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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 19 octobre 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Présentation des rapports pour avis sur les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur :
. Recherche (M. Vincent Ledoux, rapporteur pour avis)
. Enseignement supérieur et vie étudiante (Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis)

Présentation du rapport pour avis sur les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative (M. Patrick Vignal, rapporteur pour avis)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 19 octobre 2016

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine les rapports pour avis sur les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur : Recherche (M. Vincent Ledoux, rapporteur pour avis) ; Enseignement supérieur et vie étudiante (Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis).

M. le président Patrick Bloche. Le travail de la Commission sur les missions budgétaires qui relèvent de sa compétence s’organisera en deux temps : une présentation de la partie thématique des avis budgétaires en commission, puis un examen des crédits de la mission en commission élargie, en présence du ou de la ministre.

Je vous ai adressé, en début de semaine, un courrier récapitulant l’organisation du débat budgétaire, ainsi qu’un calendrier d’examen des dix avis présentés par notre commission, qui précisent les thèmes choisis par les rapporteurs, afin de vous permettre de préparer au mieux nos échanges. Les trois projets de rapports qui sont présentés ce matin vous ont été adressés lundi.

M. Vincent Ledoux, rapporteur pour avis sur les crédits de la recherche. Puisque nous examinerons les crédits en commission élargie, je mettrai l’accent sur le portage politique de deux sujets éminemment importants.

Alors que le Président Obama reçoit son conseiller à la recherche tous les vendredis, que la Chancelière Angela Merkel préside le board de la stratégie High Tech, qui définit la politique allemande de recherche et développement, et que le Premier ministre du Japon a l’obligation – inscrite dans la Constitution – de présider la réunion mensuelle du Conseil de la recherche, on ne peut pas dire que la recherche française bénéficie du même portage politique. Cette situation est particulièrement notable dans les deux pathologies à travers lesquelles j’ai décidé d’analyser, cette année, les crédits de la mission « Recherche », qui me semblent constituer des enjeux majeurs de santé publique pour les décennies à venir : la maladie d’Alzheimer et le diabète.

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative, qui touche principalement des sujets âgés et conduit à une dégradation des fonctions cognitives et à une très forte dépendance sociale. Longtemps considérée comme une caractéristique « normale » du vieillissement, cette maladie découverte au début du XXe siècle est aujourd’hui analysée comme une pathologie à part entière. Elle touche actuellement 900 000 personnes en France, et 3 millions de personnes si l’on considère le rôle primordial que jouent les aidants et leurs familles, qui sont fortement impactées. Or ce chiffre devrait doubler d’ici à 2050. Un chercheur me signalait que, dans le monde, toutes les trois secondes, une personne est atteinte d’une maladie neurodégénérative. C’est un véritable fléau.

Le diabète est, quant à lui, une maladie métabolique aux conséquences extrêmement graves puisqu’il peut conduire à des problèmes cardiaques, à des accidents vasculaires cérébraux, à de l’insuffisance rénale et à la cécité. Il touche aujourd’hui 3,6 millions de personnes en France et va assurément devenir une véritable pandémie dans les années à venir. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le diabète sera la septième cause de décès dans le monde en 2030.

Si j’insiste sur la dimension mondiale de ces maladies, c’est que nous ne sommes pas loin, par la Méditerranée, des côtes de l’Afrique, notamment subsaharienne, où l’on voit déjà s’opérer la hiérarchie des maladies, des maladies infectieuses aux maladies chroniques, parmi lesquelles sont repérées le diabète et la maladie d’Alzheimer. Ce qui frappe aujourd’hui des sociétés extrêmement jeunes et dynamiques nous concernera inévitablement un jour, compte tenu de la proximité géographique que j’évoquais. Il s’agit d’une cause mondiale qui nous concerne tous. Ce n’est pas qu’un problème franco-français.

Eu égard au coût économique et social que représentent ces deux pathologies, un effort de recherche conséquent a été consenti au cours des deux dernières décennies.

Le diabète, s’il n’a pas fait, en tant que tel, l’objet d’un plan gouvernemental depuis 2001, a bénéficié de crédits issus du Programme d’investissements d’avenir (PIA) dont tous les chercheurs ont souhaité souligner la qualité. Il existe notamment un laboratoire d’excellence (LABEX) spécialisé dans la génétique du diabète, l’Institut européen de génomique du diabète (EGID), et trois autres qui portent sur des sujets de recherche plus transversaux, ainsi que deux équipements d’excellence (EQUIPEX). Au total, ce sont une quarantaine d’équipes de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et 170 chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui travaillent sur ce sujet.

Je voudrais également mettre l’accent sur l’excellence de la recherche française. La France est au dixième rang mondial en termes de publications ; l’Inserm et l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sont parmi les meilleurs organismes de recherche sur le sujet. Deux chercheurs d’EGID ont récemment reçu des bourses individuelles, extrêmement prestigieuses, du Conseil européen de la Recherche. La France compte peu d’équipes dans ce domaine, mais elles sont tout à fait remarquables. C’est pourquoi cet effort de recherche doit absolument être poursuivi, notamment dans le domaine de la recherche clinique et de la recherche en santé publique, afin de mieux prévenir, diagnostiquer et traiter la maladie. Sans même évoquer l’attribution de moyens supplémentaires, il me semble qu’il faudrait accéder aux demandes récurrentes des associations dans ce domaine et faire du diabète une grande cause nationale. En effet, cette pathologie est encore trop méconnue du grand public et vécue comme honteuse, puisque souvent liée à des problèmes d’hygiène de vie ou de rapport au sport. Cela constitue un frein psychologique important à la recherche clinique dans ce domaine.

La maladie d’Alzheimer, à l’inverse, fait l’objet de plans gouvernementaux depuis plusieurs années, qui ont permis des avancées notables dans la compréhension de la pathologie. Ce sont ces plans qui ont permis à la France de se hisser au huitième rang mondial en ce qui concerne les publications sur la maladie d’Alzheimer, avec 5 % de la production mondiale et deux établissements en pointe sur le sujet, l’Inserm et le CNRS.

Deux facteurs ont présidé à l’efficacité de ces plans : l’octroi de crédits supplémentaires et le portage de ces plans à un très haut niveau politique. Tous les chercheurs ont mentionné la nécessité, lorsqu’on voulait faire émerger une cause, de la porter au plus haut niveau, garantie d’une absolue transversalité et d’un rapport étroit entre tous les domaines concernés par le sujet. Or le plan récemment annoncé par le Gouvernement semble pâtir d’une certaine faiblesse à cet égard : aucun crédit supplémentaire en faveur de la recherche n’a été annoncé, et le portage politique semble se situer au niveau des cabinets ministériels et non des ministres eux-mêmes.

Par ailleurs, ce plan n’est pas consacré à la maladie d’Alzheimer, mais à l’ensemble des maladies neurodégénératives. Si l’on comprend bien la volonté de répondre à la demande des familles, il n’en reste pas moins que cela risque de conduire à un saupoudrage des moyens. Le risque est également que la France perde l’avance acquise dans ce domaine, dans la compétition internationale. Je crains que ce plan ne fasse pas le poids face aux Américains et aux Anglais : la candidate à l’élection présidentielle américaine Hillary Clinton a annoncé un financement annuel à hauteur de 2 milliards de dollars, tandis que le Royaume-Uni crée un Institut de recherche sur les démences.

Par ailleurs, si la maladie d’Alzheimer a bénéficié, comme le diabète, de fonds issus du PIA, les chercheurs que j’ai entendus ont exprimé des craintes face à l’avenir. Ils ont besoin de financements pérennes, sur le moyen terme, pour pouvoir mener à bien leurs recherches. En outre, la tendance actuelle à exiger l’application immédiate aux patients dans la rédaction des appels à projet prive la recherche sur la maladie d’Alzheimer de financements, car la recherche sur cette pathologie n’en est pas encore là.

Il importe donc de soutenir sur le long terme les 280 équipes du CNRS et de l’Inserm qui travaillent sur les maladies neurodégénératives, et d’abonder le programme d’investissements d’avenir pour continuer à financer les trois LABEX, les trois EQUIPEX et l’Institut hospitalo-universitaire des neurosciences translationnelles de Paris, qui conduisent des projets de recherche sur la maladie d’Alzheimer.

Il apparaît également nécessaire d’entamer une réflexion au plus haut niveau de l’État sur les méthodes de recherche aujourd’hui accessibles à ces chercheurs. Tous ont souligné les difficultés à obtenir, en France, des autorisations pour effectuer des biopsies humaines, en particulier du muscle, dans des délais raisonnables, ce qui fait que les chercheurs ont tendance à aller chercher en Europe, notamment en Allemagne ou aux Pays-Bas, ce qu’ils n’ont pas immédiatement dans notre pays.

De la même façon, il va falloir investir dans des méthodes d’expérimentation alternatives à l’expérimentation animale, qui est de plus en plus difficilement tolérée par la société et qui n’est pas toujours adaptée aux pathologies étudiées, comme c’est le cas pour la maladie d’Alzheimer. L’espérance de vie de la souris ou son cerveau, par exemple, ne sont pas comparables à ceux de l’homme.

Il faut aussi encourager les patients à participer à des essais thérapeutiques, qui manquent cruellement à la recherche française sur le diabète. En Australie et en Grande-Bretagne, des centres spécialisés accueillent, par exemple, les patients pris en charge dans le cadre d’un essai clinique.

En outre, il me semble indispensable de prendre des mesures rapides visant à doter la recherche française de bio-informaticiens de haut niveau, car ceux-ci sont aujourd’hui trop peu nombreux en France. Les élus engagés dans les exécutifs territoriaux, comme les régions, devraient travailler à faire émerger ces filières, qui sont extrêmement importantes. Nous avons des biologistes, nous avons des informaticiens, mais le croisement entre les deux domaines, en termes de spécialité, nous fait cruellement défaut.

De façon générale, cet avis budgétaire constitue l’occasion de souligner, encore une fois, les problèmes en matière de ressources humaines rencontrés par les organismes de recherche. Qu’il s’agisse des doctorants intégrés aux équipes de recherche, qui peinent à achever leur thèse dans le délai de trois ans désormais imposé par toutes les universités françaises, ou de ceux que l’on appelle les « post-doc », qui ne peuvent pas passer plus de cinq ans dans le même organisme et sont donc contraints à la précarité, faute d’être titularisés, le monde de la recherche perd, dans ce renouvellement perpétuel des effectifs, à la fois une énergie considérable et des capitaux.

Au final, la situation des jeunes chercheurs, aujourd’hui très problématique, mériterait de faire l’objet d’une réflexion plus poussée dans le cadre des travaux de notre commission.

Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Depuis trente ans, la proportion de la classe d’âge diplômée dans l’enseignement supérieur est passée de 20 % à 44 %. S’il faut s’en réjouir, cette démocratisation demande un réel effort de la nation. Pour garantir à tous les étudiants, notamment ceux issus des catégories sociales modestes, des conditions d’études équitables et satisfaisantes, la solidarité nationale doit prendre le relais des familles ne pouvant soutenir l’effort financier inhérent à ces études.

Pour ce faire, notre pays s’est doté d’un dispositif original d’aide aux études, qui conjugue de faibles frais de scolarité et des bourses, certes conditionnées aux ressources, mais couvrant un nombre très étendu d’étudiants. La bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux complète l’aide de la famille mais n’a pas vocation à remplacer l’obligation alimentaire à la charge des parents.

Dès la rentrée 2013, pour répondre à ce défi de démocratisation, en cohérence avec notre volonté d’accompagner les plus modestes dans leur parcours dans le supérieur, notre majorité a engagé la réforme des bourses étudiantes la plus volontariste jamais entreprise depuis leur création. Dans mon rapport pour avis, j’ai choisi d’approfondir le sujet des bourses d’enseignement supérieur en dressant un premier bilan des progrès accomplis et en dessinant les grandes perspectives pouvant renforcer, à l’avenir, ce dispositif décisif en termes d’égalité des chances.

La réforme que nous avons portée en 2013 reposait sur deux constats de défaillances du dispositif alors en vigueur.

Premier constat, la réussite des étudiants dont les familles disposaient de revenus proches des seuils d’accès aux bourses était compromise par les tensions financières. Selon un rapport des inspections générales des finances et de l’éducation nationale, les étudiants issus des classes moyennes, qui ne bénéficiaient alors que d’une exonération des droits d’inscription, étaient ceux qui travaillaient le plus à côté de leurs études et sur les durées les plus longues. Le recours à l’emploi est d’autant plus fort qu’il s’impose pour pouvoir financer ses études, ce qui n’est pas sans poser question. Il ressort de toutes les auditions que nous avons menées qu’un emploi régulier, surtout s’il est exercé plus de seize heures par semaine et qu’il est dépourvu de lien avec les études, réduit très significativement la probabilité de réussite aux examens universitaires.

Deuxième constat, le montant des bourses de l’échelon 6, soit l’échelon maximal dont bénéficiaient les étudiants les plus défavorisés, était de plus en plus insuffisant pour leur permettre de suivre leurs études dans des conditions satisfaisantes. Il est intéressant de remarquer que ces étudiants se trouvaient dans une situation d’autant plus difficile qu’ils étaient, par rapport à leurs camarades, les moins enclins à travailler à côté de leurs études, pour deux raisons principales : le réseau professionnel moins étendu de leurs parents et la volonté de se consacrer à 100 % à la réussite de leurs études perçues comme l’instrument décisif de la promotion sociale.

