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Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Mardi 29 septembre 2015

Séance de 18 heures 

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Alain FAURÉ, Président

Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-René Lecerf, président de la commission des finances de l’Assemblée des départements de France (ADF), accompagné de M. Thomas Lecomte, conseiller en finances, Mme Marylène Jouvien, attachée parlementaire, et M. Alexandre Barbier, membre du cabinet du président de l’ADF.

L’audition débute à dix-huit heures cinq.

M. le président Alain Fauré. Notre séquence s’achève avec l’audition de M. Jean-René Lecerf, président de la commission des finances de l’Assemblée des départements de France (ADF) et président du conseil départemental du Nord, qui est accompagné par M. Thomas Lecomte, conseiller en finances, Mme Marylène Jouvien, attachée parlementaire, et M. Alexandre Barbier, membre du cabinet du président Dominique Bussereau.

Monsieur le président, les collectivités territoriales sont toutes touchées par la baisse des dotations de l’État, engagée en 2014 et programmée jusqu’en 2017. Les collectivités du bloc communal sont cependant placées dans une situation bien particulière puisqu’elles se trouvent en bout de chaîne de certains mécanismes financiers : non seulement elles sont directement impactées par la baisse des dotations qui leur sont allouées, mais elles subissent – ou pourraient subir – aussi une réduction des concours qui leur sont versés par les autres collectivités, essentiellement les départements, pour leurs projets d’investissement. Au cours des dernières années, ces mêmes collectivités ont supporté d’autres baisses de ressources, en raison de l’adoption de diverses mesures, telles que la suppression de la taxe professionnelle.

Est-ce une vision excessivement misérabiliste ou bien peut-on dire à juste titre que les subventions d’équipement versées par les départements au bloc communal sont affectées par la baisse des dotations de l’État et la situation financière générale des départements ? Inversement, assiste-t-on à une diminution des demandes présentées aux départements par les collectivités du bloc communal ou à une plus grande sélectivité au regard de la nature de leurs projets ? Quelles sont les perspectives à l’horizon 2017 ?

Il ne s’agit évidemment pas ici de montrer du doigt tel ou tel niveau de collectivité mais de réfléchir ensemble à ce qui fait la solidarité des territoires et à ce qui peut la menacer. Peut-on aller vers un affaiblissement du lien financier entre département et communes, comme le suggère, par exemple, le nouveau régime de cumul des mandats qui tend à éloigner les élus des différentes organisations ? Au contraire, le phénomène de mutualisation va-t-il dépasser les frontières des strates et réunir départements et collectivités du bloc local ?

Avant de vous donner la parole, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je dois vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Jean-René Lecerf, M. Thomas Lecomte, Mme Marylène Jouvien et M. Alexandre Barbier prêtent serment.)

M. Jean-René Lecerf, président de la commission des finances de l’Assemblée des départements de France (ADF). Mon arrivée à la présidence de la commission des finances de l’ADF est récente. Lorsque je suis devenu président du conseil départemental du Nord, en avril dernier, j’ai démissionné de mon mandat de sénateur.

Je connais bien ce département tout à fait hors norme qu’est le département du Nord – c’est la troisième collectivité territoriale de France après l’Île-de-France et Paris – et je commence à me confronter à la situation de l’ensemble de mes collègues. Le Nord est à l’avant-garde des problèmes que vous évoquez puisqu’il se trouve dans la situation financière la plus compliquée, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’aide qu’il peut apporter à l’investissement des communes.

Cela étant, j’ai l’impression de ne faire qu’ouvrir la marche. À mes collègues, je disais me sentir un peu comme Danton quand, en route vers la guillotine et passant devant la maison de Robespierre, il lui cria : « Robespierre, tu me suis ! » Mes collègues m’ont expliqué gentiment qu’ils m’avaient désigné à ce poste en sachant que mon espérance de vie serait la plus limitée… mais que la leur ne serait guère plus longue. Ils me voient un peu comme un rempart.

En fait, les subventions départementales au bloc communal diminuent depuis longtemps : elles ont accusé une baisse de 30 % en huit ans, passant de 3 milliards d’euros en 2007 à 2,1 milliards en 2014. Ce recul affecte plus durement les communes de moins 500 habitants où la part des subventions départementales dans l’investissement est plus élevée que dans les grandes villes. Le taux de subvention se situe à 6 % en moyenne pour l’ensemble des communes, mais il atteint 17 % dans celles de moins de 500 habitants, 11 % dans celles qui comptent de 500 à 2 000 habitants, et 2 % dans celles de plus de 300 000 habitants.

J’ai la conviction que, si les politiques nationales et départementales n’évoluent pas fortement, ce qui nous attend est encore bien pire. Dès 2016, les perspectives sont particulièrement sombres. Mon département va réaliser 175 millions d’euros d’investissements en 2015 quand il y consacrait 500 millions d’euros il y a quelques années. Ce véritable effondrement l’empêche de réaliser des travaux départementaux qui seraient nécessaires : un seul collège sera reconstruit alors qu’il faudrait en refaire une dizaine par an.

Dans ces conditions, l’aide aux intercommunalités et aux communes devient éminemment problématique. C’est à tel point que, comme certains de mes collègues, j’en suis à conseiller aux maires de prendre un emprunt relais en attendant que les subventions allouées en début d’année 2015 leur soient effectivement versées. Je leur explique qu’ils percevront ces subventions puisqu’elles ont été votées, que je m’efforcerai de les leur verser le plus rapidement possible mais que, dans l’immédiat, je suis dans l’incapacité de le faire.

