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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 22 février 2017

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 29

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Bilan de l’activité de la Commission pour la XIVe législature

– Communication de M. Yves Durand sur le rapport annuel du comité de suivi de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 22 février 2017

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission

——fpfp——

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine le bilan d’activité de la Commission pour la XIVème législature.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, je vais ouvrir, non sans émotion, la dernière réunion de la législature.

Avant d’en venir à l’ordre du jour de ce matin, je souhaiterais, en quelques mots, vous présenter le bilan de nos travaux durant la XIVe législature.

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation est une jeune commission, née de la réforme constitutionnelle de 2008, qui a porté de six à huit le nombre de commissions parlementaires permanentes, et de la réforme conséquente du règlement de l’Assemblée nationale en 2009 qui a acté la partition de l’ancienne Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, que certaines et certains d’entre nous ont connue. La XIVème législature est donc la première législature complète de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, que j’ai l’honneur et le plaisir de présider depuis le 28 juin 2012, date de sa première réunion.

Les travaux d’une commission peuvent être mesurés classiquement par une série d’indicateurs statistiques, qui sont détaillés dans le rapport dont vous avez eu communication en début de semaine.

Notre commission a tenu 275 réunions depuis le 28 juin 2012, soit 541 heures de travail, sans compter la réunion d’aujourd’hui. Nous avons examiné vingt-six textes au fond
– huit projets de loi et dix-huit propositions de loi – et dix-neuf textes pour avis.

Nous avons également publié dix rapports pour avis sur chaque projet de loi de finances initiale, examiné quatre propositions de résolution européennes et deux propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête.

Notre commission a également été très active concernant les activités d’information et de contrôle puisque nous avons procédé à pas moins de 120 auditions – dont trente-deux auditions de membres du Gouvernement – et mené seize missions d’information, dont trois en commun avec une autre commission. Nous avons par ailleurs auditionné six personnalités susceptibles d’être nommées par le Président de la République dans le cadre de l’application de l’article 13 de la Constitution, et validé la désignation de deux membres du collège du Conseil supérieur de l’audiovisuel par le président de l’Assemblée nationale.

Enfin, vous trouverez, dans le rapport, le détail des très nombreux déplacements effectués par des délégations de notre commission durant cette législature, avec un rappel plus particulier de nos échanges avec la commission de la Culture et des Médias du Bundestag et de la mission d’étude au Québec sur le thème de la réussite éducative.

Toutefois, au-delà de ces données statistiques, c’est bien le champ et la richesse des travaux menés qui expriment le mieux la contribution de notre commission au débat parlementaire, ainsi qu’à la définition et au contrôle des politiques publiques mises en œuvre depuis 2012.

Nous avons ainsi vécu collectivement, quelles que soient nos positions politiques, de grands moments, avec l’examen des projets de loi pour la refondation de l’école de la République et sur l’enseignement supérieur et la recherche en début de législature, puis avec le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public et, plus tard, l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Notre commission a aussi été le lieu d’expression et de débat de grandes thématiques traversant la législature et la société : l’avenir offert à la jeunesse, notamment à travers la question éducative, mais aussi par l’accès du plus grand nombre à la culture et le développement du sport pour tous ; la construction d’une citoyenneté plus ouverte, plus active et plus fraternelle ; enfin, l’impact de la révolution numérique sur tous les aspects de la vie économique, sociale et culturelle, qui transforme en profondeur les comportements, les attentes et les usages de nos concitoyens en matière de diffusion des savoirs et des connaissances, de création artistique et d’accès aux œuvres et à l’art, de circulation des idées et des images, de partage de l’information.

Durant cette XIVe législature, à travers notre activité législative, mais également nos très nombreuses auditions, nos déplacements et nos travaux de contrôle des politiques publiques, nous avons travaillé avec sérieux et enthousiasme et pleinement justifié la création de ce nouvel organe de notre assemblée.

Tous les membres de la Commission qui ont souhaité s’investir durant cette législature, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, ont pu le faire, notamment en prenant part aux travaux des diverses missions d’information mises en place ou en bénéficiant de la réattribution, chaque année, des rapports pour avis budgétaires.

Nous avons également travaillé utilement avec nos collègues sénatrices et sénateurs membres de la commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication de la Haute assemblée. L’illustration la plus marquante a été, à ce titre, l’accord trouvé en commission mixte paritaire sur les 119 articles du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

En tant que président, je suis fier du travail accompli, dans une ambiance toujours harmonieuse et constructive à laquelle toutes et tous ont su contribuer, et je veux ici vous remercier très sincèrement pour votre implication et votre engagement tout au long de ces cinq belles années passées ensemble au service de l’intérêt général.

Je n’ai fait qu’animer nos débats et nos activités. Nous avons travaillé dans un bel esprit qui a amené notre commission à être souvent citée en référence et qui a conduit des députés d’autres commissions venus y faire un petit stage, la plupart du temps parce qu’ils étaient rapporteurs, à dire qu’il y avait un climat particulier.

Ce climat particulier, chers collègues, vous y avez toutes et tous contribué, que vous soyez de la majorité comme de l’opposition. Ma fonction de président a été, bien sûr, de porter des textes que la majorité a votés, mais aussi, je l’espère, d’assurer les droits de l’opposition qui sont un élément déterminant du bon fonctionnement de notre institution.

Pour tout cela, avec émotion et en vous regardant de cette place sans doute pour la dernière fois, je vous dis un grand merci et je vous adresse toute mon affection.

Je voudrais aussi remercier en votre nom les administrateurs et administrateurs-adjoints qui ont participé aux travaux de notre commission durant cette législature. Nous le faisons régulièrement lorsque nous présentons un rapport, mais je souhaite y insister aujourd’hui. Certains sont encore « actifs » dans notre commission ou au sein de la division du contrôle, où ils apportent un appui essentiel, s’agissant notamment des missions d’information. D’autres occupent aujourd’hui différentes fonctions au sein de notre assemblée.

Nous n’oublions pas non plus les agents de notre commission ainsi que l’ensemble du secrétariat du service et, bien entendu, sa directrice.

Qu’il me soit permis, à titre personnel, d’avoir une pensée pour Sophie Léron qui occupe aujourd’hui d’autres fonctions, et évidemment pour Samia et Stéphanie, qui sont toujours à mes côtés à l’Assemblée. 

Je tenais à saluer ces femmes et ces hommes sans lesquels nous n’aurions pas pu travailler dans d’aussi bonnes conditions. (Applaudissements.)

La Commission autorise, à l’unanimité, la publication du rapport d’information sur le bilan de l’activité de la Commission pour la XIVe législature.

*

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation entend ensuite M. Yves Durand sur le rapport annuel du comité de suivi de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

M. le président Patrick Bloche. J’en viens maintenant à l’ordre du jour de notre réunion de ce matin, pour laquelle j’ai demandé à notre collègue Yves Durand, en sa qualité de président du comité de suivi de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, de nous présenter son deuxième rapport annuel.

Je souhaite également la bienvenue à Mme Virginie Gohin, secrétaire générale du comité de suivi, et à M. le recteur Alain Bouvier, membre du comité.

Que cette audition clôture nos travaux est un très beau symbole de la priorité que nous avons su accorder à l’éducation, au travers notamment de cette loi fondatrice qui a trouvé son parallèle pour l’enseignement supérieur et la recherche, ainsi que des efforts financiers exceptionnels continûment consentis depuis 2012 pour promouvoir l’éducation nationale au premier rang des budgets de la nation.

La loi pour la refondation de l’école de la République est aussi, je le crois, un bel exemple de méthode. En effet, dans la continuité de la concertation qui avait présidé à son élaboration et pour la première fois dans notre histoire parlementaire, cette loi s’est donné les moyens de contrôler son application en créant un comité chargé d’évaluer les progrès et les lacunes de sa concrétisation.

Placé auprès de la ministre de l’Éducation nationale, ce comité, composé de douze membres parmi lesquels figurent quatre de nos collègues, Jean-Noël Carpentier, Yves Durand, Martine Faure et Dominique Nachury, et quatre sénateurs, publie aujourd’hui son deuxième rapport au Parlement.

De manière plus générale, la loi pour la refondation de l’école a fait l’objet, depuis sa promulgation, d’une attention, d’une célérité et d’une continuité dans l’évaluation, dont on ne trouve guère d’équivalents. Je pense aux très nombreux rapports des inspections générales, mais aussi, bien sûr, à nos propres travaux, dont témoigne le récent rapport de la mission d’information sur la réforme de la formation des enseignants, présidé par Frédéric Reiss et dont le rapporteur était Michel Ménard. Je pense aussi au rapport que Sandrine Doucet a remis récemment au Premier ministre sur les territoires de l’éducation artistique et culturelle.

Nous disposons ainsi, quatre années seulement après l’entrée en vigueur de cette loi, d’un bilan dense, précis et complet, dont Yves Durand va nous présenter le contenu. Avant de lui donner la parole, je voudrais lui poser deux questions.

Le comité de suivi s’est particulièrement attaché à étudier la mise en place du troisième cycle assis sur les dernières années d’école et la sixième, qui se heurte encore à la traditionnelle étanchéité opposant historiquement nos deux niveaux d’enseignement. Pouvez-vous nous donner, cher collègue, quelques exemples de bonnes pratiques et formuler quelques recommandations générales permettant d’ancrer, dans la durée, cette continuité décisive pour favoriser la réussite des élèves ? De manière plus globale, quel bilan dressez-vous, à ce stade, des divers dispositifs manifestant la priorité accordée au primaire par la présente législature ?

Une nouvelle fois, vous avez porté une attention vigilante à la réforme de la formation des enseignants et au développement des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). Je suis frappé de constater la convergence de vos constats avec ceux formulés par notre mission d’information. Je pense notamment à la nécessaire extension de la formation en amont et en aval du cadre très contraint du master et à l’importance de conforter l’autonomie des ESPE afin qu’elles disposent des moyens de s’imposer dans le paysage universitaire.

À cet égard, vous soulignez que la loi du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système Licence-master-Doctorat (LMD), que nous venons d’adopter, offre l’occasion de « réinterroger » les masters proposés par les ESPE, reposant sans doute à vos yeux la question de la place du concours. Pouvez-vous nous en dire un peu plus en nous précisant quelles évolutions vous apparaissent souhaitables à cet égard ? 

M. Yves Durand, président du comité de suivi de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Monsieur le président, mes chers collègues, je vais vous présenter le deuxième rapport du comité de suivi de la loi pour la refondation de l’école au nom de l’ensemble des membres du comité, qui réunit quatre députés, quatre sénateurs et quatre personnalités qualifiées, dont M. le recteur Bouvier et Mme Virginie Gohin qui a assuré le secrétariat général. Si j’insiste sur ce point, c’est pour souligner que nous avons travaillé ensemble et accepté ensemble les termes du rapport et les recommandations que je vais vous présenter.