La réforme de 2013 ciblait donc ces deux populations. Pour les premiers, un nouvel échelon 0 bis a été créé, permettant progressivement à 200 000 nouveaux étudiants de bénéficier d’une aide de 1 009 euros par an. Ainsi, tous les échelons de bourses sont désormais rémunérateurs. Pour les seconds, un nouvel échelon 7 a permis à 43 000 étudiants de bénéficier d’une bourse, augmentée de près de 1 000 euros par rapport à l’échelon 6, pour atteindre 5 550 euros par an. Au total, le nombre de boursiers a augmenté de près de 40 % et l’aide moyenne de 25 % entre 2009 et 2015.

À côté de ces bourses sur critères sociaux, les aides spécifiques accordées par les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ont également été renforcées. Ces aides ont vocation à accompagner les étudiants qui rencontrent des difficultés particulières auxquelles ne peut pas répondre le système des bourses. Les trois quarts de ces aides sont annuelles. Elles sont passées de 3 000 à 5 500 allocations attribuables chaque année. Elles permettent d’aider les étudiants qui n’entrent pas dans le schéma classique des bourses. C’est le cas, par exemple, des ruptures familiales ou d’indépendance avérée, qui connaissent une vive croissance, de 5 % par an.

Le dernier quart de ces aides est ponctuel. Elles permettent de répondre en urgence à des besoins alimentaires, de logement ou de santé. D’après les données de l’Observatoire de la vie étudiante, les bourses fonctionnent comme un véritable bouclier permettant à leurs bénéficiaires de connaître des taux de réussite supérieurs de 10 à 15 points par rapport aux étudiants en difficulté financière non aidés.

Pour autant, il ne faut pas en déduire que l’action de l’État en direction des étudiants est uniquement redistributive. À côté des 2 milliards d’euros consacrés chaque année aux bourses, l’État dépense 1,5 milliard d’euros d’aides au logement pour les étudiants. Ces aides sont, de fait, déconnectées des ressources des familles puisqu’elles sont calculées par rapport au seul revenu des étudiants.

enfin, les aides fiscales induites par le rattachement des jeunes au foyer fiscal mobilisent 1,6 milliard d’euros. Ces aides sont d’autant plus importantes que les revenus familiaux sont élevés. Au total, l’apport global de l’État aux études supérieures dessine une courbe en « U » sur laquelle les 50 % de familles au milieu de l’échelle des revenus, exclues des bourses et ne bénéficiant guère des exonérations fiscales, sont celles qui perçoivent le plus faible montant cumulé d’aides. Pour autant, cette remarque ne remet pas en cause la pertinence du système des bourses, outil indispensable d’égalité des chances.

La très forte progression du nombre de bourses, sans précédent, n’a été possible que grâce aux efforts de qualité, de réactivité et de productivité consentis par l’ensemble des CROUS dans un contexte budgétaire contraint. Grâce à la généralisation du dossier social étudiant et à sa dématérialisation dans toutes les académies, grâce aussi à de nombreuses initiatives de mutualisation des ressources, les dossiers complets déposés avant le 31 mai déclenchent désormais partout le versement des bourses dès septembre. Le taux de réponse aux nombreuses demandes des étudiants s’est aussi fortement amélioré. À moyens constants, les CROUS ont été en mesure de faire face, non seulement à l’augmentation du nombre de bénéficiaires, mais aussi d’assurer la gestion des bourses versées par le ministère de la culture en 2008, puis celle des bourses versées par le ministère de l’agriculture en 2015.

Dans ce contexte globalement positif, je n’ignore pas les critiques récurrentes dont fait l’objet le dispositif des bourses. C’est le cas, par exemple, des difficultés induites par un système « en escalier » qui génère des effets de seuil pour les familles dont les revenus sont au plus près des prochains échelons, qui pourraient être utilement lissés par une linéarisation des bourses, réclamée de longue date par les organisations étudiantes.

Il y a également débat sur l’appréciation la plus pertinente des ressources des familles, aujourd’hui centrée sur le revenu déclaré brut, qui exclut notamment les revenus du patrimoine. Je ne suis pas convaincue par l’opportunité de lui substituer le revenu fiscal de référence, au risque d’introduire trop d’instabilité et d’illisibilité dans un système aujourd’hui bien compris par la majorité des familles. J’estime plus utile de mieux prendre en compte les capacités financières réelles dans lesquelles les patrimoines jouent un rôle de plus en plus important.

Enfin, il y a la question du contrôle de l’assiduité. À ce sujet, il me semble que le vrai problème réside dans le caractère très disparate de ce contrôle, qui est assuré par chaque établissement d’enseignement supérieur. Résultat, alors que les étudiants des classes préparatoires et des sections de technicien supérieur (STS) sont astreints à de lourdes obligations – manquer quelques cours peut interrompre le versement des bourses –, dans certaines universités, les étudiants ne sont contraints que de se présenter à quelques examens. Cela crée indéniablement une inégalité de traitement. Sur cette question, il faut se garder d’une position dogmatique, car les premiers perdants sont les étudiants non assidus, qui « gaspillent » des droits à bourse limités dans le temps et qui ne sont pas repérés suffisamment tôt par les établissements pour stopper leur décrochage. Il est donc urgent que soit défini par consensus un socle minimum de contrôle valant partout sur le territoire, fondé, par exemple, sur une note moyenne minimale aux examens ou sur l’obtention d’un seuil d’European credit transfer and accumulation system (ECTS) pendant une durée donnée.

Avant de conclure, je soumets au débat une piste pour faire évoluer notre système de bourses, là encore, dans une volonté d’égalité de traitement. Il s’agirait de transférer aux CROUS la gestion de toutes les aides directes versées aux étudiants. Je pense en particulier aux formations sanitaires et sociales, pour lesquelles les bourses sont allouées par les régions. La délégation de gestion expérimentée par la région Normandie au CROUS de Caen, dont j’ai reçu la direction, montre combien cette solution fluidifie et améliore le service des bourses. Cela permet aux bénéficiaires de faire pleinement partie de la communauté universitaire, sans nier la reconnaissance de la collectivité attributaire. Il est vrai que l’alignement de ces bourses sur les montants versés par l’enseignement supérieur a beaucoup facilité cette délégation. Mais n’y a-t-il pas, là aussi, un enjeu d’égalité qui milite pour la généralisation de cette démarche ?

J’élargis, bien sûr, cette perspective aux bourses de mobilité internationale, aujourd’hui attribuées par les établissements d’enseignement supérieur dont le nombre, 15 000 bénéficiaires pour 60 000 départs à l’étranger, et les montants, 400 euros au maximum, n’en font pas de vrais outils d’équité pour encourager l’accès des moins favorisés aux expériences internationales.

Pour conclure, ces questions renvoient plus généralement aux limites de la philosophie inspirant le système des bourses universitaires face aux besoins de l’enseignement supérieur au XXIe siècle.

Aujourd’hui, étudier efficacement, et avec justice, implique des changements structurels émancipant notre conception de l’éducation de la tyrannie du diplôme initial, qui veut que tout soit joué à vingt-cinq ans, pour avancer vers une alternance permanente et féconde entre le travail et les formations. Ces besoins nous imposent de mieux reconnaître des situations géographiques ou familiales toujours plus spécifiques et de nouveaux rythmes d’études bousculant la rigidité des semestres et des années universitaires. Ils imposent une vraie fusion entre formation initiale et continue, intégrant efficacement la validation des acquis de l’expérience (VAE).

De fait, ces défis mettent en cause certains des fondements de nos bourses, tels les revenus des parents ou l’âge limite, qui ont un sens fort lorsqu’on aborde la seule formation initiale, mais perdent toute pertinence à l’aune d’études envisagées tout au long de la vie. C’est pourquoi je trace, en conclusion, la perspective d’un stock de droits à formation, initiale comme continue, un peu sur le modèle du compte personnel de formation, qui permettrait à chacun d’être aidé dans ses études, pendant une période indifféremment utilisée au début du parcours ou durant sa carrière.

Mme Sandrine Doucet. Je félicite nos rapporteurs pour la qualité de leurs travaux et, au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, plus particulièrement Valérie Corre. Le sujet qu’elle a choisi est un marqueur fort de la volonté politique d’accompagner la démocratisation de l’enseignement supérieur. Le budget pour 2017 est très favorable, avec des moyens alloués en augmentation de 8 % depuis 2012, dont 443 millions d’euros consacrés aux seules bourses d’études sous condition de ressources. Vous avez indiqué en préambule que les personnalités auditionnées dans le cadre de votre rapport ont salué la réforme des bourses que nous avons initiée.

Pour ma part, j’ai auditionné, la semaine dernière, le recteur de Nice, Emmanuel Ethis, dans le cadre de ma mission parlementaire sur l’éducation artistique et culturelle. Il nous a rapporté qu’en moyenne, un étudiant disposait de 5 euros par mois, une fois payé l’ensemble des dépenses de sa vie quotidienne – logement, factures, manuels et autres. Voilà pourquoi votre travail, madame la rapporteure, recouvre un sens particulier.

Au-delà des chiffres, notre action politique accompagne la démocratisation de l’enseignement supérieur, qui permet à des étudiants issus de classes modestes d’accéder aux études supérieures. Ils ont besoin d’être accompagnés financièrement pour pouvoir réussir. C’est une politique globale d’émancipation, d’autonomie des jeunes que nous dessinons ainsi. Nous savons qu’un étudiant préoccupé par des soucis financiers n’aura pas l’esprit pleinement dévolu à ses apprentissages, l’esprit serein et réceptif au savoir. L’endettement ou la privation permanente pour faire des études n’est pas une solution. La précarité ne doit pas être la condition systématique des études et des débuts dans la vie d’adulte.

J’ai apprécié votre mise en perspective avec les autres systèmes universitaires, qui permet de rappeler que, dans d’autres pays, l’accès à l’université est très onéreux. La quasi-gratuité de l’enseignement supérieur français est fondamentale. Dans les pays européens où j’ai eu l’occasion de me rendre lorsque je travaillais sur le dispositif Erasmus, j’ai constaté que le coût de la vie étudiante était très élevé. Je le redis : le recours à l’emprunt n’est pas une solution. Des étudiants qui s’endettent dans des familles déjà endettées ne sont pas dans une situation propice à la poursuite d’études.

Enfin, il existe un mécanisme d’autocensure qui accompagne la précarité. Les jeunes limitent la durée de leurs études à cause de leur budget restreint. Les statistiques développées à la page 13 de votre rapport sont éloquentes. Le taux d’échec est considérablement plus élevé pour les étudiants confrontés à des difficultés financières.

Les bourses forment aujourd’hui un bouclier, une protection. Elles permettent une meilleure réussite des étudiants défavorisés. Les plus modestes ont connu une forte revalorisation de l’échelon le plus élevé, car le nouvel échelon 7 permet à près de 45 000 jeunes de bénéficier d’une bourse annuelle de 5 550 euros, soit une augmentation de presque 1 000 euros par an, ce qui est considérable.

Les enfants des classes moyennes ont, eux aussi, bénéficié de ces mesures, avec la création de l’échelon 0 bis, qui a progressivement permis à plus de 200 000 nouveaux étudiants de bénéficier d’une aide annuelle de plus de 1 000 euros. Ce montant peut sembler très modéré, mais il correspond à une demi-journée de travail salarié par semaine, soit un basculement vers un seuil tout à fait supportable pour un étudiant souhaitant assortir ses études d’un job, qui peut être source d’une expérience professionnelle susceptible d’être valorisée.

Toutefois, votre rapport fait apparaître que les bourses, additionnées aux aides au logement et aux aides fiscales, impriment une courbe en « U ». L’aide se concentre essentiellement sur les classes les plus défavorisées, tandis que les deux tiers des avantages fiscaux profitent aux classes les plus favorisées. Restent, au creux du « U », les classes moyennes, pour lesquelles il faudrait faire un effort, vous l’avez souligné, madame la rapporteure, en revalorisant les bourses et en instaurant une fiscalité plus équitable.

Vous avez aussi relevé le rôle essentiel des CROUS, qui maillent l’ensemble de nos territoires et qui doivent être les piliers centraux de la redistribution des aides. J’ai été particulièrement sensible à la question des aides à la mobilité internationale. Je tiens à préciser que la France a fait un véritable effort d’accompagnement pour démocratiser la mobilité, puisque la moitié des boursiers de l’enseignement supérieur bénéficient d’une aide. Le travail des CROUS en matière de logement est également à souligner, notamment l’important plan logement, avec plus de 40 000 nouvelles places pour les étudiants dans les villes universitaires.

À nouveau, le groupe Socialiste, écologiste et républicain vous félicite pour votre travail de qualité, qui constitue un écrit précieux, en terme de bilan mais aussi de perspectives.

M. Frédéric Reiss. Merci aux deux rapporteurs pour la présentation de leurs travaux.

Le budget est en augmentation de 850 millions d’euros, 100 millions étant tardivement destinés à faire face à l’arrivée de 40 000 étudiants supplémentaires dès la rentrée 2016. Le boom démographique était prévisible, mais le Gouvernement a préféré fermer les yeux et attendre, comme il l’a d’ailleurs fait sur le sujet de la sélection en master.

