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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 14 octobre 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 05

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Projet de loi de finances pour 2016 (n° 3096) (seconde partie) :

• Présentation du rapport pour avis sur les crédits de la mission Action extérieure de l’État : Diplomatie culturelle et d’influence (M. Yves Durand, rapporteur pour avis)

• Présentation du rapport pour avis sur les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative (M. Guénhaël Huet, rapporteur pour avis)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 14 octobre 2015

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président)

——fpfp——

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine le rapport pour avis sur la mission « Action extérieure de l’État : Diplomatie culturelle et d’influence » (M. Yves Durand, rapporteur pour avis).

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2016 avec la présentation de deux rapports pour avis : celui de M. Yves Durand sur la mission « Action extérieure de l’État » puis celui de M. Guénhaël Huet sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

La partie thématique du rapport de M. Durand, qui porte sur la diplomatie culturelle et d’influence, eut égard au champ de compétence de notre Commission, vous a été transmise en début de semaine. Je crois savoir, monsieur le rapporteur, que vous avez souhaité faire un point sur la politique de promotion et de diffusion du livre français à l’étranger. Je vous cède la parole pour nous parler de ce vecteur majeur de l’influence culturelle française dans le monde, en rappelant l’importance que nous attachons au livre dans notre pays de vieille culture et, avant tout, de vieille culture littéraire.

M. Yves Durand, rapporteur pour avis. Monsieur le président, mes chers collègues, la diffusion à l’étranger, en langue originale ou traduite, de la pensée et de la création littéraire française, est une composante essentielle de la diplomatie culturelle, tant en termes d’influence qu’en termes économiques.

Première industrie culturelle française, l’industrie du livre est l’une des plus internationalisée, avec près du quart de son chiffre d’affaires réalisé à l’étranger en 2014, soit 641 millions d’euros, en excluant les départements et collectivités d’outre-mer.

Mais ces exportations évoluent de manière contrastée. Vers nos principaux voisins européens, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie et Pays-Bas, elles sont en progression et représentent près de 16 % des exportations totales. Vers les zones francophones, elles constituent près de 72 % des exportations totales, avec une différence entre les pays francophones du Nord, en recul depuis 2010, et les zones francophones du Sud qui affichent une croissance de 7,3 % par rapport à 2013. En dehors de la Francophonie et des principaux pays de l’Union européenne, elles régressent par rapport à 2013 : moins 7,5 % pour les États-Unis, moins 6 % pour l’Amérique latine malgré une reprise au Brésil, moins 23 % en Asie sauf à Taïwan où elles ont progressé de près de 30 % en quatre ans.

Le nombre des cessions de traduction du français vers des langues étrangères a plus que doublé en dix ans – plus de 13 000 contrats ont été signés en 2014 contre 6 000 en 2004 –, ce qui fait du français la seconde langue traduite après l’anglais. Quelque 16 % des contrats de cession concernent la fiction et 10 % la non-fiction, c’est-à-dire les sciences humaines, l’actualité, les essais et documents.

La politique de soutien au livre à l’étranger relève de deux ministères – affaires étrangères et développement international, d’une part, et ministère de la culture et de la communication, d’autre part – appuyés par leurs opérateurs, respectivement l’Institut français et le Centre national du livre (CNL), ainsi que par des organismes interprofessionnels partenaires de l’action culturelle extérieure de la France, la Centrale de l’édition et le Bureau international de l’édition française (BIEF), notamment. Tous ces acteurs s’appuient très largement sur le réseau culturel français à l’étranger.

Cette politique publique mobilise des moyens importants, estimés à 33 millions d’euros, dont 25 millions pour le ministère des affaires étrangères et du développement international. Elle met également en œuvre un dispositif d’aides très complet, détaillé dans le rapport, et qui concerne tous les acteurs de la chaîne du livre : tout d’abord des aides à la promotion des auteurs, des éditeurs et des œuvres français à l’étranger, actions parmi lesquelles on citera pour mémoire les Missions Stendhal, l’appui à la participation aux foires du livre internationales – la France est invitée d’honneur à la Foire du livre de Francfort en 2017 ; la prospection des marchés. Tous ces dispositifs favorisent les cessions de droits de traduction de titres français. Des aides à la diffusion du livre français en langue originale, ensuite ; il s’agit de l’aide au transport de livres français à l’étranger – groupage du transport et police globale d’assurance à l’exportation – et du programme de bonification des prix, le « Programme Plus », du soutien à l’édition locale dans les pays du Sud, du soutien financier aux librairies francophones pour l’acquisition de titres, ou encore du réseau des 570 médiathèques implantées dans les Alliances et Instituts français. Enfin, les aides à la traduction de titres français en langues étrangères, à travers le soutien à la traduction et les bourses de séjour aux traducteurs étrangers, les aides à la cession de droits et à la traduction et le soutien à la formation de nouvelles générations de traducteurs du français vers des langues étrangères, via, par exemple, la « Fabrique des traducteurs ».

Toutefois, face aux mutations du secteur et à la conjoncture économique incertaine, qui plus est dans un contexte fortement concurrentiel, cette politique doit être plus efficace et, pour cela, évoluer afin de surmonter plusieurs difficultés. Au premier chef, la dispersion des actions : les deux ministères ont en effet des approches différentes de la politique de promotion du livre français à l’étranger, qui, sans être contradictoires, doivent être mieux coordonnées. La diversité des objectifs ainsi que la pluralité des acteurs et des dispositifs d’aide nuisent le plus souvent à la lisibilité des actions ; en outre, le cadre budgétaire durablement contraint impose la mutualisation des efforts.

Dans cette perspective, les deux administrations ont mené une réflexion avec leurs opérateurs respectifs et leurs principaux partenaires afin de recenser les moyens mobilisés, de rationaliser les dispositifs d’aide et d’élaborer une stratégie publique commune dont les axes sont précisés dans le rapport. Les conclusions de cette concertation, qui ne sont pas encore publiées, serviront de fondement à une communication gouvernementale.

Cette mutualisation permettra de répondre une réelle réduction des moyens. Les postes consacrés au livre au sein du réseau culturel ont été particulièrement touchés par les baisses d’effectifs. Les personnels ont en charge plusieurs secteurs – le livre, mais aussi les médiathèques, voire les échanges culturels au sens large –, et le nombre de Bureaux du livre a été réduit à 19 actuellement. Cette situation est problématique notamment parce que face à la concurrence, les éditeurs et les professionnels s’appuient sur ces structures pour développer leurs capacités d’export et de projection à l’international.

L’environnement peu favorable à la diffusion du livre français dans les zones d’avenir constitue une autre difficulté. Les enjeux stratégiques de croissance se situent en effet principalement en Afrique subsaharienne et au Maghreb, où on évalue à près de 600 millions le nombre des locuteurs francophones à l’horizon 2050, en raison de la croissance démographique et à condition que la francophonie soit un vecteur, et ne se résume pas à la seule défense de la langue française. Il y a donc là des possibilités considérables de développement pour la diffusion du livre français si l’essor des exportations se poursuit.

Mais le défaut de professionnalité en matière éditoriale est l’un des handicaps majeurs de cette zone. De plus, les réseaux de distribution du livre y sont peu développés et peu structurés, en raison, notamment, des multiples taxes qui grèvent le prix des ouvrages ; les librairies de fonds dans les pays du Maghreb et en Afrique francophone subsaharienne et de l’Océan indien sont peu nombreuses et concentrées dans les grandes villes.

À ces difficultés s’ajoute enfin la forte pression de la culture anglo-saxonne ainsi que la présence éditoriale croissante en Afrique francophone des États-Unis, qui diffusent la pensée américaine traduite à des prix sensiblement inférieurs à ceux des ouvrages français.

Parmi les pistes d’évolution qui ont été abordées lors des auditions, il faut évoquer le modèle de coéditions Sud-Sud, développé par l’Alliance internationale des éditeurs indépendants. L’Alliance achète les droits sur un livre édité en France et les cède à un collectif d’éditeurs africains qui mutualisent leurs moyens pour produire l’ouvrage. L’impression est réalisée en Afrique, la distribution ayant lieu ensuite dans les différents pays des coéditeurs, avec un soutien de l’Alliance et une subvention de l’Organisation internationale de la Francophonie, ce qui réduit les coûts et rend le prix de vente plus abordable. Ce modèle économique de coédition semble particulièrement intéressant parce qu’il associe la diffusion d’ouvrages écrits en français à un processus collectif d’édition qui renforce les structures éditoriales locales.

