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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 11 juillet 2012

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 04

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

– Présences en Commission

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 11 juillet 2012

La séance est ouverte à seize heures quinze.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication.

M. le président Patrick Bloche. Madame la ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir. Une relation durable et efficace va se construire entre nous puisque vous êtes, pour notre Commission, une des ministres de référence.

Ce matin, nous nous sommes réjouis, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012, sur le rapport de Mme Martine Faure, d’une décision fiscale attendue, le retour à un taux de TVA de 5,5 % pour le livre, avec la perspective que la même mesure vaudra pour la billetterie du spectacle vivant si l’amendement en ce sens que j’ai déposé avec M. Pierre-Alain Muet, avec l’accord du rapporteur général du budget, connaît un sort favorable. Nous nous félicitons également de la reconstitution de l’intégralité des crédits d’intervention déconcentrés pour le spectacle vivant qui étaient prévus dans la loi de finances initiale pour 2012, même si cela ne figure pas dans ce collectif, et nous sommes prêts à vous soutenir pour que la reconstitution concerne également les arts plastiques.

Enfin, vous avez annoncé votre volonté de remettre à plat le financement du Centre national de la musique, une tâche qui sera d’autant plus facile que ce financement n’avait pas été budgété par le précédent gouvernement.

Qui dit culture dit également médias, et les sujets sont, en cette matière, très nombreux. Il y a d’abord le dossier de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF), sur lequel nous attendons le rapport de M. Jean-Paul Cluzel et les arbitrages du Gouvernement. Notre Commission et celle des affaires étrangères ont beaucoup travaillé sur cette question et les députés de l’actuelle majorité avaient été extrêmement sensibles à la position prise par le Président de la République, alors candidat, lorsqu’il avait signé la pétition parue dans le journal Libération, disant son opposition à la fusion entre RFI et France 24.

Je ne doute pas qu’en parlant de France Télévisions, vous aborderez la question de son financement, et que vous commenterez l’annonce faite par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale de revenir sur le mode de désignation des présidents de l’audiovisuel public.

Enfin, il nous faudra examiner la question de la radio numérique terrestre, en liaison avec la décision de confirmer ou non la préemption de fréquences pour Radio France, qui permettrait à notre radio publique d’être accessible en tout point du territoire.

Mes collègues aborderont d’autres sujets, tels le mécénat, l’éducation artistique ou le livre numérique. Je conclurai en confirmant l’annonce de la constitution, dès la rentrée parlementaire, d’une mission d’information commune à la Commission des affaires culturelles et à la Commission des affaires sociales, qui examinera la question de l’emploi culturel en abordant toutes les formes d’exercice d’un métier artistique, sans oublier, pour les professions salariées, la question des emplois permanents ou intermittents.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. C’est un grand plaisir pour moi d’être aujourd’hui parmi vous. Je salue mes anciens collègues et les nouveaux parlementaires, et j’adresse à chacune et à chacun mes félicitations pour la confiance que leur ont témoignée les électeurs.

J’ai été sensible, monsieur le président, à l’invitation que vous m’avez faite de venir m’exprimer devant votre Commission, et j’ai voulu y répondre le plus rapidement possible, même si, tous les arbitrages budgétaires n’étant pas encore rendus, je ne pourrai apporter de réponses définitives à certaines questions.

J’ai apprécié la qualité des travaux de la Commission des affaires culturelles au cours de la précédente législature. Je souhaite pleinement associer votre Commission et l’Assemblée nationale à l’action que nous allons mener, et développer avec vous une relation de confiance, plus indispensable que jamais en cette période de crise.

Le rapport de la Cour des comptes a confirmé le constat d’une situation budgétaire extrêmement dégradée, qui laisse au ministère de faibles marges de manœuvre en matière financière. La gestion du ministère de la culture et de la communication par le précédent gouvernement a été quelque peu erratique, puisque de nombreux projets ont été engagés sans que les financements en soient assurés. La stabilisation des crédits de la culture et de la communication, tant de fois annoncée, était malheureusement un mythe. Il faut prendre la mesure de cette situation, mais également donner à notre politique la plus grande vitalité possible. Les difficultés n’affaibliront pas notre détermination, et nous sommes prêts à agir avec passion au service de la culture. Je souhaite que tous se mobilisent pour la réalisation de ce projet commun : les élus, le ministère, les établissements publics, et aussi les collectivités locales, nos partenaires privilégiés en matière culturelle.

Pour important qu’il soit, l’aspect budgétaire ne résume pas à lui seul la dimension économique de la culture. Il est ainsi indispensable de rappeler l’effet de levier que représentent les investissements de l’État en matière culturelle. La culture n’est pas une marchandise comme une autre et elle ne saurait être réduite aux seules logiques du marché. Nous devons donc continuer à défendre l’exception culturelle au niveau européen, ce qui sera une manière de redonner un sens à une Union européenne mal en point. Je reviendrai si vous le souhaitez sur les entretiens que j’ai eus à ce sujet, lundi, avec les commissaires européens.

Mon objectif est de redonner sens et ambition à l’action du ministère. Au cours des dernières années, l’État a été affaibli dans notre pays, et singulièrement sa politique en matière culturelle et de communication. Or, l’accès égal de tous à la culture, à la création, à notre patrimoine, est un élément de la citoyenneté française, car la culture crée le lien social et renforce le « vivre ensemble ». En conformité avec l’action du Président de la République, je souhaite donc que le ministère considère comme sa première mission la recherche de l’égal accès de tous à la culture, vecteur de citoyenneté.

La question de l’accès à la culture ne saurait être disjointe de celle de la production des œuvres artistiques et je m’attacherai également à mener une politique en faveur de toutes les créations. Défendre la diversité culturelle en France, en Europe et dans le monde est un devoir aussi impérieux que celui de garantir la liberté de la presse et de l’audiovisuel – en particulier public –, diversité et liberté étant intimement liées. Même si la France s’insère dans des ensembles politiques et culturels plus vastes, le ministère de la culture et de la communication se doit de prendre soin du territoire national – les Outre-mer inclus, bien sûr –, qu’il entend revitaliser par ses politiques d’aide au spectacle vivant, à la création, à la valorisation du patrimoine, mais aussi en renforçant les liens avec les collectivités locales dans le cadre de la décentralisation culturelle. Défendre la politique culturelle en France, c’est aussi défendre une vision ouverte de la culture en France, et notamment l’accueil des artistes et des créateurs étrangers sur notre territoire, mission importante trop longtemps oubliée. Cette revitalisation va de pair avec la volonté de redonner du sens aux politiques publiques, à l’ère du numérique, et aussi de redonner une force à la diplomatie culturelle pour contribuer au rayonnement culturel de la France à l’étranger.