Au lieu de lancer l’acte II de l’autonomie des universités pour donner à ces dernières les moyens d’avancer, le Gouvernement a mis en place une gouvernance sous forme d’usines à gaz qui ont fait perdre la dynamique créée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU). La question du modèle économique de l’université est malheureusement restée taboue. Résultat, beaucoup de déceptions, des universités qui n’ont pas les moyens d’accueillir les flux d’étudiants toujours plus importants, et les pics sont devant nous.

J’ai quatre remarques à faire au sujet de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante.

Tout d’abord, je relève des objectifs mal posés, tel celui de la massification de l’enseignement supérieur : atteindre 60 % d’une classe d’âge diplômée d’ici à 2025 apparaît comme une mesure de forçage, à rebours d’une logique plus simple et plus intuitive. Les études du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) montrent que toutes les formations doivent être valorisées, de la plus théorique à la plus pratique, pour répondre aux besoins économiques.

Ensuite, je relève des explications pour le moins contestables sur la nécessité de trouver un travail pendant les études. La faible part des étudiants issus des familles les moins favorisées économiquement, qui travaillent pendant leurs études, serait due à l’effet de seuil et aux montants en escalier évoqués à la page 19 du rapport. Il serait donc pertinent de militer pour une linéarisation des bourses.

À ce propos, et c’est ma troisième remarque, notre collègue Valérie Corre ne s’est-elle pas trompée, à la page 14 de son rapport, en qualifiant d’« historique » la réforme de 2012 ? Quelques lignes plus loin, en effet, elle mentionne une hausse de 40 % des bénéficiaires dès 2008. Nous ne sommes pas passés subitement de l’ombre à la lumière en 2012… Pour mémoire, 115 000 nouveaux boursiers sur critères sociaux sont entrés dans le dispositif en 2010, grâce à l’augmentation significative du plafond de ressources pour l’obtention de l’échelon 0, et 110 000 étudiants, les plus défavorisés, ont bénéficié, en 2012, du sixième échelon de bourse créé en 2008. La question de l’augmentation et de la meilleure répartition des bourses a donc été abordée bien avant 2012.

Enfin, le sujet des aides accordées aux étudiants étrangers a été curieusement évité. Le modèle scandinave décrit à la page 10, en plus de confondre une aide « juste » et une aide « égalitaire », avoue ses limites quand il est mentionné que « le Danemark, la Suède et, bientôt, la Finlande se sont résignés à imposer le paiement de frais de scolarité aux étudiants étrangers ». Si la rapporteure n’économise pas ses efforts pour rassurer le lecteur sur le contrôle des critères d’obtention des différentes aides pour les étudiants nationaux, rien n’est dit sur ce contrôle pour un étudiant étranger.

Concernant la recherche, je voudrais féliciter Vincent Ledoux d’avoir ciblé deux enjeux de recherche majeurs que sont la maladie d’Alzheimer et le diabète.

Michel Pinget a été l’une des premières personnes auditionnées par le rapporteur. Je le connais bien, il fait un travail formidable au Centre européen d’étude du diabète, à Strasbourg. À la lecture du rapport, on ne peut que souscrire à la recommandation de pérenniser les efforts de recherche sur le long terme.

Enfin, concernant les crédits consacrés à la recherche, nous ne pouvons que partager l’inquiétude de notre rapporteur, tant nous sommes habitués à l’ambivalence du Gouvernement sur ce sujet. Notre collègue Patrick Hetzel avait d’ailleurs dénoncé, l’année dernière, les conditions d’exécution du budget, avec 230 millions d’euros d’annulation de la « réserve de précaution » des universités, 123 millions de suppressions budgétaires au titre de la réorganisation du mode d’allocation des moyens des universités, 90 millions de coups de rabot en loi de finances rectificative, 100 millions de prélèvements sur les fonds de roulement et 480 millions d’euros de baisse annuelle en matière d’investissements au titre du contrat de plan État-région. Au total, ce fut une amputation de 1 milliard de crédits. On peut donc se demander quelle surprise va nous réserver la prochaine loi de règlement de 2016.

Mme Gilda Hobert. Les deux rapports sont extrêmement intéressants, en particulier au regard de leurs propositions. Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons qu’approuver la nécessité de mener des efforts dans le domaine de la recherche. Il serait bon d’encourager les patients atteints de diabète à participer à la recherche, par le biais d’essais cliniques, dites-vous. Cela paraît judicieux, mais qui pourrait les y inciter ? Leur médecin ? Des campagnes d’information ?

Madame la rapporteure, l’augmentation du nombre de boursiers ne peut que nous réjouir puisqu’elle va dans le sens de la démocratisation de l’accès aux études supérieures. Leur champ d’application, tel que vous l’avez évoqué, évolue, en particulier pour les familles les moins favorisées.

Les établissements supérieurs dans le domaine de l’art sont aussi concernés par l’obtention de bourses pour leurs étudiants, et je voudrais vous soumettre le cas de l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT), à Lyon. Cet établissement accueille seulement soixante-huit candidats au prochain concours. La possibilité d’obtenir une bourse est importante, mais l’inscription reste à la charge de l’établissement. A-t-on observé d’autres cas similaires ? Comment remédier à cette situation ?

M. Michel Piron. Mon collègue Laurent Degallaix, empêché, m’a chargé de vous lire son intervention.

Je remercie tout d’abord nos deux rapporteurs pour l’éclairage qu’ils nous ont apporté sur la recherche et l’enseignement supérieur.

Le groupe Union des démocrates et indépendants partage l’inquiétude du rapporteur concernant le budget de la recherche. Si la hausse globale est un geste attendu, la politique du Gouvernement à l’égard de la recherche demeure particulièrement ambivalente. Ce projet de budget traduit bien la tension qui existe entre la nécessité de maintenir les crédits de la recherche à un niveau cohérent avec les ambitions de notre pays et la réduction du déficit public.

La hausse des crédits ne permet pas de faire oublier le bilan du Gouvernement en matière de recherche depuis 2012. En mai dernier, sans la tribune de huit chercheurs, dont cinq prix Nobel, dénonçant un « suicide scientifique et industriel » de la part du Gouvernement, des annulations de crédits auraient sensiblement affecté les programmes de recherche scientifique
– 134 millions d’euros d’annulations de crédits étaient, en effet, prévues dans le projet de décret pour les budgets du CNRS, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria).

Les critiques récurrentes pointant la dégradation des moyens humains et financiers des laboratoires nous appellent également à la plus grande vigilance.

Les effectifs de soutien à la recherche – ingénieurs d’études, techniciens, administratifs – baissent, dans le secteur public, de 0,2 % par an depuis 2009 et le vivier de chercheurs s’étiole. Le nombre de doctorants français a baissé de plus de 10 % depuis 2007. Même le flux de chercheurs étrangers – 42 % des doctorants – s’est tari depuis 2009. Le quinquennat de François Hollande n’a pas interrompu l’aggravation de la précarité dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Par ailleurs, la massification de l’enseignement supérieur est particulièrement marquée en France, et la démocratisation de l’accès aux études supérieures n’est pas sans poser des défis, voire des problèmes, pour garantir aux étudiants, en particulier ceux issus des catégories sociales modestes, des conditions d’études équitables et satisfaisantes.

L’examen par la rapporteure des dispositifs de bourses est un choix assez audacieux, quand on remarque que cette même majorité a été fort tentée de supprimer les bourses au mérite, principe pourtant cher à la République française. Fort heureusement, grâce à la mobilisation d’un certain nombre de parlementaires, et notamment de notre groupe, cette aide a été maintenue, même si l’on peut déplorer que son montant ait été divisé par deux.

Alors que près de 70 % des étudiants travaillent pour financer tout ou partie de leurs études, soit 10 % de plus que la génération précédente, quelles pourraient être les priorités pour mieux accompagner la scolarité des étudiants les plus précaires financièrement ?

Mme Martine Faure. Nos deux rapporteurs nous ont présenté des travaux et des propositions de qualité. Je remercie Valérie Corre d’avoir souligné la hausse importante, de 3 % pour 2017 et au total de 8 % depuis 2012 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », et les progrès que cela entraîne dans la vie étudiante au quotidien. Je remercie Vincent Ledoux d’avoir mis en éclairage deux enjeux majeurs de la recherche. Je me permets d’ajouter à la maladie d’Alzheimer et au diabète un troisième sujet primordial : la recherche sur le cancer pédiatrique. Ce n’est pas le sujet, ce matin, mais je ne manquerai pas de vous en parler ultérieurement.

Conformément à l’engagement du Président de la République, les crédits de la mission ont été renforcés, passant à plus de 23 milliards d’euros, soit une augmentation de 852 millions d’euros. Entre 2012 et 2017, les moyens alloués par l’État à l’enseignement supérieur et à la recherche auront augmenté de 1,4 milliard d’euros, soit une évolution de plus de 6 %. Et ce, malgré quelques légitimes inquiétudes quant à la pérennité des financements et aux tentations de ponctions afin de réduire le déficit public. Les crédits dédiés à la recherche augmentent de 281 millions d’euros, soit une hausse de 3,7 % en 2017. Il est important de rappeler que ces moyens assureront également l’amélioration des carrières des personnels.

En matière de recherche, la France fait partie des grandes nations. La recherche fondamentale est préservée et reconnue dans tous les domaines. Bien que notre rapporteur regrette une évolution mesurée des crédits de la recherche pour 2017, il souligne la hausse des crédits affectés aux sciences humaines et sociales et aux sciences de la vie et de la santé.

Quant à la vie étudiante, je me permets d’insister sur la consécration des bourses étudiantes, politique volontariste visant à permettre aux étudiants issus des milieux les plus modestes de réussir pleinement leurs études. C’était un engagement fort du Gouvernement, qui est aujourd’hui suivi d’effet.

Le Gouvernement a multiplié les aides en faveur des étudiants : gel des droits d’inscription, du prix du ticket de restaurant universitaire, « plan 40 000 » garantissant la construction de logements étudiants à caractère social. Ce soutien financier s’est poursuivi par un accompagnement concret vers le premier emploi, avec la mise en place du dispositif Aide à la recherche du premier emploi (ARPE), qui permettra à nos jeunes d’organiser leur avenir professionnel avec beaucoup plus de sérénité.

Monsieur Ledoux, à la lecture de votre rapport, la pérennisation des financements semble au cœur de nombreux problèmes. Pouvez-vous nous rassurer, suite à vos auditions et à votre expertise, sur les engagements et la stabilité des plans gouvernementaux en la matière, ceux d’aujourd’hui et de demain ?

Madame Corre, l’ambitieuse réforme des bourses s’inscrit dans un mouvement de justice sociale indéniable. Mais s’inscrit-elle dans une démarche unanime et transpartisane ?

Mme Dominique Nachury. Merci aux rapporteurs pour leurs présentations.

Vincent Ledoux insiste sur l’importance de la recherche, garantie des emplois de demain. Or il indique que le Gouvernement a montré cette année son intention de financer des mesures nouvelles relatives à l’emploi, à la sécurité sanitaire et à l’immigration par le biais d’une diminution des crédits de la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES). N’y a-t-il pas là une évidente contradiction ?

Il souligne, par ailleurs, les lourdeurs administratives et réglementaires qui entravent la recherche médicale. La prise de conscience est-elle certaine ? Que met-on ou que peut-on mettre en place pour inverser cette tendance à l’excès de prudence ou de procédures ? Pour un simple achat de matériel, la lourdeur et la longueur des procédures sont telles qu’elles rendent parfois la demande obsolète lorsqu’enfin on y répond.

En ce qui concerne les bourses de l’enseignement supérieur, j’ai compris que le contrôle d’assiduité n’existait pas vraiment. Le rapport souligne, à la page 21, que son application est disparate. Même s’il s’agit d’une aide et non d’une récompense, peut-on continuer à verser ces bourses sans aucun contrôle et sans aucun résultat ? A-t-on des retours sur le contrôle d’inscriptions pédagogiques censées précisément lutter contre l’absentéisme, et donc, le versement indu de la bourse ?

Mme Martine Martinel. Les deux rapports se complètent, car on ne peut guère envisager de faire de la recherche si la vie étudiante ne permet pas de suivre facilement des enseignements.

J’aimerais avoir l’avis de nos rapporteurs sur la réforme du master, qui a fait l’unanimité des présidents d’universités, des syndicats étudiants et des syndicats de l’enseignement supérieur. Le master est la première ouverture vers la recherche. Pourriez-vous nous donner des précisions sur cette démocratisation du master, qui associe l’excellence académique, la recherche et l’augmentation des crédits ?

J’aimerais également savoir, madame la rapporteure, comment les améliorations apportées à la vie étudiante vont pouvoir aider tous les étudiants à choisir un master et à poursuivre leurs études. Je me pose la même question concernant les doctorants et les post-doc évoqués par M. Ledoux.

Mme Isabelle Attard. Votre rapport, madame Corre, montre que l’objectif de 40 000 logements étudiants supplémentaires à la fin du quinquennat est en passe d’être atteint.

Vous mentionnez que le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et les CROUS ont du mal à évoluer en ce qui concerne la conception des logements étudiants, c’est-à-dire passer de la chambre classique de 9 mètres carrés à ce que l’on pourrait appeler une colocation organisée par les universités, afin que les étudiants en première année de licence trouvent une atmosphère d’entraide. On sait à quel point un logement triste et solitaire pour cette première année est source d’échec. J’aimerais savoir si vous avez étudié le modèle belge des kots, qui fonctionne très bien puisque ce sont des colocations organisées par les CROUS.

