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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mercredi 4 juin 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 34

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

– Information relative à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 4 juin 2014

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. le président Patrick Bloche. Ce matin, la Commission a pu visiter, à Pont-Saint–Maxence, un chantier de fouilles archéologiques, et ainsi admirer les vestiges d’un temple gallo-romain du IIe siècle après Jésus-Christ. Cela nous a permis de constater combien l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) remplit bien sa mission de service public. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions lors de la discussion du projet de loi, annoncé par la ministre de la culture, consacré au patrimoine.

Cet après-midi, nous avons le plaisir d’accueillir – pour la première fois depuis sa nomination comme ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – M. Benoît Hamon, pour un échange sur les questions relatives à l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, les sujets ne manquent pas ; cette audition pourra en particulier être l’occasion de vous exprimer sur la façon dont vous entendez mettre en œuvre les orientations de la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République.

Concernant l’aménagement des rythmes scolaires, le décret du 7 mai 2014 a-t-il incité de nombreuses communes à revenir sur leur projet initial ? Pouvez-vous nous rassurer sur le fait que, quelle que soit l’organisation du temps scolaire mise en œuvre, la continuité éducative entre activités scolaires et périscolaires sera assurée ?

Pouvez-vous également faire le point sur l’exécution du volet « programmation » de la loi du 8 juillet 2013 ? En particulier, 54 000 nouveaux postes devaient être créés sur la durée du quinquennat dans l’enseignement scolaire : où en est-on et quelles sont les perspectives pour la prochaine rentrée ? Quelles mesures prévoyez-vous pour renforcer l’encadrement pédagogique dans les zones difficiles et pour améliorer l’équité des dotations entre les académies ?

Enfin, la semaine dernière, une projection du documentaire La Cour de Babel, consacré aux classes d’accueil de jeunes primo-arrivants non francophones, a été organisée à l’Assemblée nationale. Cette projection, ainsi que le débat avec la réalisatrice et l’enseignante qui a suivi, nous ont convaincus de l’utilité de ces classes. Toutefois, nous avons été alertés de menaces que la circulaire du 2 octobre 2012 ferait peser sur elles : pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce que nous dit ce film, c’est que l’école de la République, ça marche ! Et bien d’autres indicateurs nous le montrent. L’école demeure l’une de nos institutions les plus fédératrices ; les attentes des Français à son égard sont considérables, et ils se montrent très exigeants, souvent vis-à-vis des professeurs, mais plus largement vis-à-vis du système scolaire lui-même. Dans un contexte de grande tension dans la société française, la promesse de l’école républicaine – la réussite et l’épanouissement de chacun, quelles que soient ses origines sociales – continue de rassembler.

Il nous faut néanmoins faire preuve de lucidité et donc cesser d’entretenir le mythe d’une école égalitaire. Regardons la réalité en face : nous sommes aujourd’hui, hélas, champions d’Europe pour le poids de l’origine sociale dans le destin scolaire des enfants. La promesse de l’école n’est plus, ou pas assez tenue, et cela doit alerter les élus que nous sommes. Ce diagnostic sévère ne fera, je crois, guère débat entre nous.

Mais cela ne veut pas dire que l’école ne sait pas changer et qu’elle échoue systématiquement. La Cour de Babel nous montre le bel exemple d’élèves allophones qui apprennent, grâce à une professeur absolument exceptionnelle, à parler, à lire et à écrire le français, pour suivre ensuite une scolarité ordinaire ; ce film nous montre aussi des élèves qui apprennent à dépasser leurs préjugés sur les uns ou les autres. J’ai d’ailleurs programmé, la semaine prochaine, une projection de ce documentaire pour l’inspection générale de l’éducation nationale et les recteurs, car on y voit vraiment une image formidable de l’école. Je vous répondrai tout à l’heure sur la façon dont nous voulons poursuivre le travail de ces classes d’accueil.

Il y a d’autres sujets de réjouissance : ainsi, une évaluation du niveau des élèves à l’entrée au CP rendue publique à l’automne dernier montrait qu’entre 1997 et 2011, les enfants qui sortaient de l’école maternelle avaient largement progressé. C’est la preuve que l’école peut se transformer et améliorer le niveau des élèves. On peut aussi se réjouir de la montée en puissance du baccalauréat professionnel ou encore de la réussite du collège unique – ce qui ne s’oppose pas à la volonté de le réformer.

Il y a aujourd’hui beaucoup trop de nervosité dans et autour de l’école. Il faut apaiser le climat scolaire – mais pas, comme je l’ai lu, en achetant la paix sociale par un accord avec les syndicats, ou en enterrant les sujets qui fâchent ! Il nous faut fabriquer du consensus - surtout lorsque nous sommes d’accord sur les diagnostics. Je travaillerai donc, dans les mois à venir, à conduire le changement avec tous, sans opposer les parents aux professeurs, la communauté éducative aux élus, les maires à l’institution scolaire…

Les priorités qui sont celles de ce ministère depuis deux ans ne changent pas : il est indispensable de tout faire pour lutter contre les inégalités que l’école, aujourd’hui, maintient, voire accentue.

C’est pourquoi le gouvernement a décidé de donner la priorité au primaire : une marche ratée à l’école primaire devient ensuite insurmontable. Nous devons nous donner tous les moyens pour que les savoirs fondamentaux soient maîtrisés par tous à l’issue du CM2 et à l’entrée en sixième.

Dans ce cadre, le gouvernement souhaite favoriser la scolarisation des enfants de moins de trois ans, notamment dans les zones d’éducation prioritaire : c’est dans les quartiers populaires, où beaucoup de parents d’élèves parlent peu ou mal le français, que les bénéfices d’une scolarisation précoce sont les plus grands. C’est aussi dans cette logique que nous avons mis en place le dispositif « plus de maîtres que de classes », qui permet de mieux suivre les enfants et qui donne déjà satisfaction.

Nous voulons également procéder à une refonte de l’éducation prioritaire, pour concentrer les moyens sur les territoires où les besoins sont les plus importants. Nous devons construire les nouveaux réseaux d’éducation prioritaire, REP et REP+, à partir d’indicateurs robustes : nous avons proposé de prendre en considération le nombre d’enfants décrocheurs, le nombre d’enfants habitant dans des quartiers relevant de la politique de la ville, le nombre d’enfants boursiers et le revenu moyen des familles. Il faut aussi corriger les lacunes des précédents dispositifs : ainsi, nous allons permettre que 54 heures soient dégagées, à l’école et au collège, selon des formules différentes, pour que les enseignants se consacrent davantage à des projets collectifs et pédagogiques. De plus, nous souhaitons une stabilisation du corps enseignant : des temps et des jours de formation supplémentaires seront accordés et les indemnités accordées aux enseignants des REP et REP+ seront augmentées afin de les encourager à demeurer dans ces territoires.

Le lien entre l’école et le collège est déterminant pour assurer un meilleur suivi des élèves et une meilleure progressivité des apprentissages, qui est l’une des clefs de la réussite. Tous n’apprennent pas au même rythme : l’école de la République doit en tenir compte.

Je ferai prochainement des annonces relatives aux réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED.

Je poursuivrai également l’engagement de mon prédécesseur sur la lutte contre le handicap : je pense en particulier à la transformation des contrats des auxiliaires de vie scolaire (AVS) en contrats à durée indéterminée, ce qu’on appelle la « CDIsation ». Cela offrira de la stabilité, mais aussi une reconnaissance de leur qualification. Davantage d’enfants en situation de handicap doivent être intégrés au milieu scolaire ordinaire.

Souvent, la population scolaire croît en milieu urbain, ce qui justifie des créations de postes, et décroît en milieu rural, ce qui oblige à supprimer des classes. Je répondrai volontiers aux questions sur les inégalités que vous pouvez percevoir entre les territoires. Une expérimentation est menée dans le Cantal, qui suscite de grandes réactions : je vous dirai les conditions auxquelles, à mes yeux, nous pouvons l’étendre – comme, je le sais, beaucoup d’élus le souhaitent – en mettant en place un dialogue entre élus et rectorats, afin de mieux penser les regroupements pédagogiques et les réorganisations de la carte scolaire, en contrepartie de la stabilisation, pendant trois ans, des effectifs enseignants.

Arrêtons-nous quelques instants sur la question des rythmes scolaires. Le plus frappant, c’est que tout le monde est d’accord sur le diagnostic : une matinée de plus, c’est meilleur pour les enfants. Malheureusement, ce sujet est devenu polémique et beaucoup d’angoisses se font jour, chez les parents, dans la communauté éducative, et au-delà dans toute la société française. Je vais écrire à chacun des parents et des professeurs pour leur redire l’objectif de cette réforme : faire en sorte qu’en fin de CM2, les apprentissages fondamentaux soient acquis par tous, ce qui n‘est pas le cas aujourd’hui. Comme ministre de l’éducation nationale, je ferai mon travail : d’ailleurs, ce qui se passe dans la classe, donc les programmes, mais aussi l’organisation du temps scolaire, relèvent de la responsabilité de l’État – le périscolaire relevant, lui, des communes ou des intercommunalités. Or s’il y avait, en 2013, consensus sur la question des apprentissages et des rythmes scolaires, il n’y a plus de consensus sur les activités périscolaires et la fatigue des enfants.

Beaucoup de représentations liées à ce débat sont, je crois, déjà fixées. C’est donc la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires qui montrera la pertinence de ce choix. J’en veux pour preuve ses premières évaluations, que je rendrai publiques bientôt. Dans les villes où elle est mise en place, des professeurs – au départ mis dans l’embarras, à titre personnel, par cette réforme – estiment aujourd’hui qu’elle a permis d’aider les élèves, et notamment les plus en difficulté. Cette parole est pour moi essentielle : leur mission de transmission de connaissances et de compétences en a été facilitée.

Parmi les 4 000 communes qui avaient déjà arrêté une organisation du temps scolaire lors de la parution du nouveau décret, seules 1 % ont choisi de modifier cette organisation. Pour celles qui n’avaient pas encore mis en œuvre la réforme, je ne dispose pas de chiffres pour toute la France mais seulement pour cinquante-huit départements : seules 5,1 % des communes s’y sont saisies du nouveau décret. Parmi celles-ci, certaines ont choisi de dégager une après-midi entière pour les activités périscolaires, ce que le décret permet. À titre personnel, j’estime que, pour des intercommunalités en milieu rural, c’est la formule la plus pertinente.

Mais quelle que soit l’organisation retenue, tous les élèves travailleront partout, du lundi au vendredi ou en mobilisant le samedi en contrepartie d’un mercredi non travaillé, cinq matinées par semaine, et c’est bien ce qui compte pour les apprentissages fondamentaux : 100 % des élèves tireront bénéfice de la réforme des rythmes scolaires.

S’agissant de la préparation de l’école du futur, le nouveau Conseil supérieur des programmes va nous permettre d’ajuster les programmes de l’école primaire, afin de les recentrer sur les apprentissages fondamentaux. J’attends beaucoup des travaux de ce Conseil sur le socle commun de connaissances, de compétences et de culture : ses recommandations seront rendues publiques au cours du mois de juin. Nous consulterons les enseignants durant l’automne et je rendrai très rapidement les arbitrages sur l’école primaire et le collège, et sur le lien entre l’un et l’autre. À l’évidence, il faudra aussi débattre des modalités d’évaluation de la maîtrise du socle commun par les élèves, notamment en fin de scolarité obligatoire, dans le cadre du diplôme national du brevet (DNB) mais aussi au cours de la scolarité. C’est une tâche exaltante pour le CSP comme pour moi-même.

L’école du futur sera bien entendu numérique : les Investissements d’avenir nous permettront d’accompagner la montée en puissance du numérique dans les écoles, les collèges et les lycées. Il ne s’agit pas seulement d’assurer le raccordement au haut ou au très haut débit, ce qui sera fait ; il faut aussi que les établissements disposent d’un équipement adéquat et des ressources pédagogiques nécessaires. Cela implique notamment que les enseignants, nouveaux ou pas, soient formés. C’est un travail considérable. Nous avons également appelé l’attention des éditeurs français sur l’enjeu que représentent les manuels numériques : nous ne devons pas prendre de retard par rapport aux éditeurs anglo-saxons ; l’espace francophone du numérique doit être structuré par les initiatives françaises. Je laisse ici de côté les MOOC (massive open online courses), c’est-à-dire les cours en ligne ouverts et massifs, qui sont aujourd’hui l’un des moyens de diffusion de la connaissance mais aussi de la pédagogie française.

