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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 14 novembre 2012

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 10

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, accompagnée de Mme Anne Durupty, directrice générale

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 14 novembre 2012

La séance est ouverte à onze heures.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, accompagnée de Mme Anne Durupty, directrice générale.

M. le président Patrick Bloche. J’ai le plaisir d’accueillir ce matin Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, qui est accompagnée de Mme Anne Durupty, directrice générale.

Madame la présidente, je dois d’abord vous remercier de votre présence parmi nous ce matin car je sais que vous avez bouleversé votre agenda. Mais nous souhaitions vraiment échanger avec vous sur la situation et les perspectives de la chaîne que vous présidez depuis maintenant dix-huit mois, dans le contexte de la discussion du budget pour 2013 qui permettra de financer vos ambitions.

Au-delà même des objectifs qui vous sont fixés par le contrat d’objectifs et de moyens (COM) que vous avez conclu avec l’État en décembre 2011 pour la période 2012-2016, nous sommes ravis de constater qu’ARTE tient son rang dans le paysage audiovisuel, non seulement en termes de créativité et d’innovation, mais aussi, ce qui est nouveau, en termes de performances d’audience grâce à des programmes à la fois exigeants et attractifs.

Cela nous rappelle que lorsque vous avez accédé à la présidence d’ARTE France, vous aviez bien insisté sur le fait que l’audience de la chaîne, en baisse tendancielle, n’était pas satisfaisante. Les redressements qui se sont opérés et que nous avons pu constater nous réjouissent profondément. D’ailleurs, vous avez coutume, madame la présidente, d’affirmer que l’audience doit être une récompense : en l’occurrence, vous êtes bien récompensée de votre programmation de la série « Ainsi soient-ils » ou du festival de cinéma que vous mettez à l’antenne ces jours-ci.

Je pense aussi à l’impulsion que vous avez donnée aux programmes transmédias et à la création d’un environnement très favorable à la création audiovisuelle sous toutes ses formes.

Eu égard à la nature binationale de la chaîne, comment envisagez-vous la célébration de l’anniversaire du Traité de l’Élysée en janvier prochain ? ARTE sera-t-elle au rendez-vous ?

Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France. Je me prête toujours avec plaisir à l’exercice des auditions par votre Commission, d’autant que, comme le COM a été signé il y a presqu’un an, le moment semble bien choisi pour en dresser un premier bilan.

Ce COM affichait deux priorités : la première était la relance éditoriale, dans un contexte de dégradation continue de l’image et de l’audience de la chaîne, en particulier depuis l’apparition de la télévision numérique terrestre (TNT). Nous nous sommes engagés à inverser cette tendance, tout en cultivant notre singularité de chaîne franco-allemande et européenne, de chaîne de la culture privilégiant les œuvres de création et de patrimoine.

Nous avons été surpris de la rapidité avec laquelle nous avons commencé à observer des résultats positifs : nous avons mis en place notre nouvelle grille de programmes à partir du mois de janvier 2012, dans le but de permettre au téléspectateur de s’y retrouver plus facilement et de mettre l’accent sur des programmes davantage tournés vers le présent. Pendant vingt ans, nous avons contribué à la construction d’une mémoire franco-allemande, nous tâchons désormais de nous tourner vers l’avenir.

Une étude d’image réalisée au premier trimestre de 2012 établit que les téléspectateurs ont perçu une inflexion vers plus de modernité et d’humour, ce qui faisait partie de notre objectif consistant à associer culture et plaisir.

Nous avons également commencé à percevoir un frémissement de l’audience ; si nous avons pu concevoir quelques inquiétudes cet été, du fait de la présence de programmes sportifs forts sur les chaînes concurrentes, nous avons finalement plutôt bien résisté. Nous avons connu une belle rentrée, conforme à nos souhaits, grâce à des programmes documentaires comme ceux consacrés à Nestlé et Goldmann Sachs ou celui, plus classique, sur l’Orient et l’Occident. Nous avons également récolté les fruits d’un important travail sur les programmes de fiction, et la série « Ainsi soient-ils » a reçu un accueil positif tant de la presse que du public : comportant huit épisodes de cinquante-deux minutes, elle a réuni 1,3 million de téléspectateurs.

Nous avons donc franchi une étape puisque notre part d’audience est passée de 1,5 % en 2011 à 1,8 % sur les dix premiers mois de l’année 2012, ce qui représente une hausse de 20 %. Nous devons ces résultats à notre nouvelle grille et nous sommes confortés dans la conviction que plus nous affirmons notre spécificité, plus les téléspectateurs nous suivent.

La deuxième priorité affichée dans le COM était le développement du numérique. J’ai toujours eu la conviction que les nouveaux supports de diffusion sont une chance pour ARTE, car ils rendent possible une meilleure exposition de ses programmes.

ARTE +7 est notre télévision de rattrapage ; efficace et simple, elle voit son audience croître de 60 % par an, alors même que l’ensemble de nos programmes y sont mis à disposition depuis longtemps déjà, ce qui témoigne que cette hausse n’est pas imputable à un simple développement de l’offre. Tous les sites d’ARTE connaissent d’ailleurs une croissance à deux chiffres.

On a même pu constater pour certains programmes comme le documentaire sur Goldmann Sachs un nombre de spectateurs sur ARTE +7 presque équivalent à celui constaté lors de la diffusion télévisée.

Mais nous conduisons également une réflexion plus globale avec l’ensemble de nos partenaires sur le développement d’une diffusion plus ambitieuse, sur les priorités programmatiques d’ARTE sur internet.

Nous souhaitons développer une « galaxie ARTE » afin que, dans le cadre de la télévision connectée, le téléspectateur puisse passer facilement de l’antenne linéaire classique à des programmes enrichis sur internet. Ceux qui ont déjà quitté le « menu obligatoire » de l’antenne classique ont ainsi la possibilité de découvrir ARTE.

Le cœur de cette « galaxie » est l’antenne, qui est notre vitrine essentielle. Nous développons également des services autour de l’antenne, avec par exemple ARTE +7 ou la personnalisation des programmes.