Le système de plateforme sécurisée d’impression à la demande pourrait constituer une autre piste d’évolution. Il permettrait d’imprimer localement les livres envoyés par les éditeurs français, livres qui seraient ensuite acheminés vers des points de vente. Mais jusqu’à présent, ce système n’a pas trouvé de solution de financement.

Le numérique, enfin, peut constituer une piste pour atteindre de nouveaux publics en réglant la question du transport, qui reste un problème majeur pour la diffusion du livre français à l’étranger, et développer l’influence de la France. De fait, en France, le numérique représente à peu près 2,3 % du chiffre d’affaires de l’édition pour le livre public, et de nombreuses maisons d’édition se sont dotées de chaînes de production numérique. Néanmoins, le phénomène est encore trop récent pour être parfaitement maîtrisé par l’ensemble de la filière, notamment en ce qui concerne les ventes à l’étranger. Il est nécessaire de résoudre un certain nombre de problèmes opérationnels, comme la gestion des droits. En ce qui concerne les pays d’Afrique francophone, principal enjeu de croissance, le numérique pourrait répondre au problème de l’implantation d’une industrie du livre, à condition, bien entendu, que le continent puisse se doter des infrastructures nécessaires et assurer la sécurisation des contenus.

La question du numérique a été abordée lors de la réflexion menée par les deux ministères sur l’élaboration d’un cadre stratégique de soutien au livre français à l’étranger que j’ai eu l’occasion d’évoquer, et dont les conclusions sont attendues avec impatience. Il existe donc un potentiel de diffusion importante de livres français à l’étranger, élément majeur de la présence de la littérature mais aussi de la pensée, mais, compte tenu des difficultés qui sont devant nous, une politique de mutualisation – afin d’être plus efficace – nous semble nécessaire.

M. le président Patrick Bloche. Merci, monsieur le rapporteur, pour la clarté de votre exposé, mais aussi pour avoir choisi ce thème, qui permet de souligner l’importance des industries culturelles, notamment de l’édition, ainsi que les enjeux internationaux pour le rayonnement culturel de notre pays, la francophonie et la diffusion de nos livres en français, y compris dans les zones non francophones.

Vous rappelez d’ailleurs que le livre est la première industrie culturelle à l’export, je l’apprends par vous, persuadé que j’étais que le cinéma tenait cette place : le livre, encore le livre, et sans doute pour longtemps.

Mme Sophie Dessus. Il peut paraître surprenant ou réconfortant de traiter de la promotion et de la diffusion du livre français à l’étranger. Bien des Cassandre avaient prédit la désertion des lecteurs, la disparition du livre et son remplacement par la liseuse, en ce XXIe siècle, ère de l’image et de l’écran, du numérique et d’Amazon. Et pourtant, comme l’écrivait Le Monde il y a deux jours, le livre est toujours en résistance. Bien mieux, cet objet d’outre-tombe est toujours aussi à l’aise sur nos étagères et toujours aussi adapté pour faire évoluer l’humanité vers plus de savoir, plus de tolérance et d’intelligence.

Le choix de ce sujet, monsieur le rapporteur, illustre à l’envi votre volonté de relever un beau défi : celui du redressement de l’influence française dans le monde, et seule une bonne connaissance des forces et des faiblesses dans ce domaine permettra de trouver des solutions.

Le premier atout est non seulement que l’industrie du livre est la plus ancienne mais aussi la plus solide, comme vous venez de le dire, et le prix unique du livre, comme la TVA réduite, n’y sont pas pour rien. Ce secteur représente 2,5 milliards d’euros et réalise un quart de son chiffre d’affaires à l’étranger, et ces chiffres vont croissant. C’est là un intéressant paradoxe, à l’heure où les grandes librairies et bibliothèques de la planète se trouvent sur internet, où l’on constate un recul des ventes de liseuses et le développement de la vente du livre, particulièrement du livre jeunesse et de la bande dessinée, notamment dans les pays du sud de la Méditerranée.

L’autre atout pour la promotion du livre à l’étranger réside dans la qualité, la diversité et le nombre d’intervenants, privés comme publics, œuvrant dans ce domaine : l’Institut français, qui encourage la traduction de nos auteurs et organise des rencontres internationales ; le Centre national du livre, qui favorise la création et l’édition d’œuvres tant littéraires que scientifiques ; la Centrale de l’édition, groupement d’intérêt économique qui soutient l’exportation ; le Bureau international de l’édition française, association d’éditeurs adhérents ; le Syndicat national de l’édition, qui regroupe 670 maisons d’édition ; l’Alliance internationale des éditeurs indépendants, qui regroupe 400 maisons d’édition ; l’association indépendante des librairies francophones, réunissant une centaine de libraires implantés dans 60 pays ; enfin deux ministères, celui de la culture et celui des affaires étrangères.

La présence de ces neuf structures manifeste autant la richesse du dispositif que sa faiblesse, car loin de regrouper leurs forces, leurs actions se croisent sans se mutualiser. Aussi, si l’on ne peut douter des compétences de chacun de ces organismes, le manque de coordination et de mise en réseau se traduit par une moindre efficacité, des surcoûts et un gaspillage d’énergie, alors que les moyens humains se raréfient. Les deux ministères eux-mêmes ont pris conscience des divergences de leurs approches, ignorant trop souvent ce que fait l’autre, et ont reconnu qu’il y a urgence à réarticuler une véritable politique de diffusion du livre à l’étranger, afin d’avoir une stratégie de reconquête du français.

Autre point faible : l’apprentissage de la langue, qui est en régression. Les interlocuteurs francophones locaux disparaissent, l’enseignement du français et la constitution d’un réseau entre bibliothèques, librairies et enseignants n’est pas une priorité.

Enfin, on ne saurait ignorer la très forte pression de la culture anglo-saxonne qui met des moyens très importants pour que le modèle américain domine toute autre forme de pensée – et particulièrement la pensée française –, allant jusqu’à subventionner la publication en français de ses propres ouvrages. Attention à ce que l’Accord commercial transatlantique, dit TAFTA, ne prenne pas la place des valeurs républicaines !

Il est donc grand temps de nous donner les moyens de réaffirmer notre volonté de réhabiliter culture, langue et enseignement du français. Reprendre la main, c’est se donner les moyens de rendre les ouvrages accessibles à tous, et, partant, de promouvoir l’accès à la culture et à l’enseignement pour tous dans le plus de pays possible. À cette fin, je vais faire quelques propositions, qui sont d’ailleurs les mêmes que celles de notre rapporteur. Ne pourrions-nous pas éditer et imprimer les livres sur place, afin de réduire les coûts d’acheminement ? Ne pourrions-nous pas former plus d’enseignants, notamment en Afrique, et promouvoir les sections bilingues ? Enfin, ne pourrions-nous pas tirer parti des évolutions démographiques et économiques en s’appuyant sur l’outil numérique ? Ces quelques efforts pourraient être largement récompensés au regard du potentiel de croissance de la francophonie, puisqu’à l’horizon 2050, le nombre de locuteurs devrait avoir triplé pour passer de 274 à 700 millions. À travers la politique de soutien du livre français, nous sommes confrontés à un vrai défi : il y va du rayonnement de la France et de sa culture à travers le monde.

Mme Claudine Schmid. Vous évoquez, monsieur le rapporteur, la commercialisation des livres numériques français en dehors de nos frontières. Vous indiquez que celle-ci nécessite la résolution d’un certain nombre de problèmes opérationnels dont, en premier lieu, la gestion des droits. Les parlementaires représentant les Français établis hors de France sont souvent interpellés par nos compatriotes au sujet de l’impossibilité de télécharger des ouvrages édités en France. Une consultation conjointe a été organisée par le ministère de la culture et celui des affaires étrangères, disposez-vous d’une estimation du délai dans lequel vous en recevrez les conclusions ? Par ailleurs, la précédente ministre de la Culture, Mme Aurélie Filippetti, avait annoncé, au début de l’année 2013, la mise en place d’une mission sur la numérisation du patrimoine écrit. Cette mission a-t-elle été installée ? Le sera-t-elle ? Qu’en est-il de cet engagement de Mme la ministre ?