Je ne reviens pas sur les dispositifs essentiels de la loi, mais je voudrais préciser la façon dont nous avons travaillé. Nous avons souhaité, pour ce deuxième rapport, reprendre les mêmes critères d’évaluation et de suivi que pour le premier rapport, qui portait sur l’année 2015. Je les rappelle rapidement.

Pour suivre l’application de la loi, nous avons sélectionné trois groupes de critères : la réglementation, l’appropriation des enjeux et de la cohérence de la loi par ses usagers et la conduite du changement, qui recouvre la question du pilotage de l’application de la réforme.

Les quatre grands chantiers de la loi auxquels nous avons appliqué ces trois groupes de critères sont la priorité au primaire, la réforme de la formation des enseignants, les nouvelles instances, c’est-à-dire le Conseil supérieur des programmes (CSP) et le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), et enfin le service public du numérique éducatif.

D’une manière générale, nous constatons d’abord une mise en œuvre « en bloc » de la réforme. Il y avait en effet deux possibilités pour appliquer la loi de refondation de l’école. La première consistait à appliquer la loi par « petits bouts », éventuellement par degré, et donc à l’étaler dans le temps. La deuxième possibilité consistait à l’appliquer « en bloc », c’est-à-dire à réformer en même temps tout le système éducatif afin que l’ensemble des enseignants, de la maternelle jusqu’à la fin du collège, soient effectivement concernés par la réforme.

Le deuxième constat que nous faisons, c’est la conjugaison du temps long et du temps court dans l’action publique. On a tendance à dire que l’école a besoin du temps long. Dans le même temps, on se rend compte, quand on va sur le terrain, qu’il y a urgence à réformer l’école. Il y a donc une sorte de choc entre ce temps long nécessité par l’évolution et parfois même l’évolution culturelle au sein de l’école, et la nécessité d’aller vite parce qu’il y a urgence et que le temps politique est plus court que le temps long de l’école. Je ne reviendrai pas sur le quinquennat, mais le fait que nous ayons des échéances politiques relativement rapides accentue ce choc entre temps court et temps long, qui rend parfois difficile l’appropriation et l’évaluation des réformes. Cela joue pour l’école comme pour le reste.

Je constate donc que la loi pour la refondation de l’école s’applique et que les acteurs, dans tous les domaines de l’action publique, se la sont appropriée. Les acteurs se sont en effet mobilisés à tous les échelons pour atteindre les objectifs assignés par la loi, c’est-à-dire la réussite de tous les élèves et la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

En ce qui concerne la priorité au primaire, elle a nettement progressé par rapport à l’année précédente, et on constate une véritable appropriation des dispositifs existants. S’agissant, par exemple, du dispositif « Plus de maîtres que de classes », les acteurs, en particulier dans les écoles, ont parfaitement perçu le sens même de ce dispositif dans le cadre général de la refondation de l’école. Et les moyens promis seront effectivement affectés fin 2017.

J’en viens à la mise en œuvre des programmes et des dispositifs nouveaux. La question des programmes a parfois suscité des interrogations. Leur application en bloc a pu sembler lourde aux enseignants qui ont dû appliquer tous les nouveaux programmes d’une manière globale. Mais cette application en bloc a été accompagnée par des ressources nationales qui ont été extrêmement efficaces.

Les acteurs attendent dès lors désormais, par rapport à la situation actuelle, un portage institutionnel revitalisé en faveur d’une réforme globale, la poursuite de la formation des enseignants, sans oublier la nouvelle évaluation, qui est au cœur des préoccupations des enseignants.

Après avoir fait ce constat, nous avons souhaité émettre un certain nombre de recommandations de façon à poursuivre et amplifier la refondation de l’école.

En ce qui concerne le primaire, nous préconisons de poursuivre l’effort de mise en cohérence et de continuité éducative, de s’appuyer davantage sur les sciences cognitives, de soutenir la réflexion sur la progression au long de chaque cycle, de clarifier l’offre des ressources qui sont mises à la disposition des enseignants et de former les enseignants en partant du point de vue des élèves et en tenant compte de la diversité de ces derniers.

Après la priorité au primaire, j’en viens à notre deuxième chantier : la réforme de la formation des enseignants au sein des nouvelles ESPE.

Le rapport d’information de nos collègues Frédéric Reiss et Michel Ménard sur la formation des enseignants nous a été très utile et nous y avons trouvé certains points de convergence.

D’abord, la réforme de la formation a relancé l’attractivité du métier d’enseignant. Les étudiants qui sont en master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) réussissent beaucoup mieux que les autres les concours. C’est un point intéressant, qui montre qu’il y a une véritable cohérence dans l’appropriation du métier d’enseignant. 

La réforme de la formation tend aussi à encourager l’identité territoriale et partenariale de l’ESPE. L’ESPE fait partie d’un territoire et ses partenaires sont spécifiques à ce territoire.

L’objectif est également de consolider la formation par alternance. Nous n’avons pas réussi à combler la fracture entre la théorie et la pratique. Il existe encore aujourd’hui un enseignement théorique, d’une part, et un enseignement pratique, d’autre part, dont la liaison n’est pas évidente pour les stagiaires. Les directeurs des ESPE ont une très forte implication dans ce domaine, mais il y a encore une forte marge de progression.

Il faut également opérationnaliser le budget de projet – dont je suis l’auteur, ce dont je ne me félicite pas – qui figure dans la loi et qui reste encore trop souvent – mes collègues maires vont comprendre à quoi je fais allusion – un compte administratif, c’est-à-dire un état des lieux, non un véritable projet de budget qui se projette dans l’avenir et qui prévoit les moyens de l’ESPE en la matière pour l’année à venir.

Enfin, il convient de professionnaliser le contenu des concours. Ce n’est pas tant la place des concours qui pose problème aujourd’hui que leur contenu, qui doit être de plus en plus professionnalisant. Au fond, sur quelle compétence recrute-t-on les enseignants ? Le rapport du 29 novembre 2016 du Comité de suivi de la réforme de la formation des enseignants présidé par le recteur Daniel Filâtre a ainsi bien posé la question : doit-on valider deux fois des savoirs disciplinaires ? C’est la question que l’on doit poser aujourd’hui si l’on veut progresser dans la professionnalisation de la formation, telle qu’elle est inscrite dans la loi.

Toujours en ce qui concerne la formation, nous préconisons de consolider les engagements réciproques de l’employeur – l’Éducation nationale – et du formateur
– l’université. L’université a la charge de la formation, et l’employeur, c’est-à-dire le ministère de l’Éducation nationale, doit préciser ses attentes. C’est ce que vous avez dit dans le rapport d’information sur la formation des enseignants que j’évoquais, mes chers collègues : le cahier des charges doit être plus strict en ce qui concerne les demandes faites au formateur.

Pour répondre à une question du président Patrick Bloche, il convient d’étaler le segment de la formation de la licence jusqu’aux deux années de titularisation, les T2. Autrement dit, il faut augmenter le temps de formation, et non le concentrer comme aujourd’hui sur les seules deux années de master. Il faut poursuivre la professionnalisation du concours et favoriser, dès l’ESPE, le rapprochement entre le premier et le second degré pour créer une véritable culture de l’enseignement. Cela figure aussi dans la loi, mais la mise en œuvre est difficile parce qu’il y a deux cultures différentes et deux statuts différents. Nous y reviendrons quand nous parlerons des enseignements communs, que l’on appelle plus communément le tronc commun, même si le terme ne figure pas dans la loi.

Enfin, nous préconisons de soutenir les démarches associant formation et recherche. Nous allons continuer nos travaux sur la question de la liaison entre recherche et formation, qui est essentielle et qui n’est pas suffisamment développée en France.

La loi a créé deux nouvelles instances : le Conseil supérieur des programmes (CSP) et le Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO).

Le CSP a fait un travail extraordinaire. Nous avions chargé la barque dans la loi, mais il s’est acquitté de sa tâche consistant à créer de nouveaux programmes avec beaucoup de courage et d’efficacité. Le rodage progressif de ce dispositif a posé quelques problèmes, mais globalement, le CSP a fait son travail.

Reste le problème de l’indépendance du CSP, que nous avions d’ailleurs évoqué dans le premier rapport. Bien que l’indépendance du CSP soit inscrite dans la loi, il est rattaché au ministère de l’Éducation nationale. Il y a là une ambiguïté qui gêne à la fois la ministre et le CSP. C’est ce qui m’amène à faire une recommandation sur laquelle je vais revenir dans un instant.

Si nous voulons que le Conseil supérieur des programmes soit encore plus efficace, il faut établir un calendrier général prévisionnel de production et créer une agence véritablement indépendante du ministère, dotée de moyens matériels et humains et de mandats mieux adaptés à ses missions, et dont la composition soit plus représentative de la société française. Nous pourrions nous inspirer de l’exemple de certains pays étrangers. Ainsi, le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) du Québec parvient à prendre en compte l’ensemble des demandes de la nation en matière de programmes scolaires. Lorsque nous avons élaboré la loi, nous nous sommes d’ailleurs inspirés de cet exemple, mais sans aller au bout de la logique, ce à quoi notre recommandation propose de remédier.

En ce qui concerne le CNESCO, nous avons été un peu sévères dans le premier rapport. Il a joué son rôle, en apportant une contribution certaine à la diffusion des études scientifiques existantes. Il est toutefois nécessaire d’opérer un recentrage sur l’activité d’évaluation du système éducatif, afin de contribuer à intégrer l’évaluation comme culture professionnelle. Nous préconisons de situer le CNESCO dans le paysage global institutionnel de l’évaluation et de rééquilibrer son activité sur l’évaluation du système, des élèves et des pratiques.

J’en arrive au dernier chantier : le service public du numérique éducatif. Nous avons fait le constat d’une politique nationale volontaire, avec des réalités très contrastées sur les territoires selon les politiques partenariales puisque départements et communes sont parties prenantes. Certains établissements sont connectés, d’autres non. Il y a encore une très grande diversité dans ce domaine, ce qui pose le problème du service public, qui garantit l’égalité d’accès. Le service public du numérique éducatif bénéficie d’une forte volonté nationale, d’une offre massive de ressources au niveau national et d’initiatives prometteuses liant recherche et numérique. Je pense notamment à la politique menée autour de l’appel à projets e-FRAN, qui affiche déjà des résultats prometteurs. Il s’agit, au fond, de réfléchir à la manière d’utiliser le numérique dans le cadre des apprentissages, en prenant en compte la diversité et le caractère contrasté des territoires.

D’où nos recommandations dans ce domaine.

