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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 23 janvier 2013

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Olivier Schrameck, dont la nomination en qualité de président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est envisagée par le Président de la République, et vote sur cette nomination en application de l’article 13 de la Constitution

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 23 janvier 2013

La séance est ouverte à dix heures quarante.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition de M. Olivier Schrameck, dont la nomination en qualité de président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est envisagée par le Président de la République.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, conformément à l’article 13 de la Constitution, nous nous réunissons aujourd’hui pour émettre un avis sur la nomination de M. Olivier Schrameck en qualité de président du Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA.

Cette nomination qui est envisagée par le Président de la République fait partie de celles sur lesquelles la Commission des affaires culturelles et de l’éducation doit préalablement se prononcer en application des lois organique et ordinaire du 23 juillet 2010.

Je rappelle qu’aux termes de l’article 13 de la Constitution, si l’addition des suffrages négatifs émis dans les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat atteint les trois cinquièmes du total des suffrages exprimés, le Président de la République ne peut pas procéder à la nomination.

Avant d’émettre notre avis, nous entendrons M. Olivier Schrameck, qui se rendra cet après-midi à 14 heures 30 devant nos collègues de la Commission de la culture du Sénat pour le même exercice. De ce fait, le dépouillement des votes des deux commissions aura lieu de manière simultanée, à l’issue de l’audition au Sénat.

C’est pour nous, monsieur Schrameck, à la fois un plaisir et un honneur que de vous recevoir. Nous connaissons bien votre parcours. Vous êtes actuellement président de la section du rapport et des études du Conseil d’État et avez récemment été membre de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique animée par M. Lionel Jospin.

Sous réserve du vote du Parlement, vous êtes appelé à prendre la présidence du CSA à un moment crucial de l’histoire de cette institution. Les législateurs que nous sommes s’interrogent régulièrement sur les missions qu’ils doivent confier à l’autorité indépendante qu’est le CSA pour réguler dans le sens de l’intérêt général l’audiovisuel tant public que privé.

Nous débattons également souvent au sein de cette Commission des enjeux de l’audiovisuel public. À la fin de l’année 2012, pour assurer le financement pour 2013 de France Télévisions, nous avons été conduits à remettre plusieurs fois l’ouvrage sur le métier pour définir le bon niveau de la redevance audiovisuelle.

Votre prise de fonctions s’effectuera alors que la transition vers le numérique devient déterminante pour l’avenir de l’audiovisuel, dont les contenus sont désormais diffusés et par la voie numérique terrestre et par le biais d’internet. Les problématiques qui concernent ce secteur dépassent donc de plus en plus le cadre habituel des missions du CSA en raison de l’importance qu’a désormais l’univers de l’internet. N’oublions pas non plus la dimension européenne du secteur de l’audiovisuel, dimension qui nous conduit à transposer des directives communautaires ou à prendre en considération l’avis de la Commission européenne, laquelle intervient régulièrement sur les questions audiovisuelles – chacun ici garde à l’esprit les débats sur la directive Télévision sans frontières.

Les « nouveaux entrants » constituent, quant à eux, un facteur d’admiration pour leur réussite économique mais aussi d’interrogation, du fait qu’il s’agit d’opérateurs transnationaux assis sur des puissances financières considérables. De ce fait, le modèle français de financement de la création voit ses limites territoriales bouleversées et par leur arrivée et par les enjeux du numérique. Nous souhaitons que le CSA ait davantage de prise sur ce nouvel environnement.

Même s’il ne faut pas prêter au mot « convergence » plus de sens qu’il en a, on ne peut que constater la nécessité de rapprocher les régulateurs de l’audiovisuel et des télécommunications. Si nous n’avons pas encore l’arbitrage du Premier ministre sur la question, à la suite du rapport que lui ont remis à la fin de l’année 2012 Mmes Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin et M. Arnaud Montebourg, nous connaissons déjà les éléments constitutifs d’un projet de loi qui nous a été annoncé pour 2013, lequel, notamment, s’attachera à définir le nouveau champ de régulation de l’audiovisuel, qui croisera inévitablement celui des télécommunications.

Parce qu’il s’agit d’un engagement du Président de la République lors de sa campagne, ce projet de loi sur l’audiovisuel instaurera également un mode nouveau de nomination, par le CSA, des présidents de l’audiovisuel public et, sans doute, établira une nouvelle composition de ce même Conseil allant dans le sens du pluralisme.

Les sujets étant nombreux, votre audition est donc pour nous un rendez-vous important. Au-delà, nous inaugurons aujourd’hui, pour relever tous ces défis, une coopération entre notre Commission et le CSA que je souhaite fructueuse aussi bien pour le pouvoir législatif que nous représentons que pour l’autorité de régulation que vous allez présider.

M. Olivier Schrameck. Je suis honoré d’être entendu par votre Commission et de me soumettre à vos suffrages dans la perspective de l’importante responsabilité que le président de la République propose de me confier.

Je souhaite dans un premier temps me présenter à vous, ce qui me conduira à vous dire pourquoi je crois pouvoir répondre aux exigences de cette responsabilité. Puis, je vous dirai comment je perçois certains enjeux auxquels le Conseil supérieur de l’audiovisuel et donc son président devront répondre.

Mon parcours professionnel me semble avoir été marqué à la fois par la continuité et par la volonté de mobilité. La continuité s’exprime par le service de l’État quelles que soient les fonctions de conseil, de juge, de direction ou de représentation que j’ai exercées. La mobilité m’a conduit à me familiariser successivement avec des secteurs nouveaux : l’intérieur et la décentralisation, l’éducation nationale, la jeunesse et les sports, l’intégration, l’action culturelle extérieure ou la direction interministérielle des services de l’État à l’échelon national ou dans le cadre d’une ambassade.

Je suis un citoyen très attaché à la vie publique qui a été conduit, comme beaucoup d’autres fonctionnaires, à s’engager dans des fonctions de cabinet. Après les avoir exercées, je suis toujours rentré - quatre fois - dans mon corps d’origine, pour retrouver des fonctions de rapporteur. En effet, je suis d’abord, comme membre du Conseil d’État, un juge, un conseil des gouvernements quels qu’ils soient. J’ai été aussi un enseignant, chaque fois que la disponibilité m’en a été laissée et encore aujourd’hui.

Dans toutes mes fonctions, je me suis naturellement attaché à l’échange, à la délibération collective, à l’animation d’équipes diverses, à la recherche commune d’une position juste et respectueuse de la diversité des points de vue. J’ai toujours eu conscience qu’il est exceptionnel d’avoir raison seul et qu’il n’est de perspective assurée que concertée, discutée et comparée.

J’ai exercé des fonctions qui exigeaient la neutralité la plus grande, que ce soit celle de juge bien sûr, de secrétaire général du Conseil constitutionnel, d’ambassadeur ou encore de président des jurys de l’École nationale d’administration (ENA).

J’ai eu l’honneur d’être membre des commissions chargées de réfléchir sur l’évolution de nos institutions et de notre vie publique, qu’il s’agisse de celle, présidée par M. Édouard Balladur, d’où est issu l’article 13, alinéa 5 de la Constitution, au titre duquel je suis auditionné par vous ce matin, ou, plus récemment, de celle présidée par M. Lionel Jospin. J’ai été nommé ambassadeur par le président Jacques Chirac et président de section au Conseil d’État par le président Nicolas Sarkozy. Je me présente devant vous après avoir été désigné par le président François Hollande.

D’une fonction à l’autre, j’ai considéré comme essentiels l’indépendance et l’impartialité – que je ne confonds pas, car on peut être indépendant sans être impartial – ainsi que, bien entendu, le pluralisme renforcé et garanti par la collégialité.

Dans l’exercice de mes fonctions, j’ai dirigé en qualité de secrétaire général du Conseil constitutionnel l’instruction de diverses décisions concernant le Conseil supérieur de l’audiovisuel et, par-delà, le secteur audiovisuel. La première et la plus importante, sans doute, fut celle du 21 janvier 1994, relative à la garantie du pluralisme et de la liberté des médias de communication audiovisuelle, qui a énoncé les normes de constitutionnalité applicables en la matière. Il y en a eu beaucoup d’autres : une précisant le rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel en matière de sauvegarde et de promotion de la langue française ; une autre qui circonscrit le cadre pénal de l’action du Conseil ; une autre, encore, relative à l’application au secteur voisin des télécommunications des exigences constitutionnelles du service public.

