La séance est ouverte à neuf heures cinq.
M. le président Claude Bartolone. Notre ordre du jour appelle l’examen du rapport de suivi de l’évaluation de la RGPP réalisée à la fin de la précédente législature, qui a été présentée au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) le 1er décembre 2011. Il a été préparé par les deux auteurs du rapport initial, M. François Cornut-Gentille et M. Christian Eckert. Après les avoir entendus, nous réfléchirons aux suites à donner à leur remarquable travail.
M. Christian Eckert, rapporteur. Le rapport consistant que nous avons réalisé au mois de décembre 2011 avait été élaboré de façon consensuelle entre les deux rapporteurs, dont il ne vous a pas échappé qu’ils ne partagent pas la même sensibilité politique.
La réorganisation de notre assemblée et le travail assez substantiel qui m’a été confié en tant que rapporteur général m’ont conduit à déléguer à François Cornut-Gentille l’élaboration du rapport de suivi. J’ai en effet participé à peu d’auditions et, pour la suite éventuelle de nos travaux, sans doute sera-t-il utile qu’un collègue me remplace. Cela ne nous a pas empêché de travailler en bonne entente, comme lors de l’élaboration du rapport initial, et de formuler aujourd’hui un constat partagé.
En tant que parlementaires, il nous est apparu que l’une des raisons de l’échec ou, à tout le moins, de la mauvaise image de la RGPP s’explique par la non association du Parlement à cette politique. La réussite de la modernisation de l’action publique (MAP) doit en revanche reposer sur la participation des parlementaires et, bien évidemment, des usagers ainsi que des personnels. Ainsi, un amendement au PLF pour 2013 a été adopté en première lecture afin de créer les conditions d’une telle association ou, si j’ose dire, d’une « navette » entre ceux qui sont chargés de la MAP au sein du Gouvernement et nous autres, parlementaires. Si vous en êtes d’accord, nous devrons nous appuyer sur cet élément créant les conditions d’une bonne information du Parlement.
M. François Cornut-Gentille, rapporteur. Je vous remercie, cher Christian Eckert, pour vos propos.
Je me consacrerai essentiellement à l’exposé des conclusions du rapport afin que nous puissions débattre. Vous l’avez reçu il y a quelques jours mais, si vous n’avez pas eu le temps de le lire, vous pouvez vous reporter au sommaire ou aux slides qui viennent de vous être distribués.
Les conclusions que nous avons formulées concernent la réforme de l’État elle-même, objet de la RGPP – la MAP aujourd’hui –, ainsi que le rôle du Parlement. Je soutiens la thèse – que vous partagerez, je l’espère – selon laquelle le Parlement peut et doit devenir un moteur de la réforme de l’État. Il s’agit même d’une condition de sa réussite, mais cela suppose une évolution assez profonde du travail parlementaire, que la méthode de travail au sein du CEC peut en partie préfigurer.
En effet, nous travaillons sur le long terme. Voilà à peu près deux ans que Christian Eckert et moi-même réfléchissons sur le thème qui nous réunit ce matin. Si, parfois, le travail parlementaire est un peu superficiel puisqu’il nous arrive de passer d’un sujet à l’autre, tel n’est pas en l’occurrence le cas. Sur une telle période, même si chacun a gardé ses convictions, nos idées sur la réforme de l’État ont évolué, se sont affinées et approfondies.
De plus, comme l’a dit Christian Eckert, nous n’avons pas la même sensibilité politique. Le changement de majorité a inversé nos rôles, et c’est très bien. Ces regards croisés dans la durée permettent de travailler d’une manière un peu différente et de nourrir une vision sans doute moins manichéenne. Nous nous approchons ainsi de ce que doit être un véritable travail parlementaire, sans complaisance ni vindicte, mais visant à éclairer et à faire comprendre les choix qui s’offrent à nous. C’est ainsi que l’on pourra proposer des solutions.
La tonalité de notre rapport de 2011, dans un contexte préélectoral, était quelque peu critique. Nous avons formulé un certain nombre de points de vue désagréables, et sur la violence de la RGPP ainsi que du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et sur le fait que les agents de la fonction publique ont plus subi cette politique qu’ils ne l’ont accompagnée. Nous avons aussi souligné certains acquis : une volonté politique forte, une action déterminée, un travail sur les fonctions de soutien des ministères, une meilleure réactivité de la part de ces derniers. Ainsi, si la MAP rompt avec le « un sur deux », elle préserve des acquis ou des réformes de base de la RGPP.
Le rapport que nous présentons aujourd’hui permet d’aller plus loin.
Le Gouvernement avait demandé à dix inspecteurs issus de trois inspections de réaliser un audit de la RGPP, lequel valide globalement l’ensemble du travail que nous avons réalisé et sur lequel le Gouvernement s’est appuyé pour mettre en place la MAP. Nous avons donc été entendus. Le Gouvernement essaie d’atténuer la violence de la RGPP, met en place un certain nombre de mécanismes permettant de favoriser la participation des fonctionnaires et, enfin, se montre attentif à la gestion des ressources humaines, domaine dans lequel l’État a des progrès à accomplir. Il s’est donc saisi de tous les points sur lesquels nous l’avions alerté.
