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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mercredi 18 juin 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 36

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Mathieu Gallet, président de Radio France

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 18 juin 2014

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Mathieu Gallet, président de Radio France

M. le président Patrick Bloche. Monsieur le président, après avoir assuré pendant quatre ans la présidence de l’institut national de l’audiovisuel (INA), vous vous êtes installé, depuis le 15 mai dernier, à la Maison de la Radio, à la tête de cette société emblématique de l’audiovisuel public qu’est Radio France.

Vous avez ainsi été le premier à être nommé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), en application du dispositif adopté par la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, qui restitue au régulateur le pouvoir de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public.

Ce même dispositif prévoit que, dans les deux mois qui suivent le début de leur mandat, ces présidents transmettent au président de chaque assemblée parlementaire et aux commissions permanentes compétentes un rapport d'orientation, qui sert de base à leur audition par ces commissions.

Ce rapport, que nous avons reçu jeudi dernier, a été transmis à l’ensemble des membres de la commission afin qu’ils puissent en prendre connaissance avant notre rencontre d’aujourd’hui.

Nous serons amenés par ailleurs à vous entendre chaque année sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens (COM) de la société Radio France.

M. Mathieu Gallet, président de Radio France. Je suis accompagné de Mme Catherine Sueur, directrice générale déléguée, M. Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes et Mme Monique Denoix, directrice déléguée à la communication.

Je suis très heureux de vous présenter ce rapport d’orientation qui reprend les grandes lignes du projet stratégique que j’avais présenté en début d’année devant le CSA et que je compte bien mettre en place dans les mois à venir. Je sais votre attachement à l’audiovisuel public et je mesure la haute responsabilité que le CSA m’a confiée en retenant ce projet qui porte une ambition collective en faveur d’un service public de qualité. J’ai présenté ce projet dès mon arrivée aux 430 cadres de la maison car ils sont à mes yeux la force motrice de cette dernière. Dans une entreprise aux activités si nombreuses et si diverses, il est pour moi illusoire de penser que le management d’en haut peut être efficace et pertinent sans un relais efficace auprès des équipes opérationnelles. Ma conception est de privilégier la responsabilité du pilotage au plus près des réalités du terrain et du personnel.

Deux questions principales sont aujourd’hui posées à Radio France : comment consolider et élargir les audiences dans un univers concurrentiel et multiforme, du fait notamment du développement numérique, et comment revisiter et dynamiser une mission de service public qui doit s’adapter aux nouveaux usages et aux nouvelles attentes du public ? Face à ces deux questions, il me paraît nécessaire de pouvoir agir sur différents leviers.

En ce qui concerne le mode de management, je crois à la réactivité et à l’engagement. Je souhaite privilégier les circuits courts de décision et les délégations de pouvoir à l’ensemble des managers. L’organigramme de direction va être simplifié autour d’une direction resserrée. Je présiderai un comité exécutif de moins de dix personnes qui aura pour mission de piloter collectivement la maison avec moi. J’ai créé une direction déléguée à l’antenne et aux programmes que j’ai confiée à Frédéric Schlesinger, qui veillera à la coordination de l’ensemble des programmes de la maison. Je présiderai, aux côtés de Frédéric, un comité éditorial qui réunira l’ensemble des directeurs et directrices des sept chaînes du groupe.

L’essentiel demeure dans le management intermédiaire. Radio France n’est pas un modèle de mixité et nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. La mixité, c’est à la fois la diversité et la parité. Sur le premier point, qu’il s’agisse des dirigeants, des animateurs producteurs ou des journalistes, il faut bien reconnaître que nous ne reflétons pas complètement la diversité des origines, des cultures ou des conditions qui font pourtant la richesse de notre pays. En ce qui concerne la parité, j’avais pris devant le CSA l’engagement clair de nommer au moins deux femmes pour diriger les chaînes de Radio France. J’ai pu aller plus loin en nommant trois femmes à la tête respectivement de France Inter, de France Musique et de FIP. Et je serai très attentif à la question de la diversité et de l’égalité professionnelles, que ce soit sur nos antennes ou dans le fonctionnement de l’entreprise. Aussi chaque trimestre, je demanderai aux responsables de chaînes de me faire un rapport sur la diversité et la parité au sein de nos antennes, notamment en ce qui concerne les invités.

S’agissant du dialogue social, dans mes précédentes responsabilités à la tête de l’INA, j’ai connu des secousses et des turbulences, ce qui est normal dans une entreprise de mille personnes qui devait négocier un nouvel accord d’entreprise faisant suite à une convention collective qui avait trente ans d’ancienneté. Arrivant à Radio France, je retrouve la même convention collective qui doit arriver à échéance à la fin de l’année. Des négociations sont en cours pour parvenir à cet accord collectif. J’ai rencontré les organisations syndicales le 23 mai dernier pour faire connaissance et faire le point sur le calendrier des négociations. S’agissant plus précisément de cet accord d’entreprise, que nous appelons tous de nos vœux au sein de la maison, je veux fixer un objectif clair, qui s’inscrive pleinement dans la continuité de ce qui a déjà été discuté par les interlocuteurs de la direction des ressources humaines. Il nous faut sortir de la logique des excès du paritarisme et de celle des automatismes. Il nous faut entrer dans celle du management et de la responsabilisation. Je ne doute pas que les managers auront à cœur de jouer pleinement ce rôle dans le respect des spécificités d’une entreprise de service public.

Je souhaite mettre en œuvre une stratégie de l’offre. Pour relever les défis de l’audience et du service public, l’objectif est de faire de Radio France une entreprise d’excellence sur son métier, l’offre de contenus, et sur sa mission, l’accès à tous les publics, en commençant par se donner la complémentarité comme ligne de conduite. Je vous propose de raisonner par analogie et de considérer que l’offre radiophonique de Radio France équivaut à une gamme de marques et de services. Nous avons trois chaînes généralistes dont une de proximité et une autour des savoir-faire (France Inter, France Bleu et France Culture) et quatre spécialisées (France Info, France Musique, FIP et le Mouv’). Cette gamme est le produit d’une longue histoire et de la recherche au fil du temps d’une rencontre avec des publics différents ayant des usages différents de la radio. Aujourd’hui le problème de Radio France est triple : la moyenne d’âge est trop élevée, le profil socioculturel n’est pas assez populaire et les audiences stagnent globalement. Ma conviction est forte sur ce sujet et se résume très simplement : des chaînes généralistes encore plus éclectiques et des chaînes thématiques encore plus spécialisées.

France Info dispose d’une marque puissante mais subit une érosion de son audience face à la concurrence multiforme des chaînes d’information en continue et du numérique. Il est temps d’y remédier en revenant à l’ADN de France Info, à savoir une plate-forme publique d’information en continue, la plus rapide, la plus pédagogique et la plus proche des auditeurs. Je suis convaincu que France Info retrouvera et développera son audience en renouant avec la logique de l’actualité chaude, la logique de « breaking news ». Ceci implique de consacrer les moyens journalistiques au direct et, à l’heure des réseaux sociaux, au décryptage, à l’investigation, à l’éclairage de l’actualité. Ceci suppose aussi pour un média de mobilité comme la radio des applications et des systèmes d’alerte de dernière génération sur tous les supports mobiles comme les smartphones et les tablettes. Au fond, il faut redonner le réflexe France Info quand il s’agit de s’informer à n’importe quel moment de la journée. France Info doit être une référence pour tous les publics. Cela vaut pour l’information généraliste mais cela vaut aussi dans le domaine très important de l’information sportive notamment le week-end et lors des grands événements sportifs internationaux comme la coupe du monde de football. Nous devons avoir des objectifs ambitieux pour rivaliser dans l’avenir avec les sites leaders en la matière et pour faire en sorte que Radio France, dépositaire de la mission de service public, soit un référent en matière d’information en continu.

La deuxième priorité concerne le Mouv’. Le public jeune a des exigences spécifiques en matière d’écoute de radio : le style de musique, le ton de l’antenne, le rythme de la programmation ou encore l’incarnation de l’animation. Ce public est divers, autant issu des centres-villes que des périphéries. Il a un point commun : son centre de gravité est au niveau des cultures urbaines, artistiques et musicales. Vouloir toucher ces publics, c’est l’honneur pour moi du service public. Mais il faut le dire clairement, le Mouv’ n’a jusqu’à présent pas rencontré son public. Je souhaite revenir à une organisation de la chaîne autour de la radio, séparée de la direction des nouveaux médias, et proposer pour début 2015 une nouvelle chaîne. L’objectif est de faire émerger une marque forte auprès du public jeune. Cette marque doit ressembler à son public, se positionner fortement sur la musique, être présente dans des lieux de concert et d’animation. Bref, elle doit être le symbole d’une chaîne des cultures urbaines.