Vous ayant présenté les lignes directrices de mon action, j’évoquerai trois grands chantiers, et pour commencer l’éducation artistique et culturelle, l’un des plans majeurs définis par le Président de la République et acte citoyen essentiel qui permet de renouer le lien historique entre art et culture d’une part, éducation populaire de l’autre. Il faut permettre à tous les jeunes gens de notre pays cette rencontre intime avec les œuvres, les artistes, les processus de création et les pratiques culturelles. Il y a aujourd’hui, sur notre territoire, beaucoup d’initiatives stimulantes – un élève sur cinq participerait ainsi, chaque année, à un parcours artistique et culturel –, qui doivent être généralisées. On ne doit plus se contenter d’expérimentations, mais viser l’universalisation de l’éducation artistique et culturelle, qui est un droit pour tous les élèves, de la maternelle à l’université.

Parce que la formation culturelle doit persister après la formation initiale, la démocratisation culturelle est un principe majeur de mon action. Je ne peux me satisfaire que la création, le patrimoine et le réseau culturel que notre pays a mis tant d’énergie à défendre au cours des décennies passées soient inaccessibles, en raison de barrières psychologiques ou sociologiques, à certaines catégories de la population qui ne sont pas spontanément portées vers l’art et la culture. Nous devons définir des politiques volontaristes pour créer un lien avec ces populations éloignées de la pratique culturelle, avec le concours des collectivités territoriales et dans un souci de justice sociale.

En matière d’éducation artistique à l’école, je travaillerai en concertation avec M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, dans le cadre de l’élaboration de la loi d’orientation à l’école, avec Mme Geneviève Fioraso pour ce qui concerne l’enseignement supérieur et avec Mme Valérie Fourneyron s’agissant de l’éducation populaire. Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) seront en première ligne pour animer les stratégies régionales de l’éducation artistique et culturelle, auxquelles les collectivités locales seront associées par le biais du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, dont je souhaite que les comités régionaux se réunissent régulièrement pour participer à la mise en œuvre de la politique culturelle. Cela se fera en liaison avec le ministère de l’éducation nationale et celui de la décentralisation, dans le cadre de la nouvelle relation que je souhaite nouer avec les collectivités territoriales, caractérisée par des partenariats renforcés.

Le deuxième chantier consiste à recréer les fondements d’une action publique en matière culturelle à l’ère du numérique. Jusqu’à présent, la révolution numérique n’a suscité qu’une logique défensive ; il est temps d’aborder l’évolution technologique avec confiance et lucidité pour permettre l’émergence de nouveaux modèles de financement de la création. Le Président de la République m’ayant confié la tâche de mener la réflexion tendant à définir « l’Acte II de l’exception culturelle française », c’est sous l’égide du ministère de la culture et de la communication que se tiendra la mission d’évaluation confiée à M. Pierre Lescure, qui englobe l’analyse du financement de la création à l’ère numérique. J’ai déjà engagé des discussions avec la Commission européenne, en particulier avec les commissaires Neelie Kroes, chargée de la société numérique, et Joaquin Almunia, chargé de la concurrence, sur la TVA sur le livre numérique, le prix unique du livre numérique dont nous avons adopté le principe à l’unanimité l’an passé, l’évolution des droits d’auteur à l’ère numérique, les sociétés de gestion de droit. La défense de la diversité culturelle implique de pouvoir consolider les sources de financement du secteur et des industries culturelles ; à ce sujet aussi, des discussions sont en cours au niveau européen sur le financement du secteur culturel par la taxe sur les services de télévision (TST) due par les distributeurs et j’ai défendu les positions françaises en cette matière.

Le troisième axe, qui sous-tend tous les autres, c’est le soutien à la création et à la valorisation du patrimoine, deux faces d’une même médaille. Comme l’a rappelé le président de votre Commission, j’ai le plaisir d’avoir obtenu la reconstitution des crédits pour le spectacle vivant, une mesure très attendue par l’ensemble des professionnels ; ces 23,5 millions d’euros permettront d’assurer les programmations prévues jusqu’à la fin de l’année 2012. Pour la suite, conformément aux engagements du Président de la République, la loi d’orientation sur le spectacle vivant et sur la création s’inscrira dans la perspective d’un double soutien aux artistes et à leurs publics. Notre mission est en effet d’assurer l’accès de tous à la culture, d’accompagner les collectivités locales dans la revitalisation de leurs territoires et de garantir la diversité des démarches artistiques. Le Parlement sera bien entendu associé à cette démarche dès la rentrée parlementaire, afin que nous établissions ensemble les bases d’un cadre large et stable en matière de création pour les années à venir. L’identification de nouveaux viviers d’emploi y contribuera, et aussi le plan d’éducation artistique et culturelle : il nous permettra d’accompagner les écoles d’art et d’architecture dépendant du ministère, qui sont en grande difficulté. Je serai particulièrement vigilante quant à la situation des élèves de ces écoles, auxquels l’État ne consacre que la moitié de ce qu’il réserve à ceux des filières universitaires traditionnelles, et qui étudient souvent dans des bâtiments délabrés. Nous avons conscience des contraintes budgétaires, mais nous ne pouvons négliger les conditions de travail de nos étudiants et de leurs enseignants.

En matière patrimoniale, je m’attacherai, en partenariat avec les régions, à la mise en valeur du patrimoine industriel. Je salue le classement du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais au patrimoine mondial de l’Unesco. Cette formidable victoire que l’on doit à la mobilisation d’une association et de tous les élus du bassin minier nous permet de nous engager dans un programme ambitieux de valorisation de notre patrimoine industriel sur l’ensemble du territoire. On ne peut en effet parler de « valeur travail » et vouloir orienter les jeunes vers les métiers de l’industrie sans honorer la mémoire de ceux qui y ont travaillé dans le passé et sans valoriser l’architecture qui a accompagné ce développement industriel.