Je voudrais dire quelques mots de la question de la formation professionnelle des professeurs, qui avait été abandonnée. Chacun reconnaîtra que c’était une erreur : enseigner s’apprend, c’est une évidence. C’est pourquoi nous accordons beaucoup d’importance à la formation tant initiale que continue : aujourd’hui, face à une classe composée, au mieux, de vingt-cinq élèves qui sont autant de personnes, il faut mettre en œuvre une pédagogie différenciée, être attentif aux besoins de chacun, choisir ses instruments pédagogiques...

Nous avons donc mis en place les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), qui « hybrident » la culture du supérieur et la culture du scolaire. Nous transmettrons ainsi les connaissances, dans chaque discipline, mais aussi tous les gestes professionnels indispensables à l’enseignant, qui doit gérer des situations parfois compliquées. Nous ne résoudrons certes pas tout du jour au lendemain, mais il était indispensable de rétablir la formation initiale des professeurs et d’insister sur la formation continue.

Enfin, nous nous préoccupons de l’enseignement professionnel : je crois beaucoup à cette filière, qui a largement contribué à l’augmentation du taux d’élèves bacheliers. L’éducation nationale sera partie prenante de la conférence sociale, notamment pour ce qui regarde l’orientation et l’insertion professionnelle par la voie professionnelle. Nous nous efforçons de renforcer encore les liens de cette dernière avec le monde du travail. La montée en puissance des « campus des métiers et des qualifications » – qui regroupent des établissements d’enseignement secondaire, des écoles d’ingénieurs, des centres de formation d’apprentis, des centres de recherche, des entreprises, etc. – montre aujourd’hui l’excellence de nos lycées de métiers. Au-delà, le travail sur l’offre de formation de l’enseignement professionnel sera un axe important de mon action des prochains mois à la tête de ce ministère – c’est par prudence, vous le comprendrez, que je parle de mois.

Je recevais ce matin M. Pierre Gattaz, qui me disait ses attentes vis-à-vis de l’école. Nous devons en tout cas réfléchir à organiser de façon plus cohérente l’articulation entre la filière professionnelle et l’apprentissage au lieu que ces deux voies de formation se fassent concurrence.

Je ne m’inquiète pas de la qualité des débats au sein de votre Commission. Mais il faut, je le crois profondément, apaiser les débats sur l’école. Il n’est bon pour personne d’avoir une école si nerveuse, si angoissée, avec des élèves, des parents, des professeurs inquiets. Tous, que nous soyons dans l’opposition ou dans la majorité, nous devons redonner à l’école toute sa place d’institution qui fédère, et je mettrai tout en œuvre pour cela. L’école est aujourd’hui trop souvent remise en cause, voire agressée. Des interrogations se font jour sur la capacité de la République à tenir ses promesses : commençons par apaiser l’école et lui redonner sa capacité à rassembler.

M. Yves Durand. Monsieur le président, pourrions-nous connaître les noms et les fonctions des personnes qui accompagnent M. le ministre ?

M. le président Patrick Bloche. Je fais droit à cette demande.

Mmes et MM. les collaborateurs du ministre se présentent.

M. Ary Chalus. Monsieur le ministre, vous avez déclaré vouloir tout faire pour que chaque enfant réussisse à l’école ; c’est la raison pour laquelle votre prédécesseur a mis en place la réforme des rythmes scolaires, que le groupe RRDP, au nom duquel j’interviens ici, approuve entièrement. Il était urgent de remédier à une situation grotesque d’enseignement à marche forcée, où nos enfants avaient des journées plus longues et plus chargées que dans la plupart des autres pays du monde, mais le plus faible nombre de jours de classes au sein de l’OCDE. Il faut souligner le rôle des activités périscolaires dans la lutte contre le décrochage scolaire, puisqu’elles permettent aux élèves de voir l’école autrement, comme l’alliée de leur épanouissement plutôt que comme un lieu où l’on est en permanence jugé et évalué.

Cette réforme va donc dans le sens de l’égalité des chances. Le groupe RRDP s’inquiète toutefois de la teneur du décret du 7 mai 2014 : pourquoi remettre en cause l’autorité de l’État par ces assouplissements, et pourquoi tergiverser dans l’application d’une réforme indispensable ? Par ailleurs, comment pourront s’organiser les familles recomposées, où dans une fratrie certains enfants auront classe le mercredi, d’autres le samedi ? Ce problème concret ne peut rester sans réponse.

M. Luc Belot. Le groupe SRC se réjouit de cette occasion de vous entendre, monsieur le ministre. Vous avez raison, la très grande nervosité dont vous parlez pénalise notre système scolaire ; elle est pourtant causée le plus souvent par des méconnaissances ou des malentendus, plus que par de véritables désaccords. L’école est notre bien commun, et doit dispenser l’instruction autant que l’éducation. Les chiffres sont bien connus ; la refondation de l’école n’en est qu’à ses débuts et votre tâche est importante. La lettre que vous avez tout récemment envoyée aux membres de la communauté éducative a été très appréciée de tous ses destinataires, de même que vos propos, souvent répétés, sur la nécessité de lutter contre les inégalités.

Dans ce cadre, il faut notamment travailler sur le lien entre l’école et les parents, sujet sur lequel se penche une mission d’information de notre commission.

Notre collègue Frédéric Reiss a rendu en 2010 un intéressant rapport intitulé Quelle direction pour l'école du XXIe siècle ? Le directeur d’école, aujourd’hui surtout cantonné à des tâches purement administratives, doit devenir un véritable « manager » de l’équipe éducative.

Souvent, le lien entre l’école et les parents n’est assuré que par le cahier de textes où sont inscrits devoirs et leçons, dont on sait pourtant qu’ils constituent un facteur d’accroissement des inégalités. Comment remédier à ce problème tout en maintenant le lien entre l’école et les parents ?

La formation des enseignants est un point évidemment crucial. Mais nous estimons indispensable d’organiser des formations communes dans les ESPE, qui concernent tous les membres de la communauté éducative : je pense aux agents spécialisés des écoles maternelles (ASEM), aux animateurs en charge des activités périscolaires, mais aussi à certains fonctionnaires des collectivités territoriales.

Enfin, le numérique constitue un enjeu pédagogique considérable pour tous, pour les nouveaux enseignants comme pour ceux qui sont déjà expérimentés.

M. Frédéric Reiss. Le groupe UMP ne peut qu’approuver vos bonnes intentions de lutte contre les inégalités et d’apaisement du climat scolaire. Nous approuvons votre volonté de valoriser l’enseignement professionnel, comme celle d’expérimenter les regroupements pédagogiques et de mettre en place une « école du socle » qui permette une meilleure articulation entre primaire et secondaire.

S’agissant de la réforme des rythmes scolaires, je ne partage pas votre optimisme. La méthode dogmatique de votre prédécesseur était inadaptée. Aujourd’hui, les décrets, le sien comme le vôtre, sont toujours contestés et contribuent – comme le report de la rentrée 2014 – à la division des Français. La révolte gronde sur le terrain, et ce n’est pas parce que la plupart des maires ont présenté aux directeurs académiques des services de l'éducation nationale leur projet d’organisation du temps scolaire qu’ils adhèrent à votre réforme. Celle-ci est à mes yeux très inégalitaire et les cinquante euros d’aide n’y changeront rien. Le temps n’est-il pas venu de faire confiance aux enseignants et aux élus locaux ? Vous reprenez l’argument des journées trop longues et de l’année scolaire trop courte ; en fait, pour le premier degré, le temps d’instruction de chaque élève et la taille des classes se situent en France dans la moyenne de l’OCDE.

Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes de mai 2013 concluait que l’éducation nationale ne souffrait pas d’un manque de moyens ou d’enseignants, mais qu’elle utilisait mal les moyens existants. La majorité a annoncé la création de 60 000 postes : pour nous, ce n’est pas la panacée.

À l’ère du développement des technologies numériques, il est plus que jamais indispensable de se concentrer sur le socle commun de connaissances, de compétences et de culture : vous l’avez dit et je n’y reviens pas. De ce point de vue, l’audition de M. Boissinot, président du Conseil supérieur des programmes, nous a rassurés.

Le ministère de l’éducation nationale a choisi de privilégier le nombre d’enseignants plutôt que leur rémunération et, au sein de la rémunération, la part indiciaire plutôt que la part indemnitaire. La majorité a, hélas ! supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires, qui apportait du pouvoir d’achat aux enseignants. Faut-il, dans ces conditions, s’étonner du peu d’attractivité du métier d’enseignant ? Je rappellerai simplement que la moitié des postes au CAPES de mathématiques sont restés vacants.

La fonction d’enseignant exige des compétences disciplinaires et pédagogiques – qui seront certainement renforcées par les ESPE – mais aussi de l’humanité, qui permet, en nouant des relations de confiance avec le groupe-classe, d’installer un climat relationnel chaleureux et épanouissant, mais aussi exigeant.

Il y a deux ans, j’avais reproché à M. Peillon de passer sous silence les progrès
– assez spectaculaires – des enfants à l’entrée en CP, que vous avez évoqués tout à l’heure. Malheureusement, cette réussite ne se confirme pas en CE2 : on constate une baisse des résultats en français, et la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale tire même la sonnette d’alarme pour les mathématiques. Il serait vraiment regrettable de ne pas tirer tous les bénéfices de l’existence d’une école maternelle que le monde entier nous envie. Au-delà du slogan « plus de maîtres que de classes », quelles actions concrètes allez-vous mettre en œuvre pour remédier à cette situation ?

Enfin, je crois beaucoup à l’importance du chef d’établissement. Votre prédécesseur avait ouvert des discussions sur la fonction de directeur : sur la réforme du statut des directeurs d’école et sur la revalorisation de cette fonction, où en êtes-vous ?

Mme Barbara Pompili. Merci, monsieur le ministre : ces échanges sont importants, car nous devons avancer pour refonder l’école, qui doit redevenir le lieu de la lutte contre le déterminisme social. Le groupe écologiste approuve les objectifs de votre lettre du 22 mai dernier.

Concernant la réforme des rythmes scolaires, je voudrais toutefois insister sur la nécessité de pérenniser le fonds de soutien aux collectivités ou de trouver un mécanisme de péréquation. Il en va de l’équité territoriale : chaque élève doit se voir proposer des activités gratuites et de qualité. L’État ne peut pas se désintéresser des activités périscolaires, qui font partie du parcours éducatif de l’enfant. C’est d’ailleurs pourquoi nous souhaitons la généralisation des projets éducatifs territoriaux.

De même, quels transferts de financement et quels mécanismes de péréquation prévoyez-vous pour permettre aux régions, après la réforme territoriale, de gérer les collèges ?

Comment pensez-vous faciliter l’accès des enfants handicapés aux activités périscolaires, problème récemment pointé par le Défenseur des droits ? Je n’évoque pas même ici le cas des enfants handicapés qui ne sont pas scolarisés.

La circulaire relative à la préparation de la rentrée scolaire 2014 du 20 mai dernier promeut « l’école inclusive ». Nous nous en réjouissons, mais il est nécessaire d’aller plus loin en renforçant les moyens humains, financiers et pédagogiques. Je me félicite du passage en contrat à durée indéterminée d’AVS plus nombreux. Des efforts budgétaires sont-ils envisagés sur ce point, ainsi que sur les RASED (réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) ? Le rattrapage financier est en effet une nécessité.

Nous approuvons votre volonté de renforcer et de mieux cibler les moyens accordés à l’éducation prioritaire. Toutefois, il faut veiller aux conséquences qu’une telle politique peut avoir : il ne faudrait pas trop déshabiller Pierre pour habiller Paul…

Lutter contre le décrochage scolaire implique de nous interroger sur notre conception de l’éducation et de l’école : nous plaidons, vous le savez, pour que plus de liberté soit accordée aux équipes pédagogiques ; nous voulons favoriser les expérimentations, afin d’adapter les programmes à chaque élève plutôt que l’inverse ; nous voulons ouvrir l’école sur l’extérieur et permettre aux élèves de devenir les acteurs de leur éducation. C’est par ce changement d’approche que nous parviendrons à démocratiser la réussite.