D’abord, la question des ressources humaines est centrale dans le domaine du numérique. Le numérique, ce ne sont pas que des machines, ce sont aussi des enseignants, des acteurs formés et, bien sûr, des formateurs. Or, aujourd’hui, il y a un problème à ce niveau. Ensuite, nous avons constaté lors de nos déplacements que si le numérique n’est pas la panacée, il est efficace sur le plan pédagogique lorsqu’il s’appuie sur les compétences fondamentales nécessaires aux élèves pour profiter de ses potentialités. Ainsi faut-il par exemple d’abord savoir bien lire pour pouvoir utiliser le numérique. Nous proposons donc de consolider ces compétences fondamentales. Enfin, nous préconisons de former les enseignants au numérique à l’échelle des écoles et des établissements.

Pour conclure, je dirai que nous avons constaté une appropriation très nette de la cohérence des axes de la loi. C’est une évolution importante qui va faciliter son application.

Il est nécessaire de poursuivre la réflexion sur la personnalisation de l’aide et sur l’évaluation. Il nous paraît également souhaitable d’engager une approche territoriale de l’action publique d’éducation incluant une réflexion sur l’autonomie, dans le cadre national.

Enfin, il faut consolider les partenariats et instaurer une véritable culture de l’évaluation. Le CNESCO y contribue, ainsi que toutes les instances d’évaluation, comme les inspections générales, mais la culture de l’évaluation doit être développée, car c’est l’une des priorités de la loi.

Nous avons beaucoup travaillé pour rendre ce rapport. Il y a eu pratiquement une audition par semaine et nous avons effectué des déplacements dans les académies. Je tiens à remercier tous les membres du comité de suivi et féliciter Virginie Gohin pour son remarquable travail en particulier dans la rédaction du rapport.

Le comité de suivi va continuer à travailler. Hier après-midi, nous avons reçu François Taddéi. Le prochain point sur lequel nous voulons travailler concerne précisément le lien entre recherche, formation et éducation.

Mme Martine Faure. Puisque c’est la fin de cette législature et, pour moi, « la dernière séance », comme disait un célèbre rocker, qu’il me soit permis de remercier chaleureusement le président de notre commission. Sa patience, sa courtoisie, le respect qu’il a eu pour chacun d’entre nous, nous ont accompagnés tout au long de ces cinq dernières années et nous ont permis de travailler dans la sérénité.

Yves Durand vient de nous résumer douze mois de travaux. Vous l’avez dit, cher collègue, nous avons travaillé avec conviction et au plus près de la réalité du terrain. Je ne retiendrai que les constats les plus marquants, et tout d’abord, l’implication importante des enseignants, des chefs d’établissements, des inspecteurs pédagogiques et de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale.

Ces derniers mois, l’appropriation de l’esprit de la loi par les usagers a pu nous paraître un peu longue, mais aujourd’hui, l’écart entre les intentions du législateur et la réalité de l’application de la loi se réduit considérablement.

Ce constat me permet d’insister sur la nécessité d’accorder à la politique éducative un temps long. Vincent Peillon lui-même insistait sur une réforme devant s’inscrire dans le temps, évoquant à cet égard un délai d’une dizaine d’années. L’application de la loi, en matière d’éducation et en matière pédagogique, nécessite des temps longs : le temps de l’appropriation et de la mise en œuvre, qui a demandé d’énormes efforts d’adaptation, d’organisation et de concertation, et l’indispensable temps de l’évaluation des résultats, meilleurs indicateurs pour rebondir, améliorer, adapter et corriger les dispositifs de la loi.

La mise en place du cycle 3 dans le cadre du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, est un enjeu majeur pour permettre une meilleure transition entre l’école primaire et le collège. C’est un cadre de réflexion et d’action absolument indispensable pour la continuité éducative. Malheureusement, force est de constater que la mise en place du conseil école-collège se heurte à des difficultés provenant essentiellement de la différence de statut entre les enseignants du premier et du second degré.

Nous avons cependant observé l’ingéniosité et l’implication très forte de nombreux enseignants, qui cherchent et trouvent très souvent des solutions. Cela étant, il nous faut approfondir sérieusement ce sujet pour faire sauter les verrous et rendre ce dispositif plus efficace au regard des objectifs on ne peut plus justifiés de la loi.

Je souhaite que les travaux du comité de suivi puissent se poursuivre dans les années à venir. Je regrette qu’il ne reste désormais pas assez de temps à la présente législature pour travailler sur ses préconisations qui visent à ce que chaque élève puisse réussir dans une école transformée, modernisée et véritablement à l'écoute de chacun d’entre eux.

M. Frédéric Reiss. En cette fin de législature, je voudrais, au nom du groupe Les Républicains, vous remercier, cher Patrick Bloche, pour les moments forts que nous avons vécus au sein de cette commission. Vous avez été un président remarquable, dont nous avons apprécié l’écoute, la compétence, l’enthousiasme, parfois la passion, pour les sujets que nous avons examinés.

J’en viens à l’ordre du jour et je remercie Yves Durand pour sa présentation des travaux du comité de suivi, comité qui a incontestablement pris à cœur sa mission critique sur la loi pour la refondation de l’école. Je voudrais excuser ma collègue Dominique Nachury, qui ne peut être présente ce matin. Elle a été un membre assidu du comité et m’a fait part d’un certain nombre de réflexions que j’évoquerai dans mon propos.

Le rapport d’étape de 2015 a été sans concessions, mais la version qui nous est présentée ce matin semble moins sévère et se rapproche plus d’un satisfecit sur le bilan gouvernemental en matière d’éducation.

Je voudrais d’abord m’associer à deux recommandations présentées dans le rapport.

Premièrement, je pense, moi aussi, qu’il faut travailler sur l’indépendance toute relative du CSP et du CNESCO, les situer dans le paysage global institutionnel de l’évaluation et pallier « l’inexistence des relations entre le CSP et le CNESCO ».

Cela étant, en tant que membre du CNESCO, je voudrais souligner l’intérêt de méthodes un peu particulières, avec des conférences de consensus, des conférences de comparaisons internationales, des conférences virtuelles interactives. L’évaluation s’appuie sur des analyses de politiques scolaires à l’étranger pour formuler des préconisations novatrices : nommer des conseillers pédagogiques formés spécialement en didactique des mathématiques, par exemple, mettre en place des stages d’été pour les élèves en difficulté ou concevoir un label « Entreprise formatrice », qui valorise une réelle dynamique de formation des jeunes.

Deuxièmement, en tant que défenseur de l’enseignement des fondamentaux, je me réjouis de lire que, pour profiter pleinement de l’apport du numérique, il convient d’abord de consolider les compétences fondamentales. Au temps court de la réforme, le comité de suivi oppose le temps long de l’appropriation, « seule susceptible d’engager un changement profond des pratiques ».

Une grande loi sur l’école dure une quinzaine d’années, comme ce fut le cas de la loi Jospin en 1989. Mais la loi Fillon de 2005, avec ses réformes fondamentales, a été stoppée au milieu du gué en 2013 par la nouvelle majorité de gauche, pressée d’imprimer sa marque à l’école.

À l’heure du bilan du quinquennat, cette refondation est ternie par la très inégalitaire réforme des rythmes scolaires et la très inquiétante réforme des programmes.

Le temps long d’une réforme scolaire est une évidence, que j’ai d’ailleurs rappelée lors de la présentation du rapport de Michel Ménard sur la réforme de la formation, alors que certains enseignants s’écriaient : « Laissez-nous travailler ! »

J’ai deux questions à vous poser, cher collègue Yves Durand.

Je voudrais d’abord évoquer un phénomène inquiétant : le flux grandissant d’élèves de l’enseignement public vers le privé, observé un peu partout à travers le pays. La tendance est confirmée pour la prochaine rentrée : les établissements privés gagneront, pour la deuxième année consécutive, plus d’élèves que le réseau public, alors que les flux s’équilibraient auparavant. Selon la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), le secteur privé a accueilli, à la dernière rentrée, 10 600 élèves de plus. Plusieurs explications sont avancées : l’absence d’établissements publics dans certains territoires, comme le Morbihan par exemple, la « re-sectorisation » précipitée de la carte scolaire ou encore de nombreuses réformes imposées aux personnels du public, alors que les enseignants du privé jouissent d’une plus grande liberté. Avez-vous explicitement abordé cette problématique avec vos interlocuteurs lors de vos travaux ? Qu’avez-vous prévu pour endiguer ce phénomène préoccupant pour l’enseignement public ?

Ma deuxième question porte sur la mise en œuvre du conseil de cycle 3, et je rejoins Martine Faure sur ce sujet. Comme vous le savez, cher Yves Durand, je reste un ardent défenseur de l’école du socle pour permettre à un maximum d’enfants d’acquérir les connaissances indispensables à leur vie future de citoyens. Il convient donc de favoriser les passerelles entre le programme budgétaire 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » et le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré », ce qui pose un certain nombre de contraintes techniques et financières. Les fonds alloués à chaque programme ne sont pas transférables de facto, ce qui empêche, par exemple, la mobilité des professeurs des écoles vers les collèges et l’intervention de professeurs certifiés à l’école élémentaire. Comment résoudre ces difficultés pour assurer les échanges entre primaire et secondaire ? Comment faire progresser l’école du socle, notamment dans les zones d’éducation prioritaire ?

M. Rudy Salles. Je voudrais, au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, remercier Patrick Bloche pour la façon dont il a présidé la Commission. C’était un lieu agréable où nous avons pu débattre, de façon passionnée, mais le plus souvent avec modération, sur des sujets essentiels. C’est ici que se fait le véritable travail parlementaire. Nous avons été heureux de partager ces moments avec vous et avec nos collègues, car c’est aussi le lieu où l’on apprend à se connaître, beaucoup plus que dans l’hémicycle.

Je voudrais dire à Yves Durand, avec qui j’ai eu l’occasion de faire un rapport passionnant sur la mixité sociale à l’école, que nous avons bien travaillé ensemble et que nous avons réussi à signer ensemble des conclusions.

Cela étant, le débat n’a pas toujours été serein, chers collègues. Au début de la législature, vous étiez tous beaucoup plus enclins à vous opposer à nos propos qu’en fin de législature parce qu’aujourd’hui, vous vous préparez déjà à l’alternance. Vous verrez ce qu’il en est lorsqu’on est dans l’opposition !

Cela étant, je tiens à féliciter l’ensemble des membres du comité de suivi, ainsi que son président, Yves Durand, pour leur implication et la qualité du rapport qui nous est présenté.

Le suivi de l’application d’une loi sur un sujet aussi important que l’école est une mesure fort louable. Elle nous offre, à nous, parlementaires, l’occasion de porter un regard critique sur les textes adoptés par notre assemblée. Chacun le sait, nous étions opposés à cette loi trop bavarde, qui ne répondait pas aux questions cruciales, comme l’orientation ou l’apprentissage des fondamentaux.

Quatre ans après la promulgation de la loi, le temps a permis de mettre en place la plupart des dispositifs, et nous disposons maintenant du recul nécessaire pour évaluer ce texte. Puisque ce sera le dernier débat de notre commission sous cette législature, permettez-moi de dresser rapidement un bilan du quinquennat en matière de politique éducative.