France Musique est une institution au regard de la qualité de ses contenus. Mais la concurrence la menace depuis de nombreuses années. Radio Classique a notamment pénétré, avec succès, le marché des amateurs de musique classique. Les chiffres d’audience ne sont pas à l’avantage de France Musique, nous en avons conscience. Il faut avoir pour France Musique l’ambition que les différentes directions ont eue pour France Culture depuis la fin des années 1990, en n’opposant plus la qualité des programmes à la recherche de l’audience.

Je crois que cette chaîne peut conquérir de nouveaux auditeurs, à condition de quitter le registre trop étroit de la musicologie, pour se consacrer plus manifestement à la musique elle-même, en développant une approche ouverte, pédagogique et éducative. C’est un effort d’accès aux œuvres musicales qui s’impose, en ayant pour objectif de séduire de nouveaux publics.

En matière de stratégie d’offre, je suis particulièrement attaché à la mission publique musicale de Radio France, dont les deux orchestres, le chœur et la maîtrise, constituent un outil particulièrement précieux, l’une des raisons qui m’ont d’ailleurs donné envie de rejoindre cette maison.

La situation actuelle de nos formations musicales n’est plus tenable. Les deux orchestres ont une taille similaire et défendent des programmes souvent proches, mettant leurs directeurs musicaux en concurrence. Redéfinir les missions respectives des deux orchestres est un préalable. Une harmonisation des programmes, et donc de l’offre, est tout à fait indispensable.

Trois pistes de travail me semblent essentielles à suivre. La première consiste en une profonde réforme de l’organisation de la direction de la musique. C’est la mission essentielle que j’ai confiée à Jean-Pierre Rousseau, qui connaît bien cette maison et qui était à la tête de l’orchestre philharmonique de Liège depuis une dizaine d’années. La seconde vise à distinguer les rôles de chacune des formations. L’orchestre national de France doit être conforté dans son rôle d’orchestre de grand répertoire, à rayonnement national et international. Quant à l’orchestre philharmonique de Radio France, il doit mettre l’accent sur sa mission d’orchestre dédié à la création, à la pédagogie, aux festivals et aux ouvrages lyriques. La troisième concerne l’offre des concerts elle-même. Sans abandonner les programmes de concert traditionnels, il nous faut imaginer et proposer une programmation nouvelle, diversifiée, avec de nouveaux formats, plus courts à des horaires décalés ou à des périodes de l’année inhabituelles. C’est ainsi que nous pourrons donner accès à la musique classique et contemporaine à un public différent, élargi et renouvelé.

Je souhaite également mettre en avant la question de la performance. Complémentarité, simplification, mais également innovation sont les ferments de la performance pour Radio France. Innover ne consiste pas seulement à travailler sur l’offre de contenus, bien que cela soit indispensable, mais aussi et surtout à rendre accessible ces contenus à tous les publics dans le nouveau paysage numérique, qui modifie en profondeur les usages. Quel est l’enjeu ? En un mot, il convient de réfléchir aux conditions mêmes de l’offre à l’heure du numérique.

C’est pourquoi je lancerai très rapidement un audit pour faire évoluer les modes de production radiophoniques et audiovisuels de Radio France. Comment faire évoluer, optimiser nos modes de production dans les chaînes, dans les directions transversales, pour faire de la radio chaque jour, pour monter des opérations exceptionnelles, pour faire de la radio un média enrichi par de la vidéo ? Comment concilier l’excellence radiophonique, qui caractérise Radio France et l’agilité de la production, tellement indispensable à l’heure du numérique ?

L’innovation passe par la transformation numérique du groupe à tous les étages. Il n’est plus temps de nommer seulement des éclaireurs, des avant-gardes. Le numérique n’est ni une option ni un choix, c’est une réalité, une nécessité pour que notre maison demeure toujours aussi présente dans la vie de nos concitoyens dans dix, quinze ou vingt ans.

La politique de développement constitue un axe important de mon projet. Elle permettra d’élargir l’audience et d’assumer notre mission. Dans le contexte des finances publiques que nous connaissons, il est impératif de mobiliser les énergies du groupe pour assurer un développement naturel de ses ressources propres. C’est pourquoi j’entends mettre en mouvement les trois composantes qui font l’identité de Radio France : ses marques, ses services et son public. La radio est un média de proximité. On le dit souvent. J’ai pu le constater récemment, en effectuant ma première visite d’une station de France Bleu à Bordeaux. Ce constat est particulièrement vrai pour les 44 stations de France Bleu.

La radio est aussi un média de l’intimité. La relation particulière que nous avons tous en tant qu’auditeurs, avec une voix, celle d’un journaliste ou d’un animateur producteur, est souvent à l’origine d’une fidélité qui se construit, se sédimente et qui fait notre audience. Cette relation est une sorte de marque de fabrique, que j’entends valoriser dans toutes les formes de communication du groupe. J’entends ainsi remettre à plat la stratégie marketing de la maison, et ce de deux manières. D’abord par la constitution d’une direction du marketing stratégique et du développement, qui est pour moi nécessaire pour accompagner l’ensemble des chaînes dans leur réflexion sur leurs programmes et leur déploiement. J’entends parallèlement mettre en avant la direction de la communication, qui sera renforcée et intégrée, avec notamment la responsabilité, en liaison avec les chaînes, de piloter les relations avec la presse, les relations publiques, les campagnes publicitaires, les partenariats, et ainsi contribuer pleinement à renforcer ce lien précieux que nous avons avec nos publics.

Les marques et le groupe sont aussi potentiellement porteurs d’opérations événementielles, de services innovants, ou même de spectacles, qui constituent un gisement de croissance et de ressources propres. La question est donc simple : comment mieux valoriser la richesse des contenus de Radio France ? La nouvelle politique de partenariats, lancée voilà quelques mois, est un premier pas dans ce sens. Mais je souhaite que nous avancions plus encore dans cette politique de coordination et de sélection des partenariats, dont l’objectif prioritaire est la valorisation de notre groupe.

On sait par ailleurs que l’encadrement de la publicité sur les antennes, compte tenu des secteurs autorisés, ne peut conduire qu’à des recettes tendanciellement stagnantes, voire à la baisse, en raison de la chute des investissements publics dans les médias. Pour redonner de l’élan à la régie, il convient donc d’imaginer de nouveaux formats, de nouvelles pistes de partenariat avec les secteurs autorisés. En matière de diversification des ressources, j’entends poser une question simple : est-il normal que tous les podcasts de Radio France soient accessibles librement et gratuitement pendant trois ans, alors que partout dans les médias, privés comme publics, les modèles dits premium d’accès aux contenus, qui comportent une partie gratuite et une partie payante, prennent le dessus ?

À cet égard, je tiens à lever une ambiguïté, née probablement d’une mauvaise interprétation de mes déclarations devant les membres du CSA. Pour moi, en soulevant cette question, il ne s’agit nullement de rendre tous les podcasts payants, mais je considère que si la gratuité doit demeurer le socle de la mission de service public, la valorisation des services additionnels, que constitue par exemple le stockage durable des contenus d’archives, mérite d’être soulevée. Opérations spéciales, valorisation des contenus : il convient de trouver des relais de croissance dans la Maison de la radio elle-même, avec l’ouverture prochaine de notre grand auditorium, du Studio 104, de l’Agora, de la rue intérieure, de nos halls, qui seront rénovés dans le cadre de cette grande opération de réhabilitation que nous vivons et qui se terminera en 2017.

Je souhaite faire de cette maison un carrefour de manifestations musicales, culturelles et événementielles, qui rapprocheront un peu plus le groupe et le public. Les publics de France Culture doivent pouvoir être à la fois leurs auditeurs fidèles, mais également les internautes des plateformes ou des sites de nos productions, de nos programmes musicaux, ou encore les spectateurs, qui viendront tout simplement assister à nos concerts, à nos émissions, aux événements de programmation culturelle que je souhaite pour la maison ronde.

