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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 18 décembre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Patrick Bloche, président et de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

–  Audition, ouverte à la presse, conjointe avec la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, de M. Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens en 2012

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 18 décembre 2013

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission, et de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire)

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La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend, conjointement avec la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, M. Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens en 2012.

M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) qui lie l’État et Radio France pour la période 2010-2014 a été signé par le ministre en charge de la culture et par celui du budget. C’est pourquoi, selon une tradition bien établie, l’audition des organismes qui bénéficient de ce contrat est menée conjointement par la Commission des affaires culturelles et par la Commission des finances – compte tenu de l’enjeu financier que représente Radio France, dont le montant de la dotation annuelle s’élève à 600 millions d’euros.

M. Patrick Bloche, président de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je précise tout d’abord que les membres de la Commission des affaires culturelles sont tout aussi intéressés que ceux de la Commission des finances par la bonne utilisation de la ressource publique.

Je vous remercie, monsieur le président-directeur général, d’être parmi nous à cette heure matinale, car vous avez fêté hier soir le 50ème anniversaire de la Maison de la Radio.

Justement, j’aimerais tout d’abord vous interroger sur le coût de cet extraordinaire chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio et sur son calendrier.

Concernant les antennes, comment comptez-vous résister à la pression de la concurrence après le pic d’audience de France Inter en 2012 ? Et quelle stratégie allez-vous adopter pour promouvoir le Mouv’, auquel vous êtes particulièrement attaché ? Quant au réseau France Bleu, il recueille un tel succès que Stéphane Travert, rapporteur de la commission des Affaires culturelles pour les avances à l’audiovisuel public, s’en est inspiré pour faire des propositions concernant la chaîne de télévision France 3 !

Je souhaiterais également savoir où en est le projet de plateforme musicale RF8, qui devait être lancée en novembre.

Sur les questions plus sociales enfin, le groupe Radio France sera bientôt amené à signer une convention collective. Quel est le calendrier de la négociation ? Par ailleurs, nous avons été interpellés sur la situation des emplois précaires à Radio France, et plus spécialement sur les journalistes précaires : pouvez-vous nous en parler et nous dire si vous envisagez des requalifications en postes permanents ?

M. Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France. Nous avons effectivement fêté hier soir le 50ème anniversaire de l’inauguration de la Maison de la Radio par le Général de Gaulle.

Il est toujours étonnant de rendre compte d’un exercice à la fin de l’année suivante, mais, pour une fois, cela me rend service car en 2012 le groupe a retrouvé la forte audience qu’il avait connue en 2003. Cela dit, ma fonction m’a appris l’humilité et je sais que la radio n’est pas une science exacte et qu’il convient sans cesse de rééquilibrer les nombreuses antennes du groupe.

Dans le contexte que nous connaissons, nous sommes tous amenés à traverser des périodes difficiles sur le plan financier. Nous avons élaboré le contrat d’objectifs et de moyens en considérant que dans une période difficile comme celle que nous traversons, la maison devait produire davantage et continuer à se développer, faute de quoi elle ne pourrait mener à bien sa mission. Au cours de l’année 2012, Radio France a particulièrement honoré ses engagements, tant sur le plan financier qu’en termes d’emploi et d’audience.

En plus des contraintes budgétaires, la maison doit faire face à des contraintes propres à son histoire puisqu’elle fait actuellement l’objet d’un gigantesque chantier de réhabilitation qui arrivera à son terme, si tout se passe bien, à la fin de l’année 2016. Ces travaux compliquent la vie de l’entreprise et agissent sur l’humeur des personnels, mais nous sommes convaincus que cette réhabilitation, qui était indispensable pour des raisons de sécurité, est une chance inouïe pour l’avenir de notre maison et une formidable opportunité pour les cinquante prochaines années.

Mon métier de base étant l’antenne et l’information, je vous présenterai tout d’abord les différentes antennes qui constituent Radio France, en commençant par France Inter.

L’année 2012 a été une année faste pour cette radio puisqu’elle a retrouvé le niveau qu’elle avait atteint il y a une dizaine d’années. Ce résultat est lié à l’élection présidentielle et qui a amené France Inter et France Info à couvrir plus étroitement la vie politique. Mais lorsque cette actualité intense a cessé, nous avons dû nous adapter à un contexte différent.

Faire de la radio, c’est s’intéresser aux personnes qui font vivre les antennes pour essayer de comprendre, collectivement, ce qui se passe dans la société française et nous en rapprocher le plus possible. Ce n’est pas une science exacte. Depuis le début de l’année 2013, nous poursuivons notre objectif pour être en résonance avec l’humeur du pays et son état d’esprit. Ce n’est pas toujours aisé et nous sommes parfois stressés d’apprendre que notre radio a fait l’objet de mauvais sondages, mais nous faisons un métier passionnant. Quoi qu’il en soit, je suis très optimiste, à court terme, pour France Inter.

Le cas de France Info est plus complexe car notre époque étant en perpétuelle évolution, les chaînes d’information doivent adopter des stratégies à court terme. Lorsque j’ai pris mes fonctions, France Info perdait des auditeurs du fait du développement de nouveaux outils comme le smartphone, qui rend compte de façon immédiate de tout ce qui se passe sur la planète. Ces évolutions nous obligent à mener une réflexion permanente. Lorsque l’actualité est riche, la station d’information se porte bien, mais ce n’est plus le cas dès lors que l’information devient plus « normale ». J’ai demandé aux personnels et aux journalistes de France Info d’apporter une valeur ajoutée à leurs contenus. C’est un défi qu’ils doivent relever en permanence. Je salue leur courage et leur engagement.