Nous développons en outre des plateformes thématiques, avec des programmes plus exhaustifs, comme ARTE Live web, sur le spectacle vivant, ou ARTE Creative, autour des arts numériques et des avant-gardes dans le domaine des arts plastiques, qui nous permettent d’atteindre une diffusion mondiale. Nous travaillons pour 2013 à une nouvelle plateforme autour de l’environnement et des sciences.

Nous menons un important travail avec nos partenaires pour qu’une unanimité émerge autour de ces projets au niveau du groupe ARTE.

Nous avons également mis de l’ordre dans notre organigramme, des réformes importantes ayant notamment été conduites à Strasbourg. Les équipes qui travaillent sur des thématiques ont ainsi été formées à le faire selon une approche classique, mais aussi pour internet. Nous pensons éviter de cette façon une segmentation et une concurrence malsaines entre les équipes. Il s’agit d’une stratégie fédératrice mais aussi d’une stratégie d’économie des crédits.

2013 sera par ailleurs une année importante, marquée par le cinquantième anniversaire du Traité de l’Élysée. Nous avons déjà accompagné les manifestations organisées dans le cadre des célébrations de cet anniversaire, notamment les cérémonies de Reims et de Ludwigsburg, les discours étant retransmis en direct et doublés sur notre site. Nous avons également eu une importante programmation cinématographique, rendant hommage à l’école de cinéma franco-allemande de Ludwigsburg.

Les célébrations organisées à Berlin au mois de janvier trouveront également une large place sur notre antenne, ainsi qu’une programmation sur la relation franco-allemande – y compris des documentaires sur les étapes délicates qui ont marqué la construction de l’Europe.

Nous organiserons également des événements de notre propre initiative, et nous avons commandé avec Radio France et la radio publique allemande une vaste enquête sur les relations franco-allemandes dont les résultats seront présentés en janvier. Un forum se tiendra en outre à Strasbourg début avril avec de nombreux partenaires, afin de dégager des perspectives d’utopie et des projets d’avenir pour l’Europe.

Le troisième chantier est celui de l’imaginaire. Si le champ de la mémoire a été bien « labouré », nous avons du mal à construire un imaginaire commun. Aussi les fictions allemandes ou françaises ont-elles peu de succès chez le pays partenaire qui ne l’a pas produite. Ce rapprochement doit avoir lieu, comme ce fut le cas pour les cinématographies allemandes et françaises qui s’ignoraient il y a vingt ans. Aujourd’hui, le plus grand partenaire de la France dans le domaine du cinéma, c’est l’Allemagne.

Cette ambition doit être réalisée au travers de ce genre majeur qu’est aujourd’hui la télévision, notamment par le biais des mini-séries. Nous essayons de convaincre, à cet effet, les structures administratives compétentes pour s’appuyer sur ce nouveau socle, qui permettra ainsi de faire avancer une construction européenne plus politique et plus culturelle.

J’évoquerai maintenant deux autres objectifs, en commençant par la consolidation de la relance éditoriale. Il faut maintenir la dynamique engagée en 2012, ce qui n’est pas facile dans un contexte budgétaire relativement contraint. Mais notre petite spécificité – ARTE étant une entreprise modeste, qui soutient fortement la création et notre patrimoine culturel – a été prise en compte de manière bienveillante par l’État. Je rappelle que nos programmes sont à 85 % européens et que nous diffusons 83 % de films d’art et d’essai, autant d’axes qui nous distinguent. La réduction des crédits qui vous est proposée n’est donc que de 0,3 %, soit 800 000 euros, cette baisse mineure de notre budget devant être comparée aux efforts demandés à France Télévisions.

Ce contexte budgétaire s’ajoute à une concurrence accrue. Ainsi D8 consacre d’importants moyens à l’achat de films, ce qui renchérit leur coût. Je pense aussi aux six nouvelles chaînes de la TNT qui seront lancées dans quinze jours, l’une d’entre elles se spécialisant dans le documentaire alors que ce genre représente 42 % de l’antenne d’ARTE.

Au vu de tous ces éléments, et même si, encore une fois, cette chaîne a été épargnée par rapport à d’autres acteurs, on ne peut donc s’empêcher d’éprouver une petite inquiétude, ce qui est normal lorsqu’on tient compte du fait que l’année qui se termine a été plutôt bonne grâce au travail de l’ensemble des équipes. C’est pourquoi, en ce qui concerne le financement du service public de l’audiovisuel, si des initiatives parlementaires permettaient d’assurer un meilleur rendement de la redevance, nous en serions ravis !

Le deuxième objectif, que j’ai déjà évoqué, est la poursuite du développement de notre axe numérique. Il nous faut être présents sur toutes les plateformes, de façon à pouvoir « récolter » de meilleures audiences, non seulement sur les antennes classiques, mais aussi sur les nouveaux supports de diffusion.

M. le président Patrick Bloche. Je donne la parole à notre rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel du projet de loi de finances pour 2013, Mme Martine Martinel.

Mme Martine Martinel. Cela fait bientôt deux ans que vous avez succédé à Gottfried Langenstein et Jérôme Clément à la tête d’ARTE France. Vous avez déjà réussi a imprimé votre marque, en maintenant l’image d’une chaîne franco-allemande de référence dans le domaine culturel tout en l’ouvrant sur l’Europe et le monde, avec un ancrage dans le présent. Vous avez aussi réussi à maintenir une haute exigence en termes qualitatifs, tout en mettant en œuvre une politique de relance éditoriale. Après une baisse fortement marquée de l’audience en première partie de soirée en 2008-2011, cette stratégie a commencé à porter ses fruits, puisqu’on constate, en France, une hausse de la part d’audience, sur la totalité de la journée, de l’ordre de 20 %. Ce succès s’explique par une meilleure lisibilité des programmes et leur plus grande attractivité.

Depuis le 1er janvier 2012, ARTE a su également renouveler sa grille de programmes pour élargir son public, tout en respectant les exigences du service public. Ainsi l’émission « 28 minutes » qui succède au journal propose ce que le service public peut offrir de meilleur en termes de décryptage de l’actualité. Il est vrai aussi que plus des deux tiers du budget sont consacrés aux programmes et que les trois quarts du budget consacrés à ceux-ci sont destinés à la production d’œuvres originales. Nous sommes, à cet égard, heureux du succès d’« Ainsi soient-ils », dont l’audience, le jeudi soir, dépasse celle de D8.