Mme Isabelle Attard. Merci, monsieur le rapporteur, pour cet avis budgétaire qui nous rappelle que notre diplomatie culturelle est placée sous la double autorité du ministère des affaires étrangères et du développement international et du ministère de la culture. La double appartenance de ce secteur et la multiplicité des intervenants nécessitent une vigilance de chaque jour dans la coordination des actions et des acteurs.

J’ai bien compris, à la lecture de votre rapport, qu’à ce jour les différents services ne sont pas entrés en concurrence et ont même mis en place des instances de concertation et de coordination. Je me réjouis de cette démarche et, comme vous, j’imagine que certaines fusions seront nécessaires dans un avenir proche. Avec les auteurs, les éditeurs et défenseurs du livre français à l’étranger, nous redoutons la baisse des budgets et des personnels. Vous indiquez que les postes consacrés au livre ont été les plus touchés par la réduction d’effectifs et, comme vous, je réclame leur stabilisation.

Je me réjouis que le numérique constitue une nouvelle piste pour trouver de nouveaux publics et développer l’influence de la France. Vous relevez que ce marché ne représente aujourd’hui que 2,3 % du chiffre d’affaires de l’édition française. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette faiblesse et le système du prix unique, qui permet aux éditeurs de fixer le prix de vente des ouvrages, a été efficace pour protéger les libraires indépendants en France ; dans d’autres pays n’ayant pas adopté cette mesure, les libraires indépendants ont disparu, tout comme les disquaires chez nous. Mais cette mesure est seulement défensive, elle a permis la sauvegarde d’une activité au nom de l’exception culturelle ; le secteur du livre numérique étant naissant, à l’époque, il n’y avait aucun petit acteur à préserver.

Ce sont les principaux éditeurs papier qui recourent à cette loi pour dégager des marges exorbitantes ; sur de nombreux sites, vous trouverez une version numérique à un prix supérieur – et de loin – à la version papier en format de poche. Mes chers collègues, osons une comparaison : lorsque vous envoyez un courriel avec un texte en pièce jointe, le coût du transfert vous paraît-il supérieur à l’impression de ce texte sur papier et à l’envoi postal ? Non. C’est pourtant ce que les principaux éditeurs veulent faire croire à leurs lecteurs. En outre, sur les principales plateformes de diffusion numérique, vous n’achetez pas un livre : vous souscrivez à une licence de lecture très limitée. Oubliez la possibilité de léguer votre bibliothèque à vos enfants, vos achats seront inaccessibles dès votre décès. Oubliez également la notion de propriété, les entreprises propriétaires des grandes plateformes se réservant le droit de supprimer vos livres de vos appareils. Amazon l’a notamment fait pour 1984 de George Orwell, il n’y a donc pas de hasard… Oubliez enfin les promesses d’accessibilité en tout lieu : au nom du respect de certains droits d’auteur, des Français ont eu la mauvaise surprise, à l’occasion d’un voyage à l’étranger, de ne plus pouvoir accéder à des œuvres qu’ils pensaient pourtant avoir achetées. Les conditions d’autorisation leur permettaient d’acheter une œuvre en France, puis de partir à l’étranger avec cette œuvre sur leur liseuse, mais pas de télécharger la même œuvre depuis l’étranger sur cette même liseuse. Nous sommes dans le domaine littéraire, je peux donc qualifier cette réalité de kafkaïenne…

Mes chers collègues, il est temps de promouvoir le livre, le vrai, celui que l’on peut lire ad vitam aeternam, dès lors qu’il est payé ; le livre sans protection technique, sans digital rights management (DRM), de nombreux éditeurs l’ont déjà compris – je pense à Publie.net, Walsworth et Bragelonne. J’attire donc votre attention sur l’amendement que je présenterai ce soir après le troisième article du projet de loi de finances pour 2016, qui propose d’augmenter la TVA sur le livre numérique présentant des mesures de protection techniques. C’est ainsi, monsieur le rapporteur, que nous inciterons les éditeurs à développer leur secteur numérique et que nos livres seront lus dans le monde entier.

Mme Gilda Hobert. Par la défense et la promotion de la langue française et de notre culture, la diplomatie culturelle contribue chaque jour au rayonnement de la France dans le monde et, en cela, il est important de continuer à investir dans le soft power et de perpétuer l’interventionnisme de l’État qui dure depuis plus d’un siècle aujourd’hui.

Vous étudiez plus particulièrement, monsieur le rapporteur, la promotion et la diffusion du livre français à l’étranger. Je souhaite d’ailleurs vous remercier pour ce travail qui met en lumière les aspects les plus saillants ainsi que les enjeux de ce domaine. Vous l’avez dit, le secteur du livre est une des clés de notre rayonnement international. En effet, la France a toujours été attachée au livre en tant qu’objet culturel, mais aussi pour ce qu’il véhicule et transmet de savoir. Pilier de notre patrimoine culturel – tant d’auteurs s’y illustrent dans la littérature, la science ou l’histoire –, il est naturel qu’il fasse pleinement partie de la diplomatie culturelle française. Cela non seulement parce qu’il constitue un enjeu culturel, mais aussi de par son poids économique. Le fait qu’un quart du chiffre d’affaires de l’industrie du livre soit réalisé à l’étranger n’en est que la juste image. Ce secteur est d’ailleurs fortement soutenu par l’État français qui lui consacre près de 36 millions d’euros de dépenses annuelles.

Néanmoins, les chiffres d’affaires à l’exportation restent très inégaux selon les zones géographiques : 74 % dans les régions francophones ; le reste dans l’Union européenne, mais très peu hors de ces pays. Selon votre rapport, on enregistre même une tendance au recul ces dernières années. Les causes que vous attribuez à cette situation, parmi lesquelles la régression de l’apprentissage du français, doivent questionner nos politiques culturelles envers l’étranger. Nous devons aussi nous demander comment la langue française pourrait retrouver de son attractivité auprès d’un plus large public international, car c’est bien de cela dont nous parlons.

Dès lors nous ne pouvons que souscrire à votre constat qui montre la nécessité d’une stratégie d’ensemble pour le « penser français » à l’étranger. Sans conteste, la francophonie représente un enjeu économique majeur, ce que disent les chiffres. L’ensemble des pays francophones représente 16 % du PIB mondial et connaît un taux de croissance de 7 % ; si la concurrence globale impose d’organiser des solidarités linguistiques, les pays qui ont une langue en partage tendent à accroître leurs échanges de biens et de services dans de fortes proportions.

Monsieur le rapporteur, dans quelle mesure pensez-vous que le secteur du livre pourrait s’appuyer sur les réseaux diplomatiques français, je pense à des organismes comme Atout France, susceptibles de contribuer à notre rayonnement culturel et son impact économique ? Plusieurs pistes ont été explorées pour développer ce rayonnement culturel par le truchement du secteur du livre, particulièrement du livre numérique, quand bien même je suis près de partager les réserves émises par Isabelle Attard. Nous savons pourtant que cet outil peut représenter une formidable occasion de résoudre le problème des coûts et des modalités d’acheminement. Il constitue également une chance pour la francophonie, beaucoup de pays francophones, ou souhaitant le devenir, ne disposant pas d’un maillage de librairies ou de bibliothèques proposant des livres en français. Cependant, à ma connaissance, aucune plateforme numérique n’existe aujourd’hui pour ces pays. J’aurais donc aimé savoir dans quelle mesure la France serait capable de mettre en place une plateforme de livres numériques français destinée à l’exportation. Pensez-vous que les acteurs de l’édition soient prêts à le faire dans la lignée des sites tels Google Books ou Kindle ? Savez-vous également comment s’organisent les autres pays de l’Union européenne ? Je sais que nous attendons les résultats de la consultation organisée par le ministère que vous avez évoquée, mais j’imagine que vous avez déjà des pistes de réflexion sur le sujet.

