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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 3 octobre 2012

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 01

Présidence de M. Patrick Bloche, président puis de M. Michel Ménard, vice-président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur le bilan des Jeux olympiques et paralympiques de Londres réunissant M. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français, M. Gérard Masson, président de la Fédération française handisport et du Comité paralympique et sportif français, M. Tony Estanguet, champion olympique de canoë, M. Sami El Gueddari, nageur paralympique, et M. Daniel Bilalian, directeur général adjoint de France Télévisions, chargé des sports

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 3 octobre 2012

La séance est ouverte à neuf heures dix.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation organise une table ronde sur le bilan des Jeux olympiques et paralympiques de Londres avec la participation de M. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français, M. Gérard Masson, président de la Fédération française handisport et du Comité paralympique et sportif français, M. Tony Estanguet, champion olympique de canoë, M. Sami El Gueddari, nageur paralympique, et M. Daniel Bilalian, directeur général adjoint de France Télévisions, chargé des sports.

M. le président Patrick Bloche. J’ai grand plaisir à ouvrir cette table ronde consacrée au bilan des Jeux olympiques et paralympiques de l’été dernier à Londres. Cette initiative réunissant des représentants du mouvement olympique et paralympique mais aussi des diffuseurs avait été souhaitée par le bureau de la Commission. Elle nous offre l’occasion d’aborder, notamment, les conditions de préparation des athlètes, leurs performances, l’organisation des Jeux et les leçons à en tirer pour l’avenir.

Messieurs, quelle incidence ces Jeux auront-ils sur le classement de notre pays
– actuellement nous sommes cinquièmes – au rang des nations sportives ? Comment les athlètes ont-ils ressenti l’organisation des Jeux ? Avec 34 médailles, dont 11 en or, la France a conquis 4 titres olympiques de plus mais 7 médailles de moins qu’en 2008, à Pékin. Ses résultats ont été bons en natation et un judo, mais décevants en escrime ou en gymnastique. Comment le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) entend-il remédier à ces faiblesses ?

Quel bilan tirer, d’autre part, des parcours de l’excellence sportive (PES) destinés à favoriser l’accompagnement flexible et individualisé des sportifs de haut niveau, ou du plan de refondation et de modernisation de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), dont sont issus 19 médaillés olympiques sur 34 ? Pour finir, nous évoquerons les prochains Jeux olympiques et, le cas échéant, la préparation de ceux de 2024, qui pourraient voir aboutir une candidature parisienne, cent ans après les derniers Jeux d’été organisés par Paris.

M. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français. D’abord, quelques mots sur l’organisation de ces Jeux olympiques. Nous sommes arrivés à Londres avec le souvenir d’une candidature malheureuse, la capitale anglaise ayant été préférée à Paris. Or ces Jeux, parfaitement organisés, ont donné lieu à une grande ferveur populaire. Londres avait pour ambition « d’inspirer une génération ». Nous devons garder ce leitmotiv à l’esprit pour comprendre ce que ces Jeux ont apporté à la jeunesse du Royaume-Uni et du monde entier.

Les résultats de la délégation olympique française, si tant est qu’on puisse la séparer de la délégation paralympique, ont été conformes à nos prévisions. Notre objectif était d’obtenir un nombre de médailles d’or à deux chiffres. Avec 11 médailles, nous figurerons dans le peloton de tête. Au total, nous avons obtenu 34 médailles contre 41 à Pékin, mais un chiffre global ne constitue qu’un indicateur relatif du niveau de performances.

Nous avions misé sur une diversité de sports. Or nous avons obtenu 4 médailles d’or en natation, 2 en judo et 2 en canoë-kayak ; 8 des 11 médailles d’or françaises sont donc regroupées sur trois disciplines. Dès lors, puisque la préparation des Jeux de Rio a déjà commencé, il faut réfléchir au moyen de transmettre le savoir et l’expérience de nos champions à ceux qui réussissent plus difficilement.

Le haut niveau se caractérise par un niveau d’exigence exceptionnel. La performance suppose qu’on sache organiser la concurrence et l’émulation au sein d’une fédération, mettre en place un dispositif efficace d’innovation et de recherche, et associer trois paramètres : la détection, l’épanouissement des sportifs et le souci de leur après-carrière.

Au-delà de leurs performances, chacun a souligné l’excellent comportement des sportifs français et la dynamique qu’ils ont créée avec la population. Bien que les Jeux se soient déroulés pendant les vacances, ils ont suscité un engouement populaire incontestable, grâce à l’effort des médias, aux résultats obtenus et à l’ambiance qui les a entourés. Il est significatif, en termes d’identité, que la Marseillaise ait souvent été entonnée spontanément : la nation était présente aux côtés des athlètes.

Reste que le haut niveau coûte cher, et que nous allons sans doute rencontrer des difficultés de financement. Nous sommes responsables de la bonne utilisation des deniers de chaque fédération. Les perspectives esquissées hier soir lors la réunion du collège des fédérations olympiques ont suscité des inquiétudes pour les Jeux de Rio. Les premières coupes, qui concerneront les cadets et les juniors, obéreront les perspectives. L’innovation et la recherche sont nécessaires si nous nous voulons être plus performants dans quatre ans, alors que le sport se mondialise et connaît une concurrence croissante.

Naturellement, je me félicite que la retraite des sportifs de haut niveau ait été votée, l’an dernier, à l’unanimité des députés et des sénateurs, qui ont ainsi reconnu l’apport des sportifs à la nation. Pour s’entraîner, ceux-ci mettent nécessairement leurs études ou leur carrière entre parenthèses, ce qui retarde le versement des cotisations. Le dispositif, d’un coût total de 6 millions d’euros, vise non à permettre aux mieux lotis de gagner davantage mais à offrir à l’immense majorité la possibilité de disposer d’années de cotisation suffisantes.

Hélas, au lieu d’être supporté par la nation, comme nous le supposions, il sera financé par le ministère des sports, au détriment des conventions d’objectifs des fédérations. L’imputer à la sécurité sociale délivrerait un message plus positif car une pratique sportive régulière et adaptée fait faire des économies à la sécurité sociale et il peut paraître légitime que celle-ci, en retour, préserve les moyens consacrés au développement des activités physiques, via les fédérations. Les députés qui font leur jogging tous les matins en sont probablement conscients. Nous vous adresserons bientôt un courrier pour exprimer notre demande, afin de conserver la préparation du haut niveau et les actions fédérales pour le début de l’olympiade. Nous reviendrons également vers la ministre à ce sujet. Si l’on admire les performances des sportifs britanniques, n’oublions pas qu’ils ont bénéficié de moyens élevés.

M. Gérard Masson, président de la Fédération française handisport et président du Comité paralympique et sportif français. Le premier enseignement des Jeux paralympiques de Londres tient au succès populaire inédit qu’ils ont rencontré. Les stades étaient pleins, sans qu’on ait eu à solliciter des scolaires ou des militaires pour les remplir. Presque 2,7 millions de billets ont été vendus, ce qui ne s’était jamais produit. Dès la cérémonie d’ouverture, il n’était plus possible d’obtenir un seul billet pour le stade où se déroulaient les compétitions d’athlétisme.

C’est en Angleterre qu’a démarré la compétition sportive entre personnes en situation de handicap. Celles-ci se sont longtemps cherchées, hésitant à se définir comme les petits frères ou les cousins du monde olympique. Désormais, il existe deux fédérations distinctes au service d’un seul sport. Le Pierre de Courbertin du monde paralympique, père des Jeux de Stoke Mandeville, s’appelle Sir Ludwig Guttmann.

Sebastian Newbold Coe, ancien athlète de haut niveau et président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’été de 2012, a compris d’emblée que les Jeux paralympiques appartenaient de plein droit à la famille du sport. En Angleterre, les athlètes en situation de handicap bénéficient de la même reconnaissance que les athlètes valides. Nous devons suivre cet exemple, même s’il faudra encore des années avant qu’un jeune en centre de rééducation ne s’identifie aux champions en situation de handicap.

Sur le plan des performances, forte de la douzième place aux Jeux paralympiques de 2008, la France, qui rêvait de la huitième place à Londres, n’a obtenu que la seizième. D’autres pays, comme l’Angleterre, ont été plus professionnels. Sans doute ont-ils aussi reçu davantage de moyens. La Fédération française handisport (FFH) et la Fédération française de sport adapté (FFSA), qui composent le Comité paralympique, ont besoin pour se développer qu’on leur en donne la possibilité.

M. Tony Estanguet, champion olympique de canoë. Permettez-moi, à titre, liminaire, de vous faire part de mon grand plaisir de venir à l’Assemblée nationale pour parler du sport de haut niveau. C’est la première fois et c’est un honneur.