Néanmoins, il ne suffit pas d’affirmer que la RGPP est morte et de supprimer le « un sur deux » pour s’abstraire de la pression financière, qui reste extrêmement forte. Si je ne doute pas de la volonté du Gouvernement de réfléchir profondément à la réforme de l’État, elle se heurte néanmoins – comme ce fut le cas autrefois pour les promoteurs de la RGPP – aux contraintes financières. Je le répète : la pression demeure forte au sein des ministères et peut-être empêchera-t-elle la réflexion d’aller aussi loin qu’il serait souhaitable.
Afin de sortir d’une telle situation, il convient de trouver d’autres mécanismes permettant d’impulser la réforme de l’État. Deux directions nous semblent en l’occurrence devoir être explorées : l’action parlementaire, je l’ai dit, ainsi que celle des citoyens et des usagers.
Ce dernier point faisait déjà partie des objectifs de la RGPP mais la MAP vise à faire mieux, dans un contexte où nous nous heurtons à de nombreuses difficultés. Qui sont, au fond, les usagers ? Leurs associations sont-elles représentatives et unies ? Les ministères font quant à eux de grands efforts afin de réaliser des enquêtes de satisfaction, mais ils sont à la fois juge et partie. Même si les fonctionnaires sont très consciencieux, il est probable que les attentes du public se heurtent à une stratégie de communication qui peut susciter parfois quelques doutes. Nous envisageons donc de faire en sorte qu’une partie des outils visant à déterminer les attentes des usagers devienne indépendante des ministères et soit confiée au Défenseur des Droits. Réceptionnant toutes les plaintes et les doléances des administrés, il se montrerait impartial pour gérer ces outils et mieux refléter les attentes de nos concitoyens. Si une telle idée ne devait pas être retenue, nous serions néanmoins dans l’obligation de promouvoir une approche plus objective et impartiale de la détermination des attentes de nos concitoyens.
Le Parlement, quant à lui, doit être le moteur de la réforme de l’État afin que ce dernier puisse bénéficier d’une analyse plus fine et d’un regard extérieur. D’une façon peut-être techniquement utile mais politiquement et « managerialement » maladroite, la RGPP avait accordé une grande importance aux audits privés. Or, malgré les éclairages apportés, imposer de but en blanc à l’administration la vision du secteur privé soulevait un certain nombre de problèmes. En revanche, la pression et les audits du Parlement, avec sa légitimité démocratique, peuvent être une force afin de faire avancer la réforme de l’État. Le rapport de la mission d’inspection allait dans ce sens-là mais ne formulait pas vraiment de propositions opérationnelles. Nous proposons quant nous de travailler dans deux directions.
Tout d’abord, donc, une association directe du Parlement à la réforme de l’État. Nous avons fait adopter en commission des Finances puis lors de la discussion budgétaire un amendement demandant au Gouvernement, chaque fois qu’il met en œuvre une nouvelle étape de modernisation de l’État, d’indiquer au Parlement quels sont ses constats et ses objectifs. Le Parlement pourra ainsi poser des questions, émettre des recommandations et suivre « en direct » le mouvement de réforme.
Ensuite, il nous a semblé utile d’essayer de faire monter en puissance les débats portant sur la loi de règlement. Chaque année, le débat budgétaire dure deux mois à l’automne et mobilise l’ensemble des parlementaires et des ministres. Il est pourtant un peu virtuel et artificiel puisque la majorité a tendance à faire des louanges des intentions du Gouvernement quand l’opposition préfère se montrer suspicieuse. En revanche, l’examen de la loi de règlement, qui pourrait devenir une analyse du budget effectivement réalisé – lequel diffère souvent de la loi de finances initiale –, occupe seulement pendant deux heures un hémicycle clairsemé. Or, si nous organisions un certain nombre de discussions et d’audits autour de la loi de règlement, notre travail parlementaire serait plus documenté, plus intéressant, plus efficace, plus valorisant. Nos questionnements pourraient être en effet beaucoup plus affinés : vous aviez prévu de dépenser telle somme pour tel programme ? Avez-vous changé d’avis ? Sont-ce les structures et l’organisation gouvernementales qui n’ont pas fonctionné ? Il est également possible, dans un tel cadre, de prendre date pour la loi de finances à venir.
Je le répète : un travail plus approfondi qui s’inspirerait de celui mené au sein du CEC aurait des incidences positives sur la qualité des débats budgétaires. C’est en tout cas l’hypothèse que je formule et c’est la direction dans laquelle je souhaiterais que nous nous engagions. J’insiste : un questionnement intense autour de la loi de règlement ferait que, lorsque le ministre de l’économie et des finances présente le PLF, nous ne nous contenterions pas de dire si nous sommes d’accord ou non. Nous lui rappellerions les questions que nous lui aurions posées sur l’exécution du budget précédent, nous lui dirions que nous souhaitons connaître les raisons des succès et des échecs. Un tel travail parlementaire dans la durée, assorti d’un regard croisé de la majorité et de l’opposition, serait à mon sens beaucoup plus utile à notre pays.