M. Christophe Premat. Merci pour ce rapport qui rappelle l’origine de certains acteurs de l’action extérieure de l’État. Vous saluez la politique publique volontariste de soutien du français et à sa diffusion à l’étranger, qui ne date pas d’aujourd’hui.

Au sein du paysage des opérateurs, la politique d’aide et de diffusion de l’édition n’est pas toujours lisible, il existe une floraison de possibilités qui rend parfois difficile l’identification du meilleur support. Cet éparpillement nuit à notre diplomatie culturelle. Je rappelle que nous avons su mener une réflexion sur notre diplomatie économique qui a conduit à la mise en place d’un service unique dénommé Business France ; nous pourrions peut-être faire la même chose pour notre diplomatie culturelle.

Le budget reflète les difficultés rencontrées par un opérateur remarquable, l’Institut Français, qui existe au-delà de sa tutelle avec le plan Médiathèques, avec la plateforme Culturethèque, et multiplie les opérations de mutualisation afin de réaliser des économies d’échelle ; malgré la modestie de leur budget, ces opérations ont réussi.

Je m’interroge : l’image de la France doit-elle être uniquement promue par la diplomatie officielle ou faut-il un Institut français encore plus décomplexé, capable de porter une francophonie moderne ? J’ai bien conscience que ma question excède de beaucoup le périmètre de l’avis présenté aujourd’hui, mais il me semble qu’elle a sa place dans la problématique budgétaire.

Le débat d’idées est privilégié et je me réjouis que certains fonds, tel le Fonds d’Alembert de l’Institut français, soient renforcés pour pouvoir faire vivre notre manière de penser et promouvoir nos auteurs. Je considère, malgré tout, que le débat d’idées devrait davantage être porté en Europe à l’heure où les nationalismes montent, et la réunion des instituts culturels nationaux par le biais du réseau EUNIC – European Union National Institutes for Culture – est un outil à améliorer. Je déplore que le réseau culturel français soit fragilisé dans l’Union européenne alors que, plus que jamais, notre culture doit être mise en valeur, les restrictions de personnels risquant d’atteindre le seuil critique. Enfin, il conviendrait de remettre en perspective cette diplomatie culturelle par zones géographiques.

M. Hervé Féron. Le 7 septembre dernier, à l’occasion d’une audition, la Société des gens de lettres (SGL) constatait une surproduction dans le secteur du livre. Aujourd’hui, 200 livres sont produits chaque jour, ce qui a pour corollaire une baisse du nombre de tirages et l’amplification de la vogue des best-sellers. Ce phénomène est-il encore accentué par les ventes de livres français réalisées à l’étranger qui totalisent un quart du chiffre d’affaires du livre ? Les institutions françaises fournissent-elles un effort suffisant pour insuffler davantage de diversité dans l’industrie du livre, y compris à l’étranger ?

Une grande partie du rapport est consacrée à la traduction. Récemment, un éditeur anglais a déclaré : « N’essayez pas de nous vendre des traductions, nous avons assez à faire avec nos auteurs. » Vécu comme une provocation dans le milieu de la traduction française, ce propos révèle une idée répandue à l’étranger selon laquelle l’édition française serait fermée à la traduction. Or, comme vous le montrez dans votre rapport, c’est tout le contraire qui se produit puisque la cession des droits français de traduction est en pleine croissance : en 2014 les traductions ont représenté 35 % de la fiction française. Si l’on recense les prix littéraires, l’aide à la traduction du CNL ou les subventions de l’Institut français aux traducteurs, notre système paraît très performant.

Ce qui pourrait le plus diminuer le potentiel de vente de titres serait une méconnaissance du marché du livre français dans le monde. Avec le trio de tête constitué par Hachette, Editis et Gallimard et ses centaines de maisons d’édition, il est en effet souvent difficile de l’appréhender. À la lumière de ces éléments, comment améliorer la lisibilité de l’édition française à l’étranger ? En 2011 un portail international du livre français a été mis en place par le Centre national du livre à destination des acteurs professionnels de la chaîne du livre en France et à l’étranger : est-il véritablement connu et utilisé par les éditeurs étrangers ? Alors qu’en 2017, la France sera l’invitée d’honneur de la foire du livre de Francfort, ne faudrait-il pas davantage communiquer à ce sujet ?

Mme Sylvie Tolmont. Monsieur le rapporteur, vous l’avez dit, la première industrie culturelle française est celle du livre, et nous pouvons nous féliciter de la prospérité de ce secteur qui continue de rayonner malgré un contexte de crise redoutable. Soyons fiers de constater que le livre papier demeure un produit attractif, largement plus vendu que le livre numérique qui ne représente que 2,3 % du chiffre d’affaires de l’édition française. Cette industrie, vous l’avez également souligné, est aussi la première à l’export avec un quart du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger. Dans ce cadre, vous saluez le dynamisme des exportations vers nos grands voisins européens et évoquez l’ouverture d’un nouveau marché par l’exportation vers l’Afrique francophone qui affiche une progression de 15,2 % par rapport à 2013.

Dans la seconde partie de votre rapport, où vous évoquez les voies à explorer, j’ai noté le projet d’une plateforme de diffusion à la demande présentée en 2014 par M. Maurice Kouakou Bandama, ministre ivoirien de la francophonie. L’idée serait d’implanter en Afrique francophone une structure qui comprendrait un archivage sécurisé des œuvres sur des serveurs informatiques. Cette structure pourrait imprimer à la demande des ouvrages sur le continent africain. Une telle configuration présente le double avantage de faire baisser les coûts de transport et d’être au plus près des demandes, parfois très ponctuelles, du client. Malgré la pertinence et les indéniables atouts de ce projet mis au service de la promotion et la diffusion du livre français à l’étranger, votre rapport souligne qu’il n’a pas vu le jour, faute d’appuis financiers de la part de l’Afrique francophone. Pouvez-vous détailler davantage ce projet, ainsi que les perspectives qu’il peut offrir au livre français dans un continent qui connaît une réelle vitalité et un intérêt pour les œuvres francophones ? Pensez-vous que cette structure pourrait voir le jour prochainement et quel peut être le soutien de la France dans cette perspective ?

Mme Julie Sommaruga. Merci, monsieur le rapporteur, pour ce travail très instructif. Vous l’écrivez, le manque de coordination des actions constitue un obstacle, vous proposez une fusion des crédits dans un fonds de traduction unique ; pouvez-vous préciser votre pensée ? Au sujet de la diffusion à la demande et de la plateforme évoquée à l’instant par Mme Tolmont, vous dites que, faute d’appuis financiers suffisants de la part des États francophones d’Afrique, ce projet n’a pas encore été mis en œuvre ; qu’est-il prévu pour obtenir les appuis nécessaires ?

M. Yves Durand, rapporteur pour avis. Merci, mes chers collègues, pour ces questions auxquelles je vais m’efforcer de répondre en tâchant de ne pas m’abîmer dans le pointillisme. À Mme Schmid, je dois dire que je n’ai pas connaissance de l’installation d’une mission qui aurait été annoncée par Mme Filippetti.

La date à laquelle la concertation entre les deux ministères doit livrer son rapport devrait être proche. J’ai posé la question au ministre des affaires étrangères aujourd’hui même ; il m’a indiqué que le rapport et ses conclusions étaient achevés et que la publication devrait intervenir très prochainement.

Il faut s’appuyer sur les réseaux diplomatiques français, ce qui, en général, est le cas, sauf, bien évidemment lorsque des postes sont supprimés ; cependant, l’ensemble des opérateurs agit, tenant souvent le rôle auparavant dévolu à la représentation diplomatique.

Monsieur Premat, vous abordez la question de la francophonie, qui se situe à la fois à la marge et au cœur de notre sujet. C’est ce que j’ai voulu dire dans ma présentation : le rayonnement de la langue et de la pensée française passe par la francophonie. Le développement et la diffusion du livre français à l’étranger ne peuvent être qu’un moyen de cette politique de la francophonie, sans pour autant l’épuiser. Je le dis ici – bien que cela ne figure pas dans le rapport – je pense que nous devons mener une politique beaucoup plus volontariste en matière de francophonie ; c’est à cette condition qu’il y aura 600 millions de locuteurs français à l’horizon de 2050.