En qualité de directeur de cabinet du Premier ministre pendant cinq années, j’ai été, en 1997, le premier à désigner, au sein de l’équipe qui se constituait, un conseiller chargé de la société de l’information, ce qui me paraissait une priorité essentielle. J’ai travaillé, à ce titre, au Programme d’action gouvernementale pour l’entrée de la France dans la société de l’information – le Pagsi.

J’ai également contribué à la préparation de la loi du 1er août 2000 sur l’audiovisuel, qui a énoncé les grands principes du service public de la communication audiovisuelle et restructuré le secteur public de l’audiovisuel par la création de la société France Télévisions et de la société ARTE-France. Cette loi a engagé la mise en œuvre du numérique hertzien et ouvert un cadre juridique aux télévisions locales. Elle a renforcé les responsabilités du CSA en matière de protection des jeunes publics et assuré la garantie d’une diffusion en clair des événements d’importance majeure.

Le plus important à mes yeux aura été, durant ces années-là comme auparavant et par la suite, le respect constant de la liberté et de l’indépendance des médias. Pas une fois en cinq ans je ne suis intervenu, que ce soit pour répondre à une critique, suggérer une position ou relayer une intervention. Si je n’étais pas resté fidèle à cette attitude quelles que soient les vicissitudes de la vie publique, je ne serais pas aujourd’hui présent devant vous.

J’ai bien sûr traité à d’autres égards de problèmes liés à l’audiovisuel, notamment au Conseil d’État à titre consultatif, comme rapporteur de l’avis sur le passage de la télévision analogique à la télévision numérique, ou bien au contentieux, encore tout récemment, dans une affaire importante qui a concerné un grand groupe de l’audiovisuel.

Tout dernièrement encore, dans le cadre de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, j’ai contribué aux préconisations relatives à la prévention des conflits d’intérêts pouvant concerner les autorités indépendantes ainsi qu’aux adaptations du rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel en qualité de garant du pluralisme politique avant des échéances électorales majeures.

De manière générale, j’ai toujours été persuadé que les problèmes de l’audiovisuel étaient déterminants pour notre avenir collectif. C’est dans cet état d’esprit que je souhaite vous dire comment je conçois personnellement le rôle du CSA et certains de ses enjeux, dans le respect attentif de la collégialité que j’aurai à animer.

Quelles sont à mes yeux les priorités du Conseil supérieur de l’audiovisuel ?

Il y a en premier lieu, encore et toujours, les principes et les missions qu’il a pour fonction, en vertu de la loi, de faire respecter et d’assurer. Je n’en négligerai aucun, mais je voudrais insister sur quelques-uns.

Les programmes audiovisuels peuvent contribuer plus encore qu’aujourd’hui, à l’instar de La Chaîne parlementaire, à l’éducation citoyenne, tout particulièrement des jeunes. Je suis préoccupé par la perte de repères concernant notre histoire, qui façonne notre nation, et soucieux de l’impératif de la laïcité comme de la compréhension de nos institutions et de nos devoirs civiques. S’agissant de la jeunesse, je suis très attaché à sa protection, conscient que la transmission audiovisuelle des contenus d’internet et des services à la demande peuvent la menacer.

Je suis aussi très attaché au respect et à la reconnaissance de nos diversités, afin que puissent être surmontés les préventions et les handicaps de toute nature. Il s’agit d’un objectif commun primordial plus que d’une thématique particulière.

En deuxième lieu, je crois que le CSA est appelé à se saisir plus directement et complètement encore des enjeux économiques de ses activités. La bonne gestion du spectre audiovisuel doit être conçue comme un objectif essentiel, dans le respect de la liberté de communication, à la lumière de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986. Je serai très attaché à la nécessité pour notre pays de promouvoir des industries culturelles puissantes et influentes dont la capacité d’exportation serait croissante. La compétitivité ne s’arrête pas à l’exception culturelle.

Mesurant à quel point l’administration du Conseil supérieur de l’audiovisuel est appréciée pour sa grande qualité, je veillerai à l’amélioration constante de son potentiel économique.

Plus généralement, j’ai toujours préconisé que les décisions publiques importantes soient précédées de l’étude transparente de leurs possibles incidences, ce qu’on appelle aujourd’hui les études d’impact.

Je porterai une attention soutenue à la coopération européenne et internationale, notamment dans la sphère de la francophonie. L’expérience de notre pays en matière de régulation de l’audiovisuel est un savoir-faire précieux qui, largement diffusé, peut contribuer à notre influence.

Il est certaines questions sur lesquelles vous souhaiterez sans doute avoir d’emblée mon point de vue. Je l’exprimerai dans le respect des décisions qui appartiennent aux pouvoirs publics et tout particulièrement au législateur que vous êtes.

S’agissant des relations avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), je ne crois pas qu’il soit bon de séparer les problématiques économiques et techniques d’une part, culturelles et sociétales de l’autre. Je pense que la coopération a vocation à se renforcer grandement. S’il était décidé d’aller au-delà, mon expérience me conduirait à veiller tout particulièrement aux coûts parfois inattendus et aux lourdeurs souvent inévitables de changements structurels profonds. Je veillerai aussi à développer les relations déjà substantielles avec l’Autorité de la concurrence et celles, plus ténues, avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), alors que se renforce la perspective inquiétante du profilage des téléspectateurs, sur la base des choix individuels de programmes.

De manière générale, j’ai conscience que nous évoluons vers de nouvelles formes de régulation à l’heure où, non seulement, le téléspectateur se fait internaute par l’usage croissant de la télévision connectée, mais où, pour sa part, l’internaute est déjà téléspectateur au moyen d’offres de services multiples. Il faut en particulier approfondir la réflexion sur la co-régulation. Celle-ci permet d’introduire un encadrement juridique protecteur sur la base de l’initiative même des intéressés, dans un contexte international et européen déterminant.

Je serai très attentif au soutien et à la promotion des télévisions locales, sans méconnaître l’activité des stations régionales de France 3. Je suis sensible aux difficultés de toute nature, y compris de modification de numérotation, auxquelles elles peuvent ou ont pu se heurter. Il me paraît essentiel que la décentralisation vive et se développe aussi en matière audiovisuelle, partout et notamment outre-mer, là où les problèmes de diversification et de réception de l’offre de services sont particulièrement sensibles.

En ce qui concerne la radio analogique, je suis conscient des problèmes soulevés par l’existence d’un plafond d’audience déterminé dans un contexte déjà ancien – c’était en 1994. Je m’engage à présenter un rapport complet et transparent sur le sujet. Ce serait une de mes premières initiatives en matière d’étude d’impact.

S’agissant de la radio numérique, je mesure l’importance des obstacles, notamment du point de vue de la commodité et des capacités financières de l’usager, comme des contraintes financières publiques, qui rendent sa perspective plus lointaine. Il me semble que c’est aux zones moins bien desservies aujourd’hui par la radio analogique qu’il faut porter une attention privilégiée. Lutter contre la fracture numérique suppose également de combattre la fracture audiovisuelle.

Enfin, je serai très attentif aux problèmes que rencontrent nos compatriotes à l’étranger. Vous avez entendu il y a quelques mois Mme Marie-Christine Saragosse dans le cadre de la même procédure en vue de sa nomination à la présidence de la société en charge de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Je m’entretiendrai prioritairement avec elle de la mise en œuvre de ses orientations.

En conclusion très provisoire, je vous dirai à quel point je compte sur les rapports avec le Parlement, en particulier avec votre Commission, pour orienter et accompagner, tout en la contrôlant, la démarche du CSA, pour une raison de principe tout d’abord : si le CSA est une autorité indépendante, ce n’est pas une autorité souveraine et il doit, selon moi, entretenir une étroite relation avec le Parlement, que je crois indispensable à sa légitimité.

Par-delà les principes, je compte beaucoup sur l’intérêt que vous accepterez de manifester, comme vous l’avez toujours fait, à cette institution, tant en qualité de législateur que d’évaluateur.

Si vous m’accordez vos suffrages, sachez que je souhaiterai vraiment vous retrouver le plus souvent possible pour vous rendre compte et trouver dans vos délibérations une source de réflexion et d’action.