La transformation des pratiques d’évaluation préconisée dans la circulaire va dans le bon sens, mais ce n’est qu’un premier pas : il faudrait interdire pour de bon cette fichue notation chiffrée, tellement stigmatisante, et revenir sur les systèmes de compensation entre disciplines qui n’ont aucun sens. Il faut redonner le plaisir d’apprendre, car la réussite scolaire est intimement liée au plaisir d’apprendre, lui-même indissociable du plaisir d’enseigner. Oui, retrouvons ce mot de plaisir !

La formation des enseignants, grâce aux ESPE, est un aspect essentiel. Où en êtes-vous du grand programme de formation continue que nous appelons tous de nos vœux et que vous avez seulement évoqué ? S’agissant de la formation initiale, nous avions indiqué notre préférence pour un concours de recrutement des futurs enseignants à l’entrée en première année de master, afin que deux années soient véritablement consacrées à la formation des futurs enseignants plutôt qu’à du bachotage. Votre prédécesseur avait paru ouvert à l’idée d’étudier cette proposition et notamment son coût. Qu’en est-il aujourd’hui ?

La question du pré-recrutement doit également être à nouveau posée, en particulier pour remédier au manque d’enseignants dans certaines académies ou disciplines. Alors que les besoins sont énormes, la Cour des comptes vient de mettre en évidence une sous-consommation du plafond d’emploi : où en est-on dans les recrutements ?

Pourriez-vous préciser le calendrier envisagé pour la suite des réformes ? Je pense notamment à la réforme du collège, pour lequel il y a beaucoup à faire, notamment en mettant en place l’école du socle et en réformant le statut des enseignants.

Enfin, on lit dans la presse que les « ABCD de l’égalité » pourraient ne pas être généralisés et pérennisés. Soyons clairs : la lutte contre les stéréotypes de genre et pour l’égalité femme-homme ne peut plus attendre ; elle ne saurait être encore une fois reléguée à un « plus tard » qui n’arrive jamais. C’est en déconstruisant les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge que l’on parviendra peut-être un jour enfin à l’égalité.

M. Rudy Salles. Monsieur le ministre, je veux, au nom du groupe UDI dont vous connaissez l’attachement à l’école républicaine, vous adresser mes vœux de réussite.

Vous étiez hier à Douai pour évoquer la réforme de l’éducation prioritaire. La répartition des 102 nouveaux réseaux REP+ semble s’être parfois faite sans véritable concertation, et avoir laissé de côté certains établissements accueillant pourtant des élèves en grande difficulté. Pouvez-vous préciser les critères sur lesquels vous vous êtes appuyé pour choisir des nouveaux réseaux ? Ce dispositif doit être amplifié à la rentrée scolaire 2015 : comment comptez-vous corriger les éventuelles insuffisances de ces critères ? Enfin, le plan de 350 millions d’euros que vous avez annoncé comprend-il des financements nouveaux ou bien sera-t-il mis en œuvre grâce à des redéploiements ?

S’agissant des rythmes scolaires, vous avez dit vouloir écouter les inquiétudes qui s’étaient exprimées. Vous le savez, les collectivités locales sont confrontées à des problèmes d’organisation et 77 % des communes qui ont mis en œuvre la réforme disent avoir rencontré de grandes difficultés pour la financer. Les collectivités territoriales sont très inquiètes, car elles doivent financer cette réforme, mais aussi contribuer à hauteur de 11 milliards aux 50 milliards d’économies annoncés par le Premier ministre. Vous avez annoncé la reconduction du fonds d’amorçage pour l’année scolaire 2015-2016, mais qu’en sera-t-il au-delà ? Envisagez-vous la mise en place d’un financement pérenne ?

Les acteurs de l’école – enseignants, parents, personnels municipaux – sont majoritairement opposés à cette réforme et convaincus qu’elle ne réglera pas l’échec scolaire. Dans ma ville, Nice, la quasi-totalité des conseils d’école ont voté unanimement contre ce projet. Peut-on réformer l’école sans ceux qui la font ? Malheureusement, monsieur le ministre, les assouplissements que vous avez proposés n’ont pas levé les inquiétudes.

Ne sous-estimez pas ce problème, qui a coûté sa place à votre prédécesseur. Certes, cela vous permet d’être devant nous cet après-midi : à toute chose malheur est bon ! Les électeurs du grand sud-est aux élections européennes ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en infligeant à M. Peillon un camouflet historique : ces questions ont beaucoup compté, n’en doutez pas. La mobilisation contre ce projet ne faiblit pas ; une manifestation à l’initiative de l’Association des maires de France mais aussi des syndicats d’enseignants et des fédérations de parents – qui ne sont pas tous des militants de l’opposition – est d’ailleurs prévue à Nice demain.

Ce que nous demandons, et qui réconcilierait le gouvernement avec la communauté scolaire, c’est que les communes puissent choisir d’appliquer la réforme sur quatre ou cinq jours, comme le prévoyait le décret de 2008. Ce serait la sagesse et le bon sens.

Mme Marie-George Buffet. Le groupe GDR se félicite, monsieur le ministre, de cette occasion de dresser avec vous un premier bilan de l’application de la loi sur la refondation de l’école. On ne peut qu’approuver votre volonté de réduire les inégalités sociales et territoriales, mais de quels moyens disposerez-vous ? Après les annonces de réduction des dépenses publiques, allez-vous maintenir l’objectif de création de 54 000 postes et poursuivre la lutte contre la précarité des personnels ?

Les bienfaits d’une entrée à l’école dès deux ans ne sont plus à démontrer, notamment dans un territoire comme le mien. Or il n’y a souvent qu’une seule classe par ville ouverte aux enfants de deux ans. Quelles sont les perspectives pour la prochaine rentrée ?

On constate aujourd’hui que les savoirs fondamentaux sont moins bien maîtrisés par les élèves du premier degré : l’urgence de la refondation n’est plus à démontrer. Si permettre aux enfants de bénéficier de cinq matinées pour leurs apprentissages fondamentaux me semble une très bonne chose, cela ne peut suffire à réduire les discriminations sociales ou territoriales. D’autres paramètres interviennent, notamment la révision des programmes. Lors de la discussion de la loi sur la refondation de l’école, nous avons débattu du socle commun des connaissances, de compétences et de culture et convenu qu’il s’agissait de donner le meilleur à tous les élèves. Quand le décret d’application sera-t-il signé ? Quelles en seront les grandes lignes ?

Quel sera l’avenir des « ABCD de l’égalité », qui ont suscité beaucoup de nervosité alors qu’il s’agit d’une question toute simple, celle de la lutte contre les inégalités entre hommes et femmes ?

Après la destruction des instituts universitaires de formation des maîtres par la droite, vous avez créé les ESPE. Disposez-vous d’un premier bilan de leur mise en place ? Face à l’actuelle crise du recrutement, pourrions-nous rouvrir le débat sur le bien-fondé de la « mastérisation » ? Ne faut-il pas continuer à réfléchir à un véritable système de pré-recrutement, les emplois d’avenir professeur ne répondant pas vraiment au problème posé ?

Vous avez, à juste titre, fait une priorité du premier degré. Nous avions souligné l’importance d’un cycle unique allant du CM1 à la sixième, afin de mieux assurer le lien entre élémentaire et collège. N’est-il pas temps de réformer ce dernier ?

Je souhaite enfin vous alerter à nouveau sur le sort fait à la filière professionnelle et je veux insister sur la gestion des heures attribuées aux lycées professionnels. Tous les élèves doivent réellement recevoir les heures d’enseignement auxquelles ils ont droit. Vous avez dit votre volonté d’améliorer le lien entre l’enseignement professionnel et les métiers auxquels il mène : pouvez-vous préciser vos projets en la matière ?

Mme Martine Martinel. Monsieur le ministre, vous avez insisté sur l’articulation entre école et collège. Pourriez-vous détailler les missions du nouveau conseil école-collège ? Pouvez-vous déjà dresser un bref bilan de la réforme de la formation initiale des enseignants, puisque les premiers lauréats des concours ont été accueillis dans les ESPE ? Comment sont mis en place les nouveaux masters « deuxième année » en alternance, et comment les stagiaires ont-ils été accueillis ? Comment sont accompagnés les tuteurs, notamment les « tuteurs novices » mentionnés par la circulaire ?

Mme Dominique Nachury. Le Conseil national d’évaluation du système scolaire est composé d’experts, mais je regrette que les collectivités territoriales et les parents n’y soient pas représentés. D’autre part, comment gérer le risque de concurrence entre ce conseil et la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère ? On parle de co-évaluation : quelle forme peut-elle prendre ?

Le projet de décret relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public local d'enseignement redéfinit les missions en intégrant par exemple les réunions, le suivi et l’aide à l’orientation, le travail en équipe, etc. Cela nécessite des moyens : quels seront-ils ? Une évaluation est-elle prévue ?

Mme Colette Langlade. Je me réjouis de votre attachement à la filière professionnelle et au bac professionnel. Comment pensez-vous revaloriser les lycées professionnels, qui sont des lycées à part entière ? Les équipes pédagogiques cherchent à valoriser tous les élèves, mais elles estiment que leur travail n’est pas assez reconnu.

L’une des causes de désaffection des jeunes réside peut-être dans les problèmes posés par les dérogations pour les moins de dix-huit ans. Celle-ci dépend du lieu où ils travaillent : il revient au chef d’établissement de veiller à ce que les entreprises l’aient obtenue ; de plus, les élèves mineurs sont suivis par le médecin scolaire. Tout cela se fait toujours dans des délais très contraints.

La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle a désigné les régions comme chefs de file en matière d’orientation des scolaires et des étudiants. Des expérimentations ont déjà lieu dans huit régions : y aura-t-il une évaluation ?

Enfin, vous avez évoqué les campus des métiers : on y trouve côte à côte des CFA, qui relèvent des régions, et des lycées professionnels, qui relèvent de l’État. Ces établissements sont différents et ne se font pas vraiment concurrence, mais n’y a-t-il pas là un point à améliorer ? Je me permets de citer ici la plateforme de formation aux métiers du cuir et du luxe, dans mon territoire, qui est rural : elle va former 300 stagiaires au cours des trois prochaines années. On ne peut que se féliciter de cette collaboration des acteurs publics et privés, qui travaillent ensemble à la réussite de nos jeunes.

M. François de Mazières. Monsieur le ministre, vous ne serez pas étonné que je revienne ici sur la question des rythmes scolaires. Vous savez qu’à Versailles, il existait un système où un samedi sur deux était réservé à des enseignements musicaux et théâtraux. Ce système fonctionnait fort bien, mais vous avez refusé qu’il soit maintenu. Les assouplissements que vous avez introduits sont-ils suffisants ? Vous dites viser la qualité de l’enseignement et l’épanouissement de l’enfant ; or c’était un très bon système, apprécié des enfants, des parents et des enseignants – ainsi que de la mairie, car il était moins coûteux.

Regardez-vous vraiment la réalité en face ? Dans ma ville, la plupart des enfants arrivent à l’école à sept heures trente et repartent à dix-huit heures trente : dans l’agglomération parisienne, les femmes travaillent, les hommes travaillent. D’autre part, vous dites vouloir apaiser le climat scolaire, et je vous sais de bonne foi. Mais c’est l’inverse qui se passe ! Actuellement, les tensions sont fortes.

Vous dites également vouloir donner la priorité à la lutte contre les inégalités : mais vous les renforcez au contraire, puisque les inégalités hors du temps scolaire sont très fortes.

Enfin, il faut que vous vous rendiez compte de ce qui se passe dans les mairies : les systèmes de péréquation sont très violents. Dans ma ville, cette réforme coûtera deux points d’impôts ; or il y a un moment où cela devient insupportable. Ou bien la fiscalité augmentera, ou bien nous demanderons aux parents de participer au financement des activités.

Puisque vous avez le souci de prendre en considération la réalité, prévoyez-vous de nouveaux assouplissements, plutôt que d’adopter une position théorique, contraire à l’intérêt de tous ?

M. Yves Durand. La refondation de l’école repose sur la formation des enseignants, formation – c’est important – initiale mais aussi continue. Nous avons créé les ESPE, qui doivent être des écoles à part entière, à l’intérieur de l’université. Certaines sont déjà habilitées et commencent à se mettre en place ; la formation est fondée essentiellement sur la professionnalisation, avec un lien fort entre l’enseignement supérieur et l’enseignement scolaire – je me félicite d’ailleurs que vous ayez la charge au gouvernement de l’un et de l’autre. Qu’est-ce pour vous que la professionnalisation du métier d’enseignant ? Comment sera-t-elle pratiquée et enseignée, et par qui ? Enfin, quelles sont les difficultés rencontrées là où les ESPE n’ont pas été habilitées ou bien ne l’ont été que pour un an ?