Le rapport du comité de suivi avait dressé, l’année dernière, un rapport assez sévère sur la mise en œuvre de la loi pour la refondation de l’école, notant « l’insuffisance de l’appropriation de la cohérence de la loi par les enseignants, l’affadissement et la parcellisation de son application. ».

Aujourd’hui, j’aimerais vous interroger une nouvelle fois sur les rythmes scolaires, qui ont cristallisé les mécontentements depuis 2013. La mise en place de ce nouveau dispositif ne figurait pas en tant que telle dans la loi du 8 juillet 2013, mais la modification du temps passé en classe est un point crucial de la politique éducative. Bientôt trois ans après sa généralisation, nous ne savons toujours pas si cette réforme majeure améliore les résultats des élèves. Dans le rapport du comité de suivi, vous appelez d’ailleurs de vos vœux une évaluation construite et partenariale du dispositif, en relation avec les nouveaux programmes et les nouveaux cycles. Savez-vous quand seront rendus publics les résultats de l’enquête demandée par le ministère auprès de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance sur le niveau scolaire des enfants depuis la réforme ?

À ce jour, le ressenti est plutôt négatif et le personnel enseignant insiste sur l’alourdissement des semaines et l’accroissement de la complexité des journées des enfants, en particulier à la maternelle.

Enfin, le coût pour les communes, malgré la pérennisation du fonds d’aide, reste largement sous-évalué. D’après une récente étude de l’Association des maires de France, le reste à charge s’élève à 70 % pour les communes et à 66 % pour les intercommunalités. Pour l’année scolaire 2016, les communes déclarent un coût annuel moyen brut de 231 euros par enfant inscrit aux nouvelles activités périscolaires. Ces chiffres concordent-ils avec vos observations sur le terrain ?

S’agissant de la formation des enseignants, vous notiez, l’année dernière, que la mise en œuvre était encore au milieu du gué, dans la mesure où la culture des universités entrait en contradiction avec les attentes professionnalisantes de la réforme. À présent, vous précisez que l’attractivité du métier est relancée. Au vu des places non pourvues aux concours, permettez-nous d’en douter.

Par ailleurs, la politique du chiffre portée par l’étendard des 60 000 postes supplémentaires ne fait pas honneur à un sujet aussi important que l’école. L’Éducation nationale ne souffre pas d’un manque de moyens ni d’un nombre trop faible d’enseignants, mais d’une utilisation défaillante des moyens existants.

S’agissant enfin de la réforme du collège, nombreux sont les sujets qui ont été l’objet de lourdes controverses, mais j’aimerais surtout vous entendre sur les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). Il apparaît dans votre rapport que ces fameux EPI font l’objet d’une mise en œuvre pour le moins disparate d’un collège à l’autre et qu’ils fonctionnent beaucoup sur l’existant. Selon un sondage récent effectué auprès de 980 professeurs de collège, 50,7 % critiquent les EPI et espèrent leur abrogation. Pouvez-vous revenir sur les retours des chefs d’établissements sur la réforme du collège après deux trimestres ?

Je n’ai pas le temps d’aborder bon nombre de sujets cruciaux, comme le creusement des inégalités, le recul de la France dans les classements internationaux ou encore l’échec de la lutte contre le décrochage scolaire puisque nous sommes loin d’avoir divisé par deux le nombre de décrocheurs. Mais vous en conviendrez, mes chers collègues, nous sommes loin du satisfecit général des ministres successifs sur l’école, et il semble que, pour la prochaine majorité, le défi de la refondation de l’école reste entier.

M. Jean-Noël Carpentier. Je salue à mon tour la présidence de Patrick Bloche durant cette législature. Avec l’ensemble du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, nous avons apprécié, monsieur le président, le ton que vous avez su donner à nos débats. Personnellement, j’ai changé de commission au cours de la législature et je peux vous dire que je ne regrette pas une seconde le choix que j’ai fait. J’étais ravi d’être avec vous.

Au nom de mon groupe, mais aussi en tant que membre du comité de suivi, je tiens à dire que j’ai, moi aussi, apprécié l’ambiance de travail impulsée par le président Durand.

Grâce à l’audition de nombreux acteurs, nous avons pu bénéficier de témoignages de terrain, d’expériences pratiques, mais aussi de différents points de vue d’experts, ce qui est essentiel pour la réflexion. Le comité de suivi n’est pas un comité suiviste ni une fabrique à polémiques, ce dont souffre malheureusement trop souvent notre école.

Concrètement, le ton de ce deuxième rapport du comité de suivi diffère un peu du précédent, simplement parce qu’il montre que l’application de la loi entre peu à peu dans le quotidien des salles de classes, peut-être pas assez rapidement, mais les faits sont là.

Certes, la mise en œuvre de tous les aspects de la loi en un seul bloc a provoqué quelques inquiétudes, certaines très légitimes. Mais, au-delà des polémiques que l’opposition parlementaire a tenté de faire grandir ces dernières années, force est de constater, sur le terrain, que les mesures s’appliquent. En dehors de la réforme des rythmes scolaires, qui a été mal conduite, nombre de mesures s’appliquent de bonne manière et se corrigent naturellement lorsque le besoin s’en fait sentir.

Beaucoup d’acteurs de terrain expriment leur accord sur nombre d’entre elles. Ces avancées sont possibles grâce à l’implication des enseignants et parce que le budget de l’éducation est devenu le premier budget de l’État. Cela se voit au quotidien. La création massive de nouveaux postes a permis de faire face à la poussée démographique et d’accueillir de nombreux enfants porteurs de handicap. Notre école va vers plus d’inclusion. Elle a aussi permis de donner la priorité au primaire et de mettre en place des dispositifs novateurs, comme « Plus de maîtres que de classes ».

Pour autant, je reste convaincu qu’il faut envisager encore d’autres mesures pour faire baisser de manière beaucoup plus significative le nombre d’élèves par classe. Cette donnée est indispensable pour pouvoir s’occuper individuellement des enfants et assurer leur réussite.

Pour ce qui est de la formation des enseignants, le rapprochement du monde de la recherche et du monde de l’enseignement dans les ESPE procure de belles opportunités. J’émettrai néanmoins un bémol concernant la formation continue, qui reste globalement insuffisante.

Enfin, concernant la valorisation du métier d’enseignant, les choses ont avancé et même s’il y a encore des efforts à faire, les enseignants, à la fin de ce quinquennat, sont mieux formés, mieux payés et mieux considérés. De ce point de vue, nous sommes loin des projets de vaches maigres que nous promettent la droite et François Fillon si, par malheur, il venait à gagner l’élection présidentielle.

Au final, la série de mesures impulsées par la loi pour la refondation de l’école permet d’améliorer les choses. Pour autant, la récente enquête internationale PISA sur les résultats scolaires montre que le temps de la réforme est long et que du chemin reste à parcourir pour que tous nos enfants réussissent leur projet.

Après cette expérience au sein du comité de suivi, j’ai acquis la conviction que notre système scolaire avait un défi important à relever et que la loi n’avait pas suffisamment pris en compte celui d’être un système moins centralisé, moins bureaucratique. Il faut être davantage attentif aux innovations, faire davantage confiance aux acteurs de terrain que sont les enseignants et les parents. Il faut aussi, tout en veillant à l’égalité républicaine, qui est fondamentale, accorder plus d’autonomie d’action aux collectivités territoriales et aux établissements scolaires pour mieux répondre aux spécificités du terrain et de chaque élève.

Enfin, il faudra certainement envisager de véritables passerelles structurelles et pédagogiques entre le primaire et le secondaire.

Mme Marie-George Buffet. Je voudrais, à mon tour, vous féliciter, monsieur le président, pour le rôle que vous avez joué. Je me réjouis également du rôle que nous avons joué collectivement, car plusieurs grands projets de loi ont été considérablement améliorés grâce au travail constructif de la Commission. Cela fait du bien de se sentir utile à l’élaboration de la loi lorsqu’on examine un texte comme la loi relative à la liberté de la création ou la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. S’agissant du texte renforçant la protection du secret des sources des journalistes, je regrette que nous n’ayons pas abouti, mais cela viendra peut-être un jour.

Je remercie également Yves Durand et tous les membres du comité de suivi. Le comité de suivi est un outil exemplaire qui nous permet d’engager une réflexion sur des lois touchant à d’importants sujets de société, car, en tant que parlementaires, nous n’avons pas toujours les moyens d’évaluer les lois que nous avons adoptées.

Le ministère de l’Éducation nationale prend-il en compte les préconisations ? Quel est le rapport entre le comité de suivi et le ministère ? Avez-vous un contact régulier vous permettant de savoir si vos préconisations sont suivies d’effets ?

Ma deuxième question concerne la scolarisation des enfants de moins de trois ans.

Dans une des fiches du CNESCO concernant les inégalités sociales et migratoires à l’école, on rappelle que la France est en tête des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour le caractère socialement reproductible de son école. Parmi les préconisations, figure la maternelle précoce, avec des professeurs spécialisés dans l’accompagnement des tout petits, ce qui demande une formation particulière. Le rapport rappelle aussi la nécessité d’un effort de formation continue pour les personnels des premières années de l’école obligatoire et de l’éducation prioritaire et appelle à une action spécifique en direction des parents. Il y a encore trop de réticences de la part des parents concernant la scolarisation des moins de trois ans. J’aimerais avoir votre avis sur ces préconisations.

Le rapport du comité de suivi évoque la possibilité d’avoir une vision exacte de l’affectation des titulaires. Nous sommes confrontés à ce problème dans mon département de la Seine-Saint-Denis où le nombre de stagiaires est très important, compte tenu de l’ouverture d’un deuxième concours. Comment peut-on mesurer l’impact de l’affectation des titulaires ?

Je sais que les rythmes scolaires ne figurent pas dans la loi pour la refondation de l’école, mais j’aimerais savoir si vous avez une évaluation de la stabilisation des choix opérés dans les communes pour les mettre en œuvre. J’ai le sentiment que les communes reviennent sur les dispositions qu’elles avaient prises. Ainsi, certaines d’entre elles, qui avaient décidé d’ouvrir l’école le samedi matin sont revenues sur cette décision, souvent sous la pression des parents. La situation est-elle stabilisée ou y a-t-il encore des changements concernant la mise en œuvre des rythmes scolaires ?

En ce qui concerne la formation des maîtres et le rôle des ESPE, vous avez souligné un retour d’attractivité au bénéfice des masters de l’enseignement, dont je souhaite qu’il se confirme. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dites sur le rapport employeur-formateur. Il faut insister sur l’aspect de la professionnalisation de l’enseignement. Cela suppose de régler le problème de la double évaluation entre l’université et l’Éducation nationale, de desserrer l’étau du master, d’allonger la période de la professionnalisation. Enfin, cela pose la question du retour à un véritable pré-recrutement. Nous avions d’ailleurs eu ce débat lors de l’examen du projet de loi pour la refondation.

Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a remis, ce matin, un rapport sur la question de l’égalité femmes-hommes dans la formation des enseignants dans les ESPE. On constate que cette question n’est traitée que dans 50 % des ESPE et qu’elle bénéficie d’un temps d’enseignement qui peut varier de deux heures jusqu’à cinquante-sept heures. Quel est votre opinion sur ce sujet ?

M. Christophe Premat. Je vous remercie, cher Yves Durand, pour la présentation très complète de ce rapport. Le comité de suivi permet en effet d’observer les différentes étapes des réformes que nous avons mises en œuvre et de pointer les défis qui restent à relever.

Vous êtes revenu à plusieurs reprises sur la question de la culture de l’évaluation dans le système scolaire, en évoquant notamment le rôle du CNESCO. Nous l’avons également constaté au cours de la mission d’information sur la formation des enseignants, la question de l’évaluation est appréhendée de manière diverse par les différents acteurs.

De leur côté, les enseignants craignent d’avoir davantage d’heures non rémunérées à leur juste valeur et, du coup, la culture de l’évaluation peine à se concrétiser.

Je pense aussi au rôle des ESPE qui ont parfois du mal à se positionner au sein des universités, alors qu’ils jouent un rôle essentiel, comme vous le montrez dans le rapport.

Le Comité de suivi s’est aussi attaché à observer l’avancée des chantiers mis en œuvre. Je pense à la priorité donnée au primaire, qui est élargie au CM1 et au CM2, ainsi qu’à la première année de collège. Je pense également à la réforme de la formation initiale et continue des enseignants, ainsi qu’aux nouvelles instances mises en place : le Conseil supérieur des programmes et le Conseil national d’évaluation du système scolaire.

Chaque ESPE a son identité propre et évolue dans un environnement singulier, mais rappelons qu’en définitive, les ESPE ont pour objectif de former des enseignants. Je souhaite vous interroger de manière plus générale sur votre vision, après cette analyse de la mise en application de la loi, du rôle de l’ESPE et de son évolution en lien avec les logiques territoriales. Quels sont, selon vous, les moyens de transformer l’« essai » marqué lors de la réforme de la formation des enseignants pour rendre ce dispositif plus efficace au regard des objectifs fixés par la loi ?

Mme Virginie Duby-Muller. Je vous remercie, Yves Durand, pour cet exposé très intéressant.

En janvier 2016, vous expliquiez, au nom du comité de suivi, que l’ambition éducative de cette loi était si importante que l’application en était nécessairement difficile, en particulier dans la phase de démarrage. Vous souligniez notamment « l’insuffisance de l’appropriation de la cohérence de la loi par les enseignants, l’affadissement et la parcellisation de son application. ». Cette situation a-t-elle évolué aujourd’hui ?

Il y a quelques mois, à la rentrée 2016, de nombreux enseignants se sont encore mobilisés contre les nouveaux programmes, et notamment contre les nouvelles règles d’enseignement concernant, par exemple, l’apprentissage de la grammaire. Quelle est votre analyse de la réforme de la formation des enseignants ? Vous indiquiez en janvier 2016 qu’elle peinait « à trouver son équilibre sur le plan structurel et sur le plan pédagogique ».

Les trois ministres qui se sont succédé depuis 2012 rue de Grenelle ont tous affirmé que l’enseignement primaire était leur priorité. Cependant, dans les choix budgétaires, le déséquilibre entre enseignement primaire et enseignement secondaire est quasiment toujours le même et favorise excessivement le second degré, en particulier les lycées et les post-bac. Le programme 140 de la loi de finances initiale pour 2016 prévoyait un peu plus de 20 milliards d’euros pour les 5,8 millions d’élèves du primaire et le programme 141 un peu plus de 31 milliards pour les 4,5 millions d’élèves du second degré. Ce déséquilibre peut être l’une des sources des difficultés à assurer la maîtrise des fondamentaux par tous nos écoliers. Quel bilan pour 2017 ? Comment analysez-vous cette constance dans l’écart budgétaire ?

Je souhaite également vous interroger sur le rapport du CNESCO de septembre 2016, qui retrace, pour les années 2014 et 2015, les conclusions de nombreux spécialistes, sociologues, économistes, didacticiens, psychologues, français et étrangers, concernant l’égalité des chances dans notre système éducatif.

La synthèse du CNESCO détaille une longue chaîne de processus inégalitaires qui se cumulent et se renforcent à chaque étape de la scolarité : inégalités en termes de traitement, de résultats, d’orientation, d’accès aux diplômes et même d’insertion professionnelle. Limités à l’école primaire, les clivages explosent à partir du collège. L’éducation prioritaire aboutit aujourd’hui à produire de la discrimination négative : on donne moins à ceux qui ont moins. Comment analysez-vous ce bilan très négatif ? Comment accentuer les moyens dans l’éducation prioritaire et renforcer l’efficacité des mesures ?

Enfin, quelle sera, selon vous, l’école numérique de demain ? Il s’agit effectivement d’un outil efficace sur le plan pédagogique, qui nécessite la formation des enseignants. Aujourd’hui, il y a de très nombreuses initiatives, qui viennent aussi d’acteurs du privé. Comment numériser intelligemment l’école et les contenus pédagogiques ? N’y a-t-il pas encore une forme de résistance de la part des enseignants ?

M. Yannick Trigance. Je tiens à vous féliciter, chers collègues membres du comité de suivi, pour ce travail minutieux de suivi de l’application de la loi pour la refondation de l’école, qui est une priorité emblématique du Président de la République et des gouvernements successifs depuis 2012, pour une école juste et exigeante pour tous.

Ce travail de suivi est indispensable pour mesurer les résultats concrets des lois que nous votons et pour rendre compte aux citoyens des avancées réelles produites par nos décisions, avec toujours en tête l’idée que l’incidence de l’appartenance sociale sur les résultats scolaire est plus forte en France qu’ailleurs et que la démocratisation de la réussite reste au cœur de cette loi.

Deux dispositifs de la réforme me tiennent particulièrement à cœur dans le premier degré, car ils sont essentiels à la réussite de tous les élèves : la scolarisation des enfants de moins de trois ans, qui a été bénéficié de 3 900 créations de postes, et le dispositif « Plus de maîtres que de classes », pour environ 1 000 postes. Ces dispositifs ont démontré leur efficacité dans la lutte contre les inégalités, notamment dans les territoires fragiles, comme celui de ma circonscription dans le département de la Seine-Saint-Denis, qui avait auparavant vu la scolarisation des enfants de moins de trois ans s’effondrer de 11 % en 2007 à presque rien en 2012.

Je me réjouis donc du réengagement, depuis 2012, d’une politique éducative de scolarisation des enfants de moins de trois ans mais, dans le même temps, je note que les objectifs ne sont pas encore tout à fait atteints.

Il en est de même pour le dispositif visant à proposer un accompagnement personnalisé, notamment à l’aide du dispositif « Plus de maîtres que de classes », sur les territoires de l’éducation prioritaire et sur la base de projets élaborés par les équipes pédagogiques.

Mes questions portent sur le suivi de ces dispositifs. Comment pourrait-il être assuré dans les temps à venir ? Quels moyens de communication et d’information pourraient être mis en place afin de diffuser les préconisations de votre rapport auprès des acteurs concernés ? L’une des grandes difficultés de notre système relève en effet de la communication, de la mutualisation et de l’appropriation de ces éléments de bilan et d’évaluation par les acteurs de l’éducation.

M. Vincent Ledoux. Je voudrais revenir sur les conclusions d’Yves Durand concernant l’approche territoriale de l’action publique, le rôle de la collectivité et la place de l’État, les partenariats à consolider et la culture d’évaluation. Je voudrais dire tout d’abord que l’État et la fonction publique peinent à évaluer et à s’évaluer.

En ce qui concerne le rôle de la collectivité et le financement de l’État, il s’agit bien d’un contrat de confiance, mais encore faut-il que ce contrat s’inscrive dans le temps et assure la pérennisation des financements.

Je prends l’exemple de la ville de Tourcoing qui s’est beaucoup investie. Tourcoing, c’est 40 % de jeunes de moins de vingt-cinq ans, 600 jeunes qui sortent du système scolaire après la troisième, 12 000 écoliers et à peu près 27 % des moins de quinze ans qui sortent du dispositif scolaire sans aucun diplôme. Beaucoup de choses ont été faites, notamment en lien avec les services de l’État : je pense au dispositif de réussite éducative. Mais l’État n’a pas donné de moyens pérennes puisque la ville de Tourcoing a dû réinjecter, l’année dernière, plus de 180 000 euros pour soutenir ce dispositif.

Le dispositif qui consiste à donner un livre par enfant et par trimestre du cours préparatoire au CM2 fonctionne bien. Mais il y a de plus en plus de bureaucratie, de paperasses à remplir, moins de moyens et parfois une certaine incohérence. En ce qui concerne le taux d’encadrement, par exemple, la caisse d’allocations familiales (CAF) demande un agent pour quinze écoliers tandis que l’État demande un agent pour cinq écoliers.

Je voudrais rebondir sur l’intervention de Marie-George Buffet sur la maternelle précoce. Nous peinons à soutenir ces dispositifs. À Tourcoing, dans deux quartiers, l’Épidème et Le Virolois par exemple, aucun enfant de moins de trois ans n’est scolarisé. Dans le quartier de La Bourgogne, 15 % seulement des moins de trois ans sont scolarisés malgré tous les efforts qui ont été faits. J’estime qu’il faut agir dans ce domaine.

En ce qui concerne la culture de l’évaluation, je pense aussi à la culture de la sanction. Même si le projet éducatif territorial (PEDT) et la réforme des rythmes scolaires n’ont rien à voir avec le rapport, nous avons, avec la maire de Lille, récemment interrogé la ministre parce que nous avons le sentiment que le samedi matin n’a pas toujours été soutenu par l’État et qu’il a même été plombé par certains agents de l’État. Alors que le taux d’absentéisme dans ma commune était de 25 % ces trois dernières années, les services de l’État n’ont rien fait pour y remédier. Les parents n’ont pas déposé leurs enfants à l’école le samedi matin et c’est passé comme une lettre à la poste ! Il n’y a pas de meilleur moyen pour plomber un dispositif. Avec une quinzaine de maires, toutes tendances confondues, nous avons envoyé un courrier pour demander si nous pouvions prolonger d’un an ce dispositif et étendre le périmètre d’évaluation, aujourd’hui limité à Lille, aux quatorze communes de la métropole européenne de Lille concernées par le dispositif.

