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Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Mercredi 9 septembre 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Alain FAURÉ, Président

Audition, ouverte à la presse, de M. Thomas Rougier, directeur des études à La Banque Postale Collectivités locales.

L’audition débute à seize heures trente-cinq.

M. le président Alain Fauré. Nous reprenons notre séquence d’auditions consacrée aujourd’hui à l’appréciation globale de la trajectoire financière du bloc communal et à cette interrogation qui nous taraude tous : est-elle ou non soutenable ?

Nous accueillons cet après-midi M. Thomas Rougier, directeur des études à La Banque Postale Collectivités locales.

Par son activité de partenaire financier des collectivités territoriales, La Banque Postale peut porter sur celles-ci un regard particulièrement affûté. Toutes les études que vous avez publiées depuis 2014 se sont penchées sur les incidences de la baisse des concours financiers de l’État, objet de notre commission d’enquête. C’est pourquoi nous espérons que vous nous donnerez des éclairages instructifs sur des sujets tels que la pertinence du rythme de réduction des dotations, les leviers dont disposent les collectivités, les délais dans lesquels ces leviers peuvent produire leurs pleins effets, l’impact à attendre des premières mesures annoncées par l’État et d’autres points encore que les membres de notre commission ne manqueront pas d’évoquer dans leurs questions.

Ajoutons que La Banque Postale accompagne dans le cadre de ses autres missions le mouvement de mutualisation à l’œuvre dans nos territoires ruraux et urbains. Je pense en particulier à la création des maisons de service public, qui permettent de conserver des services publics de proximité tout en maîtrisant les dépenses grâce à une optimisation des bâtiments et un partage des outils de travail.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vais maintenant vous demander, monsieur Rougier, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Thomas Rougier prête serment.)

M. Thomas Rougier, directeur des études de La Banque Postale Collectivités locales. Je tiens d’abord à vous dire combien je suis honoré d’avoir été invité par votre commission.

Il a été décidé de créer au sein de La Banque Postale Collectivités locales une section des études qui se consacre à plein temps à l’analyse des finances des collectivités locales. Elle dispose à cette fin de ressources diverses et variées – données de la direction générale des finances publiques (DGFIP), de la direction générale des collectivités locales (DGCL), de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) – complétées par les informations remontées de notre réseau. Notre vision est avant tout macroéconomique. Les tableaux d’ensemble que nous dressons recouvrent des réalités très contrastées et l’un des éléments centraux de l’évolution des finances locales sera précisément l’accentuation de la disparité historique des finances des différentes collectivités locales, compte tenu des enjeux posés par la baisse des dotations d’État. La situation des collectivités les plus en difficulté tendra à davantage ressortir.

J’imagine que votre commission s’est déjà largement penchée sur les premiers résultats de l’année 2014 ; c’est pourquoi j’ai choisi de m’intéresser ici aux estimations pour 2015, lesquelles sont appelées à être réajustées dans une nouvelle note de conjoncture le mois prochain.

Tout d’abord, quel impact a eu la baisse des dotations sur la fiscalité locale ? On a craint le pire : la presse a parfois un peu rapidement annoncé une explosion de la fiscalité locale. D’après nos estimations – nous travaillons à partir d’échantillons et une confirmation plus globale sera nécessaire –, l’effet « taux » tournerait autour de 1,3-1,5 %, en prenant l’ensemble des taxes sur lesquelles les collectivités, toutes catégories confondues, ont un pouvoir de taux. Pour les départements, la hausse de fiscalité se situerait aux alentours de 0,7 %, une dizaine d’entre eux ayant choisi une hausse plus marquée. Cette évolution s’écarte de la tendance très plate observée ces dernières années, notamment parce qu’en 2014 les départements avaient pu utiliser l’option sur les droits de mutation, ce qui avait quasiment stoppé toute augmentation des impôts fonciers. Pour le bloc communal, notre estimation se situe autour de 1,6 %. Cette augmentation est nettement plus forte que les années précédentes, pendant lesquelles la hausse moyenne de la fiscalité locale était très faible. Toutefois, elle s’insère parfaitement dans les cycles classiques de l’augmentation de la fiscalité et colle aux tendances observées au lendemain d’élections.

En aucun cas, l’évolution constatée en 2015 ne peut être assimilée à une explosion de la fiscalité locale sur décision des collectivités, comme cela a pu être redouté. Sur l’ensemble de l’augmentation du produit fiscal des collectivités locales, tous niveaux confondus, on estime qu’un quart serait lié à une décision des collectivités – taxe sur les ordures ménagères, taxe d’habitation, taxe sur le foncier bâti –, les trois quarts restants étant imputables à un effet classique d’assiette en augmentation.

La baisse des dotations d’État n’a donc pas généré une augmentation massive de la fiscalité. Il en résulte que le stock des recettes fiscales des collectivités locales est caractérisé, comme les années précédentes, par l’atonie : les recettes de fonctionnement n’augmentent que de 0,5 %. En 2014, cette hausse avait été de 1 %, mais si l’on enlève les nouvelles recettes perçues par les départements, on approche du pourcentage constaté cette année. Nous considérons que cette atonie est une tendance durable.