Il faut tout de même savoir qu’avec 8 points d’audience, France Info réalise une audience au moins deux fois supérieure à celle des radios d’information continue en Angleterre ou aux États-Unis. Je tiens à saluer cette performance, même si nous avons tous l’obsession des sondages, qui sont l’une des composantes de notre mission de service public. Sachant que les contribuables investissent chaque année plusieurs centaines de millions d’euros dans Radio France, nous nous attachons à obtenir les meilleurs résultats possibles.

France Bleu est pour nous un sujet de satisfaction, une mission de service public et un axe de développement très important. Ses 44 stations représentent une véritable puissance de feu. Sa bonne gestion et la clarté de ses objectifs permettent de motiver les troupes et d’obtenir de bons résultats. Nos concurrents des radios généralistes regardent avec beaucoup d’intérêt le développement du réseau de France Bleu. Je vous rappelle qu’une convention signée avec l’État garantit à Radio France l’utilisation de deux réseaux prioritaires en cas de difficultés majeures qui surviendraient dans notre pays : France Inter, grâce à l’émetteur d’Allouis, et France Bleu, pour laquelle je réclame un maillage absolument étanche. Malgré un certain nombre de difficultés et avec l’aide de quelques élus, que je remercie, nous avons réussi à renforcer ce maillage en ouvrant trois nouvelles stations, mais France Bleu ne couvre à ce jour que 80 % du territoire français. Or, 100 % des contribuables paient leurs impôts et ont droit, à ce titre, de bénéficier des services publics. Je milite pour ce maillage et regrette que certains déclarent, de façon désordonnée, vouloir octroyer plus de fréquences à des radios privées.

France Culture se porte à merveille, pourtant cette radio n’a pas été créée pour dépasser le million d’auditeurs par jour… Je remercie les journalistes pour la qualité du travail qu’ils effectuent au sein de cette antenne qui s’autogère et qu’ils ont su rendre accessible. L’image de France Culture s’est ainsi modifiée ces dernières années.

Quant à France Musique, elle est en compétition permanente avec une autre radio, que j’apprécie également beaucoup. Notre antenne est moins bavarde. Nous ne voulons pas non plus faire de France Musique un robinet à tubes du classique mais une chaîne au service de la musique, dans le respect de notre mission pédagogique et de promotion des quatre grandes formations musicales de Radio France – l’Orchestre philharmonique de Radio France, l’Orchestre national de France, le Chœur et la Maîtrise de Radio France. France Musique respecte une sorte d’intégrité artistique.

J’en viens au Mouv’ qui, bien que tout aussi prometteur, obtient des résultats plus aléatoires. C’est un chantier extrêmement difficile – que je n’ai pas gagné, certes, mais que je n’abandonnerai jamais car il représente le plus beau projet politique de Radio France. Cette antenne, j’en conviens, a connu une meilleure audience. Nous aurions pu diffuser uniquement du rap pour satisfaire une clientèle très ciblée, mais cela ne correspondait pas à l’idée que je me faisais de ce projet.

Il y avait plusieurs façons de traiter ce problème. La première consistait à laisser s’écouler un robinet à musique, mais ce n’est pas ce dont les jeunes ont besoin aujourd’hui puisqu’ils ont accès à toute la musique qu’ils souhaitent. En outre, ce n’est pas une mission de service public. La seconde façon consistait à fermer l’antenne en déclarant, pour masquer notre échec, que nous n’avions pas « rencontré notre public ».

Je ne vous mentirai pas, je n’ai pas réussi à faire du Mouv’ une machine à auditeurs. Mais je peux vous rassurer sur un point : un auditeur du Mouv’ ne coûte que 0,58 euro par an, soit cinq à six fois moins qu’un auditeur de France Culture. Nous ne pouvons pas reprocher aux jeunes de ne pas lire, de ne pas s’intéresser à l’information ou au théâtre, voire de ne pas voter, si nous ne nous occupons pas d’eux. N’abandonnons pas le Mouv’, mais analysons nos échecs et essayons à nouveau de le faire vivre.

Nous avons aussi engagé une révolution numérique qui aura un impact sur notre gestion dans les années qui viennent. Nous devons donc veiller à ne pas nous tromper dans nos investissements. Or, le Mouv’ s’adresse à une génération totalement digitale. J’en ai longuement discuté avec le directeur des nouveaux médias du groupe, auquel je rends hommage pour ses innombrables idées qui nous ont beaucoup fait avancer. Le numérique n’est pas uniquement une technologie, c’est une façon de vivre et c’est celle de la génération que nous cherchons à atteindre. Cela étant, le Mouv’, qui ne dispose que de 32 fréquences, reste une antenne de radio et n’est en aucun cas une web radio.

La nouvelle grille du Mouv’ sera mise en place le 6 janvier prochain. Je vous demande instamment, mesdames et messieurs les députés, d’écouter, ne serait-ce qu’une heure, cette antenne de grande qualité. Nos personnels, qui se sont énormément investis pour parvenir à ce résultat, méritent d’obtenir enfin un sondage satisfaisant. Je vous demande de ne pas abandonner le Mouv’ et de faire confiance à Radio France.

J’en terminerai avec FIP. Voilà une station qui, après 40 ans d’existence, se porte très bien et dont l’audience poursuit sa progression, notamment à Paris. C’est un magnifique objet radiophonique dont nous sommes très fiers.