Comment promouvoir la diffusion du livre français ? À travers les foires, qui sont le grand vecteur de diffusion, comme la foire de Francfort en 2017, mais, également, à travers les événements organisés dans divers pays. Je pense, par exemple, aux « Nuits de la philosophie » organisées notamment en Argentine et au Maroc, qu’il faut promouvoir, et qui peuvent être un outil pour faire rayonner notre culture.

M. Féron a eu raison de poser la question de la traduction, car c’est un des problèmes majeurs de la diffusion du livre français à l’étranger. Au départ de mes travaux, j’avais l’idée préconçue que la diffusion du livre français se résumait à celle du livre en français. Au fil des auditions, j’ai pris conscience de la politique des Américains, qui diffusent leur pensée en traduisant leurs livres dans la langue des pays où ils veulent exercer une influence culturelle. Nous devons avoir une réflexion sur ce remarquable moyen de pénétration, tout à la fois de la langue et de la pensée – je lie les deux – par le truchement du livre.

À Mmes Tolmont et Sommaruga, j’indique que le projet de plateforme a été soutenu par la Côte d’Ivoire et le Sénégal sans qu’un financement local ait été trouvé. Faute d’investissement de la part d’autres États africains, ces deux pays ont demandé à la France d’assurer l’essentiel du financement, ce qui posait un problème délicat puisque cela pouvait apparaître comme une forme d’ingérence dans les politiques culturelles d’États souverains. Voilà pourquoi, aujourd’hui, ce programme n’a pas abouti, même s’il reste un projet intéressant pour les perspectives qu’il est susceptible d’offrir à la diffusion du livre français à l’étranger.

Ma conclusion reprendra les propos de M. Premat, pour défendre, par-delà la seule question de la diffusion du livre français, la promotion de la francophonie qui fait face à une concurrence d’une telle agressivité que nous devons nous donner les moyens d’y répondre.

M. le président Patrick Bloche. Merci, monsieur le rapporteur, pour votre travail et les réponses que vous avez apportées aux questions de nos collègues.

*

La Commission examine ensuite le rapport pour avis de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » (M. Guénhaël Huet, rapporteur pour avis).

M. le président Patrick Bloche. Nous sommes heureux d’entendre le rapport de Guénhaël Huet consacré cette année à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), que notre commission a eu l’occasion de visiter voici quelques mois.

M. Guénhaël Huet, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Alors que l’ensemble du mouvement sportif se met aujourd’hui en ordre de bataille pour préparer les Jeux olympiques et paralympiques d’été de Rio de Janeiro et que Paris a annoncé sa candidature pour l’organisation des Jeux de 2024, il m’a semblé intéressant de m’arrêter sur l’établissement phare de préparation des sportifs de haut niveau : l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP).

Cet établissement, placé sous la tutelle du ministre en charge des sports, assure la préparation et l’entraînement d’une partie des sportifs de haut niveau qui représentent la France dans les compétitions internationales. De nombreux pôles France y ont trouvé leur place, avec des sportifs accueillis à l’année, et un certain nombre de stages sont également organisés pour répondre aux besoins exprimés par les fédérations sportives. Mais l’INSEP a aussi la tâche d’animer le réseau du sport de haut niveau. J’y reviendrai.

Ce grand établissement du sport de haut niveau a connu d’importants changements depuis 2009 : changement de statut, d’abord, puisqu’il est devenu un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, ce qui lui permet de délivrer des diplômes ; changement culturel, ensuite, puisqu’il a été amené à recentrer son action sur le sport de haut niveau, notamment sous l’impulsion de notre collègue Valérie Fourneyron, que je salue, alors ministre en charge des sports.

L’idée, à travers ce rapport, est de faire un premier bilan, un point d’étape, de cette transformation de l’INSEP.

La transformation sans doute la plus notable est liée au Grand INSEP, le réseau du sport de haut niveau animé par l’INSEP, qui a vocation à réunir les centres de ressources, d’expertise et de performances sportives (CREPS) et les écoles nationales, mais aussi les structures fédérales inscrites dans les parcours de l’excellence sportive, notamment les centres d’entraînement de Marcoussis ou de Clairefontaine.

Cette initiative, datant de 2013, est aujourd’hui sur le point d’aboutir. La marque « INSEP » va bientôt être lancée, avec la labellisation des premiers établissements membres du réseau Grand INSEP. Cette marque représente un signal de qualité adressé aux sportifs et aux fédérations, mais aussi aux régions à qui la loi a transféré la gestion des infrastructures des CREPS et qui pourront donc y réaliser des investissements à compter de 2016.

Trois niveaux de labels seront ainsi attribués aux membres du réseau : bronze, pour le niveau standard de qualité en matière d’accueil et de conditions d’entraînement ; argent, pour le niveau intermédiaire ; or, pour l’excellence. Cette hiérarchie n’est pas sans rappeler les récompenses décernées dans les grandes manifestations sportives. Ce système particulièrement clair assurera une grande visibilité aux membres du réseau, notamment aux CREPS, qui sont parfois méconnus ou sous-estimés par certaines fédérations. La dynamique propre au réseau, très positive, permettra, à n’en pas douter, d’améliorer partout en France la préparation des sportifs de haut niveau, les CREPS pouvant être amenés à se spécialiser dans telle ou telle discipline, ou à monter en gamme pour atteindre le niveau supérieur.

J’ai toutefois quelques craintes quant à l’émergence de ce réseau, tenant notamment à sa gouvernance, qui reste entièrement à définir, et à la place qu’occuperont les structures d’entraînement fédérales, dont certaines ont affirmé qu’elles ne souhaitaient pas en faire partie. Un important travail reste à faire pour les convaincre de l’intérêt, pour elles, de devenir membre du réseau Grand INSEP.

S’agissant des infrastructures, certains d’entre vous ont pu constater, lors du déplacement de la commission, à quel point l’INSEP avait changé au cours de la dernière décennie. De nombreuses disciplines bénéficient aujourd’hui d’infrastructures de pointe pour l’entraînement et la récupération de leurs sportifs : l’escrime, la gymnastique, le judo et, depuis peu, la natation, avec le nouveau centre aquatique inauguré hier seulement, qui porte le nom emblématique de Christine Caron. C’est à l’INSEP que l’on trouve aujourd’hui les meilleurs équipements.

Bien sûr, l’excellence a un coût significatif : en 2017, 224 millions d’euros auront été engagés par l’État, dont 93 millions d’euros pour la partie nord, construite en partenariat public-privé et réservée aux espaces de vie – hébergement, restauration, formation, services médicaux –, et 130 millions d’euros pour la partie sud, qui accueille les infrastructures sportives proprement dites. Lorsque le projet a été décidé en 2004 par M. Jean-François Lamour, le coût total ne devait pas excéder 115 millions d’euros : le budget a donc presque doublé. Non seulement l’INSEP n’a pas échappé à la malédiction qui pèse sur tous les grands chantiers publics, mais le projet a également pris un retard considérable, certaines rénovations ayant été reportées à 2018, faute de crédits budgétaires suffisants.

Malgré tout, l’INSEP présente de nombreux atouts pour les sportifs de haut niveau. Outre la qualité des infrastructures dédiées à l’entraînement, c’est l’accompagnement global du sportif qui fait la force de l’établissement. D’importants services médicaux sont notamment disponibles sur place – par exemple, la cellule de cryothérapie qui permet aux sportifs de se remettre de leur blessure –, tandis que le département de recherche apporte également son soutien aux fédérations dans l’optique d’améliorer les performances sportives. Surtout, la mise en œuvre du double projet pour les publics scolarisés est facilitée : toute leur journée d’études est organisée autour de l’entraînement, ce qui leur permet de concilier au mieux ces deux activités. Les très bons résultats de l’INSEP au baccalauréat témoignent de la qualité de l’accompagnement fourni par l’institut, en lien avec l’Éducation nationale.