J’ai évoqué les marques et les services comme levier de développement, et je veux terminer, en revenant à l’enjeu principal, qui est celui du public. La question n’est d’ailleurs pas seulement celle de l’audience, mais aussi celle de la mission de service public. Quel est le rôle de la radio publique à l’heure de l’information en continu, d’internet, des réseaux sociaux, de la mobilité et du partage ? Mon objectif est de rapprocher plus encore Radio France de ses publics (auditeurs, internautes, spectateurs) et de remettre le public au centre de la scène. Alors même que l’on peut écouter de la télévision et regarder de la radio, on attend encore plus de ce média intime qu’est la radio. À ce propos, s’agissant particulièrement de l’information, il appartient au service public de se montrer à la fois le plus performant, le plus inventif, le plus rigoureux aussi, en matière d’accomplissement d’un exercice fondamental pour l’espace démocratique. Ce rôle de référent du service public radiophonique est le mieux incarné par France Inter. Un service public exigeant, mais accessible, éclectique et perfectionniste, populaire et de qualité. France Inter est au fond la dernière radio réellement généraliste, celle qui doit s’adresser au plus grand nombre tout en sachant satisfaire le public le plus soucieux d’excellence.

Je veux enfin vous faire partager mon enthousiasme en prenant mes fonctions. Cet enthousiasme rime avec ma confiance dans l’ensemble des talents qui font la maison Radio France. J’entends bien leur faire partager cet enthousiasme. Je sais que je peux compter en retour sur leur engagement, leur imagination et sur la confiance en la réussite mise en œuvre pour cette aventure commune qui commence.

C’est mon ambition pour Radio France, pour ces cinq ans à venir. J’espère pouvoir porter cette ambition avec toutes les équipes et j’en rendrai compte devant votre assemblée. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie pour votre présentation synthétique qui nous a permis d’appréhender de façon claire les grandes orientations stratégiques que vous proposez pour Radio France. Je me souviens, comme d’autres collègues certainement, de la visite que nous avions effectuée, il y a quelque temps, de la Maison de la radio. À cette occasion, nous avions vu et pris la mesure du chantier de réhabilitation en cours. Celui-ci constitue un enjeu budgétaire important et je ne doute pas que nous serons nombreux à vous interroger sur son état d’avancement et le respect ou non des délais prévus.

Par ailleurs, je souhaiterais vous interroger sur le nouvel auditorium – de 1 400 places je crois – de Radio France : comment celui-ci s’inscrira-t-il dans l’offre parisienne de salles de concert, notamment par rapport à la Philharmonie de Paris, de la salle Pleyel et du théâtre des Champs-Élysées ?

En ce qui concerne le financement de Radio France, j’ai relevé votre souci de développer les ressources propres et les revenus commerciaux du groupe. Il est vrai que plus les recettes d’une entité sont abondantes, plus son indépendance est garantie. Mais au-delà de ce constat, au regard des perspectives offertes par le projet de loi de finances rectificative puis, plus tard, par le projet de loi de finances pour 2015, quelle est votre vision du cadre des ressources propres de Radio France, celui-ci devant lui permettre d’assumer pleinement ses missions de service public ? J’ai cru comprendre que vous n’excluiez pas de faire payer certains podcasts, en recourant, si j’ai bien compris, à des formules d’abonnement. Comment concilier une telle évolution avec le financement de ce service public par la redevance et le principe de la gratuité d’accès aux contenus de celui-ci, qui est un acquis fondamental, corrélé au caractère public de la ressource.

Bref, pour prendre le contre-pied d’une déclaration publique récente, je ne suis pas sûr qu’un enfant de sept ans puisse spontanément appréhender les enjeux très denses de Radio France !

M. Michel Françaix. Au nom du groupe SRC, je ne peux que constater, après vous avoir écouté, que nous vivons, décidément, dans un monde qui bouge et qui est passé, dans le domaine des médias, de la pénurie à l’abondance. Radio France doit donc s’adapter à cette nouvelle donne.

Nous vivons aussi dans un monde de paradoxes. Premier paradoxe, il faut sauver l’audience, mais aussi garder l’esprit du service public. Deuxième paradoxe, il faut moderniser l’entreprise, mais aussi conserver son histoire, celle-ci faisant la force de celle-là. Autre paradoxe : la reconnaissance du « passage obligé » que constitue le développement du numérique ne doit pas exclure une certaine prudence à l’égard de « l’ébriété technologique », car la radio reste un média d’accompagnement, peut-être le seul, dont la dimension intime, que vous avez soulignée, doit être préservée. Donc, il lui faut être moderne, tout en préservant ses spécificités.

Paradoxe aussi que l’attention qui doit être portée à France Info, la radio qui sera sans doute la plus concurrencée par internet et les chaînes d’information en continu, et la part qu’elle accorde, aujourd’hui, aux programmes préenregistrés, dont je ne suis pas sûr qu’ils permettent de suivre au plus près, comme vous le souhaitez, l’actualité la plus « chaude ». Il faut donc trouver un juste milieu.

Le Mouv’ constitue un autre paradoxe : tout le monde veut sauver cette radio, mais ses réalisations ont été, jusqu’ici, médiocres. Il faut en faire un vecteur des cultures urbaines, certes. Mais comment trouver les bons codes, ce qui demande du temps ? Il faut aussi recréer un lien avec le jeune public. Pourquoi Skyrock réussit-elle là où Radio France ne réussit pas ?

Paradoxe aussi que la présence de deux orchestres de qualité qui passent leur temps à se concurrencer au lieu de discuter ensemble de leur avenir.

Quant aux évolutions possibles, il faudrait – je crois d’ailleurs que vous l’avez vous-même dit –, que les radios généralistes soient encore plus généralistes et les radios thématiques encore plus thématiques.

En ce qui concerne la gestion de l’entreprise, on se félicite de vos avancées en termes de mixité, de parité et de diversité. Mais quid du renouvellement nécessaire des générations ? Il est vrai aussi que les politiques ne donnent pas l’exemple – et je vois certains collèges sourire en m’écoutant !

Au sujet de la conquête des nouveaux publics, comment allez-vous vous y prendre ? Comment Radio France pourrait-elle découvrir de nouveaux talents ? Par ailleurs, comment pourrait-on lui donner une vocation plus européenne et internationale ?

Pour conclure, cette radio a une âme et un esprit de corps, mais il faut maintenant en faire, comme vous le préconisez, une « marque ». À ce propos, quelles synergies pourraient être développées avec France Télévisions, France Média Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), un sujet évoqué par le Président de la République ?

M. Christian Kert. Au nom du groupe UMP, je tiens à vous remercier pour votre exposé. Je crois que nous pouvons tous ici adhérer à votre « projet d’avenir » : vos objectifs sont clairs et vous manifestez la volonté d’adapter Radio France à un monde en pleine mutation. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a dû s’en apercevoir, puisqu’il vous a désigné à l’unanimité ! Cela étant dit, je souhaiterais vous poser cinq questions.

Premièrement, une entreprise publique responsable comme Radio France doit faire face aux enjeux numériques dans un contexte économiquement contraint. Par conséquent, disposez-vous, avec votre budget, des moyens qui permettront de relayer, dans le monde d’aujourd’hui, vos ambitions numériques ?

Deuxièmement, quelle est votre position en ce qui concerne la mise en place de la radio numérique terrestre (RNT) ? Les exemples étrangers n’ont pas été très concluants dans ce domaine. En outre, l’absence de modèle économique pertinent ne facilite guère le déploiement de ce nouvel outil. D’après vous, ces données justifient-elles le report du lancement de la RNT ? Nous savons que le Gouvernement n’a pas usé de son droit de préemption en la matière pour doter Radio France de fréquences. Que pensez-vous de cette décision, alors que la RNT permettrait d’accompagner vos objectifs de développement concernant France Bleu ou le Mouv’, sans recourir à la bande FM, ce qui se ferait au détriment des radios privées ?

Troisièmement, vous souhaitez relancer France Info dans un contexte très concurrentiel. Certes, ce média a été un précurseur dans le domaine de l’information en continu. Et certes, les nouveaux modes de consommation des médias peuvent être synonymes de certaines dérives en termes de « mal information ». Mais France Info est-elle vraiment en mesure de « résister » à ce phénomène ? Comment comptez-vous remettre à niveau cette radio, tout en préservant la qualité de ses informations ?

Quatrièmement, vous avez souligné le rôle unique de Radio France en matière de création artistique. On ne peut donc que soutenir vos objectifs en la matière à l’heure où la culture, comme d’autres domaines, pâtit de la crise économique. Comment allez-vous conforter ce rôle ? De nouveaux dispositifs devraient-ils être mis en place à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la création ? Ou faudrait-il plutôt adapter ceux qui existent, voire même abandonner certains d’entre eux ? Par ailleurs, faut-il alléger certaines contraintes qui pèsent sur Radio France, par exemple en termes de quotas ou de rémunération des artistes ?

Ma dernière question porte sur l’intermittence. Je crois savoir qu’à Radio France, elle n’existe pas chez les techniciens mais qu’elle peut, en revanche, concerner certains artistes. Pour ces derniers, elle prend la forme de contrats d’usage, à durée déterminée. Pouvez-vous nous faire un point sur leur situation car, lors des auditions de la mission d’information sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, certains syndicats de Radio France nous ont fait part de leurs inquiétudes sur le devenir de ces contrats ?