Mme Sophie Dion. Monsieur le ministre, le dialogue avec votre prédécesseur était compliqué ; je me réjouis d’autant plus de vos bonnes intentions. Je vous remercie d’avoir accepté le projet éducatif territorial présenté par plusieurs communes de montagne qui permet de sauvegarder ce que nous appelons le « mercredi de neige ».

Certaines communes ont demandé le report de la réforme des rythmes scolaires, au moins pour une année scolaire. Allez-vous leur montrer la même grande sollicitude que pour ces mercredis de neige ?

Le calendrier scolaire actuel supprime à peu près le troisième trimestre, puisque certains enfants n’ont repris l’école qu’il y a une quinzaine de jours : l’intérêt de l’enfant est bafoué. Ces vacances trop tardives ne respectent pas les rythmes biologiques des élèves. Allez-vous faire en sorte qu’il y ait enfin des trimestres équilibrés et que les vacances de Pâques ne commencent pas au début du mois de mai ?

M. Stéphane Travert. L’école de la République est le lieu où l’enfant commence à se construire comme individu autonome et futur citoyen, et l’éducation est l’une des priorités fortes du gouvernement et de la majorité. Vous avez détaillé devant nous vos actions – le rétablissement de la formation des enseignants, le dispositif « plus de maîtres que de classes »… Votre ministère a perdu 75 000 emplois en dix ans, mais nous allons en créer 60 000 en cinq ans.

La scolarisation des enfants en situation de handicap fait l’objet d’une attention particulière de votre part, vous l’avez dit. Pouvez-vous nous rappeler les ambitions du gouvernement et les moyens qu’il se donne pour faciliter l’accueil de ces enfants, notamment par le recrutement d’AVS ? Quelles actions seront menées pour augmenter le nombre de places d’accueil en classe pour l’inclusion scolaire (CLIS) ou en unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS) ?

La première visite médicale obligatoire concerne les enfants de six ans, et doit permettre un dépistage des handicaps ou défauts mineurs de l’enfant. Elle peut permettre d’enclencher un suivi, et jouer un rôle d’alerte en cas de maltraitance. Mais les médecins scolaires ne sont pas toujours en mesure de se déplacer dans chaque école, et il revient alors aux parents d’amener l’enfant. Malheureusement, les horaires sont stricts et tous les parents ne peuvent se libérer : tous les enfants ne sont donc pas examinés, et surtout sans doute ceux qui en auraient le plus besoin. Comment peut-on garantir le libre accès aux soins et à la prévention sanitaire de tous les enfants ?

M. Patrick Hetzel. Merci, monsieur le ministre, de votre état d’esprit, qui vous distingue de votre prédécesseur.

Il faut que nos enfants soient mieux formés, puisque les enquêtes PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) nous placent seulement à la vingt-cinquième place mondiale, ce qui est une régression. L’OCDE a montré qu’il faudrait en particulier augmenter le nombre de jours de classe. J’ai donc été très surpris du report de la prérentrée au 1er septembre, et donc de la rentrée des élèves au 2 septembre : supprimer une journée de classe pour nos jeunes n’est pas un bon signal, ni pour les parents ni pour les enfants. Les organisations syndicales de votre ministère ont d’ailleurs réfuté votre argumentation selon laquelle ce report était lié à un problème informatique. Ce n’est pas rendre service à votre administration que de lui faire porter le chapeau d’une décision qui ne semble pas être la sienne ! Le président de la FCPE lui-même a déclaré être prêt à faire comme s’il vous croyait…

À l’heure où l’on parle de mieux organiser le temps scolaire, votre décision n’est-elle pas absurde ? En envisageant d’annuler la prérentrée, vous avez en tout cas donné une grande impression d’amateurisme ; vous avez oublié, ce faisant, qu’un ministre de l’éducation est aussi un ministre des élèves. Vous dites vouloir apaiser le climat, mais une telle mesure n’a pas apaisé votre entrée en fonction.

Mme Sandrine Doucet. La loi sur l’enseignement supérieur et la recherche a institué le principe – appelé « -3/+3 » – d’une continuité entre le lycée et l’enseignement supérieur. Cela implique notamment un travail plus approfondi sur l’orientation et la construction de passerelles dans le premier cycle. Le lycée semble ainsi se rapprocher des cycles universitaires : ne mérite-t-il pas aujourd’hui une réflexion à part entière, qui devrait d’ailleurs commencer par un bilan de la précédente réforme, conçue avec l’idée de supprimer des postes ?

J’appelle votre attention en particulier sur les baccalauréats technologiques, sacrifiés par cette réforme. Le tout récent colloque annuel de la Conférence des présidents d’université portait sur les liens entre université et innovation, et la valorisation de la recherche est un enjeu crucial pour notre croissance économique : l’enseignement technologique a ici un rôle majeur à jouer.

Mme Virginie Duby-Muller. Comme mes collègues, je veux saluer le climat plus serein qui s’installe. Votre prédécesseur était plus hautain, et les électeurs de la région sud-est ne s’y sont pas trompés.

Vous venez de publier votre première circulaire de rentrée. Mais les syndicats semblent regretter un texte trop flou et plusieurs questions ne sont pas résolues : qu’en sera-t-il des ABCD de l’égalité ? Vont-ils être généralisés ? Où en est leur évaluation ? Celle-ci sera-t-elle publiée ? Quid des mères voilées accompagnent les sorties scolaires ? Quid de l’évaluation des élèves, puisqu’il est question de faire évoluer les pratiques ?

Vous avez reporté la prérentrée au 1er septembre et la rentrée au 2 septembre. Je ne reviens pas sur les difficultés d’organisation que cela va créer pour les parents, mais cette journée perdue sera-t-elle rattrapée ? Les calendriers scolaires des années prochaines prévoient également une prérentrée au mois d’août : quelles sont vos intentions ?

S’agissant enfin de la réforme des rythmes, nous sommes effectivement d’accord sur le diagnostic, mais nous ne pouvons que regretter la méthode employée, l’absence de concertation et le désengagement de l’État, qui n’apporte pas de financement adéquat. Je note qu’il y a une différence entre établissements privés et publics, puisque les premiers ne sont pas soumis à la nouvelle obligation ; on note d’ailleurs une augmentation des demandes d’inscriptions dans le privé, alors que les listes d’attente sont déjà importantes. Certains élus ont indiqué leur refus de mettre en œuvre cette réforme : qu’en pensez-vous ? Envisagez-vous des punitions ?

M. Jean-Pierre Allossery. La réforme des rythmes scolaires inquiète les familles d’enfants porteurs de handicaps. J’ai été interpellé notamment par l’association La Main tendue, qui accompagne dans ma circonscription les familles d’enfants autistes. Alors que le nombre d’enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire a très fortement augmenté ces deux dernières années, un rapport du Défenseur des droits publié en 2013 indique que certains de ces enfants se voient refuser l’accès aux activités périscolaires. L’extension de ces temps ne doit pas constituer un nouveau frein à l’inclusion des enfants handicapés : même si ces activités se déroulent sous la responsabilité des collectivités locales, le Conseil d’État a indiqué, en avril 2011, que les interventions des AVS ne sont pas limitées au temps scolaire. Pourtant, différents témoignages qui m’ont été rapportés démontrent une réelle méconnaissance de ce sujet par les maisons départementales des personnes handicapées.

Sur le sujet du handicap, le gouvernement a su faire preuve de volontarisme, notamment par le recrutement, la titularisation et la professionnalisation des AVS. Les besoins spécifiques des élèves handicapés sont-ils bien pris en considération par la réforme des rythmes scolaires ?

M. Benoist Apparu. Monsieur le ministre, vous dites qu’il faut faire diminuer la nervosité autour de l’école, et vous avez évidemment raison. Peut-être pourrions-nous donc, les uns et les autres, éviter les caricatures inutiles : ainsi, un ministre qui soutient devant notre commission que la formation des maîtres a été abandonnée durant le quinquennat précédent commet, me semble-t-il, une petite erreur. Nous n’avons pas abandonné la formation, mais la maquette nationale de cette formation pour confier cette politique aux universités. Le ministre de l’enseignement supérieur que vous êtes considère-t-il comme un abandon le fait de confier aux universités l’organisation d’une maquette ? En droit, en économie, ce sont bien les universités qui organisent leur formation…

En matière d’expérimentation, quelle est votre politique ? Êtes-vous favorable à l’expérimentation par exemple d’établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) du premier degré, de l’école du socle commun de connaissances, voire d’une autonomie réelle des établissements scolaires ?

Le gouvernement prépare une modification de la carte administrative des régions. Il y a aujourd’hui en France métropolitaine vingt-six rectorats : que comptez-vous faire ? Existe-t-il déjà une carte des nouveaux rectorats, et allez-vous annoncer la suppression de onze, douze ou quinze rectorats ? Quand serons-nous fixés ?

Enfin, la loi de refondation de l’école a créé le projet éducatif territorial, censé inclure à la fois les activités scolaires et périscolaires. Parallèlement, la nouvelle loi sur la politique de la ville prévoit son propre contrat ; et chaque collectivité locale a ses propres contrats, avec la Caisse d’allocations familiales, avec Pierre, Paul ou Jacques… C’est beaucoup trop. Ne serait-il pas temps que les différents ministères et les collectivités locales essaient d’élaborer une politique contractuelle commune, afin de prendre vraiment en considération la réalité de l’enfant, et pas simplement chacune des politiques ?

Mme Julie Sommaruga. L’enseignement des sciences est en crise. Cela s’explique notamment par « l’inaccessibilité » des programmes actuels, qui accumulent les notions sans que les savoirs soient construits. Il convient par ailleurs de promouvoir la démarche expérimentale et de favoriser les travaux pratiques. Les enseignants demandent une formation plus poussée ; on demande aussi plus de moyens pour acquérir du matériel. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

En ce qui concerne les élèves en situation de handicap, la loi de refondation de l’école a permis des avancées. Peut-on dresser un bilan d’étape ?

S’agissant du stage en entreprise destiné aux élèves de troisième, nombre de collégiens ont du mal à en trouver un, faute de réseaux, notamment dans les quartiers populaires. Cela entraîne une véritable discrimination ; nous devrions réfléchir aux moyens d’y remédier. Il faudrait également permettre aux collégiens d’effectuer un stage auprès d’une association afin de découvrir le travail associatif, mais aussi le bénévolat.

L’enseignement professionnel souffre encore d’une mauvaise image : il est trop souvent associé à l’échec scolaire alors que, comme l’apprentissage, il offre des perspectives d’emploi. Comment envisagez-vous de valoriser ces filières ?

Enfin, si la réforme à venir de l’éducation prioritaire concentre les moyens sur certains secteurs, il faudrait veiller à ne pas délaisser d’autres réseaux existants.

M. Franck Riester. La réforme des rythmes scolaires est une mauvaise réforme. Je m’y oppose au niveau politique, médiatique et judiciaire, en m’associant aux recours formés par certains de mes collègues. Mais je suis un républicain et je veux appliquer la loi. C’est ce que je fais depuis plusieurs mois dans ma ville de Coulommiers, en travaillant avec les différents acteurs directement concernés.

Cela m’a permis d’observer les conséquences de la réforme : difficultés d’organisation, coût, inégalités entre les petites communes rurales et les villes plus importantes, effet sur les secteurs indirectement touchés – transport scolaire, restauration scolaire, accueil de loisirs.

Malgré les efforts des élus locaux pour mettre la réforme en œuvre dans les meilleures conditions possibles, les enseignants et surtout les parents d’élèves continuent de s’y opposer encore plus fortement que je ne l’aurais imaginé. Je vous le dis sans esprit polémique, monsieur le ministre : vous allez dans le mur. Il faut absolument aller plus loin sur la voie où vous vous êtes engagé, ce qui a un peu détendu l’atmosphère. Laissez le libre choix aux communes, au moins pendant quelques années. Cela permettra de lever des blocages, qui, croyez-moi, sont profonds chez les parents d’élèves, et pas simplement chez leurs représentants.