La politique du livre et de la lecture est tout aussi essentielle. Le président Patrick Bloche a cité le retour à la TVA à 5,5 % pour le livre – un des engagements du Président de la République – dès l’adoption du collectif budgétaire en discussion. J’ai également engagé une concertation générale avec les acteurs de la filière livre pour chercher à stabiliser notre modèle, qui a permis la diversité de l’édition et de la diffusion, ce formidable réseau de librairies indépendantes et de proximité aujourd’hui menacé par l’arrivée d’un puissant acteur de la vente en ligne. La mobilisation s’impose à ce sujet vis-à-vis de la Commission européenne et des solutions devront être trouvées en France même, avec les libraires et tous les acteurs de la chaîne du livre, pour sauvegarder notre diversité culturelle en matière de lecture. Trente ans après la loi Lang sur le prix unique du livre, nous devons continuer à faire vivre ce très bel héritage à l’ère du numérique.

Un projet de loi, à l’automne, portera sur le processus de nomination des présidents de l’audiovisuel public – autre engagement de campagne du Président de la République ; il contiendra un volet concernant l’Audiovisuel extérieur de la France et s’accompagnera d’une réforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) visant à garantir l’indépendance du mode de nomination de ses membres. Dans le même esprit de protection des libertés, un projet de loi verra le jour, élaboré en coopération avec le ministère de la justice, concernant la protection des sources des journalistes.

Dans un autre domaine, j’ai réuni ce matin une grande partie des acteurs de la filière musicale pour traiter du projet de Centre national de la musique. Nous voulons accompagner la filière dans sa transition économique vers le numérique, dans un souci de responsabilité budgétaire alors que des engagements ont été pris sans être financés, et avec la volonté de permettre le maintien d’une diversité musicale qui fait la spécificité et la fierté de notre pays.

Lors des Journées nationales de l’archéologie, j’ai annoncé des mesures d’urgence tendant à défendre l’archéologie préventive, et la création d’une commission appelée à rédiger un livre blanc évaluant le bilan de la loi sur l’archéologie préventive dix ans après sa promulgation, ce qui me permettra de prendre les mesures nécessaires. L’expertise de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) est indiscutable mais l’émergence de nouveaux acteurs – des collectivités locales, mais aussi des opérateurs privés – rend une nouvelle analyse indispensable. Dans l’intervalle, le financement de l’Inrap devra être assuré au niveau prévu lors de la discussion parlementaire initiale.

J’évoquerai encore la conservation de notre mémoire collective, un sujet qui m’est cher. Si les Archives nationales, dont j’aurai le plaisir, à la rentrée, d’inaugurer le nouveau bâtiment à Pierrefitte-sur-Seine, sont une priorité, je souhaite aussi renforcer le partenariat avec l’État pour ce qui concerne les archives départementales. Il faudra également, à l’occasion d’un support législatif que nous étudierons ensemble, revenir sur certaines dispositions de la loi sur les archives de 2008, qui sont de nature à entraver la recherche archivistique. J’entends redonner aux chercheurs la liberté dont ils ont besoin et l’accès à cette ressource constituée collectivement.

Je conclurai en mentionnant deux événements particuliers. En premier lieu, la donation à l’État, par M. Yvon Lambert, de sa collection d’art contemporain ; c’est la plus importante donation faite à l’État depuis celle d’Etienne Moreau-Nélaton en 1906. Nous nous réjouissons de la démarche citoyenne de M. Yvon Lambert, et les services du ministère de la culture et de la communication sont mobilisés pour que cette transmission se fasse dans les meilleures conditions. D’autre part, nous célébrerons le 4 août le cinquantième anniversaire de la loi Malraux sur les plans de sauvegarde et de mise en valeur des quartiers historiques, qui s’insère également dans une perspective patrimoniale.

Je compte sur une collaboration fructueuse entre nous au cours des mois à venir, car je sais que nous partageons tous, quelles que soient nos appartenances politiques, la conviction que la culture et l’art participent de la citoyenneté française, et qu’ils constituent notre fierté mais aussi notre richesse économique et historique.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie, madame la ministre. La parole est pour commencer aux représentants des groupes, qui seront suivis des autres orateurs inscrits.

M. Marcel Rogemont. Permettez-moi, madame la ministre, de vous adresser au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen mes félicitations pour votre nomination au ministère de la culture et de la communication.

J’aimerais avoir des précisions sur vos échanges avec la Commission européenne au sujet du livre, qu’il s’agisse du principe de la neutralité du support ou du modèle économique de la filière – questions qui ne doivent pas être éludées du seul fait des créations d’emplois par la société Amazon sur notre territoire. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la manière dont vous-même et les deux commissaires européens concernés envisagent ces questions, notamment en ce qui concerne la TVA sur le livre numérique ?

Dans un autre domaine, le sort de la taxe prélevée sur les fournisseurs d’accès à internet (FAI) pour contribuer au financement de France Télévisions est incertain. Faudra-t-il effectivement, si la Cour de justice européenne l’invalide, restituer un milliard d’euros, et trouver au minimum 350 millions d’euros chaque année ? Nous avions été nombreux ici à combattre une loi qui a fragilisé le financement de France Télévisions en privant la télévision publique des recettes de la publicité, avec le dessein réel de les rediriger vers TF1. Aujourd’hui, même si l’on étendait la redevance audiovisuelle aux résidences secondaires, les recettes seraient insuffisantes pour compenser les 350 millions d’euros manquants ; j’aimerais donc connaître l’état de ce dossier. Actuellement, je rappelle le rôle capital du financement de France Télévisions pour l’ensemble du secteur de la création, dont le groupe est le principal financeur ; à supposer que la Cour européenne de justice interdise la taxe à laquelle les FAI sont assujettis, pourrait-elle être revue pour assurer directement le financement de la création que vous appelez de vos vœux ?

J’ai été le rapporteur de la loi qui a organisé l’archéologie préventive et créé l’Inrap, et j’ai constaté qu’à aucun moment depuis sa création l’Institut n’a eu les financements nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Vous avez donc raison de remettre la question à plat, car le problème du financement n’est pas étranger aux critiques que les élus locaux à l’encontre de l’Inrap et, de façon générale, de l’archéologie préventive.

J’aimerais enfin savoir où en est la Maison de l’histoire de France.

M. Franck Riester. Le groupe UMP vous remercie, madame la ministre, d’être venue très rapidement vous exprimer devant notre Commission, montrant ainsi votre attachement au rôle du Parlement. Pour autant, nous n’avons la même vision ni du bilan de la législature précédente ni des chantiers prioritaires.

