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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 16 octobre 2013

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 06

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition, ouverte à la presse, de MM. Jean Gachassin, président de la Fédération française de tennis et Gilbert Ysern, directeur général de la fédération et directeur du tournoi de Roland-Garros

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 16 octobre 2013

La séance est ouverte à onze heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Gilbert Ysern, directeur général de la Fédération française de tennis.

M. Patrick Bloche, président de la Commission. Nous recevons ce matin M. Jean Gachassin, président de la Fédération française de tennis (FFT), et M. Gilbert Ysern, directeur général de la Fédération française de tennis et directeur du tournoi de Roland-Garros.

Nous sommes très heureux, messieurs, que vous ayez accepté notre invitation. La Commission des affaires culturelles et de l’éducation étant compétente pour ce qui concerne le secteur sportif et le monde associatif, c’est à différents titres que nous vous accueillons ce matin.

Monsieur le président Gachassin, vous présidez une fédération historique qui rassemble plus d’un million de licenciés, dont près de 600 000 juniors. Le tennis est le premier sport individuel en France et bénéficie d’une large diffusion et d’une grande popularité due à l’importante médiatisation des tournois et des joueurs professionnels français.

Le programme 2012 de la Fédération insistait sur le rôle éducatif, social et solidaire du tennis auquel les membres de notre commission sont très attachés. Quelles actions envisagez-vous pour mener à bien toutes ces missions ?

Récemment Roland-Garros a fait la une de l’actualité, tant pour le projet de rénovation du site historique de la Porte d’Auteuil engagé en 2011 que pour le lancement, le 10 septembre dernier, de l’appel d’offres en vue de l’acquisition des droits audiovisuels du tournoi pour la période 2014-2018.

Comment se déroule le chantier du nouveau stade ? Le projet sera-t-il achevé en 2018 ?

Nous sommes impatients de connaître votre sentiment sur l’échec de l’appel d’offres que vous avez lancé pour l’acquisition des droits audiovisuels du tournoi. En tant que membre du conseil d’administration de France Télévisions, où je représente l’Assemblée nationale, je suis très attaché au fait que l’audiovisuel public continue de diffuser ce grand tournoi de tennis et je l’ai indiqué à plusieurs reprises lors des réunions du conseil.

Je suis d’autant plus heureux de vous recevoir qu’étant le petit-fils du fondateur de la section tennis de l’ACBB (Athletic Club de Boulogne-Billancourt), j’en ai souvent entendu parler lorsque j’étais enfant.

M. Jean Gachassin, président de la Fédération française de tennis (FFT). Je suis très heureux de l’opportunité qui m’est offerte d’évoquer devant vous l’avenir du tournoi de Roland-Garros et des Internationaux de France.

Le tournoi de Roland-Garros, championnat du monde de tennis sur terre battue, est l’un des plus grands événements sportifs de la planète. Il donne une belle image de notre pays et contribue à son économie. Propriété de la Fédération française de tennis, Roland-Garros fait vivre le tennis français et lui donne les moyens de son développement sportif et territorial.

Or dans un contexte de concurrence mondiale farouche, ce succès peut être remis en cause si nous ne faisons pas aujourd’hui en sorte d’assurer sa pérennité. Ce tournoi que tout le monde nous envie, nous devons dans l’intérêt de tous le protéger et le préserver, et c’est tout l’enjeu de mon mandat de dirigeant associatif.

M. Gilbert Ysern, directeur général de la Fédération française de tennis et directeur du tournoi de Roland-Garros. Le tennis est le deuxième sport national, derrière le football. La Fédération française de tennis représente 1,1 million de licenciés, dont 52 % sont des jeunes et 30 % des femmes. Elle regroupe 8 000 clubs, occupe 100 000 bénévoles, emploie plus de 900 personnes, tant au siège que dans les structures régionales et départementales, et réalise un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros.

Roland-Garros est un modèle économique vertueux puisqu’il est la propriété de la Fédération – ce qui différencie le tennis du cyclisme car le Tour de France relève du secteur privé, ce qui prive de moyens la Fédération française de cyclisme. Roland-Garros apporte des moyens importants à la Fédération puisque sur ses 200 millions d’euros de chiffre d’affaires, 167 millions proviennent du tournoi. Ce chiffre d’affaires est équitablement réparti entre quatre sources que sont les droits que rapportent les médias – à hauteur de 37 %, dont 10 % pour la France – les partenariats, la billetterie et les événements liés aux relations publiques.

