eux qui achèvent les bêtes, ce sont eux qui ont le dernier mot en matière de bien-être animal. Ils assurent par ailleurs le contrôle sanitaire, et doivent donc se partager entre ces deux missions, ce qui n’est pas toujours facile.

Je pense, cela étant, que tous les opérateurs n’ont pas besoin de soutien psychologique. Si on a constaté des dysfonctionnements parmi le personnel dans les abattoirs qui se sont fait récemment remarquer, c’est moins parce que le responsable ne leur a pas dit ce qu’il fallait faire que parce qu’il ne parvient pas à imposer les règles dictées par la loi et décrites dans les guides de bonnes pratiques. Il s’agit donc d’un problème dans le fonctionnement des équipes et dans l’organisation, qui tient à la définition de la responsabilité de chacun. Dans un abattoir, les salariés sont souvent polyvalents, mais cela ne doit pas empêcher que les responsabilités des uns et des autres soient clairement identifiées. Il est impossible de faire fonctionner correctement un système dans lequel personne n’est responsable de rien. Il y a dans ce domaine de grands progrès à faire.

M. Jacques Lamblin. Vous n’avez pas répondu à ma question concernant la moins mauvaise des méthodes à retenir si l’on veut préserver l’abattage rituel en France : doit-on opter pour l’étourdissement réversible ou l’abattage post-cut ? Ce n’est pas une question simple…

Mme Claudia Terlouw. La réponse ne le sera pas non plus… Si elles sont correctement pratiquées, les deux méthodes sont acceptables. La question est de savoir comment s’assurer que les gestes sont toujours convenablement réalisés.

M. Jacques Lamblin. Ce que vous dites vaut-il également pour l’électronarcose chez les bovins ?

Mme Claudia Terlouw. C’est possible, même si ce n’est pas simple, et il faut pratiquer dans ce cas une électronarcose à trois points. Le troisième point dans ce cas ne fait pas fibriller le coeur, mais dépolarise les neurones de la moelle épinière pour limiter les mouvements de l'animal. Ou alors, il faut trouver une solution pour libérer l’animal très rapidement et pratiquer la saignée dans la foulée. Techniquement, nous n’en avons pas encore les capacités, mais si la France y met les moyens, nous trouverons la solution. C’est une question de priorité…

Ce cas mis à part, l’étourdissement réversible pose un autre problème : pour qu’une viande soit certifiée halal, il faut avoir la certitude qu’aucun animal n’est mort au cours de la procédure. Or certaines bêtes peuvent faire une crise cardiaque lors de l’étourdissement, sans nécessairement qu’il y ait un rapport de cause à effet. En cas de doute, les opérateurs ont donc tendance à ajuster les paramètres, au point que, parfois, l’étourdissement n’étourdit plus. L’opération doit donc être accompagnée d’un bout à l’autre et en permanence.

Quant à l’étourdissement post-jugulation, il est moins confortable pour l’animal car, au-delà de la douleur, il faut également tenir compte de la peur que ressent l’animal. L’animal qui vient d’être saigné se trouve dans une situation d’extrême urgence dont il a parfaitement conscience. Il faut donc pouvoir l’étourdir très rapidement. Des études ont montré que, si on saigne le bovin debout, il sera plus facile de l’étourdir rapidement dans la foulée ; le problème et que pratiquer une saignée sur un animal debout est plus difficile, et les réactions d’aversion sont plus marquées. Il est également possible de faire effectuer à la bête une rotation à 90 degrés ou à 180 degrés. Lorsque l’animal est sur le flanc, l’étourdissement est rapide, mais la saignée est plus difficile ; c’est lorsque l’animal est sur le dos que la saignée est la plus simple et il est possible de l’étourdir dans les secondes qui suivent mais, là encore, il faut s’en donner les moyens matériels. Je connais un abattoir qui pratique de la sorte.

M. le président Olivier Falorni. Lequel ?

Mme Claudia Terlouw. Lorsque je travaille avec des abattoirs, je certifie toujours que leur anonymat sera respecté, même si, dans ce cas précis, je ne doute pas que les responsables seraient prêts à communiquer sur le sujet. Mais ce n’est pas mon rôle.

Pour en revenir à l’étourdissement, les pièges sont actuellement conçus avec une plaque au-dessus de la tête pour bien contenir l’animal. Or cette plaque gêne le positionnement du pistolet. Mais c’est un obstacle assez facile à surmonter : il suffirait de remplacer la plaque par une boucle.

M. Jacques Lamblin. Si j’ai bien compris, il est donc plus facile de saigner un bovin positionné sur le flanc, et l’étourdissement reste assez simple hormis le problème de la plaque.

Mme Claudia Terlouw. Il n’y a pas de solution miracle, mais il me semble que l’étude montrait qu’il s’agissait de la position dans laquelle les réactions d’aversion de l’animal et son débattement étaient les plus atténués.

M. Jacques Lamblin. Il me semble qu’entre la peur et la douleur, le plus important est d’éviter la douleur.

Mme Claudia Terlouw. Tout dépend du degré de peur. La douleur est effectivement la stimulation qu’il est le plus difficile d’ignorer. Si l’on est évidemment obligé d’en tenir compte, on sait que certaines situations peuvent atténuer la perception de cette douleur. C’est le cas en particulier des situations d’extrême urgence où l’individu est en danger de mort. Ce sont des situations où la peur est émotionnellement si prégnante qu’elle en arrive à surpasser la douleur : lorsqu’on est en danger de mort, peu importe qu’on vienne de perdre une jambe, l’important est de s’enfuir. Dans le cas de l’abattage sans étourdissement, il faut donc prendre en compte ces deux facteurs.