Tout cela m’a conduit à me demander pourquoi la LOLF n’a pas permis la révolution qu’elle avait annoncée. C’est d’abord parce qu’elle est restée, si j’ose dire, prisonnière de la commission des Finances. Cette dernière peut être un fer de lance dans la mise en place des nouvelles pratiques que nous voulons initier, mais si ces dernières ne sont pas partagées par l’ensemble de nos collègues, elles demeureront marginales. Il faut que les parlementaires, toutes commissions confondues, s’approprient cette nouvelle façon de travailler.
En outre, nous avons voulu changer nos méthodes de travail du jour au lendemain. Des collègues prestigieux ont formulé des recommandations très intéressantes qui demeurent d’ailleurs à ce jour assez valables, mais qui supposaient une évolution plus profonde de notre travail. Or, un changement de comportement ne se décrète pas par des textes. Je suggère donc de promouvoir une approche très expérimentale. Progressivement, avec des collègues issus de différentes commissions, nous devons essayer d’examiner comment il est possible d’enrichir nos débats. Une généralisation sera envisageable lorsque la preuve d’un bon fonctionnement aura été apportée.
Je ne vous propose pas une option de travail parmi d’autres. Je ne vous dis pas que la réforme de l’État fonctionnera un peu mieux si le Parlement s’en occupe. Ma conviction, c’est qu’elle ne sera effective que si le Parlement, aiguillon indispensable, se l’approprie. Cela implique que le Gouvernement comprenne cette démarche. Oui, un travail parlementaire plus approfondi peut aider à la réforme. Il ne se résume pas à poser de temps en temps des questions « enquiquinantes » mais il suppose que les parlementaires se saisissent de certains sujets et acceptent de travailler un peu autrement que par le passé.
M. Christian Eckert, rapporteur. Je partage l’analyse de François Cornut-Gentille quant à l’importance de la loi de règlement, à laquelle la loi organique que nous avons très récemment adoptée confère d’ailleurs plus d’importance que par le passé, notamment s’agissant de la vérification de la concordance de l’exécution budgétaire par rapport aux lois pluriannuelles encadrant l’évolution des finances publiques.
La MAP doit immanquablement impliquer – sans doute avons-nous été un peu timides à ce sujet pendant ces premiers mois – une analyse et une réforme des agences et des opérateurs de l’État. Lors du dernier débat budgétaire, les propositions volontaristes qui ont été formulées n’ont pas toujours été suffisamment suivies. Je les réitérerai donc, notamment celles qui concernent des plafonnements ou des contraintes à faire peser sur certains opérateurs de l’État.
Enfin, il me semble qu’il est impossible de déconnecter la MAP de l’acte III de la décentralisation – il en est un peu question dans le rapport – qui, s’agissant de la répartition et de l’exercice des compétences, doit intégrer le travail propre à la réforme de l’État.
M. Jacques Myard. Je vous ai écoutés avec beaucoup d’intérêt.
Il a été grandement question de méthode. Première remarque d’un député de base : pour que le Parlement remplisse sa mission de contrôle, il faut poser la question des moyens dont il dispose et dont disposent les députés. Or, nous sommes des artisans et nous avons peu de moyens. Si la loi sur le non cumul des mandats est votée, il faudra les renforcer. Vous savez comment nous travaillons et combien nous manquons de collaborateurs par rapport à ceux dont disposent des collègues dans d’autres démocraties.
De plus, je suis un peu surpris qu’une mission de contrôle de la réforme de l’État soit confiée au Défenseur des Droits. Ce dernier pointe un dysfonctionnement singulier dans un service public et la conclusion ne manque pas de tomber : il faut plus de moyens ! Il n’est jamais question de faire mieux ou de rationaliser.
Par ailleurs, que pensez-vous, messieurs les rapporteurs, de deux points qui me paraissent soulever de sacrés problèmes quant au fonctionnement de l’État : d’une part, la multiplication des agences indépendantes, qui engendre une totale irresponsabilité démocratique – ces pseudo autorités administratives, dont la seule fonction est de remettre un rapport, échappent quasiment à tout contrôle –, et, d’autre part, la démultiplication des normes, laquelle engendre une certaine pesanteur ? Ainsi, le concessionnaire VEOLIA est-il intervenu avec un peu de retard dans ma commune de Maisons-Laffitte suite à un problème de canalisation et mes concitoyens n’ont pas manqué de se demander ce que c’était que ce service public à l’américaine ! Nous sommes donc pris entre, d’une part, une demande forte de nos compatriotes qui veulent plus de service public tout en voulant payer moins d’impôt et, d’autre part, sous la pression d’un certain nombre de lobbies, une multiplication des normes. Or, qui dit réglementation dit contrôle, fonctionnaires, agences... Une réflexion approfondie s’impose donc.
M. François Cornut-Gentille, rapporteur. La question des moyens est évidemment fondamentale et si nous voulons que le Parlement travaille d’une manière un peu différente, elle ne manquera pas de se poser. Travaillant avec Christian Eckert, je constate que le rapporteur général qu’il est dispose certes de quelques moyens, mais que, par rapport à la masse de travail effectué, ils sont faibles. Le parlementaire de base, monsieur Myard, n’est pas le seul à être concerné par ce problème que vous avez eu tout à fait raison de souligner. Nous devons toutefois apporter la preuve qu’il est possible de faire mieux afin que les moyens suivent, et pas l’inverse.