Ce modèle économique permet de dégager 65 millions d’euros, dont 35 % servent à financer les structures décentralisées – en particulier les emplois dans les ligues régionales et les comités départementaux – et 35 % les activités institutionnelles, dont la direction technique nationale, les compétitions et l’organisation de la Fédération. Les 30 % restants sont investis dans les travaux de rénovation du stade.

Au total le tournoi nous permet d’investir chaque année 50 millions d’euros dans le tennis français.

La modernisation du stade est essentielle pour garantir l’avenir du tournoi et préserver la pérennité d’un événement planétaire majeur dans un contexte de compétition internationale exacerbée, comme en témoignent les plans de développement de Wimbledon et de Flushing Meadows annoncés cet été.

Le tournoi de Roland-Garros attire chaque année 460 000 spectateurs et 1 300 journalistes accrédités. Il représente 15 000 heures de programmes de télévision diffusés dans 200 pays, ce qui en fait la plus importante diffusion en clair de tous les tournois de tennis du monde, conformément à la politique que nous menons depuis de nombreuses années en matière de commercialisation des droits.

Garantir l’avenir de Roland-Garros revient à préserver à la fois la source principale de financement du tennis français, et par conséquent son développement territorial, sa contribution avérée au rayonnement international de Paris et de la France et ses retombées, directes et indirectes, sur l’économie francilienne. L’étude que nous avons confiée au BIPE, cabinet de conseil en analyse stratégique et prospective économique, montre que le tournoi de Roland-Garros rapporte 277 millions d’euros de PIB à l’agglomération parisienne.

Selon le BIPE, le secteur du tennis dans son ensemble, si l’on englobe les équipementiers, représente chaque année en France 2,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, près d’un milliard d’euros de valeur ajoutée brute et près de 28 000 emplois, soit plus de 18 000 équivalents temps plein (ETP), dont la moitié dans le tennis amateur. À lui seul, Roland-Garros génère chaque année 152 millions d’euros de valeur ajoutée brute directe et mobilise 4 700 personnes, soit près de 700 ETP.

Toujours selon le BIPE, la fin de Roland-Garros entraînerait la suppression de 340 millions d’euros de PIB et de 9 500 emplois, et un manque à gagner fiscal pour l’État et les collectivités de plus de 80 millions d’euros par an. À l’inverse, le projet de modernisation devrait permettre de dégager un gain marginal cumulé de 360 millions d’euros et d’assurer l’emploi annuel moyen de 900 personnes entre 2014 et 2020 ; il nécessitera par ailleurs des investissements qui permettront d’employer chaque année 900 personnes et génèreront 180 millions de PIB.

La modernisation du stade répond à de véritables besoins. Elle offrira des conditions d’accueil et de confort optimales au public en créant des extensions, de nouveaux accès, des espaces verts, de nouveaux volumes et en modernisant les espaces et locaux actuels. En outre, elle protégera le tournoi des aléas météorologiques grâce au toit qui couvrira le court central Philippe-Chatrier.

Pourquoi avons-nous choisi de rester à Paris ? Ce sujet a été très longuement évoqué. Nous avons considéré que cela permettait de capitaliser sur les atouts majeurs du tournoi que sont son histoire, qui s’y écrit depuis plus de 80 ans, et le site exceptionnel et mythique de la Porte d’Auteuil. Convaincus que dans la course au gigantisme nous sommes sûrs de perdre – car il existe de par le monde des investisseurs dont les moyens sont très supérieurs aux nôtres – nous avons choisi de préserver la personnalité unique de notre tournoi sur ce site historique, situé à deux pas des plus grands monuments de Paris. Nous avons privilégié la qualité à la quantité, le « toujours mieux » au « toujours plus ».

La construction du nouveau stade répond à trois partis pris. Tout d’abord, nous assumons pleinement le fait qu’il s’agit d’un stade urbain, c’est pourquoi nous avons envisagé un stade à périmètre variable, qui sera étendu pendant le tournoi et restreint en dehors de cette période.

Nous avons également tenu à ouvrir le site sur son environnement en l’intégrant dans la vie du quartier de la Porte d’Auteuil et en développant sa dimension paysagère. Nous avons confié notre projet au célèbre paysagiste Michel Corajoud, qui a parfaitement répondu à ces exigences.

Nous avons enfin adopté une démarche transparente, démocratique et citoyenne. Nous avons, en amont, évalué toutes les options possibles et engagé les procédures prévues – concertation sous l’égide de la Commission nationale du débat public, enquêtes publiques, comité de suivi avec les associations.