Mme Barbara Pompili. Au nom du groupe écologiste, je souhaiterais vous remercier pour la qualité de vos éclairages. Ce sont la négociation et la signature du prochain contrat d’objectifs et de moyens (COM) qui détermineront, dans le détail, les orientations stratégiques de Radio France pour cinq ans et les moyens qui accompagneront ces ambitions. Mais votre audition nous donne, dès ce stade, « avant l’heure » et quelque temps après votre nomination, l’occasion d’entendre votre vision stratégique.

Sur le fond, vous avez fait part de votre intention de voir Radio France relever le défi du numérique. C’est pour nous un axe tout à fait pertinent, étant donné que 20 % de la population n’a pas accès à France Info et que 30 % du territoire n’est pas couvert par France Bleu. Faire le pari de la RNT permettrait donc de régler ces problèmes de rupture dans la couverture du territoire. Par conséquent, j’aimerais que vous nous fassiez part de votre position sur la RNT.

Quelles sont par ailleurs vos réflexions concernant l’enrichissement mutuel des contenus éditoriaux des partenaires de l’audiovisuel public ? La « mise en commun » des ressources et le renforcement des synergies entre radio et télé semblent faire leur preuve ailleurs, notamment à la BBC. Aujourd’hui, les barrières entre ce qui est vu et écouté sont de plus en plus floues ; le développement d’offres numériques communes permettrait donc d’ouvrir de nouvelles potentialités, de nouveaux usages, à condition que ceux-ci soient sources d’enrichissement culturel.

L’exemple d’une plate-forme numérique dédiée à l’information – associant France 24, France Info, RFI – est souvent cité pour illustrer les bénéfices d’une telle démarche. Si celle-ci devait se concrétiser, il faudrait évidemment y associer les directions et les salariés concernés pour que ce projet collectif soit partagé par tous.

Je souhaiterais aussi vous interroger sur la négociation de la nouvelle convention collective. Comment l’abordez-vous ? La gestion des salariés précaires et des intermittents constitue d’ailleurs un point de vigilance pour notre groupe. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet et nous confirmer qu’il n’y aura pas de plan social à Radio France ?

Autre point, que vous évoquez dans votre rapport, celui du rééquilibrage nécessaire des ressources de France Bleu. Compte tenu de notre attachement aux cultures régionales, vous ne serez guère surpris si nous vous faisons part de notre préférence pour des ressources supplémentaires en lieu et place d’un rééquilibrage.

En ce qui concerne le « Mouv’ », vous avez souligné la réorientation de cette radio vers la culture urbaine. Quelle en sera l’ampleur alors que le CSA lui-même a estimé que les changements fréquents de ligne éditoriale du « Mouv’ » nuisent à son audience ? Le dernier ne datant que de la fin 2013, ne craignez-vous pas qu’un nouveau changement de cap ne soit prématuré ?

Pour conclure, je souhaiterais commenter vos propositions sur ce que vous appelez la culture du « tout gratuit » du service public. Depuis toujours, Radio France a été financé par la redevance, donc par le contribuable, à hauteur de 615 millions d’euros aujourd’hui. Il ne saurait être question, dans ces conditions, de demander à ce dernier une contribution supplémentaire. La gratuité des nouveaux services est, de ce fait, essentielle, d’autant que ceux-ci sont d’ores et déjà financés par les Français. Nous sommes donc totalement opposés à la valorisation de services additionnels qui consisterait, en réalité, à faire payer, au bout d’un certain temps, des podcasts. Cette option n’est tout simplement pas envisageable.

Ces considérations m’amènent à vous interroger sur RF8, que vous n’abordez pas dans votre rapport alors qu’il s’agit d’une chaîne entièrement numérique. Sa gratuité sera-t-elle maintenue ? À nos yeux, le fait de rendre payant son abonnement serait une erreur. Comptez-vous poursuivre le développement de cet outil qui pourrait séduire un public jeune habitué à des consommations musicales innovantes ?

Enfin, votre ambition de soutenir la création et les jeunes artistes reçoit notre entière adhésion.

M. Rudy Salles. Je tiens en premier lieu à vous féliciter pour votre nomination à la présidence de Radio France à l’unanimité par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, et à vous adresser tous mes vœux de réussite dans cette mission de service public absolument fondamentale. Votre audition devant notre commission est l’occasion pour moi de souligner combien il est vital pour notre pays de voir émerger plus de nouveaux visages d’hommes et de femmes compétents et en phase avec leur époque et de leur faire confiance pour assurer la gouvernance et le management de structures aussi importantes que Radio France.

Je souhaiterais vous interroger plus particulièrement sur quatre points. J’ai la conviction que votre nomination ne doit rien au hasard mais se justifie par la qualité du projet stratégique pour Radio France que vous avez exposé devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel le 27 février dernier. Pour autant, je voudrais vous interroger sur le processus de votre nomination. La loi organique et la loi ordinaire relatives à l’indépendance de l’audiovisuel public du 15 novembre 2013 ont rendu au Conseil supérieur de l’audiovisuel un pouvoir de nomination des dirigeants des entreprises publiques de l’audiovisuel. Voyez-vous dans votre nomination une marque d’indépendance du CSA ? Par ailleurs, quelle conception avez-vous de l’indépendance de Radio France et de votre propre indépendance ?

Vous allez entamer prochainement une discussion avec le gouvernement pour la définition du prochain contrat d’objectifs et de moyens. Comment appréhendez-vous la mise en œuvre de votre programme stratégique et comment valoriser le rôle de Radio France dans le nouveau paysage médiatique de l’information, dans un contexte de fortes tensions budgétaires ? Avez-vous d’ores et déjà identifié des pistes pour que Radio France puisse participer à l’effort de réduction des déficits publics tout en préparant la nécessaire transition vers une offre numérique de plus en plus importante ?

Troisièmement, vous avez annoncé vouloir mettre fin à la culture du « tout gratuit » et que des contenus enrichis et les nouveaux usages pourront faire l’objet d’une valorisation. Vous avez notamment précisé que les contenus différés et les podcasts impliquaient un coût d’archivage, d’éditorialisation et de distribution pouvant justifier l’acquittement d’une contrepartie modeste. Comment donc justifier cette contrepartie alors même que Radio France fait partie des bénéficiaires de la redevance audiovisuelle, comme le soulignait le Président Bloche ? Ne vaudrait-il pas mieux envisager une refonte globale de la redevance audiovisuelle plutôt que de taxer certains contenus, et donc pénaliser certains publics ?

Enfin, vous avez plaidé pour une gouvernance intégrée et une équipe resserrée à la tête de Radio France. Ce type de modèle doit-il s’appliquer à l’ensemble des structures de l’audiovisuel public en France avec, à terme, une fusion des télévisions et radios publiques sur le modèle du service public belge ?

M. Jean-Noël Carpentier. Je vous remercie pour votre présentation dynamique et ambitieuse. La radio est importante en ce qu’elle diffuse de la culture et de l’information. C’est un vecteur d’opinion et de mode qui doit évoluer avec les mutations non seulement technologiques mais aussi sociales et sociétales. Radio France a un rôle particulier à jouer dans ces évolutions. Nous sommes, en tant que représentants de la nation, très attachés à ce bel outil de service public, qui rassure en apportant une certaine stabilité et des orientations dans un monde qui fluctue. Mais instrument de service public ne veut pas dire instrument vieillot ; au contraire, il peut porter les avancées voire les positions avant-gardistes sur certains sujets. Ce point peut faire consensus et rassembler nos concitoyens qui payent la redevance, ainsi que vos salariés.

Vous avez indiqué récemment au Courrier du Parlement que vous vouliez « transformer Radio France ». Que vouliez-vous dire exactement ? Pensez-vous que rien ne fonctionne à Radio France ? Non, à l’évidence et c’est pourquoi je souhaiterais que vous explicitiez ce que vous mettez sous le mot « transformer ».

Je vous poserai par ailleurs plusieurs questions concernant les contenus. Je pense que Radio France doit s’appuyer sur ses points forts : France Info, qu’il faut encore faire évoluer, France Inter, radio généraliste qui marque le paysage audiovisuel. S’agissant du « tout numérique », évolution indispensable à laquelle je suis favorable, n’y a-t-il pas des collaborations à installer ou à développer entre Radio France et France Télévisions ? Par ailleurs, comment envisagez-vous de mieux vous appuyer sur le réseau local du groupe ? Vous indiquiez dans l’interview précédemment citée que vous pensiez mettre en avant les scènes locales dans les régions, les départements et les grandes villes. De quelle manière ? Comment accroître les collaborations pour faire émerger les nouveaux talents ? La culture du « tout gratuit » n’est pas forcément une culture négative ; pour ma part, je reste très réservé sur la proposition de faire payer les podcasts.