La caution locative étudiante, qui garantit les propriétaires contre les impayés, ne concerne aujourd’hui que 9 000 étudiants, alors que l’objectif était d’atteindre une fourchette entre 14 000 et 20 000 étudiants. La publicité faite autour de cette caution est-elle suffisante ? Faut-il modifier le plafond du montant des loyers ? Il est de 500 euros en région, 600 en Île-de-France, mais les studios sont souvent beaucoup plus chers. Les collectivités sont peu motivées pour faire la promotion de cette caution parce qu’il s’agit d’une population nomade qui ne reste pas très longtemps dans une ville et, surtout, qui ne vote pas sur place. Selon Mélanie Vasselin, trésorière de l’UNEF, les propriétaires restent extrêmement réticents et privilégient toujours les cautions parentales. Pouvez-vous nous en dire plus sur la caution locative Visale ?

M. Yves Durand. À mon tour de remercier nos deux rapporteurs.

La réforme du master 1 va avoir lieu avec l’accord unanime de la communauté universitaire. Cette réforme va amener à une mobilité relativement importante des étudiants à l’intérieur des nouvelles grandes académies. Dès lors qu’un étudiant n’aura pas obtenu son premier choix, trois propositions lui seront faites, certaines pouvant l’amener hors de son université. Or¸ compte tenu de la réforme territoriale, les nouvelles académies sont assez étendues, ce qui va entraîner un problème de mobilité. Pourrait-on prévoir une aide à la mobilité des étudiants ?

M. Hervé Féron. Madame Corre, je vous félicite pour la qualité de votre travail. Votre rapport permet de mesurer l’ampleur du travail accompli sous ce quinquennat pour améliorer notre système de bourses pour les étudiants. Les réformes entreprises ont permis, non seulement d’augmenter l’aide aux jeunes issus des familles aux revenus les plus modestes, mais aussi d’en faire bénéficier une partie des classes moyennes. Sans un tel accompagnement, comment pourrions-nous assurer une véritable et indispensable démocratisation de l’enseignement supérieur ?

Il semble que des efforts aient été réalisés pour résoudre les problèmes de réactivité des CROUS. Malheureusement, il y a encore de graves dysfonctionnements. Dans ma circonscription, des étudiants se plaignent, comme chaque année, de retards dans le versement des bourses par le CROUS. C’est doublement pénalisant, car, en début d’année, ne pouvant prouver qu’ils sont boursiers, ils doivent avancer les frais de scolarité, puis attendre deux ou trois mois qu’ils leur soient remboursés avec le versement des bourses. Cela contribue à précariser de jeunes étudiants en situation parfois dramatique.

Le rapport souligne avec pertinence qu’il reste de nombreuses questions en suspens, de la linéarisation des bourses au redéploiement du parc immobilier des CROUS. Vous concluez à juste titre que la reconfiguration des études supérieures nécessite de « mieux reconnaître les situations particulières de chacun » pour l’allocation des bourses. Cela passe, bien sûr, par une meilleure prise en compte du contexte familial de l’étudiant, ce qui a été fait avec le doublement des aides d’urgence.

On peut également se demander, compte tenu des écarts du coût de la vie entre les différentes villes ou régions, soulignés à de multiples reprises par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), s’il ne faudrait pas ajouter un critère géographique au calcul du montant des bourses sur critères sociaux, comme c’est le cas des aides personnalisées au logement (APL). Cela permettrait de s’acheminer vers plus d’égalité entre les étudiants boursiers, ce qui, pour le moment, semble faire partiellement défaut.

Enfin, vous citez le cas exemplaire du CROUS de Caen, qui gère les aides régionales allouées aux jeunes des formations sanitaires et sociales. Il faut saluer cette initiative, qui permet d’améliorer la lisibilité du soutien public à destination des étudiants, un seul organisme gérant l’attribution d’aides diverses. Une telle mesure de gestion doit sans doute être étendue. Cet exemple précis montre que l’alignement de l’aide régionale sur le droit commun de l’enseignement supérieur facilite grandement une gestion commune. Je suis en faveur d’une plus grande harmonisation et d’une plus grande mise en cohérence des aides de l’État et de celles des collectivités. Il me semble qu’il y a là une marge de progression pour rendre notre système d’aides plus accessible à tous.

Mme Régine Povéda. Je salue, moi aussi, le travail des rapporteurs.

Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche a augmenté de 8 % depuis 2012. C’est une hausse conséquente, qui vise à compenser les baisses subies sous la législature précédente. La revalorisation des bourses étudiantes est un effort très important à saluer. Malgré tout, encore trop d’étudiants renoncent ou négligent leurs études par contrainte économique, surtout quand les universités ou les cursus sont éloignés des lieux d’habitation, comme c’est le cas en milieu rural. Madame Corre, que préconisez-vous pour aider ces étudiants éloignés des pôles universitaires d’excellence à poursuivre leurs études ?

Vous parlez peu des activités culturelles, sociales et d’animation des CROUS en région. Certes, le logement, les bourses et la restauration sont les activités principales du CNOUS, mais la vie sociale, culturelle et associative de nos étudiants est essentielle pour la formation des citoyens. Je souhaiterais avoir votre avis sur les possibles évolutions pour que les étudiants puissent bénéficier d’une vie culturelle, sociale et associative qui les élève dans leur vie personnelle.

M. Christophe Premat. Je remercie nos rapporteurs, car leurs rapports pour avis sont pédagogiques et synthétiques.

Madame Corre, la démocratisation de l’enseignement supérieur est solidifiée avec une conception forte de la vie étudiante. Les bourses ont été sensiblement renforcées et tout est fait pour que nos campus soient de plus en plus dynamiques. C’est un choix cohérent, qui poursuit les efforts menés l’année dernière. Lors du PLF 2016, nous avions, en effet, massivement soutenu un amendement visant à augmenter les bourses.

En ce qui concerne les étudiants étrangers, je suis heureux que nous n’ayons pas cédé à la fausse piste des frais de scolarité. Les cas scandinaves sont des contre-exemples en la matière puisque les frais de scolarité appauvrissent le socle des filières proposées, et donc, inévitablement des recherches possibles. Ces dernières années, nous avons veillé à ce que les étudiants étrangers puissent profiter des conditions que nous leur offrons afin d’enrichir le socle des formations.

Monsieur Ledoux, vous avez fait le choix de mettre en lumière la recherche médicale et les sciences du vivant. Vos auditions sont clairement orientées dans ce sens. Votre rapport est très riche concernant la maladie d’Alzheimer, ce qui est fondamental. Cependant, je m’interroge sur le poids donné aux sciences médicales et aux sciences du vivant par rapport à d’autres domaines. Je pense notamment au projet que vous mentionnez sur l’Agence spatiale européenne, ainsi que d’autres grandes coopérations internationales. J’aurais aimé en savoir plus sur ce sujet.

Vous rappelez les engagements du Président de la République vis-à-vis de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Cette agence est-elle évaluée pour savoir si elle permet réellement de valoriser les domaines d’excellence de la recherche scientifique française ? On sait que, dans certaines matières fondamentales, les sélections de l’ANR avaient été quelque peu questionnées ces dernières années.

M. le rapporteur pour avis. Madame Hobert, le diabète devrait être consacré « grande cause nationale ». Cette maladie profiterait ainsi d’un éclairage susceptible d’inciter davantage de patients à entrer dans des cohortes d’études et d’observation cliniques. Un financement sur le long terme inciterait également les personnes à y venir naturellement. Aujourd’hui, par exemple, l’absence d’un financement total du plan Alzheimer risque de dissuader les patients suivis d’entrer dans une démarche de long terme. C’est faire preuve de respect envers ces personnes que de mettre en place un tel financement ; on les assure ainsi d’une reconnaissance en « valorisant » leur maladie.

Le médecin généraliste peut faire office de passerelle avec le monde de la recherche. Aujourd’hui, tous les chercheurs soulignent la nécessité d’améliorer le stock de connaissances grâce à l’approche que le médecin généraliste a de la maladie. Beaucoup reste encore à faire pour qu’il y ait une véritable reconnaissance, du moins un abandon de la stigmatisation des patients atteints de diabète.

Madame Faure, monsieur Premat, bien sûr, j’aurais pu choisir une autre thème pour mon rapport. Mais c’est tout l’intérêt de l’exercice – et il faut saluer le président de la Commission pour cela – que de nous permettre de débattre très librement, sans tabous ni complexes de sujets choisis par les rapporteurs.

La recherche est un vivier d’emplois qu’il est indispensable d’identifier le plus en amont possible. Grâce aux auditions, j’ai pu identifier la piste des bio-informaticiens. J’insiste sur la nécessité que les régions et les grandes métropoles travaillent sur ces segments, parce qu’elles sont bien situées. Lorsqu’elles sont proches des campus et très impliquées dans l’organisation de l’université et la recherche universitaire, elles sont les bons interlocuteurs pour mettre en place une véritable filière. En matière d’emplois, il y a des niches. J’ai été stupéfait de constater à quel point le big data et le fait de faire mouliner toutes les données informatiques pouvait constituer aujourd’hui une source pour la recherche fondamentale. Le stéthoscope n’est plus le seul outil et s’il reste extrêmement important, de nos jours, l’informaticien apporte une richesse absolument incroyable à la recherche médicale. Il faut donc valoriser la filière de la bio-informatique et faire en sorte qu’elle puisse structurer la recherche médicale plus qu’elle ne le fait aujourd’hui.

Madame Nachury, il en est des lourdeurs administratives dans la recherche comme dans l’économie, où le petit entrepreneur local peine à se rapprocher de la procédure d’achat publique. Cela fait référence à la même logique, c’est-à-dire une ingénierie souvent trop lourde qui éloigne le chercheur de son domaine fondamental. On devrait pouvoir l’en exonérer. N’oublions pas non plus que les agendas de l’Europe et de la France ne sont pas toujours les mêmes. Certains laboratoires ont embauché des biologistes uniquement pour aller chercher les subventions et monter les dossiers.

J’ai tendance, quand je parle d’économie, à citer deux approches. Quand une famille américaine aborde une aire de jeux, les parents disent à leur enfant : « Enjoy ! - Fais-toi plaisir ! » ; en France, les parents disent : « Fais attention ! ». Ce que les chercheurs attendent, tout en conservant une éthique faisant rempart contre des évolutions hasardeuses, c’est qu’on passe de la précaution à la responsabilité. Faisons confiance à nos chercheurs et ne perdons pas de temps ! La lourdeur des procédures constitue un frein, et les autres pays avancent beaucoup plus vite que nous. Il faut supprimer tous les boulets qui nuisent à l’avancée de la recherche française.

Le nombre de statuts différents pose aussi problème. Le patron d’une grande unité de recherche évoquait deux ou trois statuts différents de fonctionnaires ou de cadres. D’où, pour la directrice des ressources humaines, des difficultés de gestion incommensurables, tout le monde n’étant pas logé à la même enseigne. Il est donc nécessaire d’unifier, de donner davantage de fluidité en la matière.

Monsieur Premat, je me suis focalisé sur la maladie d’Alzheimer et le diabète, d’abord parce que nous avons en France des laboratoires d’excellence. C’était intéressant de discuter avec leurs représentants pour avoir leur expertise et leur avis sur la question. Les chercheurs sont venus de bonne grâce. Le patron de l’Inserm a même reporté un déplacement au Japon pour parler devant la représentation nationale, ce qui montre l’intérêt porté à nos travaux.

En outre, en me limitant à ces deux pathologies, j’ai pu creuser plus profondément que si je m’étais éparpillé sur de nombreux sujets. Bien sûr, j’aurais pu aussi m’intéresser au cancer pédiatrique. En tout cas, la focale que j’ai choisie m’a permis d’extraire l’essentiel de mes sujets. J’ai ainsi mis au jour des niches d’emploi qu’il faut exploiter à fond, souligné l’importance du mode de gouvernance, au niveau tant de la structuration de l’ingénierie que de l’organisation gouvernementale pour assurer efficacité et réussite, et également constaté qu’éclairer une maladie particulière à travers un plan permet d’apporter des sources supplémentaires de valorisation ainsi que la reconnaissance des personnes atteintes. En l’espèce, des progrès restent à faire pour les patients atteints de diabète.

M. le président Patrick Bloche. Certains membres de la Commission ont pu faire l’expérience de la différence de réaction qu’il peut y avoir de part et d’autre de l’Atlantique, lors d’un déplacement au Québec. Alors qu’en France on parle de lutte contre le décrochage scolaire, là-bas, c’est de réussite éducative qu’il est question. La vie serait peut-être plus simple si nous devenions un peuple optimiste !

Mme la rapporteure pour avis. De l’optimisme, le sujet que j’ai traité me semble de nature à en procurer !

Si je me suis concentrée sur le thème précis des bourses de l’enseignement supérieur, je n’en ai pas oublié pour autant les autres services des CROUS. Bien entendu, madame Povéda, l’accès à la culture est un sujet essentiel. Les CROUS, ce sont les aides directes et indirectes, le logement, la restauration, la culture, voire l’accès aux emplois étudiant, la citoyenneté étudiante, bref tout un ensemble qui fait l’originalité de notre système d’accompagnement des étudiants.