Enfin, vous menez une stratégie numérique ambitieuse.

Pour toutes ces raisons, m’exprimant à titre personnel, mais je pense que mon vœu sera partagé sur tous les bancs, je souhaite que les moyens nécessaires vous soient accordés afin de poursuivre, au cours des prochaines années, les objectifs fixés par le COM, d’autant que la gestion d’ARTE ne saurait être critiquée.

Pour finir, je vous poserai quelques questions. Vous avez parlé de votre inquiétude liée à l’arrivée de nouvelles chaînes dont les politiques d’achat renchérissent le coût des films et des documentaires. Quelles seraient, selon vous, les mesures qui permettraient d’endiguer cette hausse ? Comment pourriez-vous remédier au manque de lisibilité persistant qui semble affecter les programmes de journée ? Enfin, comment ARTE compte-t-elle continuer à aider et à promouvoir le cinéma et surtout le jeune cinéma ?

M. Marcel Rogemont. Avez-vous pu, lors de votre arrivée, exercer un « droit d’inventaire » ? D’une manière générale, quelles sont les faiblesses d’ARTE – notamment au niveau de ses structures et de la relation avec nos partenaires allemands, et aussi, bien sûr, ses forces ?

Ensuite, malgré la « bienveillance » de l’État que vous évoquiez, sur l’ensemble de la programmation pluriannuelle, la baisse des moyens prévue est de l’ordre de 9 millions d’euros, ce qui n’est pas « insensible ». Quels seront donc vos objectifs compte tenu de ce nouveau « plan d’affaires » ? Comment allez-vous consolider votre démarche éditoriale dans ce contexte et comment pourrions-nous, peut-être, vous aider ?

S’agissant de la galaxie numérique, quels sont vos objectifs non pas en termes de pourcentage d’augmentation de la fréquentation – cette approche-là ne permet pas de tout mettre en évidence – mais de valeur ajoutée ?

Par ailleurs, j’observe que la contribution au groupement européen d’intérêt économique (GEIE) progresse fortement d’une année sur l’autre. Qu’est-ce qui justifie cette hausse, de l’ordre de 5 à 6 millions d’euros, ce qui n’est pas neutre, surtout si les crédits consacrés aux programmes doivent diminuer de 9 millions d’euros à terme ?

En conclusion, je tiens à vous dire que le groupe SRC est attentif au devenir d’ARTE et tout à fait conscient des efforts fournis et qui restent à réaliser.

M. François de Mazières. En termes d’audience, on peut évidemment applaudir le succès de la chaîne, qui après sept années de baisse a inversé la tendance, en enregistrant, en 2012, une hausse de sa part d’audience de 13 %, passant de 1,5 à 1,7 %. 75 millions d’Européens regardent en outre, chaque mois, cette chaîne, ce qui est un chiffre important. ARTE a ainsi conforté sa place, originale dans le paysage audiovisuel français, de chaîne binationale, ouverte sur le monde et privilégiant la qualité de ses programmes. Il faut saluer aussi l’attention plus grande portée à l’actualité, les prises de risque, comme la série « Ainsi soient-ils », et un web documentaire ambitieux « Alma, une enfant de la violence ». Bref, on peut se demander s’il y un modèle ARTE, notamment au regard des difficultés que connaissent d’autres antennes publiques. Comment expliquez-vous votre succès ? Par ailleurs, comment voyez-vous la télévision de demain ? Enfin, est-ce que le mélange des cultures qui fonde votre identité est un atout supplémentaire ?

En ce qui concerne le budget, ARTE devrait bénéficier en 2013 d’une dotation de 268 millions d’euros, soit 0,8 million de moins par rapport à la loi de finances initiale pour 2012. Vos ressources sont donc effectivement assez sanctuarisées, par rapport aux autres acteurs de l’audiovisuel public.

Je noterai toutefois deux écarts par rapport au COM, sur lesquels je souhaiterais obtenir des éclaircissements : d’une part, la part des dépenses de personnel dans vos dépenses, passée de 7,4 % à 8,1 % entre 2010 et 2011, contre une cible de 7,7 % ; d’autre part, la part des frais de structure, égale à 2,4 % contre une cible de 2,85 % dans le COM.

Pourriez-vous également évoquer vos accords avec la partie allemande dans le domaine budgétaire ? Quelles sont d’ailleurs ses intentions en la matière ? Y aura-t-il une évolution parallèle de l’engagement de nos partenaires, avec une volonté, de leur part, de sanctuariser les moyens alloués ? Le double financement vous a-t-il d’ailleurs permis de préserver votre budget ?

Enfin, le programme prévu pour la célébration du cinquantième anniversaire du Traité de l’Élysée est alléchant. Cela m’incite à vous demander si, en ces temps de crise, une chaîne comme ARTE peut jouer un rôle majeur vis-à-vis de l’opinion publique et quelles seraient vos intentions en la matière. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus sur vos ambitions en matière de prospective.

Mme Barbara Pompili. Je souhaite vous féliciter du tournant que vous avez su impulser au sein d’ARTE. La stratégie pluriannuelle de la chaîne déclinée dans le COM va dans le bon sens. ARTE s’impose ainsi comme média de référence pour la création et la culture européennes. La relance éditoriale et le renouvellement de la grille des programmes ont contribué à l’augmentation d’audience de la chaîne et à l’amélioration de son image.

Je tiens aussi à vous féliciter pour vos nouveaux programmes qui font écho à des enjeux de société – je pense aux documentaires de Marie-Monique Robin sur les effets de l’industrie agro-alimentaire, dont le dernier « Les moissons du futur » était très attendu, aux documentaires qui ont montré, sans crainte, la réalité de la City et de Wall Street ou au film récemment diffusé sur l’euthanasie.

Les écologistes vous félicitent pour ces choix qui répondent à des attentes de la société et permettent, dans bien des cas, d’ouvrir le débat.

Nous sommes également attentifs aux programmes dédiés à la culture et à l’art. Je salue donc l’ouverture de la chaîne sur la culture et la promotion du vivre ensemble, l’audiovisuel public devant proposer autre chose que l’uniformisation à laquelle nous assistons.