En ce qui concerne le dispositif « Plus de maîtres que de classes », j’ai le sentiment qu’on est un peu angélique en matière d’évaluation. Dans le Nord, on a tendance à considérer que tous les enfants qui sortent du CE1 savent lire. Personnellement, je me demande comment on peut soutenir une telle affirmation, parce qu’aujourd’hui, ce sont les maîtres et les inspecteurs qui « déclarent » la réussite, sans qu’aucune évaluation professionnelle n’ait été faite. On peut donc s’interroger. D’autant que le centre Alain-Savary, au sein de l’Institut français d’éducation à Lyon, a rappelé ses doutes sur l’utilité d’un tel dispositif qui, à mon sens, a été trop peu piloté.

Tels sont les points que je souhaitais aborder : la culture de l’évaluation ; les partenariats consolidés dans le cadre d’un vrai contrat de confiance gagnant-gagnant, avec l’assurance de la pérennité des moyens, faute de quoi on court après l’argent, et donc, les dispositifs sont fragilisés. Dans les années à venir, il faudra faire plus que s’interroger sur la place de la collectivité dans le système scolaire. Il faudra lui donner plus d’autonomie et lui faire davantage confiance.

Je peux vous le dire, les seize années que j’ai passées en tant que maire ne m’ont pas toujours amené à aimer l’Éducation nationale. Je fais beaucoup d’efforts, mais honnêtement, c’est compliqué…

Mme Valérie Corre. Cher Yves Durand, c’est avec un réel plaisir que j’ai écouté ce matin votre point d’étape. Vous avez rappelé l’esprit de la loi et la nécessité de son appropriation par les différents personnels et le ministère.

Je veux revenir sur la question du temps de l’action publique. Comme vous l’avez dit, nous avons choisi de mettre en place la réforme en bloc et non à petites doses, au risque de mettre en difficulté les personnes chargées de son application. Nous l’avons fait parce que différents constats tels que les enquêtes PISA, la suppression des postes dans les classes, la diminution de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, renforçaient ce déterminisme économique et social qui nous est insupportable.

Aujourd’hui, il convient de se demander combien de temps il faut laisser à la réforme pour continuer à vivre. Après un rapport assez alarmiste en 2015, vous notez avec satisfaction, et l’on ne peut que s’en féliciter, que l’année 2016 a permis de monter en puissance et de voir que les choses se mettaient en place. N’est-ce pas le propre de la loi que de prendre le temps de se l’approprier et de la mettre en œuvre ?

Le temps de l’évaluation étant par essence long, il faut entre cinq et dix ans, ou au moins le temps d’une cohorte, avant de pouvoir dresser un bilan de la réforme qui a été mise en œuvre en 2012-2013. Quels outils peut-on mettre en place pour la laisser vivre jusqu’au bout ?

Je formulerai une inquiétude quant au comité de suivi. Vous connaissez mon attachement à la relation entre l’école et les parents. À la page 16 de votre rapport, vous énumérez les différents acteurs que vous avez rencontrés – enseignants, inspecteurs, formateurs –, mais il me semble que vous ne parlez pas des parents. Comment peut-on évaluer une loi qui affirme l’importance du principe de la coéducation sans rencontrer les parents ?

M. Michel Herbillon. Monsieur le président, à mon tour, et à la suite de l’excellent propos de mon collègue et ami Frédéric Reiss, je veux, en tant que vice-président de la Commission, vous remercier et vous féliciter pour la manière dont vous avez conduit nos travaux tout au long de la législature. Vous avez veillé à donner la parole à l’opposition et à ce que nos relations soient empreintes de cordialité, indépendamment des positions diverses que nous pouvions avoir ou de nos désaccords, parce que l’Assemblée nationale, l’hémicycle et les commissions sont le lieu de la démocratie et de la confrontation des idées. Nous avons bien travaillé, nous avons beaucoup travaillé, comme l’illustre le rapport d’information sur le bilan de l’activité de notre commission. J’ai apprécié également la manière dont vous avez conduit nos réunions de bureau. Je veux également remercier et féliciter toute l’équipe des administrateurs qui assistent les députés dans le cadre de leur mission avec beaucoup de compétence et de professionnalisme. Je veux dire enfin à l’ensemble de nos collègues qu’il règne dans cette commission un bon climat, une cordialité dans les relations, quels que soient nos divergences et nos points de vue.

Monsieur Durand, je ne vous interrogerai pas sur votre rapport…

M. Le rapporteur. Mais je vous répondrai quand même !

M. Michel Herbillon. …mais je tiens à vous dire que vous êtes un très bon connaisseur des questions d’éducation, ce qui a été très précieux pour notre commission, et un très bon défenseur de la politique qui a été menée au cours de ces cinq dernières années, bien qu’évidemment, vous le savez, nous ne l’approuvions pas.

Mme Sandrine Doucet. Je veux remercier Yves Durand pour le travail qu’il a effectué et tous les collègues qui ont œuvré avec lui, et plus largement me féliciter du travail qui a été mené ici pendant cinq ans, dans un climat apaisé et de respect des uns et des autres.

Je suis tout particulièrement attachée au Conseil supérieur des programmes puisque j’en fais partie. Vous avez soulevé la question de l’indépendance de cette instance, évoqué les chantiers qui auraient pu être abordés et le manque de communication. Si des chantiers n’ont pu être abordés, c’est par manque de temps parce que nous avons mené un très large travail, notamment sur la réforme des programmes. Je partage vos remarques en ce qui concerne le manque de communication. La solution réside peut-être dans une meilleure publicité de tous nos débats qui ont été la véritable genèse de ces travaux, cette absence de publicité étant liée au manque de moyens humains que vous soulignez. À cet égard, je rejoins l’une de vos recommandations qui vise à faire du CSP une agence à part entière, ce qui suppose qu’elle bénéficie de moyens humains conséquents. Aussi, pouvez-vous nous donner des précisions sur les modalités de l’indépendance et de la constitution de cette agence à part entière, ce qui conditionne aussi peut-être de meilleures relations avec d’autres organismes que vous soulignez dans le rapport ?

Vous ouvrez des perspectives à la fin de votre rapport, notamment celle de la recherche en matière d’éducation que je relie au rôle des collectivités territoriales en termes de lieu de pratiques éducatives. Je me reconnais ici dans les préconisations que j’ai faites moi-même dans le rapport sur l’éducation artistique et culturelle qui se penche plus particulièrement sur la fonction des communautés de communes qui sont un véritable laboratoire en termes d’innovation pédagogique. Quelles perspectives donnez-vous à l’innovation pédagogique à l’issue de vos travaux dont je salue évidemment la qualité ?

M. Xavier Breton. Monsieur le président, à mon tour je tiens à vous remercier pour la qualité de nos travaux et pour le bon climat qui a régné dans cette commission tout au long de la législature.

Chaque année, le CEVIPOF mesure la confiance qu’ont nos concitoyens envers les institutions. Cette année, deux institutions sont en baisse : les partis politiques et l’école qui chute de trois points – au total, l’école aura reculé de sept points entre 2012 et 2017. Comment interpréter cette baisse de confiance des Français envers notre école, si ce n’est à la lumière des réformes qui ont sans doute été mal comprises et qui ont été imposées – je pense aux rythmes scolaires, à la réforme du collège, à la réforme des programmes ? Nous pouvons tous nous inquiéter, au sein de cette commission, de voir que l’école est l’institution qui perd le plus en termes de confiance de nos concitoyens.

Mme Colette Langlade. Cher Yves Durand, je souhaite mettre l’accent sur le dispositif « Plus de maîtres que de classes » qui fait partie de la loi pour la refondation de l’école de la République. Ce dispositif a pour objectif de prévenir la difficulté scolaire en permettant de nouvelles organisations pédagogiques au sein même de la classe pour mieux remédier aux difficultés d’apprentissage et conduire chaque élève à la maîtrise des compétences de base dans le cadre du socle commun.

Le dispositif est très innovant et suscite plusieurs retours de nombreux citoyens qui pensent que « Plus de maîtres que de classes » c’est un maître en plus dans l’école pour quelques élèves. Or nous savons que l’enseignant supplémentaire n’est pas et ne doit pas être le spécialiste des élèves en difficulté. La priorité doit donc être donnée au co-enseignement dans la classe, à l’action articulée et conjointe des enseignants pour aider aux apprentissages de tous les élèves. Il reste donc encore des progrès à accomplir et un travail à effectuer pour mieux faire connaître le sens et l’intérêt de ce dispositif. Comment le Gouvernement peut-il assurer cette meilleure communication ?

Il est particulièrement important que les efforts et progrès réalisés en matière d’éducation soient partagés sur l’ensemble du territoire. Je souhaiterais savoir si un bilan de la répartition des innovations pédagogiques sur le plan numérique, les espaces pédagogiques de travail, le domaine du numérique éducatif sur le territoire avait été établi et si des inégalités étaient apparues.

Enfin, je tiens à remercier le président et l’ensemble des collègues pour avoir assuré pendant ce mandat de cinq ans un travail accompli, quel que soit le thème étudié, dans une ambiance toujours harmonieuse et constructive.

Mme Véronique Besse. Je veux m’associer aux propos de mes collègues pour vous remercier, monsieur le président, pour la tenue de nos réunions de commission.

Je remercie Yves Durand pour ce rapport complet qui porte sur le sujet primordial de l’école. Une année supplémentaire et un rapport de plus, et malheureusement sans doute toujours les mêmes résultats. Votre rapport est d’ailleurs honnête car vous reconnaissez rapidement et simplement que les résultats de nos écoliers sont toujours en berne, notamment lors des classements PISA. Dont acte. C’est d’après ce constat que nos points de vue vont sans doute diverger, me semble-t-il. Vous expliquez en effet que si les résultats ne sont pas satisfaisants, c’est parce qu’il faut prendre en compte ce que vous appelez le temps de la réforme. Certes, on peut vous le concéder, mais cela soulève quelques interrogations. À quoi sert donc ce rapport s’il ne peut pas juger des résultats concrets de cette réforme ? N’aurait-il pas mieux valu attendre 2018, soit cinq ans après la réforme, pour pouvoir programmer un rapport et donc analyser les résultats avec objectivité ?

Comme beaucoup de réformes dans le domaine scolaire, cette réforme est une nouvelle fuite en avant puisque nos enfants ne savent plus écrire, ni lire, ni compter. Nous misons sur le numérique pour combler ce manque, au lieu de pallier l’absence des fondamentaux que l’école a pour mission première d’enseigner. Nos enfants n’apprennent plus notre histoire car nous leur en enseignons une autre, bien sûr toujours plus désincarnée et simpliste, détachée de la plus évidente des logiques chronologiques. Le résultat est que nos enfants ont un niveau général plus faible. Alors nous continuons ce nivellement par le bas : effacement des fondamentaux dans un florilège de matières sans réel intérêt pour les enfants, effacement du savoir dans la formation des enseignants grâce à un melting-pot de matières qui ont peu de sens.