Du côté des dépenses de fonctionnement, depuis plusieurs années, le rythme de croissance diminue. D’après nos estimations – appelées à être révisées, je le répète –, la hausse se situerait aux alentours de 2 % pour 2015. Cette atténuation de la croissance est corrélée à des éléments extérieurs tels que la faible inflation mais surtout à des décisions des collectivités locales. Elles ont tiré les conséquences de la baisse des recettes de fonctionnement mais n’ont toutefois pas réussi à contrebalancer totalement ses effets par les dépenses.

En conséquence, l’épargne brute, à laquelle les collectivités sont très attentives, est appelée à diminuer à nouveau en 2015. Il est déjà arrivé que l’autofinancement global des collectivités diminue, mais nous sommes face ici à une situation totalement inédite car c’est la quatrième année consécutive que l’on observe une telle baisse.

À cela s’ajoute une diminution de l’investissement, variable la plus difficile à estimer. Depuis plusieurs années que La Banque Postale publie des notes de conjoncture, nous avons voulu alerter les acteurs sur l’évolution de l’investissement public local qui, au-delà de l’effet de cycle, a été affecté par la stabilité, le gel, puis la baisse des dotations. En 2014, cette diminution de l’investissement avait été de 5 milliards ; en 2015, elle se poursuit avec 3,9 milliards en moins. Si un tel phénomène correspond à une évolution somme toute classique liée aux cycles électoraux, son ampleur est en revanche sans précédent.

Pour ce qui concerne les budgets principaux des communes et des groupements à fiscalité propre, qui occupent votre commission, la baisse s’élève, selon nos estimations, à 13 % en 2014 et est estimée à 11 % pour 2015. Autrement dit, en euros constants, cette diminution aura été de 23 % sur deux années.

Pour répondre à la difficile question de l’impact de la baisse des dotations sur l’investissement, nous avons fait des comparaisons avec les cycles précédents en remontant assez loin dans le temps – l’exercice est difficile car cela implique de regrouper cycles et degrés de décentralisation disparates. Nos estimations – qui tiennent ici un peu du calcul sur un coin de table – nous ont permis de faire apparaître, en prenant la moyenne de diminution des investissements communaux et intercommunaux sur cette période, que cette baisse de 23 % est liée pour 60 % à l’effet de cycle.

Pour expliquer les 40 % restants, plusieurs phénomènes se conjuguent.

Il s’agit tout d’abord de la baisse de l’épargne brute, qui n’est pas seulement imputable à la baisse des dotations de l’État. Les collectivités ont été confrontées à un phénomène d’usure de la fiscalité locale et des tarifs : on n’utilise plus tout à fait ce levier comme on le faisait auparavant. De l’autre côté, la demande en matière de dépenses, du fait de la part croissante de volets comme la formation et l’action sociale, est devenue beaucoup plus difficile à contraindre.

Entre également en compte l’évolution du besoin d’investissement public local, très difficile à évaluer. Depuis les premières lois de décentralisation, un énorme effort a été consenti par les collectivités locales : leur patrimoine a été multiplié par trois ; l’équipement public local n’a plus rien à voir avec ce qu’il était hier. Il faut également tenir compte d’un effet « besoin », qui peut se traduire par une pause dans les réseaux de transport et les autres équipements, mais qu’il nous est très difficile de mesurer.

Enfin, il faut évoquer la situation financière des départements, qui est réellement un sujet d’inquiétude. Priés de se reconcentrer sur leurs compétences, ils ont réduit leurs subventions aux communes et EPCI ainsi que les investissements directs en leur faveur, par un effet cascade. Pour 2015, ceux-ci s’élèvent à environ 2 milliards d’euros, soit 1 milliard de moins qu’en 2007, où ces versements avaient atteint un niveau record. Autrement dit, en moins de dix ans, le bloc communal a perdu un tiers du volume de subventions et d’investissements précédemment perçu.

Les départements, bien avant les communes et les intercommunalités, sont entrés dans un cycle de réflexion sur la dépense, qu’il s’agisse des subventions et investissements en faveur de tiers ou des dépenses de fonctionnement, notamment en matière sociale. L’Observatoire national de l’action sociale (ODAS) a ainsi montré dans une étude récente, à laquelle nous avons contribué, comment ils ont dû adapter leurs dépenses d’action sociale – autres que le RSA, qui est à mettre à part – au nouveau contexte financier.

Un chiffre illustre les conséquences possibles d’une telle baisse : la part des subventions des départements dans les dépenses d’investissement des communes et des intercommunalités représente en moyenne 6 %, proportion qui s’élève à 17 % pour les petites communes de moins de 500 habitants. Autant dire que pour elles, la participation des départements est décisive : d’elle dépend, la possibilité ou non de monter un projet.

J’en viens à l’endettement des collectivités locales. Pour 2015, on s’attend à une hausse de l’encours de dette, mais moindre qu’auparavant : de l’ordre de 3 milliards à 3,5 milliards d’euros, montants à mettre en regard avec les augmentations de 6 à 9 milliards relevées entre 2007 et 2009. Ce ralentissement est heureux, compte tenu de la baisse des investissements ; nous n’aurons toutefois confirmation de cette tendance qu’à la fin de l’année, période où le recours à l’endettement est plus important. Il faudra également prendre en compte les ponctions sur la trésorerie, qui ont tendance à s’accentuer à la suite des fortes augmentations de stocks des années antérieures. Là encore, il est difficile de faire des estimations en cours d’année.