L’INSEP semble donc parvenir à opérer sa mue. L’établissement a d’autant plus de mérite qu’il est soumis à des injonctions contradictoires : il doit à la fois contribuer à placer la France dans le classement des cinq meilleures nations olympiques – ce qui demande de continuer à investir dans ses infrastructures pour les maintenir à niveau –, mais il doit aussi contribuer à l’effort de réduction des dépenses publiques, et donc faire face à une baisse de 2,2 millions d’euros de la subvention pour charges de service public que l’État lui verse. C’est là, il faut l’avouer, une équation budgétaire difficile à résoudre.

Pour ce faire, l’INSEP a logiquement choisi d’augmenter ses ressources propres, notamment les tarifs de ses pensions. Mais cette politique a ses limites. Après une hausse de 41 % du prix de la pension complète entre 2009 et 2015, l’augmentation ne devrait être que de 2 % par an pendant les trois prochaines années. Cette stabilisation est tout à fait bienvenue, elle est même indispensable car il devient de plus en plus difficile, en particulier pour les petites fédérations qui vivent principalement des subsides de l’État, d’envoyer leurs sportifs à l’INSEP. L’athlétisme s’appuie ainsi davantage sur les CREPS, tandis que l’escrime incite ses sportifs à trouver d’autres solutions d’hébergement, en dehors de l’INSEP, pour modérer le coût de sa contribution ; elle envisage également de demander aux athlètes de participer à leurs frais d’hébergement.

À l’inverse, et c’est là une évolution inquiétante, certaines fédérations ont créé leurs propres centres d’entraînement – c’est le cas du rugby à Marcoussis, du football à Clairefontaine, du cyclisme à Saint-Quentin-en-Yvelines et du tennis à Roland-Garros – avec pour conséquence le retrait de l’INSEP de certains pôles France qui y étaient installés de longue date. L’INSEP doit donc continuer à investir d’importantes sommes dans ses infrastructures et proposer des services toujours plus complets pour attirer les fédérations les plus fortunées mais il doit dans le même temps maintenir le prix de ses pensions à un niveau accessible à toutes.

Pour répondre à ces impératifs, l’INSEP a développé sa politique partenariale et d’autres ressources propres, comme la location de ses équipements, par exemple pour des stages d’entreprises ; mais les recettes tirées de ces activités annexes ne sauraient prendre une place trop importante dans son budget, au risque de desservir le sport de haut niveau et de brouiller le message porté par l’INSEP, qui demeure un établissement public à la disposition des sportifs de haut niveau.

En conclusion, l’INSEP apparaît aujourd’hui à un tournant de son histoire pour laquelle les évolutions budgétaires des années à venir seront déterminantes. Cet outil indispensable au développement du sport de haut niveau doit certes participer à l’effort budgétaire, en rationalisant ses dépenses et en optimisant ses ressources, comme tous les opérateurs publics ; mais pénaliser le caractère vertueux de sa gestion par un prélèvement systématique de son fonds de roulement reviendrait tout simplement à annihiler les chances de réussite des sportifs français aux olympiades des années et des décennies à venir. Je note qu’au sein de l’État comme des collectivités territoriales, s’est trop souvent installée une pratique consistant à sanctionner financièrement les structures bien gérées, qui ont su faire des économies, et, à l’inverse, à apporter des subsides réguliers à celles dont la gestion a été plus hasardeuse.

C’est pourquoi je souhaite attirer l’attention de chacun des membres de notre commission sur la nécessité, si nous voulons encore bénéficier d’un outil performant en 2024, de maintenir à l’avenir le niveau des crédits affectés à l’INSEP.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie d’avoir rappelé non seulement notre attachement à l’INSEP, mais aussi les enjeux de son développement, dont la dimension budgétaire ne saurait être ignorée.

M. Pascal Demarthe. Je félicite le rapporteur pour la présentation de ce rapport explicite sur la mission de l’INSEP et ses difficultés.

D’un montant global d’un peu plus d’1 milliard d’euros, ce budget « sport, jeunesse et vie associative », dans un contexte global d’économies, est en forte augmentation, plus de 17 % à périmètre constant par rapport à 2015 ! Réjouissons-nous. C’est la traduction de la priorité donnée à la jeunesse par le Président de la République dès 2012 et réaffirmée depuis avec constance, mais aussi des conclusions du comité interministériel du 6 mars 2015 relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Après les événements de janvier, le Gouvernement a voulu répondre au malaise social et démocratique : le sport et la vie associative ont été identifiés comme des leviers puissants pour faire face au défi d’une meilleure intégration de tous dans la vie de la République. Ce budget 2016 est la traduction de cette volonté.

Je me réjouis donc des trois priorités que le Gouvernement met en avant pour 2016 : l’engagement de la jeunesse dans la vie citoyenne, l’action associative dans les quartiers sensibles ainsi que le sport comme vecteur d’intégration pour les Français les plus fragiles mais aussi du rayonnement de la France.

La jeunesse était un engagement fort du Président de la République. Et lorsque le Gouvernement s’engage, il ne fait pas les choses à moitié ! Ainsi, c’est une augmentation sans précédent de plus de 70 % des crédits jeunesse qui est proposée pour financer notamment la formidable montée en puissance du service civique. 110 000 jeunes pourront entrer dans le dispositif en 2016, contre 70 000 aujourd’hui, et à terme 150 000 jeunes en 2017. Voilà la traduction spectaculaire de l’engagement qui a été pris par le Président de la République ! Et l’action du Gouvernement ne s’arrête pas là : 3,8 millions d’euros sont consacrés en 2016 au dispositif Sésame, créé pour favoriser l’accès aux carrières du sport et de l’animation des jeunes de 16 à 25 ans en difficulté d’insertion. Enfin, les crédits destinés à encourager la mobilité européenne et internationale de la jeunesse sont maintenus en 2016, avec l’objectif que la proportion des bénéficiaires issus des quartiers en difficulté atteigne 25 %.

Deuxième priorité, la vie associative profite en 2016 de la pérennisation des dispositifs locaux d’accompagnement, mais aussi de 11,14 millions d’euros de crédits supplémentaires destinés aux associations qui œuvrent dans les quartiers sensibles. Quant à la formation des bénévoles et l’emploi dans le secteur associatif, ils bénéficient d’une augmentation du budget du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) de plus de 2 millions d’euros, à laquelle s’ajoutent 9,6 millions d’euros pour le fonds de développement de la vie associative.

Troisième priorité, le sport. Pour 2016, 233 millions d’euros seront dédiés aux politiques sportives, soit 9 millions de plus qu’en 2015, avec plusieurs objectifs. Premier objectif, résorber les inégalités dans l’accès à la pratique sportive : nouvelle traduction des engagements pris en mars dernier, le programme « citoyens du sport » est doté en 2016 de 12,1 millions d’euros, contre 6,8 millions en 2015, afin de faciliter l’accès à la pratique sportive, en particulier dans les quartiers de la politique de la ville et dans les zones de revitalisation rurale. Deuxième objectif, promouvoir l’éthique du sport : en 2016, le financement de l’Agence française de lutte contre le dopage est reconduit. Troisième objectif, promouvoir les vertus du sport pour la santé et le bien-être : à cette fin, les actions du plan « sport santé bien-être » sont poursuivies. Quatrième objectif, améliorer la performance du sport de haut niveau : la France a l’ambition de se positionner durablement dans le top cinq des nations aux Jeux Olympiques et dans le top dix des nations aux Jeux Paralympiques. Sa performance sportive se prépare dès aujourd’hui, c’est pourquoi il est prévu pour 2016 : 5 millions d’euros pour les primes des futurs médaillés aux Jeux de Rio de Janeiro l’été prochain ; 10 millions d’euros pour financer le groupement d’intérêt public « Paris 2024 » qui doit porter la candidature de Paris ; 1,8 million d’euros pour anticiper l’adoption définitive de la proposition de loi sur le statut des sportifs de haut niveau, qui prévoit d’instaurer une couverture minimale du risque d’accident professionnel au profit des 5 600 sportifs de haut niveau non professionnels.

