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Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Mercredi 30 septembre 2015

Séance de 14 heures 

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Alain FAURÉ, Président

Audition, ouverte à la presse, de M. Bruno DELSOL, directeur général des collectivités locales, accompagné de Mme Françoise TAHERI, sous-directrice des finances locales et de l’action économique, de M. Michel DUÉE, chef du département des études et des statistiques locales, et de Mme Rafaele CLAMADIEU, chef du bureau des budgets locaux et de l’analyse financière.

L’audition débute à quatorze heures dix.

M. le président Alain Fauré. Nous retrouvons en ce début d’après-midi M. Bruno Delsol, directeur général des collectivités locales, pour ouvrir la séquence d’auditions consacrées aujourd’hui au thème des « rigidités et marges budgétaires des collectivités du bloc local ».

Monsieur Delsol, vous êtes accompagné de Mme Françoise Taheri, sous-directrice des finances locales et de l’action économique, de M. Michel Duée, chef du département des études et des statistiques locales, et de Mme Rafaele Clamadieu, chef du bureau des budgets locaux et de l’analyse financière.

Alors que votre audition précédente était centrée sur la péréquation, il s’agit aujourd’hui de mieux cerner quelle est la capacité d’adaptation des collectivités à la baisse des dotations, à court et à moyen terme. Autrement dit, quels leviers sont utilisables ou peu praticables, dans quels délais et avec quelle efficacité, y compris les mesures désormais prévues par le Gouvernement ?

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vais maintenant vous demander, mesdames, messieurs, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Bruno Delsol, Mme Françoise Taheri, Mme Rafaele Clamadieu et M. Michel Duée prêtent serment.)

M. Bruno Delsol, directeur général des collectivités locales. Nous avons regardé quelles étaient les marges de manœuvre en recettes et en dépenses.

S’agissant de la fiscalité du bloc communal, les recettes des trois taxes « ménages » ont augmenté de 2,07 % entre 2013 et 2014. Dans cette évolution, il faut distinguer ce qui résulte, d’une part, de l’effet base et, d’autre part, de l’effet taux. Les bases sont évolutives et éventuellement revalorisées. Chaque année, il est procédé à une revalorisation des valeurs locatives ; elle a été de 0,9 % dans la loi de finances pour 2014, contre 1,8 % en 2013. L’effet base a représenté pour le bloc communal et les trois taxes « ménages » une augmentation du produit de 1,63 % en 2014 – augmentation du produit fiscal indépendamment de toute décision relative aux taux.

Nous avons également cherché à documenter la question de l’évolution des taux d’imposition par rapport au cycle électoral en faisant des moyennes sur la période 1993-2014. Il apparaît que la taxe d’habitation a augmenté de 0,4 point l’année qui suit l’élection alors que pour chacune des trois années de l’élection ou précédant l’élection cette hausse est inférieure à 0,1 point. Nous ne disposons cependant pas encore des données de 2015 pour vérifier si les mêmes faits étaient constatés.

Naturellement, les taux d’imposition sont très différents suivant les communes. Ils sont généralement plus bas dans les petites communes, mais ce n’est pas systématique.

Nous avons fait par ailleurs un calcul pour savoir à quel produit nous parviendrions si les communes ayant des taux d’imposition inférieurs à la moyenne s’alignaient sur celle-ci, sachant que cette moyenne a été verrouillée. À partir de ce scénario fictif destiné uniquement à donner des ordres de grandeur, nous aboutissons à un produit de 4,9 milliards d’euros.

S’agissant des dépenses, le taux d’épargne brute, c’est-à-dire l’épargne brute rapportée aux dépenses totales de fonctionnement, est un indicateur des marges de manœuvre. Or il apparaît que ce taux est en baisse mais demeure élevé. Il est ainsi passé de 18,2 % en 2011, à 14,7 % en 2014. Ce rétrécissement du taux d’épargne brute, qui peut s’analyser comme une réduction des marges de manœuvre, s’explique principalement par l’augmentation des dépenses de fonctionnement qui est de 2,1 % en 2014 – hausse cependant moins forte que précédemment.