Je souscris à ce qui vient d’être dit sur la parfaite organisation des Jeux de Londres, alors même que j’étais présent à Singapour en 2005, quand Londres a été choisie, à quatre voix près, devant Paris. L’équipe de France, qui s’est mobilisée outre-Manche, a été capable d’une belle réussite collective.

Après avoir participé à quatre olympiades, je suis conscient que les résultats se jouent sur des détails, et qu’il est difficile d’en tirer des enseignements valables pour tous les sportifs. Si trois disciplines se sont particulièrement bien comportées, il n’est pas certain qu’elles se situeront au même niveau dans quatre ans, ce qui devrait nous inciter à préserver les bases de notre système sportif. Certains expliquent la réussite des Anglais par le fait qu’ils ont ciblé leur effort sur quelques sports, mais je ne suis pas favorable à cette stratégie. Il y a dix ans, la natation française, qui a obtenu d’excellents résultats aux deux précédentes olympiades, connaissait de grandes difficultés, alors que l’escrime, aujourd’hui en crise, était à l’honneur.

Pour en venir à mon propre cas, c’est une belle histoire, après l’échec de Pékin, d’être revenu à un meilleur niveau et d’avoir remporté un titre à Londres. Par ailleurs, je me suis lancé le défi d’entrer au Comité international olympique (CIO). Depuis plusieurs années, je me suis investi dans le mouvement sportif, d’abord au sein de ma fédération, puis dans la Fédération internationale. Depuis quatre ans, je suis membre de la Commission des athlètes du CNOSF. Dans la continuité de ces activités, la logique voulait que je me présente au CIO. C’est un véritable enjeu pour le sport français que de se développer sur l’international. Dans cette démarche difficile, car nous pesons de moins en moins dans le sport mondial, les équipes du CNOSF m’ont accompagné.

Nous bénéficions d’une bonne organisation sportive, mais la gouvernance reste difficile car il faut concilier le mouvement sportif, le ministère et les fédérations, et maintenir la relation entraîneur-entraîné qui est la base de la réussite. Grâce à ma fédération, j’ai été aidé par un entraîneur rémunéré par l’État, mais d’autres sportifs, qui ont besoin d’un service plus personnalisé, recourent à un entraîneur du privé. Quand le cas se présente, il faudrait leur éviter de se mettre en marge ou d’entrer en conflit avec leur fédération. Nous pouvons améliorer la gouvernance pour mettre au point un service spécialisé dédié au très haut niveau. Pendant longtemps, il existait un service de préparation olympique, qui a évolué au sein de l’INSEP.

M. Sami El Gueddari, nageur paralympique. Je suis moins connu que Tony, non seulement à cause de mon palmarès mais parce que j’appartiens à la Fédération handisport et au mouvement paralympique. Pour nous, athlètes handisport, les Jeux de Londres – dont c’était personnellement ma deuxième paralympiade – ont été ceux de l’émancipation. Auparavant, au niveau national ou international, nous ne nous définissions que par rapport au milieu valide. Pour la première fois, nous avons pu exister en tant que tels.

L’existence du Comité International Paralympique (IPC), soutenu par le CIO, et de l’Agitos, symbole des Jeux paralympiques, sont autant de preuves que notre mouvement s’est imposé. Pékin avait prouvé que les Jeux paralympiques pouvaient être grandioses. Londres a montré qu’ils pouvaient aussi atteindre un très haut niveau sportif. Depuis huit ans, les records n’ont évolué, comme ceux des athlètes valides, que de quelques dixièmes de seconde, signe que la compétition et l’adversité dans l’effort pour aller chercher une médaille sont désormais aussi fortes pour nous que pour eux.

Nous avons obtenu 45 médailles, ce qui n’est pas rien, mais trop peu d’or, ce qui détermine le classement. En une seule journée, nous avons raté neuf titres olympiques. La différence entre les pays tient à des détails imputables au degré de professionnalisme, d’organisation et de moyens. La France accuse peut-être un peu de retard sur tous ces points mais d’autres paramètres jouent aussi. Remarqué par le PES, qui cible les forts potentiels médaillables, Arnaud Assoumani, quasiment assuré de remporter deux médailles d’or, s’est blessé en juin. Dans ces conditions, il est déjà extraordinaire qu’il ait remporté deux médailles d’argent ; or, cet exploit n’apparaît pas sur un bilan, ce qui doit nous inciter à dépasser le simple point de vue chiffré.

Contrairement à ce que j’ai entendu dire, il me semble que ces Jeux paralympiques ont fait l’objet d’une importante couverture médiatique. Du fait de la proximité des JO, un débat s’est élevé sur l’absence de direct ou le fait que les athlètes en situation de handicap avaient été moins bien traités que les athlètes valides. Pourtant, entre Pékin et Londres, nous sommes passés de l’ombre à la lumière. En 2008, les Jeux paralympiques n’avaient bénéficié d’aucune couverture médiatique. La seule mention du handicap à Stade 2 avait été l’exclamation de Guy Carlier : « Les joueurs du PSG ont joué comme des handicapés ! ».

Cette année, grâce à France Télévisions – que je remercie pour cela – nous avons bénéficié d’une couverture à mes yeux satisfaisante et d’images de qualité. C’est un grand pas en avant : on ne peut passer de rien à tout du jour au lendemain. On peut toujours espérer mieux et le prochain bond en avant, du moins je le souhaite, sera pour Rio. La France n’est pas prête à ce que les Jeux paralympiques fassent l’objet d’une diffusion en direct et en continu. Par contre, le format retenu à Londres peut sans doute être étoffé, puisque les Jeux paralympiques ont pris de l’ampleur. Pour ne pas rater le coche, il faut à présent faire les choix nécessaires pour Rio 2016.

M.  le président Patrick Bloche. Après le mouvement sportif, il nous faut interroger l’homme de télévision qu’est Daniel Bilalian. France Télévisions a pour missions de service public d’informer, d’éduquer et de divertir. Le sport a toute sa place dans ces missions et, ainsi que l’a récemment rappelé Rémy Pflimlin devant notre commission, les audiences réalisées lors des Jeux olympiques ont été très satisfaisantes. Quel bilan tirez-vous, monsieur le directeur général adjoint en charge du sport, de la retransmission de l’événement ? Pourriez-vous également nous éclairer sur les motifs de la différence de retransmission des Jeux paralympiques ?

M. Daniel Bilalian, directeur général adjoint de France Télévisions, chargé des sports. Merci de solliciter l’analyse de France Télévisions. Les Jeux olympiques ont été regardés au moins une heure, sur la durée de la quinzaine, par 75 % des téléspectateurs, c’est-à-dire par 40 millions de Français, ce qui est très satisfaisant. En l’espèce, il s’agissait moins d’une retransmission que d’un spectacle sportif, puisque nous avons remplacé les temps morts, qui risquaient de susciter l’ennui, par un teasing permanent – par exemple des reportages sur les sportifs ou sur la ville de Londres – donnant l’impression au public qu’il raterait quelque chose en s’en allant.

France 2 et France 3 ont diffusé les JO chaque jour entre neuf heures trente et minuit et demi. D’autres chaînes du groupe France Télévisions ont été sollicitées, comme France 4, pour la compétition de football féminin, et France Ô pour celle du football masculin. Tous les jours – à trois exceptions près –, nous sommes arrivés en tête devant TF1, pour la moyenne journalière des grandes télévisions.

Pour les Jeux paralympiques, je suis heureux qu’un champion ait reconnu le travail de France Télévisions, alors que des médias auxquels nous avions proposé d’acquérir les droits pour un euro symbolique n’avaient témoigné aucun empressement. Nous avons progressé par rapport aux Jeux d’Athènes ou de Pékin. La diffusion de trois heures de compétition en différé s’adapte au rythme des Jeux paralympiques, qui peuvent associer dans la même compétition plusieurs finales différentes en fonction du handicap. Nous leur avons consacré une heure par jour sur France 2 l’après-midi, sur France 3 en fin de journée et sur France Ô le lendemain matin.

On nous a reproché de ne pas avoir retransmis de direct, mais toute la journée, les cinq flux en direct des compétitions passaient sur le site internet de France TV sports, qui sera la télévision de demain. De même, pour les JO, les douze flux des compétitions étaient diffusés toute la journée en direct. Cela dit, le grand nombre de sous-compétitions du paralympique crée une difficulté supplémentaire en vue du direct.