Mais pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre politique de production d’œuvres originales – vous avez d’ailleurs cité à ce propos la série « Ainsi soient-ils » ?

Je souhaite aussi féliciter ARTE pour sa volonté de promouvoir la culture européenne. Si ARTE est indissociable de la volonté politique de conforter l’amitié franco-allemande, le message qu’elle véhicule revêt une importance particulière à l’heure où la construction et la solidarité européennes sont essentielles pour sortir de la crise économique. La construction d’une Europe politique doit en effet s’appuyer sur une culture commune. Pourriez-vous à cet égard nous préciser ce qui est fait pour favoriser l’apprentissage des langues étrangères, la diffusion en version originale sous-titrée étant une piste intéressante à développer, y compris dans les émissions destinées aux jeunes ? Quelle est d’ailleurs votre politique éditoriale à l’égard de ce public ?

Concernant le budget, nous constatons nous aussi que la diminution des crédits s’apparente, en cette période de crise, à une sanctuarisation. Nous entendons cependant vos inquiétudes et vous avez notre soutien. Nous serons néanmoins vigilants afin que les dépenses de gestion n’augmentent pas, mais vos propos, notamment sur le travail engagé avec les équipes, sont encourageants.

Enfin, je souhaiterais vous interroger sur trois points. Quels sont les dispositifs mis en œuvre pour l’accessibilité des programmes aux personnes porteuses de handicap, notamment les sourds, les malentendants, les aveugles et les malvoyants ? S’agissant des minorités – je pense aux Roms, aux gens du voyage, aux homosexuels, aux différentes religions –, quels sont les programmes spécifiques mis en œuvre pour promouvoir la tolérance et l’acceptation de l’autre – car la société est diverse et la télévision se doit de refléter cette divrsité ? Enfin, nous souhaiterions avoir plus d’informations sur la politique numérique de la chaîne en 2013, notamment sur son calendrier de mise en œuvre.

M. Thierry Braillard. À mon tour, je vous adresse mes félicitations pour avoir redressé rapidement des audiences qui, depuis 2008, avaient connu une évolution assez inquiétante. J’ai été surpris de constater que les Français regardent plus ARTE que les Allemands, et ce depuis de nombreuses années. Comment cela s’explique-t-il ? ARTE journal semble être un succès. Quel bilan tirez-vous de son lancement ? Par ailleurs, quelles relations entretenez-vous avec France Télévisions ? Enfin, n’y aurait-il pas des perspectives de régionalisation, à travers par exemple des coproductions avec les régions ?

M. Hervé Féron. Sous votre présidence, la chaîne s’est progressivement réorientée dans un souci de consolidation de son audience et de fidélisation de ses publics, aux attentes variées. Usage des pesticides, euthanasie, monde de la finance sont autant de sujets de société traduits dans des documentaires et des fictions propres. Les trois quarts du budget de programmes doivent être destinés à la production d’œuvres originales selon le COM 2012-2016. Tout cela contribue à rendre ARTE moins docte, plus accessible, mais en même temps plus européenne et surtout plus en prise avec son environnement sociopolitique. Le résultat est positif : 75 millions de téléspectateurs regardent ARTE chaque mois en France, en Allemagne, en Belgique, en Suisse et en Autriche. La part d’audience en France est en hausse. Quelles sont les actions envisagées pour renforcer encore les liens d’ARTE avec ses publics et poursuivre l’élargissement de l’audience ? Comptez-vous modifier à nouveau la ligne éditoriale pour répondre à cet impératif, sans altérer bien sûr l’identité forte de la chaîne ?

En 2012, plus des deux tiers du budget de la chaîne sont consacrés aux dépenses de programmes. En 2013, cette part tombera à 55,3 % du fait de la baisse de la dotation publique. Force est de constater que la structure des coûts d’ARTE est peu modulable : toute diminution de ressources par rapport aux prévisions du COM affecte donc le budget des programmes, ce qui peut mettre en péril le plan de relance éditoriale. Aussi souhaiterais-je connaître vos attentes en termes de financements, pour que les moyens alloués soient à la hauteur des ambitions d’ARTE et qu’on n’hypothèque pas un plan de relance qui fait ses preuves.

La tendance à la hausse des ressources propres vous semble-t-elle de nature à se pérenniser ? Quelle place accordez-vous aux ressources propres dans la mise en place de votre stratégie de redressement d’ARTE et quelles sont vos attentes en termes d’évolution des ressources de la chaîne pour pérenniser le programme d’excellence que vous avez lancé, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons ?

Par ailleurs, les dépenses de gestion ont connu en 2011 quelques soubresauts par rapport aux cibles fixées par le COM. La part des dépenses de personnel dans les dépenses s’est élevée à 8,1 % contre 7,4 % en 2010, pour une cible de 7,7 %. La part des frais de structure dans les ressources a atteint 2,4 %, contre une cible de 2,85 %. Je souhaiterais connaître l’évolution de ces ratios qui, sans être alarmants, avaient attiré notre attention.

Vous souhaitez faire converger les compétences entre l’antenne et les nouveaux médias, développer la coordination au niveau du groupe pour allier efficacité et baisse des charges. Où en êtes-vous dans cette démarche, et quelle est votre évaluation des charges du groupe pour les années à venir ?

Enfin, en tant qu’élu lorrain, j’aimerais souligner la place toute particulière qu’occupe ARTE dans le paysage audiovisuel français pour les Lorrains. La chaîne leur offre en effet la possibilité de découvrir le pays situé juste à côté de chez eux : l’Allemagne. Je fais remarquer ici que France 3 a supprimé un certain nombre d’émissions locales, dont le magazine transfrontalier « Entre voisins », qui permettait chaque semaine de découvrir la culture et la société allemandes, et ce au profit d’émissions et de jeux produits par des sociétés de production privées.