Après avoir évoqué les constats généraux, je vais m’attarder sur les projections que nous avons élaborées à partir d’une étude sur les petites villes réalisée en partenariat avec l’Association des petites villes de France. Je rappelle que les petites villes sont des communes de 3 000 à 20 000 habitants et qu’elles concentrent 30 % de la population française.

Dans cette étude, nous avons appliqué une méthode que nous avons mise au point avec nos équipes depuis quelques mois : nous nous sommes focalisés sur l’épargne brute plutôt que sur les niveaux d’investissement. Le service public renvoie certes à l’investissement, mais aussi aux dépenses de fonctionnement. Et je me suis rendu compte que plus nous répondions aux sollicitations extérieures concernant l’investissement, moins il était question des dépenses de fonctionnement, ce qui aboutit à occulter un pan entier des compétences propres des collectivités locales : l’observateur extérieur a par trop tendance à confondre dépenses de fonctionnement et dépenses administratives. Pour vous dire le fond de notre pensée, nous estimons que les investissements seront dépendants de la capacité des collectivités à inverser la tendance à la baisse de l’épargne brute.

Les collectivités ne peuvent plus être traitées à un niveau aussi macroéconomique qu’auparavant. Nous avons délaissé les visions générales pour établir des regroupements plus précis selon les dépenses et les recettes de fonctionnement.

Pour les recettes de fonctionnement, nous avons ainsi divisé les petites villes en trois catégories : celles qui peuvent utiliser leur pouvoir de taux, celles qui peuvent le faire modérément et celles qui ne peuvent plus le faire. Les simulations, qui ont tenu compte de la baisse des dotations et de diverses hypothèses, aboutissent à une tendance de 0,2 % de hausse de 2014 à 2017, cette moyenne recouvrant des différences entre groupes de communes allant de hausses de 0,6 % à des baisses de 0,1 % : autrement dit l’écart annuel est de 0,7 point selon que les communes peuvent ou non utiliser leur marge fiscale – sachant qu’entre disposer d’une marge fiscale et l’utiliser, il y a une différence et que ce que voit d’abord le contribuable, c’est l’augmentation sur sa feuille d’impôt. Afin de maintenir l’autofinancement, la croissance des dépenses de fonctionnement doit être plafonnée à 0,2 %, voire 0,3 % si le montant des recettes est plus important. Cela étant, il ne nous paraît pas judicieux d’anticiper une telle hausse des dépenses de fonctionnement des communes, quelle que soit leur taille, pour les prochaines années.

Pour les dépenses de fonctionnement, nous avons également procédé à des regroupements en fonction d’un critère que nous apprécions : le revenu par habitant – le revenu moyen, à défaut de pouvoir disposer du revenu médian. Dans notre modèle, nous avons soumis toutes les communes à l’hypothèse d’un ralentissement des dépenses, tendance que l’on observe aujourd’hui, et nous avons décomposé l’échantillon selon des taux différenciés d’efforts pour contenir les dépenses, l’effort demandé étant d’autant plus important que le revenu est élevé. Ainsi, nous avons élaboré trois groupes : un premier soumis à un effort de diminution de 1,5 %, un autre de 1 % et un dernier, celui où le revenu moyen est le plus faible, de 0,5 %. Pour l’ensemble des petites villes, le taux de croissance des dépenses de fonctionnement est de 1,3 %. Certains y verront toujours une croissance, mais pour moi, cela constitue un réel effort : rappelons que les taux observés ces dernières années qui étaient de l’ordre de 2,7 % par an en moyenne.

Avec une hausse de 1,3 % des dépenses de fonctionnement et de 0,2 % des recettes de fonctionnement, la baisse de l’autofinancement se poursuit, se situant aux alentours de 5,5 % par an. Une petite ville sur dix maintient son épargne ou la fait progresser entre 0 et 3 % tandis que neuf sur dix voient leur épargne baisser dans des proportions variables – un quart des petites villes du modèle affiche une baisse de 10 % de leur épargne brute. Ce n’est pas un sous-ensemble mineur : rappelons que les petites villes regroupent 30 % de la population française.

M. le président Alain Fauré. Pouvez-vous nous préciser les caractéristiques des 10 % de petites villes qui maintiennent ou font progresser leur épargne brute ?

M. Thomas Rougier. Il s’agit plutôt de villes disposant d’une marge fiscale importante et d’un revenu par habitant élevé.

Quel que soit le degré de généralité de l’analyse, on parvient à un même résultat : l’épargne brute a tendance à baisser jusqu’en 2017.

Venons-en à l’investissement. À dette constante, de 2015 à 2017, il baisserait d’environ 20 % par rapport à ce qu’il était pendant les trois années précédentes. Nous avons cependant retenu aussi l’hypothèse d’un recours assez prononcé à l’endettement, avec une hausse de 1,5 milliard d’euros, soit 2,6 % de progression annuelle. Mais comme la capacité d’endettement des petites villes n’est pas du tout uniforme, une telle hausse ne peut concerner que la moitié des communes ; certaines villes doivent s’engager dans la voie du désendettement – dans notre modèle, s’entend – quand d’autres peuvent recourir à la dette de manière relativement importante. L’endettement permet ainsi d’obtenir un volume moyen de 6,6 milliards d’investissement, soit un décalage de 7 % par rapport à la période précédente. Autrement dit, l’investissement ne baisse pas fortement dans les communes qui peuvent recourir à l’endettement. Bien sûr, l’objectif n’étant pas pour nous de faire augmenter substantiellement la dette des collectivités locales, ce n’est pas l’hypothèse que nous avons le plus mise en avant ; mais cela montre bien les différences qui peuvent exister entre des collectivités géographiquement ou démographiquement comparables, mais dont la situation financière à l’instant t n’est pas la même.