De plus, chaque après-midi et chaque soir, la diffusion d’une compétition était précédée d’un reportage sur la manière dont un athlète a surmonté son handicap, ce qui nous semble une manière intéressante d’introduire le sujet. En dehors de Channel 4, en Grande-Bretagne, toutes les chaînes européennes qui ont retransmis ces Jeux sur le système classique de télévision sont dédiées au sport. Or l’État français, notre actionnaire, n’a jamais voulu doter France Télévisions d’une telle chaîne. Si tel était le cas, un direct serait plus facile à ménager.

La retransmission des JO, pour laquelle notre qualité a été reconnue, coûte cher. Le fait que les Jeux paralympiques aient lieu quinze jours plus tard au même endroit oblige à laisser sur place techniciens et journalistes, sans parler des équipements, ce qui augmente les coûts de production. Nous avons fait le maximum, mais le direct aurait demandé un effort supplémentaire de plusieurs millions d’euros. En tant que service public, le groupe France Télévisions, qui a acquis les droits de transmission des JO jusqu’en 2020, exerce sa mission. Pour Rio, il réfléchira avec les athlètes de la fédération française handisport aux moyens d’aménager la retransmission des Jeux paralympiques. Je n’ignore pas certaines critiques, émanant parfois d’extrémistes, mais le président Masson a su nous accompagner et reconnaître nos efforts.

M. le président Patrick Bloche. Je passe à présent la parole aux porte-parole des groupes.

M. Pascal Deguilhem. Nos remerciements, messieurs, tout d’abord, pour ce que vous êtes et portez. Nous partageons, dans cette salle, un certain nombre de vos préoccupations et de vos analyses. D’ailleurs, pourquoi ne pas dresser un podium, qui serait le marqueur des Jeux olympiques et paralympiques ?

La médaille d’or irait au comité d’organisation, le London Organising Committee of the Olympic and Paralympic Games (LOCOG), qui s’est distingué dans le domaine humain, matériel et sportif. Son bilan nous invite à nous interroger sur l’éventualité d’une nouvelle candidature française et sur les responsabilités de l’État comme du mouvement sportif dans ce domaine.

La médaille d’argent reviendrait à nos athlètes pour leur comportement et leurs résultats dans une compétition difficile. Nous y associons tous ceux – encadrement, staff technique, environnement fédéral – qui contribuent à leur réussite dans les grands rendez-vous internationaux.

La médaille de bronze couronnerait la réussite du club France sur les bords de la Tamise, et du CNOSF, qui constituent une belle vitrine.

Notre bilan aux JO ne se réduit pas ni à notre septième rang mondial ni aux quatorze disciplines qui nous ont rapporté des médailles, ce qui sanctionne l’échec de certaines fédérations. Quant aux médailles que nous avons remportées aux Jeux paralympiques, leur nombre est décevant au regard de notre ambition et du succès qu’ont connu ces Jeux. À neuf heures, il n’y avait déjà plus de place sur les gradins de la piscine olympique. Alors même que les athlètes en situation de handicap sont moins célèbres que les autres, leurs compétitions ont été suivies avec le même enthousiasme.

Pour la diffusion, il faut encore chercher des voies d’amélioration, s’agissant des Jeux paralympiques car, à Rio, n’en doutons pas, ces jeux revêtiront une forte intensité émotionnelle. Je regrette l’absence de dialogue et de rencontres entre le monde paralympique et les parlementaires. Nous reviendrons sur les questions de M. Masseglia lors des discussions budgétaires. Le principe des retraites pour les sportifs de haut niveau a été posé mais non financé par le précédent gouvernement. Cela dit, les médaillés olympiques et paralympiques bénéficient de la reconnaissance de la nation, qui se manifeste, à égalité de traitement, par des primes. La mesure a été financée, là encore, dans l’urgence faute d’avoir été budgétée par les précédentes autorités. Dans un cadre budgétaire marqué par le souci de réduire la dette publique, le ministère des sports cherchera avec le CNOSF, la Fédération française handisport et les fédérations le moyen de défendre le sport de haut niveau.

Mme Sophie Dion. Londres a été le théâtre d’une grande fête populaire de la jeunesse et du sport, marquée par l’égalité entre Jeux olympiques et paralympiques. S’agissant de couverture médiatique des jeux paralympiques, même si j’ai bien entendu les remarques de M. Bilalian, je rends hommage à TV8 Mont Blanc, qui les a retransmis plus de soixante-douze heures en direct. Dommage que le service public n’en ait pas fait autant ! Celui-ci doit se mobiliser davantage, car la télévision joue un rôle essentiel en matière d’égalité.

Je rappellerai ensuite que le gouvernement de François Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a souhaité que les sportifs de haut niveau bénéficient enfin d’une retraite spécifique, puisqu’ils représentent la France et portent haut ses couleurs. Contrairement à ce que prétend M. Deguilhem, le dispositif a été financé. S’il faut réduire le budget des sports, ce n’est pas à ce poste qu’il faut toucher.

En ce qui concerne la stratégie du mouvement sportif, quelle est la stratégie du CNOSF pour Rio ? Accordera-il la même attention à tous les sports ou donnera-t-il la priorité à ceux qui rapportent le plus de médailles ? Se pose en outre la question de la place que doit jouer la France dans le monde sportif international. Avons-nous reçu le rapport sur l’échec des candidatures de Paris et d’Annecy ? Quelle stratégie adopter en la matière ? L’exemple de Séoul montre certainement qu’il faut choisir une ligne directrice en optant pour les Jeux d’hiver ou d’été et en s’y tenant.

Enfin je terminerai mon propos par une note plus actuelle. Que penser des paris en ligne qui risquent de gangrener le sport international ? Le Gouvernement a souligné l’importance de renforcer la loi de 2010. La France est un des seuls pays européens à avoir mis en place une Autorité de régulation des jeux en ligne. Il faut à présent porter la lutte à l’international en créant, avec l’aide du Conseil de l’Europe, une Autorité internationale de régulation des paris en ligne.

Mme Isabelle Attard. Je voudrais saluer l’esprit qui a régné à Londres pendant les Jeux et le choix du slogan Inspire a generation. L’organisation était elle-même complète puisque dès leur arrivée dans les gares ou les aéroports, les visiteurs, même non anglophones, ont été accueillis, puis guidés jusqu’au stade olympique et aux installations sportives. Il faudra suivre cet exemple si un jour nous organisons les Jeux.

Ceci étant, qu’en est-il du bilan économique ? Même s’il faut rentabiliser des installations destinées à durer, faut-il parler, lorsque les billets sont si chers, de sport pour tous ou de sport pour l’élite ?

Il me semble également important que nous méditions sur le choix de certains pays qui jugent plus important de posséder un grand nombre de sportifs que d’obtenir des médailles. Ainsi, la Suède, qui n’a obtenu qu’une seule médaille d’or, est exemplaire pour la pratique sportive et peu touchée par l’obésité.

D’autre part, alors qu’en 2015, la non-discrimination entre les personnes valides ou en situation de handicap s’imposera à toutes les collectivités pour l’accès aux lieux publics, le même esprit ne pourrait-il pas s’appliquer à la retransmission des Jeux ?

Enfin, en tant qu’ancienne sportive de haut niveau à Font-Romeu, la notion de « spectacle sportif » me laisse sceptique. Je regrette qu’un certain manque de fair-play incite à privilégier les épreuves auxquelles concourent des athlètes français alors que ceux qui aiment le sport ne font pas de distinction entre performances à raison de la nationalité. En outre, je préfère la diffusion d’événements en direct à l’interview des familles des athlètes et de leurs entraîneurs. Je salue toutefois les progrès de la télévision sur le web, d’autant plus importante qu’en cas de panne, elle peut suppléer la télévision traditionnelle.

Mme Marie-George Buffet. Merci à nos invités. Moi aussi, je tiens à saluer le bon comportement des athlètes et leur solidarité pendant les Jeux. Leurs résultats me semblent positifs, puisque la France a tenu son rang, à l’heure où certains pays émergent dans le domaine sportif. Ils témoignent du bien-fondé de notre modèle basé sur le partenariat entre l’État et le mouvement sportif, également responsables de l’accessibilité du sport à tous et de la défense du haut niveau.

Les résultats justifient qu’on alloue à la pratique sportive des moyens suffisants, même s’il serait absurde, ne serait-ce qu’à cause du renouvellement des générations, d’attendre de chaque discipline des résultats constants, d’olympiade en olympiade. Il faut maintenir l’effort dans toutes les pratiques et soutenir partout le haut niveau.