Contrairement à ce qu’affirment nos détracteurs, ce projet est totalement respectueux de l’environnement, de l’histoire et de l’architecture de ce site exceptionnel. Les photographies que vous voyez apparaître à l’écran représentent Roland-Garros aujourd’hui et ce qu’il sera demain. Vous constatez que le nouveau stade comprendra plus d’espaces verts que le stade actuel.

M. Thierry Braillard. Où se trouvent les fameuses serres ?

M. Gilbert Ysern. Les Serres historiques de Formigé font l’objet d’une polémique. Nos détracteurs ont lancé une pétition sur des fondements mensongers car notre projet les préserve totalement.

Comme vous pouvez le voir, l’espace sera plus étendu pendant les trois semaines de tournoi puisque nous utiliserons une partie du jardin des Serres d’Auteuil qui sera rendu au public en dehors de cette période. Le court n° 1 sera remplacé par une vaste esplanade verte ouverte au public et déplacé près du jardin des Serres.

Le court Philippe-Chatrier sera rénové. Sa capacité sera maintenue à 15 000 places, mais les tribunes seront réaménagées pour offrir un plus grand confort aux spectateurs et accueillir sous les gradins de nouveaux espaces dédiés aux joueurs, aux médias et aux relations publiques. Le court sera équipé d’un toit rétractable qui permettra de jouer même par temps de pluie et en soirée.

Les travaux, dont la durée est évaluée à trois ans, seront interrompus chaque année pendant la période du tournoi.

La modernisation du stade ne porte en rien atteinte aux serres historiques de Formigé. En revanche, les serres de travail utilisées par la Direction des espaces verts de la Ville de Paris seront détruites et remplacées par de nouvelles serres, dessinées par Marc Mimram, qui entoureront un nouveau court, semi-enterré.

M. Jean Gachassin. Et dont l’architecture sera pratiquement identique à celle des serres classées !

M. Gilbert Ysern. Une grande allée assurera la continuité du stade pendant le tournoi et facilitera la circulation des spectateurs entre le nouveau court et le « triangle historique ».

En dehors du tournoi, le court situé dans le Jardin des serres d’Auteuil sera utilisé pendant toute la saison de terre battue et nous réfléchissons, avec les mairies du 16ème arrondissement et la ville de Boulogne-Billancourt, à la possibilité d’y accueillir des manifestations pédagogiques et artistiques.

En lieu et place de l’actuel Centre national d’entraînement (CNE) sera érigé un nouveau bâtiment qui servira à l’organisation du tournoi et accueillera le nouveau « village » de Roland-Garros, dessiné par le cabinet d’architectes Chaix & Morel. Cet espace est constitué de petits pavillons dotés de toits paysagés.

À la pointe ouest du stade, l’espace du Fonds des Princes sera réaménagé pour devenir une nouvelle zone de compétition intégrant un court de 2 200 places, totalement enterré pour ne pas gêner les riverains, et des courts annexes.

Au total la modernisation de Roland-Garros permettra de consacrer 4 000 m2 supplémentaires aux services au public, 1 700 m2 aux joueurs et 2 600 m2 aux médias.

Cette modernisation entraîne deux projets connexes : la reconstruction d’un Centre national d’entraînement (CNE), plus fonctionnel et plus performant, sur l’actuel stade Georges Hébert, et la rénovation du club house du stade Jean Bouin, dont nous sommes concessionnaires et qui deviendra, pendant les trois semaines de tournoi, le centre d’entraînement de Roland-Garros.

Nous venons de déposer tous les permis de construire. On nous annonce 18 mois d’instruction, ce qui comprend le passage devant les commissions départementales et régionales des sites et l’enquête publique « Bouchardeau ». Dès le mois prochain débuteront les travaux du futur Centre national d’entraînement, dont nous espérons la livraison au début de l’année 2015. Dès que nous serons en possession des permis de construire, nous commencerons les travaux du « triangle historique » et du Jardin des Serres d’Auteuil. Nous prévoyons en 2016 la livraison du nouveau centre d’entraînement du stade Jean Bouin, en 2017 celle du nouveau court et du bâtiment central, et en 2018 celle du court Philippe-Chatrier.

Le financement global du projet est évalué à 340 millions d’euros. Il bénéficie d’une subvention de 20 millions d’euros de la Ville de Paris. La Fédération financera les 320 millions d’euros restants, à hauteur de 50 % sur ses fonds propres et en recourant à un emprunt de 160 millions d’euros.

M. le président Patrick Bloche. Vous nous avez présenté tous les enjeux du chantier du nouveau Roland-Garros, mais nous aimerions vous entendre tout à l’heure sur les droits de retransmission télévisée du tournoi.