S’agissant du Défenseur des Droits, je n’ai peut-être pas été suffisamment clair. Mon idée n’est pas qu’il contrôle les ministères et les organismes publics mais qu’il soit responsable des baromètres d’image et de satisfaction pour s’assurer que les bonnes questions sont posées et que les attentes des usagers sont vraiment prises en compte. Quoi qu’il en soit, si le Défenseur des Droits ne devait pas être le bon interlocuteur, je suis persuadé qu’il faut sortir ces études du périmètre des ministères. Peut-être l’ex-direction générale de la modernisation de l’État (DGME) pourrait-elle aussi jouer ce rôle ou d’autres organismes mais, eux aussi ayant intérêt à montrer que leurs réformes sont efficaces, sans doute serait-il préférable de confier un tel travail à une autorité indépendante.
Christian Eckert, rapporteur. Lors de l’élaboration du notre rapport initial, nous avions auditionné le Médiateur de la République, qui, lui-même, avait publié un rapport qui avait eu un peu de retentissement. Qu’il ait été le révélateur d’un certain nombre de dysfonctionnements de nos services publics nous avait alors paru enrichissant.
François Cornut-Gentille a apporté les précisions qu’il fallait : le Défenseur des Droits ne doit pas avoir une fonction de contrôle mais, en quelque sorte, de « thermomètre » afin de mesurer ce qui se passe, même si nous avons par ailleurs nous-mêmes un certain nombre de retours dans nos permanences.
M. François Cornut-Gentille, rapporteur. En matière de contrôle, les termes de notre débat sont encore superficiels : l’État doit-il ou non conserver telle ou telle mission, à qui doit-il la confier ? Nous ne sommes pas encore parvenus à nous interroger sur le sens de ces missions ou de leur organisation : c’est cela qui explique la multiplication des organismes et des normes.
Les organismes prétendument indépendants ont été créés afin de bénéficier d’un peu de la souplesse dont nous ne disposions pas sur un plan administratif. S’interroger sur les missions permettra également de nous interroger sur leur raison d’être. Il est très frappant de constater que les grandes politiques nouvelles que nous avons menées comme le grand emprunt – début d’une politique industrielle –, ou l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) – début d’une politique de la ville après les Grands projets de ville (GPV) –, ont suscité la création d’un nouvel instrument. C’est donc bien la question des missions que le Parlement doit approfondir.
M. le président Claude Bartolone. Il faudra revenir sur ce problème fondamental des moyens évoqué par M. Myard. Ou la fin du cumul des mandats est suivie d’une revalorisation du Parlement et de l’organisation d’un nouveau mode de fonctionnement, ou les électeurs se demanderont à quoi nous servons.
M. Jacques Myard. Ils se posent déjà la question.
M. le président Claude Bartolone. À partir des documents annexés au PLF pour 2013, j’ai dénombré 668 comités « Théodule ». Certes, tous n’ont pas la même importance mais je ne comprends pas pourquoi une partie de leurs travaux n’est pas rapatriée au sein du Parlement.
M. Jacques Myard. C’est évident.
M. le président Claude Bartolone. J’ai eu l’occasion de m’adresser au Président de la République et au Premier ministre et je formulerai une série de propositions, mais il n’est pas possible de prétendre vouloir revaloriser le rôle du Parlement tout en externalisant une partie de son action.
Mme Claude Greff. On est d’accord.
M. le président Claude Bartolone. Cela dit, je reconnais qu’il s’agit là d’un sujet différent de celui qui nous réunit aujourd’hui, mais il faudra y revenir.
Mme Marianne Dubois. Comment mieux associer les usagers à l’évaluation des politiques publiques afin qu’ils puissent devenir une véritable force de propositions ? Comment aller au-delà du forum d’échanges existant ?
Mme Catherine Coutelle. J’ai presque terminé la lecture de ce rapport qui me paraît d’autant plus intéressant que j’ai moi-même souhaité que nous réalisions avant la fin de l’année un bilan de l’influence de la RGPP sur les délégations régionales aux droits des femmes et à l’égalité.
Les contraintes financières nous obligent à une rationalisation qui, si j’ai bien compris, continuera sous la forme de la MAP, mais nous avons besoin d’autres moteurs.
L’implication des agents me semble à cet égard essentielle. Ils ont en effet été bousculés par la RGPP sans toujours comprendre où ils allaient et quelles missions on voulait leur donner. Ils ne savent plus ni où se situe leur périmètre d’action, ni que ce que l’on attend d’eux, mais ils sont évalués en permanence. L’« évaluationnite aiguë » règne. Le recteur de l’académie de Poitiers m’a ainsi confié qu’il disposait de pas moins de huit personnes qui se consacrent exclusivement à faire remonter des statistiques qui ne servent à rien puisqu’elles ne sont pas retournées aux intéressés. Je gage qu’elles sont aussi nombreuses au sein d’autres inspections académiques. Imaginez combien cela est « chronophage » pour les directeurs d’écoles et les proviseurs !