Il me semble, comme à d’autres, que les Jeux olympiques et paralympiques pourraient se dérouler en même temps, mais c’est sans doute par l’émancipation des Jeux paralympiques que leurs athlètes gagneront en visibilité et en reconnaissance. Que penser de la tendance de certains pays anglo-saxons ou de la Russie à professionnaliser le sport paralympique, tout en éloignant certains athlètes lourdement handicapés ? Peut-on se garder de telles dérives ?

L’Agence mondiale antidopage (AMA) a-t-elle joué un rôle lors des Jeux de Londres ? Un dispositif comparable, alliant États et mouvements sportifs internationaux, permettrait-il de lutter contre les paris en ligne ?

Fallait-il autoriser les femmes, dont la participation a augmenté régulièrement au cours des dernières olympiades, à porter un signe distinctif ? Le CIO envisage-t-il d’exercer un suivi sur la pratique sportive dans certains pays comme l’Arabie saoudite, qui a fait défiler des femmes voilées au dernier rang de leur délégation ?

Quelles sont enfin vos pistes de réflexion pour la formation et l’après-carrière des sportifs ? Quelle place a joué l’INSEP dans les résultats de l’équipe de France à Londres ?

Pour conclure, je me félicite de la candidature de Tony Estanguet au CIO, car, en la matière, nos choix – déterminants pour le rôle de la France dans cette instance – ont parfois été trop politiques, ne laissant pas assez de place aux athlètes.

M. Thierry Braillard. Les performances des délégations françaises aux jeux appellent de notre part louanges et félicitations. Je me réjouis que la France ait tenu son rang face à une concurrence de plus en plus rude, notamment celle de la Chine, et que le service public nous ait offert la possibilité de voir tous les sports. Cela dit, France 4 aurait pu offrir davantage de reportages sur les Jeux paralympiques. Ma satisfaction porte aussi sur le comportement extra-sportif de nos athlètes, qui ont fait preuve de disponibilité, d’humilité et de patriotisme.

Il faut toutefois analyser l’échec de certaines fédérations, imputable non seulement à une question de génération, mais aussi d’organisation territoriale. Certains sportifs, qui s’épanouissent sur leur territoire, n’apprécient pas qu’on les force à recourir aux services de l’INSEP. Certains directeurs techniques nationaux (DTN), trop jacobins, ne veulent pas renoncer à leur pouvoir, ce qui mérite discussion, surtout dans les fédérations qui ont été mises en échec.

La retraite des sportifs tient sans doute, non à M. Fillon ou à M. Sarkozy, mais à leurs excellents conseillers ; en revanche, ils sont personnellement responsables de la catastrophique candidature d’Annecy. Si Paris a perdu les Jeux à quatre voix près, combien la ville d’Annecy en a-t-elle obtenu au premier tour ? Sa candidature était politique, ce qui ne devrait jamais être le cas. Pareille au petit village gaulois d’Astérix, Annecy, ignorant ce qui l’entourait, a attendu un an avant de solliciter la région Rhône-Alpes. Au cas où la France se remettrait sur les rangs, voilà l’exemple à ne pas suivre ! Au reste, la présence de Tony Estanguet dans les instances internationales pourra bientôt nous aider.

M. le président Patrick Bloche. Tony Estanguet ayant des engagements ne lui permettant pas de rester parmi nous jusqu’au bout, je lui propose de répondre maintenant aux questions qui lui ont été posées, avant de donner la parole aux collègues qui désirent prendre part au débat.

M. Tony Estanguet. N’ayant pas l’habitude de cet exercice, je vous demande de l’indulgence… Soucieux de soutenir la place des sportifs dans les instances internationales, je me suis entouré, pour intégrer le CIO, de sportifs référents dans chaque discipline. À ce niveau, il faut des relais non seulement pour chaque pays mais pour chaque sport. J’espère que cette stratégie nouvelle portera ses fruits.

L’après-carrière fait l’objet d’une interrogation constante au sein de la commission des athlètes du mouvement sportif français. Quant aux retraites, j’en entends parler depuis 2000. À présent que la loi est votée, j’espère que les décrets ne tarderont pas. Beaucoup d’anciens sportifs de haut niveau, dont certains ont concouru aux JO, connaissent des difficultés sociales et financières. Dans ma discipline, qui ne génère pas d’argent, les athlètes sont conscients de la nécessité de poursuivre leurs études et de trouver des pistes de reconversion. Dans d’autres, ils espèrent gagner suffisamment d’argent à un très haut niveau, ce qui est souvent un leurre. Les grandes écoles et le système éducatif français devraient pouvoir accompagner les sportifs, qui bénéficient d’un préjugé favorable.

Le prix des places aux JO est effectivement très élevé. Il est si difficile d’acquérir des billets que les athlètes ont du mal à en obtenir pour leur famille. À Londres, les demandes de places sont arrivées par millions, ce qui montre que le sport devient de plus en plus élitiste. Malheureusement, on voit mal comment inverser cette tendance car les investissements sont également énormes.

Dans l’organisation sportive française, qui est efficace, il faut introduire une certaine souplesse pour que les athlètes basés sur un territoire puissent travailler avec un entraîneur non fédéral. On ne gagne rien à les mettre en difficulté ou à les menacer de les exclure de leur fédération. Si nous voulons rester à la septième place à Rio, ce qui sera difficile, nous devons faire évoluer la gouvernance à cet égard.

Mme Catherine Quéré. Avant qu’il ne parte, je voudrais dire à Tony Estanguet que, lors de sa finale, la Commission des affaires économiques auditionnait le ministre de l’agriculture. À la demande de notre collègue Germinal Peiro, cette audition a été suspendue pour suivre avec enthousiasme et bonheur la prestation de ce formidable athlète.

Mme Marie-Odile Bouillé. Le sport est un magnifique vecteur d’intégration pour les personnes en situation de handicap. Comment les clubs et les fédérations peuvent-ils mieux les accueillir ? Quelles sont vos propositions ?

M. Guénhaël Huet. Je tiens à féliciter le CNOSF et la délégation française pour cette brillante olympiade et l’organisation du club France. Je voudrais également féliciter France Télévisions qui a assuré, quoi qu’on en dise, une bonne couverture des JO et des Jeux paralympiques.

Les pensionnaires de l’INSEP, qui est ouvert à toutes les disciplines, ont récolté 55 % des médailles, mais certaines fédérations sportives ont décidé d’avoir leur propre centre d’entraînement de très haut niveau. N’y a-t-il pas là une contradiction ?

Pour détecter les talents, le filtre fédéral est souvent pertinent, mais pas toujours, puisque Christophe Lemaître est passé au travers. Comment l’améliorer encore ?

Enfin, monsieur Braillard, il me semble que le sport ne doit pas être l’enjeu de polémiques politiciennes. Lors de l’échec de la candidature de Paris, il ne nous est pas venu à l’idée, dans les rangs de l’UMP, de mettre en cause M. Delanoë.

M. le président Patrick Bloche. Il me semble, sur ce dernier point, que vous convergez sur le fond puisque l’un et l’autre vous insistez sur la distance qu’il doit y avoir entre l’organisation de grandes manifestations sportives et les considérations politiques.

M. Michel Ménard. Je rejoins l’appréciation positive de bon nombre de collègues sur ces Jeux, qu’il s’agisse des résultats, de l’engagement des athlètes ou de la formidable organisation du pays hôte, qui a su faire face à l’affluence en évitant l’attente et les bousculades, ainsi que du club France qui a été un véritable lieu de rassemblement et de fête.

Les Jeux paralympiques ont été un formidable succès populaire. Pour la première fois, les stades étaient pleins. Pourtant, malgré des améliorations, les retransmissions ont été rares par rapport aux Jeux olympiques. S’agissant du club France, ne pourrait-il pas y avoir un projet commun à la Fédération paralympique et au CNOSF, pour que perdure cette ambiance sur toute la période des Jeux ? Et, monsieur Bilalian, peut-on attendre encore des progrès pour la retransmission des jeux paralympiques en 2016 ?

M. Xavier Breton. En vue d’une nouvelle candidature française, avez-vous, les uns et les autres, remarqué à Londres des équipements qui pourraient nous servir d’exemple, ou de contre-exemple ?

D’autre part, nos sportives ont eu de bons résultats en rapportant 15 de nos 34 médailles, alors qu’à Pékin elles n’en avaient gagné que 5 sur 41. Comment expliquer une telle performance et prolonger cette dynamique au sein des fédérations ?

Mme Brigitte Bourguignon. À quoi tient un bon bilan ? À une excellente couverture médiatique – de toutes les disciplines –, à des champions au comportement exemplaire, à des dérives évitées, notamment en termes de dopage, à des infrastructures qui ne sont pas vouées à disparaître ; enfin, à l’adhésion de toute la population. Un tel constat invite à nous interroger avant d’éventuelles candidatures de notre part.