Par ailleurs, nous connaîtrons bientôt la liste des nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville, dont l’éducation sera l’un des critères. Or, aujourd’hui, rien n’est coordonné, de sorte que certains quartiers que le ministère de la ville juge manifestement prioritaires subissent une réduction de moyens d’enseignement au même titre que d’autres quartiers, par exemple en fonction du nombre d’élèves par classe. À quel niveau la coordination va-t-elle s’opérer entre vos services, ceux qui sont chargés de la politique de la ville et les élus locaux ?

Mme Sylvie Tolmont. La loi de refondation de l’école a posé un principe essentiel à la réussite de tous les élèves : la structuration de la scolarité à l’école et au collège en quatre cycles de trois ans. Elle améliore la progressivité des apprentissages, tout en garantissant la mise en œuvre cohérente du socle commun ; il s’agit d’un moyen efficace de donner sa chance à chacun. Ces quatre cycles lancent des passerelles entre les années d’enseignement, créant ainsi des « espaces temps » d’apprentissage. Le schéma respecte parfaitement les étapes d’apprentissage, de consolidation et d’approfondissement ; il favorise la fluidité des enseignements, dispensés au rythme des élèves, au fil de l’évolution de leurs compétences et de leurs capacités.

Absolument nécessaire, cette mesure nous confronte toutefois à plusieurs défis : redéfinir le contenu du socle commun, qui déterminera les programmes ; concevoir des programmes progressifs et cohérents ; enfin, accompagner la transition entre l’école et le collège pour assurer la continuité de la formation.

Pour les relever, il faut que l’application de la loi soit synchronisée et lisible. L’instauration des cycles représente un grand changement pour les professeurs, qui devront concilier le nouveau programme dans une classe et l’ancien dans la classe de niveau inférieur. Cette situation, certes provisoire, risque d’entretenir la confusion. Il faut anticiper dès à présent cette difficulté.

Une première solution se dessine : l’approche par compétences que promeut le nouveau schéma contribue à donner aux élèves une vision globale et à assurer la continuité pédagogique. En se concentrant sur les apprentissages réels et non plus sur les seuls savoirs à dispenser, elle favorise la progressivité naturelle des enseignements.

Il n’en est pas moins essentiel d’accompagner la transition. Par quels outils concrets comptez-vous aider les enseignants à articuler les différents cycles, en attendant la publication d’une circulaire ? Quel rôle le Conseil supérieur des programmes jouera-t-il dans ce processus ?

Mme Annie Le Houérou. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la scolarité des enfants en difficulté ou en situation de handicap, en particulier dans les territoires ruraux.

Tous les enfants, par-delà leur différence et notamment lorsque celle-ci se révèle au cours des premières années de scolarisation, doivent trouver au sein de nos écoles le soutien et l’accompagnement nécessaires à leur épanouissement, où qu’ils vivent avec leur famille.

Le diagnostic et l’accompagnement des enfants en difficulté scolaire en milieu ordinaire ont été négligés au cours des précédents mandats. Dans ce domaine, la loi de refondation de l’école a représenté un progrès. Alors que l’école est souvent le premier lieu où les difficultés sont identifiées ou diagnostiquées, de nombreux postes de RASED ont été supprimés et les enseignants sont démunis sans ces précieux outils. Je songe notamment aux psychologues scolaires qui ne sont pas sollicités en milieu rural, en partie à cause de l’éloignement géographique de ces services. Les parents ne sont pas toujours orientés vers les services spécialisés, les maisons départementales des personnes handicapées ne sont pas toujours assez mobilisées pour évaluer la situation et orienter les élèves vers les classes spécialisées, les CLIS.

Faute de diagnostic en amont, celles-ci voient leurs effectifs diminuer, et elles ferment parce que les élèves ne sont pas bien orientés. Pour les fréquenter, les enfants sont ainsi contraints de s’éloigner de plus en plus de chez eux, alors que les familles souhaitent à juste titre les scolariser au plus près de leur domicile. Ces enfants déjà fragiles, d’autant plus déstabilisés que leur environnement leur est inconnu, subissent en outre des trajets trop longs.

Il faut maintenir les moyens destinés aux enfants accueillis en unité d’enseignement au sein des établissements spécialisés ou à ceux qui bénéficient d’un service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) qui leur permet de rester en milieu ordinaire. Il ne s’agit là que d’appliquer la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui assure à chacun le droit à une scolarisation en milieu ordinaire, au plus près de son domicile, ainsi qu’à un parcours scolaire continu et adapté dont le système éducatif est garant.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer à cet égard ? Pour modifier le point de vue de notre société sur le handicap, il faut commencer par l’école ; pouvez-vous nous rappeler l’action que vous menez à cette fin ?

M. Marcel Rogemont. Monsieur le ministre, j’ai eu la chance de participer au partenariat entre l’Académie des sciences et l’Assemblée nationale. J’y ai découvert le monde de la recherche sous un jour nouveau. C’est sur ce volet de vos attributions que je souhaite vous interroger.

Depuis les années 2000, le nombre de titulaires d’un doctorat reste élevé, mais il diminue. L’insuffisante reconnaissance de leurs compétences et le faible niveau de rémunération des chercheurs, joint à une réduction du nombre de postes, démotive les doctorants, même les plus passionnés. Le titre même de docteur n’est pas assez reconnu et les docteurs sont défavorisés sur le marché du travail par rapport aux ingénieurs. Pour remédier à ces problèmes, le secteur privé ne devrait-il pas s’impliquer davantage, en s’inspirant des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) ?

Par ailleurs, le système de financement de la recherche est essentiellement assis sur des appels à projet, ce qui aboutit à un faible taux de succès. Ne conviendrait-il pas de redynamiser la recherche française par des financements plus récurrents ?

Mme Brigitte Bourguignon. Monsieur le ministre, nos collègues de l’opposition vous interpellent à tout moment et à tout propos sur la réforme des rythmes scolaires. Non seulement ils s’en désintéressent quant au fond, mais ils oublient que 67 % des Français ont apprécié votre récent décret d’assouplissement et que votre ministère a dû, et doit encore, relever deux défis : rattraper les suppressions de postes de ces dernières années et accompagner la forte augmentation du nombre d’élèves dans les départements urbains qui connaissent des situations très difficiles, notamment en matière de scolarisation des moins de trois ans.

Dès lors, la répartition des moyens ne risque-t-elle pas de pénaliser les zones rurales ? Élue d’une circonscription qui souffre de fermetures de classes, j’approuve la convention signée par votre prédécesseur avec le Cantal, qui fait bien des envieux : nous rêvons nous aussi de passer d’une logique arithmétique à une logique territoriale.

Comment, tout en relevant ce double défi, garantir et étendre la réussite éducative dans les zones rurales ? Cela ne suppose-t-il pas la multiplication de conventions « type Cantal » ?

Après la nécessaire mise au point à laquelle vous envisagez de procéder auprès des parents d’élèves, comment concevez-vous la suite de la refondation de l’école – son acte II en quelque sorte ?

M. Mathieu Hanotin. Monsieur le ministre, plusieurs collectivités, dont celle dont j’ai la charge en Seine-Saint-Denis, se sont investies dans le contrat d’objectifs tripartite
– établissement, État, collectivité – prévu par la loi de refondation de l’école. Cette démarche commence de porter ses fruits. Volontaristes, ces collectivités aimeraient que l’État le soit un peu plus en la matière.

S’agissant de l’éducation prioritaire, et sans revenir sur la question des moyens, je salue la réforme portée par votre prédécesseur et que vous venez de reprendre. Envisagez-vous de développer dans les ESPE des formations spécifiques à l’enseignement en éducation prioritaire et, corollairement, de procéder à des recrutements sur profil dans le secondaire, qu’ils s’adressent aux professeurs ou aux chefs d’établissement ? C’est, me semble-t-il, le nœud du problème, en particulier dans les collèges difficiles, où l’on pourrait cesser d’affecter de tout jeunes professeurs qui n’ont pas toujours envie d’y commencer leur carrière.

Dans le cadre de la loi de refondation de l’école, nous avons créé un service public du numérique qui a suscité un vif débat ; il crée une nouvelle charge pour les collectivités locales, auxquelles il appartient d’équiper les établissements. Avez-vous prévu un plan de formation des professeurs et des personnels aux questions numériques ? Cela paraît urgent.

Enfin, j’aimerais moi aussi connaître vos intentions quant à la future réforme du collège, lequel constitue, nous en serons tous d’accord, l’un des points problématiques de notre système éducatif.

M. Régis Juanico. Monsieur le ministre, nul n’ignore combien vous êtes attaché au lien entre le sport et l’école et au développement de l’éducation par le sport. Grâce à la réforme des rythmes éducatifs et dans le cadre des projets éducatifs territoriaux (PEDT), nous allons développer les activités physiques et sportives dès le plus jeune âge, au côté des activités culturelles et artistiques. C’est ainsi, on le sait, que la pratique d’une activité physique régulière peut devenir une habitude.

Le service public du sport scolaire dans le second degré constitue une spécificité française ; l’Union nationale du sport scolaire compte plus d’un million de licenciés. Le décret du 7 mai dernier, relatif à la participation des enseignants d’éducation physique et sportive aux activités sportives scolaires volontaires des élèves, était très attendu par la profession
– depuis trente-cinq ans, à en croire certains. Il réaffirme que les trois heures obligatoires relevant de l’UNSS font partie du service hebdomadaire des enseignants d’EPS ; il autorise la souplesse en permettant aux enseignants qui ne peuvent effectuer ces heures dans leur établissement de le faire dans d’autres ; il assure le lien pédagogique entre le premier et le second degré en matière d’activités physiques et sportives. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce texte ?

Enfin, dans le cadre de l’importante convention que vous avez signée voici quelques jours avec la Fédération française de football et avec l’UNSS, plusieurs projets pédagogiques sont prévus pour les élèves des premier et second degrés et des lycées dans la perspective de l’Euro 2016. Pouvez-vous nous en parler et nous indiquer comment l’éducation nationale accompagnera ce grand événement sportif ?

M. le ministre. Monsieur le président, il n’a évidemment jamais été question pour nous de résumer les ambitions éducatives du gouvernement à la création de 60 000 postes. Mais le fait d’en avoir auparavant supprimé 80 000 a indiscutablement eu un effet, dans plusieurs territoires, sur la qualité de l’enseignement et sur les conditions dans lesquelles les élèves étudient. Il nous a donc semblé nécessaire de garantir un taux d’encadrement satisfaisant, pour répondre aux demandes que vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, formulez pour vos écoles, vos collèges, vos lycées.

C’est important dès lors que l’on nourrit des ambitions élevées pour notre système éducatif, confronté à la dégradation des résultats en primaire et au « décrochage » en sixième que nous connaissons. La part des élèves en éducation prioritaire qui maîtrisent en fin de troisième les compétences requises en français est passée de 54 à 42 %, ce qui doit nous conduire à nous interroger sur ce qui se passe avant cet âge. Les tests auxquels sont soumis les jeunes Français lors des journées défense et citoyenneté confirment des résultats préoccupants dans plusieurs apprentissages fondamentaux, notamment en français. Qui plus est, le phénomène a tendance à s’aggraver.

En outre, les créations de postes témoignent d’une priorité politique. Il eût été curieux que le gouvernement, qui s’est résolument engagé à réduire la dépense publique pour préparer l’avenir, ne s’attache pas également à résorber la dette éducative que la France a contractée vis-à-vis de l’école de la République, faute d’accorder une priorité budgétaire à l’éducation nationale.

À ce propos, monsieur Apparu, je ne me suis pas montré caricatural : c’est la formation professionnelle des enseignants dont j’ai regretté la suppression par le passé, non leur formation théorique.

Ces créations de postes, nous en avons consacré l’essentiel à la formation des professeurs ; mais, alors que nous en avons créé 13 402 entre 2012 et 2013, la réalisation a été inférieure à ce nombre. Cela s’explique par plusieurs raisons, monsieur Reiss : le nombre de départs à la retraite notamment a été plus élevé que nous ne nous y attendions alors que le nombre de candidats aux concours était inférieur aux prévisions, malgré l’organisation de sessions exceptionnelles. Heureusement, cette tendance s’inverse : le nombre de candidats augmente, y compris dans des disciplines qui recrutaient traditionnellement moins et dans des académies où nous constations une pénurie de candidats. Cela montre que le métier d’enseignant gagne en attractivité, certainement parce que le climat a changé. Les syndicats saluent d’ailleurs le ton du discours gouvernemental sur l’école. Sans vouloir stigmatiser ni caricaturer qui que ce soit, la suppression des postes et de la formation professionnelle initiale par le passé explique que le vivier ait été moins important que prévu au moment où nous avons voulu recruter de nouveau. Mais il est en train de se reconstituer.