Enfin comment faire en sorte que les projets soient partagés et élaborés en concertation avec le personnel de Radio France ?

Mme Marie-George Buffet. Le rapport d’orientation de Radio France confirme que la radio publique est écoutée par près de 100 % des foyers de notre territoire malgré les changements des habitudes de consommation des biens culturels. Ce résultat nous incite à saluer l’ensemble des personnels de la radio publique et le fait que cette radio produit elle-même ses contenus. Vous avez eu l’occasion de souligner qu’à votre avis, la production propre de contenus était un atout formidable pour la radio. Pouvez-vous nous confirmer qu’il n’y aura pas d’externalisation des activités pour des raisons financières ?

Dans le domaine de la radio, le service public joue un rôle essentiel en permettant à un maximum d’auditeurs de bénéficier d’apports de qualité en matière de culture ou d’information grâce à la diversité des antennes du groupe Radio France. Vous avez indiqué dans le rapport d’orientation qu’il fallait des chaînes généralistes encore plus éclectiques et des chaînes thématiques encore plus spécialisées. Mais ne faut-il pas réfléchir aux passerelles à établir entre ces différentes chaînes ? Comment, par exemple, accompagner des jeunes auditeurs du Mouv’ à écouter France Musique ou France Culture ? Comment susciter chez les auditeurs l’envie de découvrir d’autres radios ? Vous avez souligné que France Info devait redevenir une chaîne d’actualités diffusant moins d’émissions pré-enregistrées. Je n’y reviendrai pas car cela répond à ma préoccupation. En revanche, je souhaite vous interroger, après le départ de RFI vers France Média Monde – que je continue de déplorer –, sur le positionnement de Radio France s’agissant des questions internationales et s’agissant de la francophonie à travers l’exposition de la musique dans les médias, que nous avons évoquée la semaine dernière, et la défense de la langue française sur les différentes chaînes du groupe public.

Je m’inquiète également de vos propos concernant la remise en cause de la culture du « tout gratuit » et le besoin de dynamiser de nouvelles ressources commerciales. Pour ma part, je pense que le financement par la redevance répond à une exigence d’indépendance et que celle-ci ne sera pas mieux garantie par des revenus commerciaux. Le service public, financé par nos concitoyens, doit faire preuve d’indépendance, notamment en matière d’information.

Enfin, vous avez abordé la question des rapports aux personnels et à leurs organisations syndicales. Vous parlez de rénovation des modes de gestion et des méthodes de management en précisant qu’il s’agit d’adopter une gouvernance s’appuyant sur les manageurs de proximité. Si nous ne pouvons que souscrire à votre volonté de vous adapter à l’ère numérique ou à celle de vous inscrire dans une politique favorisant l’égalité hommes-femmes, la parité dans la hiérarchie de l’entreprise et la diversité, quelles sont en réalité aujourd’hui les définitions présidant aux classifications des emplois et, donc, des déroulements de carrière des personnels ? Les syndicats et personnels de la radio ont en effet besoin d’assurances en ce qui concerne leur avenir puisque la précédente direction avait d’une certaine manière nié les qualifications et les métiers au profit de la notion d’ « emplois ». Dans quel état d’esprit envisagez-vous la négociation sur la convention collective et pouvez-vous nous faire un point sur la question des contrats et de l’intermittence ?

J’observerai en conclusion que c’est une heureuse coïncidence que nous parlions aujourd’hui, 18 juin, de la radio. Cela nous permet en effet de souligner l’importance de la radio à ce moment-là !

M. Stéphane Travert. M. le président Gallet, voilà plus d’un mois que vous êtes à la tête de Radio France, après deux mois de tuilage auprès de votre prédécesseur, M. Jean-Luc Hees. Cette période de tuilage vous a-t-elle permis de prendre plus efficacement vos nouvelles fonctions ?

Cette prise de fonction a coïncidé avec le retour de France Inter dans les nouveaux locaux de la maison ronde, le 21 mai dernier, après dix ans de travaux. C’est dans cet esprit de « déménagement » dans tous les sens du terme, de nouveau management et de management intermédiaire – expressions que vous avez employées à plusieurs reprises et dont il faudra définir le contenu –, que vous avez nommé six nouveaux directeurs de chaîne sur les sept stations que compte le groupe.

Nous souhaitons vous rappeler notre attachement au service public de l’audiovisuel, à son image et à son rôle auprès des Français. Vous nous avez présenté les objectifs que vous vous fixiez pour la durée de votre mandat. Je souhaite revenir sur ceux concernant en particulier trois chaînes du groupe : France Info, le Mouv’ et France Bleu.

Alors que votre prédécesseur était très attaché à la station Le Mouv’, à son nom et à son identité « Jeunesse », vous annoncez vouloir changer le nom et élargir le public de cette station née en 1997 et qui peine encore aujourd’hui à trouver son public et son audience. Vous avez nommé Bruno Laforestrie, spécialiste de hip-hop et de cultures urbaines, à la tête de la station. Comment envisagez-vous le renouveau de cette chaîne qui, d’après le contrat d’objectifs et de moyens, doit rester dédiée aux jeunes et à la retransmission des concerts en live ? Doit-on également réduire la jeunesse aux cultures urbaines ? Quelles seraient les conséquences sur les personnels de l’antenne et sur les programmes ? Et avez-vous pu réfléchir à des liens que vous pourriez établir avec l’école pour identifier clairement cette chaîne « Jeunesse » ?

D’autre part, vous annoncez une redynamisation de l’antenne de France Info en donnant la priorité au direct. Vous avez nommé Laurent Guimier, d’Europe 1, à sa tête. Pouvez-vous préciser les impulsions que vous entendez donner à cette chaîne afin qu’elle puisse s’ajuster à la fois à la concurrence des chaînes de télévision d’information en continu tout en conservant la qualité éditoriale à laquelle une station du service public doit répondre et qui est très attendue des Français ?

S’agissant, enfin, de la chaîne des territoires et de la proximité, à laquelle nous sommes ici également très attachés, France Bleu, je vous remercie de bien vouloir nous indiquer quelles sont vos ambitions en vue de maintenir un maillage territorial serré, au plus près de nos concitoyens et de leur actualité locale ?

Vous avez indiqué, lors de votre intervention devant l’encadrement de Radio France, qu’il fallait rajouter le verbe « partager » à « informer, éduquer et divertir ». Nous attendons d’une radio qu’elle nous satisfasse et qu’elle nous agace. Comment ferez-vous partager l’exigence du service public au plus grand nombre, exigence de service public qui incombe à votre mission ?

Mme Dominique Nachury. Je vous remercie pour la présentation synthétique des quatre axes de votre projet stratégique pour Radio France. Dans l’une de vos interviews, vous avez spécifié à propos de France Musique, largement devancée par Radio Classique sur ses scores d’audience, qu’il fallait laisser plus de place à la musique et moins à la musicologie. France Musique a bâti sa réputation sur les retransmissions intégrales de concerts et les commentaires musicologiques. Qu’entendez-vous par « moins de musicologie » ? Ce n’est pas l’annonce de quelques dates historiques ou de numéros d’opus qui font œuvre de musicologie. La musicologie, c’est aussi faire œuvre de pédagogie. Votre prédécesseur, Jean-Luc Hees, lors de son audition par cette même commission sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens en 2012, avait souligné qu’un des objectifs poursuivis était de renforcer l’identité de chaque antenne et, s’agissant de France Musique, de renforcer les missions pédagogiques pour développer l’appréciation, la compréhension et le plaisir de la musique. Entendez-vous conserver ce même objectif de renforcement de l’identité de France Musique ou bien changer cette dernière ?

M. Marcel Rogemont. C’est probablement avec une certaine émotion que vous avez accueilli la nouvelle de votre nomination à la tête de Radio France en application de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public. Mon collègue Stéphane Travert a évoqué le « tuilage » organisé avec votre prédécesseur. Quels en sont, de votre point de vue, les avantages et les inconvénients ? Avec le recul, estimez-vous qu’il était nécessaire ?

Ma deuxième question concerne la couverture du territoire par Radio France. Alors que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a changé son mode de calcul en ce qui concerne les radios privées, conduisant à l’abaissement sensible de la couverture de certaines d’entre elles, il importe de savoir si Radio France respecte les prescriptions légales qui lui incombent dans ce domaine.