La disparité entre petites villes tient aussi à d’autres facteurs, à commencer par la place qu’occupe l’intercommunalité. Pour 2014, nous avons estimé que l’intercommunalité pèse pour un tiers dans les 32 milliards de dépenses d’investissements directs des communes et de leurs groupements, budgets annexes compris – chiffre peu souvent pris en compte. À titre de comparaison – hors budgets annexes, cette fois-ci –, cette proportion était de 10 % dans les années 1990. Cela dit, ce poids varie en fonction du type d’intercommunalité : il atteint 50 % dans les communautés urbaines, dotées de structures souvent plus anciennes, et tombe à 25 % dans les communautés de communes.

Je serai très direct : dans nos simulations, il nous est très difficile de faire des projections sur l’épargne et l’autofinancement des collectivités locales sans imaginer un changement dans les services publics, qu’il s’agisse de l’investissement comme du fonctionnement. Du temps de la stabilité des dotations, les communautés avaient déjà tendance à consulter des tiers – associations, partenaires privés – pour réfléchir à la façon de redéfinir les services publics. Les évolutions récentes, si elles ont l’avantage de remettre sur la table certaines questions en incitant les collectivités à revoir leurs habitudes, les contraignent à opérer des choix difficiles en matière de finances publiques.

Autre enjeu, difficilement chiffrable, à prendre en compte : l’implication d’un acteur dont on n’a pratiquement jamais parlé dans les débats sur les conséquences de la baisse des dotations d’État : le citoyen. La sollicitation fiscale et la sollicitation tarifaire sont des ressorts connus ; ce qui l’est moins, c’est l’arbitrage avec l’appui, voire la participation du citoyen, qui jusqu’alors s’exerçait classiquement dans le cadre des associations. Le citoyen a été déconnecté du service public pendant trop longtemps : on en a fait un simple utilisateur en ne mettant en avant son rôle actif que le temps des élections. La contrainte budgétaire va nous obliger à aller au-delà dans ce domaine.

Enfin, il est intéressant de constater que la contrainte financière qui s’impose aux collectivités s’exerce au moment où sur certains sujets, leur contribution aux politiques publiques est attendue de manière impérative : politique du handicap, normes de sécurité, vieillissement de la population, transition énergétique, transports, formation et insertion professionnelle, tout récemment accueil des réfugiés ; sans oublier tous les réseaux, qui devraient constituer – on ne le répète pas assez – une fierté pour les collectivités, qu’il s’agisse de l’eau, de l’assainissement, des routes ou des circuits numériques.

M. le président Alain Fauré. Ces réseaux et infrastructures sont en effet un facteur important d’attractivité et de développement. Encore faut-il que ceux qui orchestrent leur utilisation permettent aux collectivités de se lancer dans leur construction.

J’ai une question sur la perception que vous avez des élus. Vos conseillers les rencontrent régulièrement : vous font-ils part de leurs craintes et de leurs inquiétudes ? Les recensez-vous ? Il serait intéressant pour nous d’avoir votre analyse, nous qui les entendons formuler bien de griefs – modifications législatives incessantes, normes en perpétuelle modification, contraintes du Grenelle de l’environnement.

Vous avez raison de souligner l’importance du rôle du citoyen. Bien souvent, on l’appâte pour le faire venir mordre à l’hameçon au moment voulu en le laissant de côté par la suite. Toutefois, le citoyen a lui aussi ses torts : il a tendance à oublier que si son terrain ou sa maison prend de la valeur, c’est aussi grâce aux investissements que sa commune a réalisés, fût-ce en partie avec ses impôts.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Votre exposé vient corroborer les analyses de Michel Klopfer et des représentants des associations d’élus sur les tendances macroéconomiques qui affectent les finances locales : baisse de l’investissement, baisse de l’épargne brute. Les neuf auditions auxquelles nous avons procédé ont ainsi permis d’établir un diagnostic partagé sur l’impact de la baisse des dotations d’État sur les finances des collectivités locales et sur les leviers qu’elles mettent en œuvre pour la contrebalancer. L’Association des maires de France (AMF) a réalisé une étude de synthèse, avec six autres associations d’élus, qui montre le risque qui pèse sur l’investissement public. Certes, cette conclusion n’est pas dénuée de toute pensée politique, mais nous mesurons tous, au niveau des territoires, la contraction à laquelle sont soumis les budgets des collectivités locales. Agnès Verdier-Molinié de l’IFRAP nous expliquera sans doute tout à l’heure qu’il suffit de licencier pour diminuer les dépenses de fonctionnement, mais la réalité est tout autre : le service public doit continuer de fonctionner, le statut de la fonction publique existe. Il est des principes intangibles et nous devons nous en féliciter : c’est l’honneur de notre République.

Les associations d’élus ont également souligné que, même en consentant de gros sacrifices, certaines collectivités ne pourront pas sortir la tête de l’eau. Je vous renvoie à la sortie récente du président de l’AMF, qui a déclaré que 1 500 à 2000 collectivités du bloc communal risquaient la mise sous tutelle.