Le facteur principal d’évolution des dépenses de fonctionnement tient aux charges de personnel qui, pour l’ensemble communes et EPCI, ont augmenté de 4,5 % en 2014. La hausse est un peu plus rapide que les années précédentes où elle était plutôt de l’ordre de 3 %.

Des causes internes et externes expliquent cette augmentation. Les causes externes sont bien connues : hausse du taux de la contribution employeur à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) au 1er janvier 2014 et revalorisation des grilles des catégories C et B qui prenait effet au mois de février 2014. On peut estimer que ces deux facteurs expliquent au sens mathématique du terme un tiers de l’évolution. Le reste tient principalement à l’augmentation des effectifs.

Nous avons présenté ces données dans le cadre du groupe de travail réunissant l’État et l’Association des maires de France (AMF) qui a été créé par le Premier ministre au printemps. Il ressort de nos échanges que la hausse des effectifs est de 1,2 % par an et que les mesures nationales relatives aux rémunérations représentent environ 1 % de hausse de la masse salariale. Il faut tenir compte aussi de l’impact des emplois aidés qui intervient à partir de 2013.

Les contrôles des chambres régionales des comptes mettent clairement en évidence des marges de manœuvre réelles ou potentielles en ce qui concerne la masse salariale. Elles portent sur la durée du travail, l’absentéisme, le régime des heures supplémentaires ainsi que sur les pratiques en matière d’avancement. Je ne suis cependant pas en mesure de chiffrer l’impact comparé de ces facteurs internes par rapport aux facteurs externes qui résultent de décisions nationales.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, contient des incitations. Dorénavant, les communes de plus de 10 000 habitants devront remettre un rapport sur l’évolution prévisionnelle et sur l’exécution des dépenses de personnel.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Cela va entraîner un travail supplémentaire !

M. Bruno Delsol. C’est indiscutable ! On voit bien là quel signal le législateur a voulu donner.

De même, la loi NOTRe prévoit que les investissements dépassant un certain seuil devront faire l’objet d’une étude d’impact quant à leurs effets sur les dépenses de fonctionnement.

La loi a étendu les possibilités de mutualisation. On peut dire qu’aujourd’hui les communes disposent d’une liberté très étendue pour mutualiser leurs services, que ce soit sous forme de mise à disposition de services, de services communs ou de mise en commun de moyens. La loi NOTRe permet des mutualisations dans presque tous les champs, y compris dans le champ de l’exécution des missions du maire en tant qu’agent de l’État. Elle élargit aussi la mutualisation en ce qui concerne les entités juridiques concernées avec une ouverture aux établissements publics, par exemple les centres communaux d’action sociale (CCAS). La loi prévoit que les EPCI doivent élaborer des schémas de mutualisation d’ici au 31 décembre prochain. La mutualisation de services semble avoir servi jusqu’ici à l’extension ou à la création de services plutôt qu’à leur rationalisation. La question est de savoir si ces instruments seront utilisés ou s’ils pourront être utilisés pour dégager des marges de manœuvre sur les frais de fonctionnement, donc dégager des moyens pour soutenir l’investissement des communes et des intercommunalités.

M. le rapporteur. Vous dites que les dépenses de personnel ont augmenté de 4,5 %, en raison notamment de la hausse du taux de la CNRACL et de la revalorisation des grilles de rémunération des catégories C et B, à hauteur de 1,5 %. Et vous annoncez une hausse des effectifs de 1,2 %. Le glissement vieillesse technicité (GVT) est aussi à prendre en compte. Il importe également de ne pas oublier que 2014 a été l’année de la généralisation de la réforme des rythmes scolaires, ce qui a entraîné de nouvelles dépenses – même si cela ne porte que sur quatre mois.