Monsieur Reiss, dans le mouvement de démocratisation, l’objectif « fou » de 60 % d’une classe d’âge diplômée d’ici à 2025 ne procède que d’un calcul mathématique : depuis 2010, le nombre d’étudiants augmente chaque année de 2 %, contre 1 % entre 1995 et 2010. Le défi n’est pas tant d’atteindre les 60 %, mais de faire en sorte que tout se passe bien pour l’ensemble de la population qui arrive à l’université ou dans les études post-bac. Toutes les filières sont, en effet, intéressées, même si les bourses d’enseignement supérieur concernent beaucoup d’étudiants à l’université.

Notre système d’accompagnement pour aider une majorité de jeunes à faire des études, en particulier ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés, issus de familles modestes, repose sur l’idée, à laquelle nous sommes attachés, de frais d’inscription modestes pour tous et d’un accompagnement par les bourses, et donc par l’ensemble des services proposés par les CROUS. La réforme de 2012 est bel et bien historique : le nombre de boursiers a certes augmenté de 40 % depuis 2008, mais de 30 % depuis 2012.

Madame Hobert, le système des bourses donne systématiquement droit à l’exonération des frais d’inscription, et je ne connais pas d’exemple où ce ne soit pas le cas. Je crains que votre question ne porte sur la compensation de cette exonération par l’État aux établissements, ce qui est autre chose.

Madame Faure, la réforme entamée en 2013 fait l’unanimité, même si les organisations étudiantes ont attiré l’attention sur la question de la linéarisation des bourses. Des frais de scolarité modérés et un accompagnement fort, en particulier en direction des familles les plus modestes, pour permettre à tous d’accéder aux études, sont des objectifs partagés par tous ceux que nous avons reçus.

Le contrôle d’assiduité, madame Nachury, est une aide à la réussite et non une sanction. Il faut trouver l’équilibre entre la responsabilisation des étudiants et un nécessaire contrôle, car l’État ne peut consentir cet effort sans un minimum de contrôle. Depuis 2014, le versement des bourses doit être suspendu en l’absence d’inscription pédagogique. Le droit à bourse est renouvelable cinq fois sur la période de la licence, ce qui sous-entend que nous autorisons le redoublement pour éviter un décrochage total. Des gens peuvent n’être plus en situation estudiantine, mais peut-être sont-ils des jeunes en perdition ou contraints de travailler. C’est pourquoi la sanction ne doit pas être trop précoce. Toutefois, en contrepartie de cette souplesse, le contrôle de l’assiduité doit être stabilisé, peut-être en exigeant une moyenne minimale ou un nombre d’ECTS.

Madame Attard, vous avez raison, on progresse sur le nombre de logements construits et sur le type de logements proposés. Les CROUS ont fait beaucoup d’efforts. Je ne crois pas que le réseau lui-même soit récalcitrant à l’évolution de ces logements. La question de la rénovation des logements est celle du prix de sortie : une chambre de 9 mètres carrés ne correspond plus à l’attente des étudiants mais présente l’énorme avantage d’avoir un prix de loyer défiant toute concurrence. Le challenge pour les CROUS est donc de proposer d’autres types de logements, mais aussi un prix de loyer qui reste attractif, ce qui n’est pas si simple. La direction du CROUS de Caen, par exemple, propose des colocations, des logements pour les couples ou pour les familles. Les choses évoluent, même si c’est doucement.

Dans quasiment tous les CROUS, un dispositif d’étudiants référents est dédié à l’accueil des nouveaux étudiants dans les résidences universitaires. Il s’agit de lutter contre la solitude qui est une des causes d’échec ou de décrochage.

Monsieur Durand, on ne peut que se réjouir de l’unanimité de tous les acteurs de la vie universitaire sur la réforme du master : c’est ce qui fait sa force. Cette réforme va effectivement entraîner une mobilité plus importante. Dans le système des bourses, l’éloignement du domicile familial donne des points supplémentaires. Peut-être une des évolutions nécessaires serait-elle de prendre davantage en compte la question de la mobilité, en mettant un point supplémentaire pour un master, par exemple.

Enfin, monsieur Féron, d’après le président du CNOUS, le premier paiement des bourses est assuré en septembre dans la quasi-totalité des cas. Mais cela vaut pour les dossiers complets déposés avant le 31 mai, avec validation auprès du CROUS, par les universités ou les établissements d’enseignement supérieur, de l’inscription de l’étudiant. Le problème, c’est que, malgré des progrès informatiques indéniables, quelques universités ou établissements tardent à remonter l’information. Or, tant que le CROUS ne dispose pas de l’information validée, il ne peut pas mettre en paiement. Peut-être faut-il aussi une prise de conscience des étudiants eux-mêmes : s’ils peuvent se réinscrire jusqu’à la fin du mois de septembre, plus ils tarderont à le faire, plus le premier versement des bourses tardera.

Pour finir, nous devrons travailler sur la question du creux de la courbe, car il faut améliorer l’accompagnement des plus modestes. La formation sanitaire et sociale devra être intégrée dans la gestion des CROUS, pour assurer l’équité et permettre à tous les étudiants de bénéficier de l’ensemble des services du CROUS, aussi bien en matière de bourses, que de culture, d’emplois étudiant, de logements, de restauration. C’est un chantier auquel nous devrons nous atteler avec les régions dans les mois à venir.

La Commission examine ensuite le rapport pour avis de M. Patrick Vignal sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

M. le président Patrick Bloche. Patrick Vignal a centré son rapport sur la construction d’une politique de cohérence et de maillage associatif. Outre la conduite traditionnelle des auditions, il a eu à cœur d’impliquer directement à sa préparation les acteurs associatifs de terrain, en organisant plusieurs réunions publiques dans sa circonscription.

M. Patrick Vignal, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Fort d’une expérience de dirigeant associatif et d’élu local, j’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport aux associations. Ce dernier s’appuie sur la contribution à la fois d’experts nationaux et aussi, en effet, d’acteurs du monde associatif. Nous avons entendu pas moins de 800 associations, et, aux 3 373 questionnaires que nous avons envoyés au monde associatif, nous avons obtenu 1 178 réponses.

Ce rapport repose sur une conviction : le monde associatif peut répondre à des besoins sociaux toujours plus nombreux, tout en favorisant l’engagement de tous. Développer nos associations est l’un des prérequis de cette révolution citoyenne indispensable à notre société, dont les événements des derniers jours tendent à confirmer qu’elle se fracture. Cette transformation très profonde de notre façon d’appréhender les problèmes politiques suppose de faire un pari qui n’est pas toujours facile, y compris pour la classe politique : faire davantage confiance aux associatifs qui prennent des initiatives sur notre territoire.

Une façon de mettre en œuvre cette conviction a été, pour moi, de conduire, en plus des habituelles auditions « parisiennes », d’autres modes d’échange. Ceux-ci m’ont permis de constater les nombreuses inquiétudes de l’ensemble du milieu associatif. Mon rapport entend donc répondre à cette question simple : comment aider les associations à mieux fonctionner, à en faire plus, à créer plus de lien, à accompagner davantage les politiques publiques ?

Une telle politique est nécessairement portée par une ambition. On peut demander aux associations de faire mieux et plus seulement si on les dote de tous les outils dont elles ont besoin : relations de confiance avec les pouvoirs publics, actuellement très déficientes ; moyens financiers suffisants et pérennes ; renforcement des compétences à leur disposition.

Le rapport ne se contente pas de faire un constat de la situation ni d’énumérer les mesures positives prises par notre majorité depuis quatre ans. Il entend ouvrir, pour chacun des trois grands axes que je viens de citer, des pistes de nature à donner à notre tissu associatif suffisamment de marge de manœuvre pour continuer à innover et à dynamiser notre pays.

Le premier axe consiste en la création d’une vraie relation partenariale sur nos territoires pour redonner de la confiance. Dans toutes les réunions que j’ai conduites, j’ai ressenti de la part du monde associatif de la défiance envers un État qui crée toujours plus de normes, toujours plus de charges, mais aussi vis-à-vis des collectivités, notamment des communes, de toute couleur politique, avec lesquelles le dialogue est compliqué. Je comprends ce ressenti. Le Gouvernement fait depuis quatre ans des efforts de simplification, mais la tâche est immense. J’ai également eu certains échos sur des collectivités qui procèdent à des coupes de crédits massives envers le monde associatif.

Or si l’on croit, comme moi, qu’une association est une coopérative d’intérêt public, qui crée du lien, qui répond à des besoins sociaux vitaux comme la culture, le sport, la santé ou encore le social, alors il faut lui apporter un cadre dans lequel elle pourra nouer une relation de confiance avec les cofinanceurs. C’est pourquoi je propose quatre actions concrètes pour faire vivre une véritable relation partenariale entre les associations et les différents acteurs.

La première action consiste à mettre en place de véritables contrats de territoire associatifs, qui permettent d’associer l’ensemble des parties prenantes. Il s’agit de mettre tout le monde autour de la table pour identifier les besoins sur un territoire donné, de voir comment les associations peuvent les satisfaire et d’attribuer des financements en fonction de ce diagnostic partagé par toutes les collectivités et tous les acteurs de terrain. De cette façon, nous pourrons éviter deux problèmes : la multiplication des interlocuteurs pour les associations et la politisation excessive des relations entre les pouvoirs publics et les associations.

La deuxième action doit être de poursuivre l’effort de simplification déjà engagé par le Gouvernement. À cet égard, je n’ai pas l’impression que le programme « Dites-le nous une fois » pour les échanges de données avec l’administration soit suffisamment promu.

La troisième action vise à consolider l’appui aux associations. Les dispositifs positifs existants doivent être renforcés. Les associations ayant des salariés doivent recourir davantage qu’elles ne le font aux organisations d’employeurs qui peuvent leur offrir un conseil précis pour un coût raisonnable. À titre d’exemple, le Conseil national des employeurs d’avenir (CNEA) propose un suivi juridique aux associations moyennant une adhésion de 40 euros par an. J’ai rencontré beaucoup de présidents qui ont « rendu leur tablier » après avoir été l’objet de procédures de la part de leurs salariés ou de leurs membres. Il faut les protéger.

La quatrième action est de favoriser la mutualisation. Sur un même territoire, beaucoup d’associations peuvent être complémentaires, mais, par méconnaissance des dispositifs dont elles peuvent bénéficier ou par peur de démarches administratives compliquées, elles ont trop souvent tendance à garder le peu de moyens dont elles disposent plutôt que de demander une mise en commun des locaux, des salariés ou des dirigeants qualifiés. Pourtant, les retours à mes questionnaires montrent que 85 % du monde associatif seraient prêts à mutualiser locaux, moyens humains et matériel.

Le deuxième axe a trait à la question très importante des financements. Outre l’aspect des montants, les associations ont insisté sur la dégradation des modalités de financement. Elles ont le sentiment que les pouvoirs publics leur transfèrent certaines missions, par le moyen de marchés publics, afin qu’elles les assurent au moindre coût et sans visibilité financière.

Je propose de consolider les nombreux dispositifs de financement existants, mais aussi d’en favoriser de nouveaux : des conventions pluriannuelles sur deux ou trois ans, qui donneraient un peu de confiance à moyen et long terme ; du financement privé, encore trop faible – 5% seulement –, issu surtout des PME et TPE, rarement sollicitées.

Il m’est également rapidement apparu que le monde associatif n’avait pas bénéficié des efforts fiscaux du Gouvernement. C’est pourquoi je me réjouis de l’annonce du Premier ministre de la mise en place d’un équivalent au CICE pour les associations, à travers un crédit de taxe sur les salaires qui pourrait aller jusqu’à 4 % de la masse salariale, ce qui représente un effort considérable de 600 millions d’euros. En 2012, le monde associatif bénéficiait d’un abattement de taxe à hauteur de 7 000 euros, relevé à 20 000 euros en 2014. Pour certaines associations qui emploient aujourd’hui plus de cent salariés, cela représentera une manne importante. Qui plus est, cette réduction de taxe sur les salaires retournera dans l’économie en permettant d’augmenter les salaires et de créer de l’emploi, mais pas dans les dividendes des associés. Je serai très vigilant sur la mise en place de ce dispositif.

Le troisième axe essentiel pour une nouvelle politique de cohérence associative est l’accompagnement de la montée en compétences de nos associations. De plus en plus, le secteur s’est professionnalisé ; il faut lui donner les moyens humains et les formations nécessaires pour soutenir ses salariés et ses bénévoles.

La montée en puissance du service civique amènera aux associations les jeunes motivés, qualifiés ou non, dont elles ont besoin. Elle permettra aussi de créer en France une véritable culture de l’engagement dans notre jeunesse dont sortiront les dirigeants associatifs de demain. J’ai eu la chance d’être président du contrat urbain de cohésion sociale du Grand Montpellier, par lequel on essayait d’amener les jeunes – qu’ils aient un bac+5 ou qu’ils soient issus de quartiers difficiles sans avoir eu la chance de faire des études – à faire ensemble pour plus tard vivre ensemble. J’espère que le service civique permettra cette mixité sociale dans l’espace associatif et l’espace public.

Les emplois d’avenir doivent être pérennisés, car ils sont utiles aux employeurs du monde associatif pour former des jeunes et leur donner une chance de s’insérer dans le marché du travail.