Les difficultés sont là. Maintenant, nous aimerions savoir comment vous évaluez l’impact de la baisse des dotations d’État sur la croissance. Est-elle de nature à l’encourager ? André Laignel, président du Comité des finances locales, nous a fait part de ses doutes lors de son audition. On peut se demander en effet si cette baisse n’est pas au contraire préjudiciable au redressement des comptes publics. La Banque Postale, présente sur tout le territoire, auprès des particuliers comme des entreprises et des collectivités, a-t-elle tenté de mesurer l’effet de cette baisse sur l’activité locale elle-même ? Avez-vous élaboré des monographies ? Ce seraient des éléments d’analyse très intéressants pour nous.

M. le président Alain Fauré. Je reviens à la difficulté d’évaluer le besoin réel d’investissement, que vous avez soulignée, monsieur Rougier, après des années d’investissements cumulés, dont certains nous sont « restés en stock », comme les zones d’activité économique, fort nombreuses sur l’ensemble du territoire, qui attendent encore l’essentiel : l’installation d’entreprises sur les terrains aménagés à cet effet.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Vous avez décliné la liste des sujets sur lesquelles on attend les collectivités locales. S’agissant par exemple des transports, le nombre de projets en discussion ou en préparation paraît en nette diminution. Certaines agglomérations et communes cherchent, semble-t-il, à supprimer les subventions d’équilibre destinées à ces réseaux. Me le confirmez-vous ?

M. Thomas Rougier. Nos réseaux ne procèdent pas à des enquêtes spécifiques auprès des élus. Le groupe La Poste réalise un baromètre à destination des élus et décideurs publics, qui comprend, à ma demande, certaines questions très générales sur les perspectives d’investissement mais, à la différence des associations d’élus, nous ne procédons pas à des analyses fines des sujets d’inquiétude des élus. Certes, il nous est toujours possible d’utiliser la force de notre réseau pour obtenir des remontées sur telle ou telle question. Nous avons procédé ainsi pour élaborer nos estimations de la fiscalité pour 2015. Le groupe La Poste s’intéresse de très près à l’évolution des services publics en région et, localement, il est possible qu’il élabore aussi des analyses à ce sujet, mais je ne peux vous en dire plus.

Monsieur le rapporteur, vous soulignez que les associations d’élus ont abouti à des résultats comparables aux nôtres. Ne connaissant pas les clefs qu’elles ont utilisées, je ne me lancerai pas dans une analyse des chiffres. Nous ne nous occupons pas de resimuler les dotations d’État ou la péréquation, nous n’avons pas assez de moyens pour ce faire. Nous nous contentons d’établir des tendances et de lancer des directions, quitte à procéder à des ajustements en fonction des remontées qui nous sont faites.

Pour ce qui est de l’impact sur la croissance et sur l’activité locale, nous ne disposons pas de données spécifiques. Toutefois, nos échanges très réguliers avec les acteurs du BTP nous permettent de disposer d’un indicateur très pertinent : j’ai senti un changement chez les entrepreneurs du bâtiment ou des travaux publics, qui, soit dit en passant, ne distinguent pas toujours très bien dépenses de fonctionnement et dépenses administratives – à cet égard, il serait bon de mener un travail de pédagogie sur les missions des collectivités locales. Ils sont à juste titre très inquiets des volumes d’investissement des collectivités.

Je n’ai pas le moyen de mesurer l’impact économique. Il faut prendre en compte de multiples effets de cascade : sur l’investissement public, qui est par nature une composante de la croissance, mais aussi sur les dépenses de fonctionnement, avec transfert des contraintes sur le secteur associatif, qui est un gros employeur. Or les associations sont également clientes de la Banque postale, et elles sont aussi très dépendantes des commandes et subventions publiques.

Nous essayons d’appréhender les incidences de la baisse des dépenses par type de bénéficiaire – ménages, associations, entreprises publiques, entreprises du BTP et de services – car nous considérons que nous pourrons avoir un début de réponse sur l’impact de cette diminution quand nous saurons précisément qui elle affecte.

Il nous paraît ainsi très intéressant de suivre de près les subventions des collectivités aux associations – le total est estimé à 22-23 milliards d’euros, dont la moitié consacrée aux politiques d’action sociale. Si la contrainte financière peut être une occasion de remettre à plat des partenariats et de formuler de nouvelles exigences à l’égard des associations, il n’en demeure pas moins qu’elle génère un stress pour le secteur associatif qui porte, ne l’oublions pas, une grosse partie de l’offre de services publics aux particuliers, dans le domaine social, mais aussi culturel et sportif.

Il faut aussi aborder un aspect dont on a peu parlé : les informations à disposition des collectivités locales. Si nos travaux, sérieux mais modestes, rencontrent un franc succès chez nos clients, c’est qu’il existe une demande forte en la matière. Les collectivités locales gagneraient à s’appuyer sur des informations plus riches en matière de finances mais aussi de comparatif de coûts. Cela serait aussi un moyen de les accompagner pour faire face aux exigences financières qui s’imposent à elles.

Notre petite ambition – dois-je le dire ici ? – est de parvenir à une vision plus régionale dans nos analyses. Les conséquences sont très contrastées selon les régions, suivant qu’elles perdent ou gagnent en population – j’aurais presque dû commencer par cela. Dans les territoires où la population est en augmentation, les demandes en matière d’offre de services publics seront légitimement très fortes : pensons au cas classique des structures de garde d’enfants, facteur d’attractivité. Quant aux territoires qui perdent des habitants ou des entreprises, ils n’ont pas envie de se sacrifier, ce qui est bien légitime.