Mme Annie Genevard. Je voudrais vous féliciter pour la rapidité et le talent avec lesquels vous avez mis en œuvre les ambitions du COM, signé il y a moins d’un an. On attend beaucoup d’ARTE dans un contexte marqué par la crise et l’opposition des modèles économiques français et allemands, opposition qui pourrait susciter quelque animosité et que la chaîne franco-allemande peut contribuer à réduire. La dotation publique allouée à ARTE est certes plus ou moins maintenue par rapport à la loi de finances pour 2012 mais elle est en retrait de près de 5 %, soit 13,5 millions d’euros, par rapport à la trajectoire du COM. Cette diminution ne risque-t-elle pas d’affecter la stratégie de développement et de modernisation d’ARTE et sa politique en matière de création ? Je rappelle à cet égard que le COM avait fait de la promotion de nouveaux auteurs et de nouvelles formes d’écritures audiovisuelles un axe important.

M. Stéphane Travert. Si l’audience est une récompense, la programmation d’ARTE en est également une pour les téléspectateurs que nous sommes. Votre chaîne fait référence en matière d’innovation et de diversité et constitue un élément très important de l’axe franco-allemand, lequel pilote la construction européenne. Vous menez une mission d’information sur l’Europe absolument capitale et néanmoins abandonnée en rase campagne par tant d’autres acteurs. J’en veux pour preuve que seule France 3 possède aujourd’hui des bureaux à Bruxelles et en Allemagne. Quelle sera votre ambition et les moyens dont vous disposerez pour rapprocher l’Europe de nos concitoyens qui s’en sentent aujourd’hui éloignés ? Pour ma part, je souhaite que vos moyens pour accomplir cette mission en faveur de la construction européenne soient préservés.

Mme Claudine Schmid. Votre chaîne promeut grandement l’image de la France et de l’Allemagne dans d’autres pays et nous ne pouvons que nous en féliciter. Pour le choix et la diffusion de films récents, avez-vous des contraintes, autres que l’augmentation du coût de ces programmes cinématographiques ? Quelles actions menez-vous pour favoriser la diffusion de la chaîne dans d’autres pays, ce qui permettrait de promouvoir encore davantage les cultures française et allemande ? Je constate par exemple qu’ARTE n’est pas diffusée en Suisse alémanique.

M. Vincent Feltesse. On ne peut certes pas tout demander à l’objet culturel singulier qu’est ARTE mais on ne peut ignorer qu’au cours des vingt années d’existence de la chaîne, l’enseignement de l’allemand a beaucoup diminué dans notre pays, que le pessimisme de nos concitoyens vis-à-vis de l’Europe est profondément ancré et que l’irritabilité des Français par rapport à l’Allemagne sur les questions économiques va croissante. Comment percevez-vous cette évolution ? ARTE ne s’adresse-t-elle pas à un public restreint de personnes déjà convaincues ? Par ailleurs, que représente le numérique à vos yeux : la télévision qui demeure dans notre salon mais qui risque de disparaître au profit de l’ordinateur, les smartphones ?

M. Patrick Hetzel. Vous avez lancé un vaste chantier sur le numérique. Comment s’articulent et interagissent la chaîne, qui demeure le socle d’ARTE, et les développements numériques ? Vous avez par ailleurs proposé à l’Espagne et à l’Italie de développer des « bébés ARTE » sur la toile. Où en sont ces projets ?

M. William Dumas. ARTE est une belle aventure qui dure depuis vingt ans. La démocratisation de la culture me paraît absolument fondamentale en période de crise. Ainsi, quelles actions avez-vous entreprises depuis votre arrivée pour élargir votre public ? Quels objectifs souhaitez-vous atteindre à travers votre politique de développement sur le numérique ? La « galaxie ARTE » vise notamment à capter les jeunes qui ont largement déserté la télévision traditionnelle. Quels objectifs pensez-vous atteindre ? ARTE a certes une vocation culturelle européenne puisque 85 % des programmes diffusés sur la chaîne sont européens mais ne vous semble-t-il pas opportun d’ouvrir un peu votre chaîne à des programmes libres et indépendants d’autres pays en particulier d’Afrique du nord, du Moyen-Orient, d’Afrique centrale ?

Mme Virginie Duby-Muller. Vous avez déclaré qu’ARTE pouvait être un vecteur important de transformation de l’Europe par la culture. Cependant, à ce jour, la chaîne demeure élitiste. Pourriez-vous faire le point sur la parité budgétaire avec l’Allemagne ?

M. Claude Sturni. S’agissant du développement de programmes spécifiques pour la galaxie ARTE, identifiez-vous des faiblesses des créateurs de contenus français par rapport aux créateurs allemands, notamment en matière de web documentaires ?

Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France. Merci à tous de l’intérêt que vous portez à notre chaîne. Vos remarques et questions illustrent parfaitement, si besoin était, l’utilité de nos échanges.

Pour ce qui concerne les aspects relatifs à la relation franco-allemande, je précise à titre liminaire que je n’avais pas jugé opportun de présenter ma candidature à mon poste car je ne parle pas l’allemand. J’ai donc abordé, une fois nommée, cette relation constitutive d’ARTE avec beaucoup de modestie et de curiosité. À l’usage, je me suis aperçue que si le fait de ne pas parler l’allemand pouvait s’avérait problématique dans les cocktails, il n’en était rien dans les relations professionnelles.

De fait, j’ai désormais la conviction qu’on ne peut construire l’Europe sans une relation franco-allemande solide. Et de ce point de vue, les Français et les Allemands éprouvent beaucoup de curiosité réciproque les uns à l’égard des autres. Certes, les Allemands qui regardent ARTE sont certainement les plus francophones et francophiles mais, dans l’ensemble, il existe un réel désir de rapprochement et une forte curiosité à l’endroit des Français. Cela vaut tout autant pour les Français à l’égard de l’Allemagne, nos concitoyens éprouvant un mélange de curiosité et d’inquiétude à l’égard de ce grand voisin.

Ce contexte impacte nécessairement le travail de la rédaction franco-allemande, composée à parité de journalistes allemands et de journalistes français, qui élabore quotidiennement à Strasbourg les titres du journal. Faut-il mettre plutôt en évidence nos différences ou nos similitudes, et dans quelles proportions ? Ce travail nécessite donc du temps. Ceux qui le réalisent sont animés par une grande passion et un réel désir de contribuer à rapprocher nos deux peuples, même si l’écho de la chaîne reste limité – en Allemagne, ARTE a plus de mal à percer du fait de la présence, lors de sa création, de quelque cinquante chaînes de télévision, ce qui explique que sa part d’audience avoisine seulement les 1 % contre un peu moins de 2 % en France.