Je souhaiterais également que les crédits alloués à la formation des bénévoles soient renforcés et davantage utilisés. Il est trop facile de ne pas valoriser ce qui existe déjà, pour expliquer ensuite que c’est sous-utilisé. Il faut une meilleure communication autour du Fonds de développement de la vie associative pour former les bénévoles à leurs missions et à la gestion. C’est un investissement certes, mais une association mieux gérée utilise mieux les subventions publiques.

Enfin, il faut davantage valoriser l’engagement bénévole, sans pour autant l’enfermer dans des statuts ou le dévoyer, pour pouvoir dire à ceux qui s’engagent que nous reconnaissons l’utilité de ce qu’ils font. À cet égard, il faudrait pousser l’université à s’engager. Comme maître de conférence associé à la faculté des sports, j’avais tenté de mettre en place une UV « Étudiant citoyen » qui, grâce à une attestation de la Croix-Rouge ou des Restos du cœur, aurait été utile aux étudiants à qui il manquait un point en fin d’année. Malheureusement, le doyen de la faculté m’a fait comprendre que les choses ne fonctionnaient pas ainsi. Les normes et les castes, voilà bien ce qui freine l’évolution de notre société !

En conclusion, ces mesures pourraient avoir trois effets indispensables. Le premier serait de redonner confiance à notre jeunesse en lui montrant qu’elle peut s’engager et se rendre utile. C’est bien de faire des zones de sécurité prioritaire, mais il serait temps d’inventer des zones de « jeunesse prioritaire ». Comme l’a dit un grand président de la République aujourd’hui disparu, ceux qui frappent la jeunesse n’ont jamais raison. Le deuxième effet serait de renforcer le lien social et la cohésion citoyenne, ce qui est le rôle et la principale réussite du milieu associatif. Le troisième, serait de permettre à tous les citoyens de co-construire la France de demain en leur donnant le pouvoir d’agir.

Aujourd’hui, le monde associatif est l’outil le plus efficace pour faire vivre notre contrat social, face au repli identitaire et au développement du communautarisme sur notre territoire national. C’est pourquoi je salue l’augmentation des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour l’année 2017. L’État consacrera à ce portefeuille 1,19 milliard l’année prochaine, contre 1,11 milliard en 2016.

Cela dit, je veux bien qu’on augmente les crédits dédiés au service civique de 100 millions, que l’on passe les emplois d’avenir de 110 000 à 150 000, mais je ne peux me satisfaire que l’on diminue de 2 millions les crédits alloués aux actions de formation à destination des bénévoles associatifs via le Fonds de développement de la vie associative, alors que ces actions constituent le ciment du monde associatif. Je voterai donc ce budget à condition que nous soyons capables de faire un effort supplémentaire sur la formation. C’est pour moi un point essentiel. Ce n’est pas seulement avec l’armée et la police que nous redresserons la société, c’est avec ces 16 millions de bénévoles qui n’attendent qu’une chose : de la considération.

Mme Sylvie Tolmont. Au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je félicite notre rapporteur pour ce rapport ambitieux. J’ai à cœur de saluer la démarche singulière qu’il a adoptée puisque, dans un souci de proximité et de connexion à la réalité de nos territoires, il a organisé de nombreuses auditions et réunions publiques décentralisées. Cette pratique inédite s’est accompagnée de la distribution de 3 000 questionnaires à des acteurs du monde associatif. Le résultat de ce travail est assurément la transcription d’un réel ressenti de terrain et la prise en compte sérieuse des enjeux locaux en matière de vie associative.

D’un point de vue général, nous nous réjouissons de la forte augmentation des crédits « Sport, Jeunesse et vie associative » décidée par le Gouvernement pour la deuxième année consécutive, dans un contexte budgétaire toujours contraint. Ce budget confirme une nouvelle fois la priorité accordée à la jeunesse par le Président de la République depuis 2012.

Source d’engagement citoyen, rempart indispensable contre le repli sur soi, garant de notre cohésion sociale et du vivre-ensemble, le monde associatif est moteur dans la construction de la vie collective, tout en participant à l’économie de notre pays. C’est pour cette raison que, cette année encore, l’État poursuit son soutien au monde associatif. J’en veux pour preuve l’annonce du Premier ministre, le 7 octobre dernier, de la création au 1er janvier 2017 d’un crédit d’impôt qui permettra d’alléger le coût du travail au sein des associations, sur le modèle du CICE. Ce soutien correspondra à 600 millions d’euros de baisses de charges supplémentaires qui s’ajouteront à la prime à l’embauche PME ouverte aux associations de moins de 250 salariés, dont 10 000 associations sont déjà bénéficiaires.

Dans la continuité de cette mobilisation, le Parlement s’attache aussi à proposer sans cesse de nouvelles mesures pour favoriser le rayonnement de nos associations. En ce sens, dans votre rapport, vous formulez, monsieur le rapporteur, des préconisations cohérentes et ouvrez de nouvelles réflexions pour encourager et consolider le monde associatif.

Face à la complexité des procédures administratives auxquelles sont encore confrontées certaines associations, vous recommandez de poursuivre les efforts déjà bien engagés sur ce sujet par le Gouvernement. Nous sommes également sensibles à votre proposition de voir se développer des espaces collaboratifs, qui permettraient aux acteurs associatifs de bénéficier de la mutualisation de moyens comme de certaines fonctions.

Sur la question du financement des associations, avec vous, nous nous inquiétons de la diminution de la part des subventions au profit de la commande publique et des appels à projet, qui retire aux associations la visibilité qui les rassurait. Pour y remédier, vous proposez de lever l’incompatibilité entre subvention et fonds de roulement afin de considérer une association sur la base de son utilité sociale plus que sur ses besoins de trésorerie, et la mise en place de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) par lesquels le financeur peut attendre certains résultats de l’association financée en échange d’un engagement moral à maintenir des moyens suffisants. Cette dernière mesure pourrait d’ailleurs remédier à la politisation excessive des relations entre les associations et les pouvoirs publics, qui conduisent certaines collectivités à prendre des décisions arbitraires ou à mener une gestion politicienne des dotations aux associations.

Nous partageons, enfin, les réflexions du rapport pour valoriser l’engagement, en particulier celui de la jeunesse. Au-delà du succès incontestable du service civique, l’engagement des jeunes peut être encore plus valorisé et soutenu dans le cadre universitaire. Par ailleurs, la validation des acquis de l’expérience (VAE), dans ce contexte, et le certificat de formation à la gestion associative, qui s’appuie sur la prise de responsabilité par des jeunes dans le milieu associatif, doivent être davantage reconnus, valorisés et accessibles.

Ce rapport soulève un des enjeux majeurs pour l’engagement dans la vie associative : celui de la formation, en particulier, celle des dirigeants. Certains bénévoles, doutant de leurs compétences, hésitent à s’engager notamment sur des postes à responsabilité. S’ajoute à cette difficulté le renouvellement générationnel, le recrutement de jeunes dirigeants étant particulièrement difficile.

Si l’État réserve chaque année des crédits à la formation via le Fonds de développement de la vie associative, force est de constater qu’ils ne sont pas totalement utilisés. Aussi, monsieur le rapporteur, je souhaite connaître vos préconisations pour conférer davantage de visibilité à la formation des dirigeants associatifs, pour valoriser son sens et sa cohérence afin qu’elle puisse être pleinement encouragée.

M. Frédéric Reiss. J’associe à mon propos M. Guénhaël Huet qui sera l’orateur du groupe Les Républicains sur cette mission en commission élargie et dans l’hémicycle.

Merci à Patrick Vignal qui a choisi de s’intéresser aux moyens publics à mettre en œuvre pour renforcer le monde associatif. J’ai appartenu à la commission d’enquête sur les difficultés du monde associatif, qui a rendu son rapport en novembre 2014.

Le manque de confiance entre les acteurs et les incertitudes sur les subventions en fonction des alternances politiques fragilisent le réseau associatif. On ne peut que regretter la baisse, depuis plusieurs années, des crédits en faveur du monde associatif qui pâtit, par effet de cascade, de la baisse globale des dotations aux collectivités. On note aussi la demande de renforcement du FONJEP, quand les documents budgétaires se félicitent déjà de la simple sanctuarisation de ses moyens. Il est évident aussi que la loi NOTRe, en enlevant la clause de compétence générale aux départements, a tari d’importantes sources de subventionnement.

L’une des propositions du rapport consiste en la mise en œuvre d’une contractualisation entre les pouvoirs publics d’un territoire et les associations, avec une logique de projet. C’est une perspective intéressante, mais l’idée d’un engagement pluriannuel, un peu plus loin dans le rapport, amène à une gouvernance calquée sur celle des opérateurs publics. Attention à ne pas alourdir considérablement les modes de gestion des associations ! Entre la gouvernance à vue et les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, peut-être faut-il trouver une voie médiane.

Monsieur le rapporteur, vous estimez aussi que cette démarche de contractualisation doit mener à un mouvement de simplification des démarches pour les associations. Vous parlez à la fois du renforcement de certains dispositifs, comme Impact emploi ou les emplois d’avenir, et de votre souhait de lancer une réflexion sur un congé de formation unique. Nous regrettons que le projet de loi Égalité et citoyenneté ne se focalise que sur le congé pour participation aux activités de direction plutôt que de réfléchir à un congé unique. Attention aussi à l’équité d’un tel dispositif qui ne doit surtout pas décourager les bénévoles ! Le bénévolat joue un rôle irremplaçable dans notre société, tant au regard du lien social que de l’apport aux économies de nos collectivités.

Le congé initialement pensé pour les dirigeants associatifs concerne maintenant les personnes exerçant des responsabilités de direction, de représentation ou d’encadrement, sans aucune étude d’impact par définition, puisqu’il s’agit de modifications issues d’amendements. Nous sommes tous désireux de soutenir les associations, mais cela nécessite de la mesure et non de demander demain aux employeurs de quelque 3 millions potentiels de nos concitoyens de gérer les absences ou les modalités de rémunération par accord pouvant résulter de ce nouveau droit.

Vous souhaitez que le privé s’engage plus fortement dans le secteur associatif : c’est aussi l’un des souhaits que nous avions émis dans le cadre de la commission d’enquête rapportée par Mme Dumas. C’est aussi à nous, législateurs, de créer les conditions de la confiance entre les acteurs, et cela passe par des lois raisonnables qui évitent des procédures judiciaires, véritables épées de Damoclès sur la tête des responsables associatifs.

Enfin, nous avons noté l’annonce du Premier ministre de la mise en place d’un crédit de taxe sur les salaires, supposé compenser l’absence de CICE pour les associations, c’est-à-dire d’une baisse de charges de près de 600 millions d’euros sur les salaires, qui touchera toutes les associations employeuses. Je ne suis pas aussi ravi que vous, je suis plutôt dubitatif sur cette mesure au parfum électoraliste et très opportunément annoncée à la veille d’une importante année électorale. Nous attendons de voir le dispositif qui sera discuté lors des débats sur les articles non rattachés, mais la ficelle qui consiste à sortir du chapeau des mécanismes séduisants et non financés, ou dont le financement est renvoyé à une prochaine majorité, nous paraît particulièrement irresponsable.

Mme Gilda Hobert. Monsieur le rapporteur, votre présentation détaillée nous a éclairés sur des projets à venir. Nous constatons avec plaisir votre engagement vis-à-vis de la vie associative, qui s’est traduit par une consultation très nourrie des associations.

C’est également un plaisir de constater la détermination politique du Gouvernement en matière de sport, de jeunesse et de vie associative, illustrée par un budget de la mission en hausse de 49 % en deux ans. Au sein du budget, la jeunesse concentre les efforts les plus notables, avec des crédits jeunesse et vie associative en augmentation de 85 millions d’euros. L’accent est porté sur le service civique, dispositif qui remporte un vif succès, d’autant que désormais tous les jeunes peuvent y aspirer, et non plus les seuls étudiants. Comme vous l’avez souligné, il convient de faire en sorte que, dès cet engagement, toutes les catégories sociales, jeunes décrocheurs comme étudiants, s’y côtoient.

Le sport voit les autorisations d’engagement qui lui sont allouées augmenter de 4,2 %. Une majorité des crédits accordés sont à destination des fédérations sportives et des associations nationales agréées de jeunesse et d’éducation populaire, qui portent un message d’universalité plus que jamais indispensable à notre société. La démocratisation de la pratique sportive est l’un des combats menés par les ministres Patrick Kanner et Thierry Braillard. Des opérations comme « Citoyens du sport » ou « J’apprends à nager » attestent d’une volonté d’accompagner, aux côtés des pratiques de haut niveau, l’ouverture à tous du sport, grâce aux associations dont l’apport à l’enjeu de société qu’est la cohésion sociale n’est plus à prouver.

Par essence, le sport est porteur de valeurs humanistes, de fair play, d’entraide et d’abnégation à travers la compétition. Aussi ne peut-on qu’approuver la lutte contre le dopage, ventilée aux crédits de l’action 3 consacrée à la prévention par le sport et à la protection des sportifs. Le financement de l’AFLD est largement abondé, pour atteindre 8,5 millions d’euros. Après les récentes affaires qui ont encore frappé le sport olympique, l’intransigeance fait loi pour que le sport français à tous ses niveaux soit exemplaire.