La fermeture des Centres de ressources, d’expertise et de performances sportives (CREPS) a été nuisible au parcours de sportifs de haut niveau qui souhaitaient rester chez eux. La spécialisation des centres est une piste qui mérite aussi d’être explorée.

Le lobbying international est sans doute la clef de la réussite d’une future candidature. D’ailleurs, il y a désormais un conseiller technique auprès du Président de la République en la personne de Thierry Rey, qui vient du mouvement sportif. La présence de Tony Estanguet au CIO ne pourra, elle aussi, que renforcer notre influence.

Par son humilité, M. El Gueddari nous a beaucoup émus mais il ne doit pas hésiter à demander plus de retransmissions car, en la matière, les progrès peuvent aller beaucoup plus loin, d’autant que les images diffusées ont recueilli l’adhésion populaire.

J’avoue enfin avoir été heurtée par le port du voile, qui n’offre pas une image satisfaisante de la femme.

M. Patrick Hetzel. La commission des affaires culturelles s’occupe aussi d’éducation. Comment, messieurs les présidents, étoffer les liens avec l’enseignement scolaire pour capitaliser les succès de ces dernières années et diffuser les valeurs du sport auprès des jeunes ? Il existe déjà des partenariats avec l’éducation nationale, mais vous, monsieur El Gueddari, dont le parcours parle très concrètement aux jeunes, avez-vous d’autres idées ?

(Présidence de M. Michel Ménard, vice-président de la Commission.)

Mme Colette Langlade. Le Président de la République a manifesté le souhait de porter la candidature de Paris pour les Jeux de 2024. Quelle est votre position, monsieur Masseglia ?

Comme en politique, les femmes sont sous-représentées dans les instances sportives. Comment le CNOSF travaille-t-il à combler ce retard ?

Monsieur Masson et monsieur El Gueddari, le club France créé pour Londres a très bien fonctionné et reçu de nombreux financements. Pourquoi les Jeux paralympiques n’ont-ils pas bénéficié d’une structure équivalente ?

Monsieur Bilalian, les Jeux olympiques ont prouvé que les Français s’intéressaient à d’autres sports que le football, le rugby ou le tennis. Envisagez-vous d’ouvrir les chaînes publiques à d’autres disciplines, ou bien vous limiterez-vous à en retransmettre les demi-finales et les finales ?

Mme Annie Genevard. Je remercie nos invités de leur présence, et particulièrement Tony Estanguet qui s’implique pour représenter la France dans les instances olympiques internationales. Votre magnifique témoignage, monsieur El Gueddari, nous a beaucoup intéressés et je me réjouis de la reconnaissance du sport paralympique. Dans nos villes, nous accueillons d’ailleurs de plus en plus de telles manifestations.

Je souscris à la remarque sur l’absence de femmes dans les instances dirigeantes : il suffit de regarder la tribune aujourd'hui… Je partage aussi l’inquiétude exprimée par Mme Bourguignon à propos de la présence de sportives voilées.

Monsieur le président Masseglia, les régions ont souvent des compétences pour promouvoir le sport de haut niveau. Les liens noués avec elles à cet effet vous semblent-ils satisfaisants ? Vous avez aussi souligné l’engouement extraordinaire autour des Jeux olympiques. Dans ma ville, un groupe de jeunes gens s’est organisé au moins deux ans à l’avance pour financer son voyage. Mais l’argent réuni ne suffisait pas et il a fallu intervenir avec insistance pour obtenir in extremis quelques billets. Comment faciliter l’accès de cette manifestation aux jeunes gens ? C’est important de promouvoir auprès de la jeunesse toutes les valeurs que véhicule le sport.

M. Hervé Féron. Je voudrais moi aussi féliciter les athlètes français qui ont participé aux JO et particulièrement Tony Estanguet pour son nouveau titre olympique. Je salue aussi les performances de nos sportifs paralympiques, dont le courage est un exemple pour chacun : je souligne à cet égard la très belle 5ème place aux 50 mètres nage libre de M. Sami El Gueddari Je déplore aussi que le service public ait si peu diffusé les épreuves. Certes, les droits ont été cédés à TV8 Mont-Blanc, mais, malheureusement, beaucoup de Français n’ont pu en profiter. Le groupe France Télévisions compte-t-il faire mieux à l’occasion des Jeux paralympiques d’hiver en 2014 ?

Les primes et les médailles de nos athlètes sont prises en charge par l’État, mais le gouvernement de Nicolas Sarkozy, qui aime tant le sport mais l’oublie souvent, ne les avait apparemment pas inscrites dans la loi de finances pour 2012…

Après leur victoire, les athlètes sont des modèles pour les jeunes sportifs. Pourtant, certains d’entre eux monnayent fort cher leur venue dans de petits clubs locaux. Peut-être l’État pourra-t-il un jour financer la tournée des médaillés pour qu’ils popularisent leur discipline partout sur le territoire et transmettent les belles valeurs de l’olympisme, semant ainsi les graines des champions à venir, ce qui permettrait également d’éviter des dérives mercantiles ?

Avant-hier, j’ai rencontré à Alger Hassiba Boulmerka, médaillée d’or du 1 500 mètres à Barcelone, qui n’avait pas hésité à courir en short alors que son pays traversait une décennie particulièrement sombre. Je souligne que les États de Brunei, du Qatar et d’Arabie saoudite ont pour la première fois autorisé des femmes à participer aux Jeux même si je partage les remarques faites à propos du voile.

Enfin, je finirai en jetant un pavé dans la mare. En tant qu’élu lorrain, je ne peux m’empêcher de contester le choix du Comité olympique britannique d’avoir fait porter la flamme olympique à Lakshmi Mittal, le P-DG d’Arcelor-Mittal, parce qu’il a déboursé 18 millions pour la construction de la tour Orbit, alors que les sidérurgistes de Florange sont voués à un avenir de plus en plus incertain. Il y a là quelque chose de malsain, voire de provocateur.

M. Paul Salen. Ayant eu la chance de participer à trois soirées des Jeux, je peux témoigner de leur organisation magistrale, mais je rejoins ma collègue du groupe écologiste à propos du prix des places, tout à fait dissuasif.

Le bilan est flatteur pour la France, mais il ne doit pas masquer de profondes disparités. Deux disciplines seulement ont raflé 41 % des médailles, et même 55 % des médailles d’or ; certaines, comme l’escrime, l’équitation ou la voile, ont subi de sérieux échecs. La natation française a déjà vécu pareil trou noir à Atlanta, ce qui a été à l’origine d’une politique ambitieuse qui a abouti aux résultats de cette année. N’est-elle pas un exemple à suivre ?

En ce qui concerne les Jeux paralympiques, les résultats sont en déclin puisque, malgré les 45 médailles remportées cette année, nous sommes passés, au fil des olympiades, de la quatrième place à la seizième. En revanche, l’athlétisme représente près du tiers de la moisson, dont 4 médailles d’or, soit 50 % du total. Ce résultat ne traduit-il pas une polarisation autour de quelques disciplines ?

M. Masson et M. Masseglia ont souligné le manque de moyens, et le président du CNOSF a même dit que, faute de ressources supplémentaires, ce seraient les cadets et les juniors qui supporteraient les coupes budgétaires. A-t-on jamais récolté après avoir coupé les bourgeons ? Ne faudrait-il pas plutôt revoir notre politique en amont, dès la formation, pour obtenir des résultats dans les années à venir ?

Mme Sophie Dessus. Aujourd'hui, nous parlons du sport de haut niveau et de la fête populaire dont les Jeux ont été l’occasion. C’est très important, surtout en des temps difficiles. À cet égard, les retransmissions sont décisives pour nos territoires. Les sportifs de haut niveau font naître l’espoir chez tous nos jeunes, qu’ils vivent en zone rurale difficile ou en milieu urbain. Un jeune homme de ma commune, en Corrèze, qui, à la suite d’un accident, s’est retrouvé en fauteuil roulant, est revenu de Londres avec une médaille d’argent en tennis de table. Eh bien, il nous a tous tenus en haleine !

Nous avons aussi la chance de vivre près de la Vézère, sur laquelle s’entraîne une équipe de canoë devenue championne de France pour la troisième année et dont le héros est Tony Estanguet. Elle nous insuffle l’espoir et elle a organisé le championnat de France handisport de canoë. Je tiens à parler de ces retombées concrètes, pour ne pas les oublier quand nous parlerons budget et financements. Les champions ont un rôle très important, et les championnes aident aussi à promouvoir l’égalité entre hommes et femmes.