En ce qui concerne la valorisation des podcasts, on peut légitimement s’interroger sur son opportunité, dans la mesure où les citoyens paient déjà la redevance audiovisuelle pour ce service.

Vous avez indiqué que le numérique constituait une formidable opportunité pour Radio France. Comment voyez-vous la convergence ? Quels moyens allez-vous affecter au développement du numérique ? Comment parviendrez-vous à vous différencier de la télévision, qui a l’ambition de conquérir les smartphones ?

Enfin, ne pensez-vous pas que Radio France manque d’ambition eu égard au lancement de la radio numérique terrestre (RNT) le 20 juin prochain ? En Allemagne, où elle vient d’être déployée, la vente de récepteurs est en très forte progression. Dès lors, il n’y a pas de raisons que Radio France n’y participe pas. Quand pourra-t-on par exemple écouter la météo marine, diffusée sur les ondes pour 6 millions d’euros, sur la RNT, pour un coût avoisinant les 50 000 euros ?

M. Patrick Hetzel. Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder la question du réseau local. Je souhaiterais y revenir, car la question du bilinguisme, notamment en Alsace, est très importante. L’une des 44 radios locales de France Bleu propose des programmes en alsacien, du lundi au vendredi, de 8 heures à 16 heures 30, qui peuvent être écoutés sur internet comme sur les ondes moyennes. Je souhaiterais savoir si les évolutions de management et de pilotage de Radio France que vous évoquez concernent également ces radios locales.

Mme Martine Martinel. Vous avez évoqué une nouvelle station dédiée aux cultures urbaines. Quelle réalité recouvre pour vous ce vocable ? Je souhaiterais par ailleurs que vous nous éclairiez sur les contrats précaires qui lient nombre de producteurs et d’artistes à Radio France. Enfin, quelle appréciation portez-vous sur la stratégie que Radio France a mise en œuvre ces deux dernières années concernant le numérique ? Quelles transformations envisagez-vous dans ce domaine ? Un rapprochement avec les plateformes numériques de France Télévisions est-il envisagé ?

Mme Annie Genevard. Vous avez déclaré avoir un « projet d’entreprise ». Je salue l’énergie qui anime vos propos et qui fera, à n’en pas douter, souffler un vent de dynamisme sur Radio France. Vous parlez comme le ferait un chef d’entreprise, ce qui n’est, pour nous, ni antinomique avec la culture, ni avec le service public. Vous évoquez le management, le pilotage de la performance, le développement des ressources propres, la dynamisation des revenus commerciaux, l’affrontement avec la concurrence, l’investissement dans les services, le numérique, la stratégie marketing. C’est donc un changement de culture profond qui s’annonce dans ce grand service public qu’est Radio France, qui s’est rarement souciée de ces questions et qui s’en est même, jusqu’à présent, protégée. Comment la greffe prend-elle, comment votre discours est-il reçu ?

Parmi les nombreuses évolutions évoquées, deux me paraissent majeures : l’enrichissement des contenus éditoriaux par la vidéo ou la photo ; le développement de l’information en continu et le recentrage sur l’actualité « chaude », à l’instar des chaînes de télévision. Faut-il y voir un effacement de la frontière entre radio et télévision ?

En ce qui concerne votre projet social, vous avez insisté sur l’importance de l’égalité entre les femmes et les hommes comme de la diversité sociale et professionnelle, ce à quoi nous ne pouvons que souscrire. Toutefois, vous indiquez que « les femmes et les personnes en situation de handicap doivent pouvoir trouver leur juste place » : c’est là une juxtaposition qui me paraît plutôt malheureuse !

M. Christophe Premat. J’ai été sensible à vos propos sur la stratégie numérique de Radio France. L’un des enjeux essentiels est d’adapter la radio aux exigences du numérique afin de toucher des publics de plus en plus nombreux et d’universaliser, par ce biais, le paysage radiophonique.

Eu égard à la circonscription dans laquelle j’ai été élu, je sais à quel point nos compatriotes résidents hors de France sont attachés à la diffusion des émissions radiophoniques françaises par le biais d’internet et notamment des podcasts. Cet accès aux médias radiophoniques est d’autant plus essentiel qu’il constitue bien souvent, avec la presse écrite, le seul accès aux médias français à l’étranger, les droits télévisuels empêchant généralement l’accès aux télévisions françaises en dehors de l’hexagone.

L’un de vos projets consiste à valoriser les podcasts, dont vous souhaiteriez qu’une partie du coût soit pris en charge par les consommateurs. Si la valorisation des contenus numériques est un enjeu essentiel pour l’industrie culturelle, j’attire votre attention sur les risques que comporte une telle mesure. Les publics francophones et francophiles à l’étranger, compte tenu des différences horaires, téléchargent généralement les podcasts des émissions qu’ils ne peuvent écouter aux heures de programmation habituelles. L’établissement d’une rente payante serait dommageable, car elle limiterait l’accès de ce public aux programmes de Radio France.

De plus, les podcasts sont souvent utilisés pour promouvoir la francophonie, notamment par les enseignants de français à l’étranger. Je rappelle que l’organisation internationale de la francophonie remet, tous les deux ans, à son secrétaire général, un rapport sur l’état de la langue française dans le monde, dans lequel la couverture radiophonique est largement mentionnée. Selon les données disponibles, la francophonie est animée par 440 000 professeurs de français dans le monde, 120 millions de francophones et 112 millions d’apprenants. Radio France Internationale diffuse ainsi des fiches pédagogiques qui sont largement utilisées par notre réseau culturel. Je souhaitais attirer votre attention sur ce point, d’autant plus que, d’après les projections, on compterait 500 millions de francophones en 2050, dont 80 % vivraient en Afrique.

Dans ces circonstances, comment concilier l’impératif de valorisation économique et l’égalité d’accès au service radiophonique pour tous nos concitoyens, surtout lorsque cela peut avoir un impact sur la diffusion de la langue française ?

M. François de Mazières. En 2014, Radio France a bénéficié d’une dotation publique de 602 millions d’euros, en baisse de 1,5 % par rapport au projet de loi de finances initiale pour 2013. Un prélèvement exceptionnel de deux millions d’euros a donc été effectué. Ce prélèvement a-t-il vocation à rester exceptionnel ? Où en sont vos discussions avec votre ministère de tutelle dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2015 ?

Vous menez le projet ambitieux – et nécessaire – de revaloriser le patrimoine immobilier de Radio France, bâtiment à l’architecture emblématique. Le prélèvement de deux millions d’euros a été imputé sur la subvention d’investissement de Radio France. Cela s’est-il avéré compatible avec le calendrier des travaux et l’éventuel surcoût du chantier ?

Par ailleurs, quelle articulation avez-vous trouvée entre votre nouvel auditorium de 1 462 places et la future Philharmonie de Paris ?

Je me réjouis des engagements que vous avez pris en faveur de la création, notamment dans le domaine du théâtre radiophonique, originalité de Radio France qui doit continuer à être soutenue. Enfin, je souhaiterais que vous évoquiez France Culture, dont il n’a pas été question.

M. Hervé Féron. La place des femmes est essentielle, et la nomination de Laurence Bloch à la tête de France Inter participe d’une évolution qui conduit à ce que trois patrons de chaînes sur sept soient aujourd’hui des femmes. Il y a, aux côtés de Laurence Bloch, Marie-Pierre de Surville à la tête de France Musique et Anne Sérode chez FIP. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce progrès en matière d’égalité des sexes.

Cependant, toujours trop peu de femmes s’expriment encore à l’antenne, même si certaines font davantage entendre leurs voix sur les ondes, à l’image de Clara Dupont-Monod. Le baromètre du CSA nous apprend qu’en 2013, la présence des femmes à l’antenne n’a été que de 37 %. Quant à la part des femmes expertes intervenant dans les émissions d’information, elle est inférieure à 20 %. Ainsi, l’année dernière, les invités des matinales de France Culture étaient, à 78 %, des hommes. Face à la sous-représentation féminine et suivant les recommandations du CSA, Radio France s’est engagé à ce que, d’ici la fin de l’année 2014, 30 % des invités des matinales soient des femmes. Ces chiffres, bien qu’encourageants, sont loin d’être suffisants quand on considère que les femmes représentent 52 % de la population et 49,6 % des auditeurs.

Au-delà du rapport que vous avez évoqué tout à l’heure, avez-vous l’intention de donner des orientations aux directeurs et directrices des différentes chaînes pour encourager la présence des femmes à la radio, notamment aux heures de grande écoute ?