Les représentants d’associations d’élus et les consultants que nous avons auditionnés jusqu’à présent nous mettent en garde contre le risque d’une diminution drastique des investissements publics locaux et donc du bloc communal. C’est en tout cas ce que nous ont répété hier encore le président de la Banque postale Collectivités locales et le président de la commission des finances de l’Association des départements de France.

La DGCL a un rôle de conseil. A-t-elle alerté le Gouvernement en 2014 et 2015, lors de la préparation des projets de loi de finances, sur les risques de diminution drastique de l’investissement ? Si je vous pose cette question, c’est que les ministres Michel Sapin et Christian Eckert nous ont expliqué que l’investissement public était essentiel. Or tout montre que l’épargne brute est en train de s’effondrer dans le bloc communal, ce qui signifie, à terme, une diminution des investissements. L’Association des maires de France a calculé que l’investissement allait passer de 31 milliards en 2014 à 23 milliards en 2017.

L’objectif du Gouvernement était de freiner les dépenses de fonctionnement, même si leur hausse ralentit. Or, pour le moment, nous assistons non pas à un freinage des dépenses de fonctionnement – ou très peu – mais à un effondrement des dépenses d’investissement, ce qui n’était pas le but recherché. La DGCL avait-elle, dans ses notes aux ministres, alerté le Gouvernement sur ce risque ? Bien évidemment, nous vous demandons de nous remettre ces notes.

Par ailleurs, avait-elle alerté le Gouvernement sur les risques de déséquilibre budgétaire d’un certain nombre de collectivités ? Le président de l’AMF a indiqué que 1 500 à 2 000 communes ou intercommunalités seraient en situation de déséquilibre budgétaire, contre 30 seulement pour Mme la ministre Lebranchu. J’ai l’habitude de dire qu’il y en a un qui doit avoir les chiffres des syndicats tandis que l’autre a ceux de la police… Quelle est l’évaluation de la DGCL en la matière ?

Vous avez calculé que si les collectivités qui ont des taux d’imposition inférieurs à la moyenne se rapprochaient de cette moyenne, on obtiendrait une recette de 4,9 milliards, soit un peu plus que la baisse des dotations. Cela montre que le levier fiscal n’est pas grand. Avez-vous fait ce calcul par strates, sachant qu’un certain nombre de strates de communes n’ont quasiment plus de pouvoir fiscal ? Je pense notamment aux villes moyennes.

Enfin, je vous demande officiellement de nous donner la liste des communes et intercommunalités que vous placez en vigilance. Sur quels critères vous êtes-vous fondé ? S’agit-il uniquement de la capacité de désendettement ?

M. Bruno Delsol. La baisse des investissements dans le secteur communal est incontestable en 2014. Comment l’expliquer ? Pour 2014, trois facteurs viennent à l’esprit : la baisse des dotations, le cycle électoral et l’augmentation des dépenses de fonctionnement qui réduit l’autofinancement.

La Cour des comptes a montré que, malgré la baisse des dotations, les ressources totales des collectivités s’étaient maintenues et avaient même augmenté. Si l’on considère en effet l’ensemble des transferts financiers aux collectivités, il y a encore une hausse en 2014. On peut donc s’interroger sur l’importance en 2015 de ce facteur, qui ne paraît pas décisif en 2014.

S’agissant du cycle électoral, nous avons fait une étude que nous pourrons vous transmettre. Elle montre que, de façon très classique et pour des raisons assez évidentes, les investissements baissent l’année des élections municipales et l’année qui suit ces élections. Les dépenses d’équipement du secteur communal ont ainsi baissé de 12,9 % en 2014. Cette baisse est plus forte que celle constatée lors des cycles électoraux précédents. Nous avions cependant trouvé une baisse du même ordre en 1996 où elle avait été de 12,2 %.