Le Président de la République, qui nous a fait l’honneur de nous rendre visite à l’occasion du 50ème anniversaire de la Maison de la radio, a constaté que notre maison était également dédiée à la musique. Les musiciens professionnels, auxquels je rends hommage, représentent 10 % du personnel de Radio France. Nous ne pouvons imaginer cette maison sans son activité musicale d’excellence. Je vous invite à venir dans quelques mois visiter nos nouveaux studios, dont le studio 104 qui sera doté d’une acoustique exceptionnelle. Quant à l’auditorium de Radio France, réservé à la musique symphonique, il sera inauguré le 14 novembre prochain à 20 heures.

M. le président Patrick Bloche. Je vous demande d’excuser Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial de la Commission des finances, qui n’a pu se joindre à nous.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation pour les avances à l’audiovisuel public. Je m’associe tout d’abord à mes collègues pour vous souhaiter, monsieur le président-directeur général, ainsi qu’à tous les salariés du groupe Radio France, un bel anniversaire.

Le 50ème anniversaire de la Maison de la radio est un moment important de l’histoire des médias français. Le service public de la radio a marqué plusieurs générations d’auditeurs avec des voix inoubliables qui ont éveillé sans cesse nos imaginaires, des débats, des informations, des découvertes et des divertissements. Cet anniversaire doit être aussi l’occasion d’engager une réflexion sur l’avenir du groupe et de ses chaînes.

Je tiens à souligner que le groupe s’est efforcé de respecter les objectifs du COM 2010-2014. Il a élaboré un projet interne d’entreprise au printemps 2013 et s’attache à redéfinir un cadre collectif de travail qui sera discuté avec les organisations syndicales d’ici mars 2014.

Dans le contexte budgétaire actuel et compte tenu de la nécessaire participation du groupe au redressement des comptes publics, il faut noter les efforts significatifs de Radio France pour réaliser des économies sans affecter le cœur de métier des journalistes et leurs conditions de travail. La livraison des nouveaux bâtiments de la Maison de la Radio à l’automne 2014 devrait permettre de diversifier les ressources propres du groupe à travers la location d’espaces dédiés à l’organisation de concerts ou d’expositions.

Je souhaite revenir sur les contenus des programmes produits et diffusés sur les chaînes du groupe ainsi que sur les perspectives d’évolution envisagées pour le prochain COM.

Le rapport montre que l’année 2012 a été une très bonne année pour le média radiophonique en général, et particulièrement pour le groupe Radio France qui, avec 23,5 % de parts d’audience, a retrouvé le niveau record qu’il avait atteint en 2003. La particularité de cette année électorale a permis au groupe de capter de nouveaux auditeurs en quête de débats et d’émissions de qualité. Une véritable demande de confrontations d’idées et d’approfondissement des sujets s’est exprimée chez les auditeurs de Radio France et de France Inter en particulier.

Mais il semble qu’en 2013 une érosion de l’audience soit à l’œuvre sur l’ensemble des chaînes du groupe. Quelles sont, d’après vous, les raisons de ce recul ? Est-il le résultat d’un « trop-plein » d’informations ? Comment entendez-vous capter ce nouveau public qui consomme sans véritable radio de référence ?

Les chaînes de télévision d’information en continu concurrencent directement France Info. C’est pourquoi, à la rentrée 2012, la Matinale a été réorganisée afin de personnaliser chaque tranche d’information, et de nouveaux rendez-vous ont été mis en place en journée
– je pense notamment à « Terrains d’enquête ». Quel regard portez-vous sur cette réorganisation ? A-t-elle contribué à préserver les parts d’audience de la chaîne ?

Pour ce qui est du Mouv’, dont vous avez parlé avec beaucoup de talent, je tiens à souligner l’intérêt de cette station générationnelle qui peine encore à trouver son public. Son offre riche et ses contenus sont sous-exploités, mais le rapport indique que le nombre de podcasts téléchargés en 2012 – près de 4 millions – a presque quadruplé par rapport à 2011. Ce chiffre est très encourageant. L’émission « Laura Leishman Project » a été désignée meilleure nouveauté de l’année sur iTunes et l’App. Store. Cette émission de référence dans le domaine des musiques actuelles contribuait particulièrement à la visibilité de la chaîne vers son cœur de cible, les 20-40 ans. Son départ pour France Inter, en septembre 2013, a-t-il eu un impact sur l’audience du Mouv’ ?

Aujourd’hui les nouveaux usages de la radio comme le podcast ou l’enrichissement de contenus sur le web permettent d’écouter différemment la radio et démultiplient les formes de contact avec l’auditeur. La radio à la demande, la vidéo des émissions disponibles sur le site de la radio – les images des Matinales sont même réutilisées par les chaînes d’info en continu – sont autant de moyens pour intéresser, surprendre, faire découvrir au plus grand nombre d’auditeurs des contenus toujours plus riches.

Quelles sont les pistes de réflexion de la direction des nouveaux médias afin de prolonger l’objectif n° 11 du COM qui consiste à faire entrer en résonance la radio et le web ?

Un dernier mot sur le réseau de proximité France Bleu. Comme je l’ai souligné dans mon rapport sur le projet de loi de finances pour 2014, l’information de service proche des citoyens et de leur territoire telle que la propose France Bleu pourrait servir d’exemple au réseau France 3, mais nous aurons bientôt l’occasion d’approfondir cette question.

Pour conclure, le rapport sur l’exécution du COM pour l’exercice 2012 est très encourageant et souligne les nombreux efforts du groupe en vue de relever les défis de l’audiovisuel public dans un univers médiatique très concurrentiel, sans renoncer pour autant au service de nos concitoyens et à la qualité de l’information.

M. Michel Françaix. Je voudrais dire au nom du groupe SRC que la radio coûte aux contribuables français 600 millions d’euros, soit beaucoup moins que l’audiovisuel, le cinéma ou la presse écrite. En outre, la radio est reconnue par les auditeurs comme le média le plus fiable, en particulier la radio de service public.