Enfin, avec l’arrivée de Netflix et le recul du temps de visionnage de la télévision au profit d’internet, les médias traditionnels doivent muter pour s’adapter aux changements technologiques. Vous avez décidé de miser sur le numérique, qui doit être considéré non pas comme un danger, mais comme une chance, eu égard à l’augmentation du nombre et à l’amélioration de la qualité des podcasts et au développement de la plateforme musicale en ligne RF8 que vous venez de lancer. Pouvez-vous nous expliquer dans le détail en quoi consiste votre stratégie, et plus particulièrement le travail de la direction du numérique ou des nouveaux médias que vous évoquez régulièrement ?

Mme Isabelle Attard. Je vous félicite de la parité que Radio France a su instaurer ; j’avais d’ailleurs eu l’occasion de questionner Jean-Luc Hees à ce sujet ici même. Je tenais aussi à féliciter votre prédécesseur pour la qualité des programmes de vulgarisation scientifique actuellement diffusés sur France Inter, comme Sur les épaules de Darwin, La tête au carré ou encore, pour les enfants, Les p’tits bateaux. Cela fait effectivement partie d’une mission cruciale du service public ; je dois dire que la qualité est ici au rendez-vous.

Je souhaiterais vous interroger sur deux sujets. D’une part, celui des podcasts qui seraient susceptibles de devenir payants. Vous nous avez laissés dans le flou, en indiquant que la question du stockage des émissions sur le long terme devrait être mise sur la table. Pour prendre l’exemple du site internet de l’Assemblée nationale, je me félicite de ce que les vidéos soient gratuitement accessibles, car elles permettent une réelle éducation à la diversité politique et à la citoyenneté. Si les podcasts devenaient payants, il y a fort à craindre que les auditeurs se tournent vers d’autres radios pour en télécharger d’autres.

D’autre part, je souhaiterais connaître les actions que vous envisagez pour remédier au manque de pluralité dans les émissions économiques de Radio France, qui, à l’instar des chroniques matinales de France Inter entre Dominique Seux et Bruce de Galzain, font la promotion systématique des réformes libérales, du « moins d’État » et de la réforme urgente des prestations sociales. Il y a là une pluralité d’expressions à améliorer, dans une optique d’éducation populaire et d’éveil des consciences de nos concitoyens à travers ce merveilleux outil que constitue la radio.

J’en profite pour souligner que l’appel du 18 juin 1940 est probablement le premier podcast de l’Histoire, et qu’il est totalement gratuit !

M. Yves Durand. Contrairement à certains de mes collègues qui viennent de s’exprimer, je ne suis pas un spécialiste de l’audiovisuel ; pour autant, je suis un auditeur assidu de France Info, notamment, et c’est à ce titre que je souhaite vous interroger. Vous avez évoqué la nécessité de repositionner cette radio vis-à-vis de la concurrence exercée par les chaînes télévisées d’information en continu et votre volonté d’en faire une chaîne radio d’actualité immédiate. Or, je crois que ce dont ont le plus besoin nos concitoyens, c’est, au-delà de l’information brute, d’éléments de compréhension et de tri ; la pédagogie est à mes yeux une des missions essentielles d’un service public de l’information. Dans ces conditions, quel équilibre comptez-vous trouver entre l’information immédiate et les éléments indispensables de pédagogie qui doivent l’accompagner ?

M. Claude Sturni. Je souhaite à mon tour vous féliciter, monsieur le président, pour votre nomination comme pour la clarté de vos propos. Je souhaite, comme mon collègue Patrick Hetzel tout à l’heure, souligner l’importance toute particulière dans les zones frontalières comme la mienne du réseau des antennes locales de France Bleu, notamment de France Bleu Elsass. Cette chaîne donne aux auditeurs la possibilité d’entendre des programmes, mais aussi de s’exprimer à l’antenne, en langue alsacienne, répondant ainsi à une véritable attente de nos concitoyens. Cette radio fait aussi œuvre utile à l’égard de l’intérêt que nous portons à l’Europe en étendant l’information donnée à tout un bassin de vie transfrontalier, en valorisant une culture transfrontalière et en donnant toute leur place aux informations concernant un voisin dont on est beaucoup plus proche qu’on ne le croit souvent. Ce type d’initiatives est-il inclus dans ce que vous avez vous-même dans votre propos introductif qualifié de « médias de proximité, voire d’intimité » ?

Mme Valérie Corre. Je souhaite pour ma part vous questionner sur les relations que vous souhaitez instaurer entre le réseau France Bleu et les radios associatives présentes sur nos territoires et plus précisément sur le comportement que vous souhaitez voir adopter par le premier à l’égard des secondes. J’ai été, à plusieurs reprises, sollicitée par une radio associative du Loiret sur les pratiques de France Bleu Orléans – mais ce n’est sans doute pas un cas isolé – qui impose aux organisateurs d’événements locaux une exclusivité dans la couverture médiatique qu’en donne la radio. Je voudrais citer deux exemples qui m’ont été rapportés : une petite ville du bord de Loire organise un événement estival dont est partenaire France Bleu Orléans, qui diffuse tous les jours reportages et spots. Toutefois, la radio n’est pas en mesure de couvrir la retransmission des concerts organisés en soirée, ce dont se charge une radio associative, Méga FM. Mais France Bleu a exigé que seul son logo figure sur les supports de communication de l’événement. Autre exemple : pour le salon du vin organisé dans une autre commune, les organisateurs souhaitaient renouveler le partenariat avec France Bleu, en plus du partenariat avec cette même radio associative ; le logo de cette dernière devant figurer sur l’affiche annonçant l’événement, France Bleu a purement et simplement refusé tout partenariat. Monsieur le directeur, la radio de proximité du service public France Bleu, qui est la radio la plus écoutée dans l’Orléanais, doit-elle empêcher l’émergence des radios associatives émettant sur un territoire restreint ? La présence de France Bleu aux côtés d’une radio associative est-elle envisageable sur un événement de portée locale ? Si votre réponse est positive, ce que j’espère, pourriez-vous diffuser cette information auprès des antennes locales de radio qui, elles, évoquent des consignes nationales ? Alors que le premier axe du contrat d’objectifs et de moyens se réfère à une « entreprise publique responsable », ne pourrait-on pas trouver dans cette perspective une possible complémentarité – ou, pour le moins, de non-concurrence – entre le réseau France Bleu et les radios associatives ?

M. William Dumas. Monsieur le président, vous avez, dans votre propos liminaire, estimé qu’il convenait de donner une nouvelle image du service public et d’adapter la radio à son temps. Je ne reviendrai pas sur la RNT ou France Info, car les questions vous ont déjà été posées par mes collègues, et me concentrerai sur la nouvelle chaîne de cultures urbaines que vous souhaitez lancer. Pouvez-vous nous en dire plus ? Dans nos circonscriptions, nous avons tous des radios associatives indépendantes qui ont une longue histoire et ont souvent réalisé des actions d’intégration importantes ; je crois qu’il faut prendre garde au risque – réel à mes yeux – de les voir disparaître.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur le président, je vous propose de répondre de manière globale aux très nombreuses questions qui vous ont été posées ce matin par les membres de la Commission, dont vous avez pu mesurer l’attachement très grand et très largement partagé à la gratuité des contenus de Radio France, contrepartie de la redevance.

M. Mathieu Gallet, président de Radio-France. Pour répondre en premier lieu à la question de vous m’avez posée, monsieur le président, et que M. de Mazières a également évoquée, s’agissant du nouvel auditorium de 1 451 places et la concurrence que pourraient exercer les quelque 2 400 places de la Philharmonie de Paris, je voudrais vous dire notre confiance dans notre capacité à attirer le public vers ce nouvel équipement. C’est une chance pour Paris de disposer de deux salles pour accueillir les nombreuses formations musicales qui souhaitent se produire dans la capitale. Je sais que, dans le cahier des charges du repreneur de la Salle Pleyel, est clairement mentionnée l’absence de concerts de musique classique, ce qui sera sans doute déroutant pour les auditeurs habitués à s’y rendre. Il reviendra à la direction du marketing et du développement de Radio France de continuer à tisser des liens étroits avec nos abonnés, habitués à se rendre à la Salle Pleyel et aux Champs Élysées, mais aussi à mettre en place des solutions innovantes pour attirer de nouveaux publics, peut-être aujourd’hui intimidés par la « grande musique » : je pense notamment à des concerts plus courts ou aux horaires décalés, par exemple organisés à l’heure du déjeuner.