Mme Martine Martinel. Votre exposé a paru convaincant au groupe SRC, singulièrement lorsque vous avez parlé d’indépendance et d’impartialité.

Vous avez affirmé que vous auriez à cœur d’entretenir un lien fort avec le Parlement : quelle forme ces relations prendront-elles, notamment lorsque la loi sur l’audiovisuel attendue sera examinée ?

En tant que rapporteure pour avis du budget de l’audiovisuel pour 2013, je souhaite vous entendre préciser comment vous pensez mieux assurer les fonctions du CSA qui ont été insuffisamment exercées lors du mandat qui s’achève.

M. Hervé Bourges a souligné dans son rapport consacré à la diversité à France Télévisions que le respect des diversités y était encore insuffisant ; qu’en pensez-vous ?

Vous avez par ailleurs évoqué l’intérêt que vous portez à la formation citoyenne des jeunes : il conviendrait également de s’attaquer à celle des adultes, qui ne sont pas toujours plus aguerris que les jeunes sur le sujet.

Le président sortant du CSA, M. Michel Boyon, à titre personnel, lors de la présentation de ses vœux, a insisté sur la coopération du CSA avec l’ARCEP : sous quelle forme envisagez-vous celle-ci, après avoir insisté dans votre propos liminaire sur les fonctions économiques du CSA et sur la qualité de son administration ? Quelles précisions pouvez-vous nous donner à ce propos ?

Nous avons été alertés plusieurs fois par les stations radiophoniques sur les méthodes de calcul du seuil de concentration et, lors de la rédaction de notre avis budgétaire, nous avons rencontré d’autant plus de difficultés pour les appréhender qu’il est apparu que deux méthodes très différentes étaient utilisées. Aussi souhaitons-nous des éclaircissements sur la manière dont le CSA jouera pleinement son rôle de régulateur du monde radiophonique, actuellement négligé.

Vous avez également affirmé votre intention, si vous étiez nommé, de soutenir les télévisions locales qui ont souffert de l’arrivée de la télévision numérique terrestre (TNT) et du changement de numérotation, sans toutefois affaiblir France 3, dont l’avenir demeure incertain. Comment comptez-vous procéder ?

Haut fonctionnaire, vous avez servi des gouvernements très différents. Quel garde-fou comptez-vous instaurer pour convaincre non seulement les parlementaires mais également tous les Français de votre indépendance et de votre impartialité ?

M. Michel Herbillon. « Qui pourra croire que le pluralisme est respecté ? Je veux dire ici combien nous sommes inquiets, consternés par cette nomination. » Ces propos n’expriment pas l’opinion du groupe UMP, ce matin, dans cette Commission, sur l’éventualité de la nomination de M. Olivier Schrameck à la tête du CSA. Ils datent de 2007 et ont été tenus par M. François Hollande, alors premier secrétaire du parti socialiste, lors de la nomination par M. Jacques Chirac de M. Michel Boyon à la tête du CSA.

« Il s’agit d’une domination politique gravissime. Je dénonce la prise en main totale, un contrôle absolu du fonctionnement des médias par la droite au pouvoir. Il faut alerter nos concitoyens pour qu’ils sachent comment le pouvoir entend conduire cette présidentielle sans laisser de place à une expression pluraliste. » Cette autre citation est de Mme Anne Hidalgo, à l’époque secrétaire nationale du parti socialiste, chargée de la culture.

Monsieur Schrameck, le groupe UMP ne s’exprime pas en ces termes à votre encontre dans l’éventualité de votre nomination à la tête du CSA par M. François Hollande qui n’est plus aujourd’hui le premier secrétaire du parti socialiste mais Président de la République. Ce ne sont pas nos mots, parce notre conception de la République et des hauts fonctionnaires qui la servent est différente de celle qu’avaient exprimée de manière aussi violente et stigmatisante, en 2007, les responsables politiques aujourd’hui au gouvernement.

Le groupe UMP souligne vos qualités de haut fonctionnaire ayant exercé des fonctions éminentes au service de l’État, dans des fonctions très diverses. Nous avons entendu avec intérêt votre exposé sur la situation actuelle de l’audiovisuel et ses principaux enjeux, compte tenu de l’arrivée des nouveaux entrants et des nouvelles technologies. Nous partageons aussi, sur tous les bancs, la préoccupation du financement de la création, sans oublier la question des industries culturelles, qui recèlent des gisements d’emplois et influent sur l’image de notre pays. On ne saurait non plus exclure la dimension européenne et internationale des nouvelles problématiques audiovisuelles.

C’est pourquoi le groupe UMP souhaite, si vous êtes nommé à la tête du CSA, votre réussite dans vos nouvelles fonctions, dans le respect des principes que vous avez évoqués et que nous ne mettrons pas en cause de manière aussi excessive, et donc insignifiante, que d’autres, jadis.

Nous dénonçons en revanche le double langage et la duplicité. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler ici la célèbre anaphore de M. François Hollande au cours de son débat avec M. Nicolas Sarkozy, tirade pendant laquelle le candidat à la présidence de la République s’était engagé sur le respect de l’indépendance dans les nominations. Ce décalage entre les paroles et les actes nous choque, mais nous l’avons déjà observé s’agissant de la baisse historique du budget de la culture, que le candidat François Hollande avait pourtant promis de sanctuariser.

Monsieur Schrameck, j’aimerais aussi savoir quel rapprochement vous entendez opérer entre l’ARCEP et le CSA, compte tenu des compétences respectives des deux instances.

Je soulignerai pour finir que c’est grâce au président Nicolas Sarkozy et à la précédente majorité que notre Commission est appelée à se prononcer aujourd’hui sur la nomination éventuelle de M. Schrameck. Il est d’autant moins inutile de le rappeler que, durant cinq ans, nous n’avons cessé d’entendre que le pouvoir visait à tout contrôler.

Le groupe UMP s’abstiendra lors du vote sur cette nomination.

M. le président Patrick Bloche. Nous n’avons jamais contesté l’article 13 de la Constitution mais la règle selon laquelle le Président de la République ne peut pas procéder à une nomination uniquement si l’addition des votes négatifs dans chaque commission compétente représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Nous aurions préféré que la nomination dépende d’au moins trois cinquièmes des votes positifs, ce qui n’eût pas été la même chose.

Mme Isabelle Attard. Monsieur Schrameck, vous avez été choisi par le Président de la République pour présider le CSA : je reviendrai sur les modalités de cette nomination.

Compte tenu de la diversité des missions de ce Conseil, votre tâche sera lourde. Parmi les nombreux défis qui vous attendent, comment ne pas relever les difficultés, notamment financières, du groupe France Télévisions ? Elles sont alarmantes et suscitent des mouvements sociaux importants, les rédactions régionales de France 3 étant particulièrement touchées par la situation. Pour sortir de la crise, il faudra être capable d’assurer à la télévision publique un avenir stratégique, mission dans laquelle nous pensons que le CSA a un véritable rôle à jouer. Pourriez-vous préciser le sens dans lequel vous entendez agir ?

Dans un souci de pluralisme, le groupe Écologiste est intervenu la semaine dernière contre la décision du CSA de favoriser la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) aux dépens des autres syndicats agricoles, notamment la Confédération paysanne et la Coordination rurale. Les chambres d’agriculture étant en période électorale, les trois plages d’expression directe attribuées à la FNSEA et à elle seule constituent une violation patente du principe du pluralisme syndical. Nous espérons vivement que de telles erreurs seront évitées à l’avenir.

Nous sommes attachés aux télévisions locales, qui sont un outil de l’expression citoyenne et donc de la démocratie. Je me réjouis vivement de votre souhait de les soutenir. J’évoquerai simplement le cas de Télé Bocal, rétrogradée du canal 21 au canal 31 de la TNT francilienne, dégradation qui lui a fait perdre quelque 20 % de ses téléspectateurs. Je prends acte avec une réelle satisfaction de votre volonté de trouver un remède à ce problème.