À Strasbourg, la rédaction franco-allemande doit donc creuser les dossiers pour voir et comprendre pourquoi l’on est d’accord ou pas sur le fond. Une fois cette étape préliminaire franchie, les choses avancent plus vite car la confiance s’est créée. À cet égard, le processus diffère des pratiques ayant généralement cours en France, où la prise de décision est certes plus rapide mais où des difficultés de mise en œuvre peuvent parfois éclore. Là, le travail est plus long en amont et plus rapide en aval. C’est, me semble-t-il, l’une des expériences les plus passionnantes qu’il m’ait été donné de vivre dans mes nouvelles fonctions.

Tout ceci m’a convaincu davantage encore que par le passé que la construction européenne passe par la relation franco-allemande et que les rapprochements doivent reposer sur la culture et les avancées politiques, la dimension économique ne pouvant à elle seule suffire. D’ailleurs, dans la conjoncture actuelle, envisager aujourd’hui la relation franco-allemande à travers le seul prisme de la crise serait à mon sens réducteur et dangereux. L’aspect culturel compte énormément car, sans la culture, il n’y aurait pas de véritable Europe, et il justifie la tenue d’événements comme le forum organisé avec le quotidien Libération en avril prochain à Strasbourg.

La culture est le ciment des équipes françaises et allemandes d’ARTE. Jean Monnet ne disait-il pas : « Si c’était à refaire, je commencerais par la culture » ? Il est évident que sans la culture, on ne peut parler d’une véritable Europe.

S’agissant du journal d’ARTE, il importe de souligner que celui-ci a mis beaucoup de temps à s’installer dans le paysage audiovisuel. Du temps s’est avéré nécessaire pour décaler d’une demi-heure son horaire de diffusion dans l’un des pays par rapport à l’autre, de manière à prendre en considération les spécificités liées aux prime times. Il reste que depuis lors, l’audience a été multipliée par deux en France et qu’elle progresse en Allemagne. Ces résultats sont réjouissants et démontrent qu’il nous faut nous adapter aux pays tels qu’ils sont pour pouvoir atteindre nos publics ; dès lors que les Français et les Allemands rentrent du travail à des horaires décalés, il est évident que la chaîne doit prendre ce paramètre en compte.

Une réflexion est en cours avec TV5 pour permettre la diffusion de notre journal sur son antenne. Maintenant qu’il est bien structuré et défini, ce journal doit avoir une diffusion bien plus large qu’aujourd’hui. Il s’agirait là d’un des premiers actes fondateurs de la culture franco-allemande que nous voulons construire.

Pour ce qui a trait au développement des langues, il me semble que le meilleur support réside dans la diffusion en version originale accompagnée de sous-titrages : les Français y sont ouverts, tandis que les Allemands sont plus habitués au doublage. La langue est la colonne vertébrale de toute culture et cet aspect doit donc faire l’objet d’une attention particulière. À cet égard, nous caressons l’idée de nous appuyer, dans les émissions d’ARTE junior, sur des programmes jeunesse en version originale sous-titrée. Les Allemands demeurent toutefois réticents, se montrant plus sensibles à la musique qu’à leur propre langue, il faut le reconnaître. Nous ne désespérons pas, néanmoins, de parvenir à avancer sur ce sujet.

Sur la régionalisation, ou plus exactement sur l’européanisation d’ARTE, il s’agit effectivement d’un axe sur lequel nous devons faire porter nos efforts. Je regarderai de près ce que vous m’avez signalé au sujet d’éventuelles difficultés de réception en Suisse alémanique, lesquelles m’étonnent. Personnellement, je n’avais pas d’écho similaire, ARTE étant à ma connaissance bien reçue en Allemagne, en France mais aussi en Belgique, en Autriche, aux Pays-Bas et… en Suisse. Cela représente au passage une partie importante de l’Europe, mais il y a des pays dans lesquels nous aimerions étendre l’écho de la chaîne.

À cet égard, la mise en place de « bébés ARTE » en Espagne et en Italie sera envisageable grâce au numérique. Elle ne peut néanmoins se concrétiser qu’une fois que les services publics audiovisuels de ces pays se seront consolidés.

D’ores et déjà, grâce à internet et à nos plates-formes thématiques, nous pourrions nous associer à la RAI pour produire ensemble des programmes alimentant une ARTE Italia qui serait différente d’ARTE tout en prenant en compte les spécificités de l’Italie. Ce procédé, reproductible dans d’autres pays, permettrait de respecter la richesse et la diversité culturelles européennes. Ce faisant, plusieurs « bébés ARTE » pourraient voir le jour dans les principaux pays européens grâce au support d’internet. Nous avons l’espoir de débuter avec la RAI.

Ces développements nous semblent plus prioritaires que l’idée, caressée en son temps, d’ouvrir la gouvernance d’ARTE à d’autres nations. Je ne vous cache pas qu’il est déjà compliqué de travailler à cheval sur deux pays, de faire fonctionner des structures de gouvernance binationales ; en outre, l’axe franco-allemand étant essentiel, il me semble inenvisageable de remettre en cause l’organisation actuelle. En revanche, dans le cadre de la gouvernance actuelle, mettre sur pied des « bébés ARTE » représentant la diversité culturelle européenne, est un rêve que j’espère pouvoir mettre en œuvre rapidement, à commencer par l’Italie.

Pour ce qui concerne France Télévisions, je laisserai à Anne Durupty le soin de vous répondre. Je vous indique cependant que j’ai adressé un courrier, il y a plus d’un an, à Rémy Pfimlin afin de voir ce que nous pourrions mettre en place ensemble, car je suis convaincue que des passerelles doivent exister au sein du service public audiovisuel. D’ores et déjà, ARTE nourrit une excellente coopération avec Radio France, qui nous conduit à couvrir en commun – avec l’équivalent allemand de Radio France – des événements tels que les interviews du Président de la République française et de la Chancelière fédérale. Cette excellente coopération est appelée à s’intensifier dans le cadre de l’année franco-allemande en 2013.