Mme Brigitte Bourguignon. Le tennis est effectivement le premier sport individuel en France et le nombre de ses licenciés a augmenté en 2012 de près de 15 000 joueurs. La progression touche aussi les performances de nos joueurs qui ont obtenu deux médailles aux derniers Jeux olympiques de Londres.

Oui, le modèle de la Fédération française de tennis est vertueux parce qu’elle oriente son budget et la politique menée par la Direction technique nationale (DTN) vers l’aide aux champions de demain et ne se contente pas de conforter les champions d’aujourd’hui. Vous évitez en outre de faire l’apologie des champions et je m’en réjouis.

La Fédération est également leader en matière de lutte contre le dopage. Le règlement que vous avez mis en place contre le dopage donne-t-il de bons résultats ? Est-il efficace ? Peut-on encore l’améliorer ?

Nous apprécions particulièrement votre modèle économique car il renforce la solidarité entre le sport amateur et le sport professionnel, comme le préconise le rapport de nos collègues Régis Juanico et Guénhaël Huet.

Votre vitrine, Roland-Garros, assoit la popularité d’un sport encore considéré comme insuffisamment démocratisé. Nous sommes tous ici convaincus de la nécessité de moderniser ce stade et nous vous félicitons pour la qualité de votre projet.

Pour autant, vos adhérents attendent de vous que vous mainteniez la diffusion du tournoi sur une chaîne publique. Or vous avez lancé récemment des appels d’offres en direction de chaînes privées, qui d’ailleurs ne semblent pas intéressées. Ne craignez-vous pas que cela vous détourne du public et de vos adhérents ?

Enfin, vos structures sont-elles paritaires ? Si ce n’est pas le cas, avez-vous engagé au sein de la Fédération un plan de féminisation ?

M. Michel Herbillon. Le sport fait partie des compétences de notre commission, mais nous discutons plus souvent de football et de rugby que de tennis. Celui-ci est pourtant le deuxième sport en France et il compte un nombre important de licenciés au sein des 8 000 clubs qui existent sur notre territoire. C’est un sport très apprécié des Français et qui n’a plus l’image élitiste qu’il avait autrefois.

Je vous indique, au nom de mon groupe, que j’ai trouvé votre présentation extrêmement convaincante. J’aimerais d’ailleurs que soit diffusé le document que vous nous avez présenté auprès de l’ensemble des membres de la Commission.

Le développement d’un stade se heurte toujours à des contraintes patrimoniales et urbanistiques ainsi qu’aux critiques des associations, mais il est absolument vital pour le tennis, le sport en général et notre pays tout entier que ce projet de modernisation voie le jour car il conditionne la préservation de l’un des tournois les plus importants du Grand Chelem. Combien de Français savent que le tournoi de Roland-Garros permet de réinjecter chaque année 50 millions d’euros dans les 8 000 clubs de tennis français ?

Le réaménagement que vous proposez est vertueux, esthétiquement très réussi, et il préserve les serres auxquelles nous sommes attachés. Marc Mimram est un très bon architecte puisque nous lui devons la passerelle Solferino, située en un lieu on ne peut plus historique.

Ce projet est également vertueux puisqu’il est autofinancé, en dehors de la subvention de la Ville de Paris, par la Fédération. Nous le soutenons et nous espérons qu’il verra le jour.

Monsieur le directeur, vous qui êtes le directeur général du tournoi et de la FFT, quelle est la particularité du tennis français par rapport à des pays comparables comme l’Espagne, la Grande-Bretagne ou les États-Unis ? Existe-t-il une spécificité du tournoi de Roland-Garros par rapport aux autres tournois du Grand chelem, mis à part le fait qu’il se déroule sur terre battue ?

Pouvez-vous revenir sur les droits de télévision ? Quel est désormais votre calendrier suite au silence des chaînes payantes et à la réponse de France Télévisions, dont nous avons compris qu’elle ne vous convenait pas ?

Que fait la Fédération en matière de formation, qu’elle soit destinée au plus grand nombre ou susceptible de faire émerger les grands champions de demain ?

J’en termine avec la question que se posent tous les Français qui aiment le tennis : pourquoi, depuis la victoire de Yannick Noah il y a 30 ans, aucun champion français n’a gagné le tournoi de Roland-Garros ?

M. Rudy Salles. Bien que n’étant pas un élu parisien, je considère que la proximité de Paris est incontournable car la réussite des Internationaux de tennis en dépend en partie. L’éloigner du centre de Paris aurait fini par tuer le tournoi.