M. Jean-Philippe Mallé. Comme nombre de Français, j’aime vibrer aux exploits de nos sportifs et ces Jeux olympiques et paralympiques nous ont offert une formidable occasion de le faire. Le sport est un extraordinaire spectacle audiovisuel, selon le mot juste employé par Daniel Bilalian. Aussi draine-t-il beaucoup d’argent avec, dans son sillage, de nombreuses dérives, au sein du sport professionnel. Il me semble, monsieur Bilalian, que le journalisme sportif n’a pas encore trouvé le ton juste à la télévision. Trop souvent, l’investigation, le questionnement sont délaissés au profit de la mise en scène. Comment faire pour que le traitement du sport à la télévision trouve enfin, entre animation et journalisme, sa véritable voie ?

Mme Martine Martinel. Je salue nos athlètes tant pour leurs performances sportives que pour l’intelligence, le recul et la lucidité de leurs propos, qui sont très riches.

Monsieur Bilalian, si France Télévisions a tiré profit des Jeux olympiques en termes d’audience, tel n’a pas été le cas en termes de recettes publicitaires. Peut-être nous en direz-vous davantage à ce sujet ?

D’autre part, le CIO, sous la pression des pays du Golfe, Arabie saoudite et Iran en tête, a permis d’imposer un modèle de femme voilée dans les manifestations sportives alors que la Charte olympique, me semble-t-il, interdit tout signe ostentatoire d’appartenance religieuse. Faut-il y voir une stratégie commerciale ou politique ?

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je me contenterai de vous faire part d’une piste de réflexion. Certains collègues ont recommandé une relative « relocalisation » du sport, pour permettre aux athlètes d’évoluer dans leur environnement. Au vu du nombre de sportifs venus des DOM, notamment en athlétisme, ne serait-il pas judicieux d’étudier l’installation aux Antilles d’un grand centre sportif, du type INSEP, pour éviter à nos sportifs l’éloignement de leurs familles, et une acclimatation parfois difficile à Vincennes ?

M. Denis Masseglia. Premièrement, s’agissant de l’éthique et de l’intégrité du sport qui sont à la base de l’action de tout dirigeant sportif, il faut commencer par bien distinguer l’affaire des paris truqués – due à une certaine stupidité, osons le mot – et les jeux en ligne où opèrent des réseaux mafieux. Il y a 205 comités nationaux olympiques affiliés au CIO, mais 15 pays seulement se sont dotés d’une instance de surveillance des jeux en ligne. C’est dans les autres que sont faits les paris qui peuvent influencer des épreuves se déroulant en France ou en Europe. C’est pourquoi il faut se doter de règles internationales, prévoyant des sanctions en cas de manipulation. Il faut saluer les progrès accomplis en vingt ans en matière de dopage, et s’inspirer de l’AMA pour établir une coopération internationale. Mais il faut mesurer les difficultés. Le CIO a pris le problème en main, mais il a aussi le devoir de fédérer… Vouloir brûler les étapes peut faire perdre du temps. Je peux vous assurer que les paris en ligne préoccupent le président Rogge et les membres du CIO.

Toutefois, la volonté du mouvement sportif ne suffira pas ; il faut associer les États, les forces de police, Interpol… L’influence des réseaux mafieux constitue une véritable menace pour l’intégrité du sport. À côté, le reste ne représente pas grand-chose. Un incident de parcours ne doit pas faire oublier l’extraordinaire engagement du mouvement sportif au bénéfice de la jeunesse, et même du reste de la population. Le sport n’échappe pas aux maux de la société. Il y a, de temps en temps, des sportifs qui ne respectent pas les règles. Dans ce cas, il faut des sanctions pour que cela ne se reproduise pas.

D’autre part, le CIO et quelques fédérations internationales ont autorisé certains signes distinctifs parce qu’ils ont jugé préférable que des femmes participent, même voilées, plutôt que de rester à l’écart à cause de la culture de leur pays. Une position rigide aurait conduit à une non-participation, qui se serait traduite concrètement par une fermeture. Je n’exprime pas le point de vue du Comité français, j’explique celui du CIO.

Deuxièmement, la transversalité du sport : heureusement qu’il n’y a pas que le sport de haut niveau ! Je rêve que le sport ne soit plus considéré comme une charge. Après tout, le sport est excellent pour la santé de tous, pourvu qu’il soit adapté. Il est un formidable outil de cohésion sociale : dans un stade ou dans les vestiaires, tout le monde est à égalité. C’est en outre un moyen d’ascension sociale. Il contribue également au développement durable, et à l’éducation. C’est un de mes dadas d’ancien enseignant en physique, il faut combler le fossé entre l’école et le monde associatif. Il n’est pas normal que son rôle auprès des jeunes ne soit pas reconnu et qu’un club qui veut faire un peu de publicité en faveur des jeunes qui s’adonnent à la compétition ne trouve pas un relais naturel à l’école où, faut-il le rappeler, tous les enfants passent. Le monde sportif aussi participe à l’éducation.

Troisièmement, en ce qui concerne une éventuelle candidature française, Londres aura marqué une étape : il y aura un avant et un après. Dans leur film de présentation, les Britanniques avaient dit, par l’intermédiaire de Nelson Mandela, que les Jeux de Londres changeraient la façon de voir le sport au service de l’humanité. En le voyant, à Singapour, j’en avais eu la chair de poule et, à Londres, j’ai vérifié que ce message avait été traduit en actes. La ferveur du public témoignait de la volonté de se servir du sport pour améliorer la société. J’espère que cet enthousiasme dépassera les îles Britanniques.

Quand, après le vote sur la candidature d’Annecy, nous sommes revenus de Durban avec la gueule de bois, le conseil d’administration du CNOSF s’est réuni et a pris deux positions. D’abord, une candidature ne doit pas et ne peut pas ne pas s’appuyer sur un projet. Le plaisir d’organiser ne suffit pas et, au-delà même des équipements, il faut un projet sociétal. C’est ce que les Anglais nous ont montré et il faut s’en inspirer. Ensuite, il faut une action conjointe des trois acteurs impliqués, à savoir l’État, le territoire et le mouvement sportif. Il ne suffit pas d’une initiative prise par des élus qui mettent ensuite l’État et le monde sportif devant le fait accompli, sans leur laisser d’autre choix que de suivre. Enfin, on ne renonce pas en cours de route, même en cas de défection. Si l’on n’a pas arrêté en amont le financement et la gouvernance, et obtenu l’accord des trois parties, ce n’est pas la peine de se lancer.

Forts de notre expérience, nous avons demandé un rapport d’expertise qui ne peut être fait que par quelqu’un d’extérieur au système. Celui de la société Keneo qui devrait être remis fin octobre servira de base à notre réflexion. La suite dépendra des résultats des candidatures pour les Jeux de 2020, mais notre ambition olympique est intacte. Reste qu’il faudra être prudent et ne pas y aller la fleur au fusil.

Quatrièmement, comment améliorer le dispositif ? L’expérience m’a fait arriver à la conclusion qu’il n’y a pas de vérité absolue. La pensée unique n’est pas de mise en matière de sport. Au retour d’Atlanta, Francis Luyce, qui venait de prendre la tête de la fédération de natation, a hérité d’un système centralisé à Paris. Pour relever le niveau, il a d’abord limité l’accès à la haute performance : aux championnats du monde de 2001, il n’y avait que trois nageurs français. Il fallait montrer que l’objectif était difficile et que la participation se méritait. À Athènes, il y avait Laure Manaudou. Ensuite, une rupture s’est produite entre Pékin – une médaille d’or – et Londres – 4 médailles d’or – car on a misé sur un système décentralisé avec des entraîneurs de clubs qui ont des « écuries ». À Marseille, il y a une cinquantaine de nageurs, dont certains viennent des Pays-Bas, d’Espagne ou de pays du Maghreb, entre lesquels s’est instaurée une véritable émulation si bien que tout le monde est dans la piscine à cinq heures du matin. Nice suit le même schéma, comme Mulhouse ou Amiens. Et les entraîneurs de club conservent la responsabilité de leurs nageurs jusqu’à l’échéance finale. Le système a fait la preuve de son efficacité, mais l’INSEP, qui fonctionne sur une base centralisée, obtient aussi des résultats. L’athlétisme est organisé autrement encore. Renaud Lavillenie, qui a obtenu une médaille d’or, était entraîné par le titulaire d’un emploi précaire du conseil général du Puy-de-Dôme. Mahiedine Mekhissi est entraîné par un bénévole à Reims, comme Christophe Lemaître à Aix-les-Bains. Il est d’autres disciplines, comme le canoë où l’encadrement technique d’État donne d’excellents résultats. Conclusion : il n’y a pas de recette miracle. À chacun de trouver ce qui marche. Mais cela suppose une forme d’expertise extérieure qui s’appuie sur les expériences nationales et internationales et qui ne soit pas conduite uniquement par l’encadrement technique d’État.