Le président de France Télévisions est membre du conseil de surveillance d’ARTE France et vice-président de l’assemblée générale du GEIE franco-allemand à Strasbourg. Nous entretenons donc, par essence, des relations structurées et fortes, non seulement amicales mais également professionnelles.

Ceci étant, dans ses programmes, ARTE présente des spécificités éditoriales importantes par rapport à France Télévisions ; c’est d’ailleurs un atout que notre chaîne ait sa propre ligne éditoriale et sa liberté, qui lui permettent de produire des programmes différents, comme « Ainsi soient-ils », dont nos chaînes nationales ne sont pas coutumières. Nous diffusons 40 % de programmes allemands et 20 % de programmes élaborés à Strasbourg, par définition difficiles à rediffuser sur des chaînes généralistes. Nous avons malgré tout noué des coopérations dans certains domaines, comme le développement d’internet ou les documentaires, même si des améliorations sont sans doute possibles. Pour le reste, si ARTE se singularise par la diffusion de la musique et d’opéras, nous ne pouvons envisager de diffuser du théâtre en langue française, ce qui est davantage la mission de France Télévisions. Quant aux fictions et séries, très identifiantes pour les chaînes, il apparaît difficile de prévoir leur diffusion d’une chaîne à l’autre.

J’en viens, pour conclure, à ce qui constitue la principale faiblesse d’ARTE, à savoir les programmes de journée. La situation s’explique par des raisons historiques, ARTE n’ayant disposé que d’un canal en soirée pendant quinze ans, le basculement sur la télévision numérique terrestre a conduit à privilégier dans un premier temps la rediffusion en journée des programmes du soir. Vous conviendrez que cet héritage a conduit à une situation non optimale. Il faut naturellement diminuer progressivement la part de ces rediffusions. Nous avons commencé à le faire en 2012 – en atteste, à cet égard, le programme « 28 minutes » – ; toutefois, en raison du contexte budgétaire que je vous ai décrit, la poursuite du mouvement sera sans doute difficile en 2013.

M. Marcel Rogemont. Je rappelle la question que j’avais posée sur la diminution de 9 millions d’euros du budget de programmes parallèlement à l’accroissement de 8 millions d’euros de la contribution au GEIE.

Mme Anne Durupty, directrice générale d’ARTE France. Je veux, à cet égard, préciser les éléments de nature budgétaire, que vous êtes nombreux à avoir abordé. ARTE est relativement préservée, mais en même temps, sa ressource publique diminue légèrement en 2013 et doit diminuer encore dans les deux prochaines années selon la trajectoire triannuelle qui nous a été communiquée. C’est évidemment une vraie préoccupation, en particulier si nous voulons continuer à développer l’offre de journée, laquelle était l’un des éléments essentiels de la relance éditoriale qui a beaucoup de succès. Notre nouveau dimanche après-midi, qui est entièrement consacré à la culture, avec des spectacles et des documentaires progresse au fil du temps. Notre ambition de développer des programmes inédits les après-midis de la semaine sera évidemment freinée par cette contrainte budgétaire.

Comme vous le savez, les chiffres du produit attendu de redevance ont été annoncés particulièrement tard cette année. Par conséquent, le budget qui figure dans le projet de loi de finances n’a pas été travaillé en tant que projet de budget pour 2013. Il se fonde sur la trajectoire qui avait été bâtie pour le COM et le niveau de redevance qui nous a été annoncé, ce qui aboutit mécaniquement, en gardant la même structure de dépenses, à une baisse d’environ 8 millions d’euros du budget de programmes. En ce qui concerne la contribution au GEIE, la hausse résulte en grande partie d’un transfert de la charge liée au paiement des sociétés d’auteurs d’ARTE France vers ARTE GEIE. En effet, le GEIE est en train de conclure et devrait pouvoir signer avant la fin de l’année un nouveau contrat avec les sociétés d’auteurs pour prendre à sa charge les frais d’auteurs tant en France qu’en Allemagne. Le précédent contrat ne prenait pas en compte la diffusion sur la totalité de la journée. Un peu plus de 3 millions d’euros sont transférés d’ARTE France vers ARTE GEIE. Par ailleurs, sur la durée du COM, l’augmentation des ressources du GEIE se situe entre 1,5 % et 2 % par an et a été validée par les deux parties, française et allemande ; les deux partenaires se sont engagés, pour quatre ans en Allemagne et cinq ans en France – soit la durée du COM. C’est une augmentation modeste et tout à fait normale.

Comment réagir face à cette baisse du budget de programmes de 8 millions d’euros qui, à notre avis, n’est pas tenable parce qu’elle handicapera trop la relance éditoriale ? Nous préparons le budget en recherchant tous les moyens possibles de la limiter ; nous sommes en même temps conscients que la structure des coûts est très contrainte, comme vous l’avez souligné.

En premier lieu, nous envisageons de transférer certaines charges d’ARTE France vers ARTE GEIE. Dans le cadre du développement numérique tel que vous l’a présenté Véronique Cayla, ARTE GEIE va prendre en charge bien plus que par le passé la diffusion sur internet et l’édition des plates-formes numériques qui avaient été lancées par ARTE France. Il est beaucoup plus logique, dans la répartition des rôles entre ARTE GEIE et les pôles, que ces derniers se consacrent à la production de programmes, et le GEIE, à la programmation, l’édition et la diffusion. Ces réajustements représenteraient quelques centaines de milliers d’euros, car notre budget est modeste.

Par ailleurs, nous examinons la manière de réduire encore un peu les charges de fonctionnement, même si elles sont déjà modestes. Nous avons demandé à toutes les directions et à tous les services de la maison de passer au crible leurs différentes dépenses, et de proposer, en fonction de leurs possibilités, des diminutions de 2 % à 5 %.

Enfin, certains programmes, comme les magazines, sont moins au cœur de notre ligne éditoriale que les créations, tout en apportant beaucoup à la chaîne au plan de l’ancrage dans la vie et dans la société. Nous avons donc demandé aux créateurs de magazines de nous proposer des évolutions éditoriales qui sans mettre en péril la qualité du programme, permettraient de réduire leurs coûts de 5 %.