Quelles dispositions le CSA compte-t-il mettre en œuvre pour garantir une plus grande représentation dans les médias de la diversité française en termes d’idées, de personnalités et de cultures ? Je prendrai le pire exemple, celui des experts invités dans les émissions économiques, qui sont souvent les mêmes. En effet, en 2011, les experts « orthodoxes », dont aucun n’avait vu arriver la crise, ont occupé la plupart des écrans de télévision : Jacques Attali a eu droit à quatorze passages sur France Télévisions, Daniel Cohen à dix-huit et Élie Cohen quarante-trois mais Frédéric Lordon à un seul. Cela vaut aussi pour les questions environnementales.

Quelle est par ailleurs votre vision du CSA à court, moyen et long termes ? Quelle est votre conception de sa gouvernance, conception qui illustrera nécessairement le degré d’indépendance réelle de cette autorité administrative ? Une direction collégiale avait été annoncée dans un premier temps. Comment envisagez-vous le mode futur de désignation des membres du CSA afin que sa composition soit plus démocratique ? Quelle représentation des professionnels du secteur et des usagers prévoyez-vous ? Dans quelle mesure serait-il possible d’introduire au CSA une plus forte représentation directe des préoccupations des citoyens ? Que pensez-vous de l’idée d’y faire entrer un médiateur citoyen, chargé d’encourager, de recueillir et de défendre la parole des citoyens sur la question essentielle de l’information ?

Je me suis rendue la semaine dernière à une table ronde organisée par Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, sur la neutralité des réseaux. Des programmes audiovisuels – vous l’avez rappelé – sont de plus en plus souvent diffusés sur l’internet. Ces nouvelles pratiques posent la question d’un rapprochement du CSA avec l’ARCEP, alors que les modes de diffusion télévisuels et électroniques sont totalement différents. Dans le premier cas, le téléspectateur n’a accès qu’à un nombre restreint de canaux de diffusion : il était donc justifié de créer une autorité de régulation spécifique, notamment pour éviter la prise de contrôle et l’asservissement des chaînes de télévision à des intérêts privés – l’Italie est le premier exemple des dangers que la France a su éviter. Les téléspectateurs sont contraints par les programmes qu’on leur propose, ce qui n’est pas le cas avec l’internet, où chaque internaute est libre de consulter les sites et de regarder les vidéos de son choix, parmi une multitude d’offres que l’humanité n’a jamais connue. Il apparaît donc inconcevable d’appliquer une politique de quotas aux médias internet - du reste, comment pourrait-elle fonctionner ? C’est pourquoi nous recommandons l’instauration d’une législation claire sur la neutralité des réseaux, en espérant que vous soutiendrez ce principe.

Enfin, le CSA est l’autorité chargée notamment du contrôle du respect des lois par les éditeurs et diffuseurs de programmes audiovisuels, de l’impartialité des chaînes publiques et surtout du respect du pluralisme politique et de l’honnêteté de l’information. À ce titre, votre nomination par le Président de la République nous pose un problème. C’est le circuit de décision qui vous a conduit ici, monsieur Schrameck, qui ne convient pas aux écologistes, et non votre parcours ou vos éminentes compétences. Et c’est pourquoi, bien que Mme la porte-parole du gouvernement ait insisté sur le fait que votre nomination soit tout sauf politique, le groupe Écologiste a fait le choix de s’abstenir lors du vote.

M. Rudy Salles. Le groupe UDI tient à souligner le fait que vous êtes, monsieur Schrameck, un grand serviteur de l’État, intègre et respecté. Vous avez un profil assez proche de celui de votre prédécesseur : un conseiller d’État ayant eu d’éminentes charges dans les cabinets ministériels.

Il existe toutefois une différence entre vous et M. Michel Boyon : l’absence dans votre parcours de toute trace d’une connaissance avérée de l’audiovisuel. Votre prédécesseur avait consacré toute sa carrière à ce secteur dans différentes fonctions de conseiller, d’administrateur ou de dirigeant. Votre brillant parcours ne me permet pas de dire que vous ayez jamais approché, de près ou de loin, les domaines dont vous aurez la charge. Il est donc bien difficile de se prononcer d’emblée sur la capacité du récipiendaire à exercer les charges qui lui sont proposées.

Il n’est du reste pas plus question de récipiendaire que de nomination envisagée, contrairement à ce que laisse à penser l’ordre du jour de notre Commission, puisque la nomination de M. Schrameck a déjà été annoncée par l’Élysée et largement relayée par l’ensemble des médias. L’avis de l’Assemblée nationale et du Sénat n’est que de pure forme : votre entrée en fonction est prévue après-demain. On ne saurait dire que le pouvoir en place s’embarrasse d’un excès de courtoisie à l’égard du Parlement, dont visiblement il n’attend rien, si ce n’est de servir de chambre d’enregistrement ou de greffier.

Je ne peux pas imaginer que nos collègues de la majorité et que le président de l’Assemblée nationale lui-même, qui s’était engagé à faire respecter les droits de l’Assemblée nationale, admettent une telle situation comme évidente. C’est un précédent fâcheux, qui augure très mal du respect de la règle fondamentale qui est la marque d’une démocratie : l’équilibre des pouvoirs.

Ce précédent est d’autant plus fâcheux que la majorité actuelle détient tous les pouvoirs. À partir de maintenant, démonstration est faite que tout est possible dans le silence des assemblées. Cela m’étonne d’autant plus que l’engagement du candidat François Hollande à la présidence de la République était aux antipodes d’une telle pratique et que la réforme des nominations dans l’audiovisuel par le président Sarkozy avait suscité des cris d’orfraie.

On me dira sans doute que le temps a manqué à la nouvelle majorité pour promulguer une nouvelle loi conforme aux engagements de la campagne. Il y a donc là soit un problème manifeste d’organisation du travail gouvernemental – ce qui ne serait pas inédit avec la nouvelle majorité – soit un choix purement cynique par lequel on impose au successeur ce que l’on n’a pas envie de s’imposer à soi-même. Vous pouvez aisément vous attribuer la phrase de saint Matthieu : « Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais. »

Et si l’on ose nous dire que l’on attend le résultat de la mission Lescure pour adopter un dispositif législatif sur ce point, je serai tenté de répondre qu’il n’est pas nécessaire de redoubler de cynisme par une mascarade. N’a-t-on pas tenté de faire passer un décret sur l’aménagement des horaires scolaires avant la grande loi de réforme de l’école ? N’a-t-on pas fait adopter une loi sur les emplois d’avenir dont les limites étaient tracées par un texte alors inconnu, la loi créant les contrats de génération ?

M. François Hollande, qui disait vouloir affranchir ou déconnecter cette institution de l’exécutif, perpétue ainsi une vieille tradition que nous regrettons. C’est malheureusement la marque d’un président normal, trop normal. Je ne suis toutefois pas certain que ses électeurs aient donné à cet adjectif le même sens que lui.

Heureusement, Mme Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, nous a récemment rassurés en précisant sans rire que ce n’était pas une nomination politique – le groupe Écologiste en a été également convaincu… Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a été plus explicite encore en déclarant qu’elle n’était même pas sûre que M. Schrameck ait la carte du parti socialiste.

Le groupe UDI que je représente est profondément attaché à la liberté d’expression et de pensée et au respect de toutes les diversités. Il ne peut donc approuver cette nomination politique à la tête d’une institution dont la mission est de veiller à la représentation de la diversité dans les programmes audiovisuels, de contribuer à la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans la communication audiovisuelle, d’assurer la transparence et le pluralisme de l’information. Nous sommes d’autant plus inquiets de cette nomination qu’on connaît le souhait du gouvernement d’assurer une forte coordination entre le CSA et l’ARCEP, laquelle n’a aucune logique opérative – nombre de commissaires ont déjà exprimé leur préoccupation à ce sujet.

Le pouvoir maîtrise tous les canaux de diffusion et d’information. C’est une situation sans précédent, d’une très grande gravité pour la démocratie et pour la liberté d’opinion et de pensée de tous nos concitoyens.

Dans ces conditions, le groupe UDI votera contre cette nomination.

M. le président Patrick Bloche. Si le Président de la République n’avait pas au préalable proposé publiquement la nomination de M. Olivier Schrameck, nous ne pourrions évidemment pas exprimer notre avis après l’avoir auditionné – ainsi le veut l’article 13 de la Constitution…

M. Thierry Braillard. Je tiens à réagir aux propos de M. Michel Herbillon en rappelant un débat, sous l’ancienne législature, au cours duquel l’UMP avait donné sa définition de l’indépendance de l’audiovisuel, une indépendance à laquelle nos collègues se disaient, comme nous tous, très attachés. Sans doute est-ce la raison pour laquelle ce débat avait débouché sur une loi prévoyant de nouveau que le Président de la République désigne les dirigeants des grandes institutions audiovisuelles françaises !