J’attire également votre attention sur le public. Le rapport du Médiateur Delevoye, auquel il vient d’être fait allusion, avait dénoncé la scission qui sépare le public et les administrations, due à une tension et à une incompréhension très fortes, notamment dans les préfectures et en particulier au sein des services dédiés aux étrangers. Les chartes en direction du public qui avaient été mises en place au sein des préfectures existent-elles toujours et sont-elles appliquées ?
S’agissant des usagers, il convient de distinguer les associations, le public, les différents partenaires et les collectivités. Avec la diminution des crédits de l’État et des collectivités, nous avons transformé en appels d’offres annuels le financement des associations importantes qui travaillent à des missions d’intérêt général. Des représentantes d’associations dédiées aux droits des femmes me disent ainsi qu’elles constituent de nombreux dossiers chaque année pour obtenir ici 2 000, là 5 000, là 10 000 euros. Une fois encore, de telles pratiques sont « chronophages » et inefficaces. Une simplification des procédures s’impose donc. Peut-être pourrait-on envisager un renouvellement des engagements financiers tous les trois ans ?
Mme Claude Greff. Il est important que nous puissions bénéficier d’évaluations.
Mme Catherine Coutelle. Pourquoi pas tous les trois ans, au moins pour les associations les plus importantes ?
En outre, nous avons l’impression qu’il existe des doublons entre l’administration centrale et les collectivités. L’acte III de la décentralisation permettra-t-il de clarifier les compétences des uns et des autres ? Lorsque l’État a transféré une mission, qu’il ne cherche pas à s’y cramponner ! Cela ne signifie pas qu’il ne doit pas jouer son rôle de stratège ou d’aménageur du territoire mais les doublons doivent être éliminés !
S’agissant des délégations régionales aux droits des femmes, nous rendrons notre rapport dans quelque temps mais nous constatons d’ores et déjà que l’administration centrale n’a pas changé alors que nous disposons désormais d’un ministère des droits des femmes. De plus, sur le terrain, l’organisation des services est compliquée puisque, sur le plan régional, elle dépend du Secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) et, sur le plan départemental, de la cohésion sociale. Entre les deux, on ne peut que constater la souffrance des personnels. Le public, quant à lui, ne parvient plus à percevoir les politiques qui sont mises en place.
Enfin, à un certain niveau de direction, les personnels dont disposent les SGAR sont tenus à une mobilité tous les six ans, laquelle s’appliquera aux déléguées régionales des droits des femmes (DRDF), qui sont souvent des contractuelles. Que va-t-on faire d’elles alors que leur efficacité est tributaire de leur connaissance des situations locales ? La mobilité, peut-être, mais pour qui et pour quelle efficacité ?
M. Jean-Christophe Fromantin. Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, pour ce travail et les premiers éléments, très intéressants, dont vous nous avez fait part.
Nous avons tendance à faire de l’usager un évaluateur. Dans l’un des slides que vous nous avez remis, vous écrivez qu’il convient de « poursuivre les simplifications administratives en analysant les parcours des usagers ». Or, je me demande à quel point ces parcours ne devraient pas en fait constituer un point de départ. Avec l’accueil du public, l’État et les collectivités disposent en effet d’un élément d’évaluation très intéressant.
Lorsque j’ai voulu travailler à l’amélioration des procédures dans ma ville, j’ai demandé qu’un point soit réalisé sur les politiques publiques territoriales qui accueillent le plus de monde – état-civil, sport, urbanisme etc. Nous avons ensuite repris chacun de ces parcours. Sans doute serait-il donc utile de commencer par considérer les différentes missions de l’État, le public accueilli dans les différents guichets des agences, des collectivités, des administrations puis, à partir de là, de reconstruire des parcours. Nous nous mettrions ainsi dès le départ dans la situation de ceux pour lesquels on travaille, ce qui permettrait d’avoir une approche extrêmement transversale et non plus par silos. C’est ainsi que nous pourrions moderniser le service public.
N’y aurait-il pas moyen de procéder à une évaluation des politiques publiques en retraçant des parcours hiérarchisés à l’aune de l’accueil du public tel qu’il est pratiqué aujourd'hui dans l’ensemble du secteur public ? Ce travail aurait le mérite de partir de la perception des services publics qu’ont les usagers.
Le deuxième élément, c’est le caractère bidimensionnel de la modernisation de l’action publique : optimisation financière et amélioration du service rendu. Quel sens y a-t-il à faire du « zéro valeur », à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux si les objectifs à atteindre n’ont pas été préalablement définis ? Aucune entreprise ne réduit les coûts sans avoir auparavant défini son projet stratégique dans un environnement concurrentiel nouveau. Or l’objectif de la RGPP ou de la MAP semble porter sur les moyens plutôt que sur le service, alors que c’est celui-ci qui donne tout son sens à l’action publique.