S’agissant de la part des ressources propres dans l’équilibre budgétaire de Radio France, il est clair qu’elle est bien plus faible qu’à l’INA d’où je viens, puisqu’elle ne représente que de l’ordre de 10 % de ce budget et qu’elle pourrait en outre se réduire encore davantage du fait de la diminution de l’activité publicitaire des annonceurs publics. C’est, là encore, une des missions de la direction du marketing et du développement que de trouver de nouvelles ressources.

Sur la question des podcasts qui a été souvent évoquée ce matin, c’est sur la durée de leur mise à disposition gratuite – aujourd’hui de trois ans – que l’on pourrait jouer ; elle pourrait être réduite – une marge d’évolution est possible, sans aller jusqu’aux sept jours qui prévalent pour la télévision de rattrapage – afin de couvrir une part des importants coûts liés à leur stockage. On peut en effet considérer qu’il n’est pas légitime que ces coûts soient exclusivement financés par le produit de la redevance audiovisuelle. Pour autant, il n’est nullement question de « casser » ce qui fonctionne bien. Nos auditeurs, en France comme à l’étranger, aiment pouvoir écouter ou réécouter leurs émissions en podcasts, notamment celles de France Culture et France Inter et il n’est pas question de remettre cela en cause. La réflexion qui est engagée est très ouverte : la réduction de la durée de mise à disposition gratuite est à l’étude, tout comme des formules d’abonnements. Dans le contexte actuel, il s’agit dans notre esprit d’adapter les moyens aux évolutions du marché de la radio, dans le respect des spécificités du service public.

Pour répondre à M. Michel Françaix, qui a soulevé quelques paradoxes de cette maison qu’il connaît bien, je veux indiquer en premier lieu que le projet concernant France Info consiste, non pas à copier ce qui se fait aujourd’hui à la télévision, mais à revenir à ce qu’était la chaîne à sa fondation en 1987, c’est-à-dire une chaîne d’information en continu. À l’époque, le projet était très innovant, mais, depuis, la chaîne s’est progressivement éloignée de ce modèle, privilégiant les chroniques préenregistrées. Depuis un mois, les choses ont déjà changé : dès le lendemain de l’annonce par le Président de la République des contours de la réforme territoriale, France Info a été la seule à consacrer une journée d’antenne à ce sujet en s’appuyant sur son réseau dans les vingt-deux régions et en donnant la parole aux auditeurs. Je laisse M. Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes, vous en dire plus sur ce point.

M. Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes. La chaîne France Info doit retrouver sa spécificité dans le paysage radiophonique. Le réflexe de son écoute pour obtenir une information immédiate sur l’actualité, notamment en voiture, s’est perdu au fil du temps ; il convient aujourd’hui de revenir à l’ADN de ce qui fait sa marque, l’information immédiate, en continu, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et de lui permettre ainsi de faire revenir à elle un plus large public.

M. Mathieu Gallet. J’ai été également interrogé sur la place de la future radio consacrée aux jeunes, à la musique et aux cultures urbaines. J’ai confié à un spécialiste de ces questions la charge d’étudier, d’ici la fin de cette année, les publics visés et de faire des propositions de contenu, dans le respect des spécificités du service public. Avec nos sept chaînes, nous cherchons à attirer des publics plus divers, et non pas uniquement des populations urbaines, de catégories socio-professionnelles supérieures et âgées de plus de cinquante ans ; c’est pourquoi il nous faut davantage étudier les publics qu’aujourd’hui nous touchons moins.

Concernant France Musique, j’estime qu’il y a trop de commentaires et pas assez de musique à l’antenne. La mission de cette radio doit être de faire découvrir la musique de manière pédagogique mais pédagogique ne signifie pas cuistre. Cependant, on ne va pas copier Radio Classique. Nous avons des producteurs et productrices qui font un travail formidable. Marie-Pierre de Surville travaille actuellement d’arrache-pied sur sa grille de rentrée. C’est pourquoi je vous donne rendez-vous en septembre pour constater les évolutions sur France Musique. Je souhaite également que cette antenne retransmette davantage les productions de nos formations musicales, dont la mission est avant tout d’alimenter nos antennes.

Le numérique n’est pas une option. Il s’impose à nous. Il constitue une chance de toucher un public plus large, notamment le public jeune. Pour toucher ce dernier, nous devons développer la présence de notre production filmée sur les plates-formes de partage de vidéo afin de faire découvrir nos contenus, notre marque, l’univers et l’identité de nos chaînes.

Je suis très partagé sur la RNT, même si j’y étais très favorable en 2006, lorsque j’étais au ministère de l’industrie. Dans les pays où elle a été lancée, notamment au Royaume Uni, elle ne décolle pas. À la lecture des deux rapports rendus en 2009 et 2011 sur le sujet, je comprends les questions que l’on se pose, notamment celles du coût et de la durée de la double diffusion. Je rappelle qu’il y a encore une diffusion en ondes longues et en ondes moyennes alors que la FM a maintenant plusieurs décennies. Cette diffusion a un coût mais 10 % de la population nous écoute encore en longues ondes. Le financement de la double diffusion, ce serait autant de moins pour les programmes. Pour quels publics et quels bénéfices ? Rappelons que la radio se développe sur internet notamment pour une écoute en 4G. La question ne me paraît donc pas suffisamment mature et je comprends donc toutes les interrogations dans ce dossier.

En ce qui concerne la place de la musique sur toutes les antennes de Radio France, nous allons évaluer l’opportunité d’un rapprochement entre FIP, radio unique par le caractère éclectique de son offre, aujourd’hui contrainte dans son développement en hertzien par la rareté des fréquences, et RF8, la plate-forme de musique en ligne, ce qui permettrait à FIP de se développer sur le numérique. Ce sera le travail d’Anne Sérode, qui nous rejoint lundi prochain.

Mme Catherine Sueur, directrice générale déléguée. En ce qui concerne la négociation d’un nouvel accord d’entreprise, nous avons repris les négociations depuis quelques mois après un épisode un peu compliqué, à savoir l’annulation des élections professionnelles à la suite du recours d’une organisation syndicale. Les négociations se passent bien. La direction des ressources humaines travaille en partenariat avec les organisations syndicales pour redéfinir les emplois et les métiers. Nous espérons déboucher sur un accord avant la fin de l’année.

M. Mathieu Gallet. Nous employons des intermittents compte tenu de nos contraintes de programmes. Nous avons besoin de cette souplesse des CDD d’usage pour tous les artistes que nous employons, que ce soient les musiciens de nos formations, les artistes qui travaillent sur les fictions radiophoniques et les personnels liés aux grilles de programmes. Il s’agit donc d’un statut nécessaire au fonctionnement de la maison. Par rapport aux abus qu’il y a pu y avoir il y a une dizaine d’années, nous utilisons aujourd’hui les intermittents de façon tout à fait légitime.

Mme Catherine Sueur. L’intermittence est en effet consubstantielle aux métiers de Radio France. Les évolutions éditoriales des grilles, le fonctionnement des formations musicales et la fiction radiophonique nécessitent le recours à l’intermittence. Cependant, nous respectons à la lettre l’accord interprofessionnel signé en 2007 qui définit très précisément la liste des métiers auxquels Radio France a le droit de recourir sous forme de contrats d’usage. En particulier, plus aucun technicien de Radio France n’est employé sous forme d’intermittence.

M. Mathieu Gallet. Je considère que le tuilage de deux mois est un très bon principe. Cette période nous a permis de nous préparer, de constituer l’équipe. J’ai gagné un temps précieux pour travailler sur les grilles de rentrée qui doivent être bouclées d’ici au 30 juin.

S’agissant du positionnement international de Radio France, le numérique abat les frontières. Grâce à notre production en interne, nous ne sommes pas, contrairement à la télévision, confrontés à la difficulté de l’acquisition des droits pour la diffusion numérique. Nous sommes donc capables de nous adresser à un public francophone et francophile à travers le monde. Tout en respectant les missions spécifiques de RFI, je souhaite que notre place à l’international soit repensée à la faveur des développements numériques, en insistant sur l’exposition de la musique, la promotion des jeunes talents mais aussi de notre culture et de notre langue.

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 18 juin 2014 à 9 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Yves Daniel, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, M. Yves Durand, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, Mme Claude Greff, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Anne-Christine Lang, M. Pierre Léautey, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Christophe Premat, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert, M. Patrick Vignal, M. Jean Jacques Vlody

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Ary Chalus, Mme Martine Faure, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Jean-Pierre Giran, M. Mathieu Hanotin, Mme Sonia Lagarde, M. Dominique Le Mèner, Mme Maud Olivier, M. Franck Riester, Mme Julie Sommaruga, Mme Michèle Tabarot

Assistaient également à la réunion. – Mme Brigitte Bourguignon, Mme Colette Langlade