C’est pourquoi, monsieur Schrameck, le groupe RRDP, composé des députés du parti radical de gauche et apparentés, a déposé une proposition de loi qui, je l’espère, fera l’unanimité, puisqu’elle vise à en revenir à un mode de nomination plus indépendant et neutre, laissant le Président de la République s’occuper des problèmes qui relèvent de sa compétence.

En attendant, nous sommes dans l’obligation d’appliquer la loi actuelle, que nous n’avons pas voulue. C’est la raison pour laquelle le groupe RRDP, condamnant la forme mais approuvant le fond, soutiendra votre nomination, monsieur Schrameck. Nous avons en effet été très sensibles à votre discours de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.

Il conviendra notamment de rompre définitivement avec la manière dont les six nouvelles chaînes de la TNT ont été attribuées. J’ai le dossier du projet D. Facto : ses promoteurs ont dû se rendre à l’Élysée rencontrer M. Camille Pascal pour tenter d’obtenir un canal ! Est-ce la preuve de l’indépendance de l’audiovisuel, monsieur Herbillon, de devoir passer par les conseillers de M. Nicolas Sarkozy pour obtenir l’attribution d’une chaîne TNT ? Plus jamais ça, monsieur Schrameck ! Rompre avec de telles pratiques est l’exemple typique de l’inflexion que vous devez donner au CSA.

Par ailleurs, comment concevez-vous les relations futures du CSA et de l’ARCEP - coopération ou fusion ? Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a émis quelques idées sur le sujet. Quelle est votre position ?

S’agissant de la promotion des télévisions locales, je tiens à évoquer le cas de Télé Lyon Métropole, qui en est à son troisième changement de canal en quatre ans. Or, pour une chaîne qui n’a pas les moyens de diffuser l’information auprès de tous les téléspectateurs comme le font les grands groupes, passer du canal 23 au canal 30, c’est quasiment la mort annoncée. Quelle forme le soutien aux télévisions locales prendra-t-il ?

Enfin, pensez-vous conduire une réflexion sur les modalités de la campagne audiovisuelle des scrutins nationaux et locaux, serpent de mer de chaque campagne électorale ?

Mme Marie-George Buffet. Je suis étonnée d’entendre les députés de l’UMP et de l’UDI choisir de citer M. François Hollande ; ils auraient pu se référer aux propos tenus par M. Nicolas Sarkozy lorsqu’il a créé l’actuelle procédure de nomination des présidents de l’audiovisuel.

Le 21 mai 2012, Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a déclaré qu’il convenait de travailler à un nouveau mode de désignation des membres de la future autorité de régulation audiovisuelle, afin de garantir une plus grande indépendance du CSA vis-à-vis du pouvoir exécutif, soulignant que la réforme devait être prête avant le début de l’année 2013 pour qu’elle puisse s’appliquer à la nomination du nouveau président du CSA.

On ne pouvait qu’approuver ces déclarations, même si, au-delà du processus de nomination, il convient également de revoir les missions et la composition d’un véritable conseil national des médias, garant des missions de service public et chargé de favoriser la création – mais peut-être ces exigences seront-elles inscrites dans la loi sur l’audiovisuel qui est en préparation.

La réforme annoncée par la ministre n’ayant pu être examinée à temps, nous sommes obligés de procéder à la nomination du président du CSA dans le cadre imaginé par la précédente majorité de droite et que la gauche avait critiqué. C’est l’unique raison pour laquelle le groupe GDR sera amené à s’abstenir.

Monsieur Schrameck, je connais vos compétences et je sais votre engagement au service de l’État et de la République. Je suis certaine que, dans le cadre de vos futures responsabilités, vous serez à même de développer une démarche indépendante, impartiale et exigeante en matière audiovisuelle.

Vous avez évoqué l’éducation citoyenne, qui passe non seulement par des programmes destinés aux jeunes et par la régulation de leur accès à internet, mais aussi par la qualité des débats organisés sur les chaînes audiovisuelles. Or, cela a déjà été rappelé, elles sont souvent envahies par des experts au détriment de la confrontation d’idées, non seulement sur les questions économiques ou sociales, mais également sur les questions sociétales – ainsi, aucun débat approfondi n’a été organisé sur le mariage pour tous. L’audiovisuel public doit réaliser un effort en la matière.

Je tiens aussi à évoquer la place et l’image de la femme dans l’audiovisuel, qui n’évoluent pas autant qu’il le faudrait. Il ne s’agit pas uniquement du nombre de femmes journalistes à l’antenne mais du traitement de sujets concernant directement les femmes.

Quels sont, encore, vos objectifs en matière de programmation et de création ? Quelle est enfin votre vision de l’avenir de France 3, qu’il s’agisse de sa vocation de chaîne de proximité ou de l’éventuelle fusion de sa direction nationale avec celle de France 2 ?

M. Marcel Rogemont. Je tiens à rappeler que nous étions opposés à la procédure de nomination décidée par le précédent Président de la République, dont nous souhaitons qu’elle soit radicalement revue. La duplicité est le fait de la droite qui, alors qu’initialement la nomination envisagée devait recueillir trois cinquièmes de votes favorables au sein des commissions compétentes du Parlement pour être avalisée, a voulu que le veto parlementaire ne puisse s’exercer qu’à la majorité des trois cinquièmes des voix contre, modifiant entièrement le pouvoir d’intervention de la représentation nationale.

Si la révision de la loi n’a pas eu lieu avant le 31 décembre 2012, c’est qu’il fallait aussi revoir le fonctionnement du CSA et envisager le rapprochement entre le CSA et l’ARCEP. Vous avez également, monsieur Schrameck, évoqué la nécessité de renforcer les liens entre le CSA et la CNIL, vous inquiétant en particulier des dangers du profilage. Notre Commission, au nom de laquelle a été rédigé un rapport d’information sur les droits de l’individu dans la révolution numérique, éprouve la même préoccupation.

Vous êtes un de ces grands serviteurs de l’État à la réputation cardinalesque dont nous attendons respect de l’éthique et souci d’une gestion rigoureuse. À ce sujet, j’aimerais connaître votre sentiment sur ce qu’a dévoilé l’ouvrage intitulé Le Livre noir du CSA, dans lequel il est avancé par exemple que les loyers engloutissent 40 % du budget de fonctionnement de l’institution et qu’un des membres du collège est toujours sous contrat avec un employeur dont l’activité relève du champ de compétence du Conseil.

S’agissant de la place du CSA dans l’économie de l’audiovisuel, le lancement de six nouvelles chaînes de TNT n’apparaît pas avoir été fait au juste moment. Plus largement, en cas de cession de fréquences, comment éviterez-vous la possibilité d’enrichissement sans cause ?

Bien entendu, je voterai en faveur de votre nomination.

M. Patrick Hetzel. Nous vous avons entendu décrire le CSA comme une institution « indépendante mais non souveraine », définition qui me convient. Plus précisément, jugez-vous les pouvoirs du CSA satisfaisants ?

Mme Julia Sommaruga. Notre Commission mérite mieux, monsieur Salles, que des interventions purement politiciennes ; mieux vaudrait que nous nous consacrions au fond des dossiers.

J’ai apprécié, monsieur Schrameck, vous entendre exprimer votre attachement à l’éducation citoyenne et à la protection de la jeunesse et votre inquiétude devant la perte des repères. À cet égard, quelle est votre opinion sur l’omniprésence de la téléréalité ? Certes, le CSA édicte sans cesse de nouvelles recommandations à l’intention des producteurs, mais ces émissions à l’éthique plus que douteuse continuent de véhiculer des valeurs terrifiantes – loi du plus fort, individualisme, compétition forcenée, voyeurisme, encouragement au conflit, obsession pour la starisation, marchandisation de toute relation, réification des candidats et donc de l’humain… On ne peut prétendre que ces émissions sont sans conséquence sur la construction de l’individu et sur les rapports humains. Il est donc indispensable que, comme le prévoit judicieusement le projet de loi de refondation de l’école, les enfants reçoivent une éducation à l’image qui leur apprenne à distinguer le virtuel de la réalité. Le CSA ne pourrait-il contribuer à la protection des enfants en élaborant avec des associations de parents et des éducateurs le cahier des charges de ces émissions programmes ? Plus généralement, comment réguler l’omniprésence effrayante de la téléréalité ?