Il est indiscutable que les dépenses de fonctionnement ont augmenté en 2014 et que ce sont elles qui ont entraîné l’érosion de la capacité d’autofinancement, laquelle s’est forcément répercutée sur les investissements.

Il s’agit maintenant de savoir de quelle façon et dans quelle mesure les dépenses de fonctionnement vont s’adapter à la nouvelle évolution des recettes. Je suis très réservé quant au bien-fondé d’études qui feraient figurer en recettes la baisse des dotations et en dépenses une évolution des charges de fonctionnement. Ce ne serait en fait que l’extrapolation des tendances passées, et le résultat est connu d’avance. En partant de telles hypothèses, on démontrera que l’investissement communal a baissé tout simplement parce que les conclusions sont dans les prémisses. Donc, une étude qui supposerait que, par une sorte de décret de la providence, les effectifs seraient voués à augmenter et augmenter toujours, ne démontrerait rien du tout. La question est plutôt la suivante : dans quelle mesure va-t-il y avoir une adaptation des comportements ?

En ce qui concerne les communes en difficulté, nous disposons du nombre de saisines de la chambre régionale des comptes par les préfets pour un motif de déséquilibre du budget primitif ou de déficit excessif au compte administratif. Il ne s’agit pas de communes sous tutelle, la tutelle financière ayant été abolie en 1982. Si par communes sous tutelle on entend les communes dont le budget est réglé par le préfet – l’expression tutelle étant d’ailleurs impropre –, cela ne représente qu’une partie des saisines de la chambre. En 2015, les saisines sont du même ordre de grandeur que les années précédentes s’agissant de la métropole seule. En ce qui concerne la métropole et l’outre-mer, leur nombre est en hausse significative mais modérée – je vous fournirai les chiffres précis.

Nous vous transmettrons le niveau des taux d’imposition par strates. En résumé, les taux d’imposition sont plus faibles dans les strates inférieures que supérieures.

M. le rapporteur. Comme je suis un adepte des lectures du Comité des finances locales et de l’Observatoire des finances locales, je dispose déjà de ces données. En fait, je vous demande si les risques de déséquilibre sont beaucoup plus importants dans une strate ou une autre. En clair, on sait que le levier fiscal peut encore jouer dans certaines communes rurales, tandis que ce n’est pas possible – à mon avis – dans des communes plus urbaines. Je dis les choses comme je les pense. Mais peut-être ai-je tort.

Je vous ai demandé également quel avait été votre rôle de conseil dans l’élaboration des projets de loi de finances pour 2014, 2015 et 2016 par rapport aux baisses de dotations et aux risques que cela fait peser sur la croissance. La DGCL a-t-elle fait des notes aux ministres ? Si oui, quels points de vigilance ont été mis en avant ? Nous aimerions bien récupérer ces notes.

M. Bruno Delsol. L’augmentation de 200 millions d’euros, l’année dernière, de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et celle du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) témoignent de la prise de conscience du Gouvernement de la nécessité de soutenir l’investissement local. Mais je suis incapable de vous dire si les recommandations de la DGCL ont été décisives dans ces décisions. La DGCL s’inscrit dans un travail gouvernemental, c’est-à-dire un travail collectif. Je ne peux donc pas revendiquer devant vous la paternité du plan de soutien à l’investissement local. En 2015, il a été décidé de créer un fonds de 1 milliard d’euros et de rendre éligible au FCTVA des travaux d’entretien dans les bâtiments publics.

M. le président Alain Fauré. Nous avons bien compris qu’il vous sera difficile de nous transmettre les notes de travail qui auraient pu être rédigées, surtout si elles ont circulé entre différents services.

M. le rapporteur. Pour ma part, je souhaiterais avoir les notes faites aux ministres pour la préparation des projets de loi de finances. Nous pouvons nous déplacer pour aller les chercher, mais ce serait aussi bien que vous puissiez nous les transmettre, monsieur Delsol.