Le troisième élément concerne les leviers. La difficulté propre à un tel exercice d’évaluation est de réussir à passer d’une démarche verticale à une démarche transversale, en vue d’élargir les marges de manœuvre de l’évolution des politiques publiques. L’acte III de la décentralisation pourrait être le moyen de réallouer les compétences dans la perspective d’une plus grande proximité. Le tout est de réussir l’articulation entre l’objectif de l’évaluation et celui de la réallocation des compétences, ce qui suppose de redéfinir les parcours sans aucun préjugé et d’accepter que certains puissent être territorialisés et d’autres recentralisés, en raison notamment des évolutions technologiques.
La France est au vingtième rang des pays ayant intégré dans leurs politiques publiques les effets de levier des technologies numériques, alors même que les modèles d’organisation, notamment économiques, des entreprises reposent aujourd'hui sur une connaissance de plus en plus affinée, permise par l’évolution technologique, des comportements individuels. Si la modernisation de l’action publique prenait mieux en compte les leviers numériques, un tel bouleversement des modèles pourrait conduire les politiques publiques à réaliser des économies considérables en s’ajustant aux comportements des usagers.
M. Régis Juanico. Les rapporteurs ont évoqué l’amendement au projet de loi de finances qu’ils ont fait adopter, visant à une meilleure information des commissions permanentes du Parlement sur le processus de modernisation de l’action publique. Cette initiative prouve – et je m’en réjouis – que les préconisations des rapports du CEC aboutissent. M. Michel Heinrich et moi-même avons également fait adopter un amendement au projet de loi de finances tendant à une meilleure information du Parlement sur l’expérimentation sociale – égalité hommes-femmes, inclusion sociale. Ainsi, les rapports de suivi ont une traduction concrète, laquelle permet de mieux associer les parlementaires à l’amélioration des politiques publiques.
En tant que rapporteur spécial du budget de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », je tiens à souligner les effets conjugués à la fois de la RGPP et de la RéATE – réforme de l’administration territoriale de l’État – sur les personnels jeunesse et sport, non seulement en termes de réduction des effectifs, avec un taux de non-remplacement de deux sur trois en 2010 – 1 330 emplois perdus en trois ans sur quelque 6 500 –, mais également en termes de réorganisation. Les personnels jeunesse et sport, qui avaient une très forte identité professionnelle, ont en effet été absorbés par les directions départementales ou régionales relevant de la cohésion sociale ou de la protection des populations, qui regroupent les personnels des politiques sanitaires et sociales – les vétérinaires, par exemple.
Toutefois, chacun admet le caractère désormais quasi irréversible des changements réalisés dans le cadre de la RGPP et de la RéATE. En dépit de la demande des personnels jeunesse et sport d’être rapprochés du pôle éducatif plutôt que de rester au sein des directions sanitaires et sociales, il sera très difficile de faire machine arrière. C’est pourquoi, même si la modernisation de l’action publique telle qu’elle est conduite à partir d’aujourd'hui doit intégrer toutes les critiques formulées à l’encontre de la RGPP, je pense que les décideurs politiques hésiteront, non sans raison, à provoquer de nouveaux bouleversements.
M. Christian Eckert, rapporteur. M. Juanico a raison : on ne saurait procéder tous les deux ans à des restructurations d’ensemble. Ce constat ne doit pas, cependant, nous conduire à l’immobilisme.
Il convient de souligner la rupture de méthode entre la révision générale des politiques publiques et la modernisation de l’action publique : le secrétariat général pour la MAP relève des services du Premier ministre et non plus de ceux de Bercy. C’est le signe fort qu’une vision structurante au profit des usagers sera désormais préférée à la seule vision comptable, ce qui permettra de redonner toute leur place aux personnels et aux usagers ainsi que de revaloriser le rôle du Parlement en matière de portage de la réforme.
M. François Brottes. Les missions de service public peuvent être exercées soit directement par les pouvoirs publics, soit par des entités privées auxquelles elles sont déléguées, soit dans un cadre concurrentiel. Il convient de distinguer ces modes d’approche.
On ne saurait non plus oublier le fait que les directives européennes, sur lesquelles nous n’avons aucune marge de discussion, encadrent nos politiques publiques. Or ces directives imposent très souvent la création d’entités indépendantes, qui ont vidé de toute sa substance l’expertise de l’État. Il faut être lucide : l’Assemblée nationale ne peut pas revenir sur ces directives. Du reste, chercher à le faire serait contre-productif.
Je tiens également à déplorer qu’il ne soit de la culture ni de la commission des Finances ni de Bercy de chercher à savoir si les mesures d’économies qui sont adoptées permettent, au bout du compte, de réaliser de véritables économies. Avec eux, c’est toujours combien on gagne, mais jamais combien on perd ! Un bilan en la matière serait nécessaire et nous devrions nous imposer une réflexion en ce sens, par exemple au sujet de l’outre-mer.
Je prendrai un exemple : la RGPP s’est accompagnée trop souvent d’un grand mépris à l’égard des agents de la fonction publique d’État dont on a fermé les services. Certains d’entre eux, notamment à la défense nationale, se sont même retrouvés sans plus rien avoir à faire ! C’est là une vraie gabegie financière, qui s’est accompagnée d’un immense gâchis humain et professionnel.