Mme Sonia Lagarde. Aux termes de la loi, le CSA « assure le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d’information politique et générale. » À cet égard, le Conseil remplissait-il réellement la tâche qui lui est dévolue lorsqu’il a décidé, hier, d’attribuer deux canaux de diffusion à deux projets de chaînes de télévision calédoniennes dont l’une, NC9, est l’émanation presque directe d’un parti politique local, ce qui entraîne un risque sérieux de le voir sortir du cadre éditorial défini lors de la négociation de sa convention avec le CSA ? J’ajoute que cette chaîne bénéficiera naturellement de fonds publics. Je ne vous demande pas, monsieur Schrameck, de vous prononcer sur une décision prise par M. Michel Boyon aux ultimes instants de son mandat, mais sur une question de principe qui dépasse le cas de la seule Nouvelle-Calédonie : un parti politique est-il fondé à se doter ou à prendre le contrôle d’une chaîne de télévision pour en faire un instrument de propagande ?

Mme Claudine Schmid. Je vous remercie de vous être dit attentif au sort des Français établis hors de France. Pour eux, les radios du service public, c’est la voix de la France, et la grève de France Inter a suscité beaucoup d’émoi. Songerez-vous, monsieur Schrameck, à l’instauration d’un service minimum dans le domaine de l’information ? À France Inter travaillent des journalistes de très grande qualité qui n’ont pas à être à nouveau condamnés à l’inactivité pendant une semaine pleine. Si un tel service minimum n’est pas décidé, pourrait-on envisager de diffuser les journaux d’information d’une autre chaîne de Radio France - au risque, sinon, que les Français établis hors de France ne se détournent des chaînes du service public au bénéfice des chaînes locales ou privées ?

M. Michel Françaix. J’ai été assez surpris d’entendre l’opposition avouer que la méthode de nomination du président du CSA était mauvaise parce que c’était la sienne. Sur le fond, ne sommes-nous pas passés trop vite, en matière télévisuelle, de la pénurie à l’abondance ? Outre les difficultés économiques que cela crée quand la publicité se raréfie, y a-t-il un moyen d’éviter que, plus le nombre de chaînes augmente, plus le choix se réduit ? Le CSA ne devrait-il pas préciser davantage les objectifs des futures chaînes ? D’autre part, le modèle des télévisions locales fonctionne partout sauf en France. Ne faudra-t-il pas corriger ce grand échec en les défendant, tout en vérifiant que de 60 à 70 % du contenu diffusé par ces chaînes est effectivement local ?

M. Paul Salen. Nous nous félicitons de vos ambitions pour le CSA, institution essentielle à la défense du pluralisme. Alors que les moyens d’apprendre et de s’informer se diversifient, il est indispensable de repenser les structures censées être à l’écoute des critiques, suggestions et remarques des téléspectateurs et des auditeurs. Comment comptez-vous améliorer le dialogue entre les medias et les citoyens ? Comptez-vous ouvrir davantage le collège du CSA lui-même pour permettre que les Français bénéficient d’une information pluraliste, de programmes de qualité et de toute la créativité de leurs artistes ?

Mme Colette Langlade. J’ai été sensible à votre attachement aux délibérations collectives pour assurer les missions du CSA. Je me réjouis que vous ayez cité au nombre de vos priorités l’éducation à la citoyenneté, la nécessité d’une meilleure compréhension des institutions, la protection de la jeunesse et aussi la reconnaissance de la diversité. Entendez-vous travailler à ce sujet avec l’Observatoire de la diversité créé en 2007 ?

Mme Sophie Dion. Je m’élève contre les propos caricaturaux tenus par un représentant du groupe socialiste, alors que nous avons tous salué le désir de dialogue et de concertation exprimé par M. Schrameck, que nos vœux de réussite accompagnent. Cependant, sa nomination étant manifestement tenue pour acquise, la réunion de notre Commission n’a de valeur qu’informative.

Le CSA est une autorité administrative indépendante ; considérez-vous que ce statut devrait évoluer, et vers quoi ? Au nombre de vos priorités, vous avez cité la protection de la jeunesse. Le sport est un élément essentiel de la vie des jeunes. Le CSA n’a-t-il pas un rôle à jouer dans la prévention des paris illégaux dans le sport professionnel, qui bouleversent la jeunesse ? Entendez-vous promouvoir la diffusion des sports orphelins, ceux qui sont privés de transmission télévisée, et des sports paralympiques ?

Mme Maud Olivier. La désaffection pour les filières scientifiques contredit notre ambition d’une société de la connaissance et d’une économie de l’innovation. Par ailleurs, les sujets de société qui impliquent des décisions politiques sont souvent de nature scientifique, et le manque d’information de nos concitoyens sur ces questions en fait des sujets de polémique et de craintes plus que de débat public. Les medias ont un rôle à jouer dans la diffusion de la culture scientifique et technique ; cette exigence figure dans le cahier des charges de France Télévisions mais de manière insuffisamment précise, ce qui laisse une grande marge d’interprétation sur le type de programmes diffusés. Comment aller plus loin ? Comment le CSA peut-il renforcer le respect par les chaînes de leurs obligations sur ce point ?

Par ailleurs, les stéréotypes sexistes perdurent. Des rapports annuels sont présentés, des bilans sont dressés, mais aucune action spécifique n’a été menée et, en 2011, le rapport de Mme Michèle Reiser consacré à l’image des femmes dans les medias montrait à quel point ceux-ci reproduisent les stéréotypes sexistes. Ainsi, le temps de parole des femmes en qualité d’expertes sur les plateaux de télévision est de 1,5 minute pour 25 minutes accordées aux hommes, les femmes étant, de plus, davantage invitées pour raconter des anecdotes ou des témoignages que pour livrer des analyses. Le relevé de décisions du comité interministériel aux droits des femmes fait état de ce que, dans le cadre de la réflexion sur l’évolution du CSA, le gouvernement proposera l’extension des pouvoirs de régulation de la nouvelle instance, qui pourrait être chargée « de veiller à la promotion de l’image de la femme et à la lutte contre la diffusion de stéréotypes sexistes et d’images dégradantes des femmes dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle ». Quel rôle jouerez-vous dans cette évolution nécessaire pour faire entrer les medias audiovisuels dans le XXIème siècle s’agissant de l’égalité entre les sexes ?

M. François de Mazières. Je rends hommage à M. Michel Boyon qui, avec le développement de la TNT et la transformation de notre outil audiovisuel, a réalisé un travail remarquable.

Monsieur Schrameck, nous savons vos grandes compétences et votre sens de l’État, mais comprenez notre émoi. Outre que les modalités de votre nomination contredisent certaines déclarations passées, nous sommes inquiets car nous constatons dans le domaine culturel, qui n’appartient ni à la droite ni à la gauche, un nombre extraordinaire de nominations, cependant que certains hauts fonctionnaires aussi intègres que vous l’êtes, tel M. Guillaume Boudy, secrétaire général du ministère de la culture et de la communication, sont renvoyés à leur corps d’origine.

Vos éminentes qualités de juriste vous rendent apte à assurer la fusion du CSA et de l’ARCEP, mais vous avez dit vous méfier du coût des changements structurels profonds ; quelle est votre position précise ? D’autre part, vous avez été membre de la Commission de rénovation de la vie publique qui, au nombre de ses recommandations relatives à l’élection présidentielle, suggère de substituer la règle de l’équité à celle de l’égalité pour les temps de parole des candidats entre le moment où la liste officielle est connue et celui où la campagne commence. Irez-vous en ce sens ?

Les inquiétudes que vous avez exprimées à propos de la jeunesse sont aussi les nôtres. Le groupe de travail « Jeunesse et protection des mineurs » du CSA a rendu ses conclusions en novembre dernier; poursuivrez-vous la campagne de sensibilisation à la signalétique « jeunesse » ?