Bien entendu, mes questionnements n’enlèvent rien à vos travaux et remarques intéressantes de la suite du rapport.

M. Jacques Cresta. Je souhaite féliciter le président Patrick Bloche ainsi que l’ensemble de mes collègues pour la qualité du travail de notre commission durant cette législature. Notre action a permis de nombreuses avancées dans les domaines éducatif et culturel, et il me semble que cette commission a été un excellent relais des attentes exprimées dans nos territoires.

La loi de refondation de l’école est et demeurera l’une des grandes lois de ce quinquennat, fixant un cadre nouveau à la politique éducative française.

Je souhaite, pour ma part, interroger le président du comité de suivi sur la mise en œuvre des dispositions de cette loi relatives au numérique. Je me réjouis que ce volet numérique, si important pour donner à nos jeunes toutes les clés de réussite dans un monde en constante évolution technologique, soit largement développé dans ce rapport. Ce sujet me tient à cœur car dans ma région, anciennement Languedoc-Roussillon, nous avions pris ce dossier à bras-le-corps dès 2010 avec le dispositif LoRdi qui mettait à la disposition de tous les élèves de seconde un ordinateur portable qu’ils peuvent utiliser durant ou en dehors du temps scolaire. La loi pour la refondation de l’école de la République permet de prolonger ce travail en repensant dans son ensemble le service public du numérique éducatif. Le comité de suivi note une grande disparité des pratiques selon les territoires et les établissements.

Au vu des conclusions de votre rapport, comment pourrait-on généraliser les bonnes pratiques, promouvoir les expériences les plus positives ? Je pense notamment aux plateformes de travail collaboratif à plusieurs élèves qui fonctionnent très bien dans de nombreux établissements, et aux outils de travail à destination des élèves nécessitant un suivi personnalisé pour une remise à niveau dans certaines matières.

Ma seconde question porte sur la formation des enseignants à ces nouveaux outils, condition indispensable à la réussite de la pédagogie numérique. Concernant la formation initiale, comment se concrétisent dans les ESPE les dispositions instaurées par l’article 70 de la loi pour la refondation de l’école ? Concernant la formation continue, comment évaluez-vous les outils existants, notamment le dispositif M@gistère qui offre aux enseignants une large palette de formations pour se former à distance ?

Mme Julie Sommaruga. Monsieur le président, je vous remercie pour ces cinq années passées dans cette commission dynamique.

Le rapport d’Yves Durand souligne très justement l’importance d’inscrire dans la durée le chantier de la refondation de l’école. Si les réformes que nous avons engagées ces cinq dernières années commencent à porter leurs fruits grâce à un budget en hausse de 8 milliards depuis 2012, qui a permis notamment la création de 60 000 postes d’enseignants, le rétablissement de la formation avec les écoles du professorat, la lutte contre le décrochage scolaire avec 40 000 décrocheurs en moins, l’augmentation de la scolarisation des moins de trois ans et des élèves en situation de handicap, les réformes des programmes et de l’éducation prioritaire ou le plan numérique, nous savons que ces réformes nécessitent du temps. Du temps tout d’abord pour réparer les dégâts causés par dix ans de droite au pouvoir qui, par choix idéologique, a sacrifié l’école de la République – moins de moyens, moins d’enseignants – ; du temps ensuite pour que les réformes engagées donnent des résultats.

Je veux aborder un point incontournable de votre rapport : la relance de l’attractivité du métier d’enseignant. Cette tendance, et c’est un soulagement, se confirme avec une hausse globale de l’inscription des étudiants en ESPE de près de 15 % cette année. C’est le résultat de nombreuses mesures indispensables prises par le Gouvernement pour revaloriser le métier d’enseignant, comme le rétablissement de la formation initiale, la hausse des moyens alloués à la formation continue même si nous savons que dans ce domaine de nombreux efforts sont encore à fournir, ou encore la revalorisation de la rémunération des enseignants. Voilà des mesures qu’il faut encore fortement amplifier et qui, je l’espère, ne seront pas supprimées car cela mettrait l’école en danger.

Néanmoins, dans certaines académies comme la mienne, même si la situation s’améliore grâce aux créations de postes et aux recrutements supplémentaires, nous nous heurtons encore à des difficultés pour pallier les absences. Comment renforcer encore davantage l’attractivité du métier d’enseignant ? Quel rôle peut jouer la formation, et en particulier les ESPE ? Enfin, quelles mesures préconisez-vous pour la situation particulière de la voie professionnelle ?

M. Michel Ménard. Monsieur le président, permettez-moi de m’associer à tous les mots de remerciements et de félicitations qui vous ont été adressés pour la manière dont vous avez présidé cette commission.

Je tiens à saluer le travail effectué par le comité de suivi de la loi pour la refondation de l’école. Ce texte, dans lequel de nombreux parlementaires s’étaient investis, avait été élaboré longuement et fait l’objet de nombreuses auditions des acteurs du système éducatif et des partenaires de l’école, avant d’être voté au mois de juillet 2013.

Vous l’avez dit, la réforme s’applique. Je note que la mobilisation des enseignants est plus forte que ce que l’on peut entendre ou lire ici ou là. La grande majorité des enseignants se sont en effet mobilisés et ont voulu réussir la réforme que nous avons votée.

Pour que cette loi puisse être pleinement applicable et que nous en voyions les effets positifs, il faut un temps long. C’est ce que nous disent les enseignants que nous rencontrons régulièrement, parce que la réforme est très lourde à mettre en place. Ce temps de l’appropriation est absolument indispensable.

Comme l’a dit l’un de nos collègues tout à l’heure, le message des enseignants est souvent celui-ci : « laissez-nous travailler, pour les élèves surtout ». Je forme le vœu que nous permettions à cette réforme de s’appliquer pleinement dans les années à venir. Puis viendra le temps de l’évaluation. Mais rien ne serait plus préjudiciable à mon sens pour les élèves que de tout remettre en cause alors qu’il faut vraiment du temps pour que cette réforme puisse véritablement porter ses fruits.

J’ai lu avec attention ce que vous écrivez à propos de la formation des enseignants, la création des ESPE, l’attractivité relancée pour le métier, la formation en alternance à consolider, la redéfinition du budget de projet, la professionnalisation du contenu du concours. Les connaissances des élèves étant déjà évaluées avec le Master, l’enjeu est bien de recruter de futurs enseignants qui auront les capacités pédagogiques pour exercer ce métier exigeant. Vous avez rappelé l’engagement réciproque employeur université, parce que l’Éducation nationale est amenée à recruter des fonctionnaires qui devront travailler une quarantaine d’années à son service, et d’abord à celui des élèves. L’enjeu est de recruter de futurs enseignants qui pourront donner le meilleur d’eux-mêmes et être capables de transmettre le savoir.

Ma question portera sur la gestion des ESPE. Vous dites qu’il faut favoriser la maîtrise par les ESPE de leur pilotage propre. Comment voyez-vous la mise en place de cette recommandation ? Lors de la mission d’information que nous avons pilotée avec Frédéric Reiss, nous avons bien vu qu’il était difficile de mettre en place, dans certaines ESPE, les objectifs que nous avons assignés dans la loi pour la refondation de l’école, en raison des relations parfois compliquées avec le rectorat et l’université.

Mme Martine Martinel. Monsieur le président, je m’associe à tous les compliments qui vous ont été adressés en tant que président et pour ce que vous êtes.

Je tiens à remercier Yves Durand pour ce rapport et revenir sur quelques questions qui ont déjà été évoquées. Dans vos préconisations, vous soulignez la nécessité de conforter l’identité de l’ESPE comme « l’école supérieure où l’on apprend à devenir enseignant ». Vous demandez de « favoriser la maîtrise par les ESPE de leur propre pilotage : direction, pilotage, suivi et l’évaluation de l’action ». Pourriez-vous nous en dire plus sur ces préconisations ? Vous avez aussi évoqué le rôle et la place de la recherche dans le parcours des ESPE et des enseignants tout au long de leur carrière et suggéré la création d’une agence. Là aussi, peut-être pourriez-vous nous en dire plus ?

Vous avez parlé du Conseil supérieur des programmes, mais nous n’avons qu’une publicité très parcellaire de ce qu’il fait. Je pense en particulier à la question du prédicat qui a été évoquée sans explication pour remplacer le complément d’objet direct. Cela a fait grand bruit alors que le prédicat existe en linguistique depuis des années. Finalement, cette proposition est tombée dans une espèce de polémique d’où rien n’est sorti, si ce n’est l’impression que cette instance est totalement inutile.

M. Pascal Demarthe. Je veux m’associer aux propos de mes collègues pour rendre hommage au président Patrick Bloche, qui a su instaurer une cohésion de travail efficace et respectueuse au sein de notre commission.

Je tiens à remercier Yves Durand pour son rapport qui apporte un éclairage sur l’action menée par la majorité tout au long de ce quinquennat, en particulier en ce qui concerne la loi pour la refondation de l’école. Refonder l’école est un projet ambitieux qui nécessite à la fois d’investir dans les moyens humains pour le primaire et le secondaire, dans la formation des enseignants, dans le numérique et dans l’éducation prioritaire.

Je veux revenir sur un sujet qui reste d’actualité, celui de la formation de nos enseignants évoqué par plusieurs de mes collègues. Vous indiquez dans le rapport qu’il faut « dépasser le discours en négatif sur les ESPE, consistant à préconiser de ne pas reproduire les IUFM » et vous recommandez de définir plus clairement le rôle de l’ESPE. Depuis plus de trois ans maintenant, les ESPE forment en alternance nos jeunes enseignants. Il faut insister sur cette vocation professionnelle. L’ESPE doit garantir des savoir-faire professionnels à nos jeunes enseignants.

Le rapport de la mission d’information sur la formation des enseignants montre que des difficultés persistent et qu’un certain nombre de démissions sont constatées chez les enseignants stagiaires. Doit-on reconsidérer le fonctionnement et la formation au sein des ESPE ? Beaucoup de stagiaires se plaignent en effet de ne pas avoir été suffisamment préparés et témoignent de l’aspect trop théorique de l’enseignement reçu ainsi que du décalage avec la réalité sur le terrain. Que pouvez-vous nous dire sur ce constat ?

M. Émeric Bréhier. Intervenir à la fin de la discussion présente l’avantage de ne plus avoir besoin de faire des remerciements abondamment effectués. Aussi je m’exonérerai de cette tâche !

Beaucoup d’entre nous s’étonnent de la difficulté temporelle à mettre en place une loi. Pourtant, c’est le principe même de l’action législative. On sait qu’il faut du temps entre le moment où nous légiférons, le moment où les décrets sont publiés et le moment où les textes, qu’ils soient d’ordre législatif ou réglementaire, sont appliqués et véritablement pris en compte par l’ensemble des acteurs. Et cela est encore plus vrai en ce qui concerne l’Éducation nationale.