Il n’est pas facile de faire vivre une radio comme France Inter et de donner plus d’importance à la mise en perspective qu’à la mise en scène à une époque où le twitt et l’information non vérifiée captent d’importantes parts d’audience.

Quant à France Bleu, il n’est pas facile de faire vivre une radio de proximité, et je suis de ceux qui considèrent que 44 stations ne sont pas suffisantes et qu’il faut aller plus loin.

Il n’est pas facile de faire vivre une radio d’information comme France Info face à la multiplication des nouvelles technologies.

La perte d’audience de l’année 2013 est sans doute en partie la conséquence d’une grève que nous aurions préféré maîtriser plus rapidement – et il est plus facile de perdre des auditeurs que d’en regagner. Mais il règne à Radio France un esprit maison, je peux en témoigner en tant que membre du conseil d’administration. À cet égard, le rôle que vous jouez, monsieur Hees, n’y est pas étranger. Vous avez su faire avancer les choses et coordonner l’esprit d’équipe, ce qui n’est pas toujours simple.

M. Christian Kert. Le groupe UMP vous remercie, monsieur le président-directeur général, et souhaite un bon anniversaire à la Maison de la Radio !

L’exécution du COM pour l’exercice 2012 est positive puisqu’elle affiche un bénéfice net de 3 millions d’euros, des courbes d’audience en hausse et le développement des orientations définies en 2011 concernant les supports numériques.

En dépit de la diminution de 8,5 millions d’euros de la ressource publique perçue par Radio France, conformément aux termes du COM, vous n’avez pas eu besoin de financements extérieurs et vous avez réduit vos dépenses de fonctionnement pour maintenir votre investissement à un niveau proche des prévisions du COM. Cette gestion prudente, alliée à une politique audacieuse des contenus, doit être portée à votre crédit. Ces résultats s’expliquent également par la diminution de la masse salariale, due à des recrutements différés, et par le décalage de certaines dépenses, dont celles occasionnées par les travaux de réhabilitation de la Maison de la Radio.

Dans ce contexte, nous nous interrogeons sur l’avenir de Radio France car sa dotation pour 2014 s’élève à 615 millions, ce qui représente une baisse de 1,5 % par rapport à la loi de finances pour 2013 et s’explique en partie par votre participation, à hauteur de 2 millions d’euros, à l’effort de redressement des comptes publics. La dotation annuelle sera donc largement inférieure aux prévisions du COM – pour mémoire 648 millions d’euros. Ces perspectives financières sont-elles de nature à remettre en cause votre équilibre ?

Comptez-vous constituer des ressources propres, notamment en créant un pôle de diversification chargé de valoriser la Maison de la Radio ?

France Info et France Inter voient leur audience diminuer. Comment l’expliquez-vous ? Qu’envisagez-vous pour leur redonner un second souffle ?

Mme Isabelle Attard. Je souhaite, au nom du groupe Écologiste, faire le point sur les avancées qui sont intervenues depuis votre audition en 2012.

Nous vous avions interrogé sur la parité au sein de Radio France, déplorant que les sept directeurs soient des hommes : vous nous aviez répondu que les adjointes, elles, étaient des femmes. Depuis, la promotion sociale a-t-elle permis à certaines adjointes de devenir directrices ?

Pourquoi ne pas supprimer les points info bourse, qui consistent à fournir des données brutes sans aucune mise en contexte et pourraient habilement être remplacés par une véritable information sur ce qu’est la bourse et ce qui s’y passe ?

Enfin, à des journalistes de Radio France qui protestaient contre la diffusion à l’antenne d’une publicité sur la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, vous avez répondu qu’il n’était pas envisageable d’écarter une telle publicité car cela aurait constitué un refus de vente. Face à un dossier aussi polémique, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale quelle est votre position sur ce type de programme promotionnel ?

M. Rudy Salles. Monsieur le président-directeur général, je vous remercie, au nom du groupe UDI, d’être présent parmi nous ce matin. Cela me donne l’occasion de saluer le choix opéré en 2009 par Nicolas Sarkozy en application de la loi organique du 5 mars 2009, qui a été remplacée par une nouvelle procédure qui offrirait, paraît-il, plus de garanties de liberté… N’en déplaise à quelques esprits taquins et un brin mesquins, votre nomination en Conseil des ministres n’était pas une opération cousue de fil blanc – contrairement à celle des personnalités qui ont été placées à la tête du CSA il y a quelques mois. C’était un acte de respect à l’égard de l’audiovisuel public, des auditeurs et des Français. D’ailleurs, les journalistes auxquels vous avez donné leur chance ont souvent des engagements militants sans ambiguïtés.

Ce qui comptait en 2009, c’était votre expérience de journaliste et de dirigeant, et ce qui compte aujourd’hui c’est votre expérience et le bilan de votre activité. À l’occasion de la célébration des 50 ans de la Maison de la Radio, vous avez rappelé la fameuse phase du Général de Gaulle : « À tant d’idées, de mots, d’images, de sons lancés sur les ondes merveilleuses, fallait-il une maison ? Oui ».

Vous évoquez le Mouv’, dont j’ai assisté à la création il y a 17 ans lorsque j’étais administrateur de Radio France, alors présidée par Michel Boyon. Nous aimons bien cette radio, mais le concept de radio généraliste à dominante musicale lui va-t-il aussi bien que vous le pensez ? Ne devez-vous pas changer votre fusil d’épaule ? Jusqu’où voulez-vous pousser votre exigence intellectuelle pour la jeunesse, et à quel prix, sachant que parfois l’audience du Mouv’ n’atteint pas 1 % ?