Incidemment, je regrette que, sur les milliards du grand emprunt destinés à la recherche, aucun euro ne soit allé au sport. Or, c’est dans l’innovation et la recherche que se joue le futur de nos performances. Dans ce domaine aussi, les Anglais ont pas mal d’avance.

Concernant la place des femmes, Pékin constituait une régression exceptionnelle et je ne me l’explique pas. Londres marque le retour à la normale : les résultats sont à la hauteur de la capacité du sport féminin français.

Pour ce qui est de la présence des femmes dans les instances dirigeantes, il y a deux méthodes : des progrès à petits pas, au fur et à mesure que les sportives sont de plus en plus nombreuses et qu’elles ont envie de prendre des responsabilités. Si la commission des athlètes de haut niveau du CNOSF fonctionne comme elle fonctionne, elle le doit à une athlète, Isabelle Severino, qui s’est impliquée comme personne. Quand les femmes osent et prouvent qu’elles peuvent, elles peuvent faire école. Il y aura peut-être demain d’autres femmes présidentes de fédération, c’est même souhaitable, mais il faudra auparavant plus de présidentes de clubs, de comités régionaux ou de ligues… Quand les femmes auront, comme la plupart d’entre nous, gravi tous les échelons, elles y arriveront. Quant à accélérer le processus, les progrès ne sont pas évidents, mais la volonté y est.

M. Gérard Masson. En ce qui concerne la chronologie Jeux olympiques-Jeux paralympiques, sachez qu’il n’y a pas un pays au monde qui serait capable de les organiser simultanément, simplement à cause des installations : il faudrait deux stades olympiques et quatre piscines de cinquante mètres car les disciplines paralympiques cohabitent mal. Un malvoyant peut difficilement courir aux côtés d’une personne qui a été amputée d’une jambe. Quant aux quinze jours de délai entre les deux, ils tiennent à des raisons logistiques et biologiques. Il faut trois jours pour arranger les installations et les athlètes doivent avoir le temps de se remettre du décalage horaire. Douze heures de décalage nécessitent douze jours d’adaptation et certaines délégations ne peuvent pas arriver avant l’ouverture du village. Il n’y a pas moyen de réduire le délai. Réjouissons-nous plutôt d’avoir deux belles manifestations.

La Fédération française handisport et la Fédération française de sport adapté ont toujours eu la volonté de favoriser le sport pour tous. La Fédération française handisport gère 35 disciplines, dont 16 étaient présentes aux Jeux paralympiques. Le foot en fauteuil électrique est la discipline la plus importante en nombre d’équipes mais il ne figure pas aux Jeux paralympiques. Il s’adresse aux plus grands handicapés puisque les joueurs sont tous des myopathes. Nous ne l’abandonnerons pas pour avoir une médaille de plus. Et les ministres successifs n’ont jamais songé à tenir une comptabilité des médailles paralympiques parce que tous les handicaps ne sont pas représentés. Ainsi les sourds ne participent pas aux Jeux paralympiques mais on ne renoncera pas pour autant au budget qui leur est destiné. J’espère que cet état d’esprit subsistera.

Comment développer le handisport et faire faire du sport aux personnes handicapées ? Tout le monde s’accorde sur l’idée d’envoyer les enfants handicapés dans les écoles « normales ». Mais les quelque 200 000 élèves qui les fréquentent ne sont plus dans les écoles spécialisées qui constituaient autrefois notre pépinière, et ils sont pratiquement tous dispensés de sport… Pendant très longtemps, par facilité, j’ai accusé les ministres et l’éducation nationale, mais ce sont les parents qui dispensent les enfants de sport, à cause de notre conception du handicap et du système éducatif. Il ne viendrait à l’esprit de personne de dispenser sa progéniture de français ou de physique. Pour citer mon expérience personnelle, j’étais très jeune quand j’ai eu mon accident, et ma mère faisait tout pour qu’il ne m’arrive rien de plus grave.

En 1948, Guttmann a fait entrer le sport à l’hôpital parce que plusieurs pilotes de la Royal Air Force n’aspiraient à rien d’autre qu’à mettre la main sur un cachet qui les ferait disparaître. Le médecin leur a fait faire du sport, parce qu’il n’arrivait pas à les intéresser à la musique ou à la peinture. Il leur a ainsi fait découvrir quelque chose sur eux-mêmes et leur a rendu la joie de vivre. Il faut essayer de trouver des remèdes à la situation présente sans compter seulement sur l’éducation nationale ou sur France Télévisions. Nous devons faire un effort collectif pour aller chercher les enfants là où ils sont.

Bien sûr, il faut plus de moyens ; oui, plus de visibilité – merci, Daniel Bilalian ! –, pour changer le regard sur les personnes handicapées. En tout cas, des progrès ont été faits depuis Sydney, où j’avais croisé Marie-George Buffet dans un ascenseur. Et si je suis ici, c’est grâce à elle qui m’a secoué comme il fallait, et à Béatrice Hess qui a raflé 9 médailles d’or à Sydney. Nos résultats sont irréguliers, comme dans le reste du sport français… En tout cas, le développement passe par les fédérations qui accueillent les personnes en situation de handicap. Notre pays dispose des structures nécessaires, mais il faut que les mentalités changent et 2012 devrait marquer un tournant. Pour avancer, nous devons être tous partenaires et avoir plus de moyens financiers. Sur le terrain, nous avons besoin de plus en plus de professionnels. Aujourd'hui, le sport pour handicapés reste aux mains des amateurs et, pour avoir un club France aux Jeux paralympiques, il faudrait un budget comparable. Or, c’est le jour et la nuit avec les Jeux olympiques, mais peut-être une lueur point-elle à l’horizon ?

Monsieur Braillard, les championnats du monde d’athlétisme handisport vont avoir lieu à Lyon en 2013. Aidez-nous, et vous aussi Daniel Bilalian, en diffusant des images ! Si nous arrivions à faire connaître ces épreuves, ce serait une chance.

M. Sami El Gueddari. Si le paralympisme est devenu un sujet d’actualité, il le doit au film Intouchables, qui, en introduisant le handicap dans tous les foyers, a changé le regard qu’on portait sur lui.

Pour répondre à vos questions, je reviendrai sur mon parcours personnel. J’ai été intégré à 100 % et n’ai jamais été dispensé de sport. Mais je ne voulais pas entendre parler du handisport. Pourquoi ? Parce que les athlètes handisport veulent être traités comme les autres athlètes et je remercie France Télévisions d’avoir traité les Jeux paralympiques comme du sport. Nous avons du courage, certes, mais au même titre que les autres. Peu importe d’où me vient mon handicap. Channel 4 a fait un travail remarquable parce qu’elle a traité du sport et parlé de performance. Aux Jeux paralympiques, tous les athlètes ont surmonté leur handicap.

Que manque-t-il aujourd'hui ? Des explications sur les disciplines. Qui ici peut dire à quels handicaps sont ouvertes les épreuves de natation ? Comment sont déterminées les catégories ? Je suis amputé tibial, et ce n’est pas pareil que d’être dans un fauteuil roulant. L’émancipation consiste à être reconnu en tant que tel ; l’intégration nie les différences. Or elles existent, et la Fédération handisport est là pour les gérer au mieux et nous accompagner dans nos parcours. Nos entraîneurs tiennent compte de nos particularités comme ils le font naturellement entre les garçons et les filles ou même entre sportifs du même sexe. L’intégration dans le milieu scolaire ordinaire conduit à une méconnaissance du mouvement handisport, mais les médias vont nous aider à le mettre en lumière. Puisqu’il s’agit de concrétiser le sport pour tous, il faut savoir que c’est le sport de haut niveau qui donne envie. C’est en découvrant des sports comme le rugby fauteuil cette année qu’un jeune se dit, et ses parents ensuite : pourquoi pas ? Les Jeux paralympiques reposent sur un paradoxe puisque le handicap est une déficience physique et que les Jeux paralympiques, c’est la performance physique. Nous sommes sur la bonne voie.