L’inauguration du nouveau stade est prévue en 2018. Compte tenu des recours qui ont été engagés, cette date pourra-t-elle être respectée ?

Le coût du projet, estimé à 340 millions d’euros, sera-t-il revu à la hausse ?

À quelles modalités de concertation des riverains et des associations de défense de l’environnement la modernisation du stade a-t-elle été soumise ?

Je rappelle que le tournoi de Roland-Garros était jusqu’à présent retransmis par France Télévisions, moyennant des droits de diffusion d’un montant de 15 millions d’euros. Dans le même temps, les droits de l’Open d’Australie s’élèvent à 28 millions, ceux de Wimbledon à 30 millions et ceux de l’US Open à 55 millions. Nous comprenons pourquoi les propositions de France Télévisions ne vous satisfont pas.

Vous cherchez des diffuseurs, au premier rang desquels BeIN Sport, propriété des Qataris, pour leur concéder les droits de diffusion du tournoi pour la période 2014-2018. Il semble donc que vous soyez obligés de recourir aux chaînes payantes. Êtes-vous en mesure de nous dire quels sont les médias les plus favorables à une retransmission de la compétition ?

Quel est l’état de vos relations avec France Télévisions, et comment appréciez-vous son offre ?

Pour quelles raisons, selon vous, votre appel d’offres a-t-il été un échec ?

Enfin, comptez-vous revoir votre dispositif de diffusion télévisée ? Êtes-vous prêts à revoir votre estimation à la baisse ?

M. Thierry Braillard. Il y a une trentaine d’années, le tennis avait l’image d’un sport élitiste, réservé aux riches. L’un des grands acquis de la Fédération est d’avoir su le démocratiser pour en faire l’un des sports les plus pratiqués par les Français.

Les responsables politiques considèrent souvent que le tennis a beaucoup d’argent. Comment allez-vous les persuader de soutenir les infrastructures et les clubs de tennis locaux ? Les courts ont poussé comme des champignons grâce aux investissements de la Fédération, mais de nombreux clubs ne peuvent prendre en charge les frais de rénovation. Il faudrait modifier l’image de ce sport auprès des élus. Comment comptez-vous y parvenir ?

En ce qui concerne les travaux de Roland-Garros, l’échéance de 2018 sera-t-elle respectée compte tenu de l’appel qui a été interjeté du jugement du tribunal administratif ?

La région Ile-de-France ne participe pas au financement de la rénovation. A-t-elle été sollicitée ? A-t-elle répondu négativement ? Quant à l’État, dans la perspective de l’Euro 2016, il a accepté de financer la rénovation de stades de football dans le cadre d’un partenariat public privé. Comment peut-il refuser de financer un stade qui appartient à la Fédération française de tennis et non à Vinci, Bouygues ou Eiffage ?

J’en viens aux droits télévisés. Nous sommes tous très attentifs à cette transaction, qui nous donne le sentiment d’assister à un jeu de poker menteur.

Monsieur Ysern, vous avez indiqué récemment dans une autre enceinte qu’il était totalement exclu que les images de Roland-Garros soient diffusées exclusivement sur une chaîne payante et qu’elles seront accessibles en clair durant toute la durée du tournoi à partir de 15 heures. Maintiendrez-vous cette affirmation si France Télévisions ne revoit pas sa proposition et si vous recevez une proposition de BeIN Sport ?

M. Pascal Deguilhem. La diffusion gratuite des images du tournoi de Roland-Garros est importante pour beaucoup de téléspectateurs qui n’ont jamais tenu une raquette de tennis.

Je suis généralement circonspect sur le modèle économique des infrastructures sportives, mais celui que vous nous avez présenté me satisfait pleinement et c’est pourquoi je le soutiens.

La Fédération fonctionne bien et Roland-Garros constitue une très belle vitrine pour le sport et pour notre pays. La plupart des installations sportives que j’ai inaugurées au cours des cinq années passées sont des courts de tennis couverts. Dans tous les cas, la Fédération est partie prenante et Roland-Garros intervient dans le montage financier. Il existe néanmoins dans notre pays un certain nombre de courts en déshérence qu’il ne faudrait pas oublier.

Le projet de rénovation de Roland-Garros bénéficie-t-il de l’adhésion de la Fédération et des licenciés ? Que vous manque-t-il pour pouvoir le mettre en œuvre, sachant que vous pouvez compter sur l’adhésion des parlementaires ?

Mme Sophie Dion. Messieurs, je m’associe aux compliments que vous ont adressés mes collègues, de la majorité comme de l’opposition, pour saluer ce projet de rénovation.