Pour commencer, je m’inscris en faux contre l’appréciation que vous avez portée sur les budgets de la culture durant le quinquennat de M. Nicolas Sarkozy. Le budget du ministère, porté de 6,8 milliards à 8,2 milliards d’euros, a augmenté de plus de 20 % entre 2007 et 2012. Il n’y a donc pas eu de « casse » des budgets de la culture, qui ont été non seulement sanctuarisés mais largement augmentés. Et si les moyens de certaines institutions, du spectacle vivant notamment, ont baissé, c’est parce que les subventions des collectivités locales, qui sont très largement acquises à la majorité actuelle, ont été réduites.

Vous vous êtes par ailleurs félicitée du dégel d’une partie de la réserve de précaution. Je tiens à souligner à ce sujet que, chaque année entre 2008 et 2011, le gouvernement de François Fillon a dégelé les 6 % de la réserve de précaution pour l’intégralité du programme Création, qui comprend spectacle vivant, arts plastiques et transmission des savoirs. Pour votre part, vous n’annoncez qu’un dégel de 3 %, et uniquement sur la partie concernant les crédits pour le spectacle vivant – bien moins, donc, que ce que nous avons fait lors du quinquennat précédent.

Je souhaite aussi rappeler certaines politiques menées pendant la précédente législature, qui auraient mérité un satisfecit : en matière de délocalisation des grands projets culturels, le Centre Pompidou à Metz, le Centre Pompidou mobile, les Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée en construction à Marseille, la Philharmonie de Paris qui ouvrira en 2015 dans le cadre du Grand Paris ; en matière de démocratisation et d’accès à la culture pour tous, la gratuité des musées et des monuments nationaux pour les moins de 26 ans, l’enseignement de l’histoire des arts rendu obligatoire à l’école primaire, au collège et au lycée, avec une épreuve au brevet des collèges depuis 2010. Madame la ministre, poursuivrez-vous cette politique ambitieuse en matière de démocratisation de la culture ?

De même, le patrimoine était déjà un axe important de notre politique : la restauration des monuments historiques a vu ses budgets progresser de plus d’un tiers ; le régime fiscal favorable aux travaux effectués sur les monuments historiques a été sanctuarisé ; enfin, la Maison de l’histoire de France a été lancée, et j’aimerais également savoir quel sera l’avenir de ce projet.

Pour les industries culturelles, un des grands axes de notre politique a été la lutte contre le téléchargement illégal, avec l’installation de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet – la Hadopi – fondée sur le principe d’une riposte graduée au fléau du piratage et copiée dans de nombreux pays. La création de la Haute Autorité a eu pour conséquence une baisse du téléchargement illégal et l’explosion du marché de la musique numérique par le développement de l’offre légale. Quel sort réserverez-vous à la Hadopi et à ses missions ?

Les mesures de sauvegarde de la filière musique ont été nombreuses – la rémunération pour copie privée, la rémunération équitable, la mise en place d’une convention collective. Pour ce qui est du Centre national de la musique (CNM), vous allez visiblement suivre ce que le Président Nicolas Sarkozy, accompagné de 42 organisations professionnelles, a lancé, à savoir la création d’un établissement public chargé, à l’image de ce qui vaut pour le cinéma, de fédérer la filière et de lui donner les moyens de ses ambitions. Mais quand le CNM verra-t-il effectivement le jour ? Quand la fusion aura-t-elle lieu avec les structures ayant vocation à y être intégrées, et quand les personnels de ces structures seront-ils regroupés sur un même site ? Quand les premières aides, déjà largement définies en concertation entre la mission de préfiguration et les professionnels du secteur, seront-elles accordées ? Enfin, contrairement à ce que vous avez dit, madame la ministre, le financement du projet était bien prévu dans le cadre de la TST due par les distributeurs. Le rendement de cette taxe n’a cessé d’augmenter ces dernières années, et il permettrait très largement de financer le CNM en fléchant une partie de ses ressources vers la musique tout en laissant au cinéma un budget bien supérieur aux 700 millions d’euros qu’il a touchés pendant de nombreuses années.

Concernant l’audiovisuel, il faut saluer le succès partagé par de nombreux élus locaux qu’est le passage à la télévision tout numérique durant le précédent quinquennat, avec 19 chaînes gratuites en qualité numérique accessibles à tous les habitants de notre territoire, et le lancement de six nouvelles chaînes gratuites – dont j’imagine que vous le confirmerez.

Enfin, qu’en est-il de votre politique dans le domaine de l’Audiovisuel extérieur de la France ? Souhaitez-vous continuer la fusion de France 24 et de RFI, ou revenir en arrière, alors même que les résultats, en matière d’audience et en matière financière, sont exemplaires ?

Ma dernière question porte sur les effectifs. Le Gouvernement a annoncé la création de 65 000 postes dans certains ministères, mais aussi le non remplacement de deux fonctionnaires sur trois, sinon de trois fonctionnaires sur quatre, dans les ministères considérés comme non prioritaires, notamment le vôtre. Vos équipes ont-elles commencé de travailler à la restructuration des administrations dont vous avez la charge pour satisfaire à cette demande du Premier ministre et du Président de la République ?

Mme Marie-George Buffet. Mon intervention, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, sera centrée sur la communication et l’information. Vous avez, madame la ministre, annoncé des projets de loi sur la nomination des présidents de l’audiovisuel public, la réforme du CSA, et sur la protection renforcée des sources des journalistes, dont je me félicite. L’intersyndicale de l’audiovisuel public, que j’ai rencontrée cette semaine, souhaite des réponses précises à deux questions : celle de la pérennité du financement, seule à même de donner à l’audiovisuel public les moyens d’exercer ses missions d’information et d’aide à la création, et celle du management des chaînes, car le personnel ressent un profond malaise.

S’agissant de l’avenir de France 3, sommes-nous toujours dans la logique d’une chaîne nationale à vocation régionale, ou l’aspect national de la chaîne va-t-il disparaître ? Différents mouvements ont témoigné de l’inquiétude des personnels de la rédaction nationale de France 3 à l’évocation d’une éventuelle fusion avec la rédaction de France 2.

D’autre part, la Commission des affaires culturelles a travaillé pendant presque un an sur le dossier de l’Audiovisuel extérieur de la France, et nous avons constaté que la fusion à marche forcée n’avait rien donné de positif, ni du point de vue financier – car il faudra mesurer le coût du déménagement – ni du point de vue de l’audience. En revanche, elle menace le bijou qu’est RFI, dont l’expérience et la compétence sont reconnues bien au-delà de nos frontières et qui est l’instrument de l’information extérieure de la France par excellence. Vous avez prononcé un moratoire sur la poursuite de la fusion qui n’a pas été respecté par la direction de France 24, et le rapport Cluzel fait des révélations surprenantes sur la gestion de ce dossier. Quelle est votre opinion, madame la ministre, sur l’avenir de l’Audiovisuel extérieur de la France ?