L’exemplarité, voilà un terme qui pourrait qualifier le travail des associations. Or, malgré un soutien sans faille du Gouvernement, celles-ci souffrent, nous le voyons dans nos circonscriptions, qu’elles soient rurales ou urbaines. Nous devons leur témoigner toute notre attention et leur renouveler sans cesse notre confiance.

Les associations dépendent beaucoup des financements publics. Même si la baisse des dotations de l’État impacte leurs moyens d’action, reconnaissons la valeur ajoutée de certains dispositifs d’aide, telle la bienvenue prime à l’embauche. Ce dispositif remporte un succès certain, mais est-il à même, et le FONJEP avec lui, de permettre la pérennisation des emplois ainsi créés ?

Les difficultés sont nombreuses à ponctuer la vie du monde associatif, auquel je suis personnellement très attachée. C’est grâce à son engagement que nos quartiers, nos communes, nos territoires sont animés. La loi NOTRe a d’ailleurs renforcé la compétence des collectivités locales en matière de soutien aux associations, compétence qui mériterait d’être soutenue par des efforts concrets. Notre appui est primordial pour pallier la stagnation, voire l’érosion des inscriptions aux activités proposées par l’éducation populaire, et cela en dépit d’une tarification au quotient familial ou des possibilités de règlements échelonnés. Tout a un coût et ce coût-là peut peser lourd dans le porte-monnaie des plus précaires.

Par ailleurs, je vous rejoins, monsieur le rapporteur, lorsque vous exhortez à la simplification des démarches administratives pour les associations. En dépit de leur bonne volonté, chacun peut constater qu’elles manquent souvent de moyens pour embaucher ou pour développer des projets. Ne pensez-vous pas qu’il faille limiter le nombre d’appels à projet, dont la complexité administrative et la technicité pénalisent les petites associations ? Alors qu’elles sont le relais des territoires et des citoyens et, à ce titre, sont porteuses d’idées, ne doit-on pas les laisser être force de proposition de manière à renouer la confiance avec les collectivités ?

Le bénévolat est très souvent gratifiant, parfois épanouissant ; il joue un rôle indispensable pour le vivre ensemble, et il faut le lui reconnaître. Mais en se complexifiant, ce rôle risque de voir s’étioler les bonnes volontés. Aussi devons-nous nous montrer vigilants et entendre leur fatigue.

Je peux témoigner que lorsque la mutualisation se pratique au moins sur certaines actions, ça marche ! Alors oui, il faut la stimuler.

Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste ne va pas bouder son plaisir devant les efforts considérables qui marquent le budget de la mission, un budget cohérent, en hausse et plein de promesses et d’initiatives.

M. Laurent Degallaix. Au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, je salue le travail du rapporteur. Je regrette cependant, alors que la France est candidate à l’accueil des Jeux Olympiques de 2024, que le rapport thématique n’accorde pas une attention particulière aux crédits alloués au sport, ne se concentrant que sur un aspect de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Ce rapport nous offre néanmoins un éclairage très intéressant sur un secteur ô combien important pour la cohésion sociale : la vie associative. Dans le précédent projet de loi de finances, le groupe UDI avait salué l’augmentation des crédits consacrés au développement de la vie associative et à la formation. Aujourd’hui, à l’instar du rapporteur, nous regrettons la baisse de près de 2 millions d’euros, d’autant plus que les baisses successives des dotations ne permettent plus aux collectivités territoriales de garantir, comme elles l’ont fait par le passé, un soutien financier aux associations. Pourtant, la capacité des associations à produire du lien et à garantir la cohésion sociale doit être confortée.

La simplification des démarches et du fonctionnement quotidien des associations est une initiative louable, mais le dispositif manque de visibilité. Je salue les 16 millions de bénévoles qui ont beaucoup de courage face à la lourdeur et aux difficultés administratives qu’ils rencontrent dans leurs tâches au quotidien.

Les 1,3 million d’associations ont également besoin d’être soutenues financièrement. C’est le sens de l’annonce du Premier ministre, le 7 octobre dernier, de la création d’un crédit d’impôt pour les associations afin d’alléger le coût du travail pour ces structures qui ne bénéficient pas du CICE. Pouvez-vous, monsieur le rapporteur, nous en dire un peu plus sur cette mesure, notamment sur les conditions de sa mise en œuvre et la date d’application ?

M. le président Patrick Bloche. Le rapporteur devait traiter un thème, et il a fait un choix. Celui-ci ne traduit en rien un quelconque désintérêt pour notre candidature aux JO de 2024.

M. Jean-Pierre Allossery. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour la qualité et la densité de votre travail. Je partage votre avis que le service civique ne saurait se substituer aux autres outils au service de la jeunesse. On peut se réjouir que les crédits dévolus au service civique aient triplé sur la durée du quinquennat – 150 000 engagés sont attendus en 2017, conformément à la promesse du Président Hollande –, mais il mobilisera alors 82 % des crédits du programme 163 dédié à la jeunesse, à l’éducation populaire et au développement de la vie associative. Ce déséquilibre mérite discussion au regard des inquiétudes de l’ensemble du milieu associatif que vous relevez dans votre rapport.

Le désengagement de certaines collectivités dans les domaines de la vie associative ou de la jeunesse fragilise effectivement ces associations qui manquent cruellement de stabilité pour projeter leur action d’intérêt général dans le temps, celui des projets et non pas celui de la prestation. Aussi, l’annonce récente de la création du crédit de taxe sur les salaires pour les associations est-elle une réponse pertinente. Cette mesure représente un soutien équivalent à 600 millions d’euros de baisses de charges supplémentaires.

Vous consacrez la dernière partie de votre rapport à la revalorisation de l’engagement. Vous indiquez qu’aucun chiffre fiable ne montre une baisse importante du nombre de bénévoles. Permettez-moi d’ajouter à l’appui les chiffres du dernier baromètre jeunesse diffusé par l’INJEP : l’engagement des jeunes connaît une forte augmentation de 9%, passant en un an de 26 % à 35 % ; l’engagement régulier, hebdomadaire est celui qui a le plus progressé cette année – de 9 % à 14%. C’est là un signe assez encourageant face aux difficultés sur le terrain pour trouver des dirigeants associatifs capables de prendre la relève générationnelle. Je partage donc tout à fait votre conviction sur la nécessité de mieux accompagner l’actuelle période de transition.

En même temps, je suis convaincu que cette progression de l’engagement bénévole des jeunes est issue de différentes mesures que nous avons prises – réserve citoyenne, conseils citoyens, reconnaissance de l’engagement étudiant –, particulièrement à travers la loi Égalité et citoyenneté. La question est de veiller à la bonne articulation de ces nouveaux outils pour répondre à la préoccupation de renouvellement des dirigeants associatifs.

Mme Julie Sommaruga. Monsieur le rapporteur, merci d’avoir consacré votre rapport au soutien au monde associatif, un choix excellent car notre pays fonctionne grâce aux associations.

Beaucoup de ces associations sont demandeuses d’un soutien plus appuyé, par exemple pour des projets éducatifs spécifiques ayant vocation à compléter l’action de l’éducation nationale, qui ne peut pas tout faire, tels l’accompagnement à la scolarité, le soutien à la parentalité ou des activités culturelles ou artistiques. Quelle serait la philosophie des contrats d’objectifs et de territoire que vous proposez ? Comment permettre aux associations de garder leur autonomie dans le cadre de ce dispositif ?

Mme Brigitte Bourguignon. Je félicite le rapporteur pour l’originalité de sa démarche qui l’a amené à réaliser un très important travail de terrain auprès de 800 associations de son département.

Je voudrais m’arrêter sur sa proposition consistant à prolonger l’action engagée par le Gouvernement avec la charte d’engagement réciproque en 2014 : une série de devoirs et d’obligations mutuels, contractualisés et consentis par le monde associatif et les collectivités. Cette proposition très intéressante, tout en répondant aux préoccupations des associations, permettra d’assurer l’attractivité des territoires, notamment en zone de ruralité, et sera une opportunité pour coconstruire des services adaptés.

Vous soulignez également, monsieur le rapporteur, que l’établissement de diagnostics partagés permettrait de dépasser les clivages politiques. Dans un contexte politique inquiétant, il me semble nécessaire, en effet, de sécuriser la pérennité de l’action du milieu associatif. Élue d’un département confronté à la montée de l’extrême droite, je peux témoigner que sont apparus, çà et là en France, un certain nombre d’actes hostiles et d’incidents ciblés vis-à-vis d’associations ayant pour vocation l’intérêt général, à qui l’État délègue une mission de service public, par exemple en matière de lutte contre la grande pauvreté, d’aide alimentaire ou d’information aux droits des femmes, comme le Planning familial. Cette situation inédite s’éloigne de l’esprit républicain de tolérance, issu des Lumières, qui a permis jusqu’à présent, quelles que soient les étiquettes politiques, au terrain associatif d’assurer l’existence d’une pluralité d’opinions, fidèle au principe de Voltaire. Notre devoir est de le préserver.

À cet effet, le Haut Conseil à la vie associative a rendu, en mai dernier, un rapport sur la notion d’intérêt général attachée aux associations, dans le but de sécuriser leurs activités dans un cadre concurrentiel. Parmi ses préconisations figure la mise en place d’une commission départementale ou régionale composée de façon plurielle, notamment avec différentes administrations, associations, collectivités, dont les avis s’imposeraient à tous. Ne pensez-vous pas que cela pourrait compléter votre proposition et, en quelque sorte, consolider les digues face à l’arbitraire ?

M. Pascal Demarthe. Monsieur le rapporteur, j’ai lu votre rapport avec beaucoup d’intérêt et je tiens à vous féliciter pour votre travail. Une étude récente du Centre de recherche sur les conditions de vie a rappelé que, depuis les attentats du 13 novembre dernier, les jeunes s’engagent de plus en plus dans la vie associative. C’est fort de cette information optimiste que j’aborde mon intervention.

Cette année, comme l’an dernier, les crédits du budget sport, jeunesse et vie associative sont en hausse, avec 738 millions d’euros en crédits de paiement. C’est là la traduction de la priorité donnée à la jeunesse par le Président de la République dès 2012, réaffirmée avec constance depuis, et des réponses apportées, notamment lors du comité interministériel du 6 mars 2015 relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Ainsi, l’engagement de la jeunesse dans la vie citoyenne, l’action associative dans les quartiers sensibles, le sport comme facteur d’intégration pour les Français les plus fragiles et de rayonnement pour la France sont bien des priorités pour notre gouvernement.

Le service civique concentre, selon votre analyse, une part très importante de la hausse du budget. Dans le projet de loi Égalité et citoyenneté actuellement en discussion au Parlement, le service civique est pensé comme une incitation à l’engagement des jeunes de tous horizons sociaux. Or vous pointez les limites du brassage social de ce type de dispositif et le risque qu’il devienne « une solution unique » qui absorberait tous les moyens de l’État au détriment du sport ou de l’éducation populaire. Quelles solutions pourraient éviter ces deux écueils ?

De plus, si le service civique est un succès et connaît un développement exponentiel, le manque de missions permet difficilement de satisfaire l’ambition affichée que chaque jeune puisse trouver une mission. Aujourd’hui encore, 75% des missions proposées relèvent de l’associatif ; or l’objectif est de les développer dans les organismes publics nationaux et locaux. L’un des obstacles est, pour l’organisme d’accueil, de créer la mission, d’organiser les tâches du volontaire et de l’encadrer. Comment développer le service civique dans le service public pour donner un véritable sens de l’intérêt général ?

Mme Régine Poveda. Merci, monsieur le rapporteur, pour votre rapport et la conviction avec laquelle vous l’avez présenté.

Je me réjouis des investissements au profit du service civique qui, dans les collectivités et les associations, permettent à des jeunes de se former et de poursuivre leur apprentissage citoyen. Les crédits de cette mission sont en hausse : c’est une bonne chose. Il faut toutefois conserver l’esprit du service civique et éviter qu’il ne se transforme systématiquement en une sorte de stage, notamment pour les étudiants.

Je m’inquiète cependant, comme vous, de la baisse des crédits dédiés au développement de la vie associative. Dans nos territoires, les associations animent la vie de nos concitoyens ; elles sont le socle de notre vivre ensemble et de notre faire ensemble. Vous proposez des pistes. Il y a urgence à mettre en œuvre des méthodes d’accompagnement pour les associations et les bénévoles. Vous avez apporté une partie de la réponse, mais comment, encore, faire converger les bonnes initiatives dans tout le pays et mettre en relation les associations qui, bien souvent, ne se connaissent pas ?

Je profite de la parole qui m’est donnée pour féliciter tous les bénévoles engagés et impliqués dans la vie de tous les jours pour aider, accompagner, soigner, sauver, élever, encourager, entraîner, valoriser, remplacer et, tout simplement faire ensemble et vivre ensemble. Selon le proverbe, seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin. Allons plus loin dans notre république démocratique ouverte aux autres en aidant les bénévoles !

M. Stéphane Travert. Monsieur le rapporteur, je vous félicite pour le travail d’investigation que vous avez mené. Par la voie d’un questionnaire, mais aussi de réunions publiques, vous avez pu sonder l’état d’esprit des acteurs associatifs et rapporter leurs inquiétudes sur trois points : la confiance dans leurs relations avec les pouvoirs publics ; leurs moyens ; le renforcement de leurs compétences. Je souhaite vous interroger sur des dispositifs qui pourraient, à terme, répondre à certaines inquiétudes du monde associatif.