Ma première série de questions concerne Roland-Garros et la FFT, et la seconde porte sur le sport en général et les conclusions de nos collègues sénateurs dans le rapport de la commission d’enquête sur la lutte contre le dopage.

Roland-Garros est un élément de notre patrimoine, national et international, et une vitrine extraordinaire qu’il convient à tout prix de maintenir sur le site emblématique et symbolique de la Porte d’Auteuil. Nous vous souhaitons de mener à bien votre projet. Vous prendrez demain connaissance de la décision de la cour d’appel, dont j’espère qu’elle vous sera favorable.

Compte tenu de la concurrence terrible qui pèse sur ce type de tournoi, notamment de la part des Espagnols, existe-t-il un risque pour le tournoi de Roland-Garros de ne plus faire partie du Grand Chelem ?

Par ailleurs, quel est votre sentiment sur la décision de l’ATP, l’association des joueurs professionnels, après l’interdiction adressée par sa fédération au joueur tunisien Malek Jaziri de disputer le match qui devait l’opposer à l’Israélien Amir Weintraub ?

Nos collègues sénateurs proposent de redonner à l’Agence française de lutte contre le dopage des pouvoirs étendus en matière de prévention. Il semble que la ministre des sports ne soit pas totalement d’accord avec cette proposition. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, nous savons que les calendriers sportifs incitent les participants à se soumettre à des entraînements très lourds et préjudiciables pour leur santé. Le ministère des sports pourrait donner son aval à la publication des calendriers sportifs. Qu’en pensez-vous ?

Mme Colette Langlade. Roland-Garros fait toujours rêver la population, y compris dans le monde rural.

J’ai parcouru avec satisfaction le dossier de modernisation du stade. Je me réjouis de voir qu’hors période de tournoi il accueillera des activités pédagogiques, artistiques et culturelles. Ces questions sont à l’honneur dans les établissements scolaires, avec les projets éducatifs territoriaux, et mobilisent les collectivités territoriales. Pourquoi ne pas impliquer les structures scolaires et des équipes éducatives ? Vous aviez la possibilité, dans le cadre de votre projet, de créer des ateliers pédagogiques. L’avez-vous fait ?

M. Gilbert Ysern. Nous aurions beaucoup aimé, madame Bourguignon, parler plus longuement de la Fédération, mais nous avons choisi, ce matin, de concentrer notre intervention sur le tournoi de Roland-Garros.

C’est vrai, madame Dion, le tournoi est exposé à la concurrence mondiale. Il n’est pas en danger, mais j’ai l’intime conviction que si nous ne menons pas à bien la modernisation des structures, le tournoi finira par s’étouffer et n’y survivra pas. Notre destin est entre nos mains. Si nous faisons ce qu’il faut, nous ne perdrons pas le tournoi de Roland-Garros. Ni Madrid, ni Indian Wells en Californie, dont le propriétaire, Larry Ellison, ne manque pas de moyens, ne nous le prendront.

Nous avons beaucoup à dire sur l’action de la Fédération en matière de lutte contre le dopage, et surtout de lutte contre la corruption, à laquelle le tennis est particulièrement exposé compte tenu du développement des paris en ligne. Nous pourrons revenir vous en parler lorsque la commission le souhaitera.

L’échéance de 2018 sera-t-elle respectée ? Je le pense, mais nous ne maîtrisons pas les décisions de justice. Un juge peut nous ordonner d’arrêter les travaux, comme cela s’est produit il y a 20 ans lors de la construction du court Suzanne-Lenglen. J’espère que nous n’en arriverons pas là. Le calendrier que nous vous avons présenté est raisonnable. Comme tous les maîtres d’ouvrage, nous allons continuer à avancer nos travaux, en dépit de décisions de justice qui pourraient être défavorables. De nombreux recours sont en cours, aussi bien contre la mairie que contre la fédération, mais il faut espérer que cela ne stoppera pas les chantiers.

Le budget de 340 millions d’euros intègre toutes les améliorations qui ont été demandées au cours de la concertation. Cela dit, ce n’est que lorsque nous recevrons les réponses à nos appels d’offres que nous saurons si nous avons correctement estimé le coût des travaux.

Nos relations avec les riverains ne sont pas idylliques. Notre projet, comme tout projet de cette nature, rencontre des oppositions. Lors d’une réunion du comité de suivi, les représentants des associations ont quitté la salle, arguant qu’ils n’étaient pas suffisamment pris en compte, qu’ils voulaient jouer un rôle de copilote du projet et avoir les mêmes droits que le maître d’ouvrage. Nous leur avons indiqué que si nous étions disposés à entendre les opposants au projet, il était impossible de les placer sur un pied d’égalité.