Mon autre préoccupation concerne la presse, où la concentration se poursuit – ainsi le Crédit mutuel est-il devenu le premier groupe de presse quotidienne régionale en France – tout comme les plans de licenciement dans le groupe Hersant. Je m’interroge également sur l’avenir des messageries, puisque la mise en concurrence de Presstalis et des Messageries lyonnaises de presse n’aboutit pas à garantir que tous les journaux soient à la disposition des citoyens et des citoyennes de ce pays ; qu’en sera-t-il ? Enfin, le Syndicat national des journalistes et d’autres syndicats demandent la tenue d’États généraux de l’information ; qu’en pensez-vous ?

Mme Isabelle Attard. Le groupe écologiste vous remercie, madame la ministre, d’avoir tracé des perspectives très intéressantes. Vous avez évoqué la mission confiée à M. Pierre Lescure, qui dressera le bilan de la loi Hadopi. Selon le magazine Le Point, le collège de la Haute Autorité a demandé la reconduction de son budget pour l’année 2013, soit 12 millions d’euros alors que depuis son instauration, le 8 janvier 2010, par votre prédécesseur, la Hadopi a pour tout bilan l’envoi d’un million de courriers électroniques à des internautes, sans qu’un seul ait été à ce jour condamné. Le volet « promotion de l’offre légale de culture numérique » n’a jamais vu le jour. Les ayants droit sont mécontents, et les internautes n’ont vu qu’une mesure injuste, déconnectée des usages permis par les nouvelles technologies. Ne serait-il pas envisageable, puisque la Hadopi a amplement fait la preuve de son inefficacité, de suspendre dès maintenant son activité ? En ces temps de rigueur budgétaire, ce serait une économie réelle et rapide.

M. Thierry Braillard. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste souhaite dire sa confiance dans les projets que vous avez évoqués, madame la ministre, et aussi sa satisfaction devant les mesures contenues dans le projet de loi de finances rectificative – notamment la baisse de la TVA sur le livre – et la remise en cause de la décision inique par laquelle il revenait au Président de la République de désigner les présidents de l’audiovisuel public. Nous nous félicitons aussi de l’importance que vous donnez à la question du numérique.

Il vous reste à nous dire quel sera le devenir du mécénat culturel. Les rumeurs relatives à sa remise en cause éventuelle ne laissent pas d’inquiéter, alors qu’il participe très utilement au financement de certains grands festivals et manifestations culturelles d’ampleur.

Mme Marie-Odile Bouillé. Madame la ministre, vous avez dit faire de l’accès à la culture du plus grand nombre l’une de vos priorités et nous partageons cette approche. Mais, pour avoir rédigé un rapport budgétaire sur ce sujet pendant mon précédent mandat, je me suis rendu compte des difficultés qu’il y avait, pour le ministère de la culture et le ministère de l’éducation nationale, à travailler ensemble en la matière. Que comptez faire pour améliorer ces relations ? Par ailleurs, nous savons que les collectivités territoriales font beaucoup en matière d’éducation culturelle et artistique, mais avons-nous les moyens d’évaluer précisément leur action ? Si l’on souhaite que tous les enfants, de la maternelle à l’Université, soient traités de la même manière, ne faut-il pas créer une mission à ce sujet ?

M. Benoist Apparu. Comme M. Franck Riester, j’aimerais, madame la ministre, des précisions sur l’application dans votre ministère de la règle du non remplacement de deux fonctionnaires sur trois partant à la retraite.

Dans son introduction, M. le président Patrick Bloche a évoqué la création d’une mission d’information parlementaire sur l’emploi culturel, et donc sur le régime des intermittents du spectacle, sujet dont vous n’avez rien dit. Le Gouvernement envisage-t-il ou n’envisage-t-il pas une réforme de ce régime ?

Enfin, lors des questions d’actualité, cet après-midi, Mme Catherine Vautrin a évoqué la situation du groupe Hersant en soulignant que le pôle Champagne-Ardenne-Picardie du groupe, qui devait être vendu au propriétaire de La Voix du Nord, n’a pas pu l’être car la CGT a refusé de signer le protocole d’accord. Le dépôt de bilan du groupe Hersant est donc probable ; or ses titres étaient souvent les seuls de la presse quotidienne régionale en Champagne-Ardenne-Picardie.

Mme Martine Martinel. Je vous remercie, madame la ministre, pour les mesures que vous avez annoncées et qui contrastent avec l’inventaire glorieux qu’a fait M. Franck Riester du quinquennat précédent. Ma question porte sur l’Audiovisuel extérieur de la France, sur lequel j’ai eu l’honneur de faire rapport. Vous vous êtes engagée, madame la ministre, sur le statut de RFI, et vous avez dénoncé, avec le Président de la République, la fusion des rédactions et le déménagement. Or, en dépit du moratoire décidé par le Gouvernement, M. de Pouzilhac, président de l’AEF, poursuit son ouvrage à marche forcée. Quand la décision définitive à ce sujet sera-t-elle connue ? Les salariés de RFI mettent tous leurs espoirs dans votre action.

M. Guénhaël Huet. Madame la ministre, je regrette que des critiques du Gouvernement précédent aient émaillé votre propos. Vous avez appelé à une collaboration entre votre ministère et l’Assemblée nationale ; c’est mal en augurer que de présenter les choses de façon aussi négative, et je remercie M. Franck Riester pour les précisions, budgétaires notamment, qu’il a apportées. Qu’envisagez-vous, madame la ministre, en matière de décentralisation dans un pays caractérisé par un jacobinisme affirmé ? Qu’entendez-vous faire précisément pour favoriser la culture au sein des collectivités locales, sans les laisser financer seules les actions qu’elles pourraient mener ? Je m’étonne d’autre part de ne pas vous avoir entendu dire un mot de la défense de la langue française, bien trop polluée par des anglicismes dans la vie courante ; la relative déchéance d’une langue ne signe-t-elle pas aussi la déchéance d’une société et d’une culture ? Que ferez-vous à ce sujet ?

M. Michel Ménard. Pour les enfants des milieux modestes, l’accès à la culture se fait en premier lieu à l’école. Pendant la campagne électorale, M. François Hollande, à présent Président de la République, a affirmé son engagement de permettre à tous les jeunes d’accéder à la pratique culturelle. Comment, madame la ministre, entendez-vous, en liaison avec l’éducation nationale, mettre cet engagement en œuvre ? Je suis très heureux, par ailleurs, de vous avoir entendu mentionner l’éducation populaire, trop souvent méprisée alors qu’elle participe de la culture ; j’espère que vous persisterez dans cette voie.