M. Bruno Delsol. J’en prends note, monsieur le rapporteur. Mais j’insiste sur le fait que le travail gouvernemental est un travail collectif.

M. le rapporteur. Vous avez bien écrit quelque chose, sur ces notes !

M. Bruno Delsol. Il n’y a pas une sorte d’opposition entre une administration qui donnerait l’alerte et une autre qui plaiderait dans un sens différent, le Gouvernement suivant ou pas tel ou tel avis. L’exécutif est un et unique.

M. le président Alain Fauré. Nous disposons également des bleus budgétaires qui nous aident à suivre les travaux préparatoires d’un budget. Ils comportent des notes qui font apparaître des éléments qui nous permettent d’y voir plus clair.

Mme Joëlle Huillier. Quel est l’impact des emplois aidés dans les collectivités locales ? Quel est celui du GVT ?

Les hôpitaux constatent, depuis 2013-2014, une moindre dépense de personnel à effectifs constants parce que les personnes les mieux payées – qui étaient aussi les plus anciennes – sont parties à la retraite et qu’elles ont été remplacées par des personnes plus jeunes, qui perçoivent donc des salaires moindres. Existe-t-il une pyramide des âges des agents des collectivités locales ?

M. Laurent Furst. J’ai la chance d’être encore député-maire. Malheureusement, cette expérience ne pourra bientôt plus s’exprimer à l’Assemblée nationale…

J’ai le sentiment que les maires subissent un procès en dépenses publiques. Maire depuis vingt ans d’une commune de 10 000 habitants, j’ai pu constater que la population avait dorénavant de nouveaux besoins du fait de la rurbanisation. Or ce sont les communes et les intercommunalités qui ont fait face à ces nouveaux besoins, ce qui a entraîné des dépenses supplémentaires.

Il faut par ailleurs prendre en compte le coût réglementaire. Ainsi, pour des raisons de sécurité, il faut désormais deux personnes au bord d’une piscine, contre une seule auparavant. De telles normes font exploser la dépense publique. Dans les deux cas, les élus locaux ne sont pas la source de ces dépenses supplémentaires.

Les départements de France réalisent actuellement des efforts de gestion très douloureux. C’est dans cette strate que les décisions difficiles et courageuses sont prises. Cela me conduit à m’interroger sur la fusion des communes. En effet, plus les communes grandissent, plus la dépense par habitant est forte. Je me demande donc quelle construction intellectuelle permet de penser qu’en regroupant des petites communes économes on parviendra à faire des économies. Je n’ai pas encore trouvé l’once d’un début de réponse à cette question qui m’interpelle.

M. Claude Sturni. Pour qu’elles maîtrisent leurs dépenses, on demande aux collectivités de pousser plus loin l’intercommunalité et d’intensifier les compétences qu’elles pourraient exercer en commun, à tel point que l’on pressent une évolution des communautés de communes vers des communautés d’agglomération, des communautés d’agglomération vers des communautés urbaines, certaines communautés urbaines voulant même devenir des métropoles. Quel modèle permet d’accompagner cette montée en gamme puisque l’enveloppe globale est figée ? Qui va payer ? Les communautés de communes de base ? Allez-vous fonctionner par strates ? Comment allez-vous accompagner cette évolution forte de l’intercommunauté ?

Mme Christine Pires Beaune. Je propose que notre commission d’enquête auditionne M. Mercier et M. Chalopin qui sont maires respectivement de Tizy-les-Bourgs et de Baugé-en-Anjou. Comme ils ont créé des communes nouvelles il y a déjà quelques années, ils ont le recul nécessaire pour nous éclairer. Pour ma part, je les ai auditionnés, avec Alain Fauré et Jacques Pélissard notamment. Ils ont démontré qu’ils avaient non seulement réalisé des économies mais qu’ils offraient aussi un service supplémentaire à leur population.