Des moyens, oui, il en faudra car on se professionnalise à une vitesse que peu de gens ont perçue. Cela coûte à un athlète handisport de suivre une préparation de haut niveau. J’ai perdu plus d’argent à me préparer aux Jeux que je n’en gagnerai. Ce n’est pas la faute de Gérard Masson : il fait de son mieux, mais la Fédération handisport coiffe 35 sports différents, et les Jeux paralympiques reposent entièrement sur elle, ou presque – la Fédération du sport adapté joue un rôle marginal. Il n’y a qu’un seul budget alors qu’en face, il y a autant de budgets que de fédérations. L’INSEP peut devenir un atout pour le handisport, mais son coût actuel le rend inaccessible. Les CREPS, comme celui de Talence pour le basket, peuvent devenir un recours intéressant.

Mme Catherine Quéré. Mais ils ferment !

M. Sami El Gueddari. Il en reste, malgré tout. Je vous remercie d’avoir été attentifs et j’espère que l’éclairage médiatique ne s’éteindra pas pendant quatre ans.

M. Daniel Bilalian. J’ai appris beaucoup de choses aujourd’hui de Sami El Gueddari. Peut-être s’est-on trompé sur la manière de mettre en lumière les exploits des athlètes handicapés ? Je me demandais s’il ne fallait pas qu’ils s’intègrent parmi les valides, à l’instar de Pistorius. D’ailleurs, il y a deux ans, aux championnats du monde d’escrime à Paris, les assauts entre handicapés s’intercalaient entre les assauts entre valides. Aujourd'hui, un athlète handicapé plaide pour l’émancipation, c'est-à-dire pour un traitement distinct et différent. En même temps, attention à ne pas multiplier les compétitions au risque d’en faire baisser la valeur sportive. Il ne faudrait pas qu’elles deviennent des réunions amicales entre gens en difficulté. Ces remarques sont fort intéressantes et montrent qu’il ne suffit pas vouloir bien faire pour faire bien.

Par principe, France Télévisions n’en fait jamais assez et je ne reviendrai pas là-dessus. Vous me demandez de ne pas faire la course à l’audimat. Alors, je ne dois pas retransmettre les Jeux olympiques ? La prochaine fois, je diffuserai un concert à la place ! Je plaisante à moitié, mais ce reproche m’agace au plus haut point. Autant dire à la SNCF de ne pas desservir les grandes lignes qui transportent pourtant des millions de voyageurs. On connaît le sort des petites lignes : on les supprime !

Nous avons diffusé les Jeux paralympiques trois heures par jour en différé, en présentant des compétitions multiples. La difficulté pour nous, c’était d’être présents tout le temps. C’est pourquoi nous diffusions l’après-midi des finales, avec les explications adéquates, avec reprise le soir et rediffusion le matin sur France Ô. Par ailleurs, nous avons retransmis en direct les cérémonies d’ouverture et de clôture ainsi que la finale du cécifoot, qui opposait la France au Brésil. À Sotchi, nous ferons les efforts correspondant aux moyens que nous aurons. Le groupe France Télévisions n’est pas indifférent aux demandes d’économies qui lui sont faites.

En matière de sport, on parle des droits, jamais des coûts de production. Cet hiver, l’annulation au dernier moment d’un match du tournoi des Six nations nous a coûté 130 000 euros, indépendamment des droits. Les contrats passés avec les vendeurs comportent des clauses strictes sur le nombre de caméras, de loupes, de ralentis auxquelles il est impossible de déroger, si bien qu’entre retransmettre un événement en direct ou le diffuser en condensé, il y a quelques millions d’euros d’écart… France 4 aurait peut-être pu faire plus pour les Jeux paralympiques, mais il est question d’en faire une chaîne pour enfants. Un tel choix serait lourd de conséquences pour notre service des sports parce que cette chaîne diffuse 250 heures de sport par an, dont des disciplines en devenir telles que le football féminin. Quand on réunit 200 000 à 300 000 spectateurs sur la TNT, c’est un bon score, mais, avec une telle audience sur France 2 ou France 3, je ne resterais pas longtemps à mon poste. Sans le créneau de France 4, tout serait remis en cause, au détriment des sports en devenir. Outre que je devrais rompre les contrats qui me lient aux vendeurs. La TNT permet des expériences que les chaînes classiques ne permettent pas.

Oui, j’ai parlé d’animateurs, mais ils sont aussi journalistes, comme moi. Sans doute celui qui m’a fait cette remarque n’est-il pas un spectateur fidèle parce que l’émission qui a mis en relief le scandale du handball et des matchs truqués, c’est Stade 2, en diffusant dimanche dernier une enquête extrêmement fouillée. Et nous parlons de dopage quand nous retransmettons le Tour de France. Je me souviens d’une étape à Strasbourg, il y a deux ans, dont la plupart des favoris avaient été exclus. J’ai demandé à nos reporters de faire une émission consacrée au dopage en présence de Christian Prudhomme, le directeur du Tour. Quand il y a des problèmes, nous en parlons. Je suis avant tout journaliste, et ma conscience m’incite à parler des problèmes, même s’ils remettent en cause les contrats que j’ai signés.

Quant à la publicité, il est certain que, si nous avions pu compter sur elle après 20 h 30, les Jeux de Londres nous auraient peut-être rapporté de quoi combler notre déficit. Malheureusement, la décision s’imposait à nous. Alors que les Jeux d’Athènes nous avaient rapporté 13 millions d’euros de recettes publicitaires, avec des spots après 20 heures 30, nous avons tout de même perçu 9 millions d’euros de recettes publicitaires, grâce à Londres, parce que 40 millions de Français ont regardé les Jeux. Il y a également eu 20 millions de visites sur le site Internet de France Télévisions, ce qui n’est pas négligeable.

Par ailleurs, nous avons été taxés de « chauvinisme », terme que j’ai en horreur. Quand je regarde les athlètes français, je suis patriote, pas « chauvin ». Il faut bannir ce mot de notre vocabulaire. En anglais, il n’existe pas. D’ailleurs, la veille de l’ouverture des Jeux, nous avons passé un documentaire sur Usain Bolt qui, que je sache, n’est pas français, hélas pour nous !

À propos de la diversité, là encore, nous ne faisons pas assez, certes, mais le privé, lui, fait du football, du football et éventuellement du football. Et le reste, c’est toujours du football. Cette année, nous avons diffusé les Jeux olympiques ; au mois de novembre, nous ferons les championnats du monde de natation en petit bassin à Chartres, puis, en février, les championnats du monde de ski à Schladming. L’été prochain, nous couvrirons les championnats du monde d’athlétisme et de natation en grand bassin, plus le Tour de France. Mais vous devez comprendre que si France Télévisions ne diffuse pas les grands événements, les spectateurs ne regarderont pas les sports en devenir. Par exemple, un amateur de volley achètera L’Équipe pour suivre les résultats du volley, mais, s’il ne trouve pas ceux du football, il n’achètera pas le journal. De même, la SNCF ne peut pas se désintéresser des grandes lignes même si elle doit assurer les plus petites. Le groupe France Télévisions considère que, sans les événements principaux, il ne serait pas en mesure de mettre en valeur d’autres sports, ce qu’il est le seul à faire, même s’il ne fait pas de bons scores d’audience.

M. Michel Ménard, président. Je remercie nos cinq invités, pour leur disponibilité et la clarté de leurs réponses. Nous étions nombreux ce matin, ce qui prouve l’intérêt que nous portons aux questions sportives, même si certains d’entre nous ont dû s’absenter à cause d’autres obligations. Je ne doute pas qu’ils liront attentivement les réponses que vous avez apportées à leurs questions.

Si nous sommes si exigeants envers France Télévisions, monsieur Bilalian, c’est parce que nous aimons la télévision publique. Nous ne lui faisons pas de reproches, mais nous exprimons nos attentes nouvelles à son égard.

——fpfp——

Puis la Commission des affaires culturelles procède au dépouillement du vote, en application de l’article 13 de la Constitution, sur la nomination, envisagée par le Président de la République, de Mme Marie-Christine Saragosse en qualité de présidente de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Les résultats du scrutin sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Suffrages exprimés


Favorables


Défavorables

En conséquence, la Commission émet un avis favorable à la nomination de Mme Marie-Christine Saragosse.

La séance est levée à onze heures cinquante.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 3 octobre 2012 à 9 heures

Présents. – M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Thierry Braillard, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Yves Daniel, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, Mme Françoise Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Vincent Feltesse, M. Hervé Féron, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, Mme Claude Greff, M. Mathieu Hanotin, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Lucette Lousteau, M. Jean-Philippe Mallé, Mme Marion Maréchal-Le Pen, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, Mme Claudine Schmid, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, M. Ary Chalus, M. Christian Kert, Mme Sonia Lagarde, Mme Barbara Pompili, M. Rudy Salles, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, M. Jean Jacques Vlody

Assistait également à la réunion. – Mme Catherine Quéré