M. Gérald Darmanin. Une réforme territoriale est annoncée ; la question de la clause de compétence partagée dans le secteur de la culture se posera donc – quelle est votre opinion à ce sujet ? Par ailleurs, le Président de la République a pris pendant sa campagne l’engagement que la France ratifierait la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ce à quoi le jacobin que je suis est opposé ; qu’en sera-t-il ? La décentralisation culturelle est à l’œuvre dans le Nord-Pas-de-Calais, tant avec Le Louvre-Lens, dont l’ouverture est prévue à la fin de l’année, qu’avec le Centre Pompidou mobile. Ce musée nomade a permis un choc culturel pour un grand nombre d’habitants de la région, qui n’auraient jamais eu l’occasion de voir de grandes œuvres d’art si elles n’étaient venues à eux. Comptez-vous généraliser cette politique et, si tel est le cas, quels moyens y consacrerez-vous au cours du quinquennat ?

M. Michel Pouzol. J’ai apprécié, madame la ministre, la présentation très volontariste de votre action à venir. En parallèle, je me dois de dire l’étonnement constant dans lequel me plonge une droite qui ne se préoccupe de certaines catégories socioprofessionnelles que lorsqu’elle n’est pas aux affaires – ainsi s’inquiète-t-elle maintenant de la situation des intermittents du spectacle, qui n’ont pourtant jamais autant souffert qu’au cours de la décennie écoulée. Entendez-vous rouvrir le débat sur la pérennisation du statut des intermittents du spectacle et revenir sur les modifications intervenues ces dernières années, qui ont conduit à une précarisation telle que nombre d’artistes et de techniciens du spectacle ont dû changer de voie ?

Vous avez évoqué les nouveaux modèles de financement des activités artistiques à l’ère numérique. À ce sujet, reprendrez-vous la proposition de certains syndicats de producteurs de cinéma indépendants visant à mobiliser une partie des fonds de la formation professionnelle au bénéfice de secteurs tels que le court-métrage, le cinéma indépendant ou le spectacle vivant, qui ont pour particularité de se développer parfois dans des quartiers ou des zones où la pratique culturelle est faible mais où l’on rencontre les acteurs les plus impliqués dans les arts urbains émergents ?

Mme Annie Genevard. Les Entretiens de Valois puis le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel ont instauré une nouvelle conception du rapport entre les collectivités territoriales et l’État, ce dernier étant passé de la prescription à la concertation. Ces très intéressantes réflexions ont permis la réalisation d’actions culturelles et trouvent chaque année leur illustration dans la Déclaration d’Avignon. Dans ce travail partenarial, il a souvent été question de « culture pour chacun » ; quel est votre avis à ce sujet ? Comme vous l’avez mentionné, les barrières sociales peuvent entraver l’accès à la culture, mais la géographie complique aussi les choses. Les conférences régionales du spectacle vivant, issues des Entretiens de Valois, se sont efforcées de remédier à cette situation mais le processus est encore inabouti d’autant que, les régions et les départements s’étant partiellement désengagées de l’action culturelle, l’essentiel de cette charge repose désormais sur les communes. Comment envisagez-vous de renforcer les pratiques culturelles en milieu rural, où l’appétit pour la culture est fort mais son accès difficile ?

M. Ary Chalus. Que ferez-vous, madame la ministre, pour que les médias nationaux diffusent autant qu’ils le devraient les informations concernant les Outre-mer ? Il y a un sérieux retard à rattraper, qui n’a été que trop visible au cours de la campagne législative, où, pendant quatre heures d’émission, il n’a jamais été question des députés d’Outre-mer.

Mme la ministre. Vous m’avez interrogée, monsieur Rogemont, sur la teneur de mes discussions avec les commissaires européens. Comme vous le savez, la France a reçu de la Commission européenne une mise en demeure parce qu’elle a décidé d’appliquer le taux réduit de TVA sur le livre numérique. J’ai plaidé la neutralité fiscale, un principe admis par la Commission, en soulignant que rien ne justifie un taux de TVA distinct selon que le livre est édité sur papier ou en format numérique. Nous maintiendrons cette position, d’autant plus nécessaire qu’un taux de TVA différencié entraverait le développement du livre numérique.

Vous avez évoqué une certaine entreprise, qui contrevient aux dispositions de la loi sur le livre numérique que nous avons adoptée à l’unanimité l’an dernier, soit en vendant à prix réduit des livres présentés comme étant d’occasion, soit en offrant à ses clients les frais de port. Amazon, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, pratique ce faisant une concurrence déloyale envers les libraires. J’ai redit aux commissaires européens le très fort attachement de la France à la loi sur le prix unique du livre – physique et numérique - dont l’esprit doit être respecté.

Toujours à propos du livre, j’ai omis de vous signaler que j’ai demandé à l’inspection générale des affaires culturelles d’évaluer l’ensemble des dispositifs de soutien à la librairie et au livre pour renforcer ceux qui fonctionnent et combler les lacunes éventuelles.

D’autre part, la Commission européenne a saisi la Cour européenne de justice au sujet de la taxe à laquelle les fournisseurs d’accès à internet ont été assujettis pour compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions décidée unilatéralement en 2008. Le Gouvernement est attentif à ce que sera la décision de la Cour, qui pourrait avoir un impact considérable sur le financement de France Télévisions et sur le budget de l’État – et nous n’avons pas besoin de cela.

L’expertise de l’Inrap est reconnue, et son action remarquable. Je souhaite que l’on en revienne, lors de la prochaine discussion budgétaire, au niveau de financement que l’inspection générale des finances avait défini pour l’Institut, soit 122 millions d’euros ; avoir abaissé ces crédits à 105 millions d’euros à l’automne dernier est dommageable. Je sais que nous partageons cet objectif.

Je me suis intéressée de près, vous le savez, à la question de la Maison de l’histoire de France et, tout en poursuivant les discussions avec les historiens membres du comité d’orientation scientifique, j’ai demandé que toute décision fasse l’objet d’un moratoire. Que l’enseignement de l’histoire ait été rétabli en classe de terminale scientifique à la rentrée prochaine montre l’attachement de la majorité à cette discipline. À propos, toujours, de la Maison de l’histoire de France, outre que le contexte budgétaire dans lequel nous nous trouvons n’est pas propice à la poursuite de travaux de prestige, le déséquilibre a été très marqué, au cours des dernières années, entre les investissements faits en Ile-de-France d’une part, dans les autres territoires d’autre part ; je suis favorable à un rééquilibrage. Des décisions à ce sujet seront annoncées dans un avenir proche.