Notre horizon rêvé serait une vision plus consolidée des comptes publics locaux.

M. le président Alain Fauré. Parmi vos clients publics, quel type de collectivité est le plus représenté ?

Pensez-vous que vos clients particuliers – lesquels, me semble-t-il, font partie d’une population moins aisée que les autres banques – sont sensibles à l’action que vous menez auprès des collectivités, notamment en matière d’action sociale ?

M. Alain Calmette. Recettes de fonctionnement et dépenses de fonctionnement connaissent toutes deux une moindre croissance mais dans des proportions différentes : 0,5 % d’un côté, 0,2 % de l’autre, ce qui contribue à faire baisser l’épargne brute par un effet de ciseaux constaté depuis quelques années déjà. Ce différentiel tend-il à augmenter ?

Vous soulignez, élément important pour notre commission d’enquête, que pour 2014 et 2015, la diminution de 23 % des investissements des collectivités locales serait imputable pour plus de la moitié à l’effet de cycle. Autrement dit, la baisse des dotations n’entrerait en ligne de compte que pour moins de la moitié.

M. le rapporteur vous a demandé quelle estimation vous faisiez de l’impact de la baisse des dotations sur la croissance. Il me semble que cette question n’entre pas dans le cadre de notre commission d’enquête : elle relève du débat politique général sur les conséquences de la réduction des déficits publics sur la croissance. Ayant voté les budgets de cette législature, j’estime que la stabilisation ou la réduction des déficits publics contribuent à nous remettre sur le chemin de la croissance. Quoi qu’il en soit, nous sortons du champ d’investigation de cette commission.

M. le président Alain Fauré. Je partage ce point de vue.

Mme Christine Pires Beaune. Je vous remercie, monsieur Rougier, de votre présentation. Je partage votre analyse : nous arrivons au bout de ce que peut donner un système de prises de décision fondé sur des études macroéconomiques. Nous avons de plus en plus besoin d’analyses microéconomiques, compte tenu de la diversité de nos collectivités. À cet égard, je serais très intéressée par votre étude sur les petites villes.

Comme Alain Calmette, je retiens votre analyse des causes de la baisse de l’investissement. Au-delà des 50 % imputables à l’effet de cycle, vous avez souligné que plusieurs phénomènes se conjuguaient et qu’il était difficile de chiffrer l’incidence de la baisse des dotations. Il me semble qu’un autre facteur est à prendre en compte : le caractère anxiogène des atermoiements du Parlement sur la loi NOTRe. Ce contexte législatif particulier a en effet poussé certaines collectivités à mettre le pied sur le frein depuis deux ans.

M. le président Alain Fauré. N’oublions pas non plus l’incidence des débats sur le conseiller territorial…

Mme Christine Pires Beaune. En matière d’endettement, vous avez pu établir que certaines collectivités disposaient de marges. Avez-vous évalué le niveau de recours à l’endettement en fonction des risques qui pèsent sur les taux ? Habituellement, les décisions de ce type sont prises à la fin de l’année, mais compte tenu de ce contexte particulier, certaines d’entre elles ont peut-être fait le choix d’emprunter plus tôt dans l’année.

S’agissant du niveau de trésorerie au 31 décembre 2014, disposez-vous d’informations par strates de collectivités ?

Sur l’articulation entre revenu par habitant et effort fiscal, il est difficile d’obtenir des données. Vous êtes-vous appuyé sur des cartographies par strates de communes ?

Enfin, j’en viens aux changements que vous avez évoqués s’agissant de la sollicitation du citoyen. Il y aura en effet un travail de pédagogie à mener. Le citoyen sera mis au centre des discussions, notamment en matière de politique fiscale : à quoi sert l’impôt ? Quels services publics pour demain ?

M. Charles de Courson. Notre commission d’enquête a pour objet d’évaluer les conséquences de la baisse continue et linéaire des dotations d’État sur les finances des collectivités locales dans les trois ans qui viennent.

Il me semble que la petite baisse de 2014, qui était de 1,5 milliard, a eu pour le moment des effets modérés, hors effet de cycle électoral. Rapportée au montant total de 50 milliards, cette diminution ne va en effet pas soulever des montagnes. En revanche, la diminution annoncée de 3,6 milliards chaque année montre une autre réalité dans l’examen des budgets primitifs – dont je me méfie toujours : un budget primitif n’est pas un compte administratif. Certains sous-évaluent systématiquement leur budget primitif pour prendre ensuite des décisions modificatives, ce qui fait qu’on ne sait jamais si le solde sera positif ou négatif.

Je me demande si on ne va pas assister à une accélération de la baisse des investissements après une diminution modérée dans un premier temps parce que les collectivités auront recouru à l’endettement, augmenté les impôts – c’est le cas d’un tiers d’entre elles cette année –, ou, par effet de substitution, relevé les tarifs des services publics.

Je m’explique. Dans mon département, les élus locaux commencent à augmenter les tarifs publics plutôt que les impôts. Ainsi, dans les cantines, pour un repas au prix de revient de 8 euros, le tarif était jusqu’alors de 3 euros ; désormais, il va jusqu’à 5 euros. Et il ne s’agit pas de petites dépenses : chez moi, le coût du fonctionnement des cantines est d’environ 5 millions par an, avec un déficit considérable. Au sein du conseil général, même l’opposition est ouverte à la discussion sur cette question, pourvu que les tarifs soient modulés en fonction de critères sociaux. Les esprits évoluent.