Telle est, mes chers collègues, la traduction des objectifs du Gouvernement dans le secteur du sport, de la jeunesse et de la vie associative. Ce budget est un budget responsable parce qu’il participe à l’effort de réduction des dépenses publiques tout en finançant les grandes priorités du Gouvernement : il encourage l’engagement des jeunes dans la vie citoyenne et encourage leur mobilité, il soutient les associations qui œuvrent tous les jours pour créer du lien dans les zones défavorisées, en apportant plus à ceux qui ont peu, enfin il consolide la place de la France parmi les grandes nations sportives.

Mme Gilda Hobert. Pour commencer, je veux dire mon plaisir d’étudier un budget qui éclaire et rassure sur la détermination du Gouvernement à agir en faveur de la jeunesse, du sport et de la vie associative, autant de domaines érigés en priorité. En effet, les budgets du sport, de la jeunesse et de la vie associative connaissent une hausse substantielle. Dans un contexte budgétaire contraint, ces augmentations reflètent des choix forts en faveur des quartiers difficiles qui ont, nous le savons, cruellement besoin de soutien.

S’agissant du sport, dont les crédits augmentent de 3,9 %, les efforts sont concentrés sur des projets que nous connaissons bien au sein de cette commission pour les avoir étudiés, tels que le programme « citoyens du sport », le statut du sportif et la candidature aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. À parts égales avec la ville de Paris et la région Île-de-France, l’État consacrera 10 millions d’euros à la candidature de Paris pour les Jeux de 2024, contribuant ainsi à renforcer la crédibilité d’une telle démarche.

Le rôle de l’INSEP est éminent alors que la France s’est fixée pour objectif de figurer parmi les cinq meilleures nations olympiques et les dix meilleures nations paralympiques. Sa nouvelle gouvernance garantit un accompagnement de qualité des sportifs de haut niveau. On ne peut que se réjouir de l’apport positif du portail de suivi quotidien du sportif, qui, à l’évidence, contribue à améliorer l’encadrement et les performances.

Toutefois, comme vous, monsieur le rapporteur, nous nous interrogeons sur la contradiction entre les ambitions élevées de l’INSEP et son budget fragilisé par la réduction des dépenses publiques, malgré la capacité d’autofinancement de l’Institut. Alors que nous sommes en pleine préparation de la candidature aux JO de 2024 et que l’Institut vit un tournant de son histoire, quelles garanties vous ont été données, monsieur le rapporteur, quant aux moyens alloués à l’INSEP pour rester compétitif ?

La pratique du sport dans les universités devra être valorisée et ses conditions améliorées. J’avais prévu d’aborder le programme « citoyens du sport » et le dispositif « j’apprends à nager » mais, comme vous nous y avez invités, monsieur le président, je m’en tiens au thème du rapport. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans d’autres lieux.

Mme Brigitte Bourguignon. Je vous remercie pour la qualité de votre rapport et le sujet que vous avez choisi de traiter.

Je voudrais commencer par une petite remarque sympathique concernant la hausse de 41 % du prix des pensions de l’INSEP : le tableau que vous présentez à l’appui de cette constatation ne commence qu’en 2012 alors que cette hausse, vous le dites, date bien de 2009. Je préfère pour ma part retenir ce que vous indiquez plus tard, à savoir un changement de politique tarifaire à partir de 2016 de nature à rassurer toutes les fédérations sportives. Vous observez d’ailleurs que l’INSEP, malgré la hausse du prix de ses pensions qui pénalisent certaines fédérations ou qui favorisent la création de centres d’entraînement propres aux fédérations qui en ont les moyens, conserve un fort attrait.

Comme vous l’avez également souligné dans votre rapport, une des six orientations stratégiques fixées en 2013 par le Gouvernement consistait à poursuivre l’amélioration des conditions de préparation du projet de performances des sportifs sur le fondement du double projet qui est une des raisons d’être de l’Institut.

Ce sujet est au cœur de la proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale, adoptée à l’unanimité par notre assemblée le 8 juin dernier, et qui sera discutée au Sénat le 21 octobre prochain.

Pourriez-vous toutefois nous préciser les moyens affectés par l’INSEP au double projet des sportifs de haut niveau ainsi que les conséquences de notre proposition de loi si elle est votée définitivement ?

Mme Julie Sommaruga. Le Gouvernement a défini six orientations stratégiques pour l’INSEP. Dans votre rapport, vous vous interrogez sur l’adéquation entre les moyens et les missions qui sont confiées à l’INSEP.

Certes, des efforts financiers lui sont demandés dans un contexte économique difficile mais ils sont proportionnés aux besoins et compensés par les ressources propres de l’Institut.

Votre rapport doit être lu en lien avec la proposition de loi de Mme Bourguignon puisqu’ils montrent ensemble tout l’intérêt que la majorité porte à la situation sociale des sportifs de haut niveau et à leur contribution au rayonnement de notre pays. Selon vous, que peut apporter cette proposition de loi aux projets de l’INSEP ?

Mme Isabelle Attard. Après la proposition de loi visant à sécuriser le parcours de sportifs de haut niveau que nous avons adoptée à l’unanimité, nous nous intéressons de nouveau au haut niveau au travers de l’INSEP.

Le coût de l’hébergement saute aux yeux – je ne parle pas du coût pour les stagiaires permanents. Vous pointez le risque de désaffection que des tarifs prohibitifs font peser sur l’institut. Or, la hausse se poursuit, certes plus lentement, puisqu’elle est de 16 % entre 2012 et 2015.

Dans les années 1980, la petite fédération à laquelle j’appartenais, celle de la course d’orientation, n’allait déjà pas à l’INSEP en raison de son coût trop élevé, mais dans les CREPS. Je regrette que la situation n’ait guère évolué en trente ans. Nous devions aller à l’étranger ou loger dans des hôtels économiques, deux alternatives qui demeurent pertinentes…

Doit-on continuer à chercher à rendre l’INSEP attractif pour les stagiaires temporaires ou abandonner cette voie et rechercher d’autres ressources potentielles ?

Mme Sylvie Tolmont. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour la qualité de votre travail.

L’INSEP est un établissement phare de préparation et de formation des sportifs français de haut niveau mais aussi l’animateur du réseau du sport de haut niveau. Ce sont ainsi des milliers de sportifs qui sont en lien avec cet établissement. Au sein même de l’INSEP, 590 athlètes suivent une formation afin de mettre en œuvre le double projet.

Vous soulignez les excellents résultats obtenus par les sportifs de l’INSEP candidats au baccalauréat, avec un taux de réussite de 100 % en 2014. Vous notez le cadre épanouissant de l’établissement qui permet aux jeunes sportifs de réussir leur parcours scolaire mais également l’engagement des enseignants mis à disposition par l’académie de Créteil à raison de 1 600 heures annuelles.

Parallèlement, vous pointez des résultats moins satisfaisants dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle, résultats que je qualifierais de respectables.

Vous expliquez ce décalage par le fait que les formations supérieures ne sont, pour la plupart, pas dispensées au sein de l’INSEP. Pouvez-vous nous préciser les éventuelles disparités entre les formations universitaires organisées au sein de l’INSEP et celles dispensées à l’extérieur ?

Vous soulignez par ailleurs le développement de la formation et du tutorat à distance qui ne sauraient remplacer le suivi régulier de cours à l’université. Comment faire en sorte que les étudiants suivant des formations à distance soient mieux accompagnés dans leurs démarches et puissent ainsi parfaitement atteindre le double objectif d’une réussite sportive et professionnelle ?

M. Christophe Premat. Je note une constante dans nos discussions : la difficulté à réaliser des économies ciblées lors d’une rénovation des infrastructures. Il ne faudrait pas que les infrastructures déterminent les superstructures ! S’il importe de rénover les installations sportives – rénovation lancée depuis 2004, sur laquelle s’est penché le rapport de la Cour des comptes –, notre stratégie nationale du sport ne doit pas en être affectée.

Comment l’INSEP peut-il demeurer une plateforme pour le sport de haut niveau ? Vous envisagez la piste d’une plus forte implication des fédérations dans l’élaboration de la stratégie du sport de haut niveau. Pouvez-vous préciser les contours de cette implication ?

Je salue l’ambition sportive de ce budget en cohérence avec les débats sur l’éthique sportive et la proposition de loi portée par Mme Bourguignon ainsi qu’avec notre législation anti-dopage.