Mme Sophie Dessus. Je vous remercie, monsieur Schrameck, d’avoir tracé une feuille de route claire et précise. L’important, ce sont vos compétences, et seul votre travail confirmera si le choix était le bon. Il est vrai que l’on attend beaucoup du futur président du CSA quand les écrans sont présents dans chaque foyer sinon dans chaque pièce de certains foyers. La télévision forge nos sociétés, si elle ne formate pas nos consciences. La responsabilité du futur président et de son équipe sera de corriger le nivellement par le bas à l’œuvre. Oui, comme vous l’avez dit, il faut redonner de vrais repères et ne pas craindre de dire que certaines émissions de téléréalité et certains films achetés à l’étranger n’ont rien à faire sur les écrans du pays de l’exception culturelle. Oui, il faut plus de qualité, d’exigence et de déontologie pour protéger le jeune public. Oui, il faut introduire une éducation à l’image pour éviter la manipulation des jeunes esprits. Oui, il faut veiller au pluralisme et, dans ce cadre, il faudra associer les citoyens au fonctionnement des médias et du CSA – comment prévoyez-vous de le faire ? Oui, il faut prendre en compte l’intérêt des territoires, maintenir, soutenir et développer les télévisions régionales et leurs décrochages locaux, au sujet desquels les journalistes sont très inquiets. Je vous remercie enfin de prévoir de nombreux échanges avec les parlementaires – ils ne manqueront pas. Face à ces enjeux, il est de notre responsabilité que les problèmes de forme n’éclipsent pas les problèmes de fond.

Mme Annie Genevard. Le CSA a organisé le lancement de la TNT et 97 % des habitants peuvent désormais, en principe, recevoir une offre importante et de qualité. Mais en dépit du travail accompli par M. Michel Boyon, on nous signale régulièrement des difficultés de réception de certaines chaînes agréées par le CSA dans des territoires ruraux et de montagne. Cette privation est ressentie de manière particulièrement douloureuse par les personnes âgées isolées. Qu’entendez-vous faire pour améliorer l’égalité de réception entre les téléspectateurs ? Par ailleurs, l’une des missions du CSA est de veiller à la défense et à l’illustration de la culture et de la langue françaises. Si des initiatives sont prises pour défendre notre culture, c’est moins évident pour ce qui est de la défense du français. Que pourriez-vous faire à ce sujet ?

M. Christian Kert. Je rends hommage à l’équipe sortante du CSA, dont le bilan est important et dont l’indépendance est démontrée en creux par la rareté de préoccupations exprimées à ce sujet par la majorité actuelle. M. Michel Boyon a lui-même indiqué n’avoir jamais fait l’objet de pressions particulières au cours de son mandat.

J’appelle l’attention sur la qualité des membres du CSA, mais aussi sur le fait qu’au fil des nominations on a considérablement renforcé le nombre de journalistes du collège, au détriment des producteurs et réalisateurs qui, bientôt, ne seront plus représentés. C’est préoccupant, car l’audiovisuel n’est pas que l’information. Il faudra en tenir compte dans la réforme envisagée.

M. Claude Sturni. Je me réjouis du soutien que vous avez exprimé aux télévisions locales, qui permettent aussi la diffusion des langues et des cultures régionales. Par ailleurs, hier, lors de notre visite à Berlin, nous avons parlé avec nos amis allemands de la place des langues étrangères dans les programmes télévisés ; force est de constater que les programmes en langue originale sont bien plus nombreux en Allemagne – et dans bien d’autres pays européens - qu’ils ne le sont en France, et je ne doute pas que cela favorise l’apprentissage des langues étrangères. Quelle place devrait, selon vous, être donnée aux programmes en version originale et aux langues étrangères dans nos médias ?

M. Gérald Darmanin. La question du sport professionnel et de son financement par les droits de diffusion me préoccupe. Une guerre de lobbying est en cours entre le groupe Canal+ et la chaîne BeIN Sport pour la retransmission du championnat de ligue 1 de football professionnel. L’enjeu est considérable, à la fois parce que la grande majorité de la clientèle de Canal+ est abonnée en raison des retransmissions de ce championnat et parce que de ces droits dépend en grande partie le financement du sport français par le Centre national pour le développement du sport (CNDS). Quel est avis sur cette question particulière, et quelle sera votre position, monsieur le futur président du CSA, sur la possibilité de réserver, comme le souhaite le groupe Canal+, la retransmission d’une grande partie des matches importants de la ligue 1 de football à une chaîne de la TNT afin de limiter la concurrence avec la chaîne BeIN Sport ?

Mme Virginie Duby-Muller. Il revient au CSA et à France Télévisions de mieux faire respecter l’image des femmes dans les médias. Entendez-vous suivre à ce sujet les recommandations du rapport Reiser-Grésy, notamment celles qui ont trait aux images dégradantes de la femme dans la publicité ? Comment articulerez-vous votre action avec celle de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité ? Par ailleurs, pensez-vous promouvoir le sport féminin, le handisport et le sport adapté, sur le modèle de la médiatisation des Jeux paralympiques de Londres, notamment par TV8 Mont-Blanc ?

M. Stéphane Travert. Quelle relation comptez-vous instaurer avec le Parlement pour que l’instance de régulation et de contrôle réponde aux exigences de sa mission ? J’ai le souvenir d’une audition de M. Michel Boyon au cours de laquelle Mme Martine Martinel et moi-même avions perçu beaucoup de cynisme et de mépris dans le comportement de notre interlocuteur ; je souhaite une tout autre approche. Par ailleurs, comment entendez-vous promouvoir ce qui nous rassemble tous, la laïcité, à un moment où le religieux cherche à se réintroduire dans le débat public ? Alors que l’audiovisuel public et notamment les télévisions régionales, particulièrement France 3, chaîne des informations de proximité, connaissent une crise, de grandes interrogations et de grandes attentes se manifestent quant à leur avenir. Nous devons y travailler de concert. Je vous souhaite plein succès dans vos probables nouvelles fonctions et je forme le vœu que le CSA agisse pour l’intérêt public et pour l’intérêt de l’audiovisuel public.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur Schrameck, les multiples questions qui vous ont été posées - avec un parfait respect de la parité - traduisent nos préoccupations relatives aux missions du régulateur. Comme le temps manque pour que vous puissiez répondre à chaque orateur, je vous suggère une réponse générale. Puis, si votre nomination est confirmée, nous vous entendrons à nouveau avant l’été, ce qui vous donnera l’occasion de réponses encore approfondies par l’expérience.

M. Olivier Schrameck. Je m’efforcerai à la concision en me concentrant sur la substance des problèmes évoqués. Mon exposé liminaire était tourné vers l’avenir, mais je tiens à dire l’estime chaleureuse que je porte à M. Michel Boyon, une estime que les contacts que j’ai noués avec lui dans la perspective de mon éventuelle nomination à sa succession n’ont fait que renforcer. Je tiens aussi à rendre hommage à l’action menée par les membres du collège, ceux qui restent comme ceux dont le mandat s’achève.

Les rapports entre le CSA et le Parlement peuvent se développer sur plusieurs plans. Je serai bien sûr ravi de répondre à l’invitation du président de votre Commission. Le rapport public annuel est une excellente base de discussion mais j’aimerais aller au-delà et, sans me limiter au bilan, vous présenter des projets.

La procédure de nomination à la présidence du CSA ne dépendant pas de moi, je ne puis répondre aux interventions sur ce point.

Je juge fondamental le respect de la diversité, dans la droite ligne du principe d’égale dignité de tous, que je chéris. Cela s’applique à tous, notamment à l’administration du CSA, dont j’ai dit tout le bien que je pense. Mais lorsque je lis que la proportion de personnes handicapées n’y est encore que de 3 % au lieu des 6 % qu’il faudrait, je considère de mon devoir que l’objectif soit atteint. Ce ne sont pas que des objectifs quantitatifs : ils ont trait aussi aux relations personnelles.

S’agissant des relations entre le CSA et l’ARCEP, vous m’avez trouvé prudent, mais la décision ne relève pas du président du CSA. Dire que tout regroupement est une tâche difficile ne signifie pas qu’il ne faille pas l’envisager. Il y a eu multiplication des agences et des opérateurs et, en période de contrainte budgétaire, nous devons rassembler nos forces – mais comment les rassembler au mieux ? Par des procédures de coordination, par des organes communs, ou faut-il aller au-delà ? J’apporterai ma contribution à la réflexion, mais je serais en contradiction avec moi-même si j’émettais un jugement péremptoire sans même avoir pris les fonctions dont il est question aujourd’hui.