Nous sommes en train d’étudier à la loupe toutes ces mesures pour préparer le projet de budget 2013, et nous espérons parvenir à contenir la diminution du budget de programmes bien en deçà de 8 millions d’euros.

Vous avez également relevé une hausse des charges de personnel en 2011, qui est en réalité tout à fait exceptionnelle. 2011 a vu le renouvellement de la présidence et de plusieurs dirigeants d’ARTE France. Des postes ont donc été occupés en doublons pendant quelques mois et les départs ont entraîné des charges supplémentaires. Ce dépassement exceptionnel du budget de personnel avait été approuvé par le conseil de surveillance et par l’ensemble des tutelles. À partir de 2012, le budget de personnel s’est normalisé et devrait connaître de faibles évolutions, de l’ordre de 1,5 % à 2 % selon les années pendant la durée du COM.

Vous avez évoqué les ressources propres. Elles ne sont pas très élevées – inférieures à 3 millions d’euros. En dehors de quelques ressources de parrainage, qui sont perçues par le GEIE ARTE France, les ressources propres proviennent essentiellement de la distribution à l’international d’un certain nombre de programmes, des éditions DVD et de la vidéo à la demande (VOD). Elles sont donc à la fois modestes et très importantes, parce qu’elles sont pour ARTE, qui est très imprégnée de la notion de service public, une façon de garder un contact avec la vie de l’entreprise et des marchés, de faire rayonner les programmes au-delà de l’antenne d’ARTE et des frontières de la France, d’éditer en DVD un certain nombre de programmes, de les proposer en VOD et de distribuer les droits, essentiellement des documentaires, à l’international. Comme les équipes qui gèrent la distribution à l’international au sein d’ARTE sont assez dynamiques et performantes, la progression des ressources propres est prévue à 5 % par an en moyenne sur la durée du COM.

Pour revenir sur la question de la parité avec les Allemands, nous avons un mode de calcul particulier au sein d’ARTE France. Pour le financement du GEIE, on compte en euros, et pour les programmes, on compte en volume – chaque partenaire apportant le même volume de programmes à la grille – parce que le système de production est très différent. En France, ARTE produit, coproduit et achète. En Allemagne, ARTE coproduit très majoritairement avec la ZDF (Zweites Deutsches Fernsehen, deuxième chaîne de télévision généraliste publique fédérale allemande) et avec l’ARD (Arbeitsgemeinschaft der öffentlich-rechtlichen Rundfunkanstalten der Bundesrepublik Deutschland, groupement public de neuf radiodiffuseurs régionaux allemands). En effet, grâce au nombre de stations de l’ARD, de la ZDF, et des autres chaînes thématiques du groupe public en Allemagne, comme 3 Sat, les possibilités de coproduction sont plus importantes et ARTE bénéficie toujours du droit de première diffusion par rapport aux partenaires allemands. Il serait difficile de valoriser en euros ces coproductions car les méthodes de valorisation ne sont pas les mêmes. En France, une première diffusion étant valorisée à 80 % du coût total d’un programme, de grosses fictions, comme par exemple « Les Buddenbrook » dont le coût de production avoisinait les dix millions d’euros, auraient été valorisées à huit millions d’euros, ce qui n’a évidemment pas été le cas. Ainsi, le système de comptabilité en euros et en volume, qui semble étonnant à première vue, est assez efficace, et la parité est respectée à la demi-heure près.

S’agissant des relations avec France Télévisions, j’ajouterai que nous tenons régulièrement depuis quelques mois des réunions de travail autour de trois thèmes. Tout d’abord les plates-formes numériques, qui doivent être complémentaires et non pas concurrentielles, comme on a pu le craindre après les annonces de France Télévisions concernant le lancement d’une plate-forme sur la musique et la culture, alors que celle d’ARTE existe depuis plusieurs années. Les discussions concernant la complémentarité dans le domaine du spectacle vivant sont très positives ; il y a une volonté de mettre en commun les moyens de production pour les festivals de l’été prochain, d’assurer une présence commune sur le terrain et ensuite de se relayer dans les annonces entre les antennes et les plates-formes.

En ce qui concerne le deuxième thème, les coproductions et les rachats éventuels de programmes, le documentaire est à l’évidence le seul genre où l’on peut travailler ensemble car le volume est suffisant. Ce n’est pas le cas des fictions : des unitaires  comme le très beau téléfilm « Clara s’en va mourir » avec Jeanne Balibar, ARTE n’en produit que cinq ou six par an. Quant aux séries, elles sont extrêmement spécifiques à ARTE et donc plus difficiles à coproduire.

Le troisième thème concerne les sujets liés à la communication et à nos présences respectives lors des grands événements culturels. ARTE est présente à chacune des grandes expositions et produit généralement un documentaire lié à l’exposition, comme cela a été le cas récemment de celle consacrée à Edward Hopper, ou bientôt pour l’ouverture du Louvre-Lens. Nous tenons dans ces cas-là à être partenaires à part entière de l’exposition ou du musée, afin d’assurer à ARTE une visibilité. France Télévisions y tient beaucoup également et demande aux institutions culturelles à être partenaire exclusif ; elle l’obtient souvent parce que France 3 Régions et même France 2 font ensuite dans leurs journaux la promotion des expositions. Ne pas pouvoir mettre en avant ARTE autant que nous le souhaitons lorsque nous produisons un documentaire nous contrarie beaucoup ; mener une guerre au sein du service public n’est pas non plus optimal. Donc, dans ce domaine, le terrain d’entente est assez difficile à trouver.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 14 novembre 2012 à 11 heures

Présents. – M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Malek Boutih, M. Thierry Braillard, M. Xavier Breton, M. Bernard Brochand, Mme Isabelle Bruneau, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Yves Daniel, M. Gérald Darmanin, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dessus, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, Mme Françoise Dumas, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Vincent Feltesse, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, Mme Claude Greff, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Christian Kert, M. Pierre Léautey, M. Dominique Le Mèner, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marion Maréchal-Le Pen, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, M. Ary Chalus, Mme Sandrine Doucet, Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, Mme Dominique Nachury, M. Rudy Salles, M. Jean Jacques Vlody