J’étais déjà sceptique il y a 17 ans lors de la création du Mouv’ car il était déjà difficile, à l’époque, d’attirer des jeunes sur le service public, de la télévision comme de la radio. Mais c’est encore plus difficile aujourd’hui car les jeunes ne lisent plus la presse écrite, ne regardent plus la télévision et n’écoutent plus la radio, mais sont en permanence connectés à Internet. Il est donc grand temps de nous interroger sur les chances de succès du Mouv’. On annonce une nouvelle grille de programmes pour janvier 2014. Que pouvez-vous en dire ?

Quant au réseau France Bleu, il est né alors que je siégeais encore au conseil d’administration du groupe Radio France, alors présidé par Jean-Marie Cavada. J’étais certain du succès qu’obtiendrait cette radio. Mes espoirs ont été satisfaits puisque France Bleu est à la radio ce que la presse quotidienne régionale est à la presse écrite. Elle est devenue un outil indispensable dans nos régions où elle reste la seule radio véritablement locale, depuis la disparition des radios libres des années 80, et ses parts d’audience sont très satisfaisantes. Je ne saurais trop vous conseiller de l’aider à se développer car elle renforce la démocratie locale.

Sur un tout autre sujet, quelle est votre stratégie de développement à l’international ? Quels liens entretenez-vous avec RFI ? Quelles coopérations avez-vous nouées avec des chaînes francophones telles que TV5, pour quelles coproductions et sur quels territoires ?

Mme Martine Martinel. Je salue vos propos, monsieur le président-directeur général. Et je rappelle également combien le président François Hollande est très attaché aux nouvelles modalités de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public.

Le rapport d’exécution du COM en 2012 fait état de la stabilité des effectifs, avec un objectif annuel de 4 619,5 équivalents temps plein, mais je ne distingue pas les contrats à durée indéterminée (CDI) et les contrats à durée déterminée (CDD). De nombreux salariés nous ont alertés car ils cumulent depuis de nombreuses années les CDD pour permettre à Radio France de diffuser la nuit, le week-end et les jours fériés, ou pour remplacer des CDI en congé maladie ou maternité. Quel est votre point de vue sur les salariés précaires ? Comment envisagez-vous l’évolution de leur statut ? Quels sont le nombre de CDD et le ratio entre les CDD et les CDI ? Plus largement, pourriez-vous faire le point sur la politique de Radio France en matière de ressources humaines ?

Je vous remercie pour la liberté de parole dont vous faites preuve et vos talents de journaliste, et j’espère que les nouvelles nominations seront le gage de la même qualité.

Mme Annie Genevard. Les radios du service public, en particulier France Inter et France Info, ont connu cet été et cet automne une baisse sensible d’audience, contrairement aux radios privées qui, elles, ont enregistré une nette progression. Vous avez déclaré que vous n’étiez pas prêt pour autant à diffuser l’horoscope tous les matins – mais je ne pense pas que l’on puisse résumer à cela le succès des radios privées.

En ce qui concerne la baisse de fréquentation de France Inter, vous avez mentionné que cette station devait être plus à l’écoute, plus en phase avec l’humeur du pays et moins centrée sur elle-même. Ces propos dessinent en creux les manques dont souffre cette antenne. J’apporterai à cet égard le témoignage personnel d’une auditrice fidèle depuis longtemps à France Inter qui a fini par déserter l’antenne au motif qu’elle était trop marquée politiquement, trop peu équilibrée dans son approche politique, trop attendue idéologiquement et trop convenue dans ses positionnements. Je fais partie de ceux qui ont migré vers France Culture, dont je me réjouis personnellement du succès et je vous engage à ne pas réfréner le talent de ses journalistes.

En tant que président, pouvez-vous impulser un changement d’état d’esprit alors que vous produisez 100 % des contenus ? La réflexion doit être conduite avec les personnels et les journalistes, mais ce n’est pas chose facile quand on a affaire à de fortes personnalités dont je ne citerai pas les noms… Le fait d’adjoindre à la réflexion des représentants des auditeurs serait-il de nature à faire remonter le niveau des parts d’audience ?

M. Hervé Féron. La spécificité de la radio publique tient au lien privilégié qu’elle a réussi à tisser depuis de longues années avec ses auditeurs. Il convient donc de concevoir un service public qui ne représente pas seulement l’État mais prenne en compte les auditeurs.

C’est par une offre de programmes structurée et variée que le service public de la radio nous informe et nous divertit depuis un demi-siècle. Radio France s’efforce d’allier exigence culturelle et respect du grand public, obéissant en cela à sa mission éducative et sociale.

Avec une audience en progression depuis trois ans, la ligne éditoriale de France Bleu est montrée en exemple, mais qu’en est-il de la qualité de l’information de proximité ? Les restrictions budgétaires peuvent-elles limiter cette qualité, comme le craignent certains animateurs et journalistes qui regrettent de ne plus pouvoir aller à la rencontre des acteurs de la vie locale ? Les interviews et les reportages sur le terrain sont un élément constitutif d’une radio de proximité, encore faut-il lui en donner les moyens.

En dépit de contraintes budgétaires plus fortes que par le passé et même si la période récente a été plus difficile en termes d’audience, Radio France a encore beaucoup à apporter au paysage radiophonique et aux auditeurs, et cela à l’heure où les mutations technologiques impactent les médias audiovisuels. Quel avenir souhaitez-vous à la radio ? Quelles seront, selon vous, les priorités de votre successeur ?

Il convient aussi d’aborder le sujet des contenus digitaux. La radio est un média difficile à exporter sur Internet. Quelle est la valeur ajoutée de la radio numérique pour l’utilisateur ? Les podcasts sont-ils une forme nouvelle de communication ?