Monsieur Riester, nous avons eu de multiples occasions, au cours de la campagne électorale, de dire nos désaccords sur l’évolution réelle du budget du ministère de la culture au cours du quinquennat écoulé. Je continue de penser que l’augmentation budgétaire que vous mettez en avant est factice puisque vous l’échafaudez en englobant dans le budget du ministère une multitude de postes qui sortent de son périmètre. Vous y incluez ainsi 2,2 milliards d’euros correspondant à la rémunération de tous les enseignants en art plastique et en éducation musicale du secondaire, la compensation de la suppression de la publicité à la télévision publique, 700 millions d’euros qui relèvent du ministère de la recherche, et même le plan d’aide à la presse. Les chiffres que vous avancez ne sont donc, malheureusement, pas vrais. Quant à la somme de 30 millions d’euros allouée à l’éducation artistique, elle est beaucoup trop faible, comme l’est le budget, identique, octroyé à l’action culturelle.

L’ancienne majorité a d’autre part diminué de 5,2 % les effectifs des fonctionnaires ; la réduction a été de 8 % pour l’administration centrale du ministère et de 11 % pour les DRAC ; nous sommes donc à l’étiage. Quant au budget d’intervention du programme Création, compte tenu de l’inflation, il a baissé de quelque 7 % en cinq ans.

Vous avez évoqué la Hadopi, dont l’une des caractéristiques, indépendamment de toutes les autres, est qu’elle coûte cher - son collège m’a demandé la reconduction de son budget en 2013, soit 12 millions d’euros. Une mission d’étude a été confiée à M. Pierre Lescure ; ses travaux commenceront le 1er septembre, et la réflexion portera sur un champ plus large que la seule Hadopi. La création de cette Haute Autorité a-t-elle, comme vous le dites, fait chuter les téléchargements ? Certes, les comportements ont évolué, et c’est heureux pour le secteur musical, mais cette évolution a également été perceptible aux États-Unis, qui n’ont pas une telle instance : là comme en France on a constaté l’accroissement des achats de musique en ligne. D’autre part, la fermeture du site Megaupload, un an après la création de la Hadopi, a montré que bon nombre de gens continuaient de contourner les prescriptions de la Haute Autorité par le biais de la diffusion en flux – ce que les Anglo-Saxons appellent le streaming. La réflexion de M. Pierre Lescure portera sur tous ces sujets.

Je doute qu’il faille se féliciter de la décision de créer six nouvelles chaînes de télévision numérique terrestre (TNT). Elles suscitent bien des inquiétudes, car leur apparition entraînera une dilution supplémentaire des ressources issues d’un marché publicitaire déjà mal en point. De plus, les obligations de financement de la création faites à ces chaînes sont faibles, si bien que leur multiplication risque de ne favoriser ni l’amélioration de la qualité du paysage audiovisuel ni la création – ce qui est pourtant mon objectif. Il n’y a donc pas lieu, à mon sens, de se réjouir de l’expansion de la TNT. D’ailleurs, certains acteurs qui se sont engagés dans ce secteur parce qu’ils ne voulaient pas ne pas en être traînent les pieds.

Vous m’avez interrogée sur les effectifs. L’audit de la Cour des comptes est sans appel, nous héritons d’une situation budgétaire très difficile. Des règles ont, pour cette raison, été édictées par le Premier ministre, qui trouvent leur traduction dans sa lettre de cadrage. Malgré cela, la reconstitution des crédits du spectacle vivant signe l’attachement du président de la République et du Premier ministre à l’importance de la culture. Je ferai valoir les spécificités du ministère pour obtenir la sanctuarisation de ses crédits.

Vous vous êtes inquiétée, madame Marie-George Buffet, de la pérennité du financement de l’audiovisuel public. La question est liée à la taxe sur les FAI, à laquelle la commissaire européenne Neelie Kroes est opposée ; je défendrai le point de vue que canaux de diffusion et contenus sont liés. Le financement du service public de l’audiovisuel a été gravement affaibli par la décision prise à l’emporte-pièce par M. Sarkozy de supprimer la publicité. Cette mesure brutale, qui a déstabilisé le secteur sans même servir les acteurs privés de l’audiovisuel, a eu des effets très négatifs. Il nous faudra creuser ensemble les pistes de réflexion qui nous permettront de consolider le financement du service public de l’audiovisuel pour le renforcer.

Vous m’avez interrogée sur le rapprochement, qui a été évoqué, des rédactions de France 2 et de France 3. Que France 3 ait une mission de proximité ne signifie pas qu’elle doive perdre sa dimension nationale – je l’ai dit au président de France Télévisions Rémy Pflimlin. Je sais l’inquiétude des personnels. Les programmes de France 3 doivent maintenir leur identité propre pour répondre aux attentes des téléspectateurs régionaux ; pour autant, il n’est pas illogique de débattre de la mise en commun de certains moyens pour couvrir divers événements en évitant des doublons.

Mme Buffet m’a aussi interrogée sur l’avenir de l’Audiovisuel extérieur de la France ; vous conviendrez, monsieur Riester, que nous ne pouvons nous réjouir de la situation dans laquelle il nous a été laissé, avec des personnels complètement déstabilisés. RFI fait un travail remarquable, singulièrement pour l’Afrique, où elle offre véritablement un service d’intérêt général. Votre question relative à l’audience de France 24 trouvera sa réponse dans le rapport de M. Jean-Paul Cluzel. Un conseil d’administration de l’Audiovisuel extérieur de la France aura lieu demain, jeudi 12 juillet ; auparavant, je recevrai les organisations syndicales de RFI et de France 24. Je souhaite réserver au conseil d’administration et aux représentants du personnel la primeur des annonces du Gouvernement mais je rappelle que le président de la République et le Gouvernement se sont prononcés contre la fusion des rédactions de RFI et de France 24, une mauvaise chose qui n’est pas envisageable.