Les « emplois d’avenir professeur » contribuent aussi à l’attractivité renouvelée du métier, ainsi que la création des ESPE, avec la possibilité d’effectuer ses premiers stages en établissement au cours de la première année de master, puis, après avoir passé le concours, de bénéficier d’une véritable formation en alternance la seconde année. Les nouvelles maquettes de formation permettent d’acquérir les gestes professionnels requis, que l’on soit professeur de langue ou professeur des écoles. Les étudiants en sortent mieux armés pour enseigner.

Pour l’anecdote, lors de mon premier déplacement dans une ESPE, l’une des « emplois d’avenir professeur » à qui je demandais si les premières rencontres avec les élèves avaient confirmé la vocation à enseigner a répondu qu’elle était ravie d’avoir pu constater qu’elle ne voulait absolument pas enseigner ! Peut-être l’expérience des ESPE détournera-t-elle ainsi certains étudiants de ce qu’ils croyaient être leur vocation mais qui les angoisse ou pousse leur patience à bout.

Car ce métier, pour lequel je veux dire mon admiration, représente une remise en cause hebdomadaire, voire quotidienne : les enseignants doivent chercher eux-mêmes les ressources et construire des pédagogies différenciées afin de transmettre à tous les connaissances et les compétences visées. Contrairement à ce que je peux entendre ici ou là, cela suppose une quantité élevée de formation, d’investissement, y compris en dehors des heures de cours, et d’implication personnelle.

Voilà pourquoi il est nécessaire d’investir dans le numérique, qui facilite la tâche des enseignants bien plutôt qu’il ne se substitue à eux. Quand ils le maîtrisent suffisamment pour en faire un outil pédagogique supplémentaire, les professeurs mobilisent davantage l’attention des élèves, les stimulent dans leurs apprentissages, suscitent de leur part des réactions nouvelles grâce à l’interactivité. En outre, le numérique a l’immense avantage de modifier le statut de l’erreur : le fait de pouvoir effacer celle-ci évite d’avoir l’impression qu’elle est définitive, irrémédiablement inscrite sur la copie. Cette modification du rapport des élèves aux apprentissages rend la transmission bien plus efficace.

En cas de dyspraxie ou de dyslexie, un simple petit logiciel adossé à un logiciel libre de traitement de texte permet de séparer et de colorer les syllabes, de sorte que des élèves dont le rythme d’apprentissage diffère peuvent suivre la même leçon.

Je suis également très convaincu des bienfaits du dispositif numérique « D’Col » que nous expérimentons auprès des élèves en difficulté : il permet de rattraper des retards constatés en primaire ou à l’entrée au collège, donc d’assurer une scolarisation normale à des élèves en décrochage.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous devons investir dans le numérique.

S’agissant des rythmes scolaires, l’argument central de l’opposition est que la réforme créerait des inégalités, en particulier selon les moyens que les collectivités peuvent consacrer aux activités périscolaires. Je veux tordre le cou à l’idée selon laquelle un projet périscolaire serait classé « bon » ou « mauvais » au vu de la richesse de la commune, de sa taille ou de sa couleur politique. Le principal critère appliqué est l’existence d’un projet éducatif, qui facilite la mise en œuvre de la réforme des rythmes. Voilà pourquoi j’ai ouvert autant que possible ma porte aux nouveaux élus qui, à la faveur de l’alternance, ont voulu revoir la copie ou, découvrant une copie blanche, se sont saisis de l’organisation des rythmes.

En revanche, je ne renoncerai pas à la compétence de l’État en la matière. Car si nous laissions le libre choix aux collectivités, il y aurait encore plus d’inégalités. Le libre choix que vous proposez, c’est l’inégalité partout : entre les riches et les pauvres, entre ceux qui ont les moyens de porter un projet et les autres, entre les collectivités fortes d’un important tissu associatif ou sportif et les autres, bref entre ceux qui pourront construire un PEDT solide et ceux qui ne le pourront pas.

Et cette inégalité nuirait surtout aux enfants, dont les rythmes d’apprentissage varieraient en fonction de la concertation organisée sur le terrain entre les parents d’élèves, les enseignants et les maires, mais aussi de la bonne volonté de telle ou telle équipe municipale. De sorte que le système susciterait l’opposition des professeurs, certes, mais, immédiatement après eux, des parents d’élèves.

De l’avis des chronobiologistes, c’est en scolarisant les enfants le samedi matin plutôt que le mercredi matin que l’on répartit les neuf demi-journées de classe par semaine de la manière la plus favorable aux apprentissages. Mais ce choix peut avoir des conséquences notables sur l’organisation familiale lorsque les parents sont divorcés et lorsque la famille est recomposée. Voilà pourquoi le mercredi matin sera souvent privilégié.

À propos des rythmes scolaires, nombre d’entre vous me disent que je suis sympathique alors que mon prédécesseur ne l’était pas. Je pourrais en être flatté, si je ne soupçonnais pas que cela n’aura qu’un temps. Quoi qu’il en soit, ce n’est ni vrai ni correct vis-à-vis de Vincent Peillon. Celui-ci a fait le choix tout à fait inédit de soumettre à la discussion l’organisation du temps scolaire, qui, relevant de l’État, aurait pu être appliquée purement et simplement. Il l’a fait car nous avions pour ambition – une ambition que nous devrions tous partager – l’extension du domaine du service public d’éducation, pour reprendre l’expression employée par plusieurs acteurs du monde éducatif. Il fallait donc ouvrir à la discussion avec les communes, les parents d’élèves et les enseignants la question des apprentissages dans le cadre des activités périscolaires. Celles-ci peuvent par exemple s’articuler aux « mercredis neige » cités par Mme Dion.

Je ne peux donc pas laisser dire que la concertation n’a pas eu lieu. Elle a commencé début 2013 et s’est poursuivie, bien qu’interrompue par la campagne pour les élections municipales.

Vient toutefois un moment où le gouvernement doit prendre ses responsabilités et exercer sa compétence : l’organisation du temps scolaire. Nous en avons donc fixé les principes, après quoi j’ai pris un décret d’assouplissement, critiqué par les partisans de la réforme dans son épure initiale comme par les défenseurs de l’assouplissement qui ont jugé que je n’allais pas assez loin. Mais ce décret était nécessaire pour débloquer certaines situations, notamment en zone rurale, où de petites communes et certaines intercommunalités ont besoin de concentrer le temps périscolaire sur une après-midi, de manière à mutualiser les intervenants, souvent les mêmes au sein d’une intercommunalité donnée. Cela permet de réaliser des économies d’échelle et d’assurer la qualité des activités.

Nous avons aussi intégré des expérimentations qui avaient précédé la réforme et qui donnaient de bons résultats, par exemple à Épinal, sous l’égide d’un député-maire UMP qui faisait valoir à juste titre l’intérêt de l’enfant. En revanche, il m’a fallu dire à M. de Mazières que ses propositions étaient « hors des clous » : elles conservaient la semaine de quatre jours au lieu d’ériger en principe les cinq matinées d’école hebdomadaires, puisque seul un samedi sur deux était travaillé. Nous avons étudié la question ensemble jusqu’au moment où nous avons constaté un désaccord.

Je le dis cependant à M. de Mazières comme à tous les maires : le 6 juin, le directeur académique des services de l’éducation nationale arrêtera l’organisation du temps scolaire, mais il restera possible d’ouvrir une nouvelle période d’expérimentation à la rentrée suivante, à la lumière de l’expérience que vous en aurez faite et toujours sur le fondement des décrets existants.

Le financement de la réforme est en fait double. La partie pérenne est constituée du financement par les caisses d’allocations familiales, soit 54 euros par enfant, dont bénéficient les activités périscolaires que les CAF ont labellisées en fonction de plusieurs critères – niveau des encadrants, taux d’encadrement, etc. J’ai demandé à la CNAF de simplifier ces critères afin qu’il ne soit pas nécessaire de constituer un dossier par école. Comme l’a dit Benoist Apparu, il faut aussi œuvrer au niveau interministériel pour clarifier les niveaux d’intervention et éviter ainsi doublons et confusion.

Quant au financement par le fonds d’amorçage, prévu pour l’année scolaire 2014-2015, il représente 50 euros par enfant pour tous les enfants, qu’ils participent ou non aux activités périscolaires, auxquels s’ajoutent 40 euros en zone de revitalisation rurale ou en zone urbaine sensible. Il sera prolongé en 2015-2016. Le Premier ministre rendra des arbitrages sur son montant. Il n’est pas dit qu’il faille aider de la même manière toutes les communes, riches ou non, qui font payer ou non, et quel que soit leur projet. Mais il ne m’appartient pas d’évaluer celui-ci : l’essentiel, pour moi, ce sont les cinq matinées d’école, une organisation scolaire propice aux apprentissages et un niveau d’activités périscolaires qui tende vers un optimum local, grâce à une discussion avec tous les acteurs, dont les mouvements d’éducation populaire et les mouvements sportifs.

À ce propos, monsieur Juanico, j’ai parlé avec les représentants du Comité national olympique et sportif des activités sportives nouvelles, jusqu’alors confidentielles, que la réforme permet de proposer dans le cadre des activités périscolaires. Cela permettra de détecter des talents bien plus tôt et de former des champions dans des disciplines où nous n’en avions pas. Le milieu sportif est très intéressé.

Cela dit, le mouvement d’éducation populaire, le mouvement associatif, le mouvement sportif ne sont plus aussi solides financièrement que par le passé. Pourquoi ? Parce que leur mode de financement repose de plus en plus sur la mise en concurrence et les appels à projet, et de moins en moins sur la subvention. Par voie de conséquence, les acteurs associatifs sont moins nombreux, notamment dans les territoires les plus en difficulté, et la structuration qu’ils apportent sur le terrain moins performante – même si, en contrepartie, leur professionnalisation croissante permet de satisfaire les demandes des familles et des maires.

J’en viens aux « ABCD de l’égalité », à propos desquels un grand journal du matin
– sans doute le journal qui aura consacré le plus d’articles au sujet – s’est fait récemment, en effet, l’écho de rumeurs. Dans cette affaire, quel est mon objectif ? Faire en sorte que la culture de l’égalité et la lutte contre les stéréotypes sexistes s’enracinent à l’école et que l’orientation scolaire des garçons et des filles ne dépende pas de préjugés sexistes, de l’idée que certaines formations, certains métiers seraient sinon réservés aux filles ou aux garçons, du moins davantage faits pour les unes ou pour les autres ; et aussi, enseigner le respect mutuel.

Aujourd’hui, au collège, certaines jeunes filles adoptent des stratégies d’évitement en s’abstenant de participer aux sorties scolaires ou aux cours d’éducation physique et sportive. Or ces activités sont censées contribuer à l’épanouissement des élèves, à leur émancipation, à leur apprentissage du libre arbitre, sans parler de l’acquisition de connaissances que nous jugeons indispensables. Cette tendance est d’autant plus préoccupante qu’elle s’accentue, même s’il ne s’agit en rien d’un phénomène de masse. Nous devons la prendre au sérieux.

L’égalité, ce n’est pas l’indifférenciation. C’est ma conviction profonde. Et ce n’est pas l’indifférenciation que l’on enseigne aujourd’hui à l’école. Avec les « ABCD de l’égalité », nous n’avons aucunement voulu introduire une quelconque « théorie du genre » à l’école. Il faut cesser de représenter ces instruments pédagogiques comme ce qu’ils ne sont pas. Cela étant rappelé, je tiens compte de ces représentations. En disant cela, je ne m’adresse pas ici à certains groupes qui, sous prétexte de remettre en cause la théorie du genre, attaquent le principe même d’égalité entre les hommes et les femmes. Mais, dans une société où les écoutilles sont fermées, le principe d’égalité doit être enseigné de telle manière que l’objectif prime sur l’objet lui-même. Or mon objectif, dans le cadre de la refonte des programmes, est, je le répète, de faire en sorte que la culture de l’égalité et le respect mutuel s’enracinent au primaire.