Je pense sincèrement que nous nous conduisons bien, d’ailleurs la Commission nationale du débat public nous en a donné acte. Nous avons mené le débat public comme il convenait en organisant une dizaine de séances publiques et nous avons répondu à toutes les questions en essayant, dans la mesure du possible, de tenir compte des observations.

J’en viens aux subventions. La région Ile-de-France nous a informé, il y a plusieurs années, qu’elle n’entendait pas contribuer au financement du nouveau stade. Quant au silence de l’État, je ne vous cache pas qu’il suscite une certaine frustration au sein de la Fédération et de ses dirigeants. Dans la mesure où nous essayons d’être exemplaires, à différents niveaux, en particulier en matière de responsabilité sociale des entreprises et de nous acquitter au mieux de notre délégation de service public, il serait normal que l’État soit à nos côtés pour mener à bien notre projet, au même titre qu’il accompagne la construction de stades de football.

En matière de formation, nous nous sommes engagés à lutter contre la précocité pour mettre fin à un effet de mode qui poussait il y a quelques années les parents, les entraîneurs et parfois la Direction technique nationale à former des champions âgés de 10 ans. Nous travaillons aujourd’hui sur un vivier plus large et sans nous presser, avec l’objectif de former des enfants pour en faire des champions lorsqu’ils auront atteint l’âge adulte.

L’adhésion de nos licenciés est réelle. Les 200 délégués élus qui siègent à l’assemblée générale nous soutiennent totalement et les décisions prises au cours des délibérations sont toujours acceptées à l’unanimité. Tous les dirigeants de clubs approuvent notre projet de modernisation.

Ce qui s’est passé pour le joueur tunisien Malek Jaziri est une honte, d’autant que le sport est censé rassembler. Nous ne pouvons que nous élever contre un tel scandale.

En matière de dopage, nous pouvons mieux faire, comme l’indique la conclusion du rapport sénatorial. La FFT n’est cependant pas montrée du doigt car nous menons des opérations de sensibilisation sur ce thème. Comme toutes les fédérations sportives de notre pays, nous avons envie d’être propres. Nous avons également engagé une campagne de sensibilisation aux problématiques de la corruption liée aux paris sportifs.

Sur le plan international, le rapport sénatorial laisse entendre que la Fédération internationale de tennis et les acteurs du sport professionnel présentent une belle vitrine mais que l’arrière-boutique cache une réalité moins propre. La Fédération internationale en a pris conscience et elle a augmenté les budgets consacrés à la lutte contre le dopage. Il convient de faire davantage de contrôles sanguins, notamment hors compétition, et de mettre en oeuvre le passeport biologique – ce que nous faisons au sein de la Fédération française.

J’en viens aux droits télévisés pour la retransmission du tournoi de Roland-Garros. Sur le territoire national, ceux-ci représentent à peine 10 % de notre chiffre d’affaires. Nous n’en sommes donc pas dépendants. Nous avons affiché notre volonté de diffuser les matchs en clair et présenté un appel d’offres en bonne et due forme, dont la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) et l’Autorité de la concurrence ont vérifié la régularité. Le résultat de l’appel d’offres est très décevant, d’autant que cette situation s’était déjà produite il y a quatre ans. Sincèrement, le marché ne joue pas le jeu et se moque de nous.

France Télévisions nous verse actuellement 16 millions d’euros. C’est bien peu si l’on compare cette somme avec ce que rapportent les droits des autres tournois. Ainsi Wimbledon bénéficiera en 2014 de 40 millions de livres, l’Australian Open obtiendra dès 2015 une somme de 40 millions de dollars australiens et l’US Open dispose de 75 millions de dollars. Nous avons toutes les raisons de penser que nos droits valent plus qu’une quinzaine de millions d’euros. Les droits que nous percevons à l’étranger nous permettent d’affirmer que le tournoi de Roland-Garros intéresse les téléspectateurs du monde entier puisqu’ils affichent une croissance annuelle à deux chiffres et que dans la plupart des contrats que nous avons signés ces dernières années, le montant des droits a doublé.

Nous avons donc été très déçus lorsque nous avons procédé à l’ouverture des plis la semaine dernière mais nous essayons de comprendre ce qui s’est passé. Là encore, nous avons été de bons élèves puisque nous n’avons pas communiqué avec les diffuseurs en attendant de connaître le résultat des appels d’offres.