Ma question concerne l’effort fiscal. Le rapporteur a indiqué que les marges étaient plus importantes dans les petites communes. C’est vrai en taux, sauf que parfois les bases sont très faibles. Ne devrait-on pas travailler sur ce critère de l’effort fiscal en recherchant un critère qui serait plus juste, peut-être un quotient du produit fiscal par rapport au revenu moyen ?

Ma deuxième question concerne la DETR. Quel est le rythme de décaissement de ces dernières années ? Quand on inscrit 100 en autorisations d’engagement, combien de crédits de paiement faut-il inscrire ?

M. Michel Heinrich. Monsieur le rapporteur, j’ai apprécié les questions que vous avez posées.

Monsieur Delsol, vous avez expliqué que la réévaluation des bases était de 0,9 %, ce qui avait généré environ 1,7 % de recettes supplémentaires. Est-ce dû à l’élargissement des bases ?

Vous avez indiqué qu’en 2014, la baisse des dotations n’avait pas eu un impact significatif sur l’investissement. Je vous ferai remarquer que si la baisse des dotations en 2014 était de 100, elle est de 350 en 2015 à laquelle s’ajoute la baisse des dotations de l’année précédente. Dans ma ville, cela représente 500 000 euros puis 1,6 million l’année suivante.

Maire d’une ville de 35 000 habitants, je réduis depuis dix-huit ans le nombre des salariés. Mais il n’y a pas une seule année où j’ai réussi à diminuer la masse salariale – le mieux que j’ai fait, c’est +0,9 %. Rien que le GVT représente 3 %. En 2014, vingt-sept personnes sont parties à la retraite, onze seulement ont été remplacées. La masse salariale a néanmoins augmenté de 1,4 %. Il ne faut pas faire de procès aux collectivités : même en faisant des efforts, elles n’y arrivent pas.

N'a-t-on pas envisagé un scénario moins brutal de baisse des dotations aux collectivités, c’est-à-dire plus étalé dans le temps, ou la possibilité d’agir sur la rigidité du statut ? Si l’on peut nous reprocher aujourd’hui d’avoir des services trop importants, il n’empêche que l’on ne peut pas les supprimer dans la mesure où les gens sont là.

Ne serait-il pas grand temps de s’attaquer à la révision des bases ou à une certaine forme d’harmonisation des bases sur le territoire ? Certaines communes ont une fiscalité très basse mais aussi des bases très faibles, ce qui fait que l’augmentation de la fiscalité ne génère presque aucune ressource.

M. le président Alain Fauré. Dans la presse aujourd’hui, certains proposent des cadences nettement plus rapides et drastiques.

Mme Jeanine Dubié. Depuis le début de nos auditions, nous entendons que la baisse des dotations – ces fameux 12 milliards d’euros sur trois ans – n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. Il me semble pourtant que cela relève de la responsabilité de l’État. La DGCL a-t-elle fait des simulations ? Si oui, pouvez-vous nous apporter quelques éléments de compréhension ?

Pouvez-vous nous donner des solutions pour aider les collectivités à rééquilibrer leur budget, notamment leur budget de fonctionnement ? Est-il envisagé de modifier les règles liées aux amortissements, notamment l’allongement de la durée des amortissements ?

M. Bruno Delsol. En matière d’évolution d’effectifs, les communes ont en effet le sentiment qu’on leur fait un mauvais procès. Bien évidemment, ce n’est pas ma position ni celle du Gouvernement. Je n’entends pas donner aux communes des conseils de gestion. Je ne suis ni habilité à le faire, ni qualifié pour le faire, et le Gouvernement ne le fait pas davantage. Les analyses faites sur l’évolution de la dépense et des effectifs n’impliquent aucun jugement de valeur sur l’utilité de la dépense. C’est une autre question, sur laquelle je me garderai bien d’intervenir.