Nous verrons ce que donnera l’évaluation des « ABCD » par l’inspection générale. Je ne transigerai pas sur l’objectif ; quant aux voies et moyens utilisés pour y parvenir, j’en discuterai avec le Premier ministre à la lumière de l’évaluation et des propositions formulées par le CSP. J’espère avoir rassuré celles et ceux qui pensaient que nous allions renoncer à notre objectif – si du moins ils étaient véritablement inquiets, et non simplement opposés à l’idée même que l’on puisse parler d’égalité, enseigner l’égalité à l’école.

Je veux dire à Benoist Apparu que les ESPE, sur lesquelles plusieurs d’entre vous m’ont interrogé, sont très préférables à ce qu’il y avait avant elles.

M. Benoist Apparu. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait rien avant !

M. le ministre. Il n’y avait plus grand-chose ! D’excellents professeurs d’université apprenaient à de futurs professeurs de langues à maîtriser parfaitement l’anglais, etc. ; mais l’on sait qu’un excellent géographe peut faire un très mauvais professeur d’histoire-géographie.

M. Benoist Apparu. Alors pourquoi les agrégés ne fréquenteraient-ils pas les ESPE ? Soyez cohérent !

M. le ministre. Nous en reparlerons mais je rappelle que la professionnalisation est également intégrée aux concours : les candidats sont interrogés sur cet aspect de leur formation.

Monsieur Durand, certains sites – Toulouse, Grenoble, Lyon, Versailles et Paris – n’ont en effet obtenu qu’une accréditation d’un an pour leurs ESPE. Ils remettent ces jours-ci leur nouvelle copie, que j’évalue avec mes services ; les arrêtés d’accréditation seront présentés en juillet au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Chacun de ces sites constitue un cas particulier qui a été étudié en tant que tel ; d’une manière générale, il s’agit de dossiers qui nécessitaient un peu plus de temps.

S’agissant du bilan, il y a 30 % d’effectifs en plus à l’entrée des ESPE, dès la première année ; en outre, je l’ai dit, tous les concours ont été « reprofessionnalisés ». En outre, les inspections générales nous remettront un premier rapport fin juin et les résultats des concours seront connus au cours des semaines à venir. Nous pourrons alors dresser un bilan beaucoup plus complet du fonctionnement des ESPE.

La reprofessionnalisation est la grande nouveauté. Dès la première année de master, avant même le concours, des rencontres et des stages sont organisés dans les établissements. La seconde année est une année en alternance. Le concours réserve une place croissante à l’acquisition des compétences professionnelles, afin de nous assurer que les futurs enseignants ont parfaitement assimilé les gestes professionnels.

En ce qui concerne la formation continue, nous avons créé la fonction de professeur formateur académique, sur le modèle des maîtres formateurs du premier degré. Elle sera confiée à des enseignants expérimentés qui bénéficieront d’une décharge partielle de leur service d’enseignement afin d’accompagner les nouveaux enseignants et de participer à la formation continue avec les ESPE. Déjà destinée à d’autres professionnels de l’éducation nationale, notamment les conseillers principaux d’éducation, les actions de formation continue vont continuer de s’ouvrir progressivement à des personnels non enseignants.

En outre, dans le cadre de la nouvelle carte et des nouvelles missions des réseaux d’éducation prioritaire, trois jours supplémentaires seront consacrés chaque année à la formation continue des enseignants, notamment en REP+.

J’ai été interrogé sur les critères de sélection de ces 102 réseaux préfigurateurs des futurs REP+, ceux qui connaissent les plus grandes difficultés, et dont nous devrons arrêter la liste en 2015, avec celle des REP. Dans l’intervalle, le dispositif précédemment en vigueur subsiste, et ce jusqu’à ce que nous mettions en place la nouvelle carte de l’éducation prioritaire. Celle-ci sera fondée sur des critères objectifs, des indicateurs sociaux robustes : le nombre d’enfants qui connaissent de graves difficultés en sixième, le nombre d’élèves boursiers, le nombre d’élèves en zone urbaine sensible, le revenu des parents. Ces critères peuvent conduire à rattacher de nouveaux territoires à l’éducation prioritaire comme à en exclure d’autres qui en relevaient auparavant.

Mais nous prêterons également une attention particulière aux territoires qui commencent à obtenir des résultats grâce à ces politiques prioritaires, et qui pourraient être fragilisés par leur disparition. Nous le ferons avec les élus locaux, qui seront consultés sur la nouvelle carte. Quoi qu’il en soit, les territoires sortants se verront appliquer une clause de sauvegarde portant notamment sur le régime indemnitaire des enseignants, afin que ces derniers ne perdent pas du jour au lendemain le bénéfice de leur indemnité. Celle-ci sera par ailleurs revalorisée en REP et en REP+ lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle carte.

Je comprends que les élus s’inquiètent de voir baisser les moyens alloués à des quartiers difficiles, où des équipes pédagogiques stables et impliquées travaillent beaucoup. Il n’est pas question de briser leur élan. Mais nous devons concentrer les moyens là où le besoin s’en fait le plus sentir, sans réduire la « voilure » de l’éducation prioritaire à l’heure où les inégalités sociales se creusent. Nous devons améliorer encore les performances de l’éducation prioritaire et prévoir une couverture ambitieuse du territoire en la matière.

Quant aux inégalités territoriales, on me demande souvent si la « jurisprudence Cantal » citée par Mme Bourguignon pourrait être étendue à d’autres territoires. Les mouvements d’effectifs dans les académies vont souvent des territoires ruraux vers les territoires urbains, parce que la démographie scolaire est en hausse dans les seconds et en baisse dans les premiers. Pourtant, en Midi-Pyrénées par exemple, le taux d’encadrement est moins bon en Haute-Garonne que dans les territoires ruraux environnants. Mais, dans certaines communes ou intercommunalités, la fermeture d’une classe, voire d’une école, est lourde de conséquences économiques et sociales, sans parler de sa portée psychologique. Je suis donc très attentif au discours des élus ruraux à ce sujet.

Ce que nous avons fait dans le Cantal repose sur un engagement très significatif des élus : proposer, d’ici à trois ans, une carte scolaire qui réduit la proportion d’écoles comptant une à trois classes, ce qui se traduira par la disparition d’un certain nombre d’entre elles ainsi que des effectifs enseignants qui leur étaient alloués. Cela suppose un travail volontariste de regroupement pédagogique. Il s’agit d’une condition sine qua non du gel pendant trois ans du nombre de postes affectés au département. Nous verrons, au cas par cas, à quelles zones étendre le dispositif. Je ne suis pas fermé à cette éventualité, mais je suis aussi garant de l’intérêt général, qui doit également s’apprécier à l’échelle de la nation, et pas seulement d’un seul département. C’est aux territoires qui ont le plus besoin de professeurs qu’il faut allouer le plus de moyens.

Tout le monde s’accorde sur la nécessité de revaloriser l’enseignement professionnel, pour développer la filière qui, avec la voie technologique, permet l’insertion directe sur le marché du travail après le baccalauréat. Deux changements ont été engagés à cette fin. Premièrement, depuis la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche et dans le cadre du « moins trois plus trois », des quotas de jeunes bacheliers professionnels peuvent intégrer les BTS. Cela assure une meilleure continuité entre les cycles pour ceux, nombreux, qui se destinent à poursuivre leurs études au-delà du bac professionnel. Une fois celui-ci obtenu, une période d’apprentissage peut être un bon moyen d’intégrer le marché du travail : les taux d’embauche sont très encourageants. Nous allons continuer de promouvoir cette continuité.

En outre, nous demanderons aux entreprises et aux branches, notamment lors de la conférence sociale, de s’impliquer davantage pour offrir des débouchés aux jeunes concernés. C’est d’autant plus légitime que, dans le cadre des campus des métiers, des lycées des métiers et des lycées professionnels, nous dialoguons beaucoup avec elles au moment d’arrêter le contenu des diplômes et des formations. On peut sans doute accélérer le processus de rénovation des diplômes, qui peut durer trois ans, auxquels il faut ajouter la même durée avant de pouvoir délivrer le nouveau diplôme dans le cas des bacs professionnels en trois ans. Mais l’on peut aussi associer plus étroitement encore entreprises et enseignants lorsqu’il s’agit d’organiser les débouchés. Des formations dont l’intitulé pouvait paraître archaïque retrouvent ainsi un éclat nouveau dès lors qu’elles s’intègrent à un campus des métiers et des qualifications qui les lie au monde de l’entreprise, aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche et aux centres de formation des apprentis, ce qui favorise l’insertion des diplômés sur le marché du travail.

Dix campus supplémentaires sont en passe d’être labellisés en plus des quatorze qui le sont déjà. De nombreux projets en cours d’examen tendent à offrir davantage de débouchés aux bacheliers professionnels. Le fait que leur taux de réussite au bac soit inférieur à celui que l’on observe dans la voie générale et technologique peut résulter d’une orientation subie plutôt que choisie ; mais l’on peut aussi en conclure que ce baccalauréat n’est pas bradé. De fait, le « bac pro », qui s’appuie sur des contrôles en cours de formation et sur des examens en fin d’année, est exigeant, ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas élever encore le niveau et améliorer le taux de réussite.

En matière d’orientation, il importe de rompre avec l’autocensure des jeunes ou de leurs familles qui se limitent sans raison à la filière professionnelle, comme avec l’idée, chez ceux qui les orientent, que cette filière-là serait bien assez bonne pour eux… C’est précisément cela qui contribue à dévaloriser la voie professionnelle. Je serai donc très attentif aux résultats de l’expérimentation qui donne en dernière instance le choix de l’orientation aux parents en fin de troisième. Pour l’heure, elle semble assez concluante dès lors que les parents sont informés très en amont des critères et des paramètres à prendre en considération. Elle pourra être généralisée si elle donne satisfaction. Mais cela suppose que les familles ne s’autocensurent pas. Or on constate qu’à niveau égal des enfants – 8 à 10 de moyenne en troisième –, les familles choisissent systématiquement la voie professionnelle lorsqu’elles sont défavorisées et l’enseignement général et technologique lorsqu’elles sont aisées.

Ce qui nous renvoie à la place des parents dans la coéducation et, par le fait, aux travaux de votre mission d’information sur les relations entre l’école et les parents. Nous en avons débattu, notamment au sujet des devoirs dont il est exact, monsieur Belot, qu’ils ne doivent pas être l’occasion d’introduire des inégalités supplémentaires à l’école. Quoi qu’il en soit, le rôle des parents est essentiel pour faire sauter les verrous culturels et psychologiques qui bloquent l’orientation en fin de scolarité obligatoire.

S’agissant de la carte des académies, n’oubliez pas que la nouvelle carte des régions n’a que quarante-huit heures ! En outre, le Premier ministre l’a dit, la discussion sur ce point n’est pas achevée. Il ne m’appartient pas d’anticiper sur la version définitive de l’organisation politique des régions. Quant au nombre d’académies qui doit en résulter, nous en parlerons en toute sérénité. Nous avons déjà plus d’académies que de régions ; cela restera sans doute le cas. L’un des problèmes à aborder sera le calendrier scolaire : deux régions appelées à fusionner peuvent ne pas appartenir à la même zone. Au demeurant, je n’ai pas l’impression que ce soit dans l’éducation nationale que la réforme territoriale posera le plus de problèmes !

À propos de calendrier scolaire, madame Dion, le principe est l’alternance de sept semaines de classe et de deux semaines de vacances, mais l’existence des zones nous conduit à y déroger dans certains cas. D’ailleurs, le décret complémentaire sur les rythmes scolaires permet d’alléger la semaine d’école en écourtant les vacances. J’ai recommandé de le faire pour les vacances d’été, ce qui a immédiatement inquiété celles et ceux qui vivent du tourisme. Je ne souhaite pas ouvrir un débat sur le calendrier scolaire, mais si l’on doit assouplir l’organisation du temps scolaire, c’est bien sur les vacances d’été, à mon sens, que les communes pourront rattraper les effets des expérimentations qui, en vertu du décret de mai 2014, peuvent prévoir moins de vingt-quatre heures d’enseignement. Par exemple, s’il était mis en œuvre, le passage de 24 à 23 heures hebdomadaires d’enseignement devrait conduire les communes concernées à « reprendre » les 36 heures induites par cette nouvelle organisation – soit une semaine et demie de classe – sur les vacances scolaires.