Je suis encore frappé de voir qu’un nombre croissant de départements font payer 150, 200, 250 euros par an les transports scolaires pour faire face à un prix de revient de 850 euros en moyenne. Le conseil général de mon département hésite encore à mettre fin à la gratuité.

M. le président Alain Fauré. Les départements pauvres ont dû choisir depuis longtemps de faire payer les transports scolaires. Dans l’Ariège, les tarifs sont de l’ordre de 200 euros par an.

M. Charles de Courson. Bref, une fois épuisées toutes les solutions palliatives, je redoute un effet d’accélération de la chute des investissements à partir de 2016 et surtout 2017. Entrevoyez-vous ce phénomène à travers les discussions que vous avez avec vos clients, voire dans vos statistiques ?

La dernière variable d’ajustement, naturellement, sera le fonds de roulement. Les grandes collectivités pratiquent depuis des années une gestion à zéro alors que les petites ont tendance à amasser de la trésorerie. Je connais des communes qui sont très fières de disposer dans leurs caisses des deux budgets d’avance ! Le préfet de la Marne envisage de moduler la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) en fonction des fonds de réserve : autrement dit, si une collectivité a du pognon en caisse, elle n’aura pas un rotin. Un peu brutal, je vous le concède !

M. le président Alain Fauré. Ce sont les élus eux-mêmes qui devraient suggérer cette solution. Dans notre département, nous considérons que les subventions ne peuvent pas aller aux collectivités qui n’ont pas consommé tout ce qu’elles ont en stock – et je ne parle pas seulement des fonds de roulement : pensez qu’il y a quelques années, il était encore possible pour les collectivités de souscrire des bons du Trésor pour placer leur trésorerie… Aberration des aberrations que de placer de l’argent public pour être rémunéré par les services de l’État ! Heureusement, cette pratique a cessé.

M. Charles de Courson. Compte tenu des taux d’intérêt des bons du Trésor, ça ne devait pas aller bien loin !

M. le président Alain Fauré. Dans les années soixante-dix, ils étaient indexés sur l’or !

M. Thomas Rougier. Des informations sur la trésorerie, nous en avons. Pour les petites villes, elle se décompose de la manière suivante : pour les villes de 3 000 à 5 000 habitants, elle se monte à 96 jours de dépenses en moyenne, et pour les villes de 10 000 à 20 000 habitants – la strate la plus importante de notre échantillon –, elle s’élève à 45 jours. Chose rassurante, le niveau de trésorerie n’est pas corrélé au niveau de dettes. Il peut effectivement être très important dans les petites communes, mais c’est aussi pour elles un système de précaution qui ne me semble pas totalement déraisonnable.

Le plus intéressant serait de disposer d’informations sur la trésorerie en cours d’année ; or nous n’avons des données que pour la fin d’année, période à laquelle les collectivités souscrivent des emprunts. L’Observatoire des finances locales avait, il y a longtemps, abordé ce problème.

La substitution des tarifs à l’impôt, monsieur de Courson, rejoint la question de la nouvelle place donnée au citoyen. J’y vois pour ma part un élément plutôt positif. La communication financière des collectivités locales n’a jamais été très « tendance », reconnaissons-le : depuis des années, on souffre d’un défaut d’information sur le service rendu. La plupart des gens continuent à penser que le prix du ticket de tramway correspond au prix du service rendu. Il en va de même, je pense, pour les tarifs des cantines, même si la plupart des parents ont compris qu’il y avait une modulation en fonction des revenus ; mais ils s’imaginent que, bon an mal an, cela s’équilibre.

La Banque Postale vient de signer une convention avec l’Observatoire national de l’action sociale pour promouvoir le développement des journées citoyennes dans les collectivités locales. L’initiative de telles journées est partie du village de Berrwiller, en Alsace, dont le maire a été rejoint par une bonne partie des communes de l’agglomération de Mulhouse, puis par de multiples communes à travers la France. Aujourd’hui, elles sont près de cent cinquante à organiser chaque année une journée citoyenne au cours de laquelle les habitants participent à divers travaux. Il s’agit de communes de taille plutôt restreinte, mais on pourrait imaginer de transposer ce dispositif à l’échelle de quartiers dans les villes plus importantes. À Berrwiller, 400 habitants sur un total de 1 100 se mobilisent et décident désormais d’eux-mêmes les travaux à effectuer. Ce genre d’initiative permet de remettre la question du service public et de son financement au cœur de la politique locale.

L’avenir des finances locales dépend aussi de la capacité à partager des pratiques positives : si elles ne sont jamais adaptables à tous, elles sont néanmoins duplicables.

Cette accélération de la chute des investissements que vous annoncez, monsieur de Courson, ne se laisse pas percevoir en 2015. Après une baisse de 5 milliards en 2014, il y aurait une diminution de 3,9 milliards en 2015. Notre estimation est fondée sur plusieurs sources différentes : budgets primitifs pour les plus grosses collectivités, informations issues de nos réseaux et des fédérations professionnelles. Dans nos modèles, nous créons des comptes équilibrés, prenant en compte les volumes d’emprunt mobilisés. Je reste toutefois très prudent sur les estimations pour 2015, sur lesquelles nous devrons revenir.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. J’étais présent au congrès des maires l’an dernier : vous annonciez pour le bloc communal une baisse de l’investissement de l’ordre 7,5 % à 8 % ; elle a finalement atteint 12 % Il ne faudrait pas que le même biais se reproduise pour les estimations de 2015 !