Pourquoi les diffuseurs ne sont-ils pas au rendez-vous ? Avons-nous mal construit les lots ? Est-ce parce que la ministre des sports a fait une déclaration dans le Journal du Dimanche en souhaitant, le jour même de l’ouverture de Roland-Garros, que la diffusion reste gratuite alors qu’elle savait parfaitement que telle était notre intention ?

Nous avons tous envie, monsieur le Président, que le tournoi de Roland-Garros reste accessible en clair. Le président de France Télévisions avait indiqué à Jean Gachassin que France Télévisions n’aurait bientôt plus les moyens de s’offrir Roland-Garros, mais qu’il tenait à en conserver une grande part. C’est la raison pour laquelle nous avons construit notre offre en trois lots. Les chaînes payantes ont semble-t-il considéré que nous avons fait la part trop belle à la diffusion gratuite en proposant de diffuser les matchs qui se tiennent sur les trois courts principaux, pendant toute la durée du tournoi, à partir de 15 heures, ce qui correspond à la diffusion de France 2 cette année. Je suppose que Canal + et BeIN Sport ont considéré que l’exclusivité de la tranche comprise entre 11 et 15 heures n’avait pas suffisamment de valeur.

Tous ceux qui se sont émus il y a quelques mois du possible abandon par France Télévisions du tournoi de Roland-Garros nous ont remercié, le jour même de la publication de notre appel d’offres, d’avoir permis à France Télévisions de postuler pour un lot qui, bien que peu onéreux, représentait une diffusion conséquente. D’où notre courroux lorsque nous avons lu que France Télévisions n’acceptait pas le principe des lots, préférant le « tout ou rien », à ses conditions, et pour un coût inférieur à ce qu’il était les années précédentes.

Qu’allons-nous faire ? Nous serons peut-être amenés à envisager une diffusion payante, à l’instar de quelques grands événements sportifs comme la Champions League de football, le Top 14 de rugby ou la saison de Formule 1.

La question, monsieur l’administrateur, n’est plus de savoir si la FFT souhaite conserver la diffusion en clair de Roland-Garros, mais si les diffuseurs en clair ont envie de la conserver. Nous en avons débattu en comité directeur le week-end dernier et nous n’avons pas décidé de passer au « tout payant ». L’offre de France Télévisions nous choque car elle est en totale contradiction avec les propos de son président.

M. Thierry Braillard. Les chaînes M6 et TF1 ne sont-elles pas intéressées ?

M. Gilbert Ysern. La diffusion d’un tournoi de tennis pendant plusieurs heures au milieu de la journée n’est peut-être pas adaptée au cahier des charges des diffuseurs généralistes. Les directeurs des deux chaînes nous avaient indiqué il y a quelques mois qu’ils étaient intéressés, mais après avoir analysé l’appel d’offres ils ont pris la décision de ne pas y répondre. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi ils l’ont annoncé dix jours avant l’ouverture des plis.

M. Jean Gachassin. Cela ouvre la voie à France 2 !

M. le président Patrick Bloche. Monsieur le directeur général, vous vous êtes adressé à moi en tant qu’administrateur de France Télévisions mais c’est en qualité de représentant de l’Assemblée nationale que je participe au conseil d’administration de la société.

J’ai déjà indiqué publiquement, ici même et ailleurs, à quel point il me paraît essentiel que France Télévisions conserve la diffusion du tournoi de Roland-Garros, à la fois pour le sport que vous représentez et parce que cela correspond à sa mission de service public.

Si cette diffusion n’était plus assurée par France Télévisions, nous serions en droit de nous demander pourquoi nous payons chaque année la redevance audiovisuelle. Car il ne s’agit pas à proprement parler d’une diffusion gratuite puisqu’elle est payée par nos concitoyens, par le biais de la redevance et des impôts. La diffusion du tournoi de Roland-Garros doit être une priorité pour l’audiovisuel public.

Je vous remercie, messieurs, pour les précisions intéressantes que vous nous avez apportées.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 16 octobre 2013 à 11 heures

Présents. – M. Patrick Bloche, Mme Brigitte Bourguignon, M. Thierry Braillard, Mme Valérie Corre, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dion, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mme Claude Greff, M. Mathieu Hanotin, M. Michel Herbillon, Mme Colette Langlade, Mme Dominique Nachury, M. Frédéric Reiss, M. Rudy Salles, Mme Claudine Schmid

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Luc Belot, M. Jean-Louis Borloo, M. Ary Chalus, M. Michel Françaix, Mme Sonia Lagarde, M. Dominique Le Mèner, Mme Lucette Lousteau, M. François de Mazières, M. Jean Jacques Vlody