Le projet de plateforme musicale de Radio France, qui devait être engagé avant la fin de l’année, subira un retard d’un trimestre. RF8 fera appel à des plateformes extérieures de type YouTube, Deezer ou Spotify pour diffuser ses playlists. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Enfin, toucher un public plus large est bien un enjeu majeur. Grâce à Internet, les radios intensifient les liens avec les auditeurs et diversifient leur offre par le biais de leur application. Pour relever ce défi, Radio France doit s’engager dans la mutation technologique.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, vous nous avez brossé un tableau quasi idyllique de Radio France en 2012, exception faite du Mouv’. Les réussites sont incontestables. La jeunesse est une de vos préoccupations principales : je tenais à souligner que vous avez su la captiver, plus, peut-être, en matière d’information que de musique.

Nous sommes également satisfaits de la qualité des formations musicales de Radio France : l’Orchestre national, l’Orchestre philharmonique, le Chœur et la Maîtrise de Radio France font en effet la fierté de cette maison.

J’ai en revanche souri en lisant dans le rapport que « France Inter présente une information libre, honnête et indépendante » : n’est-ce pas le cas des autres stations ?

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé qu’il souhaitait hâter le processus législatif devant conduire à la ratification par la France de la charte des langues régionales et minoritaires du Conseil de l’Europe : cette ratification ouvrira-t-elle de nouvelles perspectives de développement pour France Bleu ?

Mme Sophie Dessus. Notre exigence envers Radio France est proportionnelle à l’attachement que nous portons à cette maison.

Radio France a la volonté d’étendre la couverture du territoire par France Bleu et l’ouverture des radios locales de Toulouse et de Saint-Étienne a été évoquée. Ces deux agglomérations à forte population ont un fort potentiel d’augmentation de l’audience nationale, même si l’audience locale est faible, contrairement à France Bleu Creuse qui représente 35 % d’audience sur une population bien moins importante – ces 35 % ne pèsent guère par rapport aux 2 % d’audience de Lille ou de l’Île-de-France. Or, France Bleu Limousin n’a plus d’antenne spécifique en Corrèze : seuls subsistent des décrochages et, en janvier 2014, la tranche d’information matinale sera commune à la Corrèze et à la Haute-Vienne. Tulle n’accueille plus de personnel permanent, si bien que la radio s’éloigne des territoires et des gens qui y vivent.

Ne privilégiez-vous pas une plus grande partie de la population au détriment d’une plus grande partie des territoires ruraux, qui ne sont pas encore couverts ? Quels sont les projets de développement de France Bleu dans les départements ruraux non encore desservis et quel est l’avenir des micro-locales, comme celle de Tulle ?

Par ailleurs, la nouvelle direction de France Bleu semble prendre une orientation différente de celle qui avait été initiée par Philippe Chaffanjon : le remodelage centralisé de la grille, notamment en matinale et en matière d’information, paraît prendre le pas sur les spécificités locales, ce qui alourdit la charge des équipes et détériore les conditions de travail au détriment des possibilités de sorties et de reportages sur le terrain. Ne serait-ce pas un début d’abandon de la proximité au profit d’une uniformisation du réseau par cases successives, sans doute plus commerciales ? Est-ce là le projet d’une radio publique ?

J’ai été également alertée sur la curieuse composition de la nouvelle direction nationale de France Bleu, qui est entièrement issue de France Bleu Provence. N’existent-ils pas de professionnels compétents dans les quarante-trois autres radios de France Bleu ?

Enfin, j’ai entendu évoquer cette nuit la création d’un grand service public de l’audiovisuel : est-ce une simple vision, l’ouverture d’un grand chantier ou le retour à notre bonne vieille ORTF ?

M. Patrick Hetzel. Vous avez évoqué les actions de Radio France en faveur de la jeunesse : un indicateur du rapport vise plus spécialement les missions pédagogiques. Si, de manière générale, je tiens à souligner le développement des actions concernant le volet littérature, art et culture, je déplore en revanche la faiblesse de celles qui sont dédiées à la culture scientifique et technique. Je n’ignore évidemment pas des émissions comme « La tête au carré » ou « Sur les épaules de Darwin », qui est devenue une émission culte : Radio France a donc déjà réalisé des efforts en la matière. Envisagez-vous de les accentuer, compte tenu du fait que la culture scientifique et technique est devenue une question essentielle ?

M. Jean-Luc Hees. Je tiens à vous remercier pour vos questions, qui reflètent une très bonne connaissance de nos antennes et dont certaines sont d’ailleurs régulièrement soulevées en comité éditorial.

Je rappellerai tout d’abord que Radio France vit sous une contrainte budgétaire très forte. Les efforts importants que la maison doit consentir peuvent expliquer les frustrations des personnels, qui ont le désir de bien faire – ce qui est normal quand on travaille au sein d’un service public. La représentation nationale vote le budget : or, Radio France, depuis deux ou trois ans que des questions financières se posent, n’a pas renâclé devant les sacrifices à réaliser. La maison a ainsi réduit ses frais de fonctionnement, en supprimant par exemple les voyages des personnels en première classe – dont les prises électriques étaient pourtant bien utiles pour les ordinateurs des techniciens et des reporters. Elle s’est également dotée d’une direction des achats et a renégocié ses contrats avec ses fournisseurs. Ces efforts ont été à l’origine de notre projet d’entreprise. Radio France a une grande faculté d’adaptation : encore a-t-il fallu expliquer avec force pédagogie les mesures à prendre. Je suis comptable de l’argent des contribuables mais étant avant tout journaliste, j’ai appris sur le tas à tenir les cordons de la bourse d’une grande maison comme Radio France. Et j’ai dû faire passer le message des économies à réaliser auprès de mes 5 000 collaborateurs afin de recueillir leur adhésion.