Nous sommes confrontés à de graves difficultés dans la mesure où cette loi pour la refondation de l’école n’a malheureusement pas fait l’objet d’un consensus, sinon d’un compromis national, ce qui a été le cas bien souvent dans nombre de pays qui ont mis en place des politiques pour contrecarrer en quelque sorte ce que l’on a appelé le choc PISA. Nos échanges fort courtois de ce matin le confirment et on peut le regretter. Je sais bien qu’il faut sans cesse affirmer, surtout à quelques encablures d’une élection présidentielle, ce qui nous distingue, et c’est sain pour la vie démocratique. Il n’empêche que nous devrions pouvoir être capables de nous élever sur certains sujets au-delà d’un certain nombre de conjonctures. Certains propos qui ont été tenus ce matin ne sont pas toujours fondés. C’est le cas de celui qui a été tenu à l’instant par une de nos collègues, d’autant que les enquêtes PISA datent puisqu’elles ont été faites sur des cohortes avant 2012. Si l’on veut parler des faits, évitons de le faire avec des œillères.

Beaucoup ont expliqué que cette loi faisait bloc. En réalité je pense qu’elle fait plutôt socle, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Cette loi nous permet de bâtir ce que doit être une éducation nationale dans les prochaines années. C’est un socle sur lequel nous devons nous appuyer pour continuer à réformer l’Éducation nationale afin de donner à l’ensemble de nos enfants, d’où qu’ils viennent, les mêmes chances d’épanouissement.

Je pense, comme ma collègue Marie-George Buffet, et nous l’avions dit en présence du ministre de l’Éducation nationale d’alors, que nous avons raté le coche en ce qui concerne le concours enseignant. Je continue à penser que, compte tenu des phénomènes de ségrégation sociale dans l’accès aux diplômes de l’enseignement supérieur, nous aurions dû et que nous devrions, dans les années à venir, mettre en place le concours en troisième année de licence (L3) et non plus en première année de master (M1). Nous savons en effet qu’il y a un plafond de verre entre l’obtention de la licence et le passage en M1, en raison des phénomènes de reproduction sociale qui s’accroissent au fur et à mesure que l’on progresse dans les diplômes de l’enseignement supérieur. Le concours doit retrouver sa place d’élément de l’ascenseur social de la République. Si nous ne le faisons pas, nous passerons à côté de ce que doit permettre l’Éducation nationale, c’est-à-dire donner à chacune et à chacun les moyens de son épanouissement personnel.

M. Patrick Vignal. Moi qui suis le transfuge d’une autre commission, je veux remercier Yves Durand et Patrick Bloche et l’ensemble des membres de cette commission pour leur accueil chaleureux. Si on devait remettre aujourd’hui un César, vous auriez tous les deux le César de la politique et du rassemblement…

Plus sérieusement, je me réjouis que cette commission ait porté deux lois, l’une sur la transparence du sport professionnel, dont Mme Jeanine Dubié était la rapporteure, l’autre sur le monde associatif. Je pense que ce monde associatif, qui est peuplé de 16 millions de bénévoles, a besoin de travailler.

Il faudrait engager une réflexion sur l’ascenseur social que peut représenter l’école, mais surtout sur l’urbanisation. Peut-être faudra-t-il repenser la façon dont on peut créer une mobilité urbaine afin que nos enfants puissent se déplacer et que ce ne soit pas toujours les mêmes qui aillent dans les meilleurs établissements.

Aujourd’hui, chacun est malheureusement trop dans sa posture, dans ses clichés, dans son appartenance, et je le regrette. Vous avez montré, monsieur le président, que l’on pouvait aller très loin lorsque l’on posait sereinement le débat. Si j’osais, je dirais que vous avez un cœur aussi grand que l’univers et je veux vous en remercier.

M. le président Patrick Bloche. Il était temps d’arriver au terme de ce débat. Je crains toujours les surenchères en politique ! Mes chers collègues, je vous remercie pour tous vos propos auxquels je suis très sensible.

M. Yves Durand. Le comité de suivi n’avait pas pour mission de refaire le débat de la loi, mais d’examiner comment elle s’applique, jusqu’à ce que la représentation nationale en vote une autre dans le temps qui doit être celui d’une loi sur l’école, comme l’a rappelé à juste titre Frédéric Reiss. Je ne répondrai donc pas aux questions qui concernent la réforme du collège et les rythmes scolaires puisqu’ils ne figurent pas dans la loi.

Emeric Bréhier, cette loi a été appliquée en bloc, c’est-à-dire d’un coup si je puis dire, mais comme vous l’avez dit c’est un socle. Du reste c’est ce que nous avons voulu en disant que cette loi était dynamique. Elle devait être un socle qui permet d’ouvrir d’autres chantiers et des perspectives, et non une loi qui renferme et apporte des solutions toutes faites ne varietur. Ces chantiers doivent évoluer dans le temps parce qu’ils sont en rupture avec certaines habitudes, cultures et pratiques ancrées depuis longtemps, quelle que soit la responsabilité des uns et des autres. Le cycle 3 qui figure dans la loi s’inscrit nécessairement dans le temps. Il ne peut pas se faire dans un seul mandat, même s’il est nécessaire de l’impulser dans le cadre de celui-ci, car il réclame un profond changement dans les cultures et dans les statuts. Nous devrions trouver, sinon un consensus, du moins des points d’accord.

Vous avez accueilli avec intérêt les recommandations que nous faisons dans ce rapport. Vous nous demandez ce qu’elles deviennent une fois qu’elles ont été débattues, discutées, et parfois même approuvées au cours de nos échanges. Cela pose le problème plus général du rôle je dirai presque constitutionnel du Parlement qui est non seulement de faire la loi mais aussi de contrôler et d’évaluer son application. Si nous nous contentons de faire la loi sans nous préoccuper de la manière dont elle s’applique concrètement au quotidien, nos citoyens considéreront de plus en plus que nous sommes en chambre close et que nous nous intéressons seulement à nos propres problèmes et non à l’intérêt général. Vous avez noté, les uns et les autres, l’importance de l’existence de ce comité de suivi, en dehors de son travail. Il y a, là aussi, un vrai sujet de réflexion pour les parlementaires que nous sommes.

La scolarisation des enfants moins de trois ans est un objectif qui n’est pas totalement atteint. Il existe des résistances de toutes sortes, à la fois matérielles – les communes ont parfois des difficultés à offrir des locaux –, et culturelles, notamment de la part de certaines familles auxquelles cette mesure s’adresse justement. En la matière, la pédagogie est nécessaire parce que lorsque l’on touche à l’humain le temps est nécessairement plus long que la simple application des décrets. Du reste, et je pense que vous serez d’accord, il faudrait cesser de gérer l’Éducation nationale avec des circulaires.

Colette Langlade, un certain nombre de comités de suivi ont été mis en place par le ministère sur chacun des dispositifs, qu’il s’agisse du dispositif « plus de maîtres que de classes », de la scolarisation des enfants moins de trois ans ou de la prise en compte des ESPE.

Effectivement, les ESPE constituent le point central. Nous sommes en train de réussir la professionnalisation, mais il faut aller plus loin. Si nous ne parvenons pas à professionnaliser le métier d’enseignant, donc la formation, nous n’arriverons pas à refonder l’école. Les directeurs d’ESPE, auxquels je rends un hommage vibrant, effectuent un travail remarquable.

Emeric Bréhier, nous avons déjà eu de longues discussions sur la place que l’on doit donner au concours. Les préconisations que nous faisons en ce qui concerne la nature du concours doivent être prises en compte. D’ailleurs, la ministre de l’Éducation nationale est convenue qu’il faut parvenir à une évolution dans un cadre national, tout en laissant aux ESPE une liberté de pilotage afin qu’elles puissent s’intégrer dans leur environnement local avec les partenaires qui sont les leurs.

Concernant les programmes, comme je l’ai dit tout à l’heure, je suis favorable à la création d’une agence. Je pense qu’il faut qu’elle sorte du simple milieu de l’Éducation nationale et que la composante sociale de la société fasse partie de cette agence qui sera chargée d’élaborer ce que l’on doit apprendre aux élèves. Si je ne m’abuse, le CSE québécois est composé de représentants syndicaux, patronaux et de la société civile. Cette agence doit être représentative de la nation, et ne pas être composée uniquement des experts de l’Éducation nationale, sinon elle ne sera pas vraiment indépendante, quelle que soit par ailleurs la volonté des uns et des autres.

Je veux dire à Xavier Breton que je n’ai pas entendu parler de ce sondage sur la perte de confiance des Français vis-à-vis de leur école. S’il y a bien une institution en laquelle les Français ont confiance, c’est leur école. Peut-être d’ailleurs lui en demandent-ils trop, ce qui conduit à cette pseudo-perte de confiance.

C’est la dernière fois que je siège ici puisque je ne serai pas candidat lors des prochaines élections législatives. En tant que parlementaire et en tant qu’enseignant, j’en ai un peu assez d’entendre sans cesse cette affirmation éculée selon laquelle l’école serait en crise. L’école a des difficultés, il faut qu’elle s’adapte, qu’elle anticipe l’avenir puisqu’elle doit former à des métiers que l’on ne connaît pas encore ; c’est un défi extraordinaire. Mais ayons la lucidité de dire qu’aucune entreprise, aucune institution n’aurait réussi à prendre en compte l’ensemble des enfants dans toute leur diversité dans une situation de chômage massif depuis 1974 et réussi, comme l’a fait l’école, à les porter au plus haut niveau. Il faut défendre notre école. S’il pouvait y avoir un consensus sur ce point, ce serait une bonne chose.

M. le président Patrick Bloche. Cher Yves Durand, vous avez terminé votre intervention sur un « coup de gueule », et je crois que vous avez eu raison. Il illustre bien à quel point nous sommes collectivement attachés à cette belle école de la République.

La séance est levée à douze heures cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 22 février 2017 à 9 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Pouria Amirshahi, M. Benoist Apparu, Mme Laurence Arribagé, Mme Isabelle Attard, Mme Véronique Besse, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, M. Bernard Brochand, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Bernard Debré, M. Laurent Degallaix, M. Pascal Deguilhem, M. Pascal Demarthe, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Herbillon, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Vincent Ledoux, M. Dominique Le Mèner, Mme Annick Lepetit, Mme Martine Martinel, M. Michel Ménard, M. Christian Paul, Mme Stéphanie Pernod Beaudon, M. Michel Piron, Mme Régine Povéda, M. Christophe Premat, M. Frédéric Reiss, M. Rudy Salles, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert, M. Yannick Trigance, M. Patrick Vignal

Excusés. – M. Ary Chalus, M. Jean-François Copé, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Romain Joron, Mme Sonia Lagarde, M. Alfred Marie-Jeanne, M. François de Mazières, M. Marcel Rogemont, M. Jonas Tahuaitu

Assistait également à la réunion. – M. Philippe Vigier