Le plafond actuel de concentration des radios a été fixé en 1994. Défini par l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986, il peut recouvrir des réalités techniques très différentes selon que l’on se réfère aux normes de l’Union internationale des télécommunications, à l’audience potentielle ou aux références démographiques de l’INSEE. Je souhaite qu’il n’y ait ni sous-estimation ni surestimation. Pour cela, peut-être faut-il trouver une méthode originale de critères cumulés. Ces problèmes me préoccupent au regard de la concurrence, de notre crédibilité économique et surtout du pluralisme.

Le très important sujet des télévisions locales a été souvent abordé. Plusieurs questions sont en jeu : la vie démocratique locale, la continuité du financement, l’indépendance à l’égard des pouvoirs politiques locaux. Nous devons élaborer des documents de référence, et le président du CSA devra se déplacer fréquemment pour rencontrer les acteurs locaux. Cette question doit avoir toute sa place dans les débats sur la poursuite de la décentralisation, car la vie audiovisuelle locale participe de la vie locale.

J’ai été très sensible, monsieur Herbillon, à ce que, comme d’autres de vos collègues, vous vous soyez refusé à tout procès d’intention à mon égard ; j’espère que vous ne regretterez en rien, et je ne l’oublierai pas

Le secteur public, qui s’assimile au service public, a un rôle central de référence et de garantie. Une réflexion devra avoir lieu sur la manière dont ce rôle s’exerce. On a parlé de contrat de mandature plutôt que d’un contrat trop marqué par des exigences économiques et financières - que l’on peut comprendre. Le secteur public doit rester au cœur du paysage audiovisuel français.

La décision relative à la FNSEA publiée au Journal officiel du 10 janvier est une illustration des risques face auxquels nous devons être vigilants.

Pour ce qui est des expertises, le pluralisme doit être ardemment recherché. Le CSA ne peut se substituer aux éditeurs de services, mais eu j’ai eu l’expérience, au Conseil d’analyse économique, d’un pluralisme véritable. Quant aux préoccupations environnementales, elles figurent dans la loi ; et quand j’ai parlé du respect de l’ensemble des missions du CSA, j’y ai bien sûr pensé.

Dans la gouvernance, il faut faire une part à l’ouverture. Les contacts avec les acteurs de la vie associative doivent être renforcés de beaucoup ; il faut trouver les moyens d’y parvenir. Par nature, la structure du CSA doit être ouverte. Un poste de médiateur a déjà été créé, mais pour le problème particulier de la circulation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles ; cette démarche doit être étendue.

Je redis mon attachement à la neutralité sur l’internet. Tous les flux de données doivent être diffusés dans les mêmes conditions, sans sélection et non tronqués ; le CSA et l’ARCEP doivent s’attaquer à cette tâche, dans leur rôle respectif. Alors que chacun peut désormais choisir son programme, le moment où il l’entend ou le regarde et le terminal qui lui convient le mieux, nous devons impérativement adapter nos schémas traditionnels de régulation – il ne s’agit pas de décalquer sur l’internet le mode de régulation que nous connaissons. Mais vous ne trouverez pas en moi un apôtre de la dérégulation.

Je regrette que des oppositions à ma personne se soient manifestées mais je les respecte. J’espère convaincre ceux qui les ont exprimées en leur apportant, une fois à l’œuvre, des preuves contraires.

Je serai très attentif aux conflits d’intérêts. Le projet de loi annoncé à ce sujet par le Président de la République permettra d’en débattre.

S’agissant de l’extension de la TNT à plusieurs chaînes supplémentaires, je suis attentif aux objections qui ont été formulées – la saturation du marché publicitaire, l’équilibre économique. Je pense aussi qu’il faut prendre garde à une trop grande fragmentation des publics, qui risquerait d’affaiblir la cohésion nationale.

Nous devons penser aux jeunes, mais aussi aux personnes âgées, qui éprouvent des difficultés particulières. Le passage à la TNT et la renumérotation des chaînes ont été un bouleversement pour elles. Une action d’envergure pourrait consister à éduquer aux médias audiovisuels, afin que tous nos concitoyens sachent l’éventail de l’offre, gratuite ou payante, qui leur est proposée. La multiplicité de l’offre induit une grande opacité qu’il faut dissiper.

Je partage les préoccupations exprimées à propos de la téléréalité. Nous devons avoir pour perspective première la protection des jeunes et le respect de la législation sociale, et être attentifs aussi aux exigences de la production audiovisuelle, car la création est elle aussi menacée par ce biais. Pour toutes ces raisons, le CSA doit être en première ligne.

J’ai dit ce que je pensais du nécessaire pluralisme des chaînes locales. Un exemple, outre-mer, a été donné, que je connais ; j’y porterai un grand intérêt. Bien entendu, la télévision ne saurait être le canal de propagande politique ; j’espère que ce que vous ai dit à propos du pluralisme vous aura persuadés que c’est ma conviction.

Il ne me revient pas de vous parler de l’évolution du statut du CSA mais, selon moi, une autorité telle que le Conseil doit avoir conscience que son indépendance lui vient des missions que la loi lui a confiées, et qu’elle se doit d’être respectueuse de cette indépendance, qui est pour elle un devoir plus qu’une prérogative. C’est dans cet esprit que je rendrai compte : il ne s’agit pas d’aller chercher une instruction ici ou là mais d’entendre les préoccupations, et en premier lieu celles des représentants légitimes de la nation.

Je suis conscient des dévoiements possibles des paris et des jeux en ligne, et j’en suis très préoccupé.

Je suis très attentif à la promotion des femmes et aux atteintes de toutes natures qui leurs sont portées, dans les publicités mais aussi dans le jeux de rôle que reflètent certaines émissions où elles sont effectivement très peu conviées dans la fonction d’expertise. Dans le respect du rôle des éditeurs de service, nous devons sans cesse exercer une pression, sans laquelle aucun progrès significatif n’aura lieu. Une de mes lignes de vie est la promotion de l’égalité des femmes et des hommes, qui participe de l’égale dignité de tous.

La Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique a formulé plusieurs recommandations dont certaines ont trait au CSA ; l’une tend à substituer la règle de l’équité à celle de l’égalité pour les temps de parole des candidats entre le moment où la liste officielle est connue et celui où la campagne commence. Il conviendrait aussi de s’interroger sur les règles à observer lors de primaires, ce que la Commission n’a pas fait ; j’y veillerai.

Pour conclure en quelques mots, j’ai été très sensible à la densité et à la qualité du débat que vous avez bien voulu avoir avec moi. Je voudrais que vous soyez convaincus de ma sincérité et de mon engagement pour cette tâche, si elle m’est confiée. Je ne souhaite qu’une chose : que vous en soyez les témoins, et les critiques réguliers s’il le faut.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur Schrameck, je vous remercie.

La Commission procède au vote, en application de l’article 13 de la Constitution et dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination, envisagée par le Président de la République, de M. Olivier Schrameck en qualité de président du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures trente.

En application de l’article 5, alinéa 2 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la Commission procède au dépouillement du scrutin simultanément avec la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.

Les résultats du scrutin sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Abstentions


Suffrages exprimés


POUR


CONTRE

En conséquence, la Commission émet un avis favorable à la nomination de M. Olivier Schrameck.

La séance est levée à dix-sept heure trente-cinq.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 23 janvier 2013 à 10 heures 30

Présents. - M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Thierry Braillard, Mme Isabelle Bruneau, Mme Marie-George Buffet, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Yves Daniel, M. Gérald Darmanin, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, Mme Françoise Dumas, M. William Dumas, Mme Martine Faure, M. Vincent Feltesse, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, Mme Claude Greff, M. Mathieu Hanotin, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Sonia Lagarde, Mme Colette Langlade, M. Pierre Léautey, M. Dominique Le Mèner, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, M. Paul Molac, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Michel Pouzol, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert, M. Jean Jacques Vlody

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, M. Malek Boutih, M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, M. Yves Durand, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Jean-Pierre Giran, Mme Lucette Lousteau, Mme Michèle Tabarot, M. Patrice Verchère