Mon département, comme d’autres, a aussi contracté des dettes à l’égard de l’État. Il y a quelques jours, M. le préfet m’a réclamé 5 millions d’euros au titre du contrat de plan 2000-2006. La situation complexe des départements les conduit à revoir leurs politiques d’aide aux communes. Il en va ainsi de toutes les politiques qui ressortissent d’un droit de tirage. Pour le fonds départemental d’aménagement du Nord (FDAN) et le fonds départemental de solidarité territorial (FDST), il existe un droit de tirage d’environ 450 millions d’euros sur trois ans, que nous allons supprimer lors de la prochaine réunion plénière, faute de pouvoir y faire face.

Comme moi, nombre de mes collègues sont obligés de suspendre des politiques dites de guichet. Parallèlement, de nombreux départements – dont le mien – avaient développé des contrats de territoire pour passer progressivement d’une politique de guichet à une politique de projets. Dans le Nord, nous avions distribué des étoiles – une, deux ou trois – aux projets qui nous paraissaient particulièrement intéressants. Pour les seuls projets auxquels ont été attribuées deux ou trois étoiles, les montants concernés sont d’environ un milliard d’euros. À présent, j’explique aux maires qu’ils pourront encadrer à la mairie ces trois étoiles qui n’étaient pas une garantie d’obtenir quelque financement que ce soit de la part du département. Ce n’est pas toujours facile à accepter pour bon nombre d’élus locaux, notamment pour les maires de communes moyennes, petites ou très petites.

Il va de soi que certains métiers, tels que ceux du bâtiment et des travaux publics (BTP), en subissent des conséquences immédiates. Les fédérations de travaux publics sont en soins palliatifs, si je puis me permettre cette image, avec les risques de lourdes suppressions d’emplois qui en découlent. Or l’aide à l’investissement des communes et intercommunalités était quand même la fierté des départements et l’une de leurs raisons essentielles d’exister.

Tous mes collègues considèrent que, plus encore que par la baisse des dotations d’État, les départements sont plombés par l’envolée des allocations individuelles de solidarité (AIS) et plus précisément par celle du revenu de solidarité active (RSA).

Actuellement, il y a un accord quasi-général qui dépasse totalement les clivages à la fois politiques et territoriaux – entre les ruraux et les urbains – pour reconnaître que le vrai problème est celui-là : l’absolue nécessité d’endiguer l’explosion du reste à charge RSA qui, dans mon département, a augmenté de 60 millions d’euros en 2015 après avoir progressé de 55 millions d’euros en 2014 et de 50 millions d’euros en 2013. Si je parvenais à annihiler totalement ces évolutions sur trois années, je pourrais de nouveau développer les politiques d’aide à l’investissement, construire les collèges qui ont besoin d’être construits, et faire les contournements routiers qui sont nécessaires.

Ce reste à charge RSA est une sorte de double peine : plus vous êtes pauvres, plus vous avez des difficultés, plus on vous tient la tête sous l’eau, vous empêchant de prendre des initiatives qui pourraient enclencher un cercle vertueux. Dans mon département, où le taux de chômage est de trois points supérieur à la moyenne nationale, il y a 150 000 allocataires du RSA.

Mon propos n’est pas de dire que les départements ne doivent pas prendre des mesures qui ne sont pas forcément populaires. Je reviens d’une rencontre avec les sapeurs-pompiers professionnels qui manifestaient à Lille ce matin parce que j’ai annoncé qu’il n’y aurait aucun recrutement nouveau et pas même de remplacement intégral des départs en retraite. Je ne peux pas faire autrement. Pour être crédible quand je réclame la solidarité de l’État en ce qui concerne le reste à charge RSA, je réalise des économies. Beaucoup de collègues font de même.

Dans mon cas, les économies sont de 100 millions d’euros pour un budget de 3,6 milliards d’euros ; pour d’autres elles seront de 50 millions d’euros, de 20 millions d’euros ou de 10 millions d’euros. Les économies possibles sont proportionnelles à l’importance du département. J’ai donc programmé 100 millions d’euros d’économies sur les dépenses de fonctionnement hors RSA. S’il ne se passe rien, cet effort se volatilisera immédiatement sous l’effet des 60 millions d’augmentation du reste à charge RSA et des 40 millions d’euros de diminution de la dotation générale de fonctionnement (DGF). Et en 2016, la baisse de la DGF atteindra 80 millions d’euros puis 120 millions en 2017.

Si on ne nous laisse pas une marge d’espérance, la fin des départements est programmée. J’étais encore parlementaire lorsque la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a été présentée et je voyais bien que les départements étaient dans le collimateur : le Gouvernement voulait favoriser les régions et les intercommunalités au détriment des départements et des communes. Mais la loi adoptée par le Parlement maintient l’essentiel des compétences départementales, même si elle prévoit de nouvelles répartitions de compétences, notamment où il y a des métropoles. Encore faut-il que nous ayons les possibilités de faire face.

Devant le Comité des finances locales (CLF), le Gouvernement vient d’assurer qu’il y aurait des interventions dès 2016 sur le reste à charge RSA. C’est une condition sine qua non de notre survie. J’utilise parfois une formule un peu lapidaire pour le signifier : si les mesures sont prises en 2018, nous serons tous morts. Dans le Nord et les cinq ou six départements qui sont dans une position analogue, les préfets savent bien que notre situation justifierait une mise sous tutelle. Si nous la demandions, elle serait de droit. Contrairement à ce que j’expliquais à mes étudiants quand j’étais enseignant, la mise sous tutelle devient une menace des collectivités territoriales vis-à-vis de l’État et non l’inverse. C’est le préfet qui me supplie de ne pas la demander, par crainte de l’effet domino. Si nous ne le faisons pas, c’est aussi parce que nous n’avons pas été élus pour cela.

En l’état actuel des choses, nous ne pouvons pas réaliser nos propres investissements et nous sommes obligés de revoir nos politiques d’aide aux communes et aux intercommunalités pour les rendre compatibles avec nos moyens. Cela ne nous empêche pas de lancer des initiatives, notamment pour que nos politiques d’insertion soient beaucoup plus dynamiques et professionnelles. En cas de succès, nous pourrions régler ainsi une bonne partie du problème RSA. Si je parvenais à remettre à l’emploi un tiers de mes allocataires du RSA – c’est un fantasme – j’économiserais 200 millions d’euros et je n’aurais plus besoin de l’État : j’aurais rétabli les équilibres. Même si le résultat est moins bon, les économies pourraient être substantielles : 100 millions d’euros, 50 millions d’euros, etc. Dans ce domaine, les départements ont aussi leur part de responsabilité et ils doivent prendre des mesures pour montrer à l’État qu’ils participent à l’effort global du pays. Mais nous ne pourrons pas aller au-delà du raisonnable.

S’agissant de la mutualisation, des efforts ont été faits depuis longtemps et je peux vous en citer des exemples, notamment dans le domaine de la gestion des marchés publics. C’est ainsi que le conseil général du Val-d’Oise tend à mutualiser les diagnostics d’accessibilité des bâtiments pour les communes. Dans la région Rhône-Alpes, quatre conseils généraux et sept communautés d’agglomération ont entrepris une gestion mutualisée de l’information des voyageurs de transports en commun, en créant une centrale de mobilité. Les initiatives vont se multiplier.

Le sujet vous intéresse peut-être moins, mais je pense aussi à des mutualisations entre départements, notamment en ce qui concerne les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). La mutualisation des acquisitions de matériels est tout à fait indispensable et elle pourrait faire baisser la facture de 30 % à 40 %. Les départements frontaliers pourraient aussi passer des accords beaucoup plus volontaristes que par le passé avec les pays voisins. Faut-il vraiment qu’il y ait des équipements extrêmement sophistiqués à deux kilomètres de distance, mais de part et d’autre d’une frontière ? Les départements commencent à changer leurs habitudes.

M. le président Alain Fauré. En fait, ce dernier sujet nous intéresse aussi parce que les économies réalisées pourront servir à accorder des aides aux collectivités. Vous faites bien de suggérer des idées, d’autant que l’enregistrement nous permettra de bien les retenir et de ne pas les laisser s’envoler.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Merci pour votre exposé qui a le mérite d’être clair et direct. Vous avez décrit Danton allant à la guillotine, permettez-moi de dire comme Saint-Just que le bonheur est une idée neuve. L’un et l’autre n’ont pas fini de manière merveilleuse, mais soyons un peu optimistes.

Notre commission d’enquête s’attache à mesurer l’impact des baisses de dotations sur les investissements et les services publics assumés par les communes et les intercommunalités, c’est-à-dire par les collectivités qui sont en bout de chaîne. Nous avons volontairement évité les départements parce que nous voulons aboutir à des conclusions et à une série de propositions que nous pourrions présenter dans le cadre du prochain congrès des maires.

Mais si nous avons souhaité vous auditionner, c’est que les départements sont concernés et qu’ils sont même dans une situation plus préoccupante que certaines communes et intercommunalités. Or la part des subventions départementales dans l’investissement public du bloc communal est très importante, à la fois pour certaines strates de collectivités et de manière globale. À partir des comptes administratifs des départements, serait-il possible d’obtenir le montant précis de ces subventions ainsi que celui du reste à charge du RSA ? Il serait intéressant de pouvoir rapprocher ces deux données.

À mon avis, le RSA est un élément de la solidarité nationale et il serait judicieux que son financement remonte à ce niveau. Pour avoir été vice-président du conseil général du Cher pendant très longtemps, je peux vous parler des difficultés d’un département où le RSA, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) pèsent très lourd. Le pourcentage de personnes âgées y est encore plus élevé que dans le Nord. Nous avons une longue tradition d’accueil de personnes handicapées parce que nous disposons de structures spécialisées pour ce faire.

En 2018, il sera trop tard pour agir, dites-vous. Lors de l’audition précédente, le président de La Banque postale Collectivités locales nous a indiqué que son estimation du nombre de communes et intercommunalités en risque de déséquilibre est plus proche de celle François Baroin, c’est-à-dire 1500, que de celle Marylise Lebranchu, qui en évoque une trentaine. Cela ne manque pas de nous inquiéter. Combien de départements seront en situation périlleuse cette année, en 2016 et en 2017 ? Les chambres régionales des comptes risquent de devoir embaucher du personnel pour pouvoir gérer tous ces budgets… Comme vous, je suis allé à la préfecture pour proposer de mettre ma ville sous tutelle. Mme la préfète m’a répondu qu’il ne fallait surtout pas le faire parce qu’elle n’aurait personne pour s’en occuper. Nous en sommes là.

M. Jean-René Lecerf. En 2015, une dizaine de départements seront dans une situation qui devrait entraîner leur mise sous tutelle si la loi était appliquée en toute rigueur. Ils devraient être une trentaine en 2016 et une soixantaine en 2017. Ils seront tous dans cette situation en 2018, à l’exception peut-être des Hauts-de-Seine et de Paris.

J’ai été surpris de constater, par exemple, que des départements ruraux sont dans une situation extrêmement délicate en raison du poids de l’APA. Au passage, monsieur le rapporteur, je vous indique que l’APA est la seule allocation individuelle de solidarité que mon département maîtrise à peu près convenablement et je ne m’en réjouis pas : c’est dans le Nord que l’espérance de vie est la plus faible.

Selon les projections effectuées par un cabinet d’étude, si les dotations et les allocations individuelles de solidarité continuent sur leur lancée, l’immense majorité des départements aura une épargne nette négative à compter de 2017. Actuellement, mon département a déjà une épargne nette négative de 30 millions d’euros. Prenons le délai de désendettement – l’un des critères qui permettent d’apprécier la performance et l’état de santé des collectivités : en 2017, le délai de désendettement devrait passer à 28 ans en moyenne, sachant qu’il est déjà de 25 ans dans le Nord. Au-delà, on ne compte plus, si je puis m’exprimer ainsi.

Pour un grand nombre de départements, le souci n’est pas tant l’endettement que l’absence totale d’épargne. Le Nord a un endettement de 1,4 milliard d’euros, ce qui n’est pas considérable, compte tenu de la population et du budget du département. Mais à partir du moment où il n’y a plus d’épargne, nous sommes dans l’incapacité totale d’emprunter davantage que ce que nous devons rembourser. Le problème est déjà d’actualité pour certains et il guette tous les autres.

C’est un problème global, comme j’ai pu le constater : des départements beaucoup plus ruraux que le mien – la Somme, par exemple – se retrouvent dans la même situation. C’est pourquoi je suis assez hostile à l’idée d’isoler les malades, non pour les mettre en quarantaine mais pour les aider. La théorie des dominos s’applique aux collectivités territoriales : la commune se retourne vers son interlocuteur naturel, le département, avec lequel elle travaillait en confiance dans les contrats de territoire ; actuellement, elle se retrouve dans une impasse totale.

Pour les communes qui ont des travaux urgents à réaliser, on invente des formules dont l’intérêt est accessoire : autoriser le démarrage des travaux avant l’octroi de subventions, en précisant de manière extrêmement claire que l’autorisation ne crée pas de droit à subvention. C’est en quelque sorte une manière de dire à la commune qu’elle ne perd pas toute chance si d’aventure le département revenait à meilleure fortune. Certaines collectivités s’engagent dans des travaux importants en espérant des subventions qui n’arriveront peut-être jamais, et les conséquences peuvent être calamiteuses quelques mois ou quelques années plus tard.

M. Laurent Furst. Le département, grand frère de la commune et de l’intercommunalité, est en soins intensifs à l’hôpital. C’est comme une petite Grèce à l’intérieur de notre pays. Je ne le dis pas comme un reproche, parce que je pense que les départements sont aussi les maisons du courage. C’est là où les élus et les administrations consentent le plus d’efforts de gestion, renoncent à un plus grand nombre de politiques, font des choix parfois extraordinairement douloureux. Les départements de France sont en train de faire ce que l’État est incapable de faire pour lui-même et ce que les autres collectivités n’ont pas encore entrepris. Il faut le souligner.

La situation des départements de France résulte de choix stratégiques et politiques. On a voulu les faire disparaître. Manuel Valls a manifesté son hostilité aux départements dans ses deux discours de politique générale – surtout dans le premier – et une autre orientation a été définie dans la loi NOTRe.

Comme vous l’avez signalé, les départements subissent aussi les effets de la hausse du chômage – 1,2 million de chômeurs de plus en trois ans – et du nombre d’allocataires du RSA. En la matière, les départements sont spectateurs d’une dépense, car ils ne décident ni du montant de l’allocation ni du nombre d’allocataires.

En vertu des lois de décentralisation, quatre grandes politiques sociales doivent être prises en charge par les départements : l’enfance, l’insertion, le handicap et les personnes âgées. Pourquoi a-t-on attribué aux départements la gestion de l’insertion alors que le volume de la dépense dépend de l’État, en lien avec les caisses d’allocations familiales (CAF) ? C’est une question que je me suis toujours posée. Pour certaines compétences, la gestion locale n’apporte rien, ou pas grand-chose, tout en ruinant les collectivités. Le moment n’est-il pas venu de dire que l’insertion devrait être gérée par les CAF ?

M. Jean-René Lecerf. Votre question est difficile et elle peut susciter des opinions diverses. Avant d’y venir, parlons de votre comparaison avec la Grèce. Vous n’êtes pas loin d’avoir raison. Quand je suis allé exposer mes problèmes à la préfecture, j’ai été surpris de la teneur de la réponse, même si ces gens-là savent qu’il y a des choses qu’on ne peut pas dire. J’ai expliqué que mon budget 2015 ne me permettait de financer que onze mois de RSA sur douze. Ne vous inquiétez pas, m’a-t-on dit, la CAF va payer. Pour les allocataires, cela ne changera rien, et les intérêts de retard sont extrêmement mineurs en l’état actuel des choses. Je me suis alors inquiété de ce qui se passerait l’année prochaine, s’il n’y a pas d’évolution. Mon interlocuteur m’a alors dit que, dans ce cas, je ne payerai que dix mois de RSA l’année prochaine. La Grèce, nous y sommes presque.

En revanche, je ne suis pas de votre avis en ce qui concerne l’insertion. Bon nombre de départements n’ont pas fait d’efforts suffisants en faveur de l’insertion professionnelle des allocataires du RSA. Dans mon département, 70 % des allocataires sont dirigés vers Pôle emploi, mais 30 % d’entre eux ne s’y inscrivent pas, ne bénéficient d’aucun accompagnement et se contentent du RSA. Les autres, ceux dont s’occupe le département, sont les plus éloignés de l’emploi.

Dans les mois qui viennent, nous devrons être plus actifs en matière d’insertion des allocataires du RSA. Qui est mieux placé que le département pour discuter avec les présidents des organisations patronales et les présidents des chambres consulaires, afin de tenter de leur faire reconnaître une certaine priorité à l’embauche des allocataires du RSA pour ce qu’ils appellent leurs « emplois cachés » ? Dans mon département, ils l’ont admis et ils nous demandent seulement de vérifier que les personnes que nous leur présentons sont aptes aux fonctions proposées. Il faut en passer par une espèce de révolution culturelle qui consiste à faire travailler ensemble le monde de l’entreprise et le secteur social, qui ont besoin l’un de l’autre.

Si le RSA était renationalisé, les départements n’auraient plus aucune raison de se décarcasser pour l’insertion professionnelle des allocataires du RSA, un domaine dans lequel nous n’avons pas été bons parce qu’il n’est jamais apparu comme étant réellement une priorité. Notons aussi que certains allocataires réfléchissent quand ils voient la faible différence qui peut exister entre l’allocation et un travail payé au SMIC.

Il est une compétence que je verrais partir avec moins de regrets que l’insertion, c’est le SDIS – et je ne dis pas cela parce que je suis très provisoirement un peu fâché avec mes sapeurs-pompiers. C’est une compétence régalienne qui devrait revenir à l’État. Ce service représente 100 millions d’euros dans le budget du département du Nord, parce que la dépense est partagée pour moitié avec les communes et intercommunalités.

M. le président Alain Fauré. Élus de proximité ou nationaux, nous devons savoir qu’il ne sert à rien de renvoyer la balle d’un niveau à l’autre : le pays devra payer l’addition globale. Le conseil général, le conseil départemental ou la commune, c’est l’État. Nous allons devoir nous poser les bonnes questions et faire preuve de créativité, notamment pour rendre à nos concitoyens le même service à un meilleur coût et faire en sorte que des charges soient mieux supportées.

Parlons de l’APA, attribuée sans contrepartie. Dans certaines familles, on sait très bien gérer et assurer la passation du patrimoine d’une personne âgée avant de reporter la charge de cette dernière sur la collectivité nationale. Peut-être faut-il y réfléchir. Et que ce soit pour les SDIS ou d’autres services, une mutualisation s’impose, même parfois avec le pays voisin, comme vous l’avez souligné. Est-il judicieux d’avoir deux casernes distantes de sept kilomètres ?

Je me permets un aparté politique pour dire que les conséquences politiques pourraient être très lourdes si nous ne procédons pas à des remises en cause et à un changement de nos cadres de références habituels. La faiblesse actuelle des taux d’intérêt nous permet de supporter un endettement très lourd, mais notre confiance risque de s’émousser dans le temps.

M. Claude Sturni. Mon intervention sera moins polémique. Il existe un effet domino entre les collectivités et j’aimerais comprendre comment ont évolué les subventions des départements et comment elles se sont réparties entre les communes et les intercommunalités. Auriez-vous des chiffres précis à nous communiquer ?

Je m’intéresse aussi au cas particulier des métropoles. Mon département du Bas-Rhin a, comme le Nord, la chance d’en avoir une sur son territoire. En remontant sur une période de trois ans – ou plus, si c’est possible – pouvez-vous nous dire quelle part des subventions est allée vers ces territoires qui sont devenus des métropoles ? Voir comment les communes rurales, qui ont déjà subi cet effet de domino par le passé, pourraient le subir à l’avenir serait utile, je pense, à notre travail.

Ma dernière question se rapporte au fameux effet levier dont nous ont encore parlé les banquiers que nous avons auditionnés avant vous : à les entendre, un euro de subvention génère 10 euros d’investissement. À votre avis, quel était montant d’investissement généré dans le bloc communal par un euro de subvention départementale ? Maintenant qu’il n’y a plus de subventions, on peut imaginer que l’effet va jouer dans l’autre sens.

Mme Christine Pires Beaune. Tout d’abord, je voudrais revenir sur les propos de Laurent Furst qui estime que le Gouvernement conduit une politique très hostile à l’égard des départements. Rappelons que la non-compensation à l’euro près des allocations de solidarité ne date malheureusement pas d’hier. En 2014, lors d’une audition, le président de l’ADF avait reconnu que la situation des départements avait été moins dramatique que prévu cette année-là pour deux raisons : la possibilité d’augmenter le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; l’octroi de 827 millions d’euros supplémentaires. Est-ce que vous le confirmez ?

J’aimerais aussi avoir, par département, le montant en volume et en pourcentage des subventions d’investissement aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au cours des dernières années.

Lors d’une précédente audition, vous nous aviez dit que votre priorité était le financement des AIS et non la réforme de la DGF. Est-ce toujours le cas ?

Enfin, et même si ce n’est pas à la hauteur des soucis financiers des départements, est-ce qu’il vous semblerait judicieux de supprimer l’amortissement des subventions d’investissement versées au bloc communal ? Combien représente pour le département du Nord le montant des amortissements des subventions d’investissement versées au bloc communal ?

Mme Françoise Dumas. Dans les années à venir, l’action sociale restera la principale responsabilité des départements. Ne pensez-vous pas qu’il est temps de revoir l’intégralité des modalités d’intervention dans ce domaine, à partir d’une nouvelle forme de contractualisation avec les blocs communaux, les sociétés d’économie mixte et les associations ? Les associations qui jouent un rôle important, notamment dans le domaine médico-social, sont une source d’innovation et elles sont prêtes à des remises en cause et des évolutions.

Ne faut-il pas envisager des logiques de co-construction et renoncer à des modèles qui n’ont plus cours parce que l’époque et les besoins ont changé et que les populations ne sont plus les mêmes ? Ne serait-il pas possible d’inventer une autre façon de construire ces politiques publiques, tout en restant dans une logique de proximité ?

Il me semble que nous devrions être tous d’accord pour faire évoluer ces politiques de façon à rendre un meilleur service à un coût moindre. Et nous savons tous qu’il y a beaucoup de redondances. Nombre de collectivités font un peu de social, un peu de médico-social, un peu d’action sociale. Cela vaut dans le tourisme, dans le développement économique, où il existe une foultitude de petits groupes d’intervention, de mesures partagées ou non. Ne serait-il pas grand temps de mieux les répartir dans une logique de territoire ou de meilleur service rendu à la population ? La mutualisation des moyens peut permettre d’éviter les redondances. Ce qui a été dit pour le SDIS vaut pour beaucoup d’autres choses.

L’investissement est souvent le seul critère retenu pour juger de la santé, du développement et de l’image des collectivités. Pourriez-vous nous fournir des éléments globaux sur les effets de levier du fonctionnement ? L’action sociale est aussi un moyen de dynamiser l’emploi et elle affecte l’économie des territoires.

M. Jean-René Lecerf. S’agissant des subventions départementales en direction du bloc communal, les chiffres à ma disposition ne distinguent pas entre communes et intercommunalités. Nous ferons des recherches pour vous en procurer. Depuis 2007, l’évolution des subventions globales est linéairement négative : 3 milliards d’euros en 2007, 2,9 milliards en 2008, 2,5 milliards en 2010, 2,3 milliards en 2011, 2,2 milliards en 2012 et 2,1 milliards en 2014. Et nous ne ressentions pas encore les effets les plus forts de la crise, et donc du développement du chômage. Je suis convaincu que ce montant va s’effondrer.

Qu’en est-il des effets de levier ? À la limite, les départements sont plus attentifs à maintenir les subventions aux communes et aux intercommunalités qu’à conserver leur propre lot d’investissements liés à l’exercice de leurs responsabilités. Lorsqu’un département a sécurisé ses collèges et de ses voiries, sa principale préoccupation est d’aider les communes et les intercommunalités. Il faut faire des choix. En matière culturelle, de nombreux musées départementaux ont été créés, tel le Musée Matisse du Cateau-Cambrésis, pour être des éléments de développement des territoires. Leur réussite est à la fois culturelle, économique et de développement.

S’agissant de la non-compensation à l’euro près, je ne cherche pas à savoir qui est responsable. De par mon parcours politique, je suis plus ami avec Jean Pierre Raffarin, qui est à l’origine de la loi portant la décentralisation du RMI et la création du RMA, qu’avec Lionel Jospin, dont le gouvernement a prévu de ne pas compenser plus de la moitié du poids de l’APA – nous en sommes loin ! Certes, avec le développement de la crise, l’écart entre le coût du RSA et la compensation de l’État s’est creusé. Aujourd’hui, la difficulté supplémentaire vient du fait que les problèmes se multiplient pour les départements, qui sont confrontés à la fois à la non-compensation des transferts et à la baisse des dotations.

Effectivement, madame Pires Beaune, l’année 2014 a été moins catastrophique que prévu grâce au pacte proposé aux départements : l’État a fait l’effort de nous transférer les frais de gestion du foncier bâti et nous a autorisés à porter de 3,8 % à 4,5 % le taux des DMTO. Sinon, nous n’aurions pas passé l’année. À un moment où l’activité immobilière était en baisse, ce pacte a permis aux départements de maintenir leurs revenus. Il a été le bienvenu, mais il n’a fait que retarder d’un an l’effet de ciseau.

Madame Dumas, vous avez raison, il faut revoir les modalités d’intervention, notamment dans le domaine médico-social. Comme beaucoup de départements, nous sommes en train de développer les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), ce qui est parfois une révolution dans le fonctionnement des établissements. Certains de ces établissements, d’une puissance considérable, emploient 1 500 personnes et accueillent 3 000 ou 4 000 usagers. D’autres sont beaucoup plus petits. Mais cette révolution culturelle des CEPOM me paraît tout à fait essentielle.

Nombre de départements, débordés par leurs difficultés quotidiennes, attribuaient la subvention à leur partenaire au mois d’octobre ou novembre de l’année n pour l’année n, ce qui revenait à priver l’établissement public d’une réelle autonomie financière et de gestion. Nous avons rencontré les responsables des grandes associations représentant l’ensemble du secteur médico-social. Ils nous ont dit et répété que, bien sûr, ils ne sautaient pas de joie devant l’annonce de baisse de subventions mais que si elle pouvait se faire de manière claire et précise au mois d’octobre ou novembre de l’année n pour l’année n + 1, ils arriveraient à gérer l’essentiel en évitant les conséquences trop dommageables pour les personnes concernées. C’est l’une des révolutions culturelles en cours.

Vous parlez d’effet de levier en matière de fonctionnement. Le premier auquel je pense concerne les emplois extrêmement importants d’aide à la personne, qui entrent dans le cadre des compétences départementales et qui pourraient parfaitement être proposés, après formation, aux allocataires du RSA. Cela implique une évolution des politiques des régions en matière de crédits de la formation professionnelle : environ 10 % de ces crédits sont consacrés aux demandeurs d’emploi – chômeurs ou allocataires du RSA – et tout le reste finance la formation continue. Je ne nie pas l’importance de la formation continue mais dans la période de turbulences que nous traversons, il me semble que les demandeurs d’emploi devraient être l’une des préoccupations fondamentales des conseillers régionaux dans le cadre de ces budgets de formation professionnelle.

Actuellement, les associations d’aide au maintien à domicile et celles qui forment certains travailleurs sociaux tels que les assistants familiaux ont beaucoup de mal à convaincre des personnes de les rejoindre. C’est d’autant plus problématique que nous sommes dans une situation de l’emploi très difficile dans bien des départements de France, dont le mien. Ces difficultés de recrutement peuvent s’expliquer par des raisons matérielles – la différence insuffisante entre l’allocation et le revenu du travail – mais aussi par le manque de reconnaissance de ces emplois par les collectivités. Comme les emplois d’assistante maternelle ou d’assistants familiaux dans le passé, les emplois d’aide à la personne ne bénéficient pas actuellement de la protection et de la reconnaissance suffisantes pour être vraiment attractives aux yeux de nombre de nos contemporains. Or ces emplois, qui consistent à s’occuper des autres, sont particulièrement nobles.

Je voudrais revenir sur un point, que je n’ai pas abordé, concernant la baisse – quand il ne s’agit pas d’un effondrement – des investissements des départements. Ce phénomène provoque un problème supplémentaire : mon département emploie des techniciens et des ingénieurs compétents qui géraient 500 millions d’euros d’investissement il y a quelques années et qui n’en gèrent plus que 175 millions aujourd’hui. Autant vous dire qu’ils ne sont pas débordés. Ils viennent nous le dire et nous expliquer qu’ils préféreraient de très loin être payés à travailler plutôt qu’à ne rien faire.

Certaines solutions paraissaient simples, tellement simples qu’elles devaient être simplistes. Lors d’un congrès des maires de mon département, je leur avais proposé de mettre au moins de la matière grise à leur disposition puisque je n’avais pas les moyens de leur accorder les subventions qu’ils sollicitaient. L’idée était d’envoyer certains techniciens et ingénieurs aider des mairies ou des intercommunalités à monter leurs dossiers. C’est beaucoup plus compliqué que cela en a l’air ! Je me trouve en concurrence avec des bureaux d’études. Je me trouve devant des interdictions édictées par la loi NOTRe d’intervenir dans une commune de plus d’un certain nombre d’habitants. Je me trouve dans l’impossibilité de mettre une personne à disposition sans contrepartie financière, sauf à construire une usine à gaz où je dois exiger le prix de la mise à disposition et verser une subvention pour le compenser totalement ou partiellement.

Il faudrait trouver des solutions plus simples, utilisables par les collectivités qui sont confrontées à une surcharge de personnel qu’elles ne pourront gérer que sur la durée. Le seul moyen que j’ai de réduire le nombre des quelque 12 500 personnes qui travaillent au département du Nord est de jouer sur les départs en retraite qui peuvent ne pas être intégralement compensés. Si un médecin des services de protection maternelle et infantile (PMI) part en retraite, je le remplace ; si un fonctionnaire du service d’implantation d’entreprises – une compétence qui ne va plus être départementale – part en retraite, je ne le remplace pas. Quoi qu’il en soit, je suis dans la quasi-impossibilité de faire travailler au service des communes des personnels qui pourtant ne demandent que cela.

M. le président Alain Fauré. Dans vos propos, on retrouve la notion de mutualisation et aussi le partage des compétences, désormais précisé dans la loi, entre les intercommunalités et le conseil départemental. Le genre de pratiques que vous décrivez devrait être possible, car les petites et moyennes communes ont besoin qu’on leur apporte ce type de compétences pour améliorer leur efficacité.

M. le rapporteur. Comme Christine Pires Beaune, j’insiste sur l’importance pour nous d’avoir les chiffres, département par département et si possible sur plusieurs années, qui marquent l’effondrement des subventions aux communes. Ces données nous permettraient d’avoir une vision claire de la situation. Nous pourrions ensuite les rapprocher de celles qui vont nous être fournies par la direction générale des collectivités locales (DGCL) sur l’investissement réel du bloc communal.

M. Jean-René Lecerf. Nous allons vous les préparer jusqu’aux comptes administratifs 2014.

Mme Christine Pires Beaune. J’insiste aussi pour que nous ayons le montant des amortissements sur les subventions d’équipement au bloc communal.

M. Jean-René Lecerf. Pardonnez-moi de ne pas avoir répondu à cette question. Le problème de la réforme comptable sur ces dotations aux amortissements a été abordé en commission des finances de l’ADF, et celle-ci s’est montrée très réticente, pour ne pas dire très hostile, à cette modification. Elle estime qu’il s’agit d’une « modification de confort » qui n’est pas à la hauteur des problèmes rencontrés par les départements. À la limite, cette mesure pourrait donner l’illusion d’une amélioration de la situation des départements alors que cela ne correspondrait à aucune réalité. L’immense majorité des membres de la commission des finances n’a pas souhaité que l’ADF – comme c’était inscrit pourtant à son ordre du jour – manifeste auprès du Gouvernement le souhait d’une modification sur ce point.

Mme Christine Pires Beaune. Cette mesure, que je demande depuis trois ans, n’est pas du tout en lien avec la baisse des dotations. En fait, je constate un double amortissement puisque les départements et les communes amortissent ces subventions d’investissement. En outre, nous sommes dans le cadre d’une compétence facultative pour les départements : du jour au lendemain, vous pouvez décider de ne pas aider le bloc communal. C’est pour cette raison que je ne m’interdis pas de déposer des amendements sur ce point. Cela dit, cela ne peut pas se faire via des amendements dans le cadre du projet de loi de finances puisqu’il s’agit d’une norme comptable.

M. Jean-René Lecerf. Il s’agirait d’une réforme qui concernerait les subventions d’investissement et non pas les investissements effectivement réalisés par les départements ?

Mme Christine Pires Beaune. Je parlais bien des subventions d’investissement que vous êtes obligés d’amortir, tout comme les communes et les EPCI.

M. Jean-René Lecerf. À la commission des finances de l’ADF, il était proposé une suppression globale de l’amortissement des investissements, ce qui risquait d’être une fausse bonne idée. S’il s’agit de se limiter aux subventions d’investissement, effectivement, nous n’avons pas sur ce point les mêmes responsabilités. Cette modification me paraît facile, et je ne suis pas convaincu qu’il faille en passer par la loi.

M. le rapporteur. Je ne suis pas sûr que tous les départements amortissent les subventions.

Mme Christine Pires Beaune. Si, je le confirme et cela représente des sommes non négligeables. Pour le département du Puy-de-Dôme, il me semble que le montant était de l’ordre de 60 millions d’euros. Est-ce que ce chiffre vous semble crédible ?

M. Jean-René Lecerf. Cela me paraît tout à fait crédible.

M. le président Alain Fauré. Pouvez-vous nous rappeler le montant global des subventions ?

M. Jean-René Lecerf. Le montant le plus faible que je vous ai cité est celui de l’année 2014 : 2,1 milliards d’euros.

M. le président Alain Fauré. Il est donc tout à fait possible que ce soit une soixantaine de millions d’euros pour le Puy-de-Dôme.

M. Laurent Furst. L’amortissement des subventions perçues est une écriture d’ordre qui ne modifie en rien l’équilibre financier des collectivités. Cette écriture d’ordre protège la recette de la section d’investissement et fait en sorte que l’on n’aille pas vers la facilité de la dépense de fonctionnement au détriment de la dépense d’investissement. C’est la raison de son maintien. Elle est d’autant plus pertinente depuis que les collectivités ne font plus de prélèvements extra-amortissement. La suppression de cette mesure entraînerait une dégradation mécanique de l’investissement des collectivités au profit du fonctionnement : c’est une dépense obligatoire de la section de fonctionnement et une recette obligatoire de la section d’investissement.

M. Jean-René Lecerf. Ce que l’on gagnerait en autofinancement, on le perdrait en recettes d’investissement.

Mme Christine Pires Beaune. Je le répète, nous avons un double amortissement. C’est pour le supprimer qu’il faut modifier la nomenclature des départements et non pas celle des communes. Il n’est pas question de toucher à l’instruction budgétaire et comptable M14 puisque les communes perçoivent cette subvention pour le bien dans lequel elles investissent. Effectivement, vous retrouveriez de l’autofinancement mais vous auriez, de fait, une recette en moins en investissement.

M. le président Alain Fauré. Nous arrivons à la fin de cette audition. Je vous remercie.

L’audition s’achève à dix-neuf heures dix.

Membres présents ou excusés

Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Réunion du mardi 29 septembre 2015 à 18 heures.

Présents. – M. Jean-Luc Bleunven, Mme Jeanine Dubié, Mme Françoise Dumas, M. Alain Fauré, M. Laurent Furst, M. Laurent Marcangeli, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Régine Povéda, M. Nicolas Sansu, M. Claude Sturni.

Excusés. – M. Olivier Audibert Troin.