M. le président Alain Fauré. Nous n’allons pas nous noyer dans les chiffres.

M. Charles de Courson. Vous avez tous reçu l’étude réalisée par Arkéa Banque. Pour les communes de plus de 40 000 habitants, qui représentent un gros morceau, la baisse des dépenses d’investissement a été de 11,9 % en 2014 et est estimée à 8,9 % en 2015, à partir des budgets primitifs.

M. le président Alain Fauré. Vous avez vous-même remis en cause la pertinence des chiffres issus des budgets primitifs. Par ailleurs, on sait que les petites villes de 3 000 à 20 000 habitants concentrent 30 % de la population.

M. Charles de Courson. Oui, mais pas 30 % de l’investissement !

Pour les groupements de plus de 40 000 habitants, cette baisse a été de 4,2 % en 2014 et est estimée à 6,2 % en 2015. Autrement dit, sur deux ans, la diminution est de 20 % pour les villes de plus de 40 000 habitants et de 10 % pour les groupements. Pour le bloc communal, il importe de retirer les effets propres au cycle électoral, ce qui ramène la baisse à 4 % ou 5 % hors cycle. Mais je suis intimement persuadé que ce n’est qu’un début : nous allons assister à une accélération de la chute des investissements hors cycle électoral.

M. le président Alain Fauré. Cette évolution devrait vous réjouir, cher collègue, vous qui êtes d’ordinaire si pointilleux en matière de baisse des dépenses…

M. Charles de Courson. Là n’est pas l’objet de notre commission d’enquête : il s’agit de bien évaluer les conséquences de la baisse des dotations d’État et de cerner la manière dont se font les ajustements. Libre à chacun ensuite d’en tirer ses propres conclusions.

M. Thomas Rougier. Pour ma part, je le répète, je ne suis pas certain que l’on assistera à une baisse des investissements. L’important est la capacité des collectivités à atténuer les effets de la baisse de leur épargne. Mais je manque d’éléments pour répondre.

La place faite au citoyen sera en effet déterminante, madame Pires Beaune, qu’il s’agisse de la réflexion sur les ressources comme des actions participatives.

Pour le revenu par habitant, nous avons utilisé les données du fichier de la dotation globale de fonctionnement. Nous ne disposons pas d’informations autres que celles fournies par la DGCL à ce sujet. Il faudrait voir du côté de l’INSEE, qui a, selon moi, le meilleur raisonnement statistique sur les revenus.

Que le contexte législatif de la loi NOTRe ait été anxiogène, c’est indéniable. Et quand il n’a pas provoqué d’anxiété, il a généré des doutes, qui ont mis les collectivités en position d’attente. Cela est très clair pour les départements.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas toujours aussi simple : dans mon département, certains voulaient accélérer les investissements dans les collèges, considérant que les régions prendraient la suite… Ces incertitudes à propos de l’organisation territoriale ont eu des effets complexes.

M. Thomas Rougier. Des effets qui ont pu jouer dans les deux sens, certaines collectivités faisant le raisonnement inverse en n’investissant plus. Il est certain que la réforme de l’organisation territoriale et le calendrier électoral n’ont pas aidé les collectivités à avoir une vision cohérente des choses.

Monsieur Calmette, la baisse de 23 % des investissements est exprimée en euros courants. Et quand je dis que plus de 50 % sont liés à l’effet de cycle, c’est avec grande prudence. J’ai pris en compte cinq ou six cycles, en en retirant un atypique et en ajoutant 2010 avec le plan de relance du FCTVA. La comparaison se complique du fait que dans les années précédentes, les collectivités n’avaient pas forcément les mêmes compétences qu’aujourd’hui. Ces précautions prises, je peux estimer que l’évolution est de l’ordre de 12 %, hors effet prix. Ajoutons que l’investissement pourra s’appuyer sur l’augmentation du patrimoine à laquelle ont procédé les collectivités ces dernières années.

Quant au différentiel de croissance entre recettes et dépenses, il ne connaît pas de rupture. Depuis quatre ans, l’épargne diminue sans à-coups : atonie des recettes de fonctionnement, rythme modéré de l’augmentation des dépenses. Les pourcentages sont relativement comparables d’une année à l’autre.

M. le président Alain Fauré. Monsieur Rougier, je vous remercie pour vos observations et vos explications.

L’audition s’achève à dix-huit heures cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Réunion du mercredi 9 septembre 2015 à 16 heures 30.

Présents. – M. Olivier Audibert Troin, Mme Catherine Beaubatie, M. Alain Calmette, M. Charles de Courson, M. Alain Fauré, Mme Viviane Le Dissez, Mme Marie-Lou Marcel, M. François de Mazières, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, Mme Régine Povéda, M. Nicolas Sansu.

Excusés. M. Éric Alauzet, M. Étienne Blanc, M. Jean-Luc Bleunven, Mme Jeanine Dubié, M. Yannick Favennec, M. Laurent Marcangeli, M. Frédéric Roig, M. Martial Saddier, M. Claude Sturni.