Le rapport Lambert-Malvy cite des cas de collectivités qui sont parvenues à baisser leur masse salariale. Depuis un peu moins de dix ans, on constate un freinage de la hausse – pas une baisse – qui semble témoigner d’une évolution dans les comportements. Le coût des normes explique très probablement une partie de la hausse des dépenses de fonctionnement et sans doute aussi une partie de l’augmentation des effectifs.

J’étais, il y a peu de temps encore, préfet d’un département rural. À cette occasion, j’ai pu mesurer à quel point les maires sont irrités par la prolifération des normes. Ils ont le sentiment qu’on leur invente tous les jours quelque chose qui vient leur compliquer la vie. J’appelle votre attention sur le fait que ces normes contrarient aussi l’administration qui en est la victime et pas seulement l’auteur. La volonté du Gouvernement est bien de maîtriser l’inflation normative. Le Premier ministre a fixé pour objectif que le coût de toute norme nouvelle devra être gagé par le coût d’une simplification. Pour l’année 2015 – le sujet a été documenté par le Conseil national d’évaluation des normes (CCEN) –, nous sommes parvenus à stabiliser le coût réglementaire. Il est vrai cependant que le coût des mesures en matière de fonction publique n’entre pas dans cette comptabilité car nous estimons qu’il est d’une autre nature. Je parle ici des normes proprement dites, c’est-à-dire des normes techniques. Il existe un intervalle de temps entre le moment où nous maîtrisons mieux au niveau central la machine à produire des normes et celui où les communes s’en aperçoivent dans leur vie quotidienne. Nous sommes précisément dans cette période, qui est assurément la moins confortable.

Il est indiscutable que la maîtrise des effectifs dans les collectivités doit tenir compte de questions telles que l’ancienneté, le rythme des départs à la retraite, etc. Comment concilier la politique de maîtrise des effectifs avec des données qui sont rigides, comme l’âge de départ à la retraite des agents et leur ancienneté ? J’ai l’impression que les collectivités se heurtent à des questions qui sont très familières à l’État. J’ai rappelé, devant des assemblées de maires, que dans ma préfecture j’avais ainsi perdu en six ans 20 % de mes effectifs. L’effort demandé aux collectivités n’est pas du même ordre. La Direction départementale des finances publiques (DDFiP), la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DCSPP), la Direction départementale des territoires (DDT) ont perdu entre 20 et 25 % de leurs effectifs ; on n’a jamais demandé aux communes d’en faire autant.

Le nombre d’emplois aidés a augmenté en 2013 de 44 %, ce qui est considérable mais qui correspond au décollage des emplois d’avenir qui n’existaient pas jusqu’à présent.

Quant à la pyramide des âges, nous vous la transmettrons. Elle a été publiée dans l’ouvrage Les collectivités locales en chiffres. Par contre, je vous demanderai de nous laisser le temps de vérifier si nous avons des données chiffrées sur le GVT. À vrai dire, je n’en suis pas certain.

J’en viens aux fusions de communes. Je ne suis pas prescripteur en la matière. Les fusions de communes ne peuvent se faire que par le libre choix de ces dernières puisqu’une décision à l’unanimité est nécessaire, soit par délibération des conseils municipaux, soit par recours au référendum qui doit être positif dans toutes les communes. Je constate actuellement une certaine dynamique en ce qui concerne la création de communes nouvelles. J’ai connaissance de 200 à 300 projets à des degrés d’avancement différents.

Vous m’interrogez sur la montée en gamme de l’intercommunalité. Aujourd’hui, la dotation d’intercommunalité dépend de la catégorie juridique. Si les communes passent d’une communauté de communes à une communauté d’agglomération, la dépense augmente alors que l’enveloppe est fermée. Le projet de réforme de la DGF, examiné ce matin en conseil des ministres, prévoit de mettre fin à ce système dans lequel le montant de la dotation par habitant est fonction de la catégorie juridique au profit d’un système à notre avis plus équitable où la dotation d’intercommunalité sera fixée en fonction des charges de centralité, du degré d’intégration et de critères de péréquation.