M. Christian Eckert, rapporteur. Le fil directeur de notre premier rapport a été de suggérer de définir avant toutes choses des compétences précises et de chercher à savoir qui les exercerait au mieux, de l’État ou des autres acteurs – opérateurs externes, agences ou collectivités locales –, ce qui n’avait pas été fait dans le cadre de la RGPP.
Pour ce rapport de suivi, j’ai demandé à M. François Cornut-Gentille de ne revenir que sur deux de ses recommandations, dont celle qui visait à retarder l’acte III de la décentralisation en vue de donner plus de temps à une analyse approfondie des compétences et de leur attribution. Je pense en effet qu’il faut trouver un juste milieu entre la brutalité dont s’est accompagnée la RGPP et une trop grande retenue, laquelle conduirait à rallonger les délais de manière excessive. En tant que rapporteur général, j’ai par ailleurs veillé, aux côtés de M. François Cornut-Gentille, à refuser toute orientation strictement comptable de la MAP.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Ce rapport m’a rappelé mes trente années passées dans la fonction publique. La France s’attelle depuis longtemps à la réforme de l’État. M. Pierre Mauroy avait publié une circulaire en ce sens, suivi par M. Anicet Le Pors, son ministre de la fonction publique. Auparavant déjà, Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre, s’était attelé à la réforme du statut juridique de l’usager. La France, entre-temps, a subi la mondialisation et a été prise dans le grand vent de la nouvelle gestion publique, d’inspiration anglo-saxonne, dont les objectifs, qui ont apporté des idées de bon sens, ont également fait des ravages.
L’intérêt de ce rapport de suivi est de montrer que la France, avec retard, a succombé à certains effets de mode, dont l’« évaluationnite » aiguë, au moment où le Royaume-Uni en sortait. Notre pays a également eu tendance à se culpabiliser tout en accusant ses fonctionnaires d’incompétence. Depuis une dizaine d’années, la haute fonction publique est touchée par un profond désarroi. Or les bonnes réformes consistent, non à culpabiliser, mais à bien évaluer les défauts et à les contrebalancer en prenant appui sur les qualités.
Nous arrivons aujourd'hui à une synthèse sur l’idée de service public, ce que ne montre peut-être pas suffisamment le rapport. La réforme de l’État doit être guidée par l’idée d’un service public justement délivré aux usagers, avec une participation de leur part, dans des conditions compatibles avec des finances saines de l’État. Il ne faut pas séparer le cadre dans lequel s’exerce l’action de l’État et le contenu des réformes. C’est ainsi que le rapport fait une analyse approfondie de la réforme de la carte judiciaire, rejoignant celle du Sénat, qui était également celle du Conseil d’État : si cette réforme était nécessaire, la précipitation a été mauvaise conseillère, le seul critère choisi, celui du chiffre, conduisant à la création de véritables déserts judiciaires. La réforme des cadres retentit sur les contenus, et réciproquement.
Enfin, la politique des partenariats public-privé doit être révisée dans le cadre de la MAP afin d’assainir la situation. Chacun le reconnaît aujourd'hui, ces partenariats sont une très mauvaise affaire pour la puissance publique : le service public n’y gagne pas, les finances y perdent, mais d’autres y gagnent beaucoup... Je plaide pour une réflexion approfondie sur le sujet afin d’éviter de nouvelles pertes financières.
La crise a imposé dans le monde entier un retour du service public. Tout élément de réflexion sur la réforme de l’État doit intégrer les critères suivants : la participation et la satisfaction de l’usager, la place de l’agent public, une mobilité suffisante permettant d’assurer le service public. L’évaluation doit avoir pour objectif de déterminer si les politiques publiques voulues démocratiquement par le Gouvernement et le Parlement sont bien menées.
M. Jacques Myard. Nous sommes victimes d’une idéologie ambiante, occidentale et eurobéate, selon laquelle seuls les organismes privés seraient bien gérés. S’il est vrai que leur gestion est souvent plus rationnelle que celle de l’administration, penser que le service public est une notion obsolète est une grave erreur distillée par Bruxelles, qui veut remplacer le service public – répondant ainsi à une volonté politique – par le service d’intérêt général, dont l’objet est simplement de pallier les manques du marché.
Il faut revenir aux fondements du service public, lequel structure les sociétés. Nous sommes, en ce domaine, en porte-à-faux par rapport à l’idéologie bruxelloise.
Mme Catherine Coutelle. Il ne faut pas calquer la réforme du service public sur l’entreprise, sous peine d’échouer, car une entreprise peut être bien gérée sur le plan économique mais très mal gérée sur le plan humain. Il est vrai que la fonction publique a, elle aussi, bien du mal à gérer les ressources humaines !
Les suppressions de postes dans l’éducation n’ont, en termes comptables, généré aucunes économies, du fait de l’augmentation concomitante des heures supplémentaires.