Le Gouvernement a annoncé la création dans le cadre du PLF 2017 d’un crédit d’impôt pour les associations. Ce CICE associatif, qui sera porté par amendement, concernera les structures associatives employant de nombreux salariés qui n’étaient jusque-là pas concernées par les précédentes avancées. Les associations bénéficieront d’un abattement de 4 % de la masse salariale sur la taxe sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC. Comme pour le CICE, les structures pourront également solliciter un préfinancement auprès de la BPI dès 2017. Quel regard portez-vous sur ce nouveau dispositif ?

S’agissant des modes de reconnaissance par l’État de l’engagement associatif bénévole, le compte engagement citoyen prévu par la loi travail permet de retracer les engagements pour la validation des acquis de l’expérience et d’acquérir des heures de formation supplémentaires. Que pensez-vous de l’idée de prendre en compte les années passées par des personnes impliquées dans les associations pour le calcul de leur droit à la retraite ?

M. Pascal Deguilhem. Monsieur le rapporteur, merci pour votre rapport qui souligne les atouts et les difficultés du monde associatif. Il est difficilement imaginable de vivre sans les structures associatives, vu la place qu’elles occupent aujourd’hui.

Merci également d’avoir cité dans votre rapport les députés Deguilhem et Juanico à propos des crédits du Centre national de développement du sport (CNDS) et de la pérennisation des ressources issues du prélèvement exceptionnel de 0,3 % au profit du secteur associatif sportif le plus fragile.

Je voudrais m’arrêter sur la valorisation des parcours et de l’engagement. Dans un rapport récent au Premier ministre sur la promotion des « activités physiques et sportives (APS) tout au long de la vie dans l’école et hors de l’école », Régis Juanico et moi-même avons formulé plusieurs préconisations – je pense que vous les partagez. La préconisation n° 15 consiste à valoriser les expériences « sportives » acquises par l’élève, à l’école et en dehors de l’école dans les associations et clubs dans un livret citoyen unique et numérique, l’accompagnant tout au long de la vie. La préconisation n° 26 consiste à valoriser la pratique sportive et/ou l’engagement des étudiants par l’obtention de crédits ECTS.

Enfin, il est difficile de savoir quelles sont les limites de la valorisation de l’engagement des bénévoles. Nous avons fait un focus sur l’Union sportive des écoles primaires (USEP), qui repose aujourd’hui très majoritairement sur l’engagement bénévole des professeurs des écoles et qui, de ce fait, ne peut pas se développer partout. C’est pourquoi notre préconisation n° 12 consiste à rendre obligatoire la création d’une association USEP dans chaque école. Enfin, notre préconisation n° 14 vise à favoriser la rémunération des intervenants USEP par les collectivités et valoriser l’engagement des professeurs des écoles au sein de l’USEP par l’attribution d’heures supplémentaires enseignant. C’est une vraie question que de savoir comment soutenir l’engagement bénévole par le biais de dispositifs financiers.

M. Christophe Premat. Monsieur le rapporteur, merci pour votre rapport, unanimement salué.

Je tiens à vous féliciter pour la méthode participative que vous avez adoptée, avec auditions ciblées et questionnaire. Elle est tout à fait dans l’esprit souhaité par le président de l’Assemblée nationale, qui a organisé plusieurs consultations numériques. Un petit bémol cependant : on aurait aimé que votre rapport en dise un peu plus sur l’exploitation des résultats de vos consultations, ne serait-ce que pour prolonger cette méthode. Vous êtes d’ailleurs coutumier du fait, puisque vous consultez énormément vos concitoyens sur votre territoire en amont de certains projets de loi.

Vous évoquez une baisse des crédits sur certaines enveloppes, que l’on peut regretter. L’éducation populaire a été phagocytée par la commande publique, ce qui est dommage. Les MJC que nous avons connues appartiennent à un monde disparu dans les années 1980, et ce n’était pourtant pas faute de moyens financiers. La nécessité de retrouver de la solidarité sociale dans notre pays doit nous inciter à imaginer une jonction entre service civique et associations.

L’association, c’est du bénévolat, mais c’est aussi du temps organisé. Tous les pays qui nous entourent ont davantage réussi le pari de la formation continue. La professionnalisation des associations renvoie aux aspects financier et juridique – un grand nombre de contrats associatifs sont très précaires, avec beaucoup d’abus au regard du droit du travail. Vous avancez quelques pistes très intéressantes car adossées à une vision. Je pense, cette fois-ci, à la jonction entre validation des acquis de l’expérience (VAE) et compte personnel d’activité (CPA). Les bénévoles devraient pouvoir valoriser leur investissement associatif dans le cadre de la formation continue. Serait-il possible d’intégrer la VAE dans le CPA pour l’avenir ? Nous le souhaitons, et je crois que votre rapport tend à démontrer la validité de cette thèse.

M. le rapporteur pour avis. Aujourd’hui, 80 % des citoyens ne croient plus à la parole politique. J’ai démarré ma démarche en 2012, malgré la réprobation de mes assistants qui me traitaient de fou. Comme adjoint à la démocratie et à la cohésion sociale à Montpellier, j’avais proposé de faire installer des tentes en bas des immeubles pour aller à la rencontre des gens. Ces maisons pour tous, avec des cahiers de doléances, ont été un formidable succès. J’ose le dire, souvent, les élus ont peur de la foule ; c’est notre faiblesse.

Le présent rapport ne porte pas tant sur le monde associatif que sur la question de savoir si la cohésion sociale doit être le ciment de la société de demain. Quand on a la chance d’avoir 16 millions de bénévoles, on ne peut plus leur dire, comme le faisait Georges Frêche, que le salaire du bénévole, c’est la reconnaissance. Le monde du bénévolat a besoin de formations. Dans le cadre des conseils consultatifs que j’ai mis en place, nous avons offert un téléphone et un ordinateur à chaque président de comité de quartier et leur avons proposé de suivre des formations avec l’éducation populaire, les CEMEA : aucun n’a manqué et, à l’issue de leur formation, un certificat leur a été délivré, qui valorisait ce qu’ils avaient appris non pas simplement en faisant venir des intervenants, urbanistes ou sociologues, mais en faisant projet commun avec eux. Dans ma circonscription, les gens se sont connus, donc reconnus. C’est là ma philosophie de vie.

Vous avez raison, monsieur Reiss, en période électorale, on rase gratis, et depuis toujours. Malheureusement, les gens ne croient plus aux promesses. Proposons-leur plutôt un projet de société. Nous avons la chance d’avoir 16 millions de bénévoles qui sont prêts à venir autour de la table. Les rapports entre les gens sont complètement différents quand ils se sentent associés. Les maisons associatives traditionnelles où chacun a son bureau ne peuvent plus exister : inspirons-nous du monde de l’entreprise, de l’espace co-working, où il y a une machine à café, une tireuse à bière, où les gens se croisent dans le hall d’entrée. Ainsi, les gens ne seront plus en concurrence, ils seront en partenariat. Voilà ce qu’il faut développer.

L’année derrière, vous avez voté 10 millions de crédits à la formation des bénévoles ; pour l’année 2017, ce sera 8 millions. Nous ne sommes pas dupes, c’est de l’argent récupéré dans les caisses de l’État. Peut-être faudrait-il développer une vision nouvelle de la société, permettre aux gens d’apprendre toute la vie, de pouvoir échanger – à l’inverse de l’entre-soi qui prévaut dans les universités. Le monde associatif, le partenariat devrait permettre aux gens de se rassembler. À Montpellier, j’avais mis en place, dans onze quartiers, des coordinateurs de territoire qui étaient tous des directeurs de maison pour tous, de l’éducation populaire. Je ne sais pas pourquoi nous avons tous abandonné l’éducation populaire, qui est pourtant la générosité, l’échange, le partage. Ces coordinateurs pouvaient identifier un projet structuré, ce qui permettait de s’engager sur trois ans, voire un mandat, avec le monde associatif. C’est cela que demandent les citoyens : des contrats d’objectifs partagés, coproduits, qui préfigurent une nouvelle forme de démocratie.

Il n’est plus possible de financer le club de foot qui fait du soutien scolaire avec 1 000 euros de plus. Chacun doit pouvoir intervenir dans son art précis. Que ce soit le club de foot ou le soutien scolaire, à chacun sa priorité. Mais il est très difficile pour le monde associatif d’entrer dans les écoles. Avec les contrats locaux de sécurité prioritaires, on a tout cloisonné dans notre société. Notre chance est que 16 millions de bénévoles ont envie de participer à l’aventure, sans regarder la couleur politique.

J’ai eu la chance d’être responsable stadier de la coupe du monde de foot en 1998. Il nous fallait 500 volontaires. Nous avons été les seuls à mettre en place un dossier d’inscription avec un entretien obligatoire : 1 490 personnes se sont présentées, et nous avons valorisé leurs compétences. Dans la même logique, l’organisation de formations, l’intervention de spécialistes ne peut que nourrir leur idéal, leur passion, leur envie.

Pour les Jeux Olympiques, 10 millions d’euros supplémentaires ont été rajoutés. Je voudrais tout de même vous alerter : ce sont les athlètes qui osent parler de dopage parce que l’État n’est pas capable de faire le ménage !

Je prépare actuellement un rapport parlementaire sur les arts martiaux mixtes (MMA) en vue d’une reconnaissance officielle. Je suis allé dans des caves à Marseille où des hommes complètement drogués se tapent dessus. Si l’on n’est pas capable d’organiser, de fédérer, d’éduquer nos gamins, d’autres le feront. C’est la porte ouverte au communautarisme. L’éducation populaire est vraiment le ciment de la société ; chacun a sa part de responsabilité dans son abandon, tout parti confondu, y compris la gauche.

La valorisation du bénévolat peut passer par le CPA, mais aussi par le chèque associatif. Beaucoup aimeraient que les gens qui donnent du temps à la société puissent accéder par ce biais à des spectacles sportifs ou culturels – nous l’avons fait dans notre commune où nous avions un contingent de 300 places gratuites. J’aimerais aussi qu’un jeune qui s’investit à la Croix Rouge ou au Secours populaire puisse l’inscrire dans son CV de sorte que l’entreprise comprenne qu’il est plus qu’un salarié, qu’il a envie de participer au bien commun. Voilà des pistes à développer.

J’avais pensé envoyer le questionnaire à tous les parlementaires, de gauche comme de droite, mais je n’ai pas osé. Je le regrette, car ils auraient pu voir ce qu’ils peuvent initier dans leur circonscription. Donc je le ferai. La France est fragilisée. Je suis meurtri de voir que des lycées sont attaqués, que des lycéens agressent leur proviseur, que les policiers se retrouvent à manifester. Il y a un besoin de sens et de cohérence, et notre devoir politique est d’y répondre. Bien sûr, les élections seront prétextes à des joutes, mais il faudra dépasser les clivages.

Pour moi, l’aventure continuera puisque le 26 novembre, nous recevrons à Montpellier quatre personnes auditionnées au niveau national, dont le président de l’Agence nationale du service civique, le préfet Yannick Blanc, qui interviendra sur la réserve citoyenne. À ce sujet, pour répondre aux difficultés sur mon territoire, avec des fondamentalistes qui sont en train de corrompre notre jeunesse, j’aurais aimé récupérer la réserve citoyenne – 385 personnes affectées à l’éducation –, mais on m’a dit : « ce sont les nôtres, pas les vôtres ». Je suis fatigué d’entendre « ce n’est pas vous, c’est nous » ! On a fragmenté à tel point qu’on n’est plus capable de réunir des gens autour d’un projet commun. Pour revenir au 26 novembre, outre le préfet, nous recevrons Viviane Tchernonog, spécialiste du monde associatif, et les représentants du Conseil national des employeurs d’avenir (CNEA). Et c’est Patrick Bloche qui assurera la clôture de ces magnifiques assises.

Je conclus en disant qu’il n’y a pas de liberté sans éducation et sans culture.

M. le président Patrick Bloche. Il était difficile de résister à cette invitation de Patrick Vignal, qui nous a confirmé aujourd’hui l’homme de conviction qu’il est. Nous l’en remercions.

La séance est levée à douze heures quinze.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 19 octobre 2016 à 9 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Laurence Arribagé, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, M. Jean-Noël Carpentier, M. Jean-François Copé, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Bernard Debré, M. Laurent Degallaix, M. Pascal Deguilhem, M. Jacques Dellerie, M. Pascal Demarthe, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, Mme Claude Greff, M. Michel Herbillon, Mme Gilda Hobert, M. Christian Kert, Mme Anne-Christine Lang, M. Vincent Ledoux, M. Dominique Le Mèner, Mme Annick Lepetit, Mme Martine Martinel, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Christian Paul, M. Michel Piron, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Christophe Premat, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Paul Salen, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Michèle Tabarot, M. Jonas Tahuaitu, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert, M. Patrick Vignal

Excusés. – M. Pouria Amirshahi, M. Ary Chalus, Mme Virginie Duby-Muller, M. Jean-Pierre Giran, Mme Sonia Lagarde, M. Alfred Marie-Jeanne, M. François de Mazières, M. Marcel Rogemont, M. Rudy Salles

Assistait également à la réunion. – M. Jean-Luc Warsmann