France Bleu Creuse, madame Dessus, est une des antennes historiques de France Bleu. Il n’est pas question de limiter notre activité dans un département relativement peu peuplé. Il convient en revanche de rééquilibrer les équipes en fonction de la population à servir. Ce choix n’a rien de commercial : il répond au souci de bien faire avec les ressources dont nous disposons, ce qui n’est pas toujours facile.

Le traitement de l’actualité est la première mission de Radio France : or, cette mission n’a souffert en rien des efforts légitimes qu’on nous a demandé de consentir. En matière de reportages, Radio France est la radio la plus ouverte sur le monde – une des pistes de développement de France Info est du reste d’apparaître comme la radio de l’ouverture sur le monde. Je suis fier du travail effectué en matière de couverture de l’information par Radio France. Nécessité fait loi, assurément, mais peut également donner des idées : telle est la raison d’être du projet d’entreprise qui doit contribuer au développement de la maison. La discussion y est la règle en vue d’assurer toutes les missions qui nous sont confiées.

Il est vrai que le pilotage peut se révéler difficile. Ainsi à peine avions-nous réussi
– difficilement – à équilibrer le budget pour 2014 que nous étions soumis à un nouveau petit coup de rabot. Une telle méthode ne nous aide pas.

Des progrès, madame Attard, sont encore à réaliser en matière de parité entre les hommes et les femmes, à Radio France comme dans un grand nombre d’entreprises. Nous regardons ce problème en face et faisons preuve de volontarisme. Un média peut jouer en matière d’égalité un rôle considérable. De plus, Radio France est un service public : elle se doit donc d’être exemplaire. Pour mieux connaître la situation réelle, nous avons procédé à deux enquêtes sur le sujet au sein de la maison. La première portait sur le ressenti des hommes et des femmes en matière de parité : les hommes s’y révèlent plus satisfaits que les femmes. Quant à la seconde, elle portait sur le sexisme : celui-ci existe à Radio France. Il faut y porter remède.

Radio France est fière d’être le premier média de service public à avoir reçu cette année le label « Diversité ». Ce label correspond à des indicateurs très précis et peut évidemment être remis en question. J’imagine mal ce qui se passerait si nous le perdions. Nous allons donc poursuivre nos efforts en la matière.

Je suis heureux de privilégier la collégialité dans le travail – il est vrai que c’est une habitude de journaliste. Un comité éditorial se tient chaque semaine à Radio France : il réunit tous les patrons de chaînes. Tous les sujets sont abordés, ce qui permet d’accélérer les prises de conscience sans avoir à recourir au gourdin !

La radio doit être à l’écoute des Français pour être en résonance avec l’état de la société. Toutefois, en tant que service public, Radio France n’est pas tant dans la demande que dans l’offre. Je n’ai rien contre les horoscopes mais les délivrer chaque matin n’est pas la mission d’un média de service public. En revanche, seul un service public pouvait faire le pari de proposer, le samedi matin, l’émission « Sur les épaules de Darwin » de Jean Claude Ameisen : ce pari m’a troublé moi-même. C’était une offre : personne n’avait demandé une telle émission. Le directeur de France Inter a su faire confiance à Jean Claude Ameisen et nul ne saurait le regretter. Cette maison ne choisit jamais la facilité.

Les radios privées font très bien leur travail mais je n’ai pas 2 millions d’euros à mettre sur les arrières de bus pour communiquer sur les hausses d’audience de Radio France : telle n’est pas la mission qui m’a été confiée. Chacun son métier.

Il est vrai que les journalistes de France Inter, chaîne que je connais très bien pour l’avoir dirigée, sont quelquefois « entre eux ». Je le leur ai fait remarquer tout en évitant de prêter le flanc à l’accusation de faire pression. Du reste, sauf en cas de diffamation ou d’insulte, j’ai toujours déclaré que je n’exercerai jamais aucune pression sur qui que ce soit et je me suis toujours tenu à cette règle de conduite. Les différentes antennes de Radio France sont de gros bateaux : il est inutile de jouer les gros bras pour obtenir des changements. L’évolution de France Inter est le fruit de plusieurs mois de dialogue car chacun doit y prendre sa part. Nous partons de très loin. J’attends désormais des résultats assez rapides. Il en est de même de France Musique, qui consacre de très nombreuses heures à la musicologie, aux dépens de la musique elle-même. Ma mission consiste à le leur signaler.

France Info pose des problèmes de mécanique industrielle : quand l’ensemble du média se modifie, il faut trouver des pistes qui se révèlent toujours momentanées en raison de l’évolution de l’actualité, laquelle n’aide pas toujours. La matinale a été modifiée il y a à peine trois mois, après la tenue d’une assemblée générale de France Info au printemps dernier. Les discussions n’ont pas été faciles. Il faut laisser le temps aux présentatrices de cette tranche horaire de faire leurs preuves. J’ai confiance. Il est vrai que la chaîne doit favoriser l’analyse et accentuer son regard sur l’international – Radio France dispose, pour une part non négligeable de son budget, d’un réseau de dix correspondants dans le monde. Les changements exigent un vrai travail d’équipe.

S’agissant du Mouv’, nous ne sommes pas sourds. Des discussions sont engagées. Le Mouv’, qui s’adresse aux jeunes, ne peut pas traiter l’information comme France Inter ou France Info. Si on y parle de l’engagement de la France au Mali, il faut, par exemple, demander l’autorisation du ministre de la défense d’interroger dans une caserne un jeune soldat sur son expérience de la guerre. Telle est la démarche qui rendrait cette radio audible par son public. Ce serait une folie journalistique et économique de faire la même chose sur toutes les antennes !