M. Régis Juanico. Je remercie Guénhaël Huet pour son travail.

L’INSEP est un concentré d’excellence sportive que le monde entier nous envie. Cette excellence n’est pas seulement incarnée par les 590 athlètes qui y sont accueillis en permanence mais elle se retrouve aussi dans le suivi par le réseau du Grand INSEP qui permet d’accompagner 3 000 sportifs dans leur parcours d’excellence.

La lettre de mission adressée par l’ancienne ministre Valérie Fourneyron était très ambitieuse – il le fallait. Elle assigne à l’INSEP de multiples rôles, le rapporteur a raison de le souligner : outre la formation, la préparation des sportifs, et le lien avec les fédérations, l’institut a pour mission de mettre en place le Grand INSEP, d’assurer la formation initiale et continue de l’encadrement – 27 pôles France à l’INSEP –, de développer les relations internationales et la recherche scientifique ainsi que de délivrer des titres et diplômes.

Ces différentes fonctions doivent être assumées avec des moyens contraints. Je rends hommage à l’équipe de Jean-Pierre de Vincenzi qui réussit à accomplir l’ensemble de ces missions avec un budget de 40 millions d’euros, dont un peu moins de la moitié provient d’une subvention de l’État.

L’INSEP a fait des efforts considérables ces dernières années pour augmenter ses ressources propres. Comprises entre 20 % et 25 % de son budget il y a quelques années, elles en représentent aujourd’hui 38 %. Cette progression n’est pas seulement le résultat de la hausse des tarifs de pension ou de demi-pension. À ce sujet, je connais les récriminations de certaines fédérations. Mais elles oublient de prendre en considération les services rendus aux pensionnaires, qu’il s’agisse des soins médicaux ou de l’aide à la reconversion. Compte tenu de ces éléments, les tarifs – 1 000 euros pour la pension complète – ne me semblent pas prohibitifs.

Les ressources propres sont également alimentées grâce à la diversification en cours : le nombre de partenariats a été multiplié par quatre en trois ans ; l’INSEP accueille des séminaires d’entreprise ainsi que des équipes nationales et internationales – récemment les équipes françaises de volley, de basket et de natation qui n’étaient pas venues depuis longtemps – lors de leur préparation à des grands championnats ; il se peut qu’il accueille une équipe de l’Euro de football 2016.

Le rapporteur a souligné les coûts des équipements. C’est le partenariat public-privé dans la zone nord qui pèse fortement sur le budget, avec, depuis 2006, une dépense de plus de 12 millions d’euros par an sur trente ans. Pour le reste, tous les équipements sportifs ont été remis à niveau, à l’exception de l’aire de lancer et de tir à l’arc ; 14 millions d’euros ont été provisionnés dans un fonds de dotation afin de continuer à rénover et à entretenir les équipements.

Je note aussi des efforts de rationalisation et de mutualisation. Pour la première fois, le mouvement sportif, la direction des sports et l’INSEP sont regroupés au sein de la commission stratégique et opérationnelle du sport de haut niveau. Nous avons beaucoup regretté ces dernières années l’éparpillement des acteurs du sport de haut niveau. Ils se retrouvent désormais dans un lieu unique avec une mission d’optimisation de la performance. Le Grand INSEP doit être aussi l’occasion d’une optimisation des ressources existantes dans les établissements.

Je rejoins le rapporteur sur les deux points sur lesquels il a appelé notre attention. D’une part, il ne faut pas trop ponctionner le fonds de roulement. Avec 5,6 millions d’euros, soit 56 jours, son montant reste raisonnable mais il ne faudrait pas que cette opération se répète. D’autre part, l’INSEP ne peut pas être la seule variable d’ajustement en matière d’emploi du programme 219. Chaque année, l’INSEP est mis à contribution avec la suppression de six équivalents temps plein travaillé (ETPT). Cet effort n’est pas soutenable dans la durée.

Restons donc vigilants, mais saluons la bonne gestion d’un établissement qui a fait des efforts de rationalisation et qui obtient de très bons résultats, comme en témoigne le nombre de médaillés olympiques qui en sont issus.

M. le président Patrick Bloche. Les différentes interventions rejoignent les préoccupations que vous avez exprimées, monsieur le rapporteur, en particulier sur les crédits.

M. Guénhaël Huet, rapporteur pour avis. Je répondrai brièvement aux différents orateurs.

L’intervention de M. Demarthe n’appelle pas de réponse puisqu’elle portait exclusivement sur les aspects budgétaires que nous examinerons en commission élargie.

S’agissant des 2,2 millions d’euros soustraits au fonds de roulement de l’INSEP, les ministres Patrick Kanner et Thierry Braillard m’ont fait part de leur intention de ne pas reconduire ce prélèvement exceptionnel dans les années à venir.

Madame Bourguignon, la hausse des tarifs date bien de 2009, je vous en donne acte. Il ne faut voir aucune malice dans la présentation du tableau.

À mon tour, je salue la complémentarité entre le double projet de l’INSEP et ce que j’appelle déjà la « loi Bourguignon » pour protéger les sportifs de haut niveau.

Quant aux moyens mis en œuvre pour le double projet, l’INSEP peut désormais délivrer des diplômes. L’institut compte un département de l’orientation, de la formation et de l’accès à l’emploi qui mobilise à lui seul 52 ETPT. Parmi les 571 pensionnaires, plus de 420 suivent une formation post-bac, professionnelle pour la moitié d’entre eux et universitaire pour l’autre moitié. Le taux de réussite s’établit à 75 % pour la première et à 96 % pour la seconde. En 2014, pour les 112 étudiants inscrits dans les filières universitaires, le taux de réussite global était de 85,6 %. Enfin, le rectorat met à disposition 1 600 heures d’enseignement. Mais, revers de la médaille, la baisse des crédits et des personnels oblige à supprimer certaines formations – par exemple celle à l’anglais oral.

Mme Sommaruga a évoqué la protection des sportifs de haut niveau et l’intérêt que la majorité porte à ce sujet. À cet égard, je salue la délicatesse de Mme Bourguignon qui a bien voulu rappeler que la proposition de loi a été votée à l’unanimité.

Madame Attard, vous avez raison : le coût de l’hébergement est un sujet de préoccupation. Plusieurs fédérations nous ont fait part des difficultés auxquelles elles sont confrontées. Ainsi, la fédération d’escrime, pour supporter la dépense qui représente entre 500 000 et 600 000 euros par an, étudie la possibilité d’une participation de ses licenciés aux frais d’hébergement à hauteur de 30 %, soit environ 300 euros par mois. Cette somme ne paraît pas déraisonnable au regard du coût de la vie, et en particulier des loyers, aujourd’hui. En outre, il ne faut pas méconnaître le lien entre la qualité des infrastructures offertes et leur coût pour leurs usagers.

J’ai répondu à Mme Tolmont. M. Premat m’a interrogé sur l’implication des fédérations. Je ne suis pas sûr de pouvoir lui répondre complètement. Les fédérations adhèrent au système du sport de haut niveau mais, dans le même temps, elles manifestent une certaine distance. Les grandes fédérations sont dotées de leurs propres structures, mais elles confient les jeunes scolarisés à l’INSEP pour qu’ils bénéficient du double projet ; ce sont les plus âgés qui sont accueillis dans les centres d’entraînement. Tout l’enjeu consiste à définir la place des grandes fédérations, si elles le souhaitent, dans la gouvernance du Grand INSEP.

À M. Juanico, je redis que les deux ministres ont confirmé le caractère exceptionnel du prélèvement sur le fonds de roulement. Dans le cas contraire, celui-ci sera très vite épuisé.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre disponibilité et pour votre excellent travail.

La séance est levée à dix-huit heures dix.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 14 octobre 2015 à 16 heures 30

Présents. - Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, M. Yves Durand, M. Hervé Féron, Mme Gilda Hobert, M. Guénhaël Huet, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Christophe Premat, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. - M. Jean-Pierre Allossery, M. Bernard Brochand, M. Pascal Deguilhem, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, M. Rudy Salles, Mme Michèle Tabarot

Assistaient également à la réunion. - M. Régis Juanico, M. Lionel Tardy