M. Luc Mirabito. Claudia Terlouw a raison de souligner qu’il s’agit d’une question tout à la fois très simple et extraordinairement complexe, dont nous n’avons qu’une partie de la réponse.

Pour l’étourdissement post-saignée, il faut en effet trouver le juste équilibre entre le confort de l’animal et la simplification des gestes pour l’opérateur, mais on sait, dans certains abattoirs, pratiquer l’étourdissement dans les secondes qui suivent la saignée.

Reste la question de la méthode d’étourdissement. Pour les bovins, il existe des solutions plus acceptables, sachant que ces procédures potentiellement traumatisantes ne sont pas prévues dans le règlement européen.

En ce qui concerne l’étourdissement préalable, notamment dans l’abattage rituel, ce qui est autorisé peut varier d’une communauté à l’autre. Quelques abattoirs néo-zélandais utilisent l’électronarcose pour l’abattage rituel, mais la technique rencontre des limites techniques, liées à sa maîtrise ou à son coût, même si, à ma connaissance, certains abattoirs en France l’ont essayée.

Quant à l’étourdissement mécanique, tel qu’il est pratiqué en Malaisie, tout est question d’équilibre entre l’efficacité de l’étourdissement et l’absence de lésions. Mais, là encore, le matériel nécessaire n’est pas prévu dans la réglementation européenne et, par ailleurs, c’est une technique qui pose, elle aussi, la question de son acceptabilité par les cultes.

Quelle que soit la méthode envisagée, les enjeux ne sont plus uniquement scientifiques, puisqu’il est acquis que, si l’étourdissement est bien pratiqué, il limite la douleur ; c’est ce qu’il fait qu’il est obligatoire depuis plus de cinquante ans.

Reste la question de l’étourdissement réversible. Tout dépend ici de la manière dont on appréhende cette question de la réversibilité. Par ailleurs, on ne pourra jamais éviter les risques létaux sur une fraction des animaux : nous ne sommes pas dans la manipulation de boulons mais dans de la biologie…

En ce qui concerne l’étourdissement post-saignée, il faut parvenir à une maîtrise optimale du procédé, éventuellement grâce à une contention des animaux à l’envers – certains abattoirs maîtrisent cette technique et sont capables de pratiquer l’étourdissement dans les cinq à dix secondes suivant la saignée, le temps que l’animal soit remis en position.

Mais cela reste une question d’acceptabilité, et, au final, un choix politique dans lequel vous, parlementaires, avez votre mot à dire : on a coutume de dire en formation que la réglementation est la synthèse entre les attentes éthiques et sociétales et les connaissances scientifiques… C’est à vous qu’il revient de faire la synthèse !

M. le rapporteur. Je suis frappé de la divergence entre l’image que les personnels ont de leur métier et celle que s’en fait le grand public. Or, en la matière, il y a des cercles vertueux et des cercles vicieux. Si on porte sur votre travail un regard négatif, vous vous sentez dévalorisé, jusqu’à revendiquer cette dévalorisation pour finir par se l’approprier. Comme le dit l’un des personnages dans Les Voleurs de Louis Malle : « Je fais un sale métier, mais j’ai une excuse, je le fais salement. » C’est le cercle vicieux. À l’inverse, si vous êtes bien équipé, appelé à manipuler un matériel d’une grande technicité, et correctement payé, les autres vous perçoivent comme un maillon clé de la chaîne ; du coup, l’estime que vous portez à vous-même comme à l’ensemble du groupe est plus grande. La formation doit également amener aux opérateurs à porter un autre regard sur leur travail.

Mme Claudia Terlouw. Les personnes qui travaillent dans les abattoirs ne se sentent pas considérées et ont du mal à considérer l’autre, et à plus forte raison les animaux avec lesquels ils travaillent.

M. Pierre Frotin. Les formations débutent généralement par un échange sur la manière dont les opérateurs conçoivent leur métier, qui confirme ce qui vient d’être dit. Cela étant, depuis que la protection animale s’est traduite par de nouvelles règles opérationnelles, de nombreux abattoirs ont renouvelé leurs effectifs et embauché, pour travailler dans les bouveries et les porcheries, des gens spécialisés dans le domaine animalier et motivés. Cela se traduit par une montée du niveau de ces personnels qui, il y a quinze ans, étaient considérés comme la dernière roue du carrosse. Aujourd’hui, les clients qui viennent visiter les abattoirs s’attardent longtemps dans les lieux de vie de l’animal, considérant que les étapes postérieures de la chaîne sont maîtrisées. Les salariés qui y travaillent sont donc plus compétents et mieux reconnus.

M. le président Olivier Falorni. Madame, messieurs, il me reste à vous remercier pour cette audition très intéressante.

La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Réunion du jeudi 12 mai 2016 à 10 h 30

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Jean-Luc Bleunven, M. Jean-Yves Caullet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, Mme Geneviève Gaillard, M. Jacques Lamblin, Mme Annick Le Loch, M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Excusé. - M. François Rochebloine, M. Arnaud Viala

(1) La relation mère-jeune chez les bovins : influences de l'environnement social et de la race – Pierre Le Neindre – thèse d'État, 1984.