Monsieur Françaix, j’ignore à quoi ressemblera la radio de demain : je n’ai pas de boule de cristal à ma disposition. Ce que je sais en revanche, c’est que 43 à 44 millions de Français écoutent la radio chaque jour. C’est donc une industrie prospère. À elle seule, Radio France réunit 14 millions d’auditeurs. Il est vrai que les changements peuvent être très rapides, en raison notamment de l’impact de la Toile. La radio n’est pas facile à exporter sur internet, qui est fait pour l’image et le texte.

Radio France, qui diffuse 1 000 titres par jour, se doit d’être prescripteur de musique en direction de la jeunesse. Cultiver, notamment sur le plan musical, tous les âges de la population est une des missions de Radio France qui dispose en la matière de très bons atouts : d’excellents programmateurs et producteurs de musique, des journalistes spécialisés et une somptueuse discothèque que le monde entier lui envie – ce n’est pas une exagération. C’est pourquoi Radio France ouvrira bientôt RF8 – ce sera en effet le huitième réseau de la maison –, le site de toutes les musiques. Nous souhaitions l’ouvrir au mois de novembre, mais nous nous sommes heurtés au refus de plusieurs sociétés de gestion collective de droits, ce qui a retardé le projet. Les discussions continuent, dans l’espoir que ces sociétés comprennent enfin leur intérêt à cette nouvelle forme d’éditorialisation de la musique. Nous sommes évidemment très légalistes et faisons attention à respecter scrupuleusement tous les aspects juridiques des dossiers.

Radio France est consciente que nous vivons dans un monde d’économie, de sciences et de technologies : elle essaie de faire le maximum en la matière.

Notre maison, fermée depuis deux ans en raison d’importants travaux de réhabilitation, rouvrira au public dans le courant de l’année 2014. L’investissement consenti par notre actionnaire étant considérable, nous devons la regarder comme un nouvel instrument mis à la disposition de nos antennes et de nos formations musicales. Nous souhaitons, à l’heure de l’aménagement des rythmes scolaires, la transformer, avec ses propres ressources, en un véritable instrument pédagogique, en une vraie maison de la culture. Savez-vous que Radio France possède un mini-studio de France Info où des enfants peuvent apprendre à faire le journaliste ou le technicien ?

Je vous rassure, monsieur Reiss, toutes les antennes de Radio France sont libres, honnêtes et indépendantes : c’est une conviction sans faille !

Madame Attard, refuser la publicité pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes aurait été incohérent : je ne peux pas développer les ressources propres et me mettre dans l’illégalité pour refus de vente. La maison doit honorer ses contrats. Cette affaire ne m’a absolument pas mis mal à l’aise.

S’agissant de l’international, Radio France entretient les meilleures relations du monde avec RFI, notamment dans le cadre de collaborations, comme en Afrique où il est dangereux de travailler. Nous nous rapprocherons davantage encore au sein de l’Union radiophonique et télévisuelle internationale (URTI) que je préside : je pense d’ailleurs confier la direction générale à un représentant de RFI. Il convient d’opérer une synergie qui dépasse les seuls aspects économiques : nous faisons en effet le même métier et partageons les mêmes valeurs.

En revanche, le Président de la République a évoqué hier un possible rapprochement entre France Télévisions et Radio France : je tiens à affirmer ici que suis attaché à l’absolue indépendance de Radio France. La radio et la télévision, où j’ai également travaillé, ne font pas le même métier.

Enfin, s’agissant du climat social régnant à Radio France, il faut savoir qu’à mon arrivée à la tête de la maison il m’a fallu immédiatement entamer la renégociation de la convention collective, qui datait des années 80. Radio France a la culture des débats vifs : les négociations y sont lentes et ont été, de plus, interrompues plusieurs mois en 2013 pour laisser passer les élections professionnelles. Malheureusement, alors que je souhaite signer ce nouveau contrat collectif avant la fin de mon mandat, les négociations sont de nouveau au point mort en raison de l’annulation des élections par la justice à la suite de la plainte d’un syndicat, pour un problème de représentativité. Les prochaines auront lieu en janvier 2014. Je l’affirme pourtant haut et fort : cette nouvelle convention collective est une nécessité car elle rassurera le personnel tout en modernisant la définition de nos métiers et en redessinant les relations sociales au sein de la maison, qui a sa culture et son histoire propres.

M. Patrick Bloche. Je vous remercie, monsieur le président-directeur général, du soin que vous avez pris pour répondre à nos questions. Vous connaissez l’attachement de la représentation nationale au grand service public de la radio et vous avez eu raison de rappeler que la radio et la télévision sont deux métiers différents.

La séance est levée à onze heures vingt-cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 18 décembre 2013 à 9 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, Mme Isabelle Attard, M. Thierry Benoit, M. Patrick Bloche, Mme Brigitte Bourguignon, M. Malek Boutih, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Yves Daniel, M. Bernard Debré, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Pierre Léautey, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, M. Claude Sturni, M. Stéphane Travert

Excusés. – M. Benoist Apparu, Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, Mme Marie-George Buffet, M. Ary Chalus, M. Pascal Deguilhem, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Jean-Pierre Giran, M. Guénhaël Huet, Mme Sonia Lagarde, M. Dominique Le Mèner, M. François de Mazières, Mme Barbara Pompili, M. Marcel Rogemont, Mme Michèle Tabarot, M. Jean Jacques Vlody