Ce qui m’amène au report de la rentrée et de la prérentrée. Si vraiment le problème de logiciel qui nous contraint à maintenir la rentrée au 1er septembre n’avait été qu’un prétexte masquant un accord secret avec un syndicat, j’aurais pu en trouver un meilleur ! Je préfère assumer en toute transparence l’absence de solution technique à un problème donné, quelle que soit la réaction des syndicats, y compris le « faisons comme si l’on y croyait ».

Je ne suis pas là pour mesurer la foi des uns et des autres dans la parole du ministre. À chacun de prendre ses responsabilités ; je prends les miennes, dût-il m’en coûter et même si la presse, certains syndicats et l’opposition persistent à croire à l’existence de cet accord secret. Je ne vois d’ailleurs pas bien quel bénéfice politique j’aurais pu en tirer. Je prends simplement acte d’une difficulté qui m’est posée par mes services, que cela plaise ou non, notamment au ministre lui-même, et qui m’a obligé à reporter la prérentrée au 1er septembre, donc la rentrée au 2, pour que la prérentrée se déroule correctement, en particulier en primaire, dans l’intérêt de l’élève. Je l’ai dit, je discuterai avec les organisations syndicales des modalités de rattrapage de cette journée dans le cadre du Conseil supérieur de l’éducation. Contrairement à ce que j’ai entendu dire, je n’ai pas volé une journée aux élèves ! Je continuerai à faire preuve de transparence à propos de mes décisions, même lorsque je les prends non par choix mais par nécessité.

Mon prédécesseur s’était engagé à ce que la rentrée ait lieu le 29 août, sur le fondement des informations dont il disposait à l’époque. J’ai constaté quelques mois plus tard que nous ne pouvions pas honorer cet engagement. C’est aussi simple que cela. Cela ne m’a pas fait plus plaisir qu’à vous. Je doute que les professeurs eux-mêmes soient ravis de lire sur certains blogs que leurs vacances vont durer un week-end de plus ; ils sont au contraire nombreux à me reprocher de nuire à leur image et de ne pas leur avoir fait un cadeau. Mais je ne fais de cadeau à personne ; j’évite seulement d’ajouter à une rentrée qui ne sera pas facile un facteur de désordre supplémentaire, notamment pour les 40 000 nouveaux personnels qui auraient eu besoin d’un contrat de travail pour deux jours.

En ce qui concerne les élèves en situation de handicap, près de 239 000 sont scolarisés dans les établissements du ministère, et ce chiffre augmente de 11 % par an, conformément à l’objectif d’inclusion scolaire que la loi de refondation de l’école a posé en principe. En outre, le tronc commun des ESPE intègre la question du handicap afin de préparer les enseignants à faire face à l’altérité et à la faire accepter à leurs élèves. Les enfants « dys », qui souffrent d’un trouble de l’apprentissage – dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, dysorthographie – ou d’un trouble de l’attention, bénéficieront en outre d’un plan d’aménagement pédagogique dès la prochaine rentrée scolaire. Le dispositif numérique « D’Col » est également très utile pour aider les élèves en situation de handicap ou souffrant de troubles de l’apprentissage à ne pas prendre de retard sur leurs camarades et à se sentir à l’aise dans une classe ordinaire.

S’agissant de la scolarisation en milieu ordinaire, nous avons décidé de consolider le rôle des 28 000 auxiliaires de vie scolaire en leur proposant la « CDIsation » au bout de six ans. Nous en sommes en train de finaliser les circulaires et les arrêtés nécessaires. 2 400 d’entre eux en bénéficieront dès la prochaine rentrée. Ils pourront ensuite valider leur qualification par l’intermédiaire de la validation des acquis de l’expérience. Cette démarche diplômante répond à leur demande. Grandes étaient les attentes des familles, des enseignants et des AVS eux-mêmes.

Dans le cadre du plan autisme 2013-2017, un effort sera fait pour développer la scolarisation des très jeunes enfants autistes, en accentuant encore la complémentarité entre l’école et les établissements du secteur médico-social. Dès la prochaine rentrée scolaire, trente unités d’enseignement dédiées à la scolarisation des jeunes élèves autistes seront ainsi implantées dans les écoles maternelles, une par académie. L’objectif est d’en avoir créé cent en 2017.

Quel que soit le handicap des élèves, les CLIS dans le premier degré et les ULIS dans le secondaire doivent contribuer à la définition d’un parcours de formation. Le nombre de CLIS et d’ULIS continue et continuera d’augmenter. J’ai demandé que le second degré fasse l’objet d’un effort particulier, afin de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap.

Madame Sommaruga, les travaux du CSP sur le futur socle de compétences et de connaissances prévoient un bloc consacré à l’engagement, à l’implication dans des projets collectifs, à l’esprit d’initiative. Cela contribuera à sensibiliser les écoliers et les collégiens au bénévolat, de même que le travail engagé en lien avec l’économie sociale partenaire de l’école de la République (ESPER) et le ministère de l’économie sociale et solidaire pour rapprocher l’éducation nationale du monde de l’économie sociale, dont le monde associatif. Les centaines de milliers de bénévoles et d’encadrants, qui vieillissent, ont bien besoin d’une relève.

Madame Tolmont, le nouveau cycle 2, qui va du CP au CE2, offre une année supplémentaire pour apprendre et consolider les fondamentaux nécessaires à la réussite de la scolarité au collège ; le cycle 3 s’étend du CM1 à la sixième, ce qui témoigne de l’importance que nous accordons au lien entre l’école primaire et le collège.

La réforme du collège a fait l’objet de plusieurs de vos questions. Le collège unique ne signifie pas un collège uniforme. Les arbitrages rendus à partir des préconisations du CSP et après consultation des enseignants devront définir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture – en clair, ce dont la nation s’accorde à considérer que tous les enfants doivent le maîtriser en fin de scolarité obligatoire –, les conditions dans lesquelles cette maîtrise sera alors évaluée et les modalités d’articulation des écoles et du collège qui en découlent. Je suis ambitieux dans ce domaine, comme l’ensemble de la communauté éducative.

J’ai demandé aux rectorats de créer de nouveaux postes de RASED. En outre, les missions des maîtres qui composent les RASED – maîtres E, maîtres G et psychologues scolaires – vont être redéfinies dans le cadre des groupes de travail sur les métiers de l’éducation nationale. Une circulaire apportera très bientôt des précisions à ce sujet.

Le Conseil national d’évaluation du système scolaire est un organisme indépendant chargé de l’évaluation scientifique de l’école, de son fonctionnement et de ses résultats ainsi que d’une expertise sur les méthodes permettant d’évaluer l’école elle-même. Sans concurrencer ce qui existe déjà, il proposera un éclairage supplémentaire ; il ne déterminera pas les politiques publiques, mais les évaluera afin de nous aider dans notre travail. Je conçois en effet ma mission comme celle d’un « usineur » des réformes engagées : parce que la conduite et la mise en œuvre de la réforme sont au moins aussi importantes que la réforme elle-même, nous avons besoin d’instruments d’évaluation efficaces pour nous accompagner et nous permettre de nous projeter dans l’avenir.

Madame Langlade, les services publics régionaux de l’orientation tout au long de la vie expérimentés dans une dizaine d’académies visent à créer une synergie entre tous les acteurs de l’orientation sur le territoire régional. Je ne manquerai pas de vous communiquer les résultats de l’évaluation dont cette expérimentation fait l’objet et que nous avons engagée en coopération avec l’Association des régions de France.

Monsieur Rogemont, la reconnaissance du diplôme de docteur dans les conventions collectives fait partie des sujets qui seront discutés lors de la conférence sociale. L’insertion des docteurs sur le marché du travail a pu être compliquée par la réduction de la période post-doctorale résultant de la loi dite « Sauvadet », qui limitait à six ans la durée d’emploi en contrat à durée déterminée, ainsi que par la diminution du nombre de postes d’attachés temporaires d’enseignement et de recherche (ATER). Il faut aujourd’hui la faciliter afin d’éviter la précarité aux post-doctorants. Le doctorat obtenu en France reste, de toute évidence, un diplôme de référence, mais ce titre universitaire est paradoxalement plus prisé à l’étranger que dans notre pays.

Depuis le début de la législature, nous nous sommes efforcés de rééquilibrer les moyens alloués aux laboratoires au profit des financements récurrents et au détriment des financements par projet, ce qui rejaillit sur le budget de l’Agence nationale de la recherche, qui reste le principal opérateur des appels à projets.

Nous continuerons d’améliorer la prise en considération par les pouvoirs publics de la situation particulière des docteurs. Peut-être en parlerons-nous plus en détail lors d’une future audition consacrée à l’enseignement supérieur et à la recherche. Dans l’intervalle, je me tiens évidemment à votre disposition, monsieur Rogemont, pour en discuter avec vous au ministère.

Je ne manquerai pas de répondre ultérieurement à Mme Doucet à propos du bilan de la réforme du lycée.

En conclusion, j’insisterai à nouveau sur la nécessité de faire décroître la nervosité, de faire baisser la tension que je sens à chacun de mes déplacements sur le terrain. Les parents sont inquiets. La réforme des rythmes a probablement nourri leur inquiétude. Il est essentiel de l’apaiser afin de faire renaître la sérénité au sein même des classes. Cette responsabilité incombe aux élus et aux dirigeants politiques que nous sommes.

Au cours de cette année de commémoration, j’ai été très frappé d’entendre des professeurs d’histoire-géographie me dire qu’ils étaient de plus en plus souvent interrogés par leurs élèves sur le contenu de leur enseignement et sur la vérité historique. Or s’il est bon que les collégiens et lycées s’informent ailleurs qu’à l’école, il faut répondre à leur besoin de vérité par une parole fondée sur des travaux scientifiques. Nous devons leur apprendre à prendre du recul par rapport aux informations qu’ils trouvent en ligne ou aux messages que leur adressent d’autres adultes, à faire le tri, et les éduquer à l’image et à Internet. Car si la Toile est un lieu d’apprentissage, elle peut aussi déstabiliser l’éducation nationale.

Je doute également de la vertu pédagogique, du point de vue de l’éducation civique, de certaines délibérations suggérant que l’on pourrait se soustraire à l’organisation du temps scolaire, qui relève de la compétence de l’État, bref à l’obligation d’appliquer la loi. Les préfets prendront leurs responsabilités en matière de contrôle de légalité, mais il vaudrait mieux s’abstenir de nourrir des contentieux à ce sujet. De la part d’une commune, décider que l’école n’ouvrira pas le mercredi matin est aussi absurde que le serait un refus d’ouvrir les écoles au vote un dimanche d’élections. Cela alimente l’anxiété qu’a suscitée le débat.

Les écoles vont appliquer les nouveaux rythmes ; nous tirerons les leçons de cette expérience et corrigerons probablement le tir dans certaines communes, mais nous constaterons dans deux ou trois ans au plus tard que cette réforme est bonne pour les enfants, et je suis prêt à parier qu’elle ne serait pas remise en cause même en cas d’alternance.

M. le président Patrick Bloche. Merci, monsieur le ministre, de votre disponibilité, de votre écoute et de votre souci de répondre à tous.

La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2015 :

    Avis budgétaire

Rapporteur

    Mission Action extérieure de l’Etat

    1. Diplomatie culturelle et d’influence

Benoist APPARU

    Mission Culture

    2. Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

Annie GENEVARD

    3. Patrimoines

Sophie DESSUS

    Mission Enseignement scolaire

    4. Enseignement scolaire

Sylvie TOLMONT

    Mission Médias, livre et industries culturelles

    5. Médias : Audiovisuel – Avances à l’audiovisuel public

Martine MARTINEL

    6. Presse

Jean-Noël CARPENTIER

    7. Livre et industries culturelles

Rudy SALLES

    Mission Recherche et enseignement supérieur

    8. Recherche

Sophie DION

    9. Enseignement supérieur et vie étudiante

Sandrine DOUCET

    Mission Sport, jeunesse et vie associative

    10. Sport, jeunesse et vie associative

Jean-Pierre ALLOSSERY

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 4 juin 2014 à 16 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Ary Chalus, M. Jacques Cresta, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. Yves Durand, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Mathieu Hanotin, M. Patrick Hetzel, M. Christian Kert, Mme Anne-Christine Lang, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Rudy Salles, Mme Julie Sommaruga, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusé. – M. Claude Sturni

Assistaient également à la réunion. – M. Régis Juanico, Mme Annie Le Houerou, M. Christophe Léonard, M. Céleste Lett