M. François Cornut-Gentille, rapporteur. En cette affaire, comment ne pas penser à la LOLF, elle aussi fruit d’une démarche conjointe de la majorité et de l’opposition de l’époque –Didier Migaud et Alain Lambert étant les pères de cette loi –, qui avait pour ambition de moderniser le fonctionnement du Parlement et de l’État en matière de lois de finances ? Or les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes. Pourquoi ? Tout simplement parce que la LOLF reposait sur une meilleure définition des missions de service public et que cette condition a été très vite oubliée, en raison de l’identification, dans les indicateurs de l’administration, des missions aux structures administratives qui les portent. Cette confusion a faussé le débat entre la gauche et la droite, qui commettaient la même erreur, celle de confondre la structure administrative avec la mission de service public, alors que ce n’est pas la même chose. La gauche a défendu les structures contre toute baisse budgétaire tandis que la droite, qui accusait ces mêmes structures de lourdeur, soulignait la nécessité de les dégraisser pour faire des économies.
Il faut vraiment repartir des missions de service public : seule une grille d’analyse reposant sur celles-ci nous évitera de commettre les mêmes erreurs et nous permettra de résoudre les problèmes, notamment le malaise des fonctionnaires. Travailler dans une structure qui n’est plus adaptée ne peut que provoquer de la frustration. L’absence de réflexion sur les missions se lit dans les indicateurs fournis par les administrations. Comment un rectorat peut-il employer huit agents à faire des statistiques, alors qu’il s’agit le plus souvent d’un travail inutile ? Un tel gâchis des compétences ne peut que susciter le plus profond malaise chez des fonctionnaires consciencieux.
De surcroît, on ne saurait confier à des audits privés une réflexion en profondeur sur les missions parce qu’ils n’ont pas la culture de service public. Seul le Parlement a la légitimité pour la mener.
M. le président Claude Bartolone. J’adresse tout d’abord mes plus vifs remerciements aux deux rapporteurs pour la qualité de leur travail. À plusieurs égards, la méthode retenue offre une illustration exemplaire de ce que peut et doit être le travail du Parlement. M. Eckert et M. Cornut-Gentille ont conduit une évaluation précise et apaisée, trans-partisane de la RGPP, alors qu’elle était un sujet d’affrontement compte tenu de la manière dont elle a été menée.
Le deuxième point qui illustre pour moi la qualité de ce travail, c'est que l'Assemblée nationale n'a pas produit là un « énième rapport ». Au contraire, les constats émis par les rapporteurs en décembre 2011 sont désormais largement admis. En septembre dernier, les trois inspections générales – IGF, IGAS et IGA – ont remis au Premier ministre un état des lieux sur la RGPP qui confirme très largement les conclusions du CEC.
Donc, très logiquement, une année après, nous nous retrouvons pour exercer « un droit de suite ». C'est là encore pour moi un point fort : nous disposons d'un rapport qui est utile à l'exécutif pour bien orienter ses priorités et aux députés pour bien exercer leur mission d'évaluation des politiques publiques.
Si cette méthode offre un bon modèle, la modernisation des politiques publiques constitue également un enjeu dont l'Assemblée nationale doit s'emparer à bras-le-corps.
Si la RGPP est finie, la majorité n'a pas pour autant abandonné l'exigence qui s'attache à moderniser l'État, et plus largement la nécessité de moderniser l'action publique dans son ensemble, qu'elle soit mise en œuvre par les services de l'État, par ses opérateurs, par les collectivités locales ou par les organismes de sécurité sociale. Elle devra prendre en considération les conséquences des décisions prises par chacun de ces acteurs sur les autres. Je prendrai l’exemple – quasi caricatural – de la décision, prise par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), d’autoriser au nom de la concurrence l’arrivée d’un nouvel opérateur dans le secteur des télécommunications sans prendre en considération le fait qu’il appartiendra à d’autres opérateurs ou à certains services de l’État d’affronter les conséquences de cette décision en termes de suppressions d’emplois ou de baisse des investissements dans un secteur capital pour sortir de la crise.
La situation des finances publiques exige de nous des changements en profondeur. Le général de Gaulle parlait de la planification à la française comme d'une « ardente obligation ». Eh bien, je crois qu'aujourd'hui notre ardente obligation est de réussir à moderniser l'action publique.
L'exercice est certes difficile et pose la question du rôle des parlementaires et de leur mode de travail concentré sur deux jours – durée insuffisante pour influencer les politiques. De plus, dans toute structure, les résistances au changement sont fortes. Pour que l'État s'adapte, se transforme, s'allège ici et se remuscle là, bref, pour qu'il soit agile et réponde aux attentes des nos concitoyens, il lui faut un aiguillon. Cet aiguillon, c'est le Parlement.
La RGPP avait trop peu associé le Parlement. J'adhère donc pleinement aux recommandations des rapporteurs. Je procéderai dans les jours qui viennent à la nomination de deux députés, l'un de la majorité – sachant que Christian Eckert ne pourra pas assumer cette tâche –, l'autre de l'opposition, pour qu'ils rendent opérationnelles les recommandations de ce rapport. Je pense que la loi de règlement que nous examinerons courant 2013 offrira l'occasion d'une première expérimentation de ce que doit être ce travail d'évaluation.
Le Comité autorise la publication du rapport de suivi.
La séance est levée à dix heures vingt-cinq.