La presse connaît en effet des concentrations et des destructions d’emplois, et le dossier du groupe Hersant Média (GHM) appelle des commentaires spécifiques. La presse quotidienne dans son ensemble doit faire face à la transition numérique, qui induit une diminution annuelle de ses ventes de quelque 6  % ; les ressources baissant, on coupe dans les effectifs et on réduit les investissements. À cela s’ajoutent, pour GHM, des problèmes de gestion, des achats déraisonnables ayant lourdement endetté le groupe de la famille Hersant. Il en résulte que plusieurs titres sont menacés, en Champagne-Ardenne et dans d’autres régions. Mon collègue Arnaud Montebourg et moi-même sommes extrêmement attentifs à ce dossier. Nous espérons que des solutions viables seront définies, qui permettront la restructuration du groupe et la sauvegarde de la diversité de l’offre de presse.

La mission qui avait été confiée à M. Gérard Rameix sur le redressement de la société de messageries de presse Presstalis, dont nous souhaitons absolument éviter le dépôt de bilan, se poursuit. Des discussions devront avoir lieu entre les éditeurs, Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse, et chacun devra faire des efforts. J’attache une importance extrême au maintien des 28 000 points de vente de la presse en France, qui assurent un rôle social essentiel, trop souvent passé sous silence.

Madame Isabelle Attard, M. Pierre Lescure remettra donc au Gouvernement, d’ici le premier semestre 2013, des préconisations relatives à la Hadopi ; à cette réflexion seront associés consommateurs et internautes.

Par ailleurs, en cette période de contrainte budgétaire, je juge indispensable le mécénat, source de financement complémentaire importante pour le patrimoine et pour la création, et qui devrait s’étendre à d’autres domaines du spectacle vivant, le théâtre par exemple. Au ministère, la mission du mécénat travaille à élargir cette forme de partenariat aux PME, mais aussi à élaborer une charte de déontologie. Le pilotage du mécénat par l’État, par le biais de règles précises, permettra des échanges justes, au bénéfice de tous.

J’ai souligné, Madame Marie-Odile Bouillé, l’importance que le ministre de l’éducation nationale et moi-même attachons à l’éducation artistique, et je souhaite y associer l’éducation populaire, négligée. Les collectivités territoriales ont pris de nombreuses initiatives en matière culturelle, et les chiffres dont disposent les DRAC devraient permettre d’établir le panorama général du nombre de jeunes ainsi touchés.

Madame Annie Genevard, je suis très attachée à l’accès à la culture en zone rurale. L’égalité de traitement doit valoir pour tous les citoyens et tous les territoires, et il est vrai que l’accès à la culture est parfois plus difficile pour les enfants des zones rurales que pour ceux des zones périurbaines qui ont une tradition communale d’investissement culturel. Le ministre de l’éducation nationale et moi-même portons une attention particulière à cette question ; la numérisation en cours dans de nombreux établissements favorisera cet accès.

Le président de votre Commission a indiqué qu’une mission parlementaire abordant la question de l’intermittence serait créée. Mon collègue Michel Sapin et moi-même nous appuierons sur les conclusions des travaux parlementaires, qui devront dépasser le cadre traditionnel de l’intermittence pour prendre en compte tous les aspects - économique, social, territorial – de l’emploi culturel et éviter ainsi qu’en agitant des feuilles de chiffres comme autant de chiffons rouges on ne stigmatise certaines catégories de la population. La convention expirant le 31 décembre 2013, le Gouvernement traitera cette question l’an prochain, en s’appuyant sur vos travaux.

Monsieur Guénhaël Huet, une nouvelle étape de la décentralisation est annoncée et je m’entretiendrai avec ma collègue ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique du réseau des DRAC. Je suis très attachée à ce réseau que nous devons maintenir pour assurer les missions qui ne peuvent l’être que par l’État. Le bilan, en matière culturelle, de la loi relative aux libertés et responsabilités locales de 2004 n’est pas uniquement positif et l’État doit définir avec les collectivités territoriales un nouveau partenariat plus efficace et plus confiant. Comme il y a eu désengagement de l’État, les collectivités et les établissements publics autonomes ont occupé l’espace laissé vacant et les collectivités locales financent désormais les trois quarts des activités culturelles. Elles jouent donc un rôle majeur dans la politique culturelle, qui participe de la citoyenneté française, et un nouveau partenariat est nécessaire entre elles et l’État, dont la présence en régions doit être forte.

Je suis sensible à la défense de la langue française, ce qui n’est pas toujours facile en matière technologique ; un travail en ce sens sera conduit. La ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires soulève, vous le savez, des difficultés constitutionnelles, et nous procèderons à une analyse juridique. Quoiqu’il en soit, la reconnaissance et la valorisation des langues régionales ne contredisent en rien l’importance donnée à la défense et illustration de la langue française, pour reprendre une expression fameuse.

J’ai visité le chantier du superbe bâtiment du Louvre-Lens, dont vous avez rappelé, monsieur Gérald Darmanin, l’ouverture prochaine dans une ville à forte tradition minière. Il faut se féliciter de ce projet porté par les collectivités territoriales avec le savoir-faire de l’Établissement public du Louvre, au service de la démocratisation culturelle, comme l’est le Centre Pompidou mobile. Ce sont deux très belles initiatives.

Mme Annie Genevard m’a interrogée sur la « culture pour chacun ». Au-delà des slogans, je souhaite redonner au ministère de la culture et de la communication une ambition politique dont j’ai défini les grandes lignes en soulignant le lien entre la culture, la création artistique et la citoyenneté. L’accès à l’art et à la culture doit permettre d’élever les individus, personnellement et collectivement, en dépassant les seules valeurs marchandes.

Il est exact, monsieur Ary Chalus, que les journaux télévisés nationaux ne parlent pas suffisamment des Outre-mer alors qu’ils devraient nous en entretenir quotidiennement, comme des autres territoires de la République, et pas seulement en 2011, qui fut l’année des Outre-mer sur France Télévisions. Cette obligation est de celles que le CSA doit faire respecter aux chaînes nationales ; j’évoquerai cette question avec la présidence du groupe public. Plus généralement, je porterai une attention particulière aux projets culturels dans les Outre-mer, et à ce qu’il y ait des échanges nombreux sur tout le territoire de la République.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces réponses très complètes.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 11 juillet 2012 à 16 heures 15

Présents. - M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Thierry Braillard, Mme Isabelle Bruneau, M. Ary Chalus, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Yves Daniel, Mme Sophie Dessus, Mme Sandrine Doucet, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, M. Mathieu Hanotin, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, Mme Dolores Roqué, M. Claude Sturni, M. Jean Jacques Vlody

Excusé. - M. Rudy Salles

Assistait également à la réunion. - Mme Françoise Dumas