Quant au rythme de décaissement de la DETR, nous vous transmettrons un tableau très précis. Ce rythme est bien connu et bien documenté puisque nous en avons besoin pour programmer nos ouvertures de crédits de paiement. En gros, il est de 15 % l’année de l’ouverture des autorisations d’engagement et de 35 % la deuxième année.

La question de la modification de la durée d’amortissement est à l’étude. Actuellement, les règles en matière de durée d’amortissement des immobilisations laissent aux collectivités des marges de manœuvre assez importantes. Nous n’excluons pas de les élargir, à condition de rester dans le cadre des principes du plan comptable général. Vous le savez, un effort important a été fait pour mettre la comptabilité publique française aux normes internationales comptables. On ne peut pas s’en éloigner. Il faut rester conforme au principe selon lequel la comptabilité doit donner une image fidèle.

M. le rapporteur. Vous avez oublié de répondre à madame Dubié qui vous a demandé si une étude d’impact avait été réalisée. Elle rejoint la question que j’ai posée sur les notes aux ministres, que nous viendrons chercher puisque j’ai bien compris qu’il était compliqué de les avoir.

M. Bruno Delsol. Tous les projets de lois sont accompagnés d’une étude d’impact, y compris la loi de programmation des finances publiques qui a décidé cette hausse. Reste à savoir si vous avez trouvé dans cette étude d’impact tout ce que vous auriez souhaité y voir. Mais c’est une question distincte…

M. le président Alain Fauré. Quand on ne veut pas voir certaines informations dans un document, on ne les trouve pas, en effet !

M. le rapporteur. Comme madame Dubié, je ne sais pas lire ! Dans l’étude d’impact, je n’ai pas vu les conséquences des baisses de dotations sur les finances des collectivités locales et sur la croissance. Cela n’y figure pas. Sinon nous n’aurions pas eu besoin d’une commission d’enquête.

M. le président Alain Fauré. Monsieur le rapporteur, ce n’est pas ce qu’a dit monsieur Delsol. C’est moi qui ai pu semer le trouble. Ne mettons pas en porte-à-faux nos intervenants, même s’ils se doivent de répondre aux questions.

M. Bruno Delsol. Il est possible que j’aie répondu rapidement sur certains points. Aussi, je vous transmettrai une documentation complémentaire, certaines de vos questions appelant des tableaux de chiffres ou des fiches.

M. le président Alain Fauré. Je vous remercie en effet de les transmettre. Elles pourront servir à la rédaction de notre rapport.

Mme Christine Pires Beaune. Est-il envisageable de revoir le critère de l’effort fiscal à l’aune de ce qui s’est dit notamment hier au CFL ?

M. Bruno Delsol. La position est ouverte sur ce point, comme l’ont dit hier les ministres. L’effort fiscal est déjà pris en compte, par exemple pour la répartition de la DSU ou du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Le Gouvernement est ouvert aussi bien à la possibilité de l’utiliser davantage qu’à un mode de calcul éventuellement plus pertinent.

M. le président Alain Fauré. Tout à l’heure, vous avez dit que si l’on avait augmenté l’ensemble des impôts à l’identique dans toutes les strates et toutes les communes, on aurait dégagé un produit de 4,9 milliards. J’aimerais que vous nous transmettiez cette simulation. Elle pourrait nous être utile.

L’audition s’achève à quinze heures.

Membres présents ou excusés

Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Réunion du mercredi 30 septembre 2015 à 14 heures.

Présents. – M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Calmette, Mme Jeanine Dubié, M. Alain Fauré, M. Laurent Furst, M. Michel Heinrich, Mme Joëlle Huillier, M. Laurent Marcangeli, Mme Marie-Lou Marcel, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, Mme Régine Povéda, M. Nicolas Sansu, M. Claude Sturni.

Excusés. – M. Etienne